Les pétroglyphes de Calédonie et leur signification
Bibliographie :
Il y a l’excellent CD de Fernand
Jammes, malheureusement épuisé, et les ouvrages magistraux de MONNIN Jean et SAND Christophe, 2002.
Kibo, le serment gravé. Pétroglyphes de
Nouvelle-Calédonie. Nouméa : Les Cahiers de l’Archéologie en Nouvelle-Calédonie, et de Christophe Sand en 2016 Kibô, Pétroglyphes du
pays kanak / Petroglyphs of the Kanak Country
Archeologia
Pasifika, Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique
(IANCP), 2016
qui, après celui publié en 1988 par la SEHNC , de
Buchalsky et Perron , Les pétroglyphes , un siècle d’occultation
scientifique , a dressé un inventaire quasi exhaustif des pétroglyphes calédoniens. D’autre part, C. Haddon a publié
en 1894, The decorative Art of
British New Guinea , de plus de 300 pages, avec de nombreuses
illustrations, réimpression numérique
de nos jours ,
Mais nous restons
toujours leur notre faim concernant leur signification.
La surprenante agriculture préhistorique à base
d’empierrement , la chaleur, les
tertres à ignames de l’île des Pins
Voici une technique
agricole préhistorique méconnue, utilisée sur des terres latéritiques peu
fertiles comme le plateau de l’île des Pins et qui se retrouve aussi bien à
l’île de Pâques qu’au Pérou, celle des jardins
empierrés .Voici ce qu’en a écrit Jared Diamond à propos de l’île de Pâques
et de sa technique des jardins de pierres dans Effondrement
ou Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard,
Paris, 2005, p. 132 : « les
zones d’agriculture extensive étaient partiellement recouvertes de pierres placées en surface à proximité les unes des
autres afin que les cultures puissent pousser entre les pierres ; d’autres
vastes zones furent modifiées par ce qu’on appelle des « mulchs
lithiques », c’est-à-dire que l’on ajoutait au sol , sur une profondeur
d’environ trente centimètres, des
pierres qui étaient, soit prélevées sur des affleurements rocheux environnants
, soit obtenues en creusant jusqu’au substratum rocheux pour briser les roches
qui le composaient. ».[On
appelle mulch en anglais un paillis,
une couche protectrice faite d’éteules
et de déchets de moisson , d’herbes séchées laissées à la surface du sol
pour le protéger avant et pendant la mise en culture.]
« Dans les fermes du nord-est des
Etats-Unis, […] les agriculteurs se donnaient beaucoup de mal pour évacuer les
pierres de leurs champs et ils auraient été horrifiés à l’idée d’y apporter
délibérément des pierres .On retrouve […] l’agriculture de mulchs lithiques dans de nombreuses
parties du globe, comme dans le désert
du Néguev en Israël, dans les régions
sèches du Pérou, de la Chine, de l’Italie antique et en Nouvelle-Zélande maorie. Les pierres rendent le sol humide en le
recouvrant, réduisent l’évaporation d’eau due au soleil et au vent et empêchent
la formation à la surface du sol d’une croûte dure qui favorise le ruissellement des eaux de pluie [en ne laissant pas l’eau de pluie pénétrer en
profondeur]. Les pierres réduisent les fluctuations diurnes dans la température
du sol en absorbant la chaleur du soleil au cours de la journée et en
l’évacuant pendant la nuit ; elles protègent le sol contre l’érosion car les gouttes de
pluie viennent s’écraser à leur surface ; des pierres sombres sur un sol plus clair réchauffent le sol en
absorbant une plus grande quantité de chaleur solaire ; et elles peuvent
également servir de pilules fertilisantes à diffusion lente […], car elles contiennent des minéraux
indispensables qui pénètrent progressivement dans le sol .
Des
chercheurs américains comme Christopher Sevenson
ont expérimenté ce système agricole dans le sud-ouest américain et prouvé que
la quantité d’humidité était ainsi doublée et
les températures maximales des sols au cours de la journée
abaissées, tandis que les températures
minimales durant la nuit étaient
augmentées ; le rendement était de quatre à cinquante fois supérieur
selon les espèces. »
Au
départ, à l’île des Pins, telle fut la technique agricole pratiquée sur le
plateau latéritique pour cultiver les ignames. Celles –ci avaient besoin
de chaleur et les pierres la leur
procuraient.
b L’évolution de la culture des ignames et l’origine de l’apparition des pétroglyphes
en Calédonie, vers -1500 .
Les cultivateurs d’ignames
s’aperçurent rapidement que, avant la récolte du tubercule et comme indice de
sa maturité invisible, la partie aérienne de la plante jaunissait, se
flétrissait, c’est-à-dire, en quelque sorte,
mourait. Il pouvait donc être inutile de construire, pour renvoyer à la
mort préalable (voir mon blog sur les quelques 200 ou 300 tumuli..), ces
colonnes de coquillages morts. De là l’avènement des pétroglyphes qui sont des menhirs sans le renvoi à la mort préalable,
comme les pétroglyphes du pic N’Ga à l’île des Pins.
c) Les figures identifiées,
toutes relatives à l’alimentation végétale ou marine.
L’igname
est symbolisée sur les pétroglyphes par les hannetons qui sont des parasites du
tubercule. Cette référence métonymique et allusive s’explique pour des raisons
religieuses apotropaïques.
Les insectes à métamorphose comme les chenilles ou les
libellules , ou à mue comme les
hannetons, les criquets, les charançons ou les sauterelles, qui perdent leur
peau, dépouilles ou exuvies, ont un grand rôle à l’époque préhistorique parce
qu’ils sont l’objet d’une mort apparente suivie de renaissance..
La chenille de sagoutier et de bancoulier .
La chenille de bancoulier calédonienne
aujourd’hui est une grosse chenille de couleur blanche , très appréciée des aborigènes australiens
comme du Sud-est asiatique en général.
Aux dires du préfacier de l’édition française de Héros
phalliques… de Roheim, les femmes
la détectent avec un flair infaillible.
Elle est consommée crue ou à peine grillée, son goût rappelant celui du rôti de
porc, d’être humain ou des œufs frits.
Ce sont les larves d’un lépidoptère,
Endoxyla leucomochia. En
tant qu’aliment (ce sont pourtant des
charançons !), elles sont les
héritières des vers de sagoutiers de
Papouasie, que l’on consomme,
aujourd’hui encore, partout en Asie du sud, parfois aussi sous forme de
farine. Le sagou est une farine jaune issue d’un arbre, sagoutier, qui fut
longtemps , la nourriture principale à l’époque préhistorique (et comme la
poudre râpée au pied du bananier dit d’Egypte ou le fruit de l’arbre à pain).
Sur les pétroglyphes reproduits par Luc Chevalier, dans « Nouveaux
pétroglyphes du Nord », Etudes Mélanésiennes n° 12-13 de décembre 1959,
consultable sur le net, pour Ouégoa et Tiari, certains
d’entre eux pourrait être des
représentations du totem des chenilles,
à côté d’une croix enveloppée à droite (les bananiers plantains dits d’Egypte) et de deux cercles concentriques (le germe du
cocotier) A Sarraméa, les chenilles
sont encore aujourd’hui très appréciées des Mélanésiens.
La croix enveloppée est l’emblème du bananier dit d’Egypte, dont on
mange cuites les très grosses bananes
appelées encore plantain ,ou à la
Réunion banane-cochon . L’emblème
finira par évoluer en France en …la fleur de lis !
Le fruit du cocotier est symbolisé par des cercles concentriques représentant la noix, la crème et le germe.Le cocotier, nouvellement importé, était très précieux et faisait l’objet de plantations attentives. Le prédateur est parfois représenté : il s’agit du rhinocéros des cocotiers (voir mon blog sur le sujet ). La magie imitative de la gravure du coco se rajoutait à la vertu du menhir et la menace du rhinocéros était conjurée
Le riz
de montagne, qui existe en Calédonie à l’état naturel, cultivé en terrasses (appelées
pirogues à Païta ou tarodières) est
peut-être symbolisé par des feuillages.
Les œufs
de seiche sont représentés par un ovale avec un trait pour favoriser
magiquement la croissance des seiches.
Mais en Bretagne c’est une autre
représentation des capsules des œufs qui a été utilisée, mais qui, faute de
compréhension à été appelée le motif de la « hache-charrue ». !
La représentation d’iguanes (caraïbe iguanana), gecko (mot néerlandais , du malais gékok, saurien) , margouillats ou lézards préhistoriques, très
appréciés comme aliments, est aussi fréquente, en particulier un gecko
constellé de taches noires apparenté au Hecadactylus
oskrobapreinorum qui ne survit
qu’aux Petites Antilles, à Saint-Martin.
Cf. aussi le margouillat, Gekko mabouia Moreau de Jonnès, 1818,
mabouya désignant un mauvais esprit
en Afrique et ayant été altéré en margouillat
.
Thecadactylus
oskrobapreinorum
A
remarquer que ni les taros ni les oualeï ne semblent représentés sur les
pétroglyphes calédoniens.
Ils doivent être postérieurs à l’ère des pétroglyphes et a avoir été introduits par les Polynésiens , à Ouvéa d’abord.
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