vendredi 16 décembre 2016

DU NOUVEAU : LE BATEAU DE SECOURS CONSTRUIT APRES LE NAUFRAGE DE L’ EXPEDITION LAPEROUSE RETROUVE ,

DU NOUVEAU : LE BATEAU DE SECOURS CONSTRUIT APRES LE NAUFRAGE DE L’EXPEDITION LAPEROUSE RETROUVE , OU    L’AVEU DU MASSACRE AVEC CANNIBALISME DE SOIXANTE FRANcAIS DU NOUVEAU : LE BATEAU (AFFAIRE LAPEROUSE) : RIEN QUE DES FAITS .
L’événement le plus important depuis les découvertes de Dillon et de Dumont d’Urville en  1827  sur la région du naufrage des deux bâtiments de Lapérouse, la Boussole et l’Astrolabe, a été la parution, dans le bulletin n° 90, janvier 1990, de la Société d’Etudes historiques de la Nouvelle-Calédonie, de la  déclaration  recueillie en 1990 par la SEHNC.  Il s’agit d’un texte originellement en bichlamar (langue véhiculaire), puis traduit en anglais et en français émanant du guerrier polynésien Makataï, qui a une importante descendance à Vanikoro , jusqu’à très récemment le chef Gaspard aujourd’hui décédé.  Or, il n’y a eu aucune contestation de l’authenticité de cette déclaration qui pourtant met fin au suspense sur les événements qui ont suivi les deux naufrages. Il n’y a eu aucun commentaire non plus, car les faits racontés transforment en joyeuses fariboles les hypothèses des plongeurs de l’Association Salomon, de la Marine nationale, du vulcanologue HarrounTazieff et des chaînes de télévision avec leurs livres luxueux  sur papier glacé.
La déclaration de Makataï , qui ne savait ni lire ni écrire,  recueillie par des proches  à Monrovai (Morovaï est un village récent de Polynésiens originaires de Ticopia, à l’emplacement de Manbola).
« Un jour, un guerrier [ce n’est pas un chef héréditaire] nommé Makataï [de maka, rouge, c’est-à-dire homme blanc, et de taï, qui mange, le «  mangeur de blancs », altération humoristique  de son nom réel Tamaka, qui signifie originaire de l’île voisine de Taumako !], arriva à Mallikolo [prononciation polynésienne  pour la forme mélanésienne  Vanikoro ;   Makataï réserve le nom de Mallikolo à la petite île  Teanu de l’archipel appelé par les européens  Vanikoro et à un village situé sur cette île  appelé lui-même Vanikoro ou Mallikolo] et trouva quelques indigènes [des Mélanésiens dont les survivants se réfugièrent par la suite au nord-ouest de la grande île , à Vanou] qui vivaient sur l’île [la petite île de Teanu ]. Il les tua tous et vécut en un  lieu appelé Osiri aujourd’hui de façon erronée par les immigrants [sic, les explorateurs français !], Ocili ou Wassili en réalité [il s’agit du havre de Dillon et de Dumont d’Urville, Vanou -Ocili, Tout ceci est vrai car, nous dit Dumont d’Urville , « naguère,   un village se trouvait aussi sur la plage d’Ocili et l’on en voit encore les ruines. Mais les habitants ont été exterminés  à la suite de quelque combat et leur territoire est tombé au pouvoir de la tribu de Tevai sur la petite île Teanu ». Dumont parle encore d’Ocili « dont les habitants ont été récemment exterminés. »] 
  « Makataï résidait encore sur l’île [Ticopia] quand un navire [l’Astrolabe, seule nommée] fut jeté à la côte au port de Béu’u [généralement à tort identifié à Paiou, en réalité Peuku, soit Paucouri  ou Pakaré,  près de  Ignama, sur  la Rivière des Esprits, c’est-à-dire des Blancs). Le navire, appelé Laborouse selon le nom de son commandant [les pièces réutilisables de l’Astrolabe, réemployées dans un bâtiment plus petit,  baptisé Lapérouse en hommage au défunt commandant],  comprenait 200 membres d’équipage [Makataï compte les 60 rescapés de l’Astrolabe, les 104 noyés de la Boussole et les 40 noyés de  l’Astrolabe lorsqu’elle a heurté le récif de Makalumu]. Le navire Laborouse était échoué sur un de ses côtés [il était en cale sèche]. Makataï se rendit à Béu’u [à l’embouchure de la Rivière des Esprits] pour aider l’équipage du Laborouse  qui, lorsqu’il arriva, était en train de  construire un radeau [un train de flottaison de bois coupé, cf. Dillon, op. cit,  p.  897 : Dillon apprend  d’un dénommé Pakelley (alias de Makataï , comme Borey ou Boré, tous dérivés de Laborouse ou Lapérouse, âgé d’environ 59 ans,  il apprend que le bois employé à construire le bâtiment avait été coupé dans le haut de la rivière, où on en avait formé des trains flottants pour le faire descendre ] avec des arbres qui se trouvaient à proximité de leur campement. Makataï [avec ses hommes] continua à  aider [pour gagner la confiance de l’équipage], puis, après quelques jours,  se décida  [à trahir] l’équipage].
  « Un soir,  il arriva que tous les hommes à terre [dans le camp des Français] étaient profondément endormis. Il  les tua d’abord, puis se rendit à bord [du Lapérouse] avec l’intention de tuer ceux qui y étaient. Il invoqua les esprits des ancêtres [un  démon qui aurait  la forme d’un serpent ou d’une anguille noire, appelé Tangaroa]. Il mit le feu au navire [on a trouvé des traces de feu et des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif, -le Laborouse de Makataï, le bateau de secours si l’on préfère, ce qu gêne les partisans de l’identification de cette épave dans la faille du récif  avec celle de  la Boussole, seule l’Astrolabe ayant connu un commencement d’incendie raconté par Lapérouse lui-même]. Il tua  alors tous ceux qui étaient à bord  [ le pluriel est justifié car on y a retrouvé des ossements de deux hommes (dont Pierre Paris, le compagnon d’Ann Smith), d’une femme , -Ann Smith, -et un  squelette, celui de Duché , transféré sur  l’Astrolabe,  faisant tous partie de ces hommes assassinés  , mais oubliés par Makataï sur le bateau de secours], puis rassembla  des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles. Il pendit à son cou une étiquette nominative [entendez une médaille du type des 100 médailles  « d’argent ou de bronze,  à l’effigie du roi, avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 »] appartenant au commandant Laborouse [il s’identifie à Lapérouse ! En réalité, c’était probablement  Sutton de Clonard qui commandait l’Astrolabe]. Ces articles sont toujours conservés dans une maison coutumière [de Ticopia ].  
Un autre Français [l’extrapolation est  logique, mais fausse, puisque Peter Dillon était en réalité  de nationalité britannique] arriva.  Son nom était Dillon. Il découvrit l’étiquette nominative au cou de Makataï, qui lui dit que c’était lui qui avait détruit le navire et tué l’équipage [Peut-être  parce qu’il a jugé la pièce peu intéressante dès lors qu’il ne pouvait se l’approprier,  Dillon n’en a pas parlé, mais cela ne veut pas dire que l’insulaire enjolive les faits]. Dillon demanda à Makataï de venir avec lui [sur l’archipel Vanikoro) mais Makataï avait peur d’y aller seul  [à cause des fantômes et autres toupapaou] et demanda à quelques hommes de l’accompagner. Ils arrivèrent à Béu’u [Paukouri, près de Paiou] et Makataï  désigna  l’épave  à M. Dillon [l’épave reconnue par Dillon, celle de la faille du récif, où Makataï a vu sombrer le Laborouse après avoir quitté sa cale sèche à l’occasion d’une grande marée], puis ils retournèrent à  Vanikoro [c’est le nom de la petite île où Dillon a son mouillage] ».
Pour confirmer ou infirmer cette importante  déclaration, confrontons –la avec le récit de Dillon,  dans Voyage de Peter Dillon, La malédiction  Lapérouse, présenté par D. Le Brun. Dillon nous raconte, p. 895, comment, à Ammah, il aperçut un homme tout seul qui sortit des halliers ,  mais qui  en les  apercevant,  s’enfuit précipitamment ; c’est le Polynésien Pakelley, pseudonyme prudent de Borey Makataï, « qui était tellement effrayé qu’on n’avait pu le déterminer à quitter l’endroit où il était allé se cacher ». Dillon apprend  qu’il résidait là pendant la saison de la plantation des taros,  depuis environ un an avec ses deux femmes et ses quatre  filles.
« La petite portion défrichée de la plaine , continue Dillon, est d’ à peine une acre de superficie (environ un demi- hectare); elle est bornée au sud par la mer, à l’est par la rivière, et au nord et à l’ouest par le bois. C’est le lieu le plus commode de toute l’île, soit pour construire  un bâtiment, soit pour le lancer parce qu’il n’y a  pas de roches près du rivage et que les bords de la petite rivière sont couverts d’arbres pouvant fournir des bois de toutes formes et dimensions. Rathéa, les deux jeunes gens de Dennemah et Pakelley dirent que c’était là que le brick avait été construit et lancé, et je ne mets pas en doute leur assertion, parce que c’est le seul terrain déboisé de toute la côte,  et il est évident qu’il l’a été par la main des hommes. Il le fut par les naufragés qui y résidèrent et y construisirent leur bâtiment [...] J’ai vu, vers  le haut de la rivière les souches d’arbres qui avaient été abattus, très anciennement, à coups de hache, et je ne doute pas que ce ne fussent ceux qu’on employa pour construire le bâtiment dont parlent les naturels.[…]   En remontant la baie, nous trouvâmes deux ruisseaux d’eau excellente qui se déchargent vers le côté nord.. »
P. 897-898 : «  A la première question que je lui adressai touchant les vaisseaux naufragés, Pakelley  nia avoir aucune connaissance de l’événement ; mais nos interprètes l’ayant pressé de dire la vérité, il montra le récif qui se trouve à l’ouest de Paiou [Béu’u , généralement à tort identifié à Paiou, en réalité Peuku, soit Paucouri  ou Pakaré,  près de  Ignama ou Nyama, , toponyme qui on le verra,désigne les blancs espagnols dont les Français sont les revenants ) sur  la Rivière des Esprits, c’est-à-dire des Blancs], et dit qu’un vaisseau s’était brisé en pièces à cet endroit, il y avait bien longtemps ; il ne se souvenait pas lui-même du naufrage [ceci est véridique, car il s’agit du naufrage de l’Astrolabe pendant lequel il était encore à Ticopia], mais il avait entendu d’autres en parler. Il convint que plusieurs hommes [une soixantaine] s’étaient sauvés et avaient construit un autre vaisseau à la place même où il résidait en ce moment. Je lui demandai s’il possédait quelques-uns des objets  sauvés du naufrage ; il me répondit que oui et m’apporta les articles suivants : […] un cul de bouteille, qu’il dit avoir ramassé lui-même sur le récif où se perdit le vaisseau [l’Astrolabe].

Biographie de Makataï : l’héritier autoproclamé (pezut-être héréditaire, d’ailleurs) des grands ancêtres de Anouda et de Taumako qui avaient, deux siècles plus tôt,  incendié une caravelle perdue et dévoré ses occupants.
Makataï ,qui signifie le mangeur de blancs (maka=blanc),  est un sobriquet  pour un homme qui n’est pas un chef coutumier, mais un simple guerrier, un homme fort, un chef de guerre,  et qui  s’appelait Tamaka, Tamaka indiquant  qu’il appartenait au clan Tamako de Ticopia et  que ses ancêtres venaient de l’archipel voisin  Taumako comprenant l’île Taumako et une toute petite île, Anouda, où vivaient sers ancêtres. Ses descendants actuels à qui nous devons ce témoignage sont entre autres le chef de Tevai (ou Davey) Rathéa, autre que le Rathéa de Dillon,  le chef Gaspa (rd), mort en 2006 et l’actuel chef Stefen. Dillon, op. cit. , p. 910, nous en dit plus sur lui : ce Polynésien n’était pas de Vanikoro, mais  habitait à Ticopia et avait seulement  l’habitude de venir à Vanikoro,sa résidence secondaire,  mais il n’y était pas au moment du naufrage ;  il y vint quelques mois  après. Dillon  p. 864 écrit que tous les objets qu’il avait obtenus à Ticopia y avaient été apportés par ce chef nommé Thaumaca, grand navigateur et grand guerrier, qui avait fait, dans le cours de sa vie, dix voyages à Vanikoro, d’où même il avait amené deux naturels à Ticopia. « Il y a quelques années qu’étant parti pour l’île d’Anuta ou Cherry près de Taumako, il ne revint plus, et l’on supposa qu’il avait péri en mer. » Après sa mort, les gens de Vanikoro soufflèrent, n’ayant plus à craindre « les flottilles de cinq, dix et quelquefois vingt pirogues avec lesquelles il venait faire des descentes sur leurs côtes. » En réalité , l’illustre  guerrier chercha à se faire oublier : il se faisait appeler Pakelley ou Borey, dérivé de laborouse, et vivait  en famille avec ses deux femmes et ses quatre filles à Mambola ,surveillant ses champs de taros. Ce lieu, situé sur la côte sud –est  de Vanikoro , la grande île , est nommé aujourd’hui  Monrovai  C’est un  village récent formé de Polynésiens de Ticopia , où l’on recueillit bien plus tard sa déclaration.
Ce guerrier mystique avait souvenance des traditions sur les divins papalangui, mot qui signifie Espagnols , Blancs, et qui   est interprété comme signifiant planche du ciel (langui désignant le ciel)  alors que c’ est l’altération de hispaniola,ou plus exactement de sa  métathèse (his)paloni, (po)palangui. Il s’agit de Mendana qui, le 7 septembre 1595, voguait devant le volcan Timakula dont l’éruption lui fit perdre de vue l’un de ses trois autres vaisseaux, l’Almiranta Santa Isabel.    La Santa Isabel se perdit, dit-on souvent ,  entre  Utubua,  Anouda ou Taumako. 
Mais où a disparu exactement  la Santa Isabel ? A Anouda,  très  vraisemblablement, près de Taumako.  Les deux seuls archéologues qui se soient penchés sur la perte de l’Almiranta Santa Isabel    sont Jim Allen et Roger Green en 1971. Déjà  en 1801, le capitaine Roger Simpson sur le brick Nautilus découvrit à Taumako le bas d’un mât près de la quille (Naval Chronicle, 1806). Les deux archéologues  trouvèrent dans le sol, à une certaine profondeur, un seul tesson de poterie et un vieux morceau de fer à Kakua sur l’île Taumako, ce qui ne convainc guère. Si je me suis  étendu ci-dessus sur la perte de la  Santa Isabel, c’est qu’elle est essentielle pour comprendre  pourquoi notre  guerrier Makataî  a tenté de renouveler l’exploit de ses ancêtres en incendiant leur vaisseau comme ils le firent  à Anouda  deux siècles plus tôt,   en  tuant par traîtrise et en les mangeant divins popalangui .
Le passé de Taumako  et sa découverte par Quiros en 1606.
Dix ans après la perte de la caravelle de Mendana, Quiros rechercha le galion perdu et, le 7 avril 1606,  toucha à l’île Taumako, près du volcan  Timakula. Il y apprit que la caravelle qu’il recherchait   avait  bien fait escale  à Taumako, puis à Anouda, un îlot situé  entre  Vanikoro et Taumako. Selon Quiros, à Taumako,  « il y avait encore, sur une petite place, des morceaux de bois, certains peints en rouge, pour lesquels les « Indiens » avaient un profond respect et auxquels ils avaient accroché des toiles… » S’agissait-il d’un morceau de la Santa Isabel rapporté de Anouda à Taumako ?En tout cas ,  on  trouvait à Taumako des chiens de type européen,  des poules importées, des cochons du type européen et des patates douces importées avec leurs noms par les Espagnols d’Amérique du sud.   Un   survivant de la Santa Isabel y résidait à l’époque de Quiros : il avait le teint fort blanc,  les cheveux et la barbe vermillons ;  ils l’appelèrent le Flamand. »Il s’appelait en réalité Holland, une conquête espagnole à l’époque.
Quiros se lie avec le chef de Taumako. Celui-ci déclare au capitaine avoir entendu parler de l’existence de blancs et de son  précédent  voyage avec Mendana à Santa Cruz. Quiros décrit  dans Histoire de la découverte des régions australes, traduit par Annie Baert, p. 239,  cet archipel, composé d’une soixantaine d’îles, parmi lesquelles il nomme « une grande terre qui s’appelle Manicolo ».  Il consacre tout le chapitre 55 à la description de Taumako, alors habité uniquement par des Polynésiens.
Vanikoro, citée par Quiros, mais non visitée par lui, jamais revue depuis deux siècles, a sans doute vivement    intéressé Lapérouse : tel est le mobile qui l’a poussé vers Vanikoro et vers son destin.  
Les Vanikoriens avaient entendu parler des blancs, qu’ils nommaient nama , neunggéy , ou langui,  deux siècles avant l’apparition  de l’expédition Lapérouse. Mais pour eux, c’était des « revenants » du massacre et de l’incendie de leur galion,  assoiffés de vengeance. C’étaient  des esprits (Ngambé, Lambé, Ambi [de langui, de  paloni,  métathèse de  (His)panioli, espagnols, qui a donné le plus souvent dans tout le Pacifique les mots  apopale , popalangui ou à Tahiti popaa) .  Aussi les noms de Rivière des Esprits ou  de passe des Esprits à Vanikoro ne sont –ils pas neutres et ils   nous renvoient aux naufragés. Le mot désignant les  blanc, les Espagnol, -les premiers blancs  qu’ils aient vus étaient les Espagnols, - désigne aussi l’esprit, le fantôme, l’être suprême.  Le mot  se retrouve  dans toute l’Afrique du sud, à l’ouest, chez les Bantous en particulier : voir la note de Frazer, p.709, volume 2 du Rameau d’or, collection Bouquins, Atys et Osiris :
  « Chez les tribus du Loango, du Congo, de l’Angola et du Bengouela, l’esprit se dit  Ambi,  Njambi,  Zambi, Nsambi, Ngambé, Njane, O- njame,  tandis que dans le Cameroun c’est Nzambi, etc. Dans John H. Weeks, Among Congo Cannibals, London, 1913, p.246 sqq., on peut lire :” Sur le Bas- Congo, on appelle l’esprit  Nzambi, ou, par son titre le plus complet, Nzambi a mpungu ; on  n’a encore pas trouvé de racine satisfaisante pour Nzambi [et pour cause !]…Sur le Haut- Congo, chez le peuple Bobangi, le mot qui désigne l’Etre suprême est Nyambé ; chez les Lulangas, Nzakomba ; chez les Bolokis, Njambé ; chez les Bopotos, Libanza… Il est intéressant de noter que le nom le plus commun pour Etre suprême [entendez blanc, esprit] sur le Congo  est aussi connu, sous une forme ou  sous une autre, sur une vaste surface de l’Afrique, depuis le 6 e degré au nord de l’équateur jusqu’à l’extrême sud de l’Afrique ; par exemple, chez les Ashantis, c’est Onyam ;  au Gabon, c’est Anyambie, et, à 3000 kilomètres de là , chez les Barotses, c’est Niambé [cf. aussi  le nom de Niamey au Niger ]… Ils jugent aussi que l’Etre suprême (Nzambi) est trop bon et trop bienveillant pour qu’il soit nécessaire de l’apaiser par des rites, des cérémonies ou des sacrifices. » De nombreux mots du Pacifique en dérivent, comme  Animan en Micronésie.  Le mot zombi, mort-vivant, utilisé en Afrique et aux Antilles, en dérive aussi.
  Pour les insulaires, ces migrants français,  ce sont les Espagnols qui reviennent du monde des morts. De là les  noms de Gnambé, lambi, ambi,nambé, neunggé. Ces  noms sont précieux pour nous  , car ils vont nous indiquer  les lieux qui nous intéressent , ceux des  naufrages comme  ceux où les blancs sont résidé.
Le gisement de l’Astrolabe.
 Dumontd’Urville ,  op . cit , p. 1025, raconte comment il a , le premier, découvert ce site. Le canot se dirige vers Nama ou Ignama, nom signifiant les blancs, village situé à 4 kilomètres plus loin que Vanou. Jacquinot obtient d’un sauvage,  grâce à une étoffe rouge, de le conduire sur le lieu du naufrage de l’Astrolabe, au large, à guère plus d’un mille de la côte, à la profondeur de 12 ou 15 pieds, soit environ 3, 5 mètres, à Ambi , de lambi, signifiant aussi blanc,  dans une espèce de coupée à travers les brisants (la fausse passe du récif) « Tout le bois avait disparu [il a été récupéré par les survivants pour construire le bateau de secours]…L’aspect des lieux donnait lieu de croire que le navire avait tenté de s’introduire au dedans des  récifs  par une espèce de passe, qu’il avait échoué, et n’avait pu se dégager .  »
Le site du Camp des Français et du lancement du bateau de secours.
La tradition rapporte que les naufragés sont restés quelques six mois avant d’être massacrés et qu’ils ont eux-mêmes « démoli le grand vaisseau [l’Astrolabe] qui, autrement, eût pu subsister encore très longtemps » afin de construire le bateau de secours. »  L’Astrolabe II, ou Lapérouse  était située  à l’embouchure de la rivière des Esprits. Makataï y mit le feu : on a trouvé des traces d’incendie et des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif, qui est bien celle du bateau de secours. En effet, le bateau de secours fut, quelques jours après l’incendie,  entraîné par les courants,   au cours d’une marée plus haute que les précédentes,  « vers le sud- sud-est », si l’on en croit ce vieux Wéwo,  c’est-à-dire vers la faille du récif : « Quelques jours après le massacre,   [le Lapérouse, qui était pratiquement à sec à l’embouchure de la Rivière des Esprits ] se  remit à flot tout seul, sans doute grâce à une marée plus haute et partit à la dérive. Mais il n’alla pas loin et sombra, sous le regard des indigènes. « Là- bas, nous dit le conteur au bras maigre tendu vers le Sud -Sud- Est [la faille du récif] ». Nous sommes renseignés sur cette marée haute: dans la rivière des Esprits,  où était construit le Lapérouse  (et non pas près de la Rivière Lawrence ou  Russell à Paiou),  à moins de 100 mètres de l’embouchure : il y a généralement très peu d’eau, mais il peut y avoir quelques 3 mètres d’eau dans les grandes marées. 
On a souvent confondu le site véritable du camp des Français, désigné par Makataï à Dillon, avec le lieu où s’installèrent deux survivants de la Boussole, savoir le chef Matthew pour les indigènes (Laprise-Mouton, mouton ayant été altéré en Matthew) et Marin altéré en Marrah. De toute façon, ni le Camp des Français présumé à Paiou, ni l’endroit où l’on aurait  construit le bateau de secours à l’embouchure de la rivière Russell n’ont livré de restes convaincants. La Rivière des Esprits (Ngambé) doit son nom aux Français considérés comme des esprits.  Elle est située bien  à l’ouest de la rivière Lawrence ou Russell de Paiou   et, comme par hasard, juste en face du gisement de la fausse passe de l’Astrolabe. D’ailleurs,  même Conan,  partisan pourtant de la  localisation du camp des Français  à Paiou, reconnaît que « seule la rivière des Esprits, en face de la Fausse Passe, aurait peut-être pu offrir à l’époque des conditions adéquates, mais son embouchure est maintenant inondée et il faut aller loin vers l’intérieur pour trouver un sol sec et assez dégagé. » De même, le commandant de Brossard cité par  François Bellec ,dans Les Esprits de Vanikoro, écrit à propos de ce camp des Français qu’on situe à tort  à Paiou : « Mais un autre emplacement plus à l’ouest  a également été désigné. »
 Comme l’indiquent les noms autochtones de rivière des Esprits ou Ngambé , de Nama et de  Ambi,  ils étaient tous deux situés respectivement  près de la rivière des Esprits, à Ambi,   et à Béu’u , -et non près de la Rivière Russell, à Paiou, comme on le fait généralement. La forme du nom Béu’u, prise souvent à tort pour Païou,  nous est donnée par Makataï : c’est le résultat d’une évolution  phonétique, l’apostrophe notant un coup de glotte pour un ancien  k, et Béu’u vient de Béuku(ri) où l’on reconnaît Palikuri (qu’on retrouve dans le nom d’une ville polynésienne de Micronésie) , Paukouri ou Pakaré.
Le gisement inconnu de la Boussole.
 «  Un navire [la Boussole] fut vu échoué sur les récifs de Tanema (ou Dennemah, en réalité Temou, Tanna, Temoa Temua,Emoa, signifiant la terre ferme opposée à la terre des îlots).  On ne sauva rien du bâtiment… Ce vieillard avait vu le navire échoué à Tanema  et les  4 hommes  [Roux d’Arbaud, Collignon, Marin, Laprise- Mouton, voir mes blogs] qui en provenaient, mais il n’avait pas vu ceux qui avaient appartenu au navire échoué devant Paiou (l’Astrolabe),  attendu que sa tribu (celle de Tanema) était en guerre avec celles de ces districts
[  Béu’u ].
Selon le vieux Wéwo,  « la Boussole essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le récif. » Dumont d’Urville, dont la chaloupe suit le grand récif à l’extérieur, nous dit : « Nous laissons à notre gauche une petite île de sable, nommée Nougna, et plus loin [vers l’est] une seconde nommée Makalumu. C’est près de ces îles de sable qu’un navire s’est perdu il y a longtemps ».  
On n’insistera jamais assez sur cette confirmation d’un  Vanikorien à Dumont d’Urville : « C’est  ici [à Makulumu] qu’a coulé un  bâtiment [la Boussole]. Je ne l’ai pas vu, mais on me l’a dit ».
Makalumu  s’analyse en maka, homme blanc (littéralement rouge), lu qui signifie deux et mu, récif et signifie le récif des deux [ pirogues des ] Blancs , indice que l’Astrolabe ne devait pas être loin au début. .Dans  Noungna , nou désigne l’île et  ngna signifie celle  qui  est en voie de disparition,cf les noms  de Nouméa  et de Dumbéa qui signifient la presqu’île.On est fort tenté d’en rapprocher, sur la carte de la page 29 , de la brochure citée ci-dessous , tout à l’est, à côté du   récif actuel , le nom polynésien Neunggé motou , Point, Miller Point,  le mot  polynésien motou désignant  une île, c’est-à-dire l’îlot  des Blancs [de la Boussole], ainsi appelé parce que peut-être les quatre survivants du naufrage ont pu un instant s’y réfugier.
Les noms autochtones utiles pour découvrir  le site de la Boussole.  
Ce sont Gnembé ou Neunggé, ou Dean Passage, la passe des blancs, Neunggé motou Point, l’îlot des blancs, Makalumu, le récif des deux pirogues des blancs.
Mais attention : deux siècles après, l’érosion a profondément modifié cette zone instable.  L’îlot  de Makulumu dont parle Dumont d’Urville n’est plus  celui  que l’on connaît actuellement sous ce nom: Makulumu était   une fausse passe au droit de Tanema, située entre l’îlot Noungna et l’îlot  qui portait le nom de la passe et des bâtiments européens,  Makalumou, Il faut donc se rapporter impérativement aux cartes de Dumont d’Urville (Voyage de l’Astrolabe, Paris, 1830, 2 tomes) ou de B. Broup . 28 et 29 de la brochure Examen critique…, SEHNC, 1er tr. 1985, n°62, car l’îlot Noungna (où nou signifie l’île et où ngnea signifie  qui  est en voie de disparition),cf les noms  de Nouméa  et de Dumbéa qui signifient la presqu’île,  englobait la fausse passe de Makalumu et se continuait, prenant le nom d’îlot Makulumu au-delà de la passe. Du temps de Dumont encore existait la fausse passe dite de Makalumu qui séparait  deux vestiges de terres rocailleuses et qui était le produit d’une érosion due à des courants très forts aujourd’hui encore,  il est intéressant de le noter. Les courants ont entraîné à la fois  les roches et le sable constituant ces îlots,  et jadis  l’épave de la Boussole.
La personne qui a traduit la déclaration de Makataï en bichlamar : le bossu Ta Faou, cf Dillon, op. cit. ,  p.864 et 911.
Un  vieux bossu appelé Ta Faou intrigua Dillon qui apprit, op .cit..,  p. 864, qu’il y avait à Ticopia  quelques Ticopiens qui étaient présents à Vanikoro lors du naufrage. On lui répondit que, parmi eux, Ta Faou  était encore vivant à Ticopia et qu’il résidait à Vanikoro près de l’endroit où Dillon s’est ravitaillé en eau, p.  911,  .chez le vieux chef polynésien de 65 ans qui avait rendu visite à Dillon quelques jours auparavant (p.858). Dillon interroge aussi Serou qui était le beau-frère de Ta Faou et obtient de lui l’assurance qu’il est fiable.  Ta Faou,  après avoir longtemps vécu à Vanikoro, vivait à Tikopia en 1827  et il   affirmait avoir vu soixante têtes coupées dans la maison des Esprits de Whanou –Ocili  [sur la grande île].  Ceci est confirmé par le Révérend Patteson,  qui  a vu,  à la fin du XIXe siècle, dans la maison des Esprits de  la petite  île Teanu, 60 crânes de blancs  ainsi que les restes cuits dans un four traditionnel d’un adolescent . Voici,   pour compléter, une  déclaration du vieux Wéwo :   « Les (60 cadavres du camp) servirent au plus fastueux des festins de la tribu et aujourd’hui encore, près de deux siècles après le drame, on y chante  cette mémorable journée où l’on a mangé tant et tant de Blancs ». Tel est probablement l’homme qui a traduit en bichlamar à Mambola , dans le village des Polynésiens de Ticopia, les souvenirs de Makataï.
 Des déclarations de Makataï il faut retenir qu’à aucun moment il ne parle du naufrage de la Boussole et qu’il nous indique le lieu du camp des Français, ainsi que l’existence du bateau de secours qu’il a incendié.  Nous savons où celui-ci a dérivé.Il nous confirme aussi le gisement de l’Astrolabe.







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