La
Canterie, le pays de l’orge :
Préhistoire
de Libouville
Avant les Gaulois, les Ibères.
Les premières populations d’Eure
-et- Loir n’étaient pas indo-européennes, mais apparentées aux Basques.
Deux tribus ibères l’ont
peuplée : les Austriconi et
les Cunésiens. On retrouve les Austriconi en Corse dans le nom Ostriconi et dans le nom des
sauvages Laistrigones de l’Odyssée (non pas -1000 comme on le dit
souvent, mais -11000 avant notre ère selon Bâl Gangâdhar Tilak) , que les
Anciens mettaient déjà en rapport avec
un peuple dans la région de Formies au sud du Latium, à la limite de la
Campanie. C’est aussi le nom d‘un peuple de Sicile au pied de l‘Etna,
ainsi qu’en Mauritanie (Austoriani) et surtout dans la région
chartraine peuplée d’Ibères , plus
exactement d’Ostricones avant les Carnutes gaulois car l’ancien
nom de Chartres était Austricum .
Une
autre tribu des Ibères s’appelle les Cantabres (même mot que Celtibères)
que Sénèque qui les connaissait à cause de son origine espagnole identifia à
certains Corses lors de son exil dans l’île: « La Corse fut possédée successivement par les Ligures et
par une colonie d’Ibères; la
conformité des usages ne permet pas d’en douter: on retrouve ici les ornements
de tête et les chaussures des Cantabres d’aujourd ‘hui , et quelques
mots de leur langue, vu que le commerce des Grecs et des Liguriens a
entièrement dénaturé le langage primitif ». Ajoutons que les peintures
d’Altamuria datant entre -9000 et - 14000 nous montrent leur antiquité.
Ces Ibères ont laissé leur nom à Austricum devenu Chartres, Carnutarum urbs, à Logron, à rapprocher de Logroño au nord de l’Espagne sur l’Ebre et au lieu-dit
le Coni, près d’Illiers. On peut en rapprocher le nom
du cap
Cuneus au Portugal. Le mot latin cuniculum qui veut dire lapin, connil en
ancien français, ne peut s’appliquer ici, le lapin ayant été introduit
d’Espagne en Gaule beaucoup plus tard.
Pline l’Ancien cite les îles Cuniculariae entre Bonifacio en Corse et
la Sardaigne, « les îles des Kunéens ».
Ce sont aujourd’hui les îles Lavazzi ,
dont le nom est l’ altération de Laas Trugonée qu’on retrouve en
Sardaigne près de la Punta delle Vacche
(pointe des Basques ) , laas étant compris comme la pierre mais provenant en réalité de Lais ( trugones), grec homérique
Laistrygones. Le nom des îles Cuniculariae
(de kun-ik-oidai-ria, avec 3
suffixes dont un suffixe ethnique, -ikos, un
suffixe ibère d’appartenance -oida, un autre signifiant pays en basque, –herria, veut dire,
non pas îles aux lapins, mais îles
appartenant aux Kunii.
A partir
de Ostricones, par aphérèse, on a le nom de Kunésiens, de Kunii et leurs multiples variantes,
comme Coni près d’Illiers. .Le lapin
a en latin le nom de cuniculus, que
le grec a emprunté et qui vient du nom de cette tribu ibère, les Cunii .
D’où vient ce nom de tribu ibère, Laistrugones?
Il est l’altération de Cantigours,
les Ouigours du Serpent (kant), les Keltrigours ou Celtibères (nord
de l’Espagne), dont le nom ne révèle pas un métissage entre Celtes(Gaulois)
et Ibères , ou encore les Cantabres.
Nous retrouvons le dieu serpent dans le nom de Nermont, ancien dolmen vraisemblablement, qui signifie l’entrée des
enfers (mound) gardée par le Serpent,
niger, mot qui avait le sens de serpent
avant de prendre en latin la signification de noir et de nous donner les mots nègre ,négro et noir. En toponymie,
le mot noir (Forêt noire) ou nègre (Cap
nègre) renvoient toujours au peuple ibère. Le nom des Ligures est l’altération de Ibères, avec attraction
sémantique de nigures, le peuple du
Serpent. Nermont signifie probablement le mundus
ou dolmen créé par les Ligures.
Un autre nom d’origine basco- ibère dans la
commune de Châtillon -en- Dunois est le lieu-dit la Canterie, qui signifie le pays (-ria de herria , pays en basque) et cant,
orge. Il a hérité d’un nom qui
désignait toute la région.
Comme Illiers qui vient
d’Ilhari, Hilaire, les lieux connus aujourd’hui comme consacrés à Saint-Hilaire
(des noyers) remontent à une christianisation de Basi Mari. De même qu’en
Gironde La Chapelle- Basse- Mer est une christianisation de basi Mari altéré en Basse- Mer, basi signifiant roi,
majesté, et étant parent du grec basileus, roi, le mot ibère Mari qui désignait la grande déesse-
mère a suscité la verve analogique des prêtres
chrétiens pour lui trouver un écho en
latin : à Mari , succèdent kari signifiant noyer ,à rapprocher du
grec karya, ou bien lari dans hilarius, hilare, avec les nombreux
Saint-Hilaire –aux –Noyers qui associe les deux analogies.
Les mégalithes ibères.
Les alignements de la Marque
(commune de Lanneray) réservés à l’initiation des jeunes, comme plus tard les
dolmens de Douy et les menhirs du
Bussard et du château de Thoreau dans la commune de Saint- Denis- les- Ponts et
destinés à contribuer magiquement à la bonne pousse des céréales sont la trace
des œuvres accomplies par les premiers habitants.
Les lieux d’inhumation des Ibères
On a repéré,
près du polissoir d’Arrou , un ossuaire qu’on n’a pas étudié. Mais les populations préhistoriques nous ont laissé les tumuli du bois des
Montgasteau à Saint- Denis-les- Ponts et les deux enceintes
appelées à tort le Camp romain à Lanneray (2 levées de terre, voir B. Robreau
et Leroy A., « Les
deux enceintes quadrilatérales du Bois des Goislardières à Lanneray
(Eure-et-Loir) », in Les
Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique (=Actes
du IX è colloque AFEAF tenu à Châteaudun,en 1985), 1989).. Seule
la première est à rattacher aux Ibères,
la seconde étant gauloise.
Les pierres paléolithiques (pierres taillées) et
les pierres néolithiques (pierres polies) et les meules des Ibères.
La meilleure étude, à mon
avis, sur les pierres taillées et
surtout polies de la région est celle de
Henri Leplège, Lanneray .Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits, sa préhistoire,
1991, 52 p.
J’ai trouvé, dans la
ferme, un petit biface paléolithique,
datant de l’acheuléen ancien, entre -400000
et—40000, lourd, avec un tranchant
sinueux, avec patine partielle, analogue
à un biface trouvé à Saint- Denis-les- Ponts représenté dans Leplège, op. cit., p. 35, fig.2.
J’extrais
de la collection de Robert Ardoin- LeBas quelques pierres paléolithiques et néolithiques fort belles trouvées à Libouville,
dans
sa propriété, les deux plus grosses entre
la maison et le hangar, et la plus petite, toute blanche, dans le potager
derrière le hangar.
La première, d’époque paléolithique,acheuléen
ancien , datant entre -400000 et—40000 ,
est un biface en silex multicolore de
600 g, longueur 15, 54 cm, largeur 8 cm, épaisseur environ 5 cm. C’est un
biface entièrement patiné .
La seconde, du néolithique ,
entre 2900 et 2600 av ; J. –C., est
la plus belle : c’est une pierre
polie blanche avec une tache bleue, de 320 g, longueur 12 cm, largeur 5, 5 /6
cm, épaisseur 3,5 cms. Il s’agit d’une hache néolithique semblable à celle qui
fut trouvée par M. Georges Fleury avec
trois autres fort endommagées à Touchémont
(site préhistorique de Lanneray) et qui est reproduite par H. Lelège , op. cit ;, p. 39, fig.6. Le
matériau est identique à divers silex des ballastières Paul Marolle de la
vallée du Loir, à Saint-Denis- les- Ponts et à Douy.
Enfin une pierre blanche de 190 g, longueur
9 cm, largeur 5,5 cm, épaisseur environ 2,5 cm. Ce pourrait être un petit
biface paléolithique de tradition acheuléenne, datant due l’acheuléen
supérieur, donc de -40000.
Nous avons trouvé à Libouville trois meules de type paléolithique, ce qui est très
rare, probablement parce qu’on n’y fait guère attention Il s’agit de simples
pierres dont le trou central, suffisamment large,
constitue le mortier, où le grain était écrasé à l’aide d’une molette de forme assez étroite pour
pouvoir y pénétrer.
Nous en avons vu une autre de type néolithique au Musée de l’agriculture de Chartres. La
meule néolithique que j’ai trouvée à Libouville
lui est comparable : il s’agit d’une pierre presque plate, une
sorte de cuvette très peu profonde, sans trou, sur laquelle n’importe quel pilon fait l’affaire,
mais nous en avons trouvé un assez sophistiqué à côté.
La période gauloise.
Le royaume gaulois de
Cotuetos .
Le chef carnute Cotuetos
avait installé sa capitale près de Logron,
à Thuy dont le nom provient
de son nom, comme son père, qui portait le même nom, nous a laissé le
toponyme de Douy. Son haras était à Crenne, qui signifie écurie (voir mon
article « Jules
César et le centre où se réunissaient les druides chez les Carnutes : deux
contresens sur la langue gauloise »).
Encore en 1756, dans un acte de vente, on trouve la mention étable qui signifie à cette époque stalles pour
pour chevaux.
Pour féconder leurs champs
d’orge, les Gaulois avaient au moins trois gros polissoirs: ceux de
Chantemesle, de l’Echarbot (du latin scamnum,
escabeau, à cause des marches qui font songer aux stries du polissoir, et d’Arrou , les Griffes du Diable. Pour la crémation des morts, ils avaient le bois
de la Butte, du latin busta, bûcher funéraire, et sa seconde enceinte.
Les Gaulois de Libouville, leur moulin et leurs meules.
A Libouville
, j’ai trouvé une petite meule
gauloise , en grès de Trizay -lès- Bonneval., le nom de Trizay
venant du gaulois triticac, de tritica, meules , et du suffixe gaulois –ac (cf. latin triticum, froment,
broyé, et trius, broyé). La petite
meule gauloise qui figure dans la cour du musée de Châteaudun est analogue à
cette petite meule de Libouville.
De la paire initiale, la grande meule a quitté vers 1990 Grand’ Maison et été transportée dans le
voisinage, à la ferme dépendant de
la Poterie (Lanneray) où elle est
devenue d’abord une table de jardin, le
trou central , cimenté, servant glorieusement pour y planter un parasol..
L’ensemble est aujourd’hui heureusement démonté
et se trouve derrière cette ferme. J’ai
pu admirer cette meule gauloise présentant
des sillons à orge gravés, mais avec malheureusement le trou central
maçonné.
Les deux meules, la grande et la petite, étaient installées non loin, à la Haloyère, nom que les gens du cru
prononcent halogère, ce qui reflète
un ancien halogière, du gaulois halokaria, moulin, à rapprocher des mots
grecs aleuron et alear froment, arménien alam,
etc .On a trouvé précisément un fond de cabane gauloise derrière la ferme de la
Poterie, précisément à la Haloyère. . Est-ce trop m’avancer si je dis que
la petite meule gauloise aujourd’hui à Grand’ Maison est une meule à orge du
temps de Cotuetos, vers- 52, surtout étant donné que le trou central ne garde
la trace d’aucun aménagement moderne pour accueillir une manivelle de
fer ?
Les Romains : les villas gallo-romaines de
Marboué et d’Arrou.
On a trouvé des traces de
villas gallo-romaines à Marboué, de mar,
pierre, et de bocca donnant bove ou Voves, cavernes, grottes, savoir les anciennes champignonnières, et à Arrou.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire