Le rhinocéros marsupial fossile de Nouvelle-Calédonie
Au siècle dernier, on avait trouvé, dans les alluvions aurifères du Diahot, près de la mine de Fern Hill, non
loin de Manghine, une dent fossile que
H. Filhol , en 1876, avait rapportée à
un rhinocéros fossile (« Note sur la découverte d’une dent de rhinocéros
fossile à la Nouvelle-Calédonie » dans Annales
des Sciences naturelles, Paris, 6e série Zoologie et
Paléontologie, tome III , art. 2, 1 p.). En 1876, la dent fut donnée au Musée
national d’histoire naturelle de Paris. Elle a été récemment étudiée plus
soigneusement et, pour les chercheurs
(Guérin, Winslow,Piboule et Faure, dans Geobios,
n°14, fasc. 2, P . 201-217, 4 figures, 2 tableaux, 1 planche, Lyon, avril
1981, « Le prétendu rhinocéros de Nouvelle-Calédonie est un marsupial
(ZYGOMATURUS DIAHOTENSIS nov. Sp.) , solution d’une énigme et conséquences
paléogéographiques » .Elle appartient bien à un rhinocéros , mais un rhinocéros marsupial diprotondonte, voisin des
wombat, genre Zygomaturus, espèce nouvelle
Zygomaturus diahotensis, parente du Zygomaturus,trilobus de Tasmanie et d’Australie
(Billabong, Australie Occidentale et Queensland),ainsi que de Nouvelle- Guinée
(diprotodontes pliocènes appartenant à la même sous-famille) datant du Plio- Pleistocène. Une conséquence importante est que, beaucoup plus
tard qu’on ne le pensait, au pleistocène -pliocène, il y avait passage à pied
sec de l’Australie (et donc de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée) à la
Nouvelle-Calédonie. « on peut imaginer, écrivent les auteurs de l’article
cité, que cette connexion était établie par l’arc insulaire prolongeant la
pointe Sud- Est de la Nouvelle-Guinée, ou encore plus probablement par un
chapelet d’îles passant par le plateau du Queensland et le prolongement Nord de
la ride de Lord Howe, secteurs dont la bathymétrie est actuellement inférieure
à 1000
m. » La ride de Lord Howe était une
sorte de pont continental dont témoigne l’existence de deux grands râles , l’un
sur l’île de Lord Howe, l’autre sur la
Nouvelle-Calédonie. Le grand râle de Calédonie, Tricholimnas lafreyanus, éteint, analogue à celui de l’île de lord Howe, Gallirallus sylvestris, éteint aussi en raison de l’action
de convicts tasmaniens échappés qui se sont nourris de leurs œufs (voir mon
article, Les quatre squelettes de Walpole,
bulletin n°184, 3e tr. 2015).
La logique voudrait donc que l’on puisse trouver
des animaux parents de l’ornithorynque australien en Nouvelle-Calédonie.
Le teganpaïk, présent en
Calédonie, une sorte d’otarie à long cou, parente de l’ornithorynque, Megalotaria longicollis Heuvelmans 1965.
Selon B. Heuvelmans, dans Sur la bête des bêtes ignorées, tome 1, p.133, ce mammifère marin a été entendu pour la première fois en 1801
en Australie. « En juin 1801, le minéralogiste Charles Bailly et
ses compagnons de l’expédition de Nicolas Baudin s’enfonçaient dans l’intérieur
des terres après avoir donné le nom de leur bâtiment, le Géographe, à la baie de la côte occidentale. Et soudain les
voilà glacés de terreur par un rugissement
terrible, plus bruyant qu’un beuglement de taureau, et qui semble sortir des
roseaux de la rivière des Cygnes. Terrorisés, nos hommes ne demandent pas leur
reste et s’éloignent à toutes jambes. Mais il ne fait pas de doute à leurs yeux
qu’une bête aquatique formidable hante le nouveau continent. » Or, dans le
nord de la Nouvelle-Calédonie, où j’avais
aussi trouvé des dents que
j’avais attribuées à des otaries,un
vieux mineur , Edouard Normandon, a raconté avoir entendu s’élever des marécages de
l’embouchure du Diahot l’effrayant
rugissement d’un animal, et les Mélanésiens ont confirmé ses dires, tandis
que des métropolitains incrédules se
gaussaient et cherchaient à expliquer le phénomène par le cri d’un lion évadé d’un
cirque du temps des Américains ! Le
nom de ce mammifère marin subsiste dans le nom de
la tribu littorale de Touho teganpaïk (de tegan, serpent de mer, et de païk,
« long-cou » du type du héron
des récifs [Ardea sacra albolineata]. Cela correspond au katenpaï
d’Australie (katenpaï est la métathèse religieuse de tekan- paï). D’autres tribus aborigènes
l’appellent tunatapang (tunata, métathèse
de
tutan-a, de tukan-a, et pang de païnk).
Le toponyme Terenba en Nouvelle-Calédonie a la même origine : la palatale
g devient souvent r. Il garde le
souvenir de la présence aperçue du monstre sur cette plage marécageuse.Ce mammifère marin (Heuvelmans Op. cit. p.125, tome 2 et Peter Costello, dans A
la recherche des monstres lacustres,
p. 233) pondrait des œufs mais
allaiterait ses petits comme l’ornithorynque et ressemblerait à une otarie à long cou,avec une crinière
blanche et à trois bosses, caractérisée
par des rugissements rappelant ceux
d’un lion.
Maoris et
Polynésiens semblent avoir été
frappés par l’allaitement maternel des petits d’otaries à la surface de la mer,
les pores des bosses diffusant le lait. Rien d’étonnant dès lors si les tiki (nom pouvant être apparenté à tegan ,tuka, serpent de mer) autrefois gravés par trois
dans des dents d’otarie aux Touamotou, en
gardent le souvenir, car on peut être tenté de
voir dans ces figures inexpliquées que constituent les tikis de Nouvelle-Zélande la
représentation d’un embryon d’otarie à long cou, dans lequel les Polynésiens voyaient le début de toute
vie. Pour eux, le fait à partir de
l’œuf cosmique, de passer à
l’allaitement emblématique des vivipares représente l’histoire de la vie, depuis
son origine à notre époque. D’autre part, le haka (de
taka, serpent de mer ?) peut imiter le cri du teganpaïk.Tonga-tapu, Tiga
sont aussi apparentésq à tiki.
Ainsi, la Nouvelle-Calédonie n’a-t-elle pas été isolée du continent australien et elle garde des traces de sa faune préhistorique. .
Bonjour,
RépondreSupprimerJe suis actuellement en train d'effectuer un travaille de paléontologie à l'Université de Montpellier et je me penche sur la dent du Diahot, et plus largement sur les (rares) fossiles terrestres de l'île. Votre mention de la découverte de dents d'otaries m'interresse, est il possible d'avoir des photos de ces dents?
Cordialement
Affholder O.