Les fourchettes de cannibales du Musée de
Nouméa.
Au Musée de Nouméa, on peut voir une « fourchette de
cannibale » fort ancienne et dont on ignore la fonction. Je suis
toujours tenté de rapprocher les choses calédoniennes obscures des choses
australiennes étudiées par Roheim. C’est ce que je vais faire ci-après.
Selon Roheim, dans Héros
phalliques et symboles maternels, p. 16, 17 et 171, lorsque le guérisseur pointe l’os de la mort (pointing bone en anglais) en
direction de son ennemi, il le rend malade ou le fait mourir. Il s’agit de
tibia de kangourou ou d’émeu, en Calédonie de tibia de dindon de Latham,
aujourd’hui disparu, qu’on a poncé et appointé à une de des extrémités ;
on le place dans une fourmilière, afin que les insectes l’enduisent de leur
poison magique (arunkulta) ; il
est fixé ensuite à une ficelle avec de
la résine. Puis le sorcier se coupe la langue avec un couteau de pierre, crache
sang et salive mêlés sur l’os, l’enduit du sang qu’il fait couler de l’orifice
de la subincision en Australie, de la superincision en Calédonie, et le
recouvre pour finir de duvet. On dit que
l’os de la mort est extrait d’une zone du corps située entre le pénis et
l’anus ; il est censé pénétrer dans le corps de la victime par le scrotum,
c’est-à-dire la peau très fine qui entoure les testicules comme un sac. Les
Nambutji cachent l’os dans un trou, à l’endroit
où la victime a coutume d’uriner, la pointe dressée vers le haut : lorsque
la victime urine, l’os pénètre dans son corps par le jet d’urine et le tue. Souvent,
on agit à distance, parfois à plus de 100 km. Le guérisseur tient l’os à deux
mains, comme s’il s’agissait, pour ce subincisé ,de son pénis , et le dirige
vers l’ennemi. Pour que ce dernier, où qu’il se trouve, ne puisse apercevoir
l’opérateur, celui-ci jette en l’air de l’urine et des excréments qui forment
un nuage et dissimulent l’os. Le plus souvent, l’os est pointé dans le
prolongement d’un bras et d’une jambe en
extension, l’autre bras maintenant la ficelle contre l’autre jambe ployée à terre.
Selon Roheim, dans L’énigme
du Sphinx, p. 59, le sorcier prend du sperme de son pénis et des excréments
de son anus (les narrateurs miment avec du sable la façon dont il procède) et ,
en les lançant dans la direction de l’ennemi, fait apparaître un nuage derrière
lequel il se cache comme le poulpe derrière le nuage d’encre qu’il projette.
Roheim,op . cit. ,
p. 171, compare ce rituel totémique des tribus australiennes avec celui
des tribus mélanésiennes de Normanby, la tribu des Marindan-im notamment, et en particulier le sable lancé, l’éparpillement des graines,
le lancer de copeaux empreints de sang, ou de duvet blanc d’oiseau L’action de
jeter ou d’éparpiller est l’équivalent de l’éjaculation et le sable ou le duvet
blanc est un symbole du sperme.
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