dimanche 2 août 2015

Enquête sans parti pris sur l’assassinat de Henri IV, ou l’enseignement prétendument laïc de l’histoire officielle et ses mensonges

 Enquête sans parti pris  sur l’assassinat de Henri IV, ou
l’enseignement prétendument laïc de l’histoire officielle et ses mensonges
 

Tout est obscur dans la mort de Henri IV. On peut supposer que certains  témoignages ont été altérés, certains afin de rapprocher la mort du premier Bourbon de celle de César : prédictions  rétrospectives (Méfie-toi des Ides de mars  pour César et Prends garde à la date du 14 mai 1615 pour Henri IV, songe prémonitoire  de la reine comme de la femme de César, prodiges divers après la mort du souverain et du dictateur romain. Par exemple,- fait attesté devant notaire,- «  durant la nuit du 14 au 15 mai, des centaines de vaches quittèrent leurs pâturages, envahirent la ville de Pau et marchèrent jusqu’au château, le  lieu de naissance de Henri IV. S’étant arrêtées là, elles se mirent à meugler ensemble de façon lamentable ; le taureau qu’on appelait le Roi continua, lui, d’avancer.Il vint briser ses cornes contre la porte, puis se précipita dans le fossé où il mourut. » Citons encore la phrase prêtée à Ravaillac lorsqu’il s’aperçut que le peuple était très loin de l’applaudir et de le libérer au point que  quelqu’un au pied de l’échafaud offrait son cheval pour remplacer celui qui s’était fatigué à l’écarteler : « On m’a bien trompé quand on [qui donc ?peut-être un jésuite d’Angoulême, Louis Thomas,fils du prévôt de Pithiviers,  qui lui persuada qu’il ne risquait rien et qu’il serait libéré et porté en triomphe par le peuple]] m’a voulu persuader que le coup serait bien reçu du peuple, puisqu’il fournit lui-même les chevaux pour me déchirer.  »… Même si la chose n’est pas impossible,  quelle vraisemblance que le régicide ait trouvé le sang-froid,  au milieu de son écartèlement, de faire cette réflexion ? il est vrai que sur l’échafaud, il se tourna vers le peuple 5michelet), demandant en grâce qu’on donnât à l’âme du patient qui allait tant souffrir la consolation d’une prière, un Salve Regina ; mais la grève , tout entière, hurla : « Judas à la damnation ! »Certaines scènes, comme ces Suisses faisant rôtir sous les fenêtres du Louvre des morceaux de Ravaillac et s’apprêtant à les dévorer laissent pantois…
Les sources du crime selon Michelet.
Les documents ont été dissimulés ou détruits, comme le fit remarquer Jules Michelet qui, le premier, tenta d’y voir clair. Il cite, p. 140, l’extrait du procès-verbal de l’interrogatoire de Ravaillac publié qui porte : »Ce qui se passa à la question (tortue) est sous le secret de la cour. »
« Ce spectre effroyable, qui n’était plus qu’une plaie, mais gardait une âme, déclara qu’il parlerait. Le greffier, qui était là, fut bien obligé d’écrire… Que devint le procès ? continue Michelet. Je l’avais cherché en vain aux registres du Parlement. Une note des papiers Fontanieu (Bibliothèque Nationale), qu’a copiée M. Capefigue, nous apprend que le rapporteur le mit dans une cassette et le cacha chez lui dans l’épaisseur d’un mur ; que la feuille écrite sur l’échafaud fut gardée par la famille Joly de Fleury, qui la laissa voir à quelques savants, et que, quoiqu’elle fût peu lisible, on y distinguait le nom d’Epernon et même celui de la reine. »Enfin !
« Le grand secret n’était plus un secret (en 1614, lors de la convocation des Etats généraux). … le rapporteur de Ravaillac existait, et ses dépositions, reçues sous le secret de la cour, n’avaient pas encore été détruites. Elles existaient dans la cassette, murée à l’angle des rues Saint-Honoré et des Bons -Enfants, avec la feuille dictée par Ravaillac sur l’échafaud, entre les tenailles et le plomb fondu, et l’on pouvait y lire les noms d’Epernon et de la reine. Le témoin Dujardin- Lagarde, assassiné par Epernon [allusion à l’embuscade qui lui fut tendue mais à laquelle il échappa], Lagarde vivait toujours ; il était à Paris, et demandait réparation. Pour réparation, il eut la Bastille. La dame d’Escoman, ajournée [« vu la qualité des accusés » porte l’arrêt !], non vraiment jugée, était à la      Conciergerie, toujours dans la main du parlement, qui par elle avait  une hypothèque terrible sur le Louvre .Si, par Lagarde, on mettait Epernon à jour, derrière lui, par la d’Escoman, on allait à la reine. Le duc en trois jours eût été en grève, et elle fût partie pour Florence. »
Ceux qu’on n’interrogea pas lors du procès.
La mère de Ravaillac ne fut pas interrogée, ni  les deux  fils jésuites  du prévôt des marchands de Pithiviers, non plus que leur père, ni le Père Lefèvre, ni Belliard  à Angoulême, ni l’abbé Guillebaud, curé de Saint-André d’Angoulême. Ce dernier  lui avait donné un « cœur de coton », savoir un sachet de velours découpé en forme de ces « cœurs de coton » où les couturières plantaient leurs aiguilles, portant gravé le nom de jésus et dans lequel se serait trouvé enfermé un morceau de la vraie croix. Ce cœur guérissait fièvres et maux de tête, à condition qu’il ait été  béni par un père capucin. « Ravaillac le confia à Marie Moizeau, son hôtesse, pour qu’elle le portât bénir à leur couvent, et depuis ne le quitta plus. » (Jérôme et Jean Tharaud, La Tragédie de Ravaillac)   Ravaillac fut consterné lorsqu’à l’interrogatoire le sachet fut ouvert et qu’il s’aperçut  qu’il n’y avait rien du tout  dans le sachet, et surtout pas un morceau de la vraie croix : « J’ai été bien trompé. L’imposture retombera sur les imposteurs. » Le mot revient souvent dans sa bouche.
L’élément déclencheur chez Ravaillac.
François (ou Jean –François), né en 1577 à Angoulême, était le fils cadet de Jean Ravaillac, secrétaire-greffier du maire d’Angoulême, et de Françoise Dubreuil de Fontreau, dont on voit le château dans la vallée du Toude.
Le héros de sa mère était un ancêtre protestant ,agent de l’Espagne,  Poltrot de Méré, qui a assassiné près d’Orléans François de Guise,chef des armées catholiques et finira écartelé comme  Ravaillac.
 Alors qu’il a onze ans, en 1588, son père est démis de ses fonctions ainsi que le maire d’Angoulême. Le duc d’Epernon, disgracié, s’était  retiré dans son gouvernement à Angoulême, mais il fut  livré aux ligueurs de la ville dont faisaient alors partie aussi bien le maire  que son secrétaire,  le père de Ravaillac. Ce sont les troupes du roi de Navarre qui rétablissent l’ordre et font ainsi perdre au père de Ravaillac ses  moyens d’existence, amenant un profond changement dans la famille. Son père devient alors  brutal et violent, dilapide le patrimoine de sa femme tandis que celle-ci obtient la séparation. Son frère aîné, Geoffroy Ravaillac, est connu alors lui aussi pour sa brutalité et ses démêlés judiciaires, tandis que ses jeunes sœurs abandonnent le foyer familial où sévit la plus grande misère ; Jean-François est recueilli par ses oncles maternels, chanoines à la cathédrale d’Angoulême, Julien et Nicolas Dubreuil de Fontreau. Ceux-ci lui apprennent à lire et à écrire , lui enseignent le latin et l’éduquent Comme le dit Michelet, Ravaillac n’est pas du tout inculte ; ils  lui inculquent la haine de Henri IV et des huguenots. Ce souvenir de la perte de revenus de son père due à Henri de Navarre est peut-être l’élément inconscient qui le poussera à l’assassinat.
Ravaillac tente d’entrer comme frère dans l’ordre des Feuillants, puis, refusé, dans celui des jésuites, qui, informé par le jésuite Louis Thomas du danger, le rejettera aussi.
C’est lui qui fait vivre sa mère, fort pieuse, et il gagne sa vie, tant bien que mal comme praticien, métier encore appelé procureur ou solliciteur de procès  et consistant à porter les missives des plaideurs lors d’un procès  jusqu’au parlement parisien : c’est le duc d’Epernon, grand maître d’Angoulême, qui l’emploie, ainsi que Henriette d’Entragues et même Jacqueline d’Escoman .
.En 1609, une vision lui ordonne de persuader Henri IV de convertir les huguenots et de rencontrer le roi, ce qu’il tente à plusieurs reprises : à la Noël 1609, à Pâques 1610 notamment, mais en vain. Il hésite, tant et si bien qu’il renonce et  quitte Paris  pour revenir à Angoulême. C’est à Etampes, où il rencontre un autre fils du prévôt de Pithiviers, jésuite également, qu’il se reprend, -prétendument,  devant un Ecce homo,une peinture du Christ Roi. il reprend alors le chemin de Paris.

Les principaux suspects : le duc d’Epernon, la reine et Concini, agent de l’Espagne, le Pape Paul V et les jésuites, la marquise de Verneuil et C. du Tillet  
A)Le duc d’Epernon, ancien mignon de Henri III,  « employeur de Ravaillac » (Michelet) et gouverneur de l’Angoûmois, donc maître de Ravaillac.
C’est le chef des catholiques. Cet ancien mignon de Henri III, de beau visage, homosexuel passif alors, était devenu bimétalliste en vieillissant et en perdant ses charmes juvéniles. Le bâtard Jean-Louis de Nogaret de la Valette, né aux environs de Toulouse en 1554,  entra l’un des premiers dans la Ligue anti-huguenote. Après le siège de La Rochelle, où il commença sa carrière militaire, il fut attaché au duc d’Anjou et suivit la retraite du roi de Navarre loin de la cour, avant de s’en repentir et de reparaître à la cour de Henri III. Henri III avait acheté pour lui au roi de Navarre la baronnie d’Epernon en Eure-et-Loir et l’avait transformée en duché-pairie .Henri III  réunit au gouvernement des Trois- Evêchés celui de l’Angoûmois, patrie de Ravaillac. Ce fut le duc d’Epernon qui fut chargé par Henri III de négocier une alliance avec le roi de Navarre contre la ligue dont les projets commençaient à inquiéter le roi. « Vivement attaqué lui-même par les Guise  et par la ligue, il espérait trouver dans ce prince (le futur Henri IV) un puissant allié »,mais il sera vite déçu -déception qui va le marquer profondément dans sa relation avec le roi de Navarre. Par la suite, Henri III lui retira une grande partie de ses dignités et l’exila à Loches. Il s’y croyait en sécurité, quand le maire, le 10 août 1588, vint l’y assiéger avec un groupe de fanatiques ligueurs, auxquels il n’échappa qu’à grand peine. Silence de Girard sur l’épisode suivant où Epernon est sauvé par les troupes de Henri de Navarre : en 1588 toujours, Henri III capitule devant Guise, et Epernon, disgracié, se retire à Angoulême où le ministre de Henri III Villeroy le livre aux ligueurs de la ville. Il est près d’être massacré et ne doit son salut qu’aux troupes du roi de Navarre. En remerciement, il fait une tentative contre la vie de Henri de Navarre : le 28 juin 1589, le duc d’Epernon mène Henri de Navarre inspecter des tranchées devant Jargeau où se tenait un gros de ligueurs. Deux personnes de son entourage tombent sous les balles. « Ensuite, l’entraînant vers le corps de garde de Bellegreville, il le fit ressortir par derrière et l’engagea sur un chemin qui passait si près de la courtine [front de muraille entre deux bastions] qu’une nouvelle décharge coucha encore à terre deux des leurs. Il allait continuer la promenade, quand Henri III, prévenu,  fit rappeler les imprudents et tança vertement Epernon ».
 Après la mort de Henri III, d’Epernon refusa de signer l’acte par lequel un grand nombre de seigneurs promirent de reconnaître Henri IV dès qu’il se serait converti au catholicisme. Il s’en retourna alors dans son gouvernement d’Angoulême., emmenant un corps de troupes considérable au moment où Henri IV en avait le plus besoin. Henri IV lui pardonne quand même et lui laisse le gouvernement de Provence. Mais loin d’y faire reconnaître l’autorité du roi, il ne cherche qu’à se créer une souveraineté indépendante. Henri IV envoie contre lui d’abord un  maréchal protestant ,  de Lesdiguières, puis de Guise avec  promesse de lui donner le gouvernement de la province.  D’Epernon, à la menace que Henri IV viendrait en personne le sommer de sortir de la province de Provence, répondit à de Guise : « avant d’abandonner une contrée que j’ai défendue au prix du sang de mes amis, de mes parents et du mien propre, je jouerai quitte ou double, je me jetterai dans les bras du Savoyard, de l’Espagnol, du diable même, et quand je n’en pourrai plus, sur mon épée…. Si le roi vient en personne, je lui servirai de fourrier [officier chargé de marquer le logement de la cour] , non pour marquer, mais pour brûler tous les logis de son passage. »Le 10 novembre 1595, il conclut un traité avec Philippe II, roi d’Espagne et s’engagea à faire pour le compte de ce prince la guerre à Henri IV et aux hérétiques de France.
Quelques années plus tard, Henri IV lui rendit diverses fonctions, mais comme il voyait en lui un serviteur du parti espagnol, il s’en méfiait. Lorsqu’il fut assassiné, il projetait même de lui ôter sa charge de colonel de l’infanterie (renseignement tiré de sa vie écrite par son secrétaire Guillaume  Girard, grand archidiacre d’Angoulême,  imprimée après sa mort survenue en 1642 à Loches) : Le duc d’Epernon. –Histoire de la vie du duc d’Epernon divisée en trois parties. Paris. 1655.
« Ici, commence, dans la vie de d’Epernon, une nouvelle période ; sa puissance, fondée peut-être sur un crime, va briller encore d’un grand éclat. »(Philippe Le Bas, 1842).
Le lendemain du meurtre de Henri IV, d’Epernon fit assembler le  Parlement et, la main sur son épée (alors qu’il était interdit de pénétrer en armes dans le parlement),  déclara : « Elle est encore dans le  fourreau, cette épée, mais il faudra qu’elle en sorte si l’on n’accorde pas à l’instant la régence à la reine mère. » « On se demanda si ceux qui profitaient du crime n’en avaient pas été les auteurs. L’Espagne se trouvait délivrée d’un grand danger ; Marie de Médicis était espagnole de cœur, et d’Epernon passait pour le représentant de la politique espagnole ; il savait que sa personne n’était pas agréable au roi, et que Henri parlait souvent de lui avec irritation et avec mépris. Sa mémoire n’a pu être justifiée du soupçon de complicité du crime. »
Le duc se trouvait à Saint-Germain l’Auxerrois le jour de Pâques, lorsque , voyant avec déplaisir le Garde des sceaux prendre place avant les ducs et pairs, il le saisit brutalement par le bras et le contraignit à lui céder la place. Mais, malgré l’exil à Metz qui suivit ce scandale , c’est lui qui vint préparer l’évasion de la reine Marie de Médicis, exilée à Blois,  et c’est lui  qui dicta les conditions de la paix signée à Angoulême entre Marie de Médicis  et Richelieu. Il obtint alors le gouvernement de Guyenne qui, jusqu’alors, était réservé aux princes du sang. Il entra en conflit avec l’archevêque de Bordeaux, d’Escoubleau de Sourdis , et lui asséna des coups de canne, tandis que l’archevêque l’excommuniait. Devant ce nouveau  scandale, le roi l’exila à Coutras dans la Gironde, près de Libourne,  et le força à écrire une lettre d’excuses à l’archevêque et à écouter à genoux la sévère  réprimande  que celui-ci lui fit.
B La Reine Marie de Médicis et son favori  Concini, agent de l’Espagne.
L’évêque de Luçon, Richelieu, prévoyant, rendit visite à Mademoiselle d’Escoman en prison et l’interrogea longuement sur la complicité de la reine dans la mort de son mari. Lors de la Journée des Dupes, dix-neuf ans plus tard, ses confidences  fournirent à Richelieu une arme décisive  contre la reine.
D’autre part, son favori, Concini complotait avec Henriette d’Entragues   et  servait d’agent  à l’Espagne en utilisant l’envoyé du Grand- Duc de Toscane.  
Du vivant même du roi, la reine s’enquit de la régence auprès de la vieille comtesse du Sault et désira savoir comment ses devancières avaient obtenu et exercé la régence ; elle a réclamé les registres du parlement à M .du Tillet « pour voir comment on en avait usé du temps de Madame Catherine et des reines précédentes ».
Le sacre
Le fait que la date du  sacre exigé par la reine en prévision de la mort projetée du roi  ait été reportée a amené aussi le report de l’assassinat au 14 mai,  car l’assassinat ne devait avoir lieu, pour  des raisons religieuses, qu’après  le sacre qui légitimait la future régente, bien que ce fût une étrangère. La nouvelle de l’attentat qui devait avoir lieu après ce sacre projeté d’abord pour le 10 mai  filtra avant le 14 mai.  Ainsi, le nonce pontifical Ubaldini déclare : « Chose étrange, des lettres particulières écrites le 13 mai ont été portées à la Reine venant de Flandre : elles portaient que le Roi de France avaient été assassiné. »
A la Bibliothèque nationale, département des manuscrits, figure, cité par Erlabnger, un manuscrit n°15588, intitulé Mémoire pour faire voir que l’on disait aux pays étrangers la mort du feu Roi Henri IV être arrivée avant le malheureux coup de Ravaillac.

La crainte de l’empoisonnement.
La reine craignait que  son mari Henri IV ne l’empoisonnât et refusait les venaisons qu’il lui envoyait. Ceci peut donner à penser qu’elle en avait fait autant pour Henri IV qui présente de curieux symptômes le jour du meurtre (en particulier, un curieux vertige et une étrange aboulie) et les jours précédents. Les poisons (de la pomme épineuse peut-être) venaient d’un médecin, un juif portugais, Elian de Montalto, protégé de la favorite de la reine, la  Galigaï , et de la reine. Si l’attentat avait échoué, il restait encore de l’espoir grâce au poison. C’est ainsi que s’explique l’état mental suicidaire de Henri IV le jour de l’attentat, où il fait apprêter son carrosse (alors que les prédictions lui annoncent  qu’il mourra en carrosse) et où il décide de sortir, sans motifs, et sans ses gardes qu’il renvoie, en même temps qu’il accepte le  duc d’Epernon comme passager.

C Le pape Paul V, souverain temporel également comme chef  des Etats pontificaux, et les jésuites.
Le pape craignait que le projet de guerre imminent de Henri IV pour sauver les Etats allemands protestants ne les renforce au détriment des états catholiques, l’ Espagne et l’Autriche. D’ailleurs, le lendemain du meurtre, le projet de guerre, pourtant bien avancé,  est abandonné.
 Le nonce pontifical Ubaldini, qui siègera au conseil de régence, écrit au pape que Ravaillac était mort saintement et avec constance et sans mettre en cause les jésuites : « Dieu soit remercié, dont la grande bonté et providence n’a pas permis que dans une scélératesse si atroce eût eu part autre qu’un seul [les Jésuites]…Il a prévu, en le préservant vivant, qu’apparaisse  au monde la vérité et que soit barrée la route au soupçon et à la calomnie [contre les Jésuites] d’où pouvaient naître des maux infinis . » Oubliée dès lors la théorie jésuite du régicide inspiré par Dieu, car le jésuite Juan de Mariana, dès 1598, avait soutenu,  dans sa thèse en latin Du roi et de l’institution royale , que le tyrannicide était juste et que le salut éternel de l’assassin était garanti, dès lors qu’il  agissait sur un ordre divin. Nous savons que Ravaillac avait lu cette thèse, donc qu’il comprenait le latin, ainsi que d’autres livres du même acabit. C’était Louis Thomas, un jésuite d’Angoulême, un fils du Prévôt de Pithiviers, qui lui avait prêté ce livre. Le jour même de l’exécution de Ravaillac, sa thèse est condamnée par la Sorbonne et solennellement brûlée, mais trop tard. Quant au Pape, il n’hésita pas à censurer  l’arrêt du Parlement qui condamnait le jésuite. Mais tout demeura secret.
Je fais un sort particulier à deux jésuites , les fils du prévôt des marchands de Pithiviers (voir ci-dessous), qui étaient  liés à Henriette d’Entrague. Louis, à Angoulême, eut mission de chauffer et d’entretenir Ravaillac dans ses intentions criminelles. . .

D Henriette d’Entragues,  marquise de Verneuil
Saint-Simon la croyait impliquée, comme  la reine,  dans la mort de Henri IV. Henri IV avant son mariage  signe imprudemment une  promesse de mariage avec Melle d’Entragues pourvu qu’avant un an elle lui ait donné un fils .Il la crée marquise de Verneuil et lui verse 100 000 écus. Henriette se voit déjà couronnée reine. Mais la foudre tombe dans sa chambre de la marquise et provoque l’accouchement d’un garçon mort-né. Toutefois Henri IV est encore amoureux de Henriette. Il l’installe au Louvre avec le titre de dame d’honneur de la Reine qu’il vient d’épouser. Le père de Henriette d’Entragues, et son  demi-frère, le comte d’Auvergne, bâtard de Marie Touchet et de Charles IX,  prennent part à la conspiration de Biron qui vise à la mort du roi et au démembrement de la France au profit de l’Espagne. Quand Biron est décapité, Henriette obtient de Henri IV la grâce de son père et de son demi-frère ; mais, dès 1604, Auvergne complote à nouveau afin d’assurer la couronne au petit Verneuil, fils de Henri V et de Henriette,  dont l’Espagne avait secrètement reconnu les droits au royaume : Henri –Gaston de Bourbon- Verneuil, la régence devant aller à la marquise de Verneuil.  « Il fut convenu que le roi, allant voir la marquise en poste comme il avait coutume de le faire souvent, n’étant accompagné que de cinq ou six personnes seulement, on lui couperait la gorge et que, quant au Dauphin [né le 27 septembre 1601 au château de Fontainebleau, le futur Louis XIII]  on lui ferait suivre le père pareillement (on le ferait mourir) ». Henri IV se sert des preuves du complot pour récupérer sa promesse de mariage. Le complot découvert, d’Entragues et d’Auvergne sont embastillés et le roi rompt avec Henriette, qui est enfermée au monastère de Beaumont- lès- Tours, mais elle s’humilie  et Henri pardonne, la pourvoyant de lettres d’abolition et graciant son père. Seul son demi-frère , le comte d’Auvergne, reste à la Bastille. Prévenue par Concini des intentions de la reine à son égard, elle préfère se retirer en son château de Verneuil jusqu’à la fin de l’année 1605.
La Galigaï et son mari Concini avaient offert à Henriette d’Entragues de la mettre « en tel crédit qu’elle voudrait avec la Reine», pourvu qu’elle acceptât d’autoriser leur mariage que refusait Henri IV.
D Charlotte du Tillet, originaire d’Angoulême, dame d’honneur de la reine.
C’est chez cette ancienne maîtresse du duc d’Epernon que les préparatifs du complot ont eu lieu. Ravaillac y a été logé. Elle s’adonne à la magie noire.
La révélation du complot visant à assassiner le roi par Jacqueline Le Voyer, demoiselle d’Escoman
 Jacqueline Le Voyer, demoiselle (c’est-à-dire femme mariée non noble, n’ayant pas droit au titre de Madame parce que non noble) d’Escoman, béarnaise et calviniste,  née à Orin dans les Pyrénées-Atlantiques, mariée à un soldat aux gardes Isaac de La Varenne, sieur d’Escoman qui tirait son titre de courtoisie d’ Ecoman d’un lieu-dit de la commune de  Viévy -le- Rayé, en Loir- et- Cher,fut employée d’abord par Madame de Chantemesle (le beau château de Chantemesle se trouve  dans la commune de Logron, en Eure-et-Loir).Madame de Chantemesle est Charlotte- Catherine de Balsac d’Entragues, soeur de Henriette, épouse de Jacques d’Illiers, seigneur de Chantemesle. On trouve dans les registres d’état-civil de Logron à la date du  30 septembre 1634 un baptême où interviennent, comme parrain , Léon de Balsac, de Dunes et d’Illiers, chevalier et seigneur d’Entragues, de Chantemesle, de Malesherbes, de Marcoussis etc; et pour marraine Marie de Balsac d’Entragues, une autre sœur de Henriette, celle qui eut un enfant de Bassonpierre.
La dame de Chantemesle la recommanda  comme dame de compagnie à sa sœur  Henriette d’Entragues , marquise de Verneuil (en Charente, non loin d’Angoulême, près de Confolens plus exactement),maîtresse de Henri IV. La demoiselle d’Escoman avait  rencontré Ravaillac chez Henriette, et utilisé ses services comme solliciteur de procès chargé de faire les actes de procédure de sa séparation d’avec son mari,père de son enfant et qui ne voulait payer aucune pension. De là  Ravaillac est conduit par la d’Escoman  chez un La Rivière, puis chez Charlotte du Tillet. Ravaillac   lui avait révélé le complot ourdi  par le duc d’Epernon,par  sa maîtresse Charlotte  du Tillet et par la marquise de Verneuil .Le couple Concini ,  la reine Marie de Médicis ainsi que Philippe III , roi d’Espagne,leur apportaient plein et entier soutien.
Aucun des avertissements de la demoiselle d’Escoman ne parvient  au roi, parce que les personnes auxquelles elle s’était naïvement adressée faisaient en réalité partie du complot. Elle affirme avoir rencontré Ravaillac à Pâques et dit que Ravaillac lui a avoué son dessein de tuer le roi. Ceci n’a rien d’étonnant, car tout Paris était informé, -sauf la police du roi.
« Le tueur du roi est ici [à Paris]. C’est un grand diable d’homme, puissant et gros de membres, le poil tirant sur le roux, vêtu de vert à la flamande » dans Les Causes célèbres.-Le procès Ravaillac.  Maurice Andrieux, cité par P.  Erlanger, p.302, biographe récent de Henri IV, écrit dans Henri IV, 1955, qu’on donnait du tueur «  un signalement qui, par une rencontre toute fortuite, mais saisissante, correspondait d’étrange manière à celui de Ravaillac» ! Le meurtre commis, elle est libérée  en janvier 1611 : c’est durant cette courte période de liberté qu’elle transmet le manuscrit qu’elle a écrit en prison et qui sera publié à Paris en 1616 : Le véritable manifeste[par opposition au Manifeste de La Garde] sur la mort d’Henri le Grand, par la demoiselle d’Escoman, conservé à la Bibliothèque Nationale  et republié en 1616 dans les Archives curieuses de l’histoire de France par Cimber et Danjou , capital pour qui veut connaître les assassins .  Le duc fait mettre à la retraite Achille Ier de Harlay qui présidait le procès et le fait remplacer par M. de Verdun qui lui était tout acquis.
« Le 25 janvier on assembla les Chambres et elles décernèrent quelques prises de corps et ajournements personnels. La Villiers-Hoteman, la présidente Saint-André et Charlotte du Tillet, sa sœur, durent comparaître… Le valet de Melle du Tillet avoua que toutes deux [la marquise et C. Du Tillet] connaissaient Ravaillac, et qu’à plusieurs reprises elles lui avaient donné de quoi vivre. » »Mais l’incorrigible demoiselle  d’Escoman  persiste dans ses accusations et elle est emprisonnée à perpétuité, sans même avoir été jugée, «  vu la qualité des accusés », porte l’arrêt.  

  Les autres témoins et  indices : le prévôt de Pithiviers et le capitaine Lagarde
Ravaillac, son régicide commis, est amené à l’Hôtel de Retz par d’Epernon, puis passe une journée chez le duc d’Epernon, le 16 mai ! Ce n’est que deux jours après s’être entendu avec ses commanditaires qui voulaient s’assurer qu’il dirait avoir agi seul, sans l’ordre des jésuites, du pape, de Philippe III, de son agent en France Concini, de la reine et  du duc, qu’il sera transféré à la Conciergerie.
Le prévôt des marchands (officier civil) de Pithiviers, à deux journées de Paris.
Thomas Robert est le père de deux jésuites et c’est un « catholique à gros grains », « homme mal famé et renommé partout, reconnu de tous  pour un très mauvais serviteur du Roy (mais très bon de la Maison d’Entragues et de la Marquise de Verneuil). » Il était très attaché à Madame de Verneuil et à sa famille, le comte d’Auvergne notamment. On trouva chez lui  un instrument   destiné à scier les barreaux du cachot  de la Bastille où était enfermé le frère de la marquise, le comte d’Auvergne. Il avait pris part à la conspiration de 1604 et faisait souvent allusion au «  désastre » qui allait fondre sur le roi quand, le 14 mai, l’après-midi, se trouvant dans un jardin de Pithiviers et regardant jouer à « la courte boule », miracle de la télépathie ! il annonça imprudemment aux assistants surpris :
« Le roi vient d’être tué » ! Il est mort à cette heure, n’en doutez pas ! » »Et, quelques jours auparavant, avait tenu le même et semblable langage, à quoi on n’avait aucunement pris garde, jusqu’à ce que la fortune avenue fît croire que le gaillard savait l’entreprise et qu’il était des complices de ce malheureux assassin »(L’Etoile) . L’assassinat était projeté pour avoir lieu après le sacre  de la reine, mais cette date fut reportée et on a de nombreuses traces du projet d’assassinat à la première date du sacre.
Des gens de Pithiviers vinrent rapporter les curieux propos de leur prévôt au Parlement de Paris. Il fut emprisonné à la Conciergerie, mais, avant d’avoir été interrogé, -ce qui aurait pu gêner la marquise de Verneuil et le duc d’Epernon, -, fut retrouvé mort dans sa cellule le lendemain, étranglé par les cordons de ses caleçons. Selon Jacqueline Le Voyer, « C’est la marquise de Verneuil qui l’a fait tuer par un de ses parents, de crainte que la torture ne lui arrachât des révélations compromettantes. » Il fuit pendu par les pieds et brûlé en Place de Grève. Cette mort préfigure, nous dit P. Erlanger, p.304, celle de l’anarchiste Jean Vigo, avec pour pseudonyme Almeryda (anagramme de Y a de la merde !), accusé d’intelligence avec l’ennemi en 1917 à cause de son journal, trouvé mort dans sa cellule, mais dont Léon Daudet affirme qu’il ne s’agit pas d’un suicide non plus, mais qu’il a été  assassiné. « Un homme mort ne parle pas, ce qu’on demandait, car s’il eût parlé, écrit l’Etoile, il en eût trop dit pour l’honneur et profit de beaucoup qu’on ne voulait point fâcher [la Reine et Concini, d’Epernon et la Marquise de Verneuil].C’est pourquoi on a eu l’opinion de ces pieds-plats de Beaucerons qui, partout, à Pithiviers et aux environs, vont disant : « Mon Dieu ! Que la mort de ce méchant homme avenue vient bien à point pour M. d’Entragues [le père de la marquise de Verneuil, comploteur gracié par Henri IV], la marquise de Verneuil sa fille [la fille de M. d’Entragues] et toute sa Maison [allusion  au fils de la marquise et de Henri IV et au comte d’Auvergne, demi-frère de la Marquise de Verneuil] ! » Intéressantes précisions de ce mémorialiste contemporain.
Pourquoi Pithiviers ? Les Entragues étaient seigneurs de Yèvre-le- Châtel, aujourd’hui Yèvre –la- Ville, près de Pithiviers.
Le capitaine Pierre Dujardin –Lagarde.  
Il est l’auteur, vers 1619, de trois opuscules :
1Factum de Pierre du Jardin, sieur et capitaine de la Garde, natif de Rouen, province de Normandie, prisonnier en la Conciergerie du palais de Paris, contenant un abrégé de sa vie et des causes de sa prison, pour ôter à un chacun les mauvais soupçons que sa déportation pourrait avoir donnés.
2 Manifeste de Pierre du Jardin, capitaine de la Garde, prisonnier en la Conciergerie du palais, à Paris (1619).
Consultable sur Internet, 16 pages, republié dans Variétés historiques et littéraires, tome VII.  
La Garde avait dénoncé au roi les complots ourdis contre lui à Naples et avait publié  ce qu’il pouvait en dire dans La mort d’Henry le Grand découverte à Naples en 1608 par Pierre du Jardin, sieur et capitaine de la Garde, natif de Rouen en Normandie, détenu ès prisons de la Conciergerie du Palais,  à Paris, 1610, et republié dans les Archives curieuses de l’Histoire de France de Cimber et Danjou, tome I.
 Il avait rencontré à Naples un La Bruyère, qui lui avait remis une lettre l’invitant à tuer le roi, en même temps qu’un personnage  qui se vantait de  tuer le roi, qu’il appelle Ravaillac.  Michelet pense que Ravaillac fut effectivement envoyé à Naples par le duc d’Epernon.  Henri IV  recommanda à Dujardin  de garder cette lettre qui contenait ces précieuses  indications et, pour sa sécurité, l’envoie en Pologne avec le duc de Nevers parmi  les gens du grand maréchal de Pologne. A son retour de Pologne, il inquiète d’Epernon et les autres  instigateurs du complot car ceux-ci lui tendent une embuscade et attentent à sa vie à Flize dans les Ardennes. Il réussit à se traîner, tout  couvert de sang et de plaies jusqu’à Meslières près de Montbéliard où se trouvait le duc de Nevers et, sous la protection de Nevers, il réussit à arriver à Paris. Prudent, il fait à la Régente et au Parlement   une requête qui, après avoir été refusée par deux fois, lui valut de Louis XIII  une nomination comme contrôleur des bières .Mais, en 1615, dès que les Etats généraux se furent séparés et que l’on n’eût plus peur de ses révélations, il fut incarcéré à la  Bastille, puis , sans être interrogé  durant 9 mois,  à la Conciergerie. Un arrêt du Parlement du 12 août 1616 prescrivit l’expertise de la lettre écrite par La Bruyère au capitaine Dujardin et lui ordonnant de tuer le roi.. En 1619 de Luynes, en guerre contre Marie de Médicis,  libère l’infortuné, le pensionne même de 600 livres , lui rend ses provisions de contrôleur des bières et l’autorise à publier son récit .
Cette lettre de la Bruyère de 1608  l’invitant à tuer le roi devait incriminer les auteurs du meurtre de 1614, pour autant  les inquiéter. Cités pour la première fois par Michelet, les libelles du capitaine n’ont malheureusement pas fait  l’objet d’études sérieuses, ni même d’études tout court.
Charles de Beauxoncles, sieur de Sigogne.
 Cet auteur satirique (cf. F. Fleuret, De Ronsard à Baudelaire)  révèle  que sur la route de Dieppe le 14 mai 1615 il distança un cavalier présent à l’heure du drame ; le cavalier est arrêté à Dieppe avec deux messages, l’un au lieutenant Cusson, où il écrit que le roi vient d’être frappé et qu’il est quatre heures, l’autre à un conspirateur inconnu où il demandait des chevaux pour les faire monter par des membres de la conspiration.


L’attentat lui-même et ses obscurités : le rôle du duc d’Epernon et de son geste meurtrier passés sous silence.  
Voici l’identité, mal assurée, et la  disposition, encore moins assurée, des huit  passagers, rangés par deux à l’avant, puis par  trois ;   selon F. Fleuret : «à la portière droite, …les maréchaux Lavardin et Roquelaure. Le duc de Montbazon et le marquis de La Force se tenaient près du Roi, à la portière gauche ; et sur le devant, au rebours [en sens contraire des autres passagers], étaient le Marquis de Mirebeau et Du Plessis- Liancourt, premier écuyer. »
 Selon P. Erlanger, Epernon est à droite du roi, Lavardin et Roquelaure à la portière de droite, Montbazon et La Force à la portière de gauche, Mirebeau et Liancourt sur le devant. 
  En tout cas, le duc d’Epernon et Montbazon encadrent le roi, et le duc d’Epernon est placé, semble-t-il, contre la portière de droite , tandis que le protestant Montbazon est placé contre la portière de gauche. Il y aurait trois passagers pour cette rangée royale. Derrière cette rangée, se trouvent, de droite à gauche, Lavardin, Roquelaure  et La Force.  Mirebeau et Liancourt font face à la rangée royale. 
  Il est faux que le roi désire aller à l’Arsenal visiter Sully, malade. Du Louvre le carrosse atteint l’hôtel de Longueville, puis la Croix du Trahoir, enfin le cimetière des Innocents par la rue de la Ferronnerie, étroite, bordée du côté gauche par le mur du cimetière, obstruée par deux charrettes, l’une de vin venant de la droite, l’autre de foin venant de la gauche. On ne connaît pas la cause de cette course royale  qui devait durer moins d’une heure. Elle tendait essentiellement à sortir le roi du Louvre : « Sortez-moi de céans », répond-il impatiemment à la question du cocher demandant où il désire aller. Peut-être, à la suite du vertige et du malaise qui avaient saisi le roi,  a-t-il ressenti un besoin impératif de prendre de l’air,de quitter l’atmosphère confinée du Louvre, espérant s’en trouver mieux.
Ravaillac escalade une borne placée devant l’auberge Au cœur couronné percé d’une flèche (enseigne prémonitoire et allusion à Richard Cœur –de- lion , atteint par un carreau d’arbalète tiré par un chevalier de petite noblesse limousine , Pierre Basile),met un autre pied sur le moyeu de la  roue,  s’accroche de la main droite à la portière et, selon Ph. Erlanger, « de la main gauche [il est droitier] porte au roi un coup mal ajusté qui déchire superficiellement la  poitrine au-dessus du cœur. » Ravaillac , qui ne parle que de deux coups,  déclarera qu’il « donna dans le corps du roi comme dans une meule de foin ».
Ah ! Je suis blessé! s’écrie Henri....
Ravaillac, une deuxième  fois, frappe …
[Selon le duc d’Epernon, d’après le scénario rapporté par Girard], le duc d’Epernon, qui vit lancer ce second coup, avança son bras [gauche] pour le détourner et en reçut une partie  dans la manche de son pourpoint qui fut percée. Mais le destin ne permit pas qu’il le reçût tout entier comme il eût désiré, ni qu’au péril de sa vie il sauvât celle de son maître. Le malheureux  parricide [régicide] poussa jusqu’au  troisième, les deux derniers  furent mortels. » [Pourtant, le 3e n’a pas touché le  roi, mais seulement le pourpoint de Montbazon. Quant au deuxième, il aurait été en réalité mortel pour le roi : y a-t-il confusion du 2e coup et du 3e qui frappe le pourpoint de Montbazon ? Pour un témoin oculaire, quel manque d’exactitude ! Selon F. Fleuret, dans son roman historique fort exact, Echec au Roi !  (1935], c’est Epernon qui, dans le désordre, aurait frappé ce  3e coup peu compréhensible, mais mortel selon Fleuret . « Comment ne pas s’étonner  que le duc, ayant eu la présence d’esprit de détourner  en partie le second coup [pourtant seul mortel], ait laissé passer le troisième », même inoffensif ? note P. Erlanger, qui continue, p.254 :   
« Henri a  relevé le bras en recevant la première blessure [en réalité Epernon lui a levé le bras, pour le rendre vulnérable) : « le second coup traverse le poumon, atteint l’aorte ; le troisième, qui est inutile, perce la manche de Montbazon [autre passager à la portière  de gauche] ».
Pour Michelet, p.132, « « Je suis blessé ».  En jetant ce cri, le roi leva le bras, ce qui permit le second coup qui lui perça le cœur. »Mais pourquoi le roi aurait-il levé le bras ? Epernon ne le lui aurait-il  pas plutôt maintenu le bras, sans être vu ?

  L’acte de Ravaillac était attendu du duc d’ Epernon. Tout ceci est bien confus et le bras levé du roi, qui semble avéré et fut cause de sa mort, peut être interprété de plusieurs  façons :
1 Le roi, qui, étant presbyte, ne peut lire facilement sans lunettes,  veut lire ou relire une lettre qu’il éloigne de lui pour mieux la voir et lit à haute voix pour d’Epernon ; il  lève le   bras tenant la lettre « pour mieux voir ».
2  Le roi aurait passé son bras autour du cou d’Epernon, qui lui aurait lu cette  lettre, jamais retrouvée et lui dénonçant peut-être Epernon et l’attentat imminent,  comme c’était arrivé à César qui avait gardé dans sa toge le mot lui dénonçant les assassins.. Quand on connaît les rapports haineux qui existaient entre eux, on est surpris que le roi lui ait passé le bras autour du cou.
Lors de l’attentat commis en 1694 contre le roi par Jean Chastel âgé de 19 ans et qui avait été l’élève des jésuites, le calviniste Montigny sauva Henri IV qui s’était baissé pour relever deux gentilshommes agenouillés en  saisissant le bras du meurtrier. Le roi ne fut blessé qu’à la lèvre et eut une dent cassée. Les jésuites furent exilés du royaume et l’un d’eux pendu. Mais Epernon n’est pas le protestant Montigny.
Comme l’a pensé Bourdais (voir ci-dessous les Réfutation de nombreuses inexactitudes sur les circonstances de l’assassinat, parmi lesquelles figure le geste meurtrier du duc d’Epernon), Epernon a  écarté le bras droit du souverain de façon à offrir  le champ libre à Ravaillac et à rendre le roi plus vulnérable. Tel est le secret de l’attentat, bien vu par Bourdais.
  Le roi, grâce à Epernon, étant mort immédiatement de ce second coup, surgissent alors  7 ou 8 hommes, l’épée à la main, qui ont pour mission de tuer l’assassin afin de l’empêcher de parler ; mais le baron de Courtemer,  à cheval, dégaine et marche contre eux ; ils font alors volte-face, sans insister.

La perspicacité de  Bourdais et la tête du roi
 Pierre Bellemare,dans  Enquêtes sur 25 trésors fabuleux,  chapitre XV, La tête d’un roi, p.255-275, a raconté les passionnantes aventures  de la tête de Henri IV, depuis le vandalisme révolutionnaire à l’abbaye royale de Saint-Denis et la décapitation du Vert Galant jusqu’à la vente par un commissaire-priseur , pour l’équivalent d’un euro,  d’une tête qui , tous examens scientifiques et historiques passés avec succès, s’est révélée être l’authentique chef du monarque, ceci grâce à l’obstination de l’acheteur, Joseph- Emile Bourdais, qui a publié  Pourquoi et comment fut tué Henri IV. Réfutation de nombreuses inexactitudes sur les circonstances de l’assassinat résultant des constatations faites à l’examen du chef momifié de ce monarque, 1930. Dinard. 63 pages . Dans cette brochure il met en cause Epernon comme l’auteur du coup de couteau mortel.

Conclusion
Le conseil de régence, secret, qui dicte à la reine veuve et complice de l’assassinat, une princesse toscane d’affinités espagnoles, ce qu’elle dira aux ministres, donne le pouvoir à l’Espagne, avec trois étrangers, ce qui est unique dans l’histoire de France : l’ambassadeur d’Espagne, le nonce pontifical et Concino Concini, enfin le duc d’Epernon, traître et assassin.
Quand, en 1958, j’étais élève en hypokhagne au Lycée  Louis-le- Grand, j’avais pour professeur d’histoire  Emile Tersen qui nous dit que pendant la guerre il avait reçu la visite d’un officier SS. Celui-ci lui parla d’un de ses manuels où il avait écrit que la date de 732 avec la victoire  de Charles Martel marquait la victoire de la barbarie sur la civilisation. Il lui avoua : « Ce que vous avez écrit est vrai, mais il ne faut pas le dire. »
 On retrouvera dans l’assassinat, si  mal étudié, de Jean Jaurès (l’assassin jugé patriote sera aussi acquitté) les mêmes obscures connotations. Trahison et contre-révolution sont en place pour longtemps.


Bibliographie moderne :
Jules Michelet, Histoire de France,  XVII e siècle.-Henri IV et Richelieu, nouvelle édition revue et augmentée,  tome onzième,  Lacroix, 1874, 397 pages ;
Philippe Erlanger, L’étrange mort de Henri IV, 1964.
Fernand Fleuret,roman historique ,  Echec au Roi, 1935


















 

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