Ma Grammaire contrastive du Houaïlou , de la langue à la pensée archaique, retrouvée .
J'’avais, à la
demande du vice-recteur, M. Bruel, dans les années 1970, composé dans un souci pédagogique et
linguistique, une grammaire contrastive du Houaïlou de 104 pages que j’avais montrée
à Madame de La Fontinelle. « Ce sera le tube du siècle ! »
m’avait dit ironiquement le Secrétaire Général. M. le vice-recteur m’avait
nommé directeur du groupe d’études des langues mélanésiennes au C. T. R.
D. P., où un instituteur , Claude Lercari ,futur beau-frère de madame de La
Fontinelle, professeur de houaïlou au collège des langues orientales, étudiait une langue morte (1 seul locuteur,
Marcel Mousse ), celle de Moindou. J’avais
fait taper trois exemplaires de ma grammaire, dont je remis l’un au
vice-rectorat (avec un sommaire de vulgarisation demandé par le vice-recteur) où il s’est perdu , un autre pour la
bibliothèque Bernheim (entre les mains de madame Colombani, où il s’est
également perdu, semble-t-il, comme la copie dactylographiée que j’avais fait faire
du texte de Delfaut publié par Laubreaux dans le Messager) et un 3e à
Bernard Brou de la S. E. H. N. C. en vue d’une éventuelle
publication(mais la Société a préféré publier un texte de G. Païta et d’un
Japonais sur le Kapone).
Je n’en ai pas gardé un seul
et lorsque j’ai voulu en rechercher une copie, je ne pus y réussir. Heureusement, en 2015, Christophe Dervieux à qui j’avais parlé de ma grammaire perdue, m’a d’abord informé que la boîte contenant mon
don à Bernard Corre ne comprenait que les dictionnaires Belep (48 pages) et
Canala (Harantsu-Français , 265 p. et lexique français –harantsu , 213 p. ) du
père Neyret que j’avais fait dactylographier et l’évangile de saint Mathieu
(Levanchil
de Santo Mateo . Santo Mateo onan Schon Na) et un Catéchisme
corrigé du vicariat apostolique de
Nouvelle-Calédonie. En 2021 lorsqu’il inventoria le don de Brou aux Archives, il se souvint de ma
grammaire du Houaïlou et me fit part de sa découverte ainsi que du fait qu’il
avait fait numériser mon œuvre.
En linguistique, je suis un élève de Damourette et Pichon et de leur
fameux et magistral Essai sur
la langue française,de la langue
à la pensée, en 6 tomes, et de leur successeur,
Gougenheim avec son Système grammatical de la langue française. ; je voulais mette en
exergue une phrase célèbre de Damourette et Pichon, que voici :
« Dans la langue
d’aujourd’hui, les répartitoires de rection et de supportement se combinent de
trois façons qui constituent les trois
modes de complémentation.
Dans le premier mode, appelé diaplérose, qui correspond à la
souplesse la plus grande du circonstancement, les deux notions de rection et de
supportement restent indépendantes l’une de l’autre : le diaplérome est d’une part le diadmète d’un premier terme qui est son
diacrate , d’autre part,le diadumène d’un autre terme qui est sa diarrize, ex. :
Le petit chat est mort
(Molière, L’Ecole des femmes, II, 5)
Mort est le
diadmète de est, diacrate, et le
diadumène de chat, diarrhize.
Dans le second mode de
complémentation, appelé épiplérose,
il y a un support-régent ou épidecte
et un apport -régime ou épiplérome,
exemple :
Le fils du roi vint à passer…
Roi est
l’épiplérome de fils, épîdecte.
Dans le troisième mode de
complémentation appelé antiplérose, il y a un support- régime : le soutien, qu’on pourrait aussi bien
appeler antirhrize
qu’antidmète, et un apport-
régent, l’anticrate, qu’on pourrait
aussi bien appeler antidumène.
Ex. :
Le roi boit.
Roi est
l’antirrhize (soutien) de boit,
anticrate . »
Je lisais avidement dans ma turne
de l’Ecole normale Supérieure le chef d’oeuvre de Damourette et Pichono , six
volumes qui me servaient à caler l’antenne de ma télévision, continués par Gougenheim pour les struments
ou prépositions. J’avais lu l’Etude métaphysique sur les langues mélanésiennes
de Julien Bernier, curieux et non scientifique, et je disposais des photocopies du texte d’Otto Dempwolff, le seul à avoir dressé un dictionnaire des
racines austronésiennes, à partir de l’indonésien surtout, ouvrage repris par
des Suédois qui n’ont apporté que leur ordinateur et des détails. Comme l’avait
fait le groupe suédois, sous l’autorité de M. Bruel, je tentai de mettre les
racines houaïloues sur ordinateur avec l’aide d’un collègue du Lycée, professeur
de mathématiques et ferré en informatique, mais les événements balayèrent ce projet imité
des Suédois.
« [lE HURON .] Car la langue huronne est une
bien belle langue en vérité.
MADAME DE KERMADEC : -J’avais toujours cru pourtant que le
français était la plus belle des langue , après le bas- breton. » Voltaire, Le
Huron .
Mes études philologiques et grammaticales des langues
kanakes.
Ma curiosité fut d’abord
éveillée par le livre, Primal Law, du calédonien Lord Atkinson , livre qui inspira Totem et tabou de Freud et dont je
projetai un moment la traduction. J’avais pris contact avec son descendant qui
me montra des photographies du génial observateur du cheptel calédonien et de
sa soeur , fort belle et à laquelle la source de Freud , qui avait aussi lu
Robertson Smith, était très
attachée. Puis je recueillis des mythes
à Fayawé (Ouvéa), publiés par la SEHNC. Enfin le vice-recteur de l’époque, M.
Bruel, le seul intelligent qu’ait jamais eu la Calédonie, me chargea de
superviser le bureau des langues mélanésienne. Ce dernier ne comptait alors qu’un instituteur
métropolitain protégé d’abord, puis devenu beau-frère de Madame J. Brunet de La Fontinelle (disciple de G. Martinet, professeur de houaïlou aux
Langues orientales), savoir Claude Lercari, niçois spécialiste du moindou,
langue morte (1 locuteur, défunt aujourd’hui, le chef Marcel Mousse). Ce
bureau, que je dirigeais , était rattaché au centre territorial de recherche de
documentation pédagogique (C. T. R. D.
P.) et fut l’origine de l’actuel Bureau des langues mélanésiennes.
Linguistiquement, j’étais comparatiste, ce qui
est mal vu, et disciple acharné de Damourette
et Pichon, Je composai alors une Grammaire
contrastive du Houaïlou,Des mots à la pensée canaque, 104 pages , avec deux
parties : l’une consacrée à une étude des répartitoires du Houaïlou qui
utilisait l’ouvrage de J .De La Fontinelle (je lui fis lire mon texte) et
les repensait en fonction de Damourette et Pichon , en vue d’une utilisation
éventuelle pour l’apprentissage du français (le plus intéressant était les noms
de parenté du Lifou et leur variation suivant le sexe du locuteur, par exemple père signifie géniteur du même sexe que
celui qui parle ou à qui on parle : comme le disent Damourette et Pichon à
propos du français et des langues indo-européennes :par suite d’une
évolution, « les choses semblables à un locuteur mâle seront précisément les
dissemblables d’un locuteur femelle », définition du genre
masculin utile pour comprendre noms de
parenté et struments oncinatifs en
Lifou) ; et une partie philologique , -de phonétique historique, -dont je
n’ai vu nulle part l’équivalent qui appliquait Dempwolff , lequel n’avait rien
fait sur les langues mélanésiennes),-au houaïlou.
J’ ai remis un exemplaire de
mon travail au vice-recteur, M. Bruel, avec un résumé plus
lisible par des profanes ;mais qu’est-il devenu ?
Je me suis intéressé cde
longue date aux langues de Calédonie. Mon oncle, Roger Grassin, parlait vers
1910 le pinjé et fut appelé comme interprète devant les tribunaux en
1917.Après un séjour aux Belep, où officiait le Père Neyret, ce dernier me
confia ses dictionnaires manuscrits de
Belep et de Canala , où il avait été en poste auparavant, après avoir résidé
longtemps aux Salomon. Je les ai fait
dactylographier et j’ ai remis aux archives territoriales les tapuscrits. Je me
suis aussi passionné pour le Lifou, avec entre autres les grammaires du Père
A. Coulomb, ainsi que pour la langue mélanésienne d’Ouvéa
(avec pour informatrice Madame Jeanne Luekote, épouse Ovide Bon).Je ne me suis
pas intéressé aux travaux phonologiques
de Rivièrre , ni de sa femme née Ozanne , ni de Daniel Miroux sur la langue mélanésienne d’Ouvéa (bonne idée de la part de celui qui fut
nommé grand commandeur de l’ordre de la
francophonie ! en même temps que fut nommée telle femme africaine du Burkina qui
ne parle même pas français, -ce
qui est une garantie, n’est-ce pas ?- et qui est anglophone !), ni
de Lenormand (thèse) sur le lifou,
ni d’un Japonais sur le kapone
(langue du sud ; informateur Gabriel Païta. Ni la phonologie, ni les
propositions de graphie, ni la phonétique ne m‘ont vraiment intéressé,mais seulement la philologie historique et les
catégories grammaticales.
Depuis lors je me suis passionné pour l’origine de la migration qui amena à Houaïlou
les premiers habitants et aujourd’hui je
ne parlerais plus de langue austronésienne
comme à l’époque, même si le travail de Dempwolff sur l’indonésien et ce
qu’il nomme austronésien avec dégagement de racines est le seul et donc très
précieux , mais de langue austroasiatique , bien
que, pour les langues austroasiatiques
(de Birmanie , etc.) l’équivalent de Dempwolff , c’est-à-dire le dégagement de
racines valables pour le polynésien, les langues dites mélanésiennes :
calédoniennes et fijiennes,ainsi que le
malgache , reste et restera longtemps à
faire.
La parlure de Houaïlou, l’ (a) jie (‘a de fa ou fwa)
signifiant langue) est à
rapprocher du sie d’Erromango au
Vanuatu. Elle fait partie d’un
groupe de langues mon-khmer dites she parlées
en Malaisie par des populations dont
la langue est appelée le kensieu, le kensiu ou le kensiw (de kanasia, de (i) kan métathèse de anaik, au
sens de frère, et azika, au sens de tribu, c’est-à-dire les frères
de la tribu).
L’odyssée des
Tibawés, origine selon Gabriel Païta des Houaïlous (voir mon blog sur les
migrations préhistoriques).
A) De la Nouvelle-Bretagne jusqu’
aux Fidji et aux Touamotous.
De Talepakamale
(de tibawé, pakéa et male, birman) aux îles Mussau (Nouvelle-Bretagne), près de
Ouatom, les Tibawés sont chassés par l’éruption volcanique du Witori en
Nouvelle-Bretagne en 1350 avant J.C. et
colonisent aux Salomon Pakéa
(de bau karen) , puis Ticopia.
Les Tibawés sont des « magiciens » qui, selon
J. Guillou, faisaient appel, à Tikopia, « à un esprit mythique
surnaturel qui, la nuit, se chargeait de la mise en place de ces énormes
pavés ». Une tradition hawaïenne,
rapportée par G. Coquilhat, nous confirme que
les Tibawés « avaient une réputation d’habiles artisans de la
pierre, capables d’édifier un temple [ahu]
en une seule nuit grâce à des procédés
magiques qui leur permettaient de se passer de la main à la main de gros
blocs de rocher. » Ils ont ainsi inventé le travail à la chaîne sous
les yeux des natifs médusés !
« Une curiosité remarquable de l’île, écrit Jean Guillou dans Peter Dillon, capitaine des mers du sud,
p. 186, consiste en une longue route pavée
de blocs de basalte qui ceinture le cratère.Ce travail colossal serait
l’œuvre d’une population pré-lapita (entendons pré-polynésienne, blanche) qui,
selon les habitants de l’île, faisait appel à un esprit mythique surnaturel
qui, la nuit, se chargeait de la mise en place de ces énormes pavés. Un cyclone
aurait anéanti cette civilisation. » Selon moi, ces blocs de basalte sont
des ahu funéraires analogues à ceux
de l’île de Pâques et des iles Touamotous.
Les
Tibawés quittent Ticopia, que ce soit à cause d’un cyclone , d’une éruption volcanique ou d’un tsunami et
émigrent alors à Tongaroa (de bau karen) au Vanuatu, d’où ils
partent à nouveau et
atteignent Galwa aux Fidji.
Vers -1000, à la suite de
l’éruption volcanique du Nabukulevu, les
Tibawés abandonnent l’île de Galwa pour les Touamotous,
où l’on trouve l’île Pakaroa, de bau (birman) karen, dont le nom est à comparer avec Galwa (Cf. Pa Gara, nom des premiers occupants à
Houaïlou). Les premiers habitants blancs de
l’atoll
d’ Anaa sont appelés papaa,
tandis que les blancs sont appelés popaa
à Tahiti et papa’ à l’île de Pâques.
B) C’est vers 900 ou 700 avant notre ère que des
îles fidjiennes de Motirikii et de Naïgani (île du naga ou dragon), -qui
furent des centres de poterie ouatom ou lapita très anciens, en provenance de Papouasie,- eurent lieu
des migrations vers Ouvéa, Houaïlou et Païta, et vers Maré,
« C’était un temps où les ressources
étaient si rares et les noix de coco étaient si précieuses », nous dit le mythe, que deux cousins,
Laiginiwasa et Rajkivono », commirent le sacrilège par excellence pour ces
fondateurs de l’agriculture du Pacifique qu’étaient lesTibawés et «
arrachèrent de jeunes noix de coco afin
de manger leur chair à un endroit nommé Niucavu [la grotte du cocotier] »,
Nunn. (2001) « Naigani Island and its historical
connection with Ovalu and Motoriki Islands ; convergence
between legends and facts », Domodomo,
13, pp. 19-28. Bannis, ils quittent Motoriki (de Hmong Li) et débarquent à Ouvéa, où ils laissent dans
la toponymie les noms de Fayawé,
de fa ou fwa , signifiant langue cf.
‘a, et de yawe (de bawé), de Lékine (de legur,
serpent) et de Gosana, le calmar. Leur langue à Ouvéa est le iaai, de ti yawe et ils coloniseront la côte est depuis le nord avec Ouayaguette et Ouaième (de bawé), où ils introduisent le
yawe, avec Hienghène et Ouaré (de Bawé) où ils laissent une langue, le fwa aai, de fwa, langage,
et de yawe.
Ils fondent Houaïlou,
altération du nom de l’île d’Ovalu aux
Fidji d’où la mère de l’un des cousins
était originaire : c’était les Pa
Gara (de bau, birman, et Gara, de
Karen), nom des premiers habitants à Houaïlou (même mot que Pakaroa, nom
d’un atoll des Touamotous, Pakéa, etc). Le nom des premiers habitants de Houaïlou est
Pa Gara.
A Canala, ils laissent au moins une tête de pont, le clan Bakéa, tandis que sur la côte
ouest ils fondent Tiaré (de tibawé) et Naïeni
(de Naïgani, aux Fidji) ,
avec son tumulus isolé et son
toponyme Mwanungo (déformé en Marengo), signifiant la
maison à double corne . Ils laissent encore leur nom de Pakéa
qui restera pour désigner les gens
de Païta.
J’ai choisi le houaïlou
plutôt que le lifou , par exemple, parce
que deux études existaient, celle de Leenhardt et surtout celle de J. Brunet de la Fontinelle , mariée à un homme de
Houaïlou appelé Hippolyte Kasarherhu (Emmanuel Kasarheru , directeur du musée
des Arts Premiers, est leur fils) et élève du structuraliste Martinet. Ce dernier disait que Jacqueline de
La Fontinelle était la seule qui l’avait compris et avait appliqué ses
théories. En effet, elle n’utilise pas les catégories grammaticales des langues
indo-européennes, si inappropriées, mais
des lettres qui ne présupposent rien d’idéologique.
L’étude des langues dites
mélanésiennes permet de mieux comprendre l’origine des catégories grammaticales
des langues indo-européennes, comme le genre masculin et féminin grâce à
l’altérité et l’identité sexuelle (la prétendue « langue des femmes » , aux Canaries par exemple,n’est
que le résultat de l’incompréhension de cette particularité) , la langue de respect,
le voussoiement, le nombre singulier et
pluriel, grâce à l’inclusive, le substantif grâce aux « pronoms
possessifs » qui blasonnent pour ainsi dire certains éléments personnels.
Par exemple, que signifie dans nos langues le
voussoiement, pluriel dit de majesté utilisé pour une seule personne ? Cela
signifie, adressé par une femme à un homme : toi et ton épouse, et adressé
par un homme : toi et ton père. Il reste une trace en italien (lei) ou en français : Sa Majesté,
de la part d’un inférieur ou serviteur, et en français populaire (Eure-et-Loir, et Athis-mons par exemple ) : Qu’est-ce qu’il veut ? au lieu de qu’est-ce
que vous voulez ?Le plan allocutoire, selon les termes de
Damourette et Pichon (interrogation, 2e
personne) est jugé trop direct et même offensant. Mon , ma
ou mes dans Monseigneur , Mes sieurs, Madame.
Mon
général ou Madame, ne marquent
pas l’appartenance (le général qui m’appartient, la dame qui m’appartient), mais une forme
inclusive : le général auquel j’ai l’honneur de parler.
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