Deux fausses pistes et l’origine d’une rumeur
concernant les survivants de l’expédition Lapérouse.
1)
Une fausse
piste : le survivant du détroit de Torrès ou Endeavour
channel, entre
la Nouvelle-Guinée et l’Australie.
Rappelons d’abord qu’au
début du XIX e siècle trois navires français voguent dans les parages de
l’Australie : le Géographe et le
Naturaliste de l’expédition Baudin
(1801) et la Casuarina de Freycinet
qui les rejoint. De plus, la traversée de ce détroit très dangereux permettait
de joindre le comptoir portugais de Timor, avant-poste isolé de la civilisation
occidentale et chrétienne. Il y a 10 îles au moins, au nom variable, à l’entrée
du détroit :Warmwax, Bristow, Dalrymple, Rennell, Retour, Cornwallis,
Talbot , Delivrance, et Murray (ce n’est pas , malgré les apparences, un nom d’origine anglaise) ou plutôt Mairee, ou Merae
ou Mer. Ajoutons Daxar, XWa ier, Tod ou Tudu (ou Warrior island au centre),
Naghir, Erub ou Damley au nord-ouest de Murray, Quoin island, Fisson, Eel Reefs , où , à la
mi-1814, eut lieu le naufrage du Morning Star
avec à bord le lascar de Calcutta
Shaik Jumaul , dit Sumoon. C’est sur Todu (altération probable
du nom de Baudin) qu’on aurait aperçu une boussole et plusieurs pistolets, -c’est donc entre
Todu et Naghir que le survivant a
partagé son temps, -tandis qu’à Mairee on aurait vu 2 sabres et des chiens d’origine européenne .
A-T -ON DES NOUVELLES DE M. DE LAPEROUSE (paroles prêtées à Louis XVI peu d’instants avant de monter à la
guillotine) ?
De M. de Lapérouse
non. Mais d’un mousse
surnuméraire de l’Astrolabe,
originaire de Tréguier (Côtes-d’Armor), François Mordelle, oui, selon
l’universitaire australien Garrick Hitchcock (2017): Manuscript
XXXII The Final Fate of the La Pérouse Expedition?The 1818 Account of Shaik
Jumaul, A Lascar Castaway in Torres Strait, The Journal of
Pacific History,
DOI: 10.1080/00223344.2017.1335370, publié en ligne le 29 août 2017.
En réalité, l’affaire n’est
pas nouvelle depuis l’information donnée dans son Supplément par The Madras Courrier du 29 décembre 1818. Dans Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse, de
Jean-Christophe Galipaud et Valérie Jauneau, mai 2012, p.226, sous le titre Les rumeurs s’intensifient, on peut
lire : « avant la localisation du naufrage au sud des Salomon,
d’autres récits circulent sur le passage
de survivants français de l’expédition Lapérouse au nord de l’Australie
et au nord des Salomon. Un journal anglais, publié en octobre 1819, raconte les aventures d’un Indien contraint
de vivre dans l’île de Murray, aux Torrès, après le naufrage de son bateau, l’Etoile du Matin. Pendant ce séjour
forcé de plusieurs années aux côtés des insulaires, le Lascar Shaïk Djamal
affirme avoir vu des fusils, une
boussole marine , des sabres et même une montre en or dans l’île de Todd [ou Tudu ou île du
Guerrier]. L’ancien employé de la
compagnie des Indes orientales parle de son expérience à l’équipage du
bateau qui vient de le secourir, la Claudine, et livre des informations
détenues par les indigènes .Ils lui ont appris qu’un bateau avait naufragé
près de leur île, trente ans auparavant, et que ses passagers, des Blancs,
avaient été massacrés lors de leur descente à terre .Une partie de ces
hommes, aux vêtements bleus, aurait fui vers une île voisine et rencontré le
même sort funeste. La tradition orale
rapporte encore que seul un enfant aurait eu la vie sauve après s’être échappé
à bord d ‘un canot avec deux jeunes filles .Comme dans le cas de la rumeur
sur Lepaute d’Agelet, il apparaît délicat de se fier à ce témoignage qui
mélange visiblement plusieurs récits se
rapportant à ce détroit redouté des navigateurs. »
Ci-dessus, l’’île Murray (photo datant de 2016 prise par Garrick
Hitchcock.
François
Mordelle, de Tréguier,
mousse à bord de l'Astrolabe. serait,
selon l’universitaire australien, le jeune homme échappé . En effet, les
vêtements bleus peuvent être ceux d’un matelot français de l’époque, comme ces armes dont le Lascar nous dit
qu’elles n’étaient pas de type anglais. La
Dépêche du Midi , le Journal de bord d’Albi (numéro 73, d’automne 2017)ont
repris cette rumeur qui s’est répandue dans les médias comme une traînée de poudre .
Mais, parmi les autres navires français
passant dans ce détroit au début du XIX e siècle, il y a les deux navires de
l’explorateur français bien méconnu Nicolas Baudin, le Naturaliste et le Géographe,
qui nous a laissé la première carte d’ensemble de l’Australie. On pourrait
alors songer, plutôt qu’à François
Mordelle, à n’importe lequel des 17
mousses du Naturaliste, ou bien surtout,
en raison du boîtier doré de montre avec
un verre démodé qui suppose un état de fortune supérieur à celui d’un simple mousse,
à Timothée Armand Thomas Joseph
Ambroise Vasse, né le 27 février
1774 à Dieppe, alors âgé de 26 ans, matelot, gabier de seconde classe du Naturaliste.
Thomas Vasse.
Baudin, qui avait quitté le Havre le 19 octobre 1800,
explora l'Australie à partir de juillet
1801. Sur Internet, on peut lire , à propos de Vasse « Il fut laissé pour
mort au large de l’Australie le 8 juin 1801, mais aurait peut-être échappé à la
noyade et survécu quelque temps sur les côtes de ce qui est aujourd’hui
l’Australie occidentale selon plusieurs témoignages d’aborigènes. » L’arrière-petit-neveu de TimothéeThomas Vasse
, ancien élève de l’ENA et créateur de l’Association France- Australie , a fait paraître en 2001 , pour le
bicentenaire de l’expédition Baudin , une oeuvre initiatique somptueuse , dans
la ligne du Jean Mariotti de La conquête
du Séjour paisible,, mais se rapportant non plus au canaque, Poindi, mais à
son propre ancêtre métamorphosé en
aborigène : Wonnerup, La Dune sacrée qui décrit la
vie de T. Vasse au sein d’une tribu australienne (« Wonnerup
Vasse » étant le nom d’un estuaire
australien de l’Australie occidentale, ainsi nommé vers 1830 en l’honneur du
navigateur français) .
On raconte qu’il était descendu à terre en compagnie
d’autres hommes à la baie du Géographe au
sud -est de l’Australie Occidentale ,près de la ville actuelle de Busselton et
du cap Leeuwin ,à des fins exploratoires , avec ses savants ; que la nuit,
par vent de tempête, il voulut regagner le bord du Naturaliste . C’est alors qu’il disparut et qu’on le supposa noyé,
alors que c’était un excellent nageur. Peron dans Voyage aux terres australes (1807) écrit , p ;98 sqq.:
« [le 8 juin 1801] ce qu’il y eut de plus déplorable dans ce dernier
désastre,ce fut la perte d’un des
meilleurs matelots du Naturaliste.le
nommé Vasse, de la ville de Dieppe.En,traîné trois fois par les vagues au moment
où il cherchait à se rembarquer, il disparut au milieu d’elles sans qu’il fût
possible de lui porter aucun secours, ou même de s’assurer de sa mort, tant la
violence des flots était grande alors, tant l’obscurité de la nuit était
profonde. Cependant, toutes les circonstances se réunissant pour rendre cette
mort inévitable, aucun individu de l’expédition
ne con,servait le moindre doute à cet égard, lorsqu’un article reproduit
dans tous les journaux français vint fixer l’intérêt et rappeler l’espoir dans
le cœur de ses compagnons .
« On assurait danscet article qu’échappé comme par
miracle à la fureur des flots, Vasse, après le dé^part des deux navires,s’était
joint aux sauvages de cetyte partie de la terre de Leeuwin (le lion en
hollandais, nom du navire qui le premier le découvrit),avait adopté leurs
mœurs, appris leur langage , et qu’il avait ainsi passé deux ou trois ans avec
eux ; puis, sans expliquer en rien la chose, on le faisait rencontrer
àtrois ou quatre cent lieues dans le sud de son naufrage, par un bâtiùent
américain , à bord duquel il avait été reçu, et quelque temps après arrêté par
un croiseur anglais : on ajoutait même qu’il venait d’arriver en Angleterre
où, contre le droit des gens,il se trouvait détenu. Quelque invraisemblable que
pût être une aventure de ce genre , nous ne crûmes pas , cependant devoir, MM. Freycinet,
Lesueur et moi, négliger cette rumeur publique, et nous nous empressâmes
d’appeler l’attention du Ministère sur un événement qui, sous tous les
rapports,aurait été d’un si grand intérêt, s’il eût été véritable ;
malheureusement,cette douce erreur se trouve détruite par le résultat des
recherches ordonnées à cet égard par Son Excellence le ministre de la
Marine ; tous les détails de l’article concernant l’infortuné Vasse sont
controuvés. »
L’objectivité doit nous amener à dire que Vasse avait à sa
disposition les objets abandonnés par les savants précipitamment rembarqués en
raison de la tempête : « indépendamment de la chaloupe, écrit Péron,
on avait été contraint d’abandonner sur le rivage une trentaine de fusils,beaucoup de sabres,de pistolets,
deux espingoles, un baril de poudre, beaucoup de cartouches, toute la voilure
de la chaloupe, tous les cordages, les tonneaux,les palans, les caliornes [gros
palans] apportés successivement pour la
déséchouer, outre une petite quantité de vivres, ainsi qu’un excellent chien de
chasse. »
Enfin le lieu était fréquenté à cette saison de baleines
que, deux jours plus tard, Péron
aperçoit : « le 10, nous eûmes
la vue de plusieurs grosses baleines qui se jouaient au milieu des flots
courroucés » et par conséquent de baleiniers américains ; Vasse avait
vis-à-vis d’eux de quoi monnayer son passage avec la chaloupe, les palans, sabres et pistolets divers. Il
n’a pas attendu longtemps pour laisser les sauvages et embarquer sur ces
baleiniers qui se rendaient à Coupang, sur le comptoir portugais de Timor,
après avoir franchi le détroit de Torrès entre la Papouasie et l’Australie.
Malheureusement pour Vasse, son baleinier fit naufrage dans l’archipel Murray
de ce détroit. Il réussit à s’échapper encore une fois. Il épousa la fille du chef de l’île de Naghir ,
au sud-ouest de Todd (île du Mont Ennel) et s’enfuit avec elle : ici on
perd sa trace .On voit ce qu’il y avait de vrai dans l’article cité par
Peron et comment l’Endeavour Channel,
le chenal de l’Endeavour entre la
Papouasie et l’Australie découvert par Cook et auquel on donna le nom de son
bâtiment, est devenu le Channel, la
Manche, par incompréhension !
Le survivant du détroit
de Torrès est donc , selon moi,, Vasse et n’a rien à voir avec Lapérouse. .Le
boîtier doré d’une montre d’un modèle ancien aperçu à Tod peut lui avoir
appartenu, ce qui est moins étonnant que
pour un mousse. De même, les deux sabres, le vêtement de laine bleue, typique
des matelots français à l’époque, vus à murray , les espingoles et pistolets
abandonnés par l’expédition Baudin sur la plage, la boussole laissée par les
savants du naturaliste et récupérés par Vasse, et même le chien de chasse se sont retrouvés dans le détroit de Torrès.
De même, le demi- dollar d’argent trahit la présence d’un baleinier américain
et non pas la présence d’un mousse de Lapérouse.
Telle est sans doute la
raison pour laquelle Jean Guillou .dans Lapérouse …et après, Dernières nouvelles du
mystère de l’Astrolabe (2011), consacré aux survivants de l’expédition
Lapérouse n’en fait pas état, alors
qu’il se soucie très sérieusement du chirurgien –major de l’Astrolabe, Simon Lavo, le seul survivant dont
l’existence soit assurée dans les îles de l’Amirauté.
2 Une
autre fausse piste, liée à la première :
l’épave de Temple island au nord de la
côte oust de l’Australie.
Jean Guillou, dans Moi, Jean Guillou, second chirurgien de
l’Astrolabe, s’est penché sur les
restes découverts près de Temple Island,
sur le cap Pamerston , en Australie sur une côte déserte (la ville de Mackay où
Jean Guillou s’est rendu en personne n’existait pas encore), le nord de la côte ouest ,
aperçus en 1802 par Flinders. Ce sont les restes d’une chaloupe en chêne
européen, avec des trous prêts à recevoir des chevilles : les trous de
chevilles dénotent que les planches ont servi à
une construction antérieure. Jean Guillou a attribué cette épave mystérieuse à des
survivants de l’expédition Lapérouse,
mais il se peut qu’elle provienne d’un baleinier américain qui, après avoir
pris à son bord Vasse et probablement
récupéré la chaloupe abandonnée par
l’expédition Baudin , perdit une chaloupe sur cette côte avant de faire naufrage dans le détroit de Torrès ou Endeavour
channel, entre la Nouvelle-Guinée et l’Australie.
3) L’origine vraisemblable de la rumeur tenace concernant
Lepaute d’Agelet, astronome de la
Boussole.
Dès 1795, un ouvrage
anonyme, Découvertes dans la mer du
Sud : Nouvelles deM. de La Peyrouse jusqu’en 1794. Traces de son passage trouvées
en diverses îles de l’Océan Pacifique ; grande île peuplée d’émigrés
français. Paris : Everat. Imprimeur libraire, n°3 , rue Montorgueil,
près le passage de Saumon.397, 8°et la réédition de 1796 font état d’une rumeur
, rapportée avec des traits invraisemblables et mensongers,concernant la
découverte par un Portugais nommé de Grisalva (?) de l’astronome Lepaute
d’Agelet de la Boussole, mourant, en une île ont on ne nous dit pas le nom, bien
entendu. De Lesseps, dans son édition de 1831, Le voyage de Lapérouse, annoté par J. B. B ; de Lesseps (réédition
de 2005), p .177 à 180, publie ce texte, en disant : « le
document suivant est d’une telle
importance qu’on s’étonne q u’aucun des écrivains qui ont parlé du naufrage de
Lapérouse, n’e n ait fait mention … Le silence des marins sur cette relation doit rendre circonspect celui qui paraît la
citer pour la première fois .».
Le 14 mai 1794, ils secourent Lepaute
d’Agelet, mais celui-ci meurt le 24 mai 1794. Celui-ci leur raconte qu’un
incendie de la Boussole le 16 mars
1792 (sic ! plutôt 1788) les oblige à descendre à terre et à abandonner le
navire. Ils y restent trois mois ; ils coupent des arbres bois pour
construire un bâtiment avec lequel ils espéraient regagner
l’Europe , ce qui occasionne une rixe avec les indigènes où meurt
Lapérouse. Lepaute d’Agelet avec 8 hommes s’enfuit sur une embarcation et tous
sauf lui meurent de faim au bout de 18 mois sur cette terre. « Nous vîmes
, écrit le Portugais, distinctement un homme qui se promenait sur la cime d’un
rocher, et qui faisait des gestes pour nous appeler. » Quelle était cette
île ? Il s’agit, selon moi, de Kapingamarangi,
en Micronésie, nom qui signifie l’île du
Français (marangi) au chapeau pointu (pinga) . Or, -et Jean Guillou me l’avait fait remarquer, -ce n’est qu’en 1797 que
Millet- Mureau fit paraître le récit des voyages de Lapérouse, il y a donc des
détails troublants qu’on ne pouvait connaître à l’époque.
La source
de l’ouvrage.
Nous supposons qu’un capitaine portugais toucha Coupang
à Timor, ou bien deux comptoirs portugais Macao , tous deux comptoirs
portugais, et raconta ce qu’il
avait découvert en Micronésie, sur l’île Kapingamangi et sur l’ile Pohnapeï ,savoir, sur cette dernière , un canon fleurdelysé
laissé par un rescapé de la Boussole .
Les Français attribuèrent l’aventure, à Lepaute d’Agelet l’aventure, alors
qu’elle revient à celui qui était connu comme le chef Mathew par les indigènes de Vanikoro, savoir Mouton ( –Laprise) dont le nom avait été altéré en Mathew .
Un indice : le canon fleurdelisé trouvé à Pohnapéï.
En lisant La
Pérouse … Et après ? de Jean Guillou , p.137
j’appris la présence en
Micronésie d’un canon fleurdelisé: l’embarcation portant 8 hommes , savoir le rescapé de la Boussole , le chef
polynésien et 6 de ses hommes, après son escale à Nutt, sur le chemin de Kapingamarangi , fut envoyée par un sérieux
coup de vent sur le récif entourant Pohnapéï et
Laprise-Mouton réussit à sauver un canon fleurdelisé , en cuivre, ressemblant à celui que Dillon avait
rapporté (« un canon de 2 pouces avec fleur de lis ».Edmond
Jurien de La Gravière, dans son Voyage en chine (1854) , mentionne la présence à Pohnapeï, d’après Rosamel, d’ « un petit pierrier de bronze frappé d’une fleur de lys » que
l’amiral supposait provenir du navire de
secours construit par les rescapés de l’expédition Lapérouse [en réalité
d’une chaloupe de secours]». Un
héritier de l’amiral, Charles Jurien de La Gravière, fit des recherches sur ce canon. Ne trouvant rien
dans les papiers familiaux, il eut l’idée de consulter les archives d’un
arrière-petit-neveu de Rosamel et y découvrit le manuscrit de Joseph de
Rosamel, catalogué sous le nom anglais de Pohnapeï (île de l’Ascension prise pour l’île homonyme de l’Atlantique).
J. C. Galipaud a donné, en 2005, une
excellente édition de ce manuscrit.
En 1840, Rosamel , p.35 , avait pris ses informations auprès du
Français Louis Corgat, qui vivait avec
une Micronésienne et avait aperçu le canon à Kiti sur l’île de
Pohnapé. « Un [des passagers]
descendit à terre à la nage tenant un pierrier (bouche à feu, ancien mortier de
marine) d’une main et nageant de l’autre ; il maniait cette arme comme un
fusil. C’est ce pierrier ou canon de
cuivre qui fut porté dans l’intérieur et taboué par les indigènes. Le capitaine Dudoit le vit en 1834 et 1835. La
corvette anglaise le Larne qui vint à
Bonnebey [Pohnapeï] en janvier 1838 le fit transporter à bord et l’emporta. Le
canon avait eu la culasse sciée par les naturels, la chambre pouvait avoir un
diamètre double de la bouche et une
fleur de lys, mal gravée, était sur
le bourrelet de la culasse qui n’avait pas été enlevé. ». Le canon fleurdelysé fut apporté à Macao, où
on perd sa trace.
Autre trace : le nom de Kapingamarangi,
l’île du Français à chapeau pointu, une « exclave » polynésienne
en Micronésie.
Le chef polynésien de Vanikoro, de la tribu de Paukori , continua sa
route avec 6 autres Polynésiens et son « captif » vers une autre
île de Micronésie, voisine
de Nukuoro, nommée Kapingamarangi,
où l’on peut reconnaître le mot
signifiant Français, marangi
(Farani en tahitien, altération du mot
Français, marang à Vanikoro), ka
signifiant celui qui, pinga signifiant en forme de
courbe et faisant allusion au chapeau , au bicorne d’officier).
Ces îles sont les seules « exclaves»
polynésiennes en Micronésie et les linguistes rangent leur langue dans un
sous-groupe comprenant Ouvéa
(Loyalty), Futuna du Vanuatu et Wallis et Futuna. Kapingamranangi se trouve
dans l’Etat de Pohnapeï dont une
ville s’appelle Palikir. Dans ce dernier
toponyme on reconnaît une forme voisine
de Paukori, le nom de l’endroit de Vanikoro d’où est parti le chef polynésien : Palikir
signifie le pays du serpent (likir cf. le nom de l’île Riger en Papouasie, où un autre
survivant , Simon Lavo, trouva refuge )
enroulé en entonnoir (comme les Engyralis
australis de Lifou ou les Morelia
viridis de Papouasie, pythons sacrés ayant la curieuse habitude de tendre
un piège aux oiseaux dont ils se nourrissent en recueillant l’eau de pluie dans
une sorte d’entonnoir qu’ils forment en se lovant pour les attirer). Le nom de
l’île, Nukuoro est d’ailleurs un emploi métaphorique du nom de ce serpent (Nigoro), formant un
entonnoir plein d’eau, utilisé
pour désigner un atoll avec une lagune circulaire au centre, comme
précisément l’atoll de Nukuoro.
Les deux rescapés de la Boussole et ses compagnons
polynésiens quittèrent Vanikoro sur une
défaite à Tanema, à bord d’une biscayenne probablement à un mât, et
émigrèrent en Micronésie, vers Nutt et
Pohnapé ,précisément Kiti où le canon
a été trouvé, puis vers Nukuoro et
enfin vers Kapingamarangi.
.
Un autre indice de l’odyssée de Laprise- Mouton :
l’île de Nutt en Micronésie.
James O’Connell, dans A
ressidence of eleven years in New Holland and the Caroline Islands (réédition,
p .201) écrit que selon ses calculs c’est
environ quarante ans (une génération ou deux) avant son arrivée en 1826,
c’est-à-dire vers 1790, qu’un blanc moustachu présenta un couple de
poules européennes à un chef de Nutt. Il était arrivé sur un bâtiment à un mât.
Pour moi, l’introducteur de ces volailles de Vanikoro à Nutt était Laprise- Mouton,
notre rescapé.
.
Un autre bâtiment européen, deux siècles plus
tôt : le naufrage de la Santa Catalina en 1595
Dans la nuit du 10 au 11 décembre 1695, la frégate Santa Catalina, de l’expédition de
Mendana et Quiros , toutes voiles hissées, avec le cadavre de Mendana et les
hommes d’équipage morts et décomposés pour la plupart (est-ce une
généralisation à partir du cadavre de Mendana ?), échoua à Ponapé en
Micronésie. Certains rescapés, des Péruviens et des femmes, selon Langdon,
s’échappèrent aux îles Truk. Interrogeons O’Connell sur les restes européens
qu’il a pu connaître à Ponapé.
« Le sujet d’un autre
chant était une figure de poupe d’un vaisseau qui fit naufrage et qui fut
conservé dans le hangar à bateaux de Nutt. C’était le buste d’une femme »
auprès de laquelle on voyait un bras
brisé. La figure de poupe peut être celle de sainte Catherine et
appartenir à la Santa Catalina ; lorsque Rosamel écrit, p. 36 : « Il y a trois ans [en 1837], l’étrave de cette
jonque existait encore dans la maison d’un chef de Métaloline, elle a été détruite dans un incendie de cette
case »,
Le déplacement de la figure de proue depuis Kiti
à Métaloline est intervenu avant 1836, car le naufrage de la Santa Catalina s’est produit devant le
port de Ronkti, Lohd ou Rohr ou Lohn Kiti, nom signifiant le chien (kiti) qui aboie (rohr)
et renvoyant à l’anecdote rapportée par O’Connell qui évoque un chant
célébrant l’aboiement d’un chien à bord d’un vaisseau européen : les
chiens indigènes n’aboyaient pas, et les aboiements des chiens européens ont
surpris les natifs. Cité par les
éditeurs de Joseph de Rosamel, savoir J.
C. Galipaud et Pierre de Rosamel, Hambruch parle d’habit noir, de crucifix en or, de pièces de
monnaie espagnoles en argent et d’un
cercle en argent trouvés à Métaloline et qui appartenaient à la frégate.
Conclusion.
Jérôme Mouton et
Simon Lavo (voir mes blogs
pour ce dernier, celui sur Lapérouse , celui sur Lavongaïe et celui sur
l’ouvrage de John Fairhead concernant le capitaine Morrell avec, en particulier
le nom du blanc qui se dit peruco, de lapérouse) sont les
survivants dont l’identité et l’existence sont le mieux établies.
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