Le scénario du naufrage de Lapérouse selon les
insulaires de Vanikoro : le sort
ultérieur de deux rescapés de la Boussole d’abord, puis du bateau de
secours : Laprise -Martin et Marin.
Le nom du blanc espagnol : popaa à Tahiti, popalangui ,
‘popaleï en Mélanésie .
Aux Salomon, sur l’île de Malaïta, une tradition rapporte
qu’un blanc à longue barbe blanche arriva sur une planche (popalangui est interprété par
méconnaissance comme signifiant planche
du ciel , langui signifiant ciel , alors
que le mot est l’altération de hispaniola, plus exactement de sa métathèse ( his)palani. Ce blanc fut honoré, dit-on, comme un
dieu par toutes les tribus. Or, nous avons la version espagnole de ce
mythe : le 11 avril 1564, le chef pilote de l’expédition de Mendaña,
Hernan Gallego, accompagné du maître de camp Pedro Ortega Valencia embarquent
sur un petit bateau appelé le Santiago,
une brigantine que les naturels appelleront planche
du ciel (popalangui).Ils
visiteront l’île sauf le nord et seront obligés de fairefeu sur les insulaires.
Le premier blanc dont les indigènes aient entendu parler était un espagnol et
son nom se retrouve partout dans le Pacifique : en Calédonie,’popâleï, popalagni, à Tahiti popaa, etc.
Un nom du blanc plus général : le maka, ou homme rouge.
Le mot rouge, madja
ou maka dans les langues
mélanésiennes, désigne la couleur rouge. Pour les Mélanésiens , nous les blancs
, nous leur paraissons rouges et non pas blancs. Ainsi dans la passe Maka lu mu à Vanikoro, maka désigne les européens, ici leurs
bâtiments, lu signifiant deux et mu désignant le récif, l’écueil, donc le
récif des deux vaisseaux. Ceci est intéressant car cela prouve que les deux
bâtiments ont heurté le même récif, même si l’Astrolabe s’en est provisoirement sortie et est allée finir dans une fausse
passe du récif. Pareillement, dans le nom du récif Mangalia en Calédonie, manga
désigne les deux bâtiments de d’EntrecasteauU
Un nom pour
les officiers, pingi, pongo, le pointu.
Le chapeau à cornes des officiers de marine avait surpris
les naturels. Ils les ont appelés les « pointus », pingi, faisant allusion, soit
probablement à la pointe de leurs
chapeaux, soit à leur fusil qu’ils prenaient pour une sarbacane. Ainsi en
Micronésie une île polynésienne s’appelle Kapinga
marangi, l’île du chapeau pointu (pingi)
français en l’honneur d’un rescapé de la Boussole, Laprise-Mouton.
Le nom des
Français à Vanikoro : mara.
Dillon, puis Dumont d’Urville interrogèrent les polynésiens de Vanikoro sur l’origine du nom mara
que ceux-ci appliquaient aux Français.
« Il a été impossible à Valiko
de me donner l’origine du nom mara
qu’ils assignèrent aux Français ; seulement, il dit que quand on demandait
à ceux-ci d’où ils venaient, ils répondaient :Mara [France]… Avant ces deux navires, ils n’avaient jamais entendu
parler des popalagui, mot qu’ils ont
adopté de la race polynésienne pour désigner tous les blancs. » Ainsi,
mara
vient , non de marin, mais de France,
comme à Tahiti Farani, pour Français.
Le nom des blancs de Lapérouse à Vanikoro : ce ne
sont pas des êtres ma, Gnamahumains, ce sont des esprits (Ngambé, Lambé, Ambi, Ignama ou Nama),
même s’ils sont comestibles…
« Les insulaires, nous révèle Dillon, ne regardaient pas les blancs comme des êtres
humains, mais comme des esprits, et
des esprits malveillants… Leur front
ou leur nez présentait une saillie d’un pied de long (Martin Bushart pense que
c’était le chapeau à cornes). « Leur nez s’avançait de deux palmes au-delà
de leur visage. »
« Ils ne
mangeaient pas comme des hommes. Un petit morceau de nourriture, gros comme le bout du doigt, leur suffisait.
Après l’avoir avalé, ils se remettaient
sur-le-champ à bâtir leur vaisseau. [de secours] » Par « petit
morceau de nourriture », il faut entendre du biscuit, c’est-à-dire du pain
de garde très dur conservé à bord ou ici
à terre dans des récipients hermétiques de fer-blanc.
« Le chef était
toujours à regarder le soleil et les étoiles et leur faisait des signes. »
1 Pour la Boussole, le
nom de Gnembe Neungge, ou Dean
Passage c’est-à-dire la passe des Esprits
ou des Blancs, indique le lieu où celle-ci a coulé entre Noungna
et
Makulumu (l’écueil
des deux pirogues des blancs).
Le capitaine Hunter disait que Lapérouse
avait dû être victime du calme et des courants. Il avait raison, car les deux bâtiments de Lapérouse sont arrivés par le même chemin
que prendront plus tard Dillon et Dumont d’Urville vers le havre d’Ocili. Or,
lisons la déclaration faite par les Ticopiens à Dillon : pendant trois jours, les naturels avaient aperçu « deux grands vaisseaux
qui étaient arrivés près de leurs îles
(les deux îles composant l’archipel Vanikoro) ; ils avaient jeté l’ancre,
l’un [la Boussole] vers l’île de
Vanou (la petite île, Tevanou, où te- est un article), le second [l’Astrolabe] vers l’ (autre) île où se trouve
Païou, (îles) peu éloignées l’une de l’autre. Quelques jours après, et avant qu’ils eussent eu communication avec la
terre, une tempête (un fort coup de sud- est) s’était élevée et avait
poussé les deux vaisseaux à la côte. » Il s’agit donc d’une bonace, d’un
calme de trois jours suivi d’un coup de sud-est brutal et soudain, avec des
courants très puissants.
Selon le vieux Wéwo,
« la Boussole essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le
récif. ».
Pour les insulaires,
ces migrants, ce sont les Espagnols qui reviennent du monde des morts. De là le
nom de Gnambé, qui dérive aussi
probablement de palagni , d’où lambi, ambi,nambé, neunggé. Ce nom nous indique les lieux des deux naufrages,
ceux où les blancs sont apparus. On peut aussi remarquer sur la carte de la
page 29 , tout à l’est, à côté du récif
actuel , le nom polynésien, l’île des Revenants[de la Boussole], Neunggé motou
Point, Miller Point, aujourd’hui, le
mot polynésien motou signifiant une île.
Le naufrage et le gisement réel de la Boussole : la Passe des revenants, des Blancs,
Gnembé ou Neunggé, ou Dean Passage , Neunggé motou Point,, l’îlot des blancs, ou , de façon
prémonitoire, Boussole reef.
« Un navire [la Boussole]
fut vu échoué sur les récifs de Tanema (ou
Dennemah, en réalité Temou, Tanna, Temoa Temua,Emoa, signifiant
la terre ferme opposée à la terre des îlots, )… On ne sauva rien du
bâtiment… Ce vieillard avait vu le navire échoué à Tanema (Temua) et les
4 hommes [Rpoux d’Arbaud,
Collignon, Marin, Laprise-Mouton]qui en provenaient, mais il n’avait pas vu
ceux qui avaient appartenu au navire échoué devant Paiou (l’Astrolabe), attendu que
sa tribu (celle de Temua) était en
guerre avec celles de ces districts [
Béu’u ou encore Paukori ] »
Selon le vieux Wéwo,
« la Boussole essaya de s’engager dans la passe de Makalumu et s’accrocha sur le
récif. » Dumont d’Urville, dont la chaloupe suit le grand récif à
l’extérieur, nous dit : « Nous laissons à notre gauche une petite île de
sable, nommée Nougna, et plus loin
[vers l’est] une seconde nommée Makalumu.
C’est près de ces îles de sable qu’un
navire s’est perdu il y a longtemps ».Makalumu s’analyse en maka, homme blanc (littéralement rouge), lu qui signifie deux et mu,
récif et signifie le récif des deux[ pirogues des ]Blancs . .
L’îlot de Makulumu dont parle Dumont d’Urville n’est
plus celui que l’on connaît actuellement sous ce
nom: Makulumu était une fausse passe au
droit de Temua, située entre l’ îlot Noungna et l’îlot qui portait le nom de la passe et des bâtiments
européens, Makalumou, il faut donc se
rapporter impérativement aux cartes de
Dumont d’Urville (Voyage de
l’Astrolabe, Paris, 1830, 2 tomes) ou
de B. Brou, p . 28 et 29 de la
brochure Examen critique…, SEHNC, 1er tr. 1985, n°62 (car l’îlot Noungna (où nou
signifie l’île et où ngnea signifie qui
est en voie de disparition),cf Nouméa , la presqu’île, englobait la fausse passe de Makalumu et se continuait, prenant le nom d’îlot Makulumu au-delà de la passe.
Du temps de Dumont encore existait la fausse passe dite de Makalumu qui
séparait deux vestiges de terres
rocailleuses et qui était le produit d’une érosion due à des courants très
forts aujourd’hui encore, il est intéressant de le noter. Les courants ont
entraîné à la fois les roches et le
sable constituant ces îlots, et
jadis l’épave de la Boussole.
Après avoir heurté la
première le récif de Makalumu dont le
nom indique bien la présence de deux (lu) bâtiments européens (maka), l’Astrolabe qui marchait en premier réussit à se tirer de ce mauvais pas et elle entra dans ce qu’elle
prit pour une passe du récif à marée haute : la fausse passe du récif de Paiou.
On n’insistera jamais assez sur la confirmation d’un Vanikorien à Dumont d’Urville : « C’est
ici [à Makulumu] qu’a coulé un
bâtiment [la Boussole]. Je ne
l’ai pas vu, mais on me l’a dit ».
La tragédie de la recherche de la Boussole a voulu que, en 1956, à une époque où la découverte d’une seconde épave dans la faille du récif, en réalité celle du bateau de secours qui fut pris pour la Boussole, n’avait pas encore vicié le débat, le commandant Bonnet, en fonction sur le Tiaré, passe à côté du véritable
gisement de la Boussole, sans pouvoir
véritablement l’explorer. D’un vieil indigène il avait recueilli la tradition qui affirmait que
« l’un de ses ancêtres avait vu dans
son enfance, non loin de Vanou (Tevanou , nom de la petite île), les très grands mâts d’un navire
coulé ». L’individu en
question accepte de leur indiquer
précisément l’emplacement, qui est bien
entendu très éloigné du site de la faille du récif. Malheureusement, en cours de route,
l’embarcation des Français chavire et
les quatre scaphandres autonomes
tombent à l’eau. Il ne reste plus au commandant du Tiaré et à ses hommes que quelques masques de plongée pour explorer
l’emplacement du naufrage, « à cent
mètres environ du sud de l’île Naoun-Ha » , autre orthographe de Noungna,à ne pas confondre avec un autre ’îlot Nanoun-Ha
au nord de l’île). Les conditions météorologiques
sont défavorables ; depuis la surface, les nageurs remarquent que le
massif de corail sur lequel ils sont ancrés a une forme oblongue et régulière .Privé des moyens de mener une fouille plus
approfondies, la capitaine Bonnet est
persuadé qu’il s’agit de la coque de la Boussole
recouverte de corail et déclare qu’aucun mémorial n’atteindra jamais la
somptuosité de cette sépulture naturelle. » (Bonnet, lieutenant de vaisseau, Rapport de mission à Vanikoro au Commandant de la marine en
Nouvelle-Calédonie.)
Pour moi, la cause est entendue. Dès 1985, au Colloque
d’Albi du 25-31 mars, après avoir cité
Dillon : « un autre navire,
la Boussole, avait péri près des
îles de sable nommées Maka-Lumu », je concluais: « Le mystère demeure entier .Il faudrait qu’une
mission aille explorer ce site qu’une tradition obstinée nous indique en vain
depuis plus d’un siècle et demi. » En 1990, j’ai demandé à Bernard Brou qui participait à une expédition
sur Vanikoro de vérifier l’hypothèse à laquelle je tenais depuis 1985 pour
l’emplacement de la Boussole. Voici
ce que B. Brou écrivit dans le Bulletin
de la SEHNC n° 90 à son retour à Nouméa :
« L’hypothèse d’un naufrage possible à
Makulumu était basée sur l’étymologie du mot, qui signifiait : « là où la grande
pirogue a sombré » (sic !)
Mais nos recherches ont précisé qu’il s’agissait de Makalumu [exact !],
donc sans signification particulière (ce qu’a confirmé une exploration
sous-marine rapide). » Encore
une occasion ratée ! Mais
l’Association Salomon (dans Le mystère
Lapérouse), désireuse de
prouver que la Boussole gît dans la faille
du récif, émet l’hypothèse qu’il s’agirait là d’un navire japonais qui se
serait échoué en 1928 et se serait délesté pour se déséchouer. Mais dans sa
liste quasi exhaustive des bâtiments passés à Vanikoro, p ; 358 du même
ouvrage, Conan ne cite aucun navire japonais ! L’Association a poussé le scrupule jusqu’à remonter des
gueuses de fonte (étaient-elles donc invisibles lors de l’ « exploration rapide » de 1990?)
provenant du navire présumé nippon et jusqu’à les faire analyser en 2007 par le laboratoire industriel de
fonderie ENSAM CER d’Angers, afin de savoir si ces gueuses étaient identiques à
celles découvertes sur les épaves de Lapérouse. Les résultats étant
négatifs, l’Association, en conclut qu’elles proviennent très certainement du bateau japonais. Mais d’où venait alors
cette « forme régulière et oblongue »
aperçue par le commandant Bonnet ?
2 Pour l’Astrolabe,
la fausse passe du récif où, depuis le début, on s’accorde généralement à voir le
gisement de son épave, s’appelle dans la langue du pays la fausse passe des Ngambé (esprits ou blancs), la baie
s’appelle Ngambé et la rivière voisine s’appelle la rivière des Esprits (Ngambé).
La tradition orale rapporte que l’Astrolabe, en panne durant trois jours faute de vent et
poussée par les courants, heurte de nuit, comme la Boussole,
le récif de Makalumu dont le nom
indique bien la présence de deux (lu) bâtiments européens (maka) sur l’écueil (mou), non loin de l’endroit où un pierrier en bronze de 1/2 livre, pesant 94 livres (48 kgs) et portant le n°
260, attestant d’un échouage de l’Astrolabe, a été repéré
par l’officier Vedel à bord du Bruhat
en 1883. Vedel, pressentant l’importance
de sa trouvaille pour la localisation de l’épave, nous a donné ces
précisions : il avait fait sa découverte loin du site prospecté par Dumont
d’Urville et par l’équipage du Bruhat,
savoir la fausse passe de l’Astrolabe,
« à plusieurs milles [1852 m] dans
l’est de Payou, sur le plateau du récif
extérieur, à marée basse », dans le district de Tanema, au droit de Temua.
Le choc nocturne a entraîné une avarie dans la coque et la
noyade d’une quarantaine de personnes,
comme nous l’indique le nombre de
200 membres de l’expédition donné par
Makataï, qui a compté la centaine
de cadavres de la Boussole qu’il n’avait pas vue et la quarantaine de l’Astrolabe
qu’il n’avait pas vue non plus, auxquels il a ajouté les soixante survivants du
bateau de secours, le seul bâtiment qu’il ait vu.. Pourtant, l’Astrolabe, si mal
en point qu’elle fut , réussit à se déhaler du récif de Makalumu et parut
sauvée ; mais, poussée par les
courants et par le coup de sud-est, elle
pénètre malgré elle , à marée haute,
dans une passe apparente du récif, ce
qu’on a appelé la fausse passe du récif de
Paiou. Il est invraisemblable qu’elle se soit introduite volontairement dans
la fausse passe du récif sans l’avoir reconnue au préalable, comme le voudrait
Dumont d’Urville.
Sutton de Clonard
donna l’ordre de se préparer à
tirer sur les indigènes en les voyant si agressifs, car on a retrouvé un
canon chargé. Il s’est ravisévet n’a pas donné l’ordre, finalement, de tirer.
La preuve qu’il commandait à bord de l’Astrolabe,
puis du bateau de secours, ainsi que la preuve que l’épave de la faille du
récif est bien, non pas celle de la Boussole,
mais celle du bateau de secours, nous est donnée par le fait que l’on a retrouvé une fourchette en argent blasonnée aux armes de Sutton de
Clonardsur l’épave de la faille du récif, censée être celle de la Boussole ! Après le naufrage
des deux bâtiments, les rescapés se
comptèrent ; ils appartenaient tous
à l’Astrolabe, ils étaient
environ 70 et n’avaient aucune nouvelle de la Boussole. C’est dire qu’ils étaient beaucoup trop nombreux pour
tous prendre place sur l’embarcation de
secours de 20 tonneaux qui leur restait et qu’il leur fallait construire un
bateau de secours en désarmant l’Astrolabe.
La tradition rapporte que les naufragés sont
restés quelques six mois avant d’être massacrés et qu’ils ont eux-mêmes
« démoli le grand vaisseau [l’Astrolabe]
qui, autrement, eût pu subsister encore
très longtemps » afin de construire le bateau de secours. » L’Astrolabe
II ,ou Lapérouse à l’embouchure de la rivière des Esprits,
ne dépendait pas de Makataï, le
guerrier ticopien installé à
Ocili, mais celui-ci, jaloux des bonnes
relations entre un chef qui était son rival et ces « envahisseurs »
blancs , sut capter
la confiance de ces derniers pour mieux les trahir et mit , de nuit, un terme
à la destinée du Lapérouse qu’il incendia : on a trouvé des traces
d’incendie et des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif , qui
est bien celle du bateau de secours. Le bateau de secours fut, quelques jours après,
entraîné par les courants, au cours
d’une marée plus haute que les précédentes,
« vers le sud- sud-est », si l’on en croit ce vieux Wéwo, c’est-à-dire vers la faille du
récif : « Quelques jours après le massacre, [le Lapérouse, qui était pratiquement
à sec à l’embouchure de la Rivière des
Esprits ] se remit à flot tout seul, sans doute grâce à
une marée plus haute et partit à la dérive. Mais il n’alla pas loin et sombra,
sous le regard des indigènes. « Là- bas, nous dit le conteur au bras maigre
tendu vers le Sud -Sud- Est [la
faille du récif] ». Nous sommes renseignés sur cette marée haute: dans la
rivière des Esprits, où était construit le Lapérouse (et non pas
près de la Rivière Lawrence ou Russell à
Paiou), à moins de 100 mètres de l’embouchure :
il y a généralement très peu d’eau , mais il peut y avoir quelques 3 mètres
d’eau dans les grandes marées.
3 Les trois ou même quatre naufrages de la
tradition : il y a trois épaves
(la Boussole, l’Astrolabe,
le bateau de secours ou Lapérouse) et seulement deux gisements retrouvés: celui de la fausse passe (l’Astrolabe)
et celui de la faille (le bateau de
secours), sans parler de l’embarcation de Laprise-Mouton (le chef Matthew ,
Marin et le chef polynésien ).
Dumont écrit qu’au
village de Vanou ( près de Paiou ) un guide de la petite île Tevanou raconta « qu’outre les deux navires qui avaient fait naufrage à Paiou (l’Astrolabe) et à Vanou (village près de Paiou : il
s’agit du bateau de secours) , un
autre (la Boussole) avait péri près
des îles de sable nommées Maka-Loumou, au sud de l’île, mais qu’on n’avait pu
rien en sauver, attendu qu’il avait été sur-le-champ brisé, et s’était englouti
le long du brisant. »
Aucun indigène de Vanikoro n’a pu voir
à la fois les naufrages des trois bâtiments de Lapérouse. Makataï, le tueur des
équipages, n’a vu, semble-t-il, que le
bateau de secours à terre, et il n’a même pas vu l’Astrolabe qui avait déjà était détruite par les rescapés. Si,
depuis le début, le gisement de la
fausse passe du récif, celui de l’Astrolabe, n ‘a jamais créé trop de problèmes, il y en a eu beaucoup pour la Boussole
et pour le bateau de secours.
4 Le camp des
Français à Ambi , altération de Ngambé ( rivière des
Esprits), à l’embouchure de la Rivière des Esprits.
La Rivière des
Esprits (Ngambé) doit son nom aux Français considérés comme des
esprits. Elle est située bien à l’ouest de la rivière Lawrence ou Russell de
Paiou et, comme par hasard, juste en
face du gisement de la fausse passe de l’Astrolabe.
D’ailleurs, même Conan, partisan pourtant de la localisation du camp des Français à Paiou, reconnaît que « seule la
rivière des Esprits, en face de la Fausse Passe, aurait peut-être pu offrir à
l’époque des conditions adéquates, mais son embouchure est maintenant inondée
et il faut aller loin vers l’intérieur pour trouver un sol sec et assez
dégagé. » De même, le commandant de Brossard cité par François Bellec ,dans Les Esprits de Vanikoro, écrit à propos du Camp des Français qu’on
situe à tort à Paiou : « Mais
un autre emplacement plus à l’ouest a
également été désigné. »
5 L’endroit où l’on a construit le bateau de
secours à Béu’u à l’embouchure de la
Rivière des Esprits.
Comme, de toute façon, ni le Camp des Français présumé à Paiou, ni l’endroit où l’on aurait construit le bateau de secours à l’embouchure
de la rivière Russell n’ont livré de restes convaincants, je suis persuadé
qu’ils étaient tous deux situés respectivement
près de la rivière des Esprits, à
Ambi et à Béu’u et non près de la Rivière
Russell, à Paiou, comme on le fait généralement. La forme du nom Béu’u,
prise souvent à tort pour Païou, nous
est donnée par Makataï : c’est l’altération phonétique, l’apostrophe
notant un coup de glotte pour k, de Béukou(ri) où l’on reconnaît Palikuri (nom
d’une ville polynésienne de Micronésie) Paukouri
ou Pakaré.
6 Le bateau de secours dans la faille du récif, à Paiou.
L’événement le plus important depuis les recherches de
Dillon et de Dumont d’Urville a été la
parution,d’un extrait dans le bulletin
n°90, janvier 1990, de la Société d’Etudes historiques de la
Nouvelle-Calédonie, de la déclaration recueillie en 1990 par la SEHNC.
Déclaration du Polynésien Makataï , ancêtre du chef Gaspard, recueillie
à Monovai .
« L’île (de Vanikoro, la petite) est propriété des
Tiocopîens., autrefois dirigés par 4 chefs.. ces guerriers sutilisaient des
canoës de guerre traditiopnnels pour voyager jusqu’àVanikoro (la pêtite île).
Un jour, un homme fort,
nommé Makataï [de maka, rouge,
c’est-à-dire homme blanc, et de taï,
qui mange, le « mangeur de blancs », altération humoristique de son
nom Taumaka ou Taomako , nom d’une île voisine !], arriva [à Mallikolo [prononciation polynésienne
pour la forme mélanésienne
Vanikoro ; Makataï
réserve le nom de Vanikoro à la petite île
Teanu et à un village situé
sur cette île appelé lui aussi Vanikoro
ou Mallikolo peuplé de
Mélanésiens] et trouva quelques indigènes [mélanésiens
parlant le teanu, qui se réfugient
ensuite au nord-ouest de la grande île au nord, à Vanou, homonyme qui
n’intervient pas dans le scénario] qui vivaient sur l’île (la petite île). Il
les tua tous et vécut en un lieu appelé Osiri [en polynésien], appelé de façon erronée Wassili par les immigrants [sic, explorateurs européens].[il s’agit
du havre de Dillon et de Dumont d’Urville, Vanou- Ocili,. Tout ceci est vrai
car, nous dit Dumont, « naguère un
village se trouvait aussi sur la plage d’Ocili, et l’on en voit encore les
ruines. Mais les habitants ont été exterminés
à la suite de quelque combat et leur territoire est tombé au pouvoir de
la tribu de Tevai sur la petite île Teanu ». Dumont parle encore d’Ocili « dont
les habitants ont été récemment exterminés. »]
Makataï résidait
encore sur l’île [Ticopia] quand un
navire [l’Astrolabe] fut jeté à la
côte au port de Béu’u [coup de glotte pour k, péuku, généralement à tort identifié à Paiou , mais en réalité
Peuku , soit Paucouri ou
Pakaré, en face de Ignama,sur la Rivière
des Esprits). Le navire, appelé Laborouse
selon le nom de son commandant [les pièces réutilisables de l’Astrolabe, réemployées dans un bâtiment
plus petit, baptisé Lapérouse en hommage au défunt commandant], comprenait 200 membres d’équipage [Makataï
compte les 60 rescapés de l’Astrolabe,
les 104 noyés de la Boussole et les
40 noyés de l’Astrolabe lorsqu’elle a heurté le récif de Makalumu]. Le navire Laborouse était échoué sur un de ses côtés
[en cale sèche]. Makataï se rendit à
Béu’u [à l’embouchure de la Rivière des Esprits] pour aider l’équipage du Laborouse qui, lorsqu’il arriva, était en train de construire un radeau [un train de flottaison
de bois coupé] avec des arbres qui se trouvaient à proximité….. Makataï [avec
ses hommes] continua à aider … [pour
gagner la confiance de l’équipage], puis après quelques jours se décida [à trahir] l’équipage.
« Un soir, il arriva que tous les hommes à terre [dans
le Camp des Français] étaient
profondément endormis. Il commença
à tuer (puis) se rendit à bord du navire [le Lapérouse] pour tuer ceux [qui étaient à
bord].. il invoqua les esprits de ses ancêtres [un démon qui aurait la forme d’une anguille noire, Tangaroa]. Il mit le feu au navire
[on a trouvé des traces de feu et
des ossements carbonisés sur l’épave de la faille du récif, -le bateau de
secours, -ce qu gêne les partisans de l’identification de cette épave avec la Boussole, seule l’Astrolabe ayant connu un commencement d’incendie raconté par
Lapérouse lui-même]. Il tua alors tous
ceux qui étaient à bord … [ pluriel justifié car on y a retrouvé des ossements de
deux hommes(dont Pierre Paris, le compagnon d’Ann Smith), d’une femme , -Ann
Smith, -et un squelette, celui du dessinateur
Gaspard Duché » de Vancy
transféré sur l’Astrolabe, à
cause de son caractère impossible, faisant tous partie de ces hommes
assassinés , mais oubliés par Makataï sur
le bateau de secours], puis rassembla
des choses du bord telles que cuillers, tasses, assiettes et bouteilles.
Il pendit à son cou une étiquette nominative [entendez une médaille du type des
100 médailles « d’argent ou de
bronze, à l’effigie du roi, avec
l’inscription « Les frégates du roi
de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La
Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 »]
appartenant au commandant Laborouse [Sutton de Clonard , qui commandait
le bateau de secours et que Makataï va tuer lui-même] et effectua son voyage de
retour vers Tiocopia.. Ces articles sont toujours conservés dans une maison
coutumière de Ticopia, et y sont encore aujourd’hui. … Le temps s’est écoulé
quand un autre Français [extrapolation logique, mais Peter Dillon était en
réalité de nationalité britannique]
arriva. Son nom était Dillon. Il
découvrit l’étiquette nominative au cou de Makataï, .. qui lui dit que c’était lui qui avait détruit le navire et
tué l’équipage. Dillon demanda à Makataï de venir avec lui… ,Makataï avait
peur d’y aller seul [à cause des
fantômes et autres toupapaou], aussi demanda-t-il à quelques hommes de l’accompagner…. Ils arrivèrent à Béu’u [Paukouri] et Makataï montra
l’épave à M. Dillon [l’épave reconnue
par Dillon, celle de la faille du récif,
où Makataï a vu sombrer le Lapérouse après
avoir quitté sa cale sèche à l’occasion d’une grande marée], puis ils
retournèrent à Vanikoro [la petite île] ».
Voici encore la
déclaration du vieux Wéwo :
« Les (60 cadavres du camp) servirent au plus fastueux des festins
de la tribu et aujourd’hui encore, près de deux siècles après le drame, on y
chante cette mémorable journée où l’on a mangé tant et tant (une soixantaine) de Blancs… »
Le sort des quatre
rescapés de la Boussole.
Pour Roux d’Arbaud, il suit Lavo et on verra son odyssée dans mon blog Quelques survivants de l’expédition Lapérouse.
Pour Collignon, voir mon blog Le maïs préeuropéen à Tanna .
Restent Laprise-Mouton
et Marin dont le sort est lié à
Vanikoro.
La vie mouvementée de deux rescapés : Laprise- Mouton et de Marin
et la mort de ce dernier devant Tanema.
Le nom de Laprise Mouton, a été altéré par les indigènes en Matthew prononcé matau. Il s’associe avec le chef polynésien de Paucori pour lui
apporter l’inappréciable secours des armes à feu européennes à plusieurs
reprises.
La date.
« Deux hommes blancs restèrent après le
départ de leurs compagnons. L’un (Laprise-Mouton) était
chef , l’autre un homme qui
servait le chef (Marin). Le premier (ce
dernier, Marin , mauvaise traduction ?) mourut il y a environ trois ans
(en 1823) ; une demie année après (en 1824) le chef du canton où
résidait l’autre homme blanc (Laprise -Mouton)
fut obligé de s’enfuir de l’île, et l’homme blanc partit avec lui ;
le district qu’ils abandonnèrent se nommait Paukori (Béu’u, Pakaré). Mais nous
ne savons pas ce qu’est devenue la tribu [polynésienne] qui l’habitait
alors. »
La date semble fausse : Dillon a-t-il
altéré l’indication du lascar, désirant
montrer la légèreté de son prédécesseur d’Entrcasteaux qui selon lui, aurait pu sauver en 1793 les deux
rescapés ? D’ailleurs, le lascar a
aussi déclaré à Dumont en 1827 que « les deux blancs étaient morts il y a très
longtemps ».
Il serait plus vraisemblable que la mort de Marin et le départ de Laprise-
Mouton aient eu lieu en même temps que la migration qui aboutira à
Ouvéa (Loyauté ) et qui transportera à Balade des reliques d’un bâtiment de Lapérouse et que la migration qui finira en Micronésie, , donc de 1789 à 1793 environ, sans doute vers 1790, à en croire .James O’Connell,
dans A ressidence of eleven years in New
Holland and the Caroline Islands (réédition, p .201). Celui-ci écrit que,
selon ses calculs, c’est environ quarante ans (une génération ou deux)
avant son arrivée en 1826, c’est-à-dire vers
1790, qu’un blanc moustachu présenta un couple de poules à un chef de Nutt.
Il était arrivé sur un bâtiment à un mât.
Pour moi, l’introducteur de ces volailles de Vanikoro à Nutt était l’officier
Laprise- Mouton, notre rescapé. A l’appui, Dumont rapporte qu’un vieillard de Manevai sur la petite île,
témoin oculaire étant donné son âge,
confessa qu’il avait vu deux blancs qui étaient descendus à Paiou ;
mais il ajouta qu’ils étaient morts
depuis longtemps sans avoir laissé d’enfants. De même, le grand prêtre
Moembé dit à Dumont :
« Tous les blancs [du bateau de secours] qui essayèrent, plus tard, de
gagner la terre furent à leur tour tués à coups de flèches, excepté deux
pourtant qui se rendirent à Paiou (ce n’était donc pas le lieu de construction
du bat eau de secours ), mais n’y
vécurent que quelques mois, et, peu de temps après, il se développa une
maladie qui fit périr bon nombre de naturels. » On voit que des deux
blancs, l’un avait migré, l’autre était
mort, et que le lascar ne pouvait les avoir rencontrés.
Du bateau de secours et de
l’attaque menée par Makataï , ont seuls réchappés les 6 hommes (Roux
d’Arbaud, Simon Lavo, Héreau, Blondela,
Richebecq,et Gaudebert qui gardaient une petite embarcation de secours à côté
du grand bateau de secours , le Laborouse,
et trois
hommes, Collignon Laprise-Mouton et Marin qui , à la nage,
s’enfuirent et cherchèrent refuge auprès du chef polynésien qui les avait accueillis une première fois,
juste après le naufrage de la Boussole.
1Les deux rescapés choisirent d’abord de s’installer à dans la baie de Saboë. Selon Conan,
« une large baie plus au sud-est, la baie
de Saboe, aurait également pu offrir des conditions adéquates [au lancement
d’une embarcation pour tous les rescapés
de l’expédition] : la KTC y avait d’ailleurs installé son campement
initial, mais la petite rivière qui fournit l’eau douce s’est vite révélée
insuffisante pour satisfaire les besoins des naufragés [tous ceux de l’Astrolabe et de la Boussole] » C’est là qu’ils décidèrent de construire
une petite embarcation.
2 Puis, ils s’établirent à à Ignama.
, altération de Gnambé, les esprits par le cas du duel. : les deux blancs.
Legoarant de Tromelin a noté : « Ces Blancs [de la Boussole, Laprise -Mouton et Marin] s’établirent au village d’Ignama, à environ quatre milles au nord
de Paiou » (environ 7 kilomètres), plus
exactement à Lambé, altération également
de Gnambé, Esprits, Blancs.
Selon Galipaud , depuis Paucori, à Béu’u (Paukouri), près de l’embouchure de la rivière des Esprits , Mouton
aurait lancé des « pierres
chauffées» (boulets) et détruit l’îlot
Filimoè en face d’Ignama, où s’était
réfugié le chef rival de l’allié polynésien de Mouton, parce qu’il avait volé à l’ami de Matthew(laprise-Mouton) la femme que
celui-ci convoitait.
3) Ils s’établirent ensuite
à Paiou qui est également décrit comme « le lieu de résidence d’un officier
ou d’un savant [Laprise- Mouton] et de son aide [Marin] qui décidèrent de
rester dans l’île après le départ de leurs compagnons. » Le camp
présumé des Français prospecté par J. C. Gallipaud pourrait bien être le lieu
de résidence de Laprise- Mouton et de Marin.
.
4) Retour vers le lieu de
débarquement de la Boussole. Selon
une tradition rapportée par
Dumont, 20 hommes et 3 chefs en train de
piller le bateau échoué à Vanou,
savoir le bateau de secours, furent tués. Dumont rapporte encore que,
selon le chef de Teanu, un Français
venant de Paiou avait abordé
au village de Vanou, près de Dennemah, en face du lieu où le bateau de secours
avait coulé, et qu’il avait tiré sur les naturels à coups de sarbacane
(fusil) : il en avait tué une vingtaine .Selon Galipaud, 5 chefs et des
hommes furent tués, savoir les cinq chefs de Vanou, près de Paiou, , savoir Valeco, Oley, Amea, Feto et Tabinga,
ainsi que presque tous leurs gens, une quinzaine. .
.D’après une autre
tradition, il périt dans cette affaire 5 naturels de Vanou, dont 3 chefs et un homme de Dennemah.
Dillon rapporte que
Laprise- Mouton vint dans sa chaloupe jusqu’au récif près de Dannemah et y tua le
chef de ce village qui s’appelait Naourey
près de Murivai (de l’autre
côté de la baie de Saboè) , alors qu’il était en train de pêcher
tranquillement . Matthew mit un instrument dans sa bouche (le fusil de Mouton
est pris pour une sarbacane) et l’on entendit un grand bruit. Le chef
Naourey fut tué et tomba en dehors de la pirogue et la magie du
blanc empêcha qu’on pût retrouver son corps.
Tanema et la mort de Marin à Vanikoro.
Selon N. S. Hefferman, dans
Government station Vanikoro, à Mac Neill, Australian Museum, janvier 1926 : « Mon gardien de prison me dit que les pièces de monnaie
que l’on découvre constamment au village de Tanema (ou Dennemah’, près du lieu
d’échouage de la Boussole) ne
proviennent pas du navire de Lapérouse [la
Boussole], mais d’un autre bateau [l’embarcation de Jérôme Laprise- Mouton,
qui avait dû laisser à bord sa cagnotte
récupérée sur la Boussole ] qui s’est échoué peu après [un an ou deux] .
A la mort de Marin, tué et
mangé par les adversaires de leur ami le chef polynésien, Mouton et son ami le chef
polynésien décident d’émigrer : ils vont en Micronésie, et fondent des « exclaves » polynésiennes à Nutt en 1790, puis à Nukuori (Cf le nom de Vanikoro,
et en Micronésie comme à Vanikoro celui de Palikouri ) et à Kapingamarangi (l’île du Français, -marangi, -à chapeau pointu, -pingi).
A la mort de Marin, Mouton et son ami le chef
polynésien décident d’émigrer : ils vont en Micronésie, et fondent des
« exclaves » polynésiennes à Nukuori
(Cf Vanikoro, Palikouri en
Micronésie) et à Kapingamarangi
.
1)
Premier indice : le nom de
Kapingamarangi en Micronésie, dans des « exclaves »
polynésiennes : l’île du Français à chapeau pointu.
Ainsi, le
« chef Mathew » accompagna le
chef polynésien de Paukori (Paiou) dans
sa migration en Micronésie vers Nutt et Palikori. La coutume était, en effet,
d’échapper à la mort qu’entraînait la défaite par une migration. Ce chef émigra
donc avec 6 autres Polynésiens et son « captif « blanc dans
une île de Micronésie, nommée Kapingamarangi, où l’on peut reconnaître le mot signifiant Français, marangi
(Farani en tahitien, altération de Français, marang à Vanikoro), ka
signifiant celui qui, pinga signifiant recourbé et faisant allusion au chapeau ou
bicorne d’officier).
2Autre indice :
le canon fleurdelisé de Pohnapé (Micronésie).
Jean Guillou, dans La Pérouse … Et après ? a révélé de l’existence d’un canon fleurdelisé
en Micronésie. . Sur le chemin de Kapingamarangi, l’embarcation portant le
rescapé de la Boussole, le chef polynésien et ses 6 hommes fut envoyée par un fort coup de vent
sur le récif entourant Pohnapé en Micronésie
et l’un des passagers , Mouton, réussit
à sauver un canon fleurdelisé ,
en cuivre, ressemblant à celui que
Dillon avait rapporté (« un canon de 2 pouces avec
fleur de lis »). .Edmond Jurien de La Gravière, dans son Voyage
en chine (1854) , citant Joseph de Rosamel,
mentionne la présence à
Pohnapeï d’ « un petit
pierrier de bronze frappé d’une fleur de
lys » que l’amiral
supposait provenir du navire de secours construit par les rescapés de
l’expédition Lapérouse ». Dans Pohnpeï , Micronésie , 1840 , Voyage de
circumnavigation de la Danaïde, par Joseph de Rosamel, nous
apprenons ceci : « Un [des passagers] descendit à terre à la nage
tenant un pierrier d’une main et nageant
de l’autre ; il maniait cette arme comme un fusil. C’est ce pierrier qui fut porté dans l’intérieur
et taboué par les indigènes. Le capitaine Dudoit le vit en 1834 et 1835. La
corvette anglaise le Larne qui vint à
Bonnebey [Pohnapé] en janvier 1838 le fit transporter à bord et l’emporta. Le
canon avait eu la culasse sciée par les naturels, la chambre pouvait avoir un
diamètre double de la bouche et une
fleur de lys, mal gravée, était sur
le bourrelet de la culasse qui n’avait pas été enlevé…» Le canon
fut, hélas ! vendu au poids.
Allain « Mazrin » ou plus exactement
(erreur de lecture des registres de Brest, la boucle finale du a ayant
été prise pour un z) Alain Marin, de
Quimper.
Jean Guillou nous précise
que l’un des deux survivant (Marin)
« était mort à Paiou et que son corps
avait été jeté à la mer. ». Le
capitaine Dillon rapporte cet usage en
ces termes :
« Quand un ennemi
tombe entre les mains (des Vanikoriens),
il est tué immédiatement ; son corps est déposé dans de l’eau de
mer et y est conservé jusqu’à ce que les os soient complètement dépouillés. Le squelette est alors retiré : on
gratte les os que l’on coupe de diverses manières pour former les extrémités
aiguës des flèches et des lames. » L’eau boueuse et habitée des mangroves
fait très bien l’affaire. Les bras et les jambes sont seuls mangés. Les autres
ossements servent, une fois polis, à faire des pointes de flèches, etc.
Ce rescapé de la Boussole est mort devant Tanema lorsque la chaloupe où il se
trouvait avec Laprise- Mouton a été prise d’assaut. Il a alors été mangé. Quand Dillon, puis Dumont d’Urville ont
demandé comment s’appelait le survivant, les Polynésiens ont répondu « Mara » sans hésiter, ce qui
signifiait « Marin » pour
eux, mais a été confondu par Dumont avec le paronyme Maran », polynésien
farani, altération de Français Le nom de Marin se retrouve
sous la forme mélanésienne Mara dans
le toponyme de la tombe [entendons le
pourrissoir, le lieu de décharnement] de
Mara, de Marin, située sur le territoire de Tanema au
milieu de palétuviers. B. Brou raconte qu’un crâne et une dent, -ceux de l’infortuné Marin,
- y ont été retrouvés près d’un polissoir de basalte. Les vainqueurs ont emporté à Lalé certains os, l’humérus notamment, pour les manger. On a montré à l’expédition
Salomon un morceau d’humérus de 16 cm aux deux extrémités cassées, mais non
fendu dans le sens de la longueur. A part la « tombe » de Marin,
il n’y a que deux « cimetières » de Français à Vanikoro :
le plus grand à Mambola pour les 104
noyés de la Bousssole , y compris
Lapérouse et la quarantaine de noyés de l’Astrolabe, l’autre à Whanu- Ocili pour la soixantaine de rescapés de l’Astrolabe massacrés par Makataï :
leurs crânes et ossements y ont été transportés, depuis le Camp des Français, pour le festin funèbre organisé par
Makataï.
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