vendredi 27 août 2021

Les pétroglyphes de Calédonie et leur signification

 Les  pétroglyphes de Calédonie et leur signification

Bibliographie :

Il y a  l’excellent  CD de Fernand Jammes, malheureusement épuisé, et les ouvrages magistraux  de MONNIN Jean et SAND Christophe, 2002. Kibo, le serment gravé. Pétroglyphes de Nouvelle-Calédonie. Nouméa : Les Cahiers de l’Archéologie en Nouvelle-Calédonie, et de Christophe Sand en 2016 Kibô, Pétroglyphes du pays kanak / Petroglyphs of the Kanak Country

Archeologia Pasifika, Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique (IANCP), 2016

qui,  après celui publié en 1988 par  la SEHNC , de  Buchalsky et Perron ,  Les pétroglyphes , un siècle d’occultation scientifique ,  a dressé un inventaire quasi exhaustif des pétroglyphes calédoniens. D’autre part, C. Haddon a publié  en 1894, The decorative Art of British New Guinea , de plus de 300 pages, avec de nombreuses illustrations,   réimpression numérique de nos jours ,

Mais nous  restons  toujours leur notre faim concernant leur signification.

La surprenante agriculture préhistorique à base d’empierrement ,   la chaleur, les tertres à ignames de l’île des Pins

Voici une technique agricole préhistorique méconnue, utilisée sur des terres latéritiques peu fertiles comme le plateau de l’île des Pins et qui se retrouve aussi bien à l’île de Pâques qu’au Pérou, celle des jardins empierrés .Voici ce qu’en a écrit Jared Diamond à propos de l’île de Pâques et de sa technique des jardins de pierres dans Effondrement ou Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, Paris, 2005, p.  132  : « les zones d’agriculture extensive étaient partiellement recouvertes de pierres placées en surface à proximité les unes des autres afin que les cultures puissent pousser entre les pierres ; d’autres vastes zones furent modifiées par ce qu’on appelle des « mulchs lithiques », c’est-à-dire que l’on ajoutait au sol , sur une profondeur d’environ trente centimètres,  des pierres qui étaient, soit prélevées sur des affleurements rocheux environnants , soit obtenues en creusant jusqu’au substratum rocheux pour briser les roches qui le composaient. ».[On appelle mulch en anglais un paillis, une couche protectrice faite d’éteules  et de déchets de moisson , d’herbes séchées laissées à la surface du sol pour le protéger avant et pendant la mise en culture.]

 «  Dans les fermes du nord-est des Etats-Unis, […] les agriculteurs se donnaient beaucoup de mal pour évacuer les pierres de leurs champs et ils auraient été horrifiés à l’idée d’y apporter délibérément des pierres .On retrouve […] l’agriculture de mulchs lithiques dans de nombreuses parties du globe, comme dans le désert du Néguev en Israël, dans les régions sèches du Pérou, de la Chine, de l’Italie antique et en Nouvelle-Zélande maorie. Les pierres rendent le sol humide en le recouvrant, réduisent l’évaporation d’eau due au soleil et au vent et empêchent la formation à la surface du sol d’une croûte dure qui favorise  le ruissellement des eaux de pluie [en  ne laissant pas l’eau de pluie pénétrer en profondeur]. Les pierres réduisent les fluctuations diurnes dans la température du sol en absorbant la chaleur du soleil au cours de la journée et en l’évacuant pendant la nuit ; elles protègent  le sol contre l’érosion car les gouttes de pluie viennent s’écraser à leur surface ; des pierres sombres sur un sol plus clair réchauffent le sol en absorbant une plus grande quantité de chaleur solaire ; et elles peuvent également servir de pilules fertilisantes à diffusion lente […],  car elles contiennent des minéraux indispensables qui pénètrent progressivement dans le sol .

Des chercheurs américains comme Christopher Sevenson ont expérimenté ce système agricole dans le sud-ouest américain et prouvé que la quantité d’humidité était ainsi doublée et  les températures maximales des sols au cours de la journée abaissées,  tandis que les températures minimales durant  la nuit étaient augmentées ; le rendement  était de quatre à cinquante fois supérieur selon les espèces. »

Au départ, à l’île des Pins, telle fut la technique agricole pratiquée sur le plateau latéritique pour cultiver les ignames. Celles –ci avaient besoin de  chaleur et les pierres la leur procuraient.

b L’évolution de la culture des ignames et l’origine de l’apparition des pétroglyphes en Calédonie, vers -1500 .

Les cultivateurs d’ignames s’aperçurent rapidement que, avant la récolte du tubercule et comme indice de sa maturité invisible, la partie aérienne de la plante jaunissait, se flétrissait, c’est-à-dire, en quelque sorte,  mourait. Il pouvait donc être inutile de construire, pour renvoyer à la mort préalable (voir mon blog sur les quelques 200 ou 300 tumuli..), ces colonnes de coquillages morts. De là l’avènement des pétroglyphes qui sont des menhirs sans le renvoi à la mort préalable, comme les pétroglyphes du pic N’Ga à l’île des Pins.

c) Les figures identifiées, toutes relatives à l’alimentation végétale ou marine.

 L’igname  est symbolisée sur les pétroglyphes par les  hannetons qui sont des parasites du tubercule. Cette référence métonymique et allusive s’explique pour des raisons religieuses apotropaïques.

Les insectes à métamorphose comme les chenilles ou les libellules ,  ou à mue comme les hannetons, les criquets, les charançons ou les sauterelles, qui perdent leur peau, dépouilles ou exuvies, ont un grand rôle à l’époque préhistorique parce qu’ils sont l’objet d’une mort apparente suivie de renaissance..

La chenille de sagoutier et de  bancoulier .

 La chenille de bancoulier calédonienne aujourd’hui est une grosse chenille de couleur blanche ,  très appréciée des aborigènes australiens comme du Sud-est asiatique en général.  Aux dires du préfacier de l’édition française  de Héros phalliques… de Roheim,  les femmes la  détectent avec un flair infaillible. Elle est consommée crue ou à peine grillée, son goût rappelant celui du rôti de porc,  d’être humain ou des œufs frits. Ce sont les larves d’un lépidoptère, Endoxyla leucomochia. En tant qu’aliment  (ce sont pourtant des charançons !), elles sont  les héritières  des vers de sagoutiers de Papouasie, que l’on consomme,  aujourd’hui encore, partout en Asie du sud, parfois aussi sous forme de farine. Le sagou est une farine jaune issue d’un arbre, sagoutier, qui fut longtemps , la nourriture principale à l’époque préhistorique (et comme la poudre râpée au pied du bananier dit d’Egypte ou le fruit de l’arbre à pain).

 Sur les pétroglyphes reproduits par Luc  Chevalier, dans « Nouveaux pétroglyphes du Nord », Etudes Mélanésiennes n° 12-13 de décembre 1959, consultable sur le net,   pour Ouégoa et Tiari,  certains d’entre eux  pourrait être des représentations du totem des  chenilles, à côté d’une croix enveloppée à droite  (les bananiers plantains dits d’Egypte) et de deux cercles concentriques (le germe du cocotier)   A Sarraméa, les chenilles sont encore aujourd’hui très appréciées des Mélanésiens.  

La croix enveloppée est l’emblème du bananier dit d’Egypte, dont on mange cuites  les très grosses bananes appelées encore  plantain ,ou à la Réunion  banane-cochon . L’emblème finira par évoluer en France en …la fleur de lis !

Le fruit du cocotier est symbolisé par des cercles concentriques représentant la noix, la crème et le germe.Le cocotier, nouvellement importé, était très précieux et faisait l’objet de plantations attentives. Le prédateur est parfois représenté : il s’agit du rhinocéros des cocotiers (voir mon blog sur le sujet ). La magie imitative de la gravure  du coco  se rajoutait à la vertu du  menhir et la menace du  rhinocéros  était conjurée

Le riz de montagne, qui existe en Calédonie à l’état naturel, cultivé en terrasses (appelées pirogues à Païta ou tarodières)  est peut-être symbolisé par des feuillages.

Les œufs de seiche sont  représentés par  un ovale avec un trait pour favoriser magiquement la croissance  des seiches. Mais en Bretagne  c’est une autre représentation des capsules des œufs qui a été utilisée, mais qui, faute de compréhension à été appelée le motif de la « hache-charrue ». !

La représentation d’iguanes (caraïbe iguanana), gecko (mot néerlandais , du malais gékok, saurien)  , margouillats ou lézards préhistoriques, très appréciés comme aliments, est aussi fréquente, en particulier un gecko constellé de taches noires apparenté au Hecadactylus oskrobapreinorum qui ne survit qu’aux Petites  Antilles, à Saint-Martin. Cf. aussi le margouillat, Gekko mabouia Moreau de Jonnès, 1818, mabouya désignant un mauvais esprit en Afrique et ayant été altéré en margouillat .

 

Thecadactylus oskrobapreinorum

Description de l'image Thecadactylus oskrobapreinorum - ZooKeys-118-097-g004-c.jpg.

A remarquer que ni les taros ni les oualeï ne semblent représentés sur les pétroglyphes calédoniens.

 Ils doivent être postérieurs à l’ère des pétroglyphes et a         avoir été introduits par les  Polynésiens , à Ouvéa d’abord.

 

 

 

 

 

                                 

 

                   

 

 

 

 

 

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