Enquête sans parti pris sur l’assassinat de Henri IV, ou
l’enseignement prétendument laïc de l’histoire officielle et ses
mensonges
Tout est obscur dans la mort de
Henri IV. On peut supposer que certains témoignages ont été altérés, certains afin de
rapprocher la mort du premier Bourbon de celle de César : prédictions rétrospectives (Méfie-toi des Ides de
mars pour César et Prends garde à la date du 14 mai 1615 pour Henri IV,
songe prémonitoire de la reine comme de
la femme de César, prodiges divers après la mort du souverain et du dictateur
romain. Par exemple,- fait attesté devant notaire,- « durant la nuit
du 14 au 15 mai, des centaines de vaches quittèrent leurs pâturages, envahirent
la ville de Pau et marchèrent jusqu’au château, le lieu de naissance de Henri IV. S’étant
arrêtées là, elles se mirent à meugler ensemble de façon lamentable ; le
taureau qu’on appelait le Roi continua, lui, d’avancer.Il vint briser ses
cornes contre la porte, puis se précipita dans le fossé où il mourut. »
Citons encore la phrase prêtée à Ravaillac lorsqu’il s’aperçut que le peuple
était très loin de l’applaudir et de le libérer au point que quelqu’un au pied de l’échafaud offrait son
cheval pour remplacer celui qui s’était fatigué à l’écarteler : « On
m’a bien trompé quand on [qui donc ?peut-être un jésuite d’Angoulême,
Louis Thomas,fils du prévôt de Pithiviers,
qui lui persuada qu’il ne risquait rien et qu’il serait libéré et porté
en triomphe par le peuple]] m’a voulu persuader que le coup serait bien reçu du
peuple, puisqu’il fournit lui-même les
chevaux pour me déchirer. »… Même si la chose n’est pas
impossible, quelle vraisemblance que le
régicide ait trouvé le sang-froid, au milieu
de son écartèlement, de faire cette réflexion ? il est vrai que sur l’échafaud,
il se tourna vers le peuple 5michelet), demandant en grâce qu’on donnât à l’âme
du patient qui allait tant souffrir la consolation d’une prière, un Salve Regina ; mais la grève , tout
entière, hurla : « Judas à la damnation ! »Certaines
scènes, comme ces Suisses faisant rôtir sous les fenêtres du Louvre des
morceaux de Ravaillac et s’apprêtant à les dévorer laissent pantois…
Les sources du crime
selon Michelet.
Les documents ont été dissimulés ou détruits, comme le fit
remarquer Jules Michelet qui, le premier, tenta d’y voir clair. Il cite, p.
140, l’extrait du procès-verbal de l’interrogatoire de Ravaillac publié qui
porte : »Ce qui se passa à la question (tortue) est sous le secret de la cour. »
« Ce spectre effroyable, qui n’était plus qu’une plaie,
mais gardait une âme, déclara qu’il parlerait. Le greffier, qui était là, fut bien
obligé d’écrire… Que devint le procès ? continue Michelet. Je l’avais
cherché en vain aux registres du Parlement. Une note des papiers Fontanieu
(Bibliothèque Nationale), qu’a copiée M. Capefigue, nous apprend que le
rapporteur le mit dans une cassette et le cacha chez lui dans l’épaisseur d’un
mur ; que la feuille écrite sur l’échafaud fut gardée par la famille Joly
de Fleury, qui la laissa voir à quelques savants, et que, quoiqu’elle fût peu
lisible, on y distinguait le nom d’Epernon et même celui de la reine. »Enfin !
« Le grand secret n’était plus un secret (en 1614, lors
de la convocation des Etats généraux). … le rapporteur de Ravaillac existait,
et ses dépositions, reçues sous le secret
de la cour, n’avaient pas encore été détruites. Elles existaient dans la
cassette, murée à l’angle des rues Saint-Honoré et des Bons -Enfants, avec la
feuille dictée par Ravaillac sur l’échafaud, entre les tenailles et le plomb
fondu, et l’on pouvait y lire les noms d’Epernon et de la reine. Le témoin
Dujardin- Lagarde, assassiné par Epernon [allusion à l’embuscade qui lui fut
tendue mais à laquelle il échappa], Lagarde vivait toujours ; il était à Paris,
et demandait réparation. Pour réparation, il eut la Bastille. La dame
d’Escoman, ajournée [« vu la qualité des accusés » porte
l’arrêt !], non vraiment jugée, était à la
Conciergerie, toujours dans la main du parlement, qui par elle avait une hypothèque terrible sur le
Louvre .Si, par Lagarde, on mettait Epernon à jour, derrière lui, par la d’Escoman,
on allait à la reine. Le duc en trois jours eût été en grève, et elle fût
partie pour Florence. »
Ceux qu’on
n’interrogea pas lors du procès.
La mère de Ravaillac ne fut pas
interrogée, ni les deux fils jésuites du prévôt des marchands de Pithiviers, non
plus que leur père, ni le Père Lefèvre, ni Belliard à Angoulême, ni l’abbé Guillebaud, curé de
Saint-André d’Angoulême. Ce dernier lui
avait donné un « cœur de coton », savoir un sachet de velours découpé
en forme de ces « cœurs de coton » où les couturières plantaient
leurs aiguilles, portant gravé le nom de jésus et dans lequel se serait trouvé enfermé
un morceau de la vraie croix. Ce cœur
guérissait fièvres et maux de tête, à condition qu’il ait été béni par un père capucin. « Ravaillac le
confia à Marie Moizeau, son hôtesse, pour qu’elle le portât bénir à leur
couvent, et depuis ne le quitta plus. » (Jérôme et Jean Tharaud, La Tragédie de Ravaillac) Ravaillac fut consterné lorsqu’à
l’interrogatoire le sachet fut ouvert et qu’il s’aperçut qu’il n’y avait rien du tout dans le sachet, et surtout pas un morceau de
la vraie croix : « J’ai été
bien trompé. L’imposture retombera sur les imposteurs. » Le mot
revient souvent dans sa bouche.
L’élément déclencheur
chez Ravaillac.
François (ou Jean –François), né en 1577 à Angoulême, était
le fils cadet de Jean Ravaillac, secrétaire-greffier du maire d’Angoulême, et
de Françoise Dubreuil de Fontreau, dont on voit le château dans la vallée du
Toude.
Le héros de sa mère était un ancêtre protestant ,agent de
l’Espagne, Poltrot de Méré, qui a
assassiné près d’Orléans François de Guise,chef des armées catholiques et
finira écartelé comme Ravaillac.
Alors qu’il a onze
ans, en 1588, son père est démis de ses fonctions ainsi que le maire
d’Angoulême. Le duc d’Epernon, disgracié, s’était retiré dans son gouvernement à Angoulême, mais
il fut livré aux ligueurs de la ville
dont faisaient alors partie aussi bien le maire que son secrétaire, le père de Ravaillac. Ce sont les troupes du
roi de Navarre qui rétablissent l’ordre et font ainsi perdre au père de
Ravaillac ses moyens d’existence, amenant
un profond changement dans la famille. Son père devient alors brutal et violent, dilapide le patrimoine de
sa femme tandis que celle-ci obtient la séparation. Son frère aîné, Geoffroy
Ravaillac, est connu alors lui aussi pour sa brutalité et ses démêlés
judiciaires, tandis que ses jeunes sœurs abandonnent le foyer familial où sévit
la plus grande misère ; Jean-François est recueilli par ses oncles
maternels, chanoines à la cathédrale d’Angoulême, Julien et Nicolas Dubreuil de
Fontreau. Ceux-ci lui apprennent à lire et à écrire , lui enseignent le latin et
l’éduquent Comme le dit Michelet, Ravaillac n’est pas du tout inculte ;
ils lui inculquent la haine de Henri IV
et des huguenots. Ce souvenir de la perte de revenus de son père due à Henri de
Navarre est peut-être l’élément inconscient qui le poussera à l’assassinat.
Ravaillac tente d’entrer comme frère dans l’ordre des
Feuillants, puis, refusé, dans celui des jésuites, qui, informé par le jésuite
Louis Thomas du danger, le rejettera aussi.
C’est lui qui fait vivre sa mère, fort pieuse, et il gagne
sa vie, tant bien que mal comme praticien, métier encore appelé procureur ou
solliciteur de procès et consistant à
porter les missives des plaideurs lors d’un procès jusqu’au parlement parisien : c’est le
duc d’Epernon, grand maître d’Angoulême, qui l’emploie, ainsi que Henriette
d’Entragues et même Jacqueline d’Escoman .
.En 1609, une vision lui ordonne de persuader Henri IV de
convertir les huguenots et de rencontrer le roi, ce qu’il tente à plusieurs
reprises : à la Noël 1609, à Pâques 1610 notamment, mais en vain. Il
hésite, tant et si bien qu’il renonce et
quitte Paris pour revenir à
Angoulême. C’est à Etampes, où il rencontre un autre fils du prévôt de
Pithiviers, jésuite également, qu’il se reprend, -prétendument, devant un Ecce
homo,une peinture du Christ Roi. il reprend alors le chemin de Paris.
Les principaux
suspects : le duc d’Epernon, la reine et Concini, agent de l’Espagne, le
Pape Paul V et les jésuites, la marquise de Verneuil et C. du Tillet
A)Le duc d’Epernon, ancien
mignon de Henri III, « employeur de
Ravaillac » (Michelet) et gouverneur de l’Angoûmois, donc maître de
Ravaillac.
C’est le chef des catholiques. Cet ancien mignon de Henri
III, de beau visage, homosexuel passif alors, était devenu bimétalliste en
vieillissant et en perdant ses charmes juvéniles. Le bâtard Jean-Louis de Nogaret
de la Valette, né aux environs de Toulouse en 1554, entra l’un des premiers dans la Ligue
anti-huguenote. Après le siège de La Rochelle, où il commença sa carrière militaire,
il fut attaché au duc d’Anjou et suivit la retraite du roi de Navarre loin de
la cour, avant de s’en repentir et de reparaître à la cour de Henri III. Henri III
avait acheté pour lui au roi de Navarre la baronnie d’Epernon en Eure-et-Loir et
l’avait transformée en duché-pairie .Henri III réunit au gouvernement des Trois- Evêchés
celui de l’Angoûmois, patrie de Ravaillac. Ce fut le duc d’Epernon qui fut
chargé par Henri III de négocier une alliance avec le roi de Navarre contre la
ligue dont les projets commençaient à inquiéter le roi. « Vivement attaqué
lui-même par les Guise et par la ligue,
il espérait trouver dans ce prince (le futur Henri IV) un puissant
allié »,mais il sera vite déçu -déception qui va le marquer profondément
dans sa relation avec le roi de Navarre. Par la suite, Henri III lui retira une
grande partie de ses dignités et l’exila à Loches. Il s’y croyait en sécurité,
quand le maire, le 10 août 1588, vint l’y assiéger avec un groupe de fanatiques
ligueurs, auxquels il n’échappa qu’à grand peine. Silence de Girard sur
l’épisode suivant où Epernon est sauvé par les troupes de Henri de
Navarre : en 1588 toujours, Henri III capitule devant Guise, et Epernon, disgracié,
se retire à Angoulême où le ministre de Henri III Villeroy le livre aux
ligueurs de la ville. Il est près d’être massacré et ne doit son salut qu’aux
troupes du roi de Navarre. En remerciement, il fait une tentative contre la vie
de Henri de Navarre : le 28 juin 1589, le duc d’Epernon mène Henri de
Navarre inspecter des tranchées devant Jargeau où se tenait un gros de
ligueurs. Deux personnes de son entourage tombent sous les balles. « Ensuite,
l’entraînant vers le corps de garde de Bellegreville, il le fit ressortir par
derrière et l’engagea sur un chemin qui passait si près de la courtine [front
de muraille entre deux bastions] qu’une nouvelle décharge coucha encore à terre
deux des leurs. Il allait continuer la promenade, quand Henri III,
prévenu, fit rappeler les imprudents et
tança vertement Epernon ».
Après la mort de
Henri III, d’Epernon refusa de signer l’acte par lequel un grand nombre de seigneurs
promirent de reconnaître Henri IV dès qu’il se serait converti au catholicisme.
Il s’en retourna alors dans son gouvernement d’Angoulême., emmenant un corps de
troupes considérable au moment où Henri IV en avait le plus besoin. Henri IV
lui pardonne quand même et lui laisse le gouvernement de Provence. Mais loin
d’y faire reconnaître l’autorité du roi, il ne cherche qu’à se créer une
souveraineté indépendante. Henri IV envoie contre lui d’abord un maréchal protestant , de Lesdiguières, puis de Guise avec promesse de lui donner le gouvernement de la province.
D’Epernon, à la menace que Henri IV
viendrait en personne le sommer de sortir de la province de Provence, répondit
à de Guise : « avant d’abandonner une contrée que j’ai défendue au
prix du sang de mes amis, de mes parents et du mien propre, je jouerai quitte
ou double, je me jetterai dans les bras du Savoyard, de l’Espagnol, du diable même, et quand je n’en pourrai plus, sur
mon épée…. Si le roi vient en personne, je lui servirai de fourrier [officier chargé
de marquer le logement de la cour] , non pour marquer, mais pour brûler tous
les logis de son passage. »Le 10 novembre 1595, il conclut un traité avec Philippe II, roi d’Espagne et s’engagea à faire
pour le compte de ce prince la guerre à Henri IV et aux hérétiques de France.
Quelques années plus tard, Henri IV lui rendit diverses fonctions, mais comme il voyait en lui
un serviteur du parti espagnol, il s’en méfiait. Lorsqu’il fut assassiné, il projetait même de lui ôter sa charge de
colonel de l’infanterie (renseignement tiré de sa vie écrite par son
secrétaire Guillaume Girard, grand
archidiacre d’Angoulême, imprimée après
sa mort survenue en 1642 à Loches) : Le
duc d’Epernon. –Histoire de la vie du duc d’Epernon divisée en trois parties.
Paris. 1655.
« Ici, commence, dans la vie de d’Epernon, une nouvelle
période ; sa puissance, fondée
peut-être sur un crime, va briller
encore d’un grand éclat. »(Philippe Le Bas, 1842).
Le lendemain du meurtre de Henri IV, d’Epernon fit assembler
le Parlement et, la main sur son épée
(alors qu’il était interdit de pénétrer en armes dans le parlement), déclara : « Elle est encore
dans le fourreau, cette épée, mais il
faudra qu’elle en sorte si l’on n’accorde pas à l’instant la régence à la reine
mère. » « On se demanda si ceux qui profitaient du crime n’en avaient
pas été les auteurs. L’Espagne se trouvait délivrée d’un grand danger ;
Marie de Médicis était espagnole de cœur, et d’Epernon passait pour le
représentant de la politique espagnole ; il savait que sa personne n’était
pas agréable au roi, et que Henri parlait souvent de lui avec irritation et
avec mépris. Sa mémoire n’a pu être
justifiée du soupçon de complicité du crime. »
Le duc se trouvait à Saint-Germain l’Auxerrois le jour de
Pâques, lorsque , voyant avec déplaisir le Garde des sceaux prendre place avant
les ducs et pairs, il le saisit brutalement par le bras et le contraignit à lui
céder la place. Mais, malgré l’exil à Metz qui suivit ce scandale , c’est lui
qui vint préparer l’évasion de la reine Marie de Médicis, exilée à Blois, et c’est lui qui dicta les conditions de la paix signée à Angoulême
entre Marie de Médicis et Richelieu. Il
obtint alors le gouvernement de Guyenne qui, jusqu’alors, était réservé aux
princes du sang. Il entra en conflit avec l’archevêque de Bordeaux,
d’Escoubleau de Sourdis , et lui asséna des coups de canne, tandis que
l’archevêque l’excommuniait. Devant ce nouveau scandale, le roi l’exila à Coutras dans la Gironde,
près de Libourne, et le força à écrire
une lettre d’excuses à l’archevêque et à écouter à genoux la sévère réprimande que celui-ci lui fit.
B La Reine Marie de
Médicis et son favori Concini, agent de
l’Espagne.
L’évêque de Luçon, Richelieu, prévoyant, rendit visite à Mademoiselle
d’Escoman en prison et l’interrogea longuement sur la complicité de la reine
dans la mort de son mari. Lors de la Journée des Dupes, dix-neuf ans plus tard,
ses confidences fournirent à Richelieu
une arme décisive contre la reine.
D’autre part, son favori, Concini complotait avec Henriette
d’Entragues et servait
d’agent à l’Espagne en utilisant l’envoyé
du Grand- Duc de Toscane.
Du vivant même du roi,
la reine s’enquit de la régence
auprès de la vieille comtesse du Sault et désira savoir comment ses devancières
avaient obtenu et exercé la
régence ; elle a réclamé les registres du parlement à M .du Tillet « pour voir comment on en avait usé du temps
de Madame Catherine et des reines précédentes ».
Le sacre
Le fait que la date du
sacre exigé par la reine en prévision de la mort projetée du roi ait été reportée a amené aussi le report de
l’assassinat au 14 mai, car l’assassinat
ne devait avoir lieu, pour des raisons
religieuses, qu’après le sacre qui légitimait la future régente,
bien que ce fût une étrangère. La nouvelle de l’attentat qui devait avoir lieu
après ce sacre projeté d’abord pour le 10 mai
filtra avant le 14 mai. Ainsi, le
nonce pontifical Ubaldini déclare : « Chose étrange, des lettres
particulières écrites le 13 mai ont été
portées à la Reine venant de Flandre : elles portaient que le Roi de
France avaient été assassiné. »
A la Bibliothèque nationale, département des manuscrits,
figure, cité par Erlabnger, un manuscrit n°15588, intitulé Mémoire pour faire voir que l’on disait aux
pays étrangers la mort du feu Roi Henri IV être arrivée avant le malheureux
coup de Ravaillac.
La crainte de
l’empoisonnement.
La reine craignait que son mari Henri IV ne l’empoisonnât et refusait
les venaisons qu’il lui envoyait. Ceci peut donner à penser qu’elle en avait
fait autant pour Henri IV qui présente de curieux symptômes le jour du meurtre
(en particulier, un curieux vertige et une étrange aboulie) et les jours
précédents. Les poisons (de la pomme épineuse peut-être) venaient d’un médecin,
un juif portugais, Elian de Montalto, protégé de la favorite de la reine, la Galigaï , et de la reine. Si l’attentat avait
échoué, il restait encore de l’espoir grâce au poison. C’est ainsi que
s’explique l’état mental suicidaire de Henri IV le jour de l’attentat, où il fait
apprêter son carrosse (alors que les prédictions lui annoncent qu’il mourra en carrosse) et où il décide de
sortir, sans motifs, et sans ses gardes qu’il renvoie, en même temps qu’il
accepte le duc d’Epernon comme passager.
C Le pape Paul V,
souverain temporel également comme chef
des Etats pontificaux, et les jésuites.
Le pape craignait que le projet de guerre imminent de Henri
IV pour sauver les Etats allemands protestants ne les renforce au détriment des
états catholiques, l’ Espagne et l’Autriche. D’ailleurs, le lendemain du
meurtre, le projet de guerre, pourtant bien avancé, est abandonné.
Le nonce pontifical
Ubaldini, qui siègera au conseil de régence, écrit au pape que Ravaillac était
mort saintement et avec constance et sans mettre en cause les jésuites : « Dieu soit remercié,
dont la grande bonté et providence n’a pas permis que dans une scélératesse si
atroce eût eu part autre qu’un seul [les
Jésuites]…Il a prévu, en le
préservant vivant, qu’apparaisse au
monde la vérité et que soit barrée la route au soupçon et à la calomnie [contre
les Jésuites] d’où pouvaient naître des maux infinis . » Oubliée dès
lors la théorie jésuite du régicide inspiré par Dieu, car le jésuite Juan de
Mariana, dès 1598, avait soutenu, dans
sa thèse en latin Du roi et de
l’institution royale , que le tyrannicide était juste et que le salut
éternel de l’assassin était garanti, dès lors qu’il agissait sur un ordre divin. Nous savons que
Ravaillac avait lu cette thèse, donc qu’il comprenait le latin, ainsi que d’autres
livres du même acabit. C’était Louis Thomas, un jésuite d’Angoulême, un fils du
Prévôt de Pithiviers, qui lui avait prêté ce livre. Le jour même de l’exécution
de Ravaillac, sa thèse est condamnée par la Sorbonne et solennellement brûlée,
mais trop tard. Quant au Pape, il n’hésita pas à censurer l’arrêt du Parlement
qui condamnait le jésuite. Mais tout demeura secret.
Je fais un sort particulier à deux jésuites , les fils du
prévôt des marchands de Pithiviers (voir ci-dessous), qui étaient liés à Henriette d’Entrague. Louis, à
Angoulême, eut mission de chauffer et d’entretenir Ravaillac dans ses
intentions criminelles. . .
D Henriette
d’Entragues, marquise de Verneuil
Saint-Simon la croyait impliquée, comme la reine, dans la mort de Henri IV. Henri IV avant son
mariage signe imprudemment une promesse de mariage avec Melle d’Entragues
pourvu qu’avant un an elle lui ait donné un fils .Il la crée marquise de
Verneuil et lui verse 100 000 écus. Henriette se voit déjà couronnée reine. Mais
la foudre tombe dans sa chambre de la marquise et provoque l’accouchement d’un
garçon mort-né. Toutefois Henri IV est encore amoureux de Henriette. Il
l’installe au Louvre avec le titre de dame d’honneur de la Reine qu’il vient d’épouser.
Le père de Henriette d’Entragues, et son
demi-frère, le comte d’Auvergne, bâtard de Marie Touchet et de Charles
IX, prennent part à la conspiration de Biron qui vise à la
mort du roi et au démembrement de la France au profit de l’Espagne. Quand Biron
est décapité, Henriette obtient de Henri IV la grâce de son père et de son
demi-frère ; mais, dès 1604, Auvergne complote à nouveau afin d’assurer la
couronne au petit Verneuil, fils de Henri V et de Henriette, dont l’Espagne avait secrètement reconnu les
droits au royaume : Henri –Gaston
de Bourbon- Verneuil, la régence devant aller à la marquise de Verneuil. « Il
fut convenu que le roi, allant voir la marquise en poste comme il avait coutume
de le faire souvent, n’étant accompagné que de cinq ou six personnes seulement,
on lui couperait la gorge et que, quant au Dauphin [né le 27 septembre 1601 au
château de Fontainebleau, le futur Louis XIII]
on lui ferait suivre le père pareillement (on le ferait mourir) ».
Henri IV se sert des preuves du complot pour récupérer sa promesse de mariage.
Le complot découvert, d’Entragues et d’Auvergne sont embastillés et le roi
rompt avec Henriette, qui est enfermée au monastère de Beaumont- lès- Tours,
mais elle s’humilie et Henri pardonne, la
pourvoyant de lettres d’abolition et graciant son père. Seul son demi-frère ,
le comte d’Auvergne, reste à la Bastille. Prévenue par Concini des intentions
de la reine à son égard, elle préfère se retirer en son château de Verneuil
jusqu’à la fin de l’année 1605.
La Galigaï et son mari Concini avaient offert à Henriette
d’Entragues de la mettre « en tel crédit qu’elle voudrait avec la Reine»,
pourvu qu’elle acceptât d’autoriser leur mariage que refusait Henri IV.
D Charlotte du
Tillet, originaire d’Angoulême, dame d’honneur de la reine.
C’est chez cette ancienne maîtresse du duc d’Epernon que les
préparatifs du complot ont eu lieu. Ravaillac y a été logé. Elle s’adonne à la
magie noire.
La révélation du
complot visant à assassiner le roi par Jacqueline Le Voyer, demoiselle
d’Escoman
Jacqueline Le Voyer, demoiselle (c’est-à-dire femme mariée non
noble, n’ayant pas droit au titre de Madame parce que non noble) d’Escoman, béarnaise et calviniste, née
à Orin dans les Pyrénées-Atlantiques, mariée à un soldat aux gardes Isaac de La
Varenne, sieur d’Escoman qui tirait son titre de courtoisie d’ Ecoman d’un lieu-dit
de la commune de Viévy -le- Rayé, en
Loir- et- Cher,fut employée d’abord par
Madame de Chantemesle (le beau château de Chantemesle se trouve dans la commune de Logron, en
Eure-et-Loir).Madame de Chantemesle est Charlotte- Catherine de Balsac d’Entragues,
soeur de Henriette, épouse de Jacques d’Illiers, seigneur de Chantemesle. On
trouve dans les registres d’état-civil de Logron à la date du 30 septembre 1634 un baptême où interviennent,
comme parrain , Léon de Balsac, de Dunes et d’Illiers, chevalier et seigneur
d’Entragues, de Chantemesle, de Malesherbes, de Marcoussis etc; et pour
marraine Marie de Balsac d’Entragues, une autre sœur de Henriette, celle qui
eut un enfant de Bassonpierre.
La dame de Chantemesle la recommanda comme dame de compagnie à sa sœur Henriette d’Entragues , marquise de Verneuil
(en Charente, non loin d’Angoulême, près de Confolens plus exactement),maîtresse
de Henri IV. La demoiselle d’Escoman avait rencontré Ravaillac chez Henriette, et utilisé
ses services comme solliciteur de procès chargé de faire les actes de procédure
de sa séparation d’avec son mari,père de son enfant et qui ne voulait payer
aucune pension. De là Ravaillac est
conduit par la d’Escoman chez un La Rivière, puis chez Charlotte du
Tillet. Ravaillac lui avait révélé le complot ourdi par le duc d’Epernon,par sa maîtresse Charlotte du Tillet et par la marquise de Verneuil .Le couple
Concini , la reine Marie de Médicis
ainsi que Philippe III , roi d’Espagne,leur
apportaient plein et entier soutien.
Aucun des avertissements de la
demoiselle d’Escoman ne parvient au roi,
parce que les personnes auxquelles elle s’était naïvement adressée faisaient en
réalité partie du complot. Elle affirme avoir rencontré Ravaillac à Pâques et
dit que Ravaillac lui a avoué son dessein de tuer le roi. Ceci n’a rien
d’étonnant, car tout Paris était informé, -sauf la police du roi.
« Le tueur du roi est ici [à
Paris]. C’est un grand diable d’homme, puissant et gros de membres, le poil
tirant sur le roux, vêtu de vert à la flamande » dans Les Causes célèbres.-Le procès Ravaillac. Maurice Andrieux, cité par P. Erlanger, p.302, biographe récent de Henri
IV, écrit dans Henri IV, 1955, qu’on
donnait du tueur « un signalement qui, par une rencontre toute fortuite, mais saisissante, correspondait d’étrange manière à celui de Ravaillac» !
Le meurtre commis, elle est libérée en
janvier 1611 : c’est durant cette courte période de liberté qu’elle
transmet le manuscrit qu’elle a écrit en prison et qui sera publié à Paris en
1616 : Le véritable manifeste[par
opposition au Manifeste de La Garde] sur la mort d’Henri le Grand, par la
demoiselle d’Escoman, conservé à la Bibliothèque Nationale et republié en 1616 dans les Archives curieuses
de l’histoire de France par Cimber et Danjou , capital pour qui veut connaître
les assassins . Le duc fait mettre
à la retraite Achille Ier de Harlay qui présidait le procès et le fait
remplacer par M. de Verdun qui lui était tout acquis.
« Le 25 janvier on assembla
les Chambres et elles décernèrent quelques prises de corps et ajournements
personnels. La Villiers-Hoteman, la présidente Saint-André et Charlotte du
Tillet, sa sœur, durent comparaître… Le valet de Melle du Tillet avoua que
toutes deux [la marquise et C. Du Tillet] connaissaient Ravaillac, et qu’à
plusieurs reprises elles lui avaient donné de quoi vivre. » »Mais l’incorrigible
demoiselle d’Escoman persiste dans ses accusations et elle est emprisonnée
à perpétuité, sans même avoir été jugée, « vu la qualité des accusés », porte l’arrêt.
Les autres témoins et indices :
le prévôt de Pithiviers et le capitaine Lagarde
Ravaillac, son régicide commis, est amené à l’Hôtel de Retz
par d’Epernon, puis passe une journée chez le duc d’Epernon, le 16 mai !
Ce n’est que deux jours après s’être entendu avec ses commanditaires qui
voulaient s’assurer qu’il dirait avoir
agi seul, sans l’ordre des jésuites, du pape, de Philippe III, de son agent
en France Concini, de la reine et du
duc, qu’il sera transféré à la Conciergerie.
Le prévôt des
marchands (officier civil) de Pithiviers, à deux journées de Paris.
Thomas Robert est
le père de deux jésuites et c’est un « catholique
à gros grains », « homme mal famé et renommé partout, reconnu de
tous pour un très mauvais serviteur du
Roy (mais très bon de la Maison d’Entragues et de la Marquise de
Verneuil). » Il était très attaché à Madame de Verneuil et à sa famille,
le comte d’Auvergne notamment. On trouva chez lui un instrument destiné à scier les barreaux du cachot de la Bastille où était enfermé le frère de
la marquise, le comte d’Auvergne. Il avait pris part à la conspiration de 1604
et faisait souvent allusion au «
désastre » qui allait fondre sur le roi quand, le 14 mai,
l’après-midi, se trouvant dans un jardin de Pithiviers et regardant jouer
à « la courte boule », miracle de la télépathie ! il annonça
imprudemment aux assistants surpris :
« Le roi vient
d’être tué » ! Il est mort à cette heure, n’en doutez pas ! » »Et,
quelques jours auparavant, avait tenu le même et semblable langage, à quoi
on n’avait aucunement pris garde, jusqu’à ce que la fortune avenue fît croire
que le gaillard savait l’entreprise et qu’il était des complices de ce malheureux
assassin »(L’Etoile) . L’assassinat était projeté pour avoir lieu après le
sacre de la reine, mais cette date fut
reportée et on a de nombreuses traces du projet d’assassinat à la première date
du sacre.
Des gens de Pithiviers vinrent
rapporter les curieux propos de leur prévôt au Parlement de Paris. Il fut
emprisonné à la Conciergerie, mais, avant d’avoir été interrogé, -ce qui aurait
pu gêner la marquise de Verneuil et le duc d’Epernon, -, fut retrouvé mort dans
sa cellule le lendemain, étranglé par les cordons de ses caleçons. Selon
Jacqueline Le Voyer, « C’est la marquise de Verneuil qui l’a fait tuer par
un de ses parents, de crainte que la torture ne lui arrachât des révélations
compromettantes. » Il fuit pendu par les pieds et brûlé en Place de Grève.
Cette mort préfigure, nous dit P. Erlanger, p.304, celle de l’anarchiste Jean
Vigo, avec pour pseudonyme Almeryda (anagramme
de Y a de la merde !), accusé
d’intelligence avec l’ennemi en 1917 à cause de son journal, trouvé mort dans
sa cellule, mais dont Léon Daudet affirme qu’il ne s’agit pas d’un suicide non
plus, mais qu’il a été assassiné. « Un homme mort ne parle pas, ce qu’on
demandait, car s’il eût parlé, écrit
l’Etoile, il en eût trop dit pour l’honneur et profit de beaucoup qu’on ne
voulait point fâcher [la Reine et Concini, d’Epernon et la Marquise de
Verneuil].C’est pourquoi on a eu l’opinion de ces pieds-plats de Beaucerons
qui, partout, à Pithiviers et aux environs, vont disant : « Mon
Dieu ! Que la mort de ce méchant homme avenue vient bien à point pour M.
d’Entragues [le père de la marquise de Verneuil, comploteur gracié par Henri IV],
la marquise de Verneuil sa fille [la fille de M. d’Entragues] et toute sa Maison
[allusion au fils de la marquise et de
Henri IV et au comte d’Auvergne, demi-frère de la Marquise de Verneuil] ! »
Intéressantes précisions de ce mémorialiste contemporain.
Pourquoi Pithiviers ? Les
Entragues étaient seigneurs de Yèvre-le- Châtel, aujourd’hui Yèvre –la- Ville,
près de Pithiviers.
Le capitaine Pierre Dujardin –Lagarde.
Il est l’auteur, vers 1619, de
trois opuscules :
1Factum de Pierre du Jardin, sieur et capitaine de la Garde, natif de
Rouen, province de Normandie, prisonnier en la Conciergerie du palais de Paris,
contenant un abrégé de sa vie et des causes de sa prison, pour ôter à un chacun
les mauvais soupçons que sa déportation pourrait avoir donnés.
2 Manifeste de Pierre du Jardin, capitaine de la Garde, prisonnier en
la Conciergerie du palais, à Paris (1619).
Consultable sur Internet, 16
pages, republié dans Variétés historiques
et littéraires, tome VII.
La Garde avait dénoncé au roi les
complots ourdis contre lui à Naples et avait publié ce qu’il pouvait en dire dans La mort d’Henry le Grand découverte à Naples
en 1608 par Pierre du Jardin, sieur et capitaine de la Garde, natif de Rouen en
Normandie, détenu ès prisons de la Conciergerie du Palais, à Paris, 1610, et republié dans les Archives curieuses de l’Histoire de France de
Cimber et Danjou, tome I.
Il avait rencontré à Naples un La Bruyère, qui lui avait remis une lettre l’invitant à tuer le roi, en
même temps qu’un personnage qui se
vantait de tuer le roi, qu’il appelle
Ravaillac. Michelet pense que Ravaillac
fut effectivement envoyé à Naples par le duc d’Epernon. Henri IV
recommanda à Dujardin de garder
cette lettre qui contenait ces précieuses
indications et, pour sa sécurité, l’envoie en Pologne avec le duc de
Nevers parmi les gens du grand maréchal
de Pologne. A son retour de Pologne, il inquiète d’Epernon et les autres instigateurs du complot car ceux-ci lui
tendent une embuscade et attentent à sa vie à Flize dans les Ardennes. Il
réussit à se traîner, tout couvert de
sang et de plaies jusqu’à Meslières près de Montbéliard où se trouvait le duc
de Nevers et, sous la protection de Nevers, il réussit à arriver à Paris.
Prudent, il fait à la Régente et au Parlement une requête qui, après avoir été refusée par
deux fois, lui valut de Louis XIII une
nomination comme contrôleur des bières .Mais, en 1615, dès que les Etats
généraux se furent séparés et que l’on n’eût plus peur de ses révélations, il
fut incarcéré à la Bastille, puis , sans
être interrogé durant 9 mois, à la Conciergerie. Un arrêt du Parlement du
12 août 1616 prescrivit l’expertise de la lettre écrite par La Bruyère au
capitaine Dujardin et lui ordonnant de tuer le roi.. En 1619 de Luynes, en
guerre contre Marie de Médicis, libère
l’infortuné, le pensionne même de 600 livres , lui rend ses provisions de
contrôleur des bières et l’autorise à publier son récit .
Cette lettre de la
Bruyère de 1608 l’invitant à tuer le
roi devait incriminer les auteurs du meurtre de 1614, pour autant les inquiéter. Cités pour la première fois
par Michelet, les libelles du capitaine n’ont malheureusement pas fait l’objet d’études sérieuses, ni même d’études tout
court.
Charles de Beauxoncles,
sieur de Sigogne.
Cet auteur satirique
(cf. F. Fleuret, De Ronsard à Baudelaire) révèle
que sur la route de Dieppe le 14 mai 1615 il distança un cavalier
présent à l’heure du drame ; le cavalier est arrêté à Dieppe avec deux
messages, l’un au lieutenant Cusson, où il écrit que le roi vient d’être frappé
et qu’il est quatre heures, l’autre à un conspirateur inconnu où il demandait
des chevaux pour les faire monter par des membres de la conspiration.
L’attentat lui-même
et ses obscurités : le rôle du duc d’Epernon et de son geste meurtrier
passés sous silence.
Voici l’identité, mal assurée, et la disposition, encore moins assurée, des huit passagers, rangés par deux à l’avant, puis
par trois ; selon
F. Fleuret : «à la portière droite,
…les maréchaux Lavardin et Roquelaure.
Le duc de Montbazon et le marquis de La Force se tenaient près du Roi, à la
portière gauche ; et sur le devant, au rebours [en sens contraire des
autres passagers], étaient le
Marquis de Mirebeau et Du Plessis- Liancourt, premier écuyer. »
Selon P. Erlanger, Epernon est à droite du
roi, Lavardin et Roquelaure à la portière de droite, Montbazon et La Force à la
portière de gauche, Mirebeau et Liancourt sur le devant.
En tout cas, le duc d’Epernon et Montbazon
encadrent le roi, et le duc d’Epernon est placé, semble-t-il, contre la
portière de droite , tandis que le protestant Montbazon est placé contre la
portière de gauche. Il y aurait trois passagers pour cette rangée royale. Derrière
cette rangée, se trouvent, de droite à gauche, Lavardin, Roquelaure et La Force. Mirebeau et Liancourt font face à la rangée
royale.
Il
est faux que le roi désire aller à l’Arsenal visiter Sully, malade. Du Louvre
le carrosse atteint l’hôtel de Longueville, puis la Croix du Trahoir, enfin le
cimetière des Innocents par la rue de la Ferronnerie, étroite, bordée du côté
gauche par le mur du cimetière, obstruée par deux charrettes, l’une de vin
venant de la droite, l’autre de foin venant de la gauche. On ne connaît pas la
cause de cette course royale qui devait
durer moins d’une heure. Elle tendait essentiellement à sortir le roi du
Louvre : « Sortez-moi de céans », répond-il impatiemment à la
question du cocher demandant où il désire aller. Peut-être, à la suite du
vertige et du malaise qui avaient saisi le roi, a-t-il ressenti un besoin impératif de prendre
de l’air,de quitter l’atmosphère confinée du Louvre, espérant s’en trouver
mieux.
Ravaillac escalade une borne placée devant l’auberge Au cœur couronné percé d’une flèche (enseigne
prémonitoire et allusion à Richard
Cœur –de- lion , atteint par un carreau d’arbalète tiré par un chevalier de
petite noblesse limousine , Pierre Basile),met un autre pied sur le moyeu de la
roue, s’accroche de la main droite à la portière et,
selon Ph. Erlanger, « de la main gauche [il est droitier] porte au roi un
coup mal ajusté qui déchire superficiellement la poitrine au-dessus du cœur. » Ravaillac ,
qui ne parle que de deux coups, déclarera qu’il « donna dans le
corps du roi comme dans une meule de foin ».
Ah ! Je suis blessé! s’écrie Henri....
Ravaillac, une deuxième fois, frappe …
[Selon le duc d’Epernon, d’après le scénario rapporté par
Girard], le duc d’Epernon, qui vit
lancer ce second coup, avança son
bras [gauche] pour le détourner et en reçut une partie dans la manche de son pourpoint qui fut
percée. Mais le destin ne permit pas qu’il le reçût tout entier comme il eût
désiré, ni qu’au péril de sa vie il sauvât celle de son maître. Le malheureux parricide [régicide] poussa jusqu’au troisième, les deux derniers furent mortels. » [Pourtant, le 3e
n’a pas touché le roi, mais seulement le
pourpoint de Montbazon. Quant au deuxième, il aurait été en réalité mortel pour
le roi : y a-t-il confusion du 2e coup et du 3e qui
frappe le pourpoint de Montbazon ? Pour un témoin oculaire, quel manque
d’exactitude ! Selon F. Fleuret, dans son roman historique fort exact, Echec au Roi ! (1935], c’est Epernon qui, dans le désordre,
aurait frappé ce 3e coup peu
compréhensible, mais mortel selon Fleuret . « Comment ne pas
s’étonner que le duc, ayant eu la
présence d’esprit de détourner en partie
le second coup [pourtant seul mortel], ait laissé passer le troisième », même
inoffensif ? note P. Erlanger, qui continue, p.254 :
« Henri a relevé le bras en recevant la première
blessure [en réalité Epernon
lui a levé le bras, pour le rendre vulnérable) : « le second coup
traverse le poumon, atteint l’aorte ; le troisième, qui est inutile, perce
la manche de Montbazon [autre passager à la portière de gauche] ».
Pour Michelet, p.132, « « Je suis blessé ». En jetant ce cri, le roi leva le bras, ce qui permit le second coup qui lui perça le cœur. »Mais
pourquoi le roi aurait-il levé le bras ? Epernon ne le lui aurait-il pas plutôt maintenu le bras, sans être vu ?
L’acte
de Ravaillac était attendu du duc d’ Epernon. Tout ceci est bien confus et le
bras levé du roi, qui semble avéré et fut cause de sa mort, peut être
interprété de plusieurs façons :
1 Le roi, qui, étant presbyte, ne peut lire facilement sans
lunettes, veut lire ou relire une lettre
qu’il éloigne de lui pour mieux la voir et lit à haute voix pour
d’Epernon ; il lève le bras tenant la lettre « pour mieux
voir ».
2 Le roi aurait passé
son bras autour du cou d’Epernon, qui
lui aurait lu cette lettre, jamais
retrouvée et lui dénonçant peut-être Epernon et l’attentat imminent, comme c’était arrivé à César qui avait gardé
dans sa toge le mot lui dénonçant les assassins.. Quand on connaît les rapports
haineux qui existaient entre eux, on est surpris que le roi lui ait passé le bras
autour du cou.
Lors de l’attentat commis en 1694 contre le roi par Jean Chastel âgé de 19 ans et qui avait
été l’élève des jésuites, le calviniste Montigny sauva Henri IV qui s’était
baissé pour relever deux gentilshommes agenouillés en saisissant le bras du
meurtrier. Le roi ne fut blessé qu’à la lèvre et eut une dent cassée. Les
jésuites furent exilés du royaume et l’un d’eux pendu. Mais Epernon n’est pas
le protestant Montigny.
Comme l’a pensé Bourdais (voir ci-dessous les Réfutation de nombreuses inexactitudes sur
les circonstances de l’assassinat, parmi lesquelles figure le geste
meurtrier du duc d’Epernon), Epernon
a écarté le bras droit du souverain de façon à
offrir le champ libre à Ravaillac et à
rendre le roi plus vulnérable. Tel est le secret de l’attentat, bien vu par
Bourdais.
Le roi, grâce à Epernon,
étant mort immédiatement de ce second coup, surgissent alors 7 ou 8 hommes, l’épée à la main, qui ont pour
mission de tuer l’assassin afin de l’empêcher de parler ; mais le baron de
Courtemer, à cheval, dégaine et marche
contre eux ; ils font alors volte-face, sans insister.
La perspicacité de Bourdais et la tête du roi
Pierre Bellemare,dans
Enquêtes
sur 25 trésors fabuleux, chapitre
XV, La tête d’un roi, p.255-275, a raconté les passionnantes aventures de la tête de Henri IV, depuis le vandalisme
révolutionnaire à l’abbaye royale de Saint-Denis et la décapitation du Vert
Galant jusqu’à la vente par un commissaire-priseur , pour l’équivalent d’un
euro, d’une tête qui , tous examens
scientifiques et historiques passés avec succès, s’est révélée être
l’authentique chef du monarque, ceci grâce à l’obstination de l’acheteur,
Joseph- Emile Bourdais, qui a publié Pourquoi et comment fut tué Henri IV. Réfutation
de nombreuses inexactitudes sur les circonstances de l’assassinat résultant des
constatations faites à l’examen du chef momifié de ce monarque, 1930. Dinard.
63 pages . Dans cette brochure il met en cause Epernon comme l’auteur du coup
de couteau mortel.
Conclusion
Le conseil de régence, secret, qui dicte à la reine veuve et complice de l’assassinat, une
princesse toscane d’affinités espagnoles, ce qu’elle dira aux ministres,
donne le pouvoir à l’Espagne, avec trois
étrangers, ce qui est unique dans l’histoire de France : l’ambassadeur
d’Espagne, le nonce pontifical et Concino Concini, enfin le duc d’Epernon,
traître et assassin.
Quand, en 1958, j’étais élève en hypokhagne au Lycée Louis-le- Grand, j’avais pour professeur
d’histoire Emile Tersen qui nous dit que
pendant la guerre il avait reçu la visite d’un officier SS. Celui-ci lui parla
d’un de ses manuels où il avait écrit que la date de 732 avec la victoire de Charles
Martel marquait la victoire de la
barbarie sur la civilisation. Il lui avoua : « Ce que vous avez
écrit est vrai, mais il ne faut pas le dire. »
On retrouvera dans
l’assassinat, si mal étudié, de Jean
Jaurès (l’assassin jugé patriote sera aussi acquitté) les mêmes obscures
connotations. Trahison et contre-révolution sont en place pour longtemps.
Bibliographie moderne :
Jules Michelet, Histoire
de France, XVII e siècle.-Henri IV et Richelieu,
nouvelle édition revue et augmentée,
tome onzième, Lacroix, 1874, 397 pages ;
Philippe Erlanger, L’étrange
mort de Henri IV, 1964.
Fernand Fleuret,roman historique , Echec au
Roi, 1935
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