DU NOUVEAU : LE BATEAU DE SECOURS CONSTRUIT APRES LE NAUFRAGE DE L’EXPEDITION LAPEROUSE RETROUVE , OU L’AVEU DU MASSACRE AVEC CANNIBALISME DE SOIXANTE FRANcAIS DU NOUVEAU : LE BATEAU (AFFAIRE LAPEROUSE) :
RIEN QUE DES FAITS .
L’événement le plus important
depuis les découvertes de Dillon et de Dumont d’Urville en 1827 sur
la région du naufrage des deux bâtiments de Lapérouse, la Boussole et l’Astrolabe, a
été la parution, dans le bulletin n° 90, janvier 1990, de la Société d’Etudes
historiques de la Nouvelle-Calédonie, de la
déclaration recueillie en 1990
par la SEHNC. Il s’agit d’un texte
originellement en bichlamar (langue véhiculaire), puis traduit en anglais et en
français émanant du guerrier polynésien Makataï, qui a une importante
descendance à Vanikoro , jusqu’à très récemment le chef Gaspard aujourd’hui
décédé. Or, il n’y a eu aucune
contestation de l’authenticité de cette déclaration qui pourtant met fin au
suspense sur les événements qui ont suivi les deux naufrages. Il n’y a eu aucun
commentaire non plus, car les faits racontés transforment en joyeuses fariboles
les hypothèses des plongeurs de l’Association Salomon, de la Marine nationale,
du vulcanologue HarrounTazieff et des chaînes de télévision avec leurs livres
luxueux sur papier glacé.
La
déclaration de Makataï , qui ne savait ni lire ni écrire, recueillie par des proches à Monrovai (Morovaï est un village récent de Polynésiens originaires de Ticopia, à
l’emplacement de Manbola).
« Un jour, un guerrier
[ce n’est pas un chef héréditaire] nommé Makataï [de maka, rouge, c’est-à-dire homme blanc, et de taï, qui mange, le « mangeur de blancs », altération
humoristique de son nom réel Tamaka, qui
signifie originaire de l’île voisine de Taumako !], arriva à Mallikolo
[prononciation polynésienne pour la forme
mélanésienne Vanikoro ; Makataï réserve le nom de Mallikolo à la
petite île Teanu de l’archipel appelé par les européens Vanikoro
et à un village situé sur cette île
appelé lui-même Vanikoro ou Mallikolo] et trouva quelques indigènes
[des Mélanésiens dont les survivants se réfugièrent par la suite au nord-ouest
de la grande île , à Vanou] qui vivaient sur l’île [la petite île de Teanu ].
Il les tua tous et vécut en un lieu
appelé Osiri aujourd’hui de façon erronée par les immigrants [sic, les explorateurs français !], Ocili
ou Wassili en réalité [il s’agit du
havre de Dillon et de Dumont d’Urville, Vanou -Ocili, Tout ceci est vrai car,
nous dit Dumont d’Urville , « naguère, un village se trouvait aussi sur la plage
d’Ocili et l’on en voit encore les ruines. Mais les habitants ont été
exterminés à la suite de quelque combat
et leur territoire est tombé au pouvoir de la tribu de Tevai sur la petite île
Teanu ». Dumont parle encore d’Ocili « dont les habitants ont été
récemment exterminés. »]
« Makataï résidait encore sur l’île
[Ticopia] quand un navire [l’Astrolabe, seule nommée] fut jeté
à la côte au port de Béu’u [généralement à tort identifié à Paiou, en réalité Peuku, soit Paucouri ou Pakaré, près de
Ignama, sur la Rivière des
Esprits, c’est-à-dire des Blancs).
Le navire, appelé Laborouse selon le nom de son commandant [les pièces
réutilisables de l’Astrolabe,
réemployées dans un bâtiment plus petit,
baptisé Lapérouse en hommage
au défunt commandant], comprenait 200
membres d’équipage [Makataï compte les 60 rescapés de l’Astrolabe, les 104 noyés de la Boussole et les 40 noyés de
l’Astrolabe lorsqu’elle a
heurté le récif de Makalumu]. Le navire Laborouse
était échoué sur un de ses côtés [il était en cale sèche]. Makataï se rendit à
Béu’u [à l’embouchure de la Rivière des Esprits] pour aider l’équipage du Laborouse qui, lorsqu’il arriva, était en train de construire un radeau [un train de flottaison
de bois coupé, cf. Dillon, op. cit, p.
897 : Dillon apprend d’un
dénommé Pakelley (alias de Makataï ,
comme Borey ou Boré, tous dérivés de Laborouse
ou Lapérouse, âgé d’environ 59 ans, il
apprend que le bois employé à construire le bâtiment avait été coupé dans le
haut de la rivière, où on en avait formé des trains flottants pour le faire descendre
] avec des arbres qui se trouvaient à proximité de leur campement. Makataï
[avec ses hommes] continua à aider [pour
gagner la confiance de l’équipage], puis, après quelques jours, se décida
[à trahir] l’équipage].
« Un soir, il arriva que tous les hommes à terre [dans
le camp des Français] étaient profondément endormis. Il les tua d’abord, puis se rendit à bord [du Lapérouse] avec l’intention de tuer ceux
qui y étaient. Il invoqua les esprits des ancêtres [un démon qui aurait la forme d’un serpent ou d’une anguille noire, appelé Tangaroa]. Il mit le feu au navire [on a trouvé des traces de feu et des
ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif, -le Laborouse de Makataï, le bateau de
secours si l’on préfère, ce qu gêne les partisans de l’identification de cette
épave dans la faille du récif avec celle
de la Boussole, seule l’Astrolabe ayant
connu un commencement d’incendie raconté par Lapérouse lui-même]. Il tua alors tous ceux qui étaient à bord [ le pluriel est justifié car on y a retrouvé
des ossements de deux hommes (dont Pierre Paris, le compagnon d’Ann Smith),
d’une femme , -Ann Smith, -et un
squelette, celui de Duché , transféré sur l’Astrolabe, faisant tous partie de ces hommes
assassinés , mais oubliés par Makataï sur
le bateau de secours], puis rassembla
des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles.
Il pendit à son cou une étiquette nominative [entendez une médaille du type des
100 médailles « d’argent ou de
bronze, à l’effigie du roi, avec
l’inscription « Les frégates du roi
de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La
Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 »]
appartenant au commandant Laborouse [il s’identifie à Lapérouse ! En
réalité, c’était probablement Sutton de
Clonard qui commandait l’Astrolabe].
Ces articles sont toujours conservés dans une maison coutumière [de Ticopia ].
Un autre Français
[l’extrapolation est logique, mais
fausse, puisque Peter Dillon était en réalité
de nationalité britannique] arriva.
Son nom était Dillon. Il découvrit l’étiquette nominative au cou de
Makataï, qui lui dit que c’était lui qui avait détruit le navire et tué
l’équipage [Peut-être parce qu’il a jugé
la pièce peu intéressante dès lors qu’il ne pouvait se l’approprier, Dillon n’en a pas parlé, mais cela ne veut
pas dire que l’insulaire enjolive les faits]. Dillon demanda à Makataï de venir
avec lui [sur l’archipel Vanikoro) mais Makataï avait peur d’y aller seul [à cause des fantômes et autres toupapaou] et demanda à quelques hommes
de l’accompagner. Ils arrivèrent à Béu’u [Paukouri, près de Paiou] et
Makataï désigna l’épave
à M. Dillon [l’épave reconnue par Dillon, celle de la faille du récif,
où Makataï a vu sombrer le Laborouse après
avoir quitté sa cale sèche à l’occasion d’une grande marée], puis ils
retournèrent à Vanikoro [c’est le nom de
la petite île où Dillon a son mouillage] ».
Pour confirmer ou infirmer
cette importante déclaration, confrontons
–la avec le récit de Dillon, dans Voyage de Peter Dillon, La malédiction Lapérouse, présenté par D. Le Brun. Dillon nous raconte, p. 895, comment, à
Ammah, il aperçut un homme tout seul qui sortit des halliers , mais qui
en les apercevant, s’enfuit précipitamment ; c’est le Polynésien Pakelley, pseudonyme prudent
de Borey Makataï, « qui était
tellement effrayé qu’on n’avait pu le déterminer à quitter l’endroit où il
était allé se cacher ». Dillon apprend
qu’il résidait là pendant la saison de la plantation des taros, depuis environ un an avec ses deux femmes et
ses quatre filles.
« La petite portion
défrichée de la plaine , continue Dillon, est d’ à peine une acre de
superficie (environ un demi- hectare); elle est bornée au sud par la mer,
à l’est par la rivière, et au nord et à l’ouest par le bois. C’est le lieu le plus commode de toute
l’île, soit pour construire un bâtiment,
soit pour le lancer parce qu’il n’y a
pas de roches près du rivage et que les bords de la petite rivière sont
couverts d’arbres pouvant fournir des bois de toutes formes et dimensions.
Rathéa, les deux jeunes gens de Dennemah et Pakelley dirent que c’était là que le brick avait été construit
et lancé, et je ne mets pas en doute leur assertion, parce que c’est le
seul terrain déboisé de toute la côte,
et il est évident qu’il l’a été par la main des hommes. Il le fut par les naufragés qui y résidèrent et y
construisirent leur bâtiment [...] J’ai vu, vers le haut de la rivière les souches d’arbres
qui avaient été abattus, très anciennement, à coups de hache, et je ne doute
pas que ce ne fussent ceux qu’on employa pour construire le bâtiment dont
parlent les naturels.[…] En remontant la baie, nous trouvâmes deux
ruisseaux d’eau excellente qui se déchargent vers le côté nord.. »
P. 897-898 : « A la première question que je lui
adressai touchant les vaisseaux naufragés, Pakelley nia avoir aucune connaissance de
l’événement ; mais nos interprètes l’ayant pressé de dire la vérité, il
montra le récif qui se trouve à l’ouest de Paiou [Béu’u , généralement à tort identifié à Paiou, en réalité
Peuku, soit Paucouri ou Pakaré,
près de Ignama ou Nyama, , toponyme qui on le verra,désigne les blancs
espagnols dont les Français sont les revenants ) sur la Rivière des Esprits, c’est-à-dire des
Blancs], et dit qu’un vaisseau s’était brisé en pièces à cet endroit, il y
avait bien longtemps ; il ne se souvenait pas lui-même du naufrage [ceci
est véridique, car il s’agit du naufrage de l’Astrolabe pendant lequel il était encore à Ticopia], mais il avait
entendu d’autres en parler. Il convint que plusieurs hommes [une soixantaine]
s’étaient sauvés et avaient construit un autre vaisseau à la place même où il
résidait en ce moment. Je lui demandai s’il possédait quelques-uns des
objets sauvés du naufrage ; il me
répondit que oui et m’apporta les articles suivants : […] un cul de
bouteille, qu’il dit avoir ramassé lui-même sur le récif où se perdit le
vaisseau [l’Astrolabe].
Biographie de Makataï : l’héritier
autoproclamé (pezut-être héréditaire, d’ailleurs) des grands ancêtres de Anouda
et de Taumako qui avaient, deux siècles plus tôt, incendié une caravelle perdue et dévoré ses
occupants.
Makataï ,qui signifie le mangeur de blancs (maka=blanc), est un sobriquet pour un homme qui n’est pas un chef
coutumier, mais un simple guerrier, un homme fort, un chef de guerre, et
qui s’appelait Tamaka, Tamaka indiquant qu’il appartenait au clan Tamako de Ticopia et que ses
ancêtres venaient de l’archipel voisin Taumako
comprenant l’île Taumako et une toute petite île, Anouda, où vivaient sers
ancêtres. Ses descendants actuels à qui nous devons ce témoignage sont entre
autres le chef de Tevai (ou Davey) Rathéa,
autre que le Rathéa de Dillon, le chef Gaspa (rd), mort en 2006 et l’actuel chef
Stefen. Dillon, op. cit. , p. 910,
nous en dit plus sur lui : ce Polynésien n’était pas de Vanikoro,
mais habitait à Ticopia et avait
seulement l’habitude de venir à
Vanikoro,sa résidence secondaire, mais
il n’y était pas au moment du naufrage ;
il y vint quelques mois après. Dillon p. 864 écrit que tous les objets qu’il avait
obtenus à Ticopia y avaient été apportés par ce chef nommé Thaumaca, grand
navigateur et grand guerrier, qui avait fait, dans le cours de sa vie, dix
voyages à Vanikoro, d’où même il avait amené deux naturels à Ticopia. « Il
y a quelques années qu’étant parti pour l’île d’Anuta ou Cherry près de
Taumako, il ne revint plus, et l’on supposa qu’il avait péri en mer. »
Après sa mort, les gens de Vanikoro soufflèrent, n’ayant plus à craindre
« les flottilles de cinq, dix et quelquefois vingt pirogues avec
lesquelles il venait faire des descentes sur leurs côtes. » En réalité ,
l’illustre guerrier chercha à se faire
oublier : il se faisait appeler Pakelley
ou Borey, dérivé de laborouse, et vivait en famille avec ses deux femmes et ses quatre
filles à Mambola ,surveillant ses champs de taros. Ce lieu, situé sur la côte
sud –est de Vanikoro , la grande île ,
est nommé aujourd’hui Monrovai C’est un village récent formé de Polynésiens de Ticopia
, où l’on recueillit bien plus tard sa déclaration.
Ce guerrier mystique avait
souvenance des traditions sur les divins papalangui,
mot qui signifie Espagnols , Blancs,
et qui est interprété comme
signifiant planche du ciel (langui désignant
le ciel) alors que c’ est l’altération de hispaniola,ou plus exactement de sa métathèse (his)paloni, (po)palangui.
Il s’agit de Mendana qui, le 7 septembre 1595, voguait devant le volcan
Timakula dont l’éruption lui fit perdre de vue l’un de ses trois autres
vaisseaux, l’Almiranta Santa Isabel. La Santa
Isabel se perdit, dit-on souvent ,
entre Utubua, Anouda ou Taumako.
Mais où a disparu exactement la Santa
Isabel ? A Anouda, très vraisemblablement, près de Taumako. Les deux seuls archéologues qui se soient
penchés sur la perte de l’Almiranta Santa
Isabel sont Jim Allen et Roger Green en 1971. Déjà en 1801, le capitaine Roger Simpson sur le
brick Nautilus découvrit à Taumako le
bas d’un mât près de la quille (Naval
Chronicle, 1806). Les deux archéologues
trouvèrent dans le sol, à une certaine profondeur, un seul tesson de
poterie et un vieux morceau de fer à Kakua sur l’île Taumako, ce qui ne
convainc guère. Si je me suis étendu
ci-dessus sur la perte de la Santa Isabel, c’est qu’elle est
essentielle pour comprendre pourquoi
notre guerrier Makataî a tenté de renouveler l’exploit de ses
ancêtres en incendiant leur vaisseau comme ils le firent à Anouda
deux siècles plus tôt, en tuant par traîtrise et en les mangeant divins popalangui .
Le passé de Taumako et sa découverte par Quiros en 1606.
Dix ans après la perte de la
caravelle de Mendana, Quiros rechercha le galion perdu et, le 7 avril 1606, toucha à l’île Taumako, près du volcan Timakula. Il y apprit que la caravelle qu’il
recherchait avait bien fait escale à Taumako, puis à Anouda, un îlot situé
entre Vanikoro et Taumako. Selon
Quiros, à Taumako, « il y avait
encore, sur une petite place, des morceaux de bois, certains peints en rouge, pour lesquels les
« Indiens » avaient un profond respect et auxquels ils avaient accroché
des toiles… » S’agissait-il d’un morceau de la Santa Isabel rapporté de Anouda à Taumako ?En tout cas , on trouvait à Taumako des chiens de type
européen, des poules importées, des
cochons du type européen et des patates douces importées avec leurs noms par
les Espagnols d’Amérique du sud. Un
survivant de la Santa Isabel y
résidait à l’époque de Quiros : il avait le teint fort blanc, les cheveux et la barbe
vermillons ; ils l’appelèrent le
Flamand. »Il s’appelait en réalité Holland, une conquête espagnole à l’époque.
Quiros se lie avec le chef de
Taumako. Celui-ci déclare au capitaine avoir entendu parler de l’existence de
blancs et de son précédent voyage avec Mendana à Santa Cruz. Quiros
décrit dans Histoire de la découverte des régions australes, traduit par Annie
Baert, p. 239, cet archipel, composé
d’une soixantaine d’îles, parmi lesquelles il nomme « une grande terre qui
s’appelle Manicolo ». Il consacre tout le chapitre 55 à la
description de Taumako, alors habité uniquement par des Polynésiens.
Vanikoro, citée par Quiros,
mais non visitée par lui, jamais revue depuis deux siècles, a sans doute
vivement intéressé Lapérouse :
tel est le mobile qui l’a poussé vers Vanikoro et vers son destin.
Les Vanikoriens avaient
entendu parler des blancs, qu’ils nommaient nama
, neunggéy , ou langui, deux siècles avant l’apparition de l’expédition Lapérouse. Mais pour eux,
c’était des « revenants » du massacre et de l’incendie de leur
galion, assoiffés de vengeance.
C’étaient des esprits (Ngambé,
Lambé, Ambi [de langui, de paloni, métathèse de
(His)panioli, espagnols, qui a donné le plus souvent dans tout le Pacifique
les mots apopale , popalangui ou à Tahiti popaa)
.
Aussi les noms de Rivière des Esprits ou de passe des Esprits à Vanikoro ne sont
–ils pas neutres et ils nous renvoient
aux naufragés. Le mot désignant les blanc, les Espagnol, -les premiers blancs qu’ils aient vus étaient les Espagnols, -
désigne aussi l’esprit, le fantôme, l’être suprême. Le mot
se retrouve dans toute l’Afrique du sud, à l’ouest, chez
les Bantous en particulier : voir la note de Frazer, p.709, volume 2 du Rameau d’or, collection Bouquins, Atys et Osiris :
« Chez les tribus du Loango, du Congo,
de l’Angola et du Bengouela, l’esprit se dit
Ambi, Njambi,
Zambi, Nsambi, Ngambé, Njane, O- njame, tandis que dans le Cameroun c’est Nzambi, etc. Dans John H. Weeks, Among
Congo Cannibals, London, 1913, p.246 sqq., on peut lire :” Sur le Bas-
Congo, on appelle l’esprit Nzambi, ou, par son titre le plus
complet, Nzambi a mpungu ; on n’a encore pas trouvé de racine satisfaisante
pour Nzambi [et pour
cause !]…Sur le Haut- Congo, chez le peuple Bobangi, le mot qui désigne
l’Etre suprême est Nyambé ; chez
les Lulangas, Nzakomba ; chez
les Bolokis, Njambé ; chez les
Bopotos, Libanza… Il est intéressant
de noter que le nom le plus commun pour Etre suprême [entendez blanc, esprit]
sur le Congo est aussi connu, sous une
forme ou sous une autre, sur une vaste
surface de l’Afrique, depuis le 6 e degré au nord de l’équateur jusqu’à
l’extrême sud de l’Afrique ; par exemple, chez les Ashantis, c’est Onyam ; au Gabon, c’est Anyambie, et, à 3000 kilomètres de là , chez les Barotses, c’est Niambé [cf. aussi le nom de Niamey au Niger ]… Ils jugent aussi que l’Etre suprême (Nzambi) est trop bon et trop bienveillant pour qu’il soit
nécessaire de l’apaiser par des rites, des cérémonies ou des sacrifices. »
De nombreux mots du Pacifique en dérivent, comme Animan
en Micronésie. Le mot zombi, mort-vivant, utilisé en Afrique
et aux Antilles, en dérive aussi.
Pour les insulaires, ces migrants français, ce sont les Espagnols qui reviennent du monde
des morts. De là les noms de Gnambé, lambi, ambi,nambé, neunggé. Ces noms sont précieux pour nous , car ils vont nous indiquer les lieux qui nous intéressent , ceux des naufrages comme ceux où les blancs sont résidé.
Le gisement de l’Astrolabe.
Dumontd’Urville ,
op .
cit , p. 1025, raconte comment il a , le premier, découvert ce site. Le
canot se dirige vers Nama ou Ignama,
nom signifiant les blancs, village situé à 4 kilomètres plus loin que Vanou.
Jacquinot obtient d’un sauvage, grâce à
une étoffe rouge, de le conduire sur le lieu du naufrage de l’Astrolabe, au large, à guère plus d’un
mille de la côte, à la profondeur de 12 ou 15 pieds, soit environ 3, 5 mètres,
à Ambi , de lambi, signifiant aussi blanc,
dans une espèce de coupée à travers les brisants (la fausse passe du
récif) « Tout le bois avait disparu [il a été récupéré par les
survivants pour construire le bateau de secours]…L’aspect des lieux donnait
lieu de croire que le navire avait tenté de s’introduire au dedans des récifs
par une espèce de passe, qu’il avait échoué, et n’avait pu se
dégager . »
Le site du Camp des Français et du lancement du bateau
de secours.
La tradition rapporte que les naufragés sont restés quelques six mois
avant d’être massacrés et qu’ils ont eux-mêmes « démoli le grand vaisseau
[l’Astrolabe] qui, autrement, eût pu
subsister encore très longtemps » afin de construire le bateau de
secours. » L’Astrolabe II, ou Lapérouse était située à l’embouchure de la rivière des Esprits. Makataï
y mit le feu : on a trouvé des traces d’incendie et des ossements carbonisés
sur l’épave de la faille du récif, qui est bien celle du bateau de secours. En
effet, le bateau de secours fut, quelques jours après l’incendie, entraîné par les courants, au cours d’une marée plus haute que les
précédentes, « vers le sud-
sud-est », si l’on en croit ce vieux Wéwo,
c’est-à-dire vers la faille du récif : « Quelques jours
après le massacre, [le Lapérouse, qui était pratiquement à
sec à l’embouchure de la Rivière des Esprits ] se remit à flot tout seul,
sans doute grâce à une marée plus haute et partit à la dérive. Mais il n’alla
pas loin et sombra, sous le regard des indigènes. « Là- bas, nous dit le
conteur au bras maigre tendu vers le Sud -Sud- Est [la faille du récif] ». Nous sommes renseignés sur cette
marée haute: dans la rivière des Esprits,
où était construit le Lapérouse (et non pas près de la Rivière Lawrence
ou Russell à Paiou), à moins de 100 mètres de l’embouchure :
il y a généralement très peu d’eau, mais il peut y avoir quelques 3 mètres
d’eau dans les grandes marées.
On a souvent confondu le site
véritable du camp des Français, désigné par Makataï à Dillon, avec le lieu où
s’installèrent deux survivants de la Boussole,
savoir le chef Matthew pour les indigènes (Laprise-Mouton, mouton ayant été altéré en Matthew) et Marin altéré en Marrah. De
toute façon, ni le Camp des Français présumé à Paiou, ni l’endroit où l’on
aurait construit le bateau de secours à
l’embouchure de la rivière Russell n’ont livré de restes convaincants. La Rivière
des Esprits (Ngambé) doit son nom aux Français considérés comme des esprits. Elle est située bien à l’ouest de la rivière Lawrence ou Russell
de Paiou et, comme par hasard, juste en
face du gisement de la fausse passe de l’Astrolabe.
D’ailleurs, même Conan, partisan pourtant de la localisation du camp des Français à Paiou, reconnaît que « seule la rivière
des Esprits, en face de la Fausse Passe, aurait peut-être pu offrir à l’époque
des conditions adéquates, mais son embouchure est maintenant inondée et il faut
aller loin vers l’intérieur pour trouver un sol sec et assez dégagé. » De
même, le commandant de Brossard cité par
François Bellec ,dans Les Esprits
de Vanikoro, écrit à propos de ce camp des Français qu’on situe à tort à Paiou : « Mais un autre
emplacement plus à l’ouest a également
été désigné. »
Comme l’indiquent les noms autochtones de
rivière des Esprits ou Ngambé , de Nama et de
Ambi, ils étaient tous deux
situés respectivement près de la rivière
des Esprits, à Ambi, et à Béu’u , -et
non près de la Rivière Russell, à Paiou,
comme on le fait généralement. La forme du nom Béu’u, prise souvent à tort
pour Païou, nous est donnée par
Makataï : c’est le résultat d’une évolution phonétique, l’apostrophe notant un coup de
glotte pour un ancien k, et Béu’u vient de Béuku(ri) où l’on
reconnaît Palikuri (qu’on retrouve dans le nom d’une ville polynésienne de
Micronésie) , Paukouri ou Pakaré.
Le gisement inconnu de la Boussole.
« Un navire [la Boussole] fut vu échoué sur les récifs de Tanema (ou Dennemah, en réalité Temou, Tanna, Temoa Temua,Emoa, signifiant la terre ferme opposée à la
terre des îlots). On ne sauva rien du bâtiment… Ce vieillard
avait vu le navire échoué à Tanema et les
4 hommes [Roux d’Arbaud,
Collignon, Marin, Laprise- Mouton, voir mes blogs] qui en provenaient, mais il
n’avait pas vu ceux qui avaient appartenu au navire échoué devant Paiou (l’Astrolabe), attendu que sa tribu (celle de Tanema) était en guerre avec celles de ces
districts
[ Béu’u ].
Selon le vieux Wéwo, « la
Boussole essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le
récif. » Dumont d’Urville, dont la chaloupe suit le grand récif à
l’extérieur, nous dit : « Nous laissons à notre gauche une petite île de
sable, nommée Nougna, et plus loin
[vers l’est] une seconde nommée Makalumu.
C’est près de ces îles de sable qu’un
navire s’est perdu il y a longtemps ».
On n’insistera jamais assez
sur cette confirmation d’un Vanikorien à
Dumont d’Urville : « C’est ici [à Makulumu] qu’a coulé un bâtiment [la Boussole]. Je ne l’ai pas vu, mais on me l’a dit ».
Makalumu s’analyse en maka, homme blanc (littéralement rouge), lu qui signifie deux et mu,
récif et signifie le récif des deux [ pirogues des ] Blancs , indice que l’Astrolabe ne devait pas être loin au
début. .Dans Noungna , nou désigne l’île et ngna signifie
celle qui est en voie de disparition,cf les noms de Nouméa
et de Dumbéa qui signifient la presqu’île.On est fort tenté d’en
rapprocher, sur la carte de la page 29 , de la brochure citée ci-dessous , tout
à l’est, à côté du récif actuel , le
nom polynésien Neunggé motou , Point,
Miller Point, le mot polynésien motou désignant une île, c’est-à-dire
l’îlot des Blancs [de la Boussole], ainsi appelé parce que
peut-être les quatre survivants du naufrage ont pu un instant s’y réfugier.
Les noms autochtones utiles pour découvrir le site de la Boussole.
Ce sont Gnembé ou Neunggé,
ou Dean Passage, la passe des blancs, Neunggé
motou Point, l’îlot des blancs, Makalumu, le récif des deux pirogues des blancs.
Mais attention : deux
siècles après, l’érosion a profondément modifié cette zone instable. L’îlot
de Makulumu dont parle Dumont d’Urville n’est plus celui
que l’on connaît actuellement sous ce nom: Makulumu était une fausse passe au droit de Tanema, située
entre l’îlot Noungna et l’îlot qui
portait le nom de la passe et des bâtiments européens, Makalumou, Il faut donc se rapporter
impérativement aux cartes de Dumont d’Urville (Voyage de l’Astrolabe,
Paris, 1830, 2 tomes) ou de B. Brou, p .
28 et 29 de la brochure Examen critique…, SEHNC, 1er tr. 1985, n°62, car l’îlot Noungna (où nou signifie l’île et où ngnea signifie qui
est en voie de disparition),cf les noms
de Nouméa et de Dumbéa qui
signifient la presqu’île, englobait la fausse
passe de Makalumu et se continuait, prenant le nom d’îlot Makulumu au-delà
de la passe. Du temps de Dumont encore existait la fausse passe dite de
Makalumu qui séparait deux vestiges de
terres rocailleuses et qui était le produit d’une érosion due à des courants très
forts aujourd’hui encore, il est
intéressant de le noter. Les courants ont entraîné à la fois les roches et le sable constituant ces
îlots, et jadis l’épave de la Boussole.
La personne qui a traduit la déclaration de Makataï en
bichlamar : le bossu Ta Faou, cf
Dillon, op. cit. , p.864 et 911.
Un vieux bossu appelé Ta Faou intrigua Dillon
qui apprit, op .cit.., p. 864, qu’il y avait à Ticopia quelques Ticopiens qui étaient présents à
Vanikoro lors du naufrage. On lui répondit que, parmi eux, Ta Faou était encore vivant à Ticopia et qu’il
résidait à Vanikoro près de l’endroit où Dillon s’est ravitaillé en eau,
p. 911,
.chez le vieux chef polynésien de 65 ans qui avait rendu visite à Dillon
quelques jours auparavant (p.858). Dillon interroge aussi Serou qui était le
beau-frère de Ta Faou et obtient de lui l’assurance qu’il est fiable. Ta Faou, après avoir longtemps vécu à Vanikoro, vivait
à Tikopia en 1827 et il affirmait avoir vu soixante têtes coupées
dans la maison des Esprits de Whanou –Ocili
[sur la grande île]. Ceci est
confirmé par le Révérend Patteson, qui a vu, à la fin du XIXe siècle, dans la maison des
Esprits de la petite île Teanu, 60 crânes de blancs ainsi que les restes cuits dans un four
traditionnel d’un adolescent . Voici,
pour compléter, une déclaration
du vieux Wéwo : « Les (60
cadavres du camp) servirent au plus fastueux des festins de la tribu et
aujourd’hui encore, près de deux siècles après le drame, on y chante cette mémorable journée où l’on a mangé tant
et tant de Blancs ». Tel est probablement l’homme qui a traduit en
bichlamar à Mambola , dans le village des Polynésiens de Ticopia, les souvenirs
de Makataï.
Des
déclarations de Makataï il faut retenir qu’à aucun moment il ne parle du
naufrage de la Boussole et qu’il nous indique le lieu du camp des Français,
ainsi que l’existence du bateau de secours qu’il a incendié. Nous savons où celui-ci a dérivé.Il nous
confirme aussi le gisement de l’Astrolabe.
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