D’où viennent les noms de
Tjibaou (tribu de Tiendanit) et de Thiéou (tribu de Oué Hava) ?
La tribu isolée de Tiendanit
Ma mère étant née à Tipindjé et connaissant Ty
Venceslas, chef de Tiendanit et père de
Tjibaou, il était naturel que je m’intéresse à cette tribu voisine. Remarquons d’abord que ceux qui
parlent pamale comme les gens de
Tiendanit sont indépendants de toute
chefferie : faute de le savoir,
le conseil coutumier et Gabriel Païta, son président, se sont attirés de
sérieux ennuis, cf. Le livre
G. Païta témoignage kanak, de
Cazaumayou et Decker . Ce sont
les premiers et plus anciens habitants
de la Calédonie, débarqués sur un îlot du Nord, Yandé, puis émigrés jusqu’à l’embouchure de la Ti -Ouandé et enfin
repoussés dans la chaîne à Tiendanit.
Leurs
voisins, les Pinjés, ont d’abord été
refoulés par les mêmes migrants Hawekes de Pouébo (le nom de Pidjo , à la Conception, rappelle
leur victoire sur les Pinjés) comme en témoigne le nom de Oué Hava (de oué, rivière, et de Haweke ou Kawéke, nom de la tribu de Papouasie d’où ils
viennent, cf. le nom du chef Kahavéke-at avec suffixe –at de provenance ) . Oué Hava, la rivière des Haweke, détrône
l’ancien nom Tipindjé, de ti, rivière, et de Pidjé, la rivière
des Pinjé.
Les langues des tribus catholiques de Ouélis
parlant le pwamei et de Tiendanit parlant le pwamalé et de la tribu protestante de Ouanache,
chef Nea Galet , parlant le pwamalé , sont
des variétés dialectales du pwamale . Cette langue fait
partie du groupe Na-Ndene en Amérique
du nord, voir une carte de la
répartition linguistique américaine dans
Rivet, L’origine de l’homme. Migrants
les plus anciens d’Amérique, ils se sont installés, une fois franchi le détroit
de Behring, fort haut dans le nord de l’Amérique. Le nom du groupe linguistique Na-Ndene qui est à rapprocher du nom indigène de l’île de Santa
Cruz,aux Salomon, Ndeni, et de Ti –N’danit en Calédonie , peuplés
tous deux originellement de cousins
proto- polynésiens originaires du littoral de l’Asie (l’homme de
Kenwick datant d’environ 13000 hommes a
été rapproché des Aïnouset des Polynésiens). C’est le plus vaste des groupes linguistiques
nord-américains, qui s’étend depuis la côte arctique où il est contigu des Eskimos dont il est parent jusqu’au sud du Mexique et qui comprend
aussi les Tonguiens. Tonguiens et gens de Tiendanit sont des protopolynésiens qui, d’Asie, ont passé par
N’deni aux Salomons.
Quant
au pindjé, que mon oncle parlait parfaitement, c’est une langue
mourante parlée dans la haute et la basse Tipindjé, qui est à rapprocher du tipintjara en Australie (tipitjara ou mindi ou dragon, nom à rapprocher de ligura, le serpent enroulé) et du nindé parlé à Malekula au Vanuatu. Les Siningone , premiers habitants de Maré, leur sont apparentés. Le
nom de Biganda ou Puyganda, venant de liguri, le serpent divin enroulé, à Hienghène, désigne également ce redoutable dragon. A noter que les noms de pays africains Ouganda et Ruanda et les sites
mégalithiques d’Afrique noire, par exemple, au Zimbabwé, le site de Tambacounda (anaconda, serpent), qui comprend
un monument circulaire, ou
ceux du Niger, du Togo, du Tchad,
de Sénégambie, de Mauritanie, du Mali,
de République Centrafricaine pourraient bien être apparentés.
En Australie existe la
légende du mindi, python- diamant,
originellement confiné sur la région côtière.
Avant le python -diamant ou plus tard le serpent arc-en-ciel, le mot mindi (de li guri) devait désigner le calmar monstrueux.
Les Pinjés ont été refoulés par leurs cousins plus récemment arrivés,
les Hawekes papous.
Venons-en
maintenant à la signification du nom de
Tjibaou à Tiendanit ou de Tiéou à
Oué Hava. Tjibaou avait raison dans
sa polémique avec G. Païta sur l’étymologie de son nom, voir le livre G. Païta
témoignage kanak, de Cazaumayou et Decker, p. 21, où Gabriel Païta
interprète à tort le nom de Tjibaou
comme se décomposant en ti ou tibawe =ethnonyme peuple arrivé de la mer+ ba=peuple et we, la mer ,
donc Tjibaou comme l’appel lancé au peuple Ti, « ou » étant une onomatopée qui
exprime l’idée du son émis en soufflant dans la conque. Après que G. Païta, au cours d’une émission télévisée, eut
rendu publique cette interprétation, Tjibaou la contesta, mais Gabriel Païta maintint
ses explications.
En réalité, le nom Tjibaou
ou Tjubaou
, comme le nom de Tibawé, est à
rapprocher du nom tonguien désignant un chef militaire héréditaire , dont le sens a évolué
ensuite en chef religieux,comme
l’atteste le nom de Thubaou, « l’un
des premiers chefs de cette île [Pangimodou près de Vavao, aux Tonga ] et que les naturels croient être parents de
leurs dieux » selon Dillon, voir
La malédiction Lapérouse, Journal de Dillon, p .785 , 796 et 807 et
Rienzi, Océanie, tome 3 , sous les orthographes toubo-ou, toubou, toubo (+ hou, roi . Thubaou , tjibaou , le chef militaire -roi,
se
décompose en touba , sorcier, noble, +hou, roi, cf toubib, de l’arabe d’Algérie
thib, sorcier, toubab,
blanc en Afrique noire.
Dans
Rienri, op. cit. , p.117, le tableau
des principaux chefs de Tongatabou nous
donne les noms de Touboou
pour le district de Nougalofa, et Toubou- Néafou pour le district de Olong- Ha . Les noms génériques de chefs ont été pris pour
leur patronyme, comme toui- tonga.
Le
navigateur espagnol Morillo nomme Toubou un
homme âgé de Vavao, chef de la famille des Toubo, le même que celui de Cook (Journal de Dillon, op . cit. , p. 81 et 108) . La hiérarchie était la suivante en1781 :
1 le touitonga, 2 les parents du touitonga comme Finau, son cousin ;
3 le toubou,
nommé alors Mari- Wagni, beau-frère de Poulaho et oncle du Finau, dont parle Cook, mort peu après son 3è
voyage, ,Rienzi, op . cit. , , p.
81. Citons encore les noms de Toubo- toa et de Toubo –tatai. La famille des Toubo à Niokou-Lafa (Nougalofa)
fut chassée par Finau de Vavao.
Pour
compléter cette constellation sémantique tonguienne, il faut rapprocher :
a)
le nom de l’île d’Opao , cher à Gabriel Païta , pour la Grande Terre, conservé à
Ouvéa et datant de la première migration des Aveke en provenance de Papouasie
(voir mes blogs), où le coup de glotte initial s’est amuï, de Topao, l’île indiquée aux migrants par
le chef- prophète, la Calédonie, l’île du prophète ;
b)
les Toupap haou terrifiants de
Gauguin et de mes amis polynésiens et les
haou
de Canala en Calédonie chers à Mariotti sont les témoins d’une évolution
sémantique liée au culte des morts et
des ancêtres : toubab , chef
religieux , joint à haou, roi , donc
le chef -sorcier -roi des morts, a pris
le sens de fantôme persécuteur menaçant ;
c)
le mot polynésien tabou. Le nom de
Tongatabou est étonnant, voir Rienzi,
op. cit. , p. 45,
« Le toui -tonga ou souverain pontife, chef suprême, est issu des
dieux qui visitèrent jadis l’île de Tonga (mot qui signifierait l’est, le
levant), mais on ignore s’il eut pour mère une déesse ou une femme du pays. Son
titre toui- tonga signifie chef,
noble, seigneur de Tonga [toui, cf .
ti
dans le nom même de Ti-endanit
, qui signifie les nobles Ndanit ou dans le nom de Tye Venceslas, le père de Tjibaou )] . Tonga a toujours été
regardée comme la plus noble de ces îles et celle où, de temps immémorial, les plus grands chefs ont
tenu leur cour et où ils ont été enterrés après leur mort . On qualifie
aussi Tonga d’île noble , mais c’est par erreur que, sur plusieurs cartes, on l’indique sous le nom de Tonga- tabou, ce dernier mot n’étant qu’une épithète qu’on y joint quelquefois. »
d)
Tein-arhou en Calédonie ou
polynésien Te-ariki , au sens
de chef religieux ;
d)
Rienzi a justement comparé le régime tonguien à celui du shogun, maire du palais japonais près de l’empereur ou daïri , lequel shogun était appelé anciennement koubo, équivalent phonologique de toubo,
chef militaire.
Le nom du chef de Oué Hava :
Tiéou, variante dialectale de Tjibaou.
Tiéou vient de
Tiébo -hou ; le b entre deux
voyelles disparaît comme dans Touho,
de tubo. Ce nom seul désigne d‘abord le chef militaire héréditaire,
puis, accompagné de hou qui signifie roi, le
chef religieux –roi toubo (+ hou, roi) et donne Tjibaou , aussi bien que Thiéou .
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