jeudi 5 septembre 2019

LE NAVIGATEUR ESPAGNOL FRANCISCO ANTONIO MOURELLE (APPELE EN FRANÇAIS MAURELLE), LA DERNIÈRE NAVIGATION SUPPOSÉE DE LAPEROUSE, A LA RECHERCHE DES ILES DE BELLE -NATION ET SAN - BERNARDO.


LE NAVIGATEUR  ESPAGNOL FRANCISCO ANTONIO MOURELLE (APPELE EN FRANÇAIS MAURELLE),   LA DERNIÈRE
NAVIGATION SUPPOSÉE DE LAPEROUSE,  A LA RECHERCHE DES ILES DE BELLE -NATION ET SAN - BERNARDO.
Bibliographie : Traduction française   de Quiros, Histoire de la découverte des régions australes, l’Harmattan, 2001. par Annie Baërt.
La malédiction de Lapérouse,1785 -2008 ,par Dominique Le brun, pour le, Journal de Lapérouse et ceux  de Dillon et de Dumont
d’ Urville.
The lost caravel , par Robert Langdon, première édition.
Mentions de Maurelle :
1Philippe Buache (mort en 1773), Extraits et commentaires des voyages de Mendana ,  Fondad …  et Maurelle (1781).
2 Carte d’une partie  du grand océan à l’est et Sud-Est de la Nouvelle-Guinée pour l’intelligence du voyage de la frégate espagnole la Princesa commandée par Franc.Antonio Maurelle en 1781, publié en 1797 pour servir au voyage de Lapérouse.
3 Journal de bord publié à Londres et qui servit à Cook.
Extraits dans Rienzi, Océanie, tome 3, p. 33, les Tonga, Lataï (Latte) et Vavao découvertes en 1781, appelée Amargura par Mourelle, fêtes qui lui sont données, p.87b sqq.
Les îles de San Bernardo :
1 Les îles de San Bernardo, op ;cit ., P .64 : second voyage de Mendana  auquel participe Quiros comme capitaine, elles sont découvertes le 20 août 1595 , jour de la saint Bernard, d’où leur nom. Il s’agit de 4 très petites îles basses , couvertes de cocotiers , inhabitées. Elles sont identifiées par A . Baërt avec les îles Cook du nord, Puka Puka, mais elles sont bien plus probablement situées  dans les parages des îles de la Ligne, Kiribati, et il s’agit peut-être de l’atoll de Caroline. L’île « Solitaire », op. cit., p.64, découverte par Quiros  immédiatement après cette île San Bernardo,   est identifiée avec une île Danger de Byron  ,proche des îles Gilbert (Kiribati) et coïncide peut-être avec l’île appelée aujourd*’hui Christmas.
2 P.223.Il existe  une autre île San Bernardo, confondue avec les précédentes, et qui, pour nous, est bien plus intéressante. Son nom est l’altération du nom du pilote du navire- amiral Juan Bernardo de Fuientiduna qui la découvrit le 21 février 1606 ; Maurelle en 1781 y prit pied.
Il s’agit aujourd’hui  de  Uiea aux Tongaarchipel  comprenant un îlot au nord-est appelé Whythubou par Dillon (diverses orthographes, comme  Ui a-tapou [avec l’ajout de tapou, qui signifie sacré, provient de ce que cette île abrite une nécropole royale ancienne]). Dès l’époque de Quiros, elle faisait l’objet de la part des insulaires de  Rotuma, rangée aujourd’hui dans les Fidji, mais faisant partie culturellement des Tonga, ; de visites destinées à la pêche d’abalones  dont les Polynésiens sont si friands et de nacres ornementales (ormeaux de type haliotis).
Rienzi, Océanie, tome 3, p. 260, nous apprend qu’une pirogue de Rotouma avec 4 hommes dériva par hasard à Ticopia, vers 1800 ; les 4 Rotumiens détrompèrent alors les Ticopiens sur le compte de ces  blancs que les Ticopiens prenaient pour des mauvais génies en leur disant qu’ils étaient bons, qu’ils venaient d’un pays éloigné (l’Europe ) pour leur donner des objets de coutellerie (liste du matériel embarqué in La malédiction Lapérouse, p . 118 :  Lapérouse avait emporté «  7000 couteaux de différentes espèces et grandeurs »)  et de verroterie (op . cit,   p  119 , «  rassades ou grains de verre de couleur, assortis, 1400 paquets » ).
Dillon signale à Rotouma  comme à Nihua des volailles d’origine européenne et non indigènes du Pacifique, ainsi que  des porcs, op. cit ., p . 815. Les Rotoumiens ont parlé de visites fréquentes de blancs. Nous  en connaissons  un certain nombre : en 1781 Maurelle, en 1788 Lapérouse, en  1791,  le Capitaine Edwards,  sur la Pandore, qui   nomma  l’île   Granville, et,  en 1797, Wilson sur le Duff , navire missionnaire. Il faut y ajouter les visiteurs  Espagnols anciens. La proximité dans le temps du passage de Lapérouse en 1788 et du Capitaine Edwards en 1791 explique peut-être l’impression des insulaires sur la fréquence des visites des blancs. Il est tentant de faire de Rotouma une (re)découverte de Lapérouse qui, en 1788, en rapatriant sur leur demande deux insulaires qui s’étaient retrouvés  à Nomouka, (Tonga)  a découvert cette île isolée.
. Whythubou et ses pavas (abalones) retrouvés à Vanikoro dans les épaves de Laqpérouse.
La preuve que Lapérouse a bien mouillé à Rotouma où il a pu se procurer les précieux coquillages de Ui-tabou nous est fournie par la découverte, dans les épaves de Vanikoro,  de  trois espèces différentes de pawa  ou ormeaux (altération de orel,oreille, puis ormeille, ormeau) qui venaient probablement de Whythubou , dont Haliotis australis, ou pava d’argent, d’un blanc très brillant,  la plus réputée pour les Polynésiens . De même, c’est à Rotuma  que Lapérouse a recueilli les quelques poignées de piastres métalliques provenant de l’Espagnol Maurelle en 1781 ,à bord de la Princessa : monnaies en argent Carolus III datée de 1778, 1779 et 1784,   2 pièces Carolus III, mais sans  date  lisible, ainsi qu’un ormeau et un coquillage catalogué comme « grosse huître »,  tous découverts à Vanikoro dans les épaves de Lapérouse.. Rienzi écrit, op. cit.,  t..3, p. 272 : « les Rotumiens ont connaissance de plusieurs îles de leur voisinage ; ils visitent les îles Viti [Fidji], Tonga, Niouha et Waï-toubou. Ils vont souvent chercher dans cette dernière des coquilles blanches, objet précieux pour eux ; ils ont été quelquefois entraînés jusqu’à Vanikoro. Ils disent que les habitants de Niouha sont de la même race qu’eux, mais d’une couleur un peu plus foncée et qu’ils sont de plus anthropophages. » L’ archipel de Niouha consistye en 2 îles des Samoas, découvertes en 1616, Rienzi, op. cit., p . 24a
« On y trouva un vieux canoë échoué, écrit Quiros.  L’île de San Bernardo recèle, dans une eau peu profonde, un très grand nombre de poissons de diverses sortes, que l’on tuait avec l’épée ou avec des bâtons. Elle a aussi de très grosses langoustes, des crabes et d’autres crustacés. On y trouva beaucoup de noix de coco, entassées au pied de leur cocotier. Il y en avait de longues et étroites, d’autres plus ou moins grosses et même des petites. Quant aux oiseaux, il y avait des garajos, des pailles -en- queue à longue plume caudale rouge et des bobos maladroits, si nombreux et si effrontés qu’on aurait dit qu’ils voulaient s’en prendre aux hommes. On rapporta de tout en grande quantité [et en particulier les  précieux ormeaux qui nous servent d’indice localisateur].

L’île de Belle- Nation : Rotuma selon moi, rangée dans les Fidji aujourd’hui.
 Dumont d’Urville , cité par le commandant de Brossard, p. 272 ,  dans Rendez-vous avec Lapérouse, déclare dans son rapport officiel au ministre de la Marine : «  Je pensai qu’alors Lapérouse pourrait s’être perdu sur les redoutables récifs des îles Viti [Fidji], qu’il devait aussi explorer … ; je me flattai même de l’espoir  d’y  recueillir quelques notions de son passage  , ou de son naufrage , de la bouche des naturels ;  on verra que mon espoir fut déçu . »  Cette surprenante mention que Lapérouse devait explorer les Fidji  s’explique  par la carte d’instructions remise au chef de l’expédition  avant son départ, carte  où l’on peut voir qu’il devait explorer notamment l’île Turtle ou Tuvana, par 21°Sud et 178°Ouest aux Fidji pour nous. Les Fidji sont à l’époque rangées dans les îles des Navigateurs, comme Rotuma .  L’appellation îles des Navigateurs est plus large que  celle des Samoa à laquelle on les réduit souvent. De plus, à en juger par la lettre envoyée par Lapérouse de Botany Bay le 7 février 1788 à Fleurieu, Lapérouse pensait que les îles de Belle- Nation et de Saint-Bernard que ses instructions lui demandaient de reconnaître faisaient partie de ce  grand archipel des Samoas. .  Parlant du plan de 7  îles des Navigateurs (Samoa) joint à l’envoi de son journal, il écrit :   « les insulaires nous en ont nommé 10 ; et je crois  que ,pour compléter cet archipel, il faut y joindre les îles de Belle- Nation de Quiros  et celles des Cocos et des Traîtres, mais je n’en suis pas rigoureusement certain » (p. 593, La malédiction Lapérouse de Dominique Le Brun ; et voir, p. 563, op. Cit. , les îles des Cocos [Les premiers européens à aborder l'île sont les navigateurs néerlandais William Schouten et Jacob le Maire en avril 1616. Ils abordent Tafahi, où ils échangent des noix de coco avec les habitants (ils baptisent Tafahi « l'île de Cocos »). Au départ, le contact est pacifique] et   l’île des Traîtres de Schouten aperçues par lui au sud d’Oyolava ( Uolava aujourd’hui aux Tonga ). L’île des Traîtres fait partie des Tonga, et le nom autochtone de l'île est Niuatoputapu (parfois retranscrit Niuatobutabu par certains auteurs anglophones du
XIX e siècle ou Niouha). D'après Paul Geraghty et Jan Tent, ce nom dérive du terme (proto-polynésien) niu, « noix de coco » auquel se rajoute le suffixe -a, signifiant « rempli de », en raison de l'abondance des noix de coco sur l'île[. ]L'île a également été nommée « île des traîtres » (Verraders Eylant en néerlandais) par Jacob Le Maire et Willem Schouten en 1616 à cause d'une embuscade subie par les Hollandais et « île de l'Amiral Keppel » (Admiral Keppel Island en anglais) par Samuel Wallis en 1767. Shouten mouilla le 11 mai 1616 à l’île des Cocos, séparée de trois milles de l’île des Traîtres. Il y vit  selon  Rienzi ,  p. 24,  une figure de coq (importé ) peinte sur la voile de leurs pirogues. Il y reçut la visite d’un latou (roi) d’une île voisine , mot qui évoque les datous de Maïndana  et de l’archipel Soulong. Wallis les revit en 1767 et remarqua que les naturels avaient la première phalange du petit doigt coupée en signe de deuil. Wallis les nomma Boscawen et Keppel. Maurelle, en 1781, constata qu’ils parlaient la même langue qu’à Vavao et les appela las  îslas  e la Consolation, car il manquait alors de tout. Les habitants lui ont semblé doux et honnêtes. Lapérouse les vit en 1788.
Lesson, naturaliste à bord de la Coquille de Duperrey en 1824,  cité par Rienzi, op. cit., p.270, écrit d’après des notes venant d’un matelot déserteur du Rochester : « La parure des hommes qui vinrent nous voir, et qui paraissaient jouir d’un certain rang, consiste en une large valve d’huître perlière qu’ils portent sur la poitrine, et qu’ils nomment tifa. Il paraîtrait que l’huître à perles ne se trouve point sur leurs côtes, puisqu’ils recherchent celles que quelques personnes leur offraient, et donnaient une natte de paille très fine pour cinq ou six valves de ce testacé. »

L’île des métis blancs, l’île de Belle-Nation : Rotuma,  oip. Cit., P. 225.

Robert Langdon, dans The lost caravel (première édition de 1957, la meilleure pour nous), p.267 sqq , chapitre 21,La légion des navires perdus, écrit que la caravelle Santiago, avec 45 hommes, et Espiritu Santo , avec 15 hommes,  appartenant à la flotte de Cortès , à la recherche du navire perdu de Magellan (il avait été perdu de vue avec sa cargaison d’épices (1521) ont disparu  corps et biens (1527). Certains membres de l’équipage venaient de Tarraconaise et se retrouvent probablement à Rotuma avec leur nez aquilin et leur chevelure blonde.
Quiros appelle cette ile Peregrina (l’île  des voyageurs étrangers, les blancs de Tarraconaise)l), , tandis que Gonzalez de Leza l’appela la quinzième, Prado, Las Palmas, Vaez de Torrès La Matanza (le massacre) ,et Torquemada Gente Hermosa, la Belle Nation (de race blanche), dernier nom qui s’est imposé. )
  Le professeur Poirier qui s’est intéressé aux cheveux blonds des enfants fidjiens , comme Langdon,  auraient été heureux de lire Quiros sur l’île de Belle-Nation, même si le massacre des  habitants ternit l’image idyllique que le capitaine Quiros  en donne : « On vit la deuxième île habitée , et ce qui s’y passa (le nom la Matanza de Torrès, la tuerie, est révélateur et : ‘L’amiral était si embarrassé qu’il évita d’aller voir le capitaine Quiros  dont on ne dira pas la douleur que lui causait le mauvais comportement de ses hommes ». « Dans les maisons des Indiens, on avait trouvé une grande quantité de nattes très fines…, de longues mèches de cheveux dorés, des tresses petites et bien faites, les unes teintes en noir, d’autres en rouge ou de couleur fauve ; de fines cordelettes fortes et souples qui semblaient faites d’un lin meilleur que le nôtre (sic ! en réalité,  une plante indigène analogue au bourao) et beaucoup de coquilles de nacre [type  haliotis];, toutes aussi grandes qu’une assiette ordinaire ; on en a vu des grandes et des petites, et on en a rapporté : ils en font des couteaux, des scies, des ciseaux de menuisier, des fermoirs (de pendentifs de type tiki maori ], des gouges, des vrilles,et des hameçons. Avec des os, sans doute d’animaux [de mammifères marins disparus  ou d’animaux importés comme le chien], ils font des aiguilles pour coudre leurs vêtements et leurs voiles, et des herminettes avec lesquelles ils sculptent le bois. On a trouvé de grosses huîtres séchées et enfilées sur une cordelette, et quelques-uns des nôtre y trouvèrent de petites perles en les mangeant  (type  haliotis , ce sont nos abalones).On vit aussi des poils blancs qui semblaient être ceux d’un animal ».
Les os d’animal ,  le poil blanc, le tiki.

Les os viennent selon moi d’un animal  marin mystérieux ,  le teganpaïk ,présent aussi en Calédonie,   une sorte d’otarie  à long cou, parente de l’ornithorynque, Megalotaria longicollis Heuvelmans 1965.
Selon  B. Heuvelmans, dans Sur la piste  des bêtes ignorées, p.133, tome 1, ce mammifère marin   a été entendu pour la première fois en 1801 en Australie.  
 « En juin 1801, le minéralogiste Charles Bailly et ses compagnons de l’expédition de Nicolas Baudin s’enfonçaient dans l’intérieur des terres après avoir donné le nom de leur bâtiment, le Géographe, à la baie de la côte occidentale d’Australie .  Et soudain,  les voilà glacés de terreur par un rugissement terrible, plus bruyant qu’un beuglement de taureau, et qui semble sortir des roseaux de la rivière des Cygnes. Terrorisés, nos hommes ne demandent pas leur reste et s’éloignent à toutes jambes. Mais il ne fait pas de doute à leurs yeux qu’une bête aquatique formidable hante le nouveau continent. » Or, dans le nord de la Nouvelle-Calédonie,  Edouard Normandon m’a raconté avoir  entendu s’élever des marécages de l’embouchure du Diahot l’effrayant rugissement d’un animal, et les Mélanésiens ont confirmé ses dires, tandis que  des métropolitains incrédules se gaussaient et cherchaient à expliquer le phénomène  par le cri d’un lion évadé d’un cirque du temps des Américains ! Le  nom  de ce mammifère marin subsiste dans le nom de la tribu littorale de Touho teganpaïk (de tegan, serpent de mer, et de païk, « long-cou » du type du  héron des récifs (Ardea sacra albolineata). Cela correspond en Australie au katenpaï (métathèse religieuse de tekan-, paï) ou tunatapan (de  tutan, de tukan pan).Terenba en Nouvelle-Calédonie a la même origine : la palatale g devient souvent r.
 Ce « mammifère » marin (Heuvelmans,  op. cit. p.125, tome 2, et  Peter Costello, dans A la recherche des monstres lacustres,  p. 233) pondrait des œufs mais allaiterait ses petits comme l’ornithorynque et ressemblerait à  une otarie à long cou, avec trois bosses, caractérisée par une crinière blanche, et des rugissements rappelant ceux d’un lion.
Le poil blanc vient de la crinière de ce Megalotaria longicollis Heuvelmans 1965.

Le fermoir du tiki.
Maoris et  Polynésiens  semblent avoir été frappés par  l’allaitement maternel  des petits de ces « otaries » à la surface de la mer : ce sont  les pores des bosses qui  diffusent le lait maternel. Rien d’étonnant dès lors si les tiki (nom pouvant être apparenté à tegan ,tuka,  serpent de mer),  autrefois gravés par trois dans des dents d’otarie aux Touamotou, en gardent le souvenir, car on peut être tenté de  voir dans ces figures inexpliquées que constituent les tikis porte-bonheur de Nouvelle-Zélande la représentation d’un embryon d’otarie à long cou, dans lequel  les Polynésiens voyaient le début de toute vie. Pour eux, le fait,  à partir de  l’œuf  cosmique, de passer à l’allaitement emblématique des vivipares représente l’histoire de la vie,  depuis   son origine à notre époque. D’autre part, le  haka  (de taka, serpent  de mer ?) peut imiter le cri du teganpaïk .
Les pirogues sont à balancier et sont capables de transporter jusqu’à 50 personnes. Leur nourriture consiste en taros et en cocos. Les maisons sont à 4 pans, à grenier et à piliers, elles sont ouvertes en bas. Le sol et les cloisons sont recouverts de nattes qu’ils fabriquent  avec les palmes des cocotiers.
 « Sur un canoë, il y avait 5 Indiens, celui du milieu écopait avec brio : ses cheveux blonds lui arrivaient à la taille, il avait le teint blanc, un port de tête et une allure très élégants, un beau nez aquilin, un peu rose, avec quelques taches de rousseur, les yeux noirs et riants, le front et les sourcils bien faits ; le nez, la bouche et les lèvres bien proportionnées, les dents bien rangées et bien blanches. Pour tout dire, il avait un rire  avenant et fort agréable, et des manières exquises. Au vu de la richesse de ses qualités et de ses grâces, on le prit pour une jolie demoiselle, mais c’était un  garçon d’environ 13 ans. Voilà  celui qui, au premier regard, ravit le cœur de tous ceux du navire, celui que l’on regarda et que l’on appela le plus, celui à qui tous offraient des cadeaux, celui que le capitaine tenta instamment d’attirer au moyen d’une robe de soie : il la prit et s’en fut avec beaucoup d’allure, pendant que nous le regardions et parlions de lui, et  que le capitaine regrettait amèrement de n’avoir pu l’emmener, pour montrer la magnificence dont Dieu fit preuve en cet endroit… »« Gallardo …vit deux garçons et trois jeunes filles se relever vivement, effrayés comme des
 enfants : c’étaient de beaux enfants, dont la plus âgée devait avoir 10 ans, plus une dame bien droite, élégante, fière et gracieuse, le cou bien fait , la poitrine haute, la taille fine, les cheveux très blonds, longs et lâchés, qui n’avait pas plus de 15 ans . Elle était belle à l’extrême, tout en elle était agréable, son teint était bien blanc, et sa beauté était telle qu’elle impressionna les nôtres plus qu’ils ne l’impressionnèrent. D’un pas vif et décidé, le visage souriant et gai, elle alla les saluer et donna à Gallardo une couverture neuve  qu’elle portait pliée sur le bras gauche, puis, pleine d’amour, elle ouvrit les bras, l’embrassa et lui donna un baiser sur la joue, à la manière  de ces Indiens  en signe de paix.[Leza mentionne une coutume semblable, qui évoque les salutations  européennes]…
« Sur la plage, il y avait un grand nombre d’Indiens alignés en armes, qui faisaient tous ensemble un pabori (analogue au  corro-borri australien], ce qui est à mon avis une sorte de forte clameur, au son de laquelle ils doivent livrer leurs batailles, et qu’ils terminent à l’unisson d’un cri très court et très effrayant [le haka ]. Notons qu’ils ne sont pas circoncis. Munilla comme Quiros précisent que les blessures occasionnées à leurs pieds par le récif de terre et son corail en fleur furent très douloureuses et mirent plus d’un mois et demi à guérir.
Chassés par les coups d’arquebuses, « ils s’enfuirent tous et se réfugièrent dans leur village qui se trouvait sous une cocoteraie, près d’une lagune située au milieu de l’ïle.
« Arriva  un jeune garçon qui, d’après  ce qu’ils dirent, était si beau et avait les cheveux si dorés qu’on aurait cru voir un ange. Il croisa les mains et offrit sa personne comme prisonnier ou pour ce qu’on voudrait faire de lui. Le voyant si humble et si beau, l’amiral
l’embrassa et l’habilla d’un pantalon et d’une chemise de soie, que le capitaine avait prise sur la pacotille qui lui avait été donnée par Sa Majesté  pour le troc. Afin de montrer sa reconnaissance, le garçon grimpa fort habilement à un très haut cocotier, d’où il fit tomber des noix de coco pour les nôtres, et leur demanda s’ils en voulaient encore. Il semble que d’autres Indiens, assez nombreux, qui étaient là, virent ces bons traitements et s’approchèrent alors de nos gens : l’amiral, sans bouger, les appelait pour les rassurer et s’en emparer plus sûrement, dès qu’ils seraient assez près, mais Satan,  qui ne dort jamais quand quelque chose le concerne, fit entrer un soldat novice et irréfléchi dans une maison», l’enseigne Gallardo.
La tuerie (la matanza de Torrès).
Gallardo fit feu sur l’Indien qui était le propriétaire  de la maison, celui-ci « tomba mort sur le sol. En causant cette mort, et d’autres aussi, on perdit l’occasion que le capitaine cherchait et désirait. »
« Le capitaine avait donné l’ordre de ne pas faire de mal aux Indiens., ni à leurs personnes, ni à leurs biens, mais j’ai su plus tard, finalement, qu’ils  partirent moins nombreux qu’ils n’étaient venus et que ces ordres, seul celui qui les donne est disposé à les respecter .» L’arquebuse a donc  raison d’un certain nombre d’Indiens.
Lapérouse et Maurelle.
Dans son Journal, op. Cit., p 568 , voici ce qu’écrit Lapérouse à propos de Vavao aux Tonga ,  « découverte due au pilote Maurelle, qui ajoute à l’archipel des Amis [Tonga] un nombre d’îles presque aussi considérable que celui qui avait déjà été exploré par le capitaine Cook »: « Je m’étais procuré à la Chine [à Macao] l’extrait  d’un journal [ sans doute celui qui avait été  publié par Philippe Buache, Extraits et commentaires des voyages de Mendana ,  Fondad …  et Maurelle (1781 ) avec la  Carte d’une partie  du Grand Océan à l’Est et Sud-Est de la Nouvelle-Guinée pour l’intelligence du voyage de la frégate espagnole la Princesa commandée par Franc.Antonio Maurelle en 1781, -publié en 1797 pour servir au voyage de Lapérouse ] de ce  pilote espagnol qui partit de Manille en 1781,chargé d’une commission pour l’Amérique. » Vavao est appelé par Maurelle la Margoura, p.569.

                  

La recherche de Lapérouse dans les parages des Tonga et de Rotuma.
L’affirmation de Dumont à propos des Fidji (Rotuma)est  en tout cas confirmée  par l’indication que lui avait  faite  la reine de Tonga   d’un départ de Lapérouse vers l’ouest, c’est-à-dire vers les Fidji (rapport au Ministre cité par de Brossard dans  Rendez-vous avec Lapérouse à Vanikoro,  p 148); avec les deux insulaires à rapatrier [ dans leur île de Rotouma ] dont parle Dillon en 1827: « Deux hommes de l’île de Nazmouka  voulurent partir sur  les vaisseaux [de Lapérouse]. Ceux-ci mirent à la voile le jour suivant et depuis on n’en entendit plus parler. » Et : « mon ami, grand- prêtre et chef de Mafanga, m’ayant entendu parler de Rotouma, me demanda si je me proposais d’y toucher. Il me dit alors  que les prêtres de cette île étaient ses tributaires, et que, environ trois ans auparavant, il avait envoyé son fils aîné avec trois grandes pirogues pour percevoir le tribut, et qu’il n’était plus revenu ; qu’il craignait  que son fils, et ceux qui l’accompagnaient, ayant offensé les dieux, n’eussent été mis en dérive, soit en allant, soit en revenant de Rothouma . Il désirait, en conséquence, faire partir avec moi quelques-uns de ses sujets pour tâcher d’avoir des nouvelles de son fils, et percevoir les arrérages du tribut que devaient les chefs et les prêtres de Rothouma. J’y consentis… parce que, n’ayant pas à bord d’interprète de la langue tonga [langue comprise à Rotouma], ces hommes m’en serviraient si je venais à rencontrer les deux insulaires d’Anomouka,  qui en étaient partis sur les vaisseaux de Laouage », phrase qui démontre que Dillon, si bien placé pour connaître les événements de l’escale de Lapérouse à Nomouka,  était persuadé que les deux insulaires avaient voulu être rapatriés par Lapérouse chez eux , à Rotouma.
Quelle raison a poussé Lapérouse à embarquer ces deux passagers ? Personne ne nous l’a dit. Mais on peut imaginer que, comme c’était aussi le cas de  Dillon, c’était afin d’avoir des interprètes aux Fidji , Fidji qui étaient comprises dans les îles des Amis .
Sur la piste des deux passagers embarqués par Lapérouse   à Nomouka  et désireux de rentrer dans leur patrie : étaient-ils originaires de Rotouma [Fidji ] et avaient –ils été entraînés par une dérive aux Samoa, puis amenés en pirogue en attente  à  Nomouka ?
Dillon a manifesté son intérêt pour l’origine géographique  de ces deux mystérieux passagers embarqués à Nomouka.. On peut imaginer qu’une dérive fortuite les avait conduits de leur île, Rotouma, jusqu’aux Samoa,  d’où, plus tard, une pirogue samoane les avait menés à Nomouka, comme dans l’aventure suivante .Dillon cite un exemple de  cette grande dérive depuis Rotouma  jusqu’aux Samoa,  qu’il explique par une sorte de mousson très mal connue de ces archipels.
Dillon fait voile de Nomouka vers Rotouma , du 26 août au 1er septembre 1827, donc pendant  sept jours ; à son arrivée,   « le chef [de Rotouma ] embrassa l’homme de Rotouma que nous ramenions de Tonga et parut très content de moi pour avoir ramené son compatriote . Celui-ci était absent depuis huit ans de son pays et avait été cru noyé. »   Dillon nous parle encore d’un insulaire qui semble bien être le même : « [Le chef de Namouka ] Thubaou me dit qu’une flottille de pirogues était venue depuis peu des îles des Navigateurs [Samoa], et en avait ramené deux Rotumiens qui avaient dérivé jusqu’à ces îles, et qui désiraient beaucoup retourner dans leur pays . Je consentis à les prendre à mon  bord , et l’un d’eux s’embarqua dans l’après-midi ; j’appris de cet homme que, de compagnie avec quelques autres  de ses compatriotes, il était parti de Rotouma, il y avait à peu près huit ans, pour une île nommée Whythubou , afin de s’y procurer des coquilles ([pava, Haliotis australis]; que des vents contraires les empêchèrent d’atteindre cette île , et qu’après avoir dérivé pendant trois mois, ils avaient pris terre à une île  qui se trouve être l’une des Samoa ou îles des Navigateurs [en réalité, les Tonga, peut-être Lofanga ), dont les naturels les traitèrent fort bien. Il ajouta que quelques-uns de ses compagnons étaient encore sur cette île. Je trouvai dans ce récit , écrit Dillon,une preuve très convaincante  de la justesse de mon opinion, que la mousson du nord-ouest  se fait sentir par ces latitudes à certaine époque de l’année .Car, autrement, comment aurait-il pu se faire qu’une barque, aussi frêle qu’une pirogue, fît la traversée de Rotouma, latitude 12° 30’ sud, et longitude de 177° est,  jusqu’aux îles des Navigateurs [Samoa], latitude de 13° 27’sud et longitude  de 171 °57’ouest ? »
  Rotouma et Whythubou, l’île des  coquilles..
 Rienzi, Océanie, tome 3, p. 260, nous apprend qu’une pirogue de Rotouma avec 4 hommes  à bord dériva par hasard à Ticopia, vers 1800 ;  «  les 4 Rotumiens détrompèrent alors les Ticopiens sur le compte de ces  blancs que les Ticopiens prenaient pour des mauvais génies en leur disant qu’ils étaient bons, qu’ils venaient d’un pays éloigné  pour leur donner des objets de coutellerie ( cf. liste du matériel embarqué in La malédiction Lapérouse, p. 118 :  Lapérouse avait emporté «  7000 couteaux de différentes espèces et grandeurs »)  et de verroterie (op . cit,   p  119 , «  rassades ou grains de verre de couleur, assortis, 1400 paquets » ). De plus, Dillon signale à Rotouma  des volailles d’origine européenne, non indigènes du Pacifique, ainsi que  des porcs, op. cit ., p . 815..


Whythubou et ses pavas retrouvés à Vanikoro.
La preuve que Lapérouse a bien mouillé dans l’archipel de Rotouma ou Belle- Nation nous est fournie par la découverte, dans les épaves de Vanikoro,  de  trois espèces différentes de pawa  ou ormeaux
( altération de orel,oreille, puis ormeille, ormeau) qui venaient  de Whythubou et avaient été recueillis à Rotuma  , avec cette Haliotis australis, ou pava d’argent, d’un blanc très brillant,  la plus réputée pour les Polynésiens  et peut-être endémique de Why –Tabou..

  En résumé, dans son second et dernier voyage, Lapérouse passe par l’île  Nomouka , aux Tonga, où il embarque deux insulaires pour Rotouma , puis fait voile au nord –ouest vers Rotouma (Fidji) ,  pour y déposer à leur demande  les deux insulaires embarqués à Nomouka ( le voyage de Nomouka à Rotouma  ne dure environ qu’une semaine) ; il av respecté , en partie au moins,  ses instructions , qui lui enjoignaient de rechercher l’île de Belle-Nation(Rotuma). et de San Bernardo (Why-Tabou). A-t-il passé en chemin, avant de mettre le cap sur Rotuma, devant Why-Tabou, guidé par les deux passagers embarqués ?.La chose est- possible.   Il gagne ensuite, le  sud de la Nouvelle-Calédonie et l’île des Pins,  puis met le cap sur les îles Charlotte aux  Salomon, où il rencontrera les récifs de Vanikoro et son destin. 




Le triangle des Bermudes


                      Le triangle des Bermudes.
« C'est un article du Miami Herald qui date du 17 septembre 1950 et signé par Edward Van Winkle, qui fait mention pour la première fois de disparitions inexpliquées dans le secteur . Deux ans plus tard, le magazine Fate publie un article « Sea Mystery at Our Back Door » signé George X. Sand, traitant de la disparition d'une escadrille de cinq chasseurs-bombardiers le 5 décembre 1945 au large de la Floride, évènement connu sous le nom de Vol 19. C'est cette disparition inexpliquée qui va véritablement populariser le mythe du triangle des Bermudes et alimenter les légendes concernant le secteur. Pourtant, il semblerait que les avions d'exercice, dépourvus d'éléments de navigation, se soient tout simplement perdus en mer après que le compas du pilote-instructeur, le lieutenant Charles Taylor, fut tombé en panne », est-il écrit sur Internet.
1 La disparition d'une escadrille de cinq chasseurs-bombardiers le 5 décembre 1945 au large de la Floride, évènement connu sous le nom de Vol 19[].
Lorsque le pilote refuse de faire confiance à ses instruments de bord, la catastrophe est proche. Mais l’explication de cette disparition multiple s’explique par le suicide déterminé du pilote meneur du vol 29, qui dirigea son appareil vers un endroit improbable, en haute mer, de l’autre côté de la Floride, dans le désir de masquer son suicide et ses quatre  crimes.
Le suicide des pilotes et ses conséquences font peur parce qu’il est imprévisible et qu’il est le fait de l’homme. Aussi est-il souvent dénié. Ainsi en est-il pour le  vol MH370, -un Boeing 777 devant relier Kuala Lumpur à  Pékin le samedi 8 mars 2014, et qui a disparu dans l'océan Indien avec à  son bord 239 personnes. Plusieurs débris de l'engin ont depuis été retrouvés à  la Réunion en juillet 2015, puis au Mozambique en mars suivant. Mais l'épave de la Malaysian Airlines reste introuvable parce que, comme l’ont révélé les Australiens, le pilote a crashé délibérément son appareil  en un lieu improbable, plus à l’est. Les Australiens sont tenants de la thèse du suicide , qui explique qu’il n’y ait eu aucune revendication. A remarquer que le pilote fit un crochet nostalgique au-dessus de son village natal , -supremum vale.
2 L’hydravion  envoyé au secours du vol 29  a lui aussi disparu dans le même secteur. Mais ce type d’appareil avait un réservoir de kérosène qui avait tendance à exploser.
3 La disparition des cargos : l’hydrate de méthane.
 La disparition corps et biens de cargos avec à bord plus de 300 hommes, sans qu’on ait retrouvé d’épaves la plupart du temps,est le seul phénomène véritablement mystérieux du triangle des Bermudes, au point d’avoir intéressé les océanographes américains du  National Geographic Magazine. On a ainsi  évoqué  des émissions sous-marines d'un gaz hautement inflammable, le méthane,  dont la présence sous forme de bulles dans l'eau diminue fortement la densité de l’eau gazeuse ainsi formée jusqu’à provoquer une perte de flottabilité pour les bateaux.  [. ][Issus de la décomposition d'éléments organiques comme le pétrole et le charbon, comprimés par la grande profondeur et la température très basse de l'environnement, libérés lors de la création de failles par l'activité tectonique, on trouve des gisements importants dans le triangle des Bermudes et  en mer du Nord où certaines plateformes de forage, navires et aéronefs auraient été engloutis ou pulvérisés par le même phénomène. On doit cependant noter que de nombreux récits font état de grains blancs (très violents orages localisés, sans que rien ne les annonce) dans ce secteur, comme le relate le film Lame de fond. L'océanographe Simon Boxal[    ]du National Oceanography Centre Southampton de l'université de Southampton émet l'hypothèse que des vagues scélérates pourraient être à l'origine de nombreuses disparitions de navires dans le triangle des Bermudes.
On peut expliquer la disparition de cargos par un grain blanc, suivi de vagues  scélérates qui auraient déplacé le bâtiment fort loin, vers la côte du golfe du Mexique  (ce qui explique qu’on n’aurait pas retrouvé leur épave, faute d’avoir cherché  au bon endroit) et ensuite par l’explosion d’une bulle de méthane qui aurait ouvert la coque et coulé le navire au fond.