LE NAVIGATEUR ESPAGNOL FRANCISCO ANTONIO MOURELLE (APPELE EN
FRANÇAIS MAURELLE), LA DERNIÈRE
NAVIGATION SUPPOSÉE DE LAPEROUSE, A LA RECHERCHE DES ILES DE BELLE -NATION ET SAN - BERNARDO.
Bibliographie :
Traduction française de Quiros, Histoire de la découverte des régions
australes, l’Harmattan, 2001. par
Annie Baërt.
La malédiction de
Lapérouse,1785 -2008 ,par Dominique Le brun, pour le, Journal de Lapérouse et
ceux de Dillon et de Dumont
d’ Urville.
The lost caravel ,
par Robert Langdon, première édition.
Mentions de Maurelle :
1Philippe Buache
(mort en 1773), Extraits et commentaires des voyages de Mendana , Fondad …
et Maurelle (1781).
2 Carte d’une
partie du grand océan à l’est et Sud-Est
de la Nouvelle-Guinée pour l’intelligence du voyage de la frégate espagnole la Princesa commandée par Franc.Antonio
Maurelle en 1781, publié en 1797 pour servir au voyage de Lapérouse.
3 Journal de bord
publié à Londres et qui servit à Cook.
Extraits dans Rienzi,
Océanie, tome 3, p. 33, les Tonga,
Lataï (Latte) et Vavao découvertes en 1781, appelée Amargura par Mourelle,
fêtes qui lui sont données, p.87b sqq.
Les îles de San
Bernardo :
1 Les îles de San
Bernardo, op ;cit ., P .64 : second voyage de
Mendana auquel participe Quiros comme
capitaine, elles sont découvertes le 20 août 1595 , jour de la saint Bernard,
d’où leur nom. Il s’agit de 4 très petites îles basses , couvertes de cocotiers
, inhabitées. Elles sont identifiées par A . Baërt avec les îles Cook du
nord, Puka Puka, mais elles sont bien plus probablement situées dans les parages des îles de la Ligne, Kiribati,
et il s’agit peut-être de l’atoll de
Caroline. L’île « Solitaire »,
op. cit., p.64, découverte par Quiros immédiatement après cette île San Bernardo, est
identifiée avec une île Danger de
Byron ,proche des îles Gilbert
(Kiribati)
et coïncide peut-être avec l’île appelée
aujourd*’hui Christmas.
2 P.223.Il
existe une autre île San Bernardo,
confondue avec les précédentes, et qui, pour nous, est bien plus intéressante. Son
nom est l’altération du nom du pilote du navire- amiral Juan Bernardo de
Fuientiduna qui la découvrit le 21 février 1606 ; Maurelle en 1781 y prit
pied.
Il s’agit aujourd’hui
de
Uiea aux Tonga, archipel comprenant un îlot au
nord-est appelé Whythubou par Dillon (diverses orthographes, comme Ui a-tapou [avec l’ajout de tapou, qui signifie sacré, provient de
ce que cette île abrite une nécropole royale ancienne]). Dès l’époque de
Quiros, elle faisait l’objet de la part des insulaires de Rotuma, rangée aujourd’hui dans les Fidji,
mais faisant partie culturellement des Tonga, ; de visites destinées à la
pêche d’abalones dont les Polynésiens
sont si friands et de nacres ornementales (ormeaux de type haliotis).
Rienzi, Océanie,
tome 3, p. 260, nous apprend qu’une pirogue de Rotouma avec 4 hommes dériva par
hasard à Ticopia, vers 1800 ; les 4 Rotumiens détrompèrent alors les Ticopiens
sur le compte de ces blancs que les
Ticopiens prenaient pour des mauvais génies en leur disant qu’ils étaient bons,
qu’ils venaient d’un pays éloigné (l’Europe ) pour leur donner des
objets de coutellerie (liste du matériel
embarqué in La malédiction Lapérouse, p . 118 : Lapérouse avait
emporté « 7000 couteaux de différentes espèces et grandeurs ») et de verroterie (op . cit, p
119 , « rassades ou grains de verre de couleur, assortis, 1400
paquets » ).
Dillon signale à Rotouma
comme à Nihua des volailles
d’origine européenne et non indigènes du Pacifique, ainsi que des porcs, op. cit ., p . 815. Les
Rotoumiens ont parlé de visites fréquentes
de blancs. Nous en connaissons un certain nombre : en
1781 Maurelle, en 1788 Lapérouse, en 1791,
le Capitaine Edwards, sur la Pandore, qui nomma l’île Granville, et, en 1797, Wilson sur le Duff , navire missionnaire. Il faut y ajouter les
visiteurs Espagnols anciens. La
proximité dans le temps du passage de Lapérouse en 1788 et du Capitaine Edwards
en 1791 explique peut-être l’impression des insulaires sur la fréquence des
visites des blancs. Il est tentant de faire de Rotouma une (re)découverte de
Lapérouse qui, en 1788, en rapatriant sur leur demande deux insulaires qui
s’étaient retrouvés à Nomouka, (Tonga) a découvert cette île isolée.
. Whythubou et ses pavas (abalones) retrouvés à Vanikoro
dans les épaves de Laqpérouse.
La preuve que Lapérouse a bien mouillé à Rotouma où il a pu se procurer les précieux
coquillages de Ui-tabou nous est
fournie par la découverte, dans les
épaves de Vanikoro, de trois espèces différentes de pawa ou ormeaux (altération de orel,oreille,
puis ormeille, ormeau) qui venaient probablement de Whythubou , dont Haliotis australis, ou pava d’argent, d’un
blanc très brillant, la plus réputée
pour les Polynésiens . De même, c’est à Rotuma que Lapérouse a recueilli les quelques
poignées de piastres métalliques provenant
de l’Espagnol Maurelle en 1781 ,à bord de la Princessa : monnaies en argent
Carolus III datée de 1778, 1779 et 1784,
2 pièces Carolus III, mais sans
date lisible, ainsi qu’un ormeau et un coquillage catalogué comme
« grosse huître », tous
découverts à Vanikoro dans les épaves de Lapérouse.. Rienzi écrit, op. cit., t..3, p. 272 : « les Rotumiens ont
connaissance de plusieurs îles de leur voisinage ; ils visitent les îles
Viti [Fidji], Tonga, Niouha et Waï-toubou. Ils vont souvent chercher dans cette
dernière des coquilles blanches, objet précieux pour eux ; ils ont été
quelquefois entraînés jusqu’à Vanikoro. Ils disent que les habitants de Niouha
sont de la même race qu’eux, mais d’une couleur un peu plus foncée et qu’ils
sont de plus anthropophages. » L’ archipel de Niouha consistye en 2 îles
des Samoas, découvertes en 1616, Rienzi, op.
cit., p . 24a
« On y trouva un vieux canoë échoué, écrit Quiros. L’île de San Bernardo recèle, dans une eau peu
profonde, un très grand nombre de poissons de diverses sortes, que l’on tuait
avec l’épée ou avec des bâtons. Elle a aussi de très grosses langoustes, des
crabes et d’autres crustacés. On y trouva beaucoup de noix de coco, entassées
au pied de leur cocotier. Il y en avait de longues et étroites, d’autres
plus ou moins grosses et même des petites. Quant aux oiseaux, il y avait des garajos, des pailles -en- queue à longue
plume caudale rouge et des bobos maladroits, si nombreux et si effrontés qu’on
aurait dit qu’ils voulaient s’en prendre aux hommes. On rapporta de tout en
grande quantité [et en particulier les précieux ormeaux qui nous servent d’indice
localisateur].
L’île de Belle-
Nation : Rotuma selon moi, rangée dans les Fidji aujourd’hui.
Dumont d’Urville , cité par le commandant
de Brossard, p. 272 , dans Rendez-vous avec Lapérouse, déclare dans
son rapport officiel au ministre de la Marine : « Je pensai qu’alors
Lapérouse pourrait s’être perdu sur les redoutables récifs des îles Viti [Fidji], qu’il devait aussi explorer … ; je me
flattai même de l’espoir d’y recueillir quelques notions de son
passage , ou de son naufrage , de la bouche
des naturels ; on verra que mon
espoir fut déçu . » Cette surprenante mention que Lapérouse
devait explorer les Fidji s’explique
par la carte d’instructions remise au chef de l’expédition avant son départ, carte où l’on peut voir qu’il devait explorer
notamment l’île Turtle ou Tuvana, par 21°Sud et 178°Ouest aux
Fidji pour nous. Les Fidji sont à l’époque rangées dans les îles des Navigateurs, comme
Rotuma . L’appellation îles des Navigateurs est plus large
que celle des Samoa à laquelle on les
réduit souvent. De plus, à en juger
par la lettre envoyée par Lapérouse de Botany Bay le 7 février 1788 à Fleurieu,
Lapérouse pensait que les îles de Belle- Nation et de Saint-Bernard que ses instructions lui demandaient de
reconnaître faisaient partie de ce
grand archipel des Samoas. .
Parlant du plan de 7 îles des
Navigateurs (Samoa) joint à l’envoi de son journal, il écrit :
« les insulaires nous en ont nommé 10 ; et je crois que ,pour compléter cet archipel, il faut y
joindre les îles de Belle- Nation de Quiros
et celles des Cocos et des Traîtres, mais je n’en suis pas
rigoureusement certain » (p. 593,
La malédiction Lapérouse de
Dominique Le Brun ; et voir, p. 563,
op. Cit. , les îles des Cocos [Les premiers européens à aborder l'île sont
les navigateurs néerlandais William Schouten et Jacob le Maire en avril 1616.
Ils abordent Tafahi, où ils échangent des noix de coco avec les habitants (ils
baptisent Tafahi « l'île de Cocos »). Au départ, le contact est
pacifique] et l’île des Traîtres de Schouten aperçues par lui au sud
d’Oyolava ( Uolava aujourd’hui aux Tonga ). L’île des Traîtres fait partie des
Tonga, et le nom autochtone de l'île est Niuatoputapu
(parfois retranscrit Niuatobutabu par certains auteurs anglophones du
XIX e siècle ou Niouha). D'après Paul Geraghty et Jan Tent, ce nom dérive du terme
(proto-polynésien) niu,
« noix de coco » auquel se rajoute le suffixe -a, signifiant
« rempli de », en raison de l'abondance des noix de coco sur l'île[.
]L'île a également été nommée « île
des traîtres » (Verraders Eylant en néerlandais)
par Jacob Le Maire et Willem Schouten en 1616 à cause d'une embuscade subie par
les Hollandais et « île de l'Amiral Keppel » (Admiral Keppel Island en anglais)
par Samuel Wallis en 1767. Shouten mouilla le 11 mai 1616 à l’île des Cocos,
séparée de trois milles de l’île des Traîtres. Il y vit selon Rienzi ,
p. 24, une figure de coq (importé )
peinte sur la voile de leurs pirogues. Il y reçut la visite d’un latou (roi) d’une île voisine , mot
qui évoque les datous de Maïndana et de l’archipel Soulong. Wallis les revit en 1767
et remarqua que les naturels avaient la première phalange du petit doigt coupée
en signe de deuil. Wallis les nomma Boscawen
et Keppel. Maurelle, en 1781,
constata qu’ils parlaient la même langue qu’à Vavao et les appela las îslas
e la Consolation, car il manquait
alors de tout. Les habitants lui ont semblé doux et honnêtes. Lapérouse les vit
en 1788.
Lesson, naturaliste à bord de la Coquille de Duperrey en 1824, cité par Rienzi, op. cit., p.270, écrit d’après des notes
venant d’un matelot déserteur du Rochester :
« La parure des hommes qui vinrent nous voir, et qui paraissaient
jouir d’un certain rang, consiste en une
large valve d’huître perlière
qu’ils portent sur la poitrine, et qu’ils nomment tifa. Il paraîtrait que l’huître
à perles ne se trouve point sur leurs côtes, puisqu’ils recherchent celles
que quelques personnes leur offraient, et donnaient une natte de paille très
fine pour cinq ou six valves de ce testacé. »
L’île des métis
blancs, l’île de Belle-Nation : Rotuma, oip. Cit., P. 225.
Robert Langdon, dans The lost caravel (première édition de
1957, la meilleure pour nous), p.267 sqq , chapitre 21,La légion des navires perdus, écrit que la caravelle Santiago,
avec 45 hommes, et Espiritu Santo ,
avec 15 hommes, appartenant à la flotte
de Cortès , à la recherche du navire perdu de Magellan (il avait été perdu
de vue avec sa cargaison d’épices (1521) ont disparu corps et biens (1527). Certains membres de
l’équipage venaient de Tarraconaise et se retrouvent probablement à Rotuma avec
leur nez aquilin et leur chevelure blonde.
Quiros appelle cette
ile Peregrina (l’île des voyageurs étrangers, les blancs de
Tarraconaise)l), , tandis que Gonzalez de Leza l’appela la quinzième, Prado, Las Palmas, Vaez de Torrès La Matanza (le massacre) ,et Torquemada Gente Hermosa, la Belle Nation (de race blanche), dernier nom qui s’est imposé. )
Le professeur Poirier qui
s’est intéressé aux cheveux blonds des enfants fidjiens , comme Langdon, auraient été heureux de lire Quiros sur l’île
de Belle-Nation, même si le massacre des
habitants ternit l’image idyllique que le capitaine Quiros en donne : « On vit la deuxième île habitée , et ce qui s’y passa (le nom la
Matanza de Torrès, la tuerie, est révélateur et : ‘L’amiral était si embarrassé
qu’il évita d’aller voir le capitaine Quiros dont on ne dira pas la douleur que lui causait
le mauvais comportement de ses hommes ». « Dans les maisons des
Indiens, on avait trouvé une grande quantité de nattes très fines…, de longues mèches de cheveux dorés, des
tresses petites et bien faites, les unes teintes en noir, d’autres en rouge ou
de couleur fauve ; de fines cordelettes fortes et souples qui semblaient
faites d’un lin meilleur que le nôtre (sic ! en réalité, une plante indigène analogue au bourao) et beaucoup de coquilles de nacre [type haliotis];, toutes aussi grandes qu’une assiette ordinaire ; on en a vu des
grandes et des petites, et on en a rapporté : ils en font des couteaux,
des scies, des ciseaux de menuisier, des fermoirs (de pendentifs de type tiki maori ], des gouges, des
vrilles,et des hameçons. Avec des os, sans doute d’animaux [de mammifères
marins disparus ou d’animaux importés
comme le chien], ils font des aiguilles pour coudre leurs vêtements et leurs
voiles, et des herminettes avec lesquelles ils sculptent le bois. On a trouvé de grosses huîtres séchées et
enfilées sur une cordelette, et quelques-uns des nôtre y trouvèrent de
petites perles en les mangeant (type haliotis , ce sont nos abalones).On vit aussi des poils blancs
qui semblaient être ceux d’un animal ».
Les
os d’animal , le poil blanc, le tiki.
Les os viennent selon moi d’un
animal marin mystérieux , le teganpaïk
,présent aussi en Calédonie, une sorte d’otarie à long cou, parente de l’ornithorynque, Megalotaria longicollis Heuvelmans 1965.
Selon B. Heuvelmans, dans Sur la piste des bêtes ignorées,
p.133, tome 1, ce mammifère marin a été
entendu pour la première fois en 1801 en Australie.
« En juin 1801, le minéralogiste Charles
Bailly et ses compagnons de l’expédition de Nicolas Baudin s’enfonçaient dans
l’intérieur des terres après avoir donné le nom de leur bâtiment, le Géographe, à la baie de la côte
occidentale d’Australie . Et soudain,
les voilà glacés de terreur par un rugissement
terrible, plus bruyant qu’un beuglement de taureau, et qui semble sortir des
roseaux de la rivière des Cygnes. Terrorisés, nos hommes ne demandent pas leur
reste et s’éloignent à toutes jambes. Mais il ne fait pas de doute à leurs yeux
qu’une bête aquatique formidable hante le nouveau continent. » Or, dans le
nord de la Nouvelle-Calédonie, Edouard
Normandon m’a raconté avoir entendu
s’élever des marécages de l’embouchure du Diahot l’effrayant rugissement d’un animal, et les
Mélanésiens ont confirmé ses dires, tandis que
des métropolitains incrédules se gaussaient et cherchaient à expliquer
le phénomène par le cri d’un lion évadé
d’un cirque du temps des Américains ! Le
nom de ce mammifère marin subsiste dans le nom de la
tribu littorale de Touho teganpaïk (de tegan, serpent de mer, et de païk,
« long-cou » du type du héron
des récifs (Ardea sacra albolineata). Cela correspond en
Australie au katenpaï (métathèse
religieuse de tekan-, paï) ou tunatapan (de tutan, de tukan pan).Terenba en
Nouvelle-Calédonie a la même origine : la palatale g devient souvent r.
Ce « mammifère » marin (Heuvelmans, op.
cit. p.125, tome 2, et Peter Costello, dans A la recherche des monstres
lacustres, p. 233) pondrait des œufs mais allaiterait ses
petits comme l’ornithorynque et
ressemblerait à une otarie à long cou,
avec trois bosses, caractérisée par une crinière blanche, et des rugissements rappelant ceux d’un lion.
Le
poil blanc vient de la crinière de
ce Megalotaria
longicollis Heuvelmans 1965.
Le fermoir du tiki.
Maoris et Polynésiens
semblent avoir été frappés par
l’allaitement maternel des petits
de ces « otaries » à la surface de la mer : ce sont les pores des bosses qui diffusent le lait maternel. Rien d’étonnant
dès lors si les tiki (nom pouvant
être apparenté à tegan ,tuka, serpent de mer), autrefois gravés par trois dans des dents
d’otarie aux Touamotou, en gardent le
souvenir, car on peut être tenté de voir
dans ces figures inexpliquées que constituent les tikis porte-bonheur de
Nouvelle-Zélande la représentation d’un embryon d’otarie à long cou, dans
lequel les Polynésiens voyaient le début
de toute vie. Pour eux, le fait, à
partir de l’œuf cosmique, de passer à l’allaitement
emblématique des vivipares représente l’histoire de la vie, depuis son origine à notre époque. D’autre part, le haka (de
taka, serpent de mer ?) peut imiter le cri du teganpaïk .
Les pirogues sont à balancier
et sont capables de transporter jusqu’à 50 personnes. Leur nourriture consiste
en taros et en cocos. Les maisons sont à 4 pans, à grenier et à piliers, elles
sont ouvertes en bas. Le sol et les cloisons sont recouverts de nattes qu’ils
fabriquent avec les palmes des
cocotiers.
« Sur un canoë, il y avait 5 Indiens,
celui du milieu écopait avec brio :
ses cheveux blonds lui arrivaient à la taille, il avait le teint blanc, un port
de tête et une allure très élégants, un beau nez aquilin, un peu rose, avec
quelques taches de rousseur, les yeux noirs et riants, le front et les sourcils
bien faits ; le nez, la bouche et les lèvres bien proportionnées, les dents
bien rangées et bien blanches. Pour tout dire, il avait un rire avenant et fort agréable, et des manières
exquises. Au vu de la richesse de ses qualités et de ses grâces, on le prit
pour une jolie demoiselle, mais c’était un
garçon d’environ 13 ans. Voilà
celui qui, au premier regard, ravit le cœur de tous ceux du navire,
celui que l’on regarda et que l’on appela le plus, celui à qui tous offraient
des cadeaux, celui que le capitaine tenta instamment d’attirer au moyen d’une
robe de soie : il la prit et s’en fut avec beaucoup d’allure, pendant que
nous le regardions et parlions de lui, et que le capitaine regrettait amèrement de
n’avoir pu l’emmener, pour montrer la magnificence dont Dieu fit preuve en cet
endroit… »« Gallardo …vit deux garçons et trois jeunes filles se
relever vivement, effrayés comme des
enfants : c’étaient de
beaux enfants, dont la plus âgée devait avoir 10 ans, plus une dame bien
droite, élégante, fière et gracieuse, le cou bien fait , la poitrine haute, la
taille fine, les cheveux très
blonds, longs et lâchés, qui n’avait
pas plus de 15 ans . Elle était belle à l’extrême, tout en elle était
agréable, son teint était bien blanc, et sa beauté était telle qu’elle
impressionna les nôtres plus qu’ils ne l’impressionnèrent. D’un pas vif et
décidé, le visage souriant et gai, elle alla les saluer et donna à Gallardo une
couverture neuve qu’elle portait pliée
sur le bras gauche, puis, pleine d’amour, elle ouvrit les bras, l’embrassa et lui donna un baiser sur la joue, à la
manière de ces Indiens en
signe de paix.[Leza mentionne une coutume semblable, qui évoque les
salutations européennes]…
« Sur la plage, il y avait un grand nombre d’Indiens alignés en
armes, qui faisaient tous ensemble un pabori (analogue au corro-borri australien], ce qui est à mon
avis une sorte de forte clameur, au son de laquelle ils doivent livrer leurs
batailles, et qu’ils terminent à l’unisson d’un cri très court et très effrayant
[le haka ]. Notons qu’ils ne sont pas
circoncis. Munilla comme Quiros précisent que les blessures occasionnées à
leurs pieds par le récif de terre et son corail en fleur furent très
douloureuses et mirent plus d’un mois et demi à guérir.
Chassés par les coups d’arquebuses, « ils s’enfuirent
tous et se réfugièrent dans leur village qui se trouvait sous une cocoteraie,
près d’une lagune située au milieu de l’ïle.
« Arriva un
jeune garçon qui, d’après ce qu’ils
dirent, était si beau et avait les cheveux si dorés qu’on aurait cru voir un
ange. Il croisa les mains et offrit
sa personne comme prisonnier ou pour ce qu’on voudrait faire de lui. Le voyant
si humble et si beau, l’amiral
l’embrassa et
l’habilla d’un pantalon et d’une chemise de soie, que le capitaine avait prise
sur la pacotille qui lui avait été donnée par Sa Majesté pour le troc. Afin de montrer sa reconnaissance,
le garçon grimpa fort habilement à un très haut cocotier, d’où il fit tomber
des noix de coco pour les nôtres, et leur demanda s’ils en voulaient encore. Il
semble que d’autres Indiens, assez nombreux, qui étaient là, virent ces bons
traitements et s’approchèrent alors de nos gens : l’amiral, sans bouger,
les appelait pour les rassurer et s’en emparer plus sûrement, dès qu’ils
seraient assez près, mais Satan, qui
ne dort jamais quand quelque chose le concerne, fit entrer un soldat novice et
irréfléchi dans une maison», l’enseigne Gallardo.
La tuerie (la matanza de Torrès).
Gallardo fit feu sur l’Indien qui était le propriétaire de la maison, celui-ci « tomba mort sur
le sol. En causant cette mort, et
d’autres aussi, on perdit l’occasion que le capitaine cherchait et
désirait. »
« Le capitaine avait donné l’ordre de ne pas faire de
mal aux Indiens., ni à leurs personnes, ni à leurs biens, mais j’ai su plus
tard, finalement, qu’ils partirent moins nombreux qu’ils n’étaient
venus et que ces ordres, seul celui qui les donne est disposé à les respecter .»
L’arquebuse a donc raison d’un certain
nombre d’Indiens.
Lapérouse et
Maurelle.
Dans son Journal, op. Cit., p 568 , voici ce qu’écrit Lapérouse à propos de
Vavao aux Tonga , « découverte
due au pilote Maurelle, qui ajoute à l’archipel des Amis [Tonga] un nombre
d’îles presque aussi considérable que celui qui avait déjà été exploré par le
capitaine Cook »: « Je m’étais procuré à la Chine [à Macao] l’extrait d’un journal [ sans doute celui qui avait
été publié par Philippe Buache, Extraits et commentaires des voyages de
Mendana , Fondad … et Maurelle (1781 ) avec la Carte
d’une partie du Grand Océan à l’Est et
Sud-Est de la Nouvelle-Guinée pour l’intelligence du voyage de la frégate
espagnole la Princesa
commandée par Franc.Antonio Maurelle en 1781, -publié en 1797 pour servir au voyage de Lapérouse ] de ce pilote espagnol qui partit de Manille en
1781,chargé d’une commission pour l’Amérique. » Vavao est appelé par
Maurelle la Margoura, p.569.
La recherche de Lapérouse dans les parages
des Tonga et de Rotuma.
L’affirmation
de Dumont à propos des Fidji (Rotuma)est
en tout cas confirmée par
l’indication que lui avait faite la reine de Tonga d’un départ de Lapérouse vers l’ouest, c’est-à-dire vers les Fidji (rapport au Ministre
cité par de Brossard dans Rendez-vous avec Lapérouse à Vanikoro, p 148); avec les deux insulaires à
rapatrier [ dans leur île de Rotouma ] dont parle Dillon en
1827: « Deux hommes de l’île de Nazmouka voulurent partir sur les vaisseaux [de Lapérouse]. Ceux-ci mirent
à la voile le jour suivant et depuis on n’en entendit plus parler. »
Et : « mon ami, grand- prêtre et chef de Mafanga, m’ayant
entendu parler de Rotouma, me demanda si je me proposais d’y toucher. Il me dit
alors que les prêtres de cette île étaient ses tributaires, et que, environ
trois ans auparavant, il avait envoyé son fils aîné avec trois grandes pirogues
pour percevoir le tribut, et qu’il n’était plus revenu ; qu’il
craignait que son fils, et ceux qui
l’accompagnaient, ayant offensé les dieux, n’eussent été mis en dérive, soit en
allant, soit en revenant de Rothouma . Il désirait, en conséquence, faire
partir avec moi quelques-uns de ses sujets pour tâcher d’avoir des nouvelles de
son fils, et percevoir les arrérages du tribut que devaient les chefs et les
prêtres de Rothouma. J’y consentis… parce que, n’ayant pas à bord d’interprète
de la langue tonga [langue comprise à Rotouma], ces hommes m’en serviraient si je venais à rencontrer les deux
insulaires d’Anomouka, qui en étaient
partis sur les vaisseaux de Laouage », phrase qui démontre que Dillon,
si bien placé pour connaître les événements de l’escale de Lapérouse à
Nomouka, était persuadé que les deux insulaires avaient voulu être
rapatriés par Lapérouse chez eux , à Rotouma.
Quelle raison
a poussé Lapérouse à embarquer ces deux passagers ? Personne ne nous l’a dit.
Mais on peut imaginer que, comme c’était aussi le cas de Dillon, c’était afin d’avoir des interprètes
aux Fidji , Fidji qui étaient comprises dans les îles des Amis .
Sur la piste des deux
passagers embarqués par Lapérouse à Nomouka et désireux de rentrer dans leur patrie :
étaient-ils originaires de Rotouma [Fidji ] et avaient –ils été entraînés par
une dérive aux Samoa, puis amenés en pirogue en attente à
Nomouka ?
Dillon a manifesté son intérêt pour l’origine
géographique de ces deux mystérieux passagers
embarqués à Nomouka.. On peut imaginer qu’une dérive fortuite les avait
conduits de leur île, Rotouma, jusqu’aux Samoa,
d’où, plus tard, une pirogue samoane les avait menés à Nomouka, comme
dans l’aventure suivante .Dillon cite un exemple de cette grande dérive depuis Rotouma jusqu’aux Samoa, qu’il explique par une sorte de mousson très
mal connue de ces archipels.
Dillon fait voile de Nomouka vers Rotouma , du 26 août au 1er septembre 1827, donc
pendant sept jours ; à son arrivée,
« le chef [de Rotouma ] embrassa l’homme de Rotouma que nous ramenions de Tonga et parut très content de moi
pour avoir ramené son compatriote .
Celui-ci était absent depuis huit ans de son pays et avait été cru noyé. » Dillon nous parle encore d’un insulaire qui
semble bien être le même : « [Le chef de Namouka ] Thubaou me dit
qu’une flottille de pirogues était venue depuis peu des îles des Navigateurs
[Samoa], et en avait ramené deux Rotumiens qui avaient dérivé jusqu’à ces
îles, et qui désiraient beaucoup retourner dans leur pays . Je consentis à
les prendre à mon bord , et l’un d’eux s’embarqua dans
l’après-midi ; j’appris de cet homme que, de compagnie avec quelques
autres de ses compatriotes, il était
parti de Rotouma, il y avait à peu près huit ans, pour une île nommée Whythubou , afin de s’y procurer des
coquilles ([pava, Haliotis australis]; que des vents
contraires les empêchèrent d’atteindre cette île , et qu’après avoir dérivé
pendant trois mois, ils avaient pris terre à une île qui se trouve être l’une des Samoa ou îles
des Navigateurs [en réalité, les Tonga, peut-être Lofanga ), dont les naturels
les traitèrent fort bien. Il ajouta que quelques-uns de ses compagnons étaient
encore sur cette île. Je trouvai dans ce récit , écrit Dillon,une preuve très convaincante de la justesse de mon opinion, que la mousson
du nord-ouest se fait sentir par ces
latitudes à certaine époque de l’année .Car, autrement, comment aurait-il
pu se faire qu’une barque, aussi frêle qu’une pirogue, fît la traversée de
Rotouma, latitude 12° 30’ sud, et longitude de 177° est, jusqu’aux îles des Navigateurs [Samoa],
latitude de 13° 27’sud et longitude de
171 °57’ouest ? »
Rotouma et Whythubou, l’île des coquilles..
Rienzi, Océanie, tome 3, p. 260, nous apprend qu’une pirogue de Rotouma
avec 4 hommes à bord dériva par hasard à
Ticopia, vers 1800 ; « les 4
Rotumiens détrompèrent alors les Ticopiens sur le compte de ces blancs que les Ticopiens prenaient pour des
mauvais génies en leur disant qu’ils étaient bons, qu’ils venaient d’un pays
éloigné pour leur donner des objets de coutellerie ( cf. liste du matériel embarqué in La malédiction
Lapérouse, p. 118 : Lapérouse avait emporté « 7000 couteaux
de différentes espèces et grandeurs »)
et de verroterie (op . cit, p 119 , « rassades ou grains
de verre de couleur, assortis, 1400 paquets » ). De plus, Dillon signale à
Rotouma des volailles d’origine européenne, non indigènes du Pacifique, ainsi
que des porcs, op. cit ., p . 815..
Whythubou et ses pavas retrouvés à Vanikoro.
La preuve que Lapérouse a bien mouillé dans l’archipel de
Rotouma ou Belle- Nation nous est
fournie par la découverte, dans les
épaves de Vanikoro, de trois espèces différentes de pawa ou ormeaux
( altération de orel,oreille, puis ormeille, ormeau) qui
venaient de Whythubou et avaient
été recueillis à Rotuma , avec cette Haliotis australis, ou pava d’argent, d’un blanc très
brillant, la plus réputée pour les
Polynésiens et peut-être endémique de Why –Tabou..
En résumé, dans son second et dernier
voyage, Lapérouse passe par l’île
Nomouka , aux Tonga, où il embarque deux insulaires pour Rotouma , puis
fait voile au nord –ouest vers Rotouma (Fidji) , pour y déposer à leur demande les deux insulaires embarqués à Nomouka ( le voyage
de Nomouka à Rotouma ne dure environ qu’une
semaine) ; il av respecté , en partie au moins, ses instructions , qui lui enjoignaient de
rechercher l’île de Belle-Nation(Rotuma). et de San Bernardo (Why-Tabou).
A-t-il passé en chemin, avant de mettre le cap sur Rotuma, devant Why-Tabou,
guidé par les deux passagers embarqués ?.La chose est- possible. Il
gagne ensuite, le sud de la Nouvelle-Calédonie et l’île des
Pins, puis met le cap sur les îles
Charlotte aux Salomon, où il rencontrera
les récifs de Vanikoro et son destin.
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