DE QUELLES ILES
VENAIENT LES CANAQUES DE NOUVELLE-CALEDONIE ?
L’opinion populaire, médusée
par l’existence d’une trentaine de langues et par le fait que les Canaques ne
se comprennent pas d’une langue à l’autre, pensent qu’à l’origine il y
avait un seul idiome et que celui-ci s’est différencié au fil du
temps en une multitude de dialectes.
Mais rien n’est plus faux : la diversité est irréductible parce qu’elle
recouvre une diversité géographique. Une seule peuplade, des immigrants papous,
ont tenté de conquérir et d’unifier l’île, mais leur essai a échoué.
Les migrations venaient des
Salomon , du Vanuatu (Vaté , Epi,
îles Banks , Ambrym de l’ouest, Maëwo, Malekula, Erromango, Pentecôte, Santo, Tanna) , des
Fijdi, de Papouasie –Nouvelle-Guinée
(Nouvelle-Bretagne et Papouasie-Nouvelle-Guinée) , de Tasmanie ,
d’Australie et de Micronésie.
A noter que l’origine des
populations des Loyauté, Lifou et Maré,
ainsi qu’Ouvéa, sont traitées dans trois autres blogs, comme l’île des Pins , où les
peuplades disparues, les Gorounas, sont évoquées, ainsi qu’un autre blog sur
l’origine préhistorique des auteurs des pétroglyphes , les Ti.
La Birmanie, mot avec r voyelle qu’on prononce bama (pour barama ou parama),
semble avoir été le pays d’où sont partis jadis de nombreux peuples noirs qui émigrèrent dans le Pacifique et parlent des langues austroasiatiques (munda, semai, wa, mon khmer) et des langues
hmong d’Indochine ou encore des langues
formosanes. Les langues de
l’archipel calédonien sont des langues austroasiatiques..
Essai de classement :
On dénombre en Calédonie 31 parlures,
soit 29 langues austroasiatiques, dont
10 dialectes, sur les 31,
savoir 5 semai
+1 wa +1 munda +1 munda +12 mon khmer+ 8
hmong mien + 2 formosanes.
Semai 5 (+ 1
langue wa) :
1 pwa pwa Epi au Vanuatu ;
waa mwang Epi Vanuatu
2 pwamei Maëwo Vanuatu
3 pwamale Tanna Vanuatu
4 bwa too Banks Vanuatu
5 a bwe bwe Ambrym Vanuatu
Langue wa 1 waa mwang Epi
Vanuatu
Munda 1 drehu (Lifou ,de Dravuni Fiji), voir mon blog sur Lifou et Maré .
Mon-khmer 12
avec 1 dialecte
1 paici Epi Vanuatu,
Palao Micronésie
2 méa Micronésie
3 iaai Tanna Vanuatu
4 aai Tanna Vanuatu
5 yawe Tanna Vanuatu
6 chemuhi Santo Vanuatu
7 arhe (langue bunu naoklao) Santo Vanuatu
8 nyua, yanga, yuaga Vaté
Vanuatu ;
9 nengoené, langue de Maré,
proto -polynésien comme les langues N’Deni d’Amérique du sud, voir mes blogs sur Lifou et Maré et sur
l’Amérique du sud ; venant de Malekula (Timbembe) et de Tanna au Vanuatu
10 nenema avec dialecte
nigoumac Vaté Vanuatu
11 yalayu Epi (varsu) Vanuatu
12 tipindjé Malekula (nindé) Vanuatu
Hmong mien 8
1 neku ,
langue she , Tanna Vanuatu
2
aragure , langue she , Erakor
Vate Vanuatu
3 ajie,
langue she Erromango Vanuatu
4 arha,
langue she Penteôte Vanuatu
5 siche langue
she Penteôte (seke) Vanuatu
6 le tiri , langue
she ,Epi (biri) Vanuatu Australie
7 le xa
anacuu, langue she , Micronésie (chuuk
8 le nemi Banks (nume) Vanuatu
Bibliographie
Barbara
Niederer, Les langues Hmong –Mjen
(Miao-yao). Phonologie historique, 1998, Munich.
Dans cette famille de langues hmong-mien, un groupe est bien
attesté en Nouvelle-Calédonie, le
groupe ho nte ou she avec le tiri, l’arhe,
l’aracuu,le neku , l’
aragure, l’ ajie, l’ arha, le siche .
Langues formosanes
2 avec en plus 9 dialectes
1 haveke 5 dialectes
Papouasie
2 kapone 4 dialectes Ticopia
(lavono) Salomon
A part :
31 Langue polynésienne 1, originaire de Ticopia aux Salomon (Saint-Joseph à Ouvéa),
voir mon blog sur Ouvéa.
32 Langue créole d’inspiration réunionnaise : la tribu de Saint-Louis qui a
rassemblé des tribus de langues différentes.
Nous allons suivre les
traditions dont s’est fait l’écho Gabriel
Païta, ce descendant de la grande
chefferie des Kambwas, dans Gabriel
Païta, témoignage Kanak, D’Opao au pays de la Nouvelle-Calédonie, par Jérôme Casaumayou et Thomas de
Dekker, l’Harmattan :
« Si l’on en croit les récits des anciens, les premiers hominiens d’Opao (la Nouvelle-Calédonie) avaient la
peau rouge ; ils étaient velus et de petite taille. Dans le Nord, on les
appelait les Gorouna.
Dans le Sud, on parlait des Tua. Puis vint un jour le peuple des Ti … Ces grands hommes au corps couvert de tatouages s’établirent
dans la région de Ponérihouen, sur la côte orientale de la Grande Terre, et
apportèrent ici l’art des pétroglyphes. »
Aussi étudierons-nous
d’abord les Tuas qui sont des
populations noires, puis les Ti ou Tibawés, ces initiateurs de l’agriculture. Enfin nous examinerons
des migrations plus récentes.
I Les migrations anciennes desTuas et des Tibawés.
1) Les Tuas chassés par l’éruption du Witori en Nouvelle-Bretagne
vers 1350 avant J. C. et chassés ensuite du Vanuatu par l’éruption d’Ambrym vers
l’époque du Christ .
G. Païta (op.cit.)
appelle
Tuas ces populations noires et de petite taille venues de Tasmanie.
Ce sont des veddoïdes, c’est-à-dire qu’ils sont originaires de l’île de Ceylan qui était appelée Vedda, d’où vient le nom de tuas, de Vduas, qui signifie noirs.
Elles parlaient des langues monda : le mot signifie les personnes
(mon) noires (da de dua) et désigne une
famille de langues austro asiatiques. D’où venaient-ils avant l’Inde ?
D’Afrique noire vraisemblablement puisque les noirs de l’Inde, Tamuls ou
Dravidiens, affirment venir d’un continent au sud de l’Inde et qu’on est tenté
de songer à l’Afrique. A l’appui de
cette hypothèse, on trouve sur ce continent des pygmées appelés Tuas au Rwanda et au Burundi et Tua-Tua en proto zoulou. ». Au Congo
certaines tribus pygmées sont appelées Wambouti (de tua hpou ti, ti de li signifiant petit) ou M’Buti, ce qui
rappelle les noms de Pouembout (de
tua hpou ti aussi) ou de Ouenkout (de
tua hpou ti). Citons encore leurs
escales en Birmanie, où les Karens noirs, Pao ou Pwo ou Taung Thu (thu, de tua signifiant noir) vivent
dans l’Etat des Shans et parlent une langue austro asiatique du groupe
semai, le pao, apparentée au pwo. Pwo
et Pwe désignent les langages de
certains Karen en Birmanie. Nous les suivons en Thaïlande : ce sont les Mani, de hmong li, petit hmong),
puis aux Philippines et en Malaisie où on les appelle negritos (Semang, Senoi ou Sakai ). Le mot negrito est philippin et, bien qu’on ait voulu en faire un
diminutif de l’espagnol negro, il est
proche de Niggurt en Micronésie qui y
désigne des esclaves noirs. Il est à rapprocher du nom du fleuve africain le Niger et du mot Nigeria,
qui viennent tous deux de ligur, qui
désigne le serpent ou le poulpe. A Malacca, Skeat et Blagden, cités par B. Heuvelmans, dans Sur la piste des bêtes ignorées, p. 191,
tome I, parlent d’ « une race sauvage dans l’intérieur de Burnam
(« Burnam», limite entre les Etats de Perak et de Selangor à Malacca)
appelée tuah benuah [ ce qui
signifie le pays noir, benuah signifiant
en malais la terre, et correspondant à fenua
en tahitien, à neva en houaïlou, à vanu au
Vanuatu] par les gens de Selangor ].
Ils transitent par l’Australie et par la Tasmanie, puis par le Vanuatu.
Leurs reliques en Calédonie
sont constituées de six langues :
1 le pwa- pwa (de pwo tua),
parlé à Boyen et près de l’îlot Koniene. A rapprocher du wowo parlé à Epi au
Vanuatu ;
2 le pwa
mei (de pwo et mei), langue agonisante parlée
près de Voh, et dans la tribu de Ouélis à Hienghène à rapprocher du maëwo (de mei, birman, et de pwo)
du Vanuatu .Voh vient de pwo ;
3 le pwamale, de pwo et mong li, jadis parlé par les habitants des grottes de la côte est, près de
Touho (toponyme venant de tua) et
dans les tribus de Tiendanit et de Ouanache à Hienghène. Poindimié vient de pwo,
et de du myao, qui signifie Hmongs noirs. Le nom est un souvenir
des premiers occupants tuas, comme les noms de Touho ou Thio ;
4 le bwa too (de pwo tua), langue morte de l’îlot Koniene .
A rapprocher du valuwa (de hploun
qui donne valu et de
tua) parlé aux Banks du Vanuatu ;
5 l’abwewe (de a, langage, et de pwe pwe) ou orowe (de hploun pwe) dans la région de
Bourail. Le nom de l’orowe est à rapprocher du lonwolwol (de li hploun hploun, donnant, par harmonisation
vocalique, lowolwol) parlé à Ambrym
de l’ouest (Vanuatu).
6 le wa mwang, de tua
hmong, langue morte de la région de Voh. A rapprocher d’une langue parlée à Epi au Vanuatu, le bonkovia, avec bonk pour hmong et de ovia pour
twa. A rapprocher du nom et de la langue parlée à l’île Goro dans l’archipel Bismarck
(Papouasie-Nouvelle-Guinée). Poya
vient de Hpou kaya. Kaya ou Keye est un nom des Karens noirs. La
hache de Poya , si singulière, atteste de leur passage par l’Australie et par
la tasmanie.
Le nom de
Ploum, de hploun, où l’on on a
découvert d’antiques poteries à anse
très différentes des poteries lapita,
vient du nom de ces Karens
noirs de Birmanie qui, dans leur langue,
se nomment Hploun Hpou. Hpou est un
mot karen signifiant homme.
Les Tuas ont laissé des
traces dans le sud de la Grande Terre,
où P. Avias voyait, à Goro un des rares
endroits de présence négroïde en Calédonie. Ainsi, Touaourou
vient de tua ligoro et signifie
la Déesse poulpe géant des Tuas ; de même, Goro et Oro
à l’île des Pins viennent de (li) goro,
désignant le poulpe géant ou le serpent. Le nom de Naïa près de Païta, où l’on a découvert des
poteries, vient de Kaiah, le nom que
se donnaient les Karens noirs de Birmanie, appartenant au même groupe
linguistique que les Abwéwé de la région
de Bourail ; la Néra, à Bourail, doublet
dialectal de Naïa, offre également un
gisement de poteries tuas, comme celui de Ploum. Le nom de la
Tontouta vient de too pota et signifie la rivière tua.
Le nom du col de Mouirange renvoie, à cause de la forme des collines qui, près de
l’ancienne carrière du col, sont coudées, au nom du boomerang (celui-ci , en Nouvelle-
Galles du Sud,se dit wo- mour-rang).
Le
boomerang des Tuas.
L’emploi du boomerang dans le Guzerat, dans le sud-est de l’Inde et à Célèbes,
atteste du passage des Tuas , comme le
font, aux îles de l’Amirauté, les
pointes de flèches taillées à grands éclats. Les lieux où l’on trouve la trace indiscutable de cette arme de jet sont la Tasmanie, la
Nouvelle- Galles du Sud, la
Nouvelle-Zélande où les Pakéas en ont
introduit l’usage, Santo, Maré et
Hienghène. Mais l’association du boomerang et de l’Australie est si forte que,
par exemple, le musée de Pithiviers, possesseur d’une collection calédonienne dont un boomerang, a
fait disparaître récemment, comme une pièce rapportée, ce boomerang ! Il a
fallu les études de la SEHNC, de B. Brou et du P. Dubois, pour tenter de mettre
l’accent sur les boomerangs de Maré ou de Hienghène. L’appartenance du
boomerang à la culture de l’archipel calédonien est si peu connue qu’un
collectionneur averti de mes amis a
commis la même méprise que le musée du Loiret.
2) Les Tibawe : le stade de l’agriculture
sédentaire.
Le nom des Tibawés
est peut-être à rapprocher de celui des YaYoi du Japon. Ceux-ci que nous connaissons par le livre de
Madame Habu sur les Djomon (c’est –à-dire les Aïnous) ont domestiqué diverses
plantes, dont le prunier qui a donné son
nom au lotissement N’Géa à Nouméa. . Selon G. Païta, op .cit, p. 28, note : N’Géa « désigne l’endroit où il y a de
nombreux figuiers », arbuste
littoral à fruits jaunes comestibles, appelé obubu à Ouvéa–Iai. N’guna
qui a donné son nom à l’île Nguna aux îles Shepherd vient de
l’aïnou mume ou ume, « prunier ». Vers l’époque du Christ, les
Yayoi, acclimatèrent une plante sauvage
qui fut la première, assure-t-on, à être cultivée par eux, le Prunus mume, prunier ou abricotier
sauvage du Japon. Les omaï (ume à Okinawa ou myrabalans, mirabelles,
petites prunes salées), si appréciés des enfants calédoniens, viennent
d’un arbre voisin, mais amélioré par une culture millénaire.
Les Yayoi se seraient métissés en cours de route vers
la Calédonie. On doit rattacher de nombreuses langues de Calédonie aux Tibawés :
1) le nom du
paici, parlé autour de
Ponérihouen, doit être rapproché du baki
(pour pa iki) d’Epi au Vanuatu.
C’est une langue apparentée au palao (pelew) en Micronésie ; elle
est parente du palyu, palangic
ou patengic, parlé en Birmanie,
en Thailande et dans le sud de la Chine
. On peut décomposer le mot pa-langic
en paa -lyanga-ik, -ik
étant un suffixe de langage, paa, de parama, signifiant birman, et lyanga, cf Lindéralic, Hienghène ou
Tanghène venant de lyngano et signifiant le calmar ou serpent qu’on
retrouve dans la seconde partie du nom des langues d’Australie et de Papouasie , paama –yanga ;
2 le xa anacuu, de la région de
Canala, xa signifiant langue, anacuu ou aracuu venant de
anaukhanasia, du prototype anayasko azika, radical dégagé par le
linguiste Jean Karst et signifiant la tribu fraternelle, avec l’usage d’un
suffixe adjectivant -asko . La langue d’une île de Micronésie
appelée Ruk ou Truk (la graphir tr notant
une consonne cacuminale) et aujourd’hui Chuuk
lui est apparentée. Canala
vient de Kanara, de arkanala
(de araukanasia) signifiant les
frères de la tribu comme dans Guadarcanal aux Salomon ;
4 Le mea (de miao pour hmong)
est parlé dans la région de Méchin (de myao
chuuk) et dans les régions de Fachin pour Fa chuuk (la rivière chuuuk), de Kouaoua et de Mebara . Langue ou dialecte proche de la
langue précédente, la langue de Canala ;
5 le iaai, langue non polynésienne parlée à Fayawé sur l’île d’Ouvéa et
qui passe pour parente de la langue de Hienghène, le aai, et de la langue de Canala, le xa anacuu (voir mon blog sur Ouvéa) ;
6 le fwa aai de Hienghène, de fwa,
langage, parent du nowai (de no, langage, et
de wai),
parlé à Tanna. .Ces
populations pratiquaient l’art des pétroglyphes et connaissaient le boomerang
qu’on réserve à tort aux Tuas;
7 le yawe (pour
bawe), parlé à Ouayaguette et Ouaième (de baye), parente d’une langue parlée à Tanna, le (a)vava ou navava (de a ou
na, langage, et de bawé), peut-être parente de la précédente;
8 le
yalayu, langue de Balade, des îles Belep, de Pam.
Le nom
du yalayu est à mettre en
rapport avec celui du varsu d’Epi
au Vanuatu et plus lointainement, via la
Tasmanie, avec le palyu
(de parama et de lyanga) de Birmanie. Le yalayu est
en effet une langue austro asiatique hmong,
à preuve le mot qui désigne le pou en Belep, cien,
en semai cee’, en bahnari sii, en mundari siku. Ce sont les gens de Balade, nous raconte Baudoux dans L’invasion sournoise, qui introduisirent à Pouébo les poux,
inconnus jusque là (ils étaient très nombreux en Tasmanie), lors d’un pilou de réconciliation entre les
deux peuples de Balade et de Pouebo.
Le mot désignant le chien à Belep, tavia, est australien, venant peut-être de wallaby (macropodidé), ainsi nommé en l’honneur du Serpent ; il se retrouve dans
le maréen païla, alors qu’aux Tuamotus,
dans une langue tua , chien se dit tout autrement : ngaeke.
Le nom de Parama (birman) Balade vient
d’un euphémisme religieux signifiant fuyant pour désigner le Serpent, balado, -qui se retrouve dans le nom de l’île Balabio, dans Balabom
(aujourd’hui la pointe Mézières en face de l’île de Pam) et dans l ’ancien nom de Pam, Parama (birman, donnant Pam) Pouarabom (altération de barabom,
le dragon fuyant) . Poum vient de pouarabom
balama, altéré en Pouemonala ;
9 le chamuki, parlé à Touho, est à rapprocher du piamatsi na parlé à Santo (Vanuatu), de kamaski,
venant lui-même du prototype azika
anayaski signifiant la tribu fraternelle ;
10 l‘ arhe, à rapprocher
du Eora de la région de Sydney
et du Aoré (de newari, népalais) de Santo
au Vanuatu. C’est une langue morte des tribus de Nekliai ou Nekiriai appartenant, dans le
groupe hmong miao, aux langues bunu, le bunu naoklao notamment , où
Naoklao rappelle le nom de la tribu
Nekliai de la zone a rhe . L’arhe est une langue she ;
11 le yuanga ou yuaga, de rakhine,
nom d’une langue de Birmanie, ou encore nyua. C’est la langue de Bondé (comme Pombéi, de bau bawé), de Paimboa (même étymologie) et
de la région de Gomen. A rapprocher du nakahamanga parlé au Vanuatu à Vaté. Tiabet
et le Diahot dérivent de tibawé. Cette langue est à rapprocher
des langues de Papouasie, d’Australie (langues paama-yanga)
et des langues amérindiennes yaghan,
ces dernières étant quasi mortes : les Yaghan vivaient en Patagonie ;
12 le lelemwa ou lelema, ou nenema
parlé dans le nord à Arama. ;
Arama existe au Japon sous la forme Ara
Aama (en ainou, ara, qui signifie la plage, et
parama, birmane). A rapprocher
du lelepa parlé à Vaté. Lelemwa vient de aniwa (de anaukanyia).
Un dialecte :
le fwa nig kouma k, où fwa
signifie langue, nig représente niw (de aniwa), kouma-k,
où l’on reconnaît le suffixe de
pluriel en –ki (comme dans les Dzouma- k), signifie les montagnes (yoma-ki, cf. le nom du Fuji Yama). Le lieu-dit Le Caillou à Ouégoa s’appelait précédemment Pouemonala avant d’avoir été rebaptisé de façon moqueuse,
par allusion au port du Gros- Caillou,
à Paris, sur les bords de la Seine, à cause du chantier de réparation de
chalands pour le minerai de cuivre sur
la rive droite du Diahhot. Le nom
de Manghine, la maison à double
corne, garde leur souvenir, comme celui
de Ouango près de Voh (même
signification).Le mur du Nord relevé par Avias et destiné à déclarer sacré un territoire
agricole est leur œuvre. Yandé
et Tiari viennent de Tibawé;
13 le ti ri (de anayaski,
devenu nisi et signifiant fraternel),
parlé à La Foa anciennement (village du
sorcier d’Ataï appelé Ouanaka, cf.
Ouanache, près de Fonwhary) au Petit et au Grand Couli aujourd’hui, dont le nom
rappelle le biri en Australie ;
à rapprocher du bieri parlé à Epi au
Vanuatu. Nassirah ou Nassendou
comme Nessadiou (de nasaskiu) témoignent de leur extension dans le passé ;
14
le tipindjé, langue mourante parlée
dans la haute et la basse Tipindjé, est à rapprocher du tipintjara en Australie (tipitjara
ou mindi ou dragon, de ligura) et du nindé parlé à Malekula. Le nom de
Biganda (Puyganda, de liguri, l’enroulé) à Hienhgène désigne également
ce redoutable dragon. A noter que
les noms de pays africains Ouganda et
Ruanda et les sites mégalithiques
d’Afrique noire, par exemple, au Zimbabwé, le site de Tambacounda (anaconda,
serpent), qui comprend un monument circulaire, ou ceux du Niger, du Togo, du Tchad, de Sénégambie, de Mauritanie, du Mali, de
République Centrafricaine pourraient bien être l’œuvre de cousins des Tibawés.
En Australie existe la
légende du mindi, python- diamant
pourtant originellement confiné sur la région côtière. Avant le python- diamant ou plus tard le
serpent arc-en-ciel, le mot mindi (de
li guri) devait désigner le calmar
monstrueux.
Les
Pinjés ont d’abord été refoulés par les Hawekes, comme en témoigne le nom de Wé hava (de wé, rivière, Haweke) qui détrône l’ancien nom Tipindjé, de ti, rivière, et
de Pidjé. . Puis les protestants tuas
parlant pwamei (tribu de Ouélis) et
pwamalé (tribus de Tiendanit et de Ouanache) les ont pratiquement fait
disparaître à la suite des événements de 1917, alors qu’ils n’y étaient pour
rien.
Entre 1452 et 1475 de notre
ère, d’une île volcanique du Vanuatu
disparue à la suite d’une éruption et
appelée Kuwaé (altération de
Tibawé) entre Epi et Vaté, a lieu
une migration vers Païta, Tonghoué
et Tonghouen (même mot), lieux qui doivent leur nom au village de Panita et à l’île
de Tongoa où est situé ce village au Vanuatu, p .140, 165, » (J. Garanger, 1976, Tradition orale et préhistoire en
Océanie », Cahiers de l’O. R. S. T.
O. M., Série Sciences Humaines, vol. XIII, n°2, p. 147-161) :
« Tombuk, un homme originaire de Lopevi
(Vanuatu), fut trompé par les gens du village de Kuwaé qui, par jeu et la nuit,
le firent coucher à son insu avec sa mère. L’ayant reconnue trop tardivement et
désespéré de son acte incestueux, il décide de mourir et d’entraîner avec lui dans la mort tous ceux qui étaient
plus ou moins responsables de sa faute. Il part à Lopevi chez un oncle qui lui
donne les moyens de la vengeance sous la forme d’un lézard (serpent), véhicule
de puissance des volcans.
« Il revient à Kuwaé,
organise une fête qui dure six jours. Chaque jour un porc (homme) est sacrifié
et il en attache la vessie, après l’avoir gonflée, aux branches d’un bois de
fer [appelé toa en langue tuamotou], Casuarina oligodon. Sous cet arbre, il avait caché le lézard
enfermé entre les deux nœuds d’une tige de
bambou.
« La fin de la fête
approchant, il monte dans l’arbre et fait éclater successivement les quatre
premières vessies, ce qui cause un tremblement de terre de plus en plus
intense. Kuwaè bascule, puis éclate en morceaux en même temps que la cinquième
vessie.
« Quand Tombuk fait
éclater la sixième vessie, un volcan surgit de terre à l’emplacement du bois de
fer sous lequel était caché le lézard.
« Aux premiers signes
avant-coureurs du cataclysme, la plupart des chefs s’étaient enfuis dans leur
pirogue et avaient regagné Vaté, leur ancien habitat. Le reste de la population
périt, sauf un adolescent. Il était occupé à piéger des oiseaux sur la côte de
Kuwaè qui n’existe plus, à un point situé
entre l’île de Tongoa et celle de
Tongariki .Il s’abrita à
l’intérieur d’un grand et y fut découvert par une jeune femme qui, elle aussi,
avait pu échapper au cataclysme. Ce qui restait de Kuwaé n’étant plus qu’un
amas de laves et de cendres, ils trouvèrent refuge dans une petite île
voisine : Makura, où ils vécurent quelques années. Semet ou Asionget était
le nom du jeune homme. Il reçut ensuite les titres de Matanauretong et de Ti Tongoa
Liseiriki ; ces noms seraient en rapport avec celui d’une plante, la
première qu’il vit repousser sur cette île [Makura]. Ti Tongoa Liseiriki
réorganisa la colonisation de ce que nous appelons les îles Shepherd [Tongoa, Nguna,
Emae] ; les chefs qui s’étaient réfugiés
à Vate revinrent s’y installer. Six ans s’étaient écoulés, disent certains,
depuis la disparition de l’île Kuwaè. A sa mort, le héros fut inhumé près de
l’ancien village de Panita à Tongoa, en compagnie de ses femmes et de quelques
représentants de sa suite ».
Il s’agit de la version mythique d’une
formidable éruption historique, expliquée comme une crise d’amok commise par un
Oedipe canaque. Platon justifiait
de même l’engloutissement de l’Atlantide
par les fautes morales de ses habitants
et par le juste courroux des dieux contre eux. Autre remarque : le nom du
village de Païta vient probablement de Panita sur l’île de Tongoa au Vanuatu,
.comme ceux de Paouta près de Pouembout et
de Lapita (métathèse de Palita)
près de Koné. De plus, Ouitoé près de
Païta vient de wi, le Serpent, et de toa, le bois de fer du mythe précédent,
dans lequel est caché le Serpent. .
II Les migrations plus
récentes
A En provenance de Mélanésie :
Quelles sont les autres
migrations aboutissant en Calédonie?
A Du Vanuatu, 6
langues :
1) De Tanna
Le neku de anayasko,
signifiant (la communauté) fraternelle, doit être
raproché du lenakel (de nayasko) parlé à Tanna. C’est une langue hmong mien quasi morte,
parlée jadis à Moindou et dont les rares ressortissants habitaient
Moméa (de Hmong myao). et Ouaoué (de Tibawé, attestant de la présence ancienne
des Tibawés.). Le toponyme Moindou atteste d’une présence passée
des Tuas et signifie Hmongs noirs (du).
2) De Vaté ou Efate
Le
xa-ragure, parlé dans la
région de Thio, doit être rapproché du E-rakor du sud de Vaté ou Efaté
, dont on retrouve le nom en Australie dans le nom d’une tribu et d’une langue Xa signifie langue et ragure
vient de aragunia, Araukhanie,
ce dernier venant de azika anaïk,
frères de race, membres de la tribu. Bogota
(de tua pou ti), non loin de Thio, est la trace d’une occupation tua plus
anciene et se retrouve dans le nom d’une
langue du Vanuatu et dans une autre langue de Nouvelle-Irlande, le
bughutu, ainsi qu’en Colombie (Santa
Fé de Bogotazo) .
Le
nom de l’île, Efaté, est à mettre en
rapport avec le nom de Yaté en Calédonie
(on retrouve le nom de Vaté en Australie) , ce qui qui témoigne d’une
occupation ancienne étendue des Tibawés, comme le nom des Dzumak, qui signifie les
montagnes (voir à Koumak).
3) D’Erromango
La langue de Houaïlou, l’a jie (a signifiant langue) est à rapprocher du sie d’Erromango au Vanuatu. Elle fait partie d’un groupe de
langues mon-khmer dites she parlées
en Malaisie par des populations dont
la langue est appelée le kensieu,
le kensiu ou le kensiw (de kanasia, de (i) kan métathèse de anaik, au sens de frère, et azika, au sens de tribu, c’est-à-dire les frères
de la tribu).
4) Des Banks (Gava)
Le
nemi parlé à Hienghène doit être rapproché
du nume parlé à Gava (de garva, karen). Le nemi est apparenté au chon amérindien et à certains dialectes
australiens. Ainsi, le mot chanem qui
signifie excrément en Hienghène et correspond à bomaign (de gonaym) en
langue de Balade et à boné en langue
de Maré , se retrouve dans le chon ganum,
le kechua huanu (d’où vient notre mot guano) et dans l’australien guna, gunong, ganing.
5) De Pentecôte
1) L’arha de la région de Poya
est apparenté au saa (de sarha, langue she) parlé dans cette île Pentecôte
et son nom vient de anayasko , (la communauté) fraternelle.
2)
Le siche, zire ou nerë, langue morte parlée
autrefois dans la zone littorale de Bourail, aujourd’hui à Moméa et à Gouaro
(mot qui désigne le sang et se retrouve dans le Chon d’Amérique du sud sous les
formes wuar et hwarr, en australien sous les formes guara et gwaro (Rivet, Les origines de l’homme américain ,
p.94, à l’île de Pâques sous la forme
gouaro, (voir mon blog sur l’île de Pâques) est à rapprocher du seke ou ske parlé à Pentecôte. C’est une langue she, dont le nom vient du finale de a-nayasko, frère, avec suffixe adjectivant –sko.
B des Salomon (Ticopia etUtupua), vers
1700 : le sud de la Calédonie et l’île des Pins, parlant le kaponé.
L’île de Ticopia aux Salomons
avait au départ la même forme que celle d’Ouvéa, celle d’un demi-cercle, appelé
tutupia par allusion à un rite
d’initiation : la demi- circoncision, d’où
les noms d’Utupua, de Tticopia et d’Ouvéa. Mais au début du XVIII è siècle, selon une tradition rapportée
par P. Kirch et Douglas et confirmée par
des preuves archéologiques, l’ancienne grande baie d’eau salée de Ticopia se transforma en ce qui
est aujourd’hui le lac saumâtre de l’île, après qu’un banc de sable en eut
fermé l’entrée. Ce phénomène eut pour résultat la disparition des bancs de
coquillages qui avaient auparavant
proliféré aux abords de l’étang et une sévère diminution de sa
population piscicole. Il s’ensuivit une famine et une guerre : le
clan Nga Faea et d’autres préférèrent prendre la mer et gagner d‘autres terres,
pour certains Santo (Tutuba, de Utupua), enfin le sud de la
Nouvelle-Calédonie.
Entre 1452 et 1475 de notre
ère,cette île volcanique du Vanuatu, Kuwaé, située
entre Epi et Vaté, disparaît à la
suite d’une éruption ,entraînant une migration vers Païta,
Tonghoué et Tonghouen (c’est le même mot), lieux qui doivent
leur nom respectivement au village de Panita
et à l’île de Tongoa où
est situé ce village de Panita au Vanuatu, p .140, 165 (J. Garanger, 1976,
Tradition orale et préhistoire en Océanie », Cahiers de l’O. R. S. T. O. M., Série Sciences Humaines, vol. XIII,
n°2, p. 147-161) :
« Tombuk, un homme originaire de Lopevi
(Vanuatu), fut trompé par les gens du village de Kuwaé qui, par jeu et la nuit,
le firent coucher à son insu avec sa mère. L’ayant reconnue trop tardivement et
désespéré de son acte incestueux, il décide de mourir et d’entraîner avec lui dans la mort tous ceux qui étaient
plus ou moins responsables de sa faute. Il part à Lopevi chez un oncle qui lui
donne les moyens de la vengeance sous la forme d’un lézard [serpent], véhicule
de puissance des volcans.
« Il revient à Kuwaé,
organise une fête qui dure six jours. Chaque jour un porc est sacrifié et il en attache la vessie, après
l’avoir gonflée, aux branches d’un bois de fer [appelé toa en langue tuamotou], Casuarina
oligodon. Sous cet arbre, il avait
caché le lézard enfermé entre les deux nœuds d’une tige de bambou.
« La fin de la fête
approchant, il monte dans l’arbre et fait éclater successivement les quatre
premières vessies, ce qui cause un tremblement de terre de plus en plus
intense. Kuwaè bascule, puis éclate en morceaux en même temps que la cinquième
vessie.
« Quand Tombuk fait
éclater la sixième vessie, un volcan surgit de terre à l’emplacement du bois de
fer sous lequel était caché le lézard.
« Aux premiers signes
avant-coureurs du cataclysme, la plupart des chefs s’étaient enfuis dans leur
pirogue et avaient regagné Vaté, leur ancien habitat. Le reste de la population
périt, sauf un adolescent. Il était occupé à piéger des oiseaux sur la côte de
Kuwaè qui n’existe plus, à un point situé
entre l’île de Tongoa et celle de
Tongariki .Il s’abrita à
l’intérieur d’un grand tambour et y fut découvert par une jeune femme qui, elle
aussi, avait pu échapper au cataclysme. Ce qui restait de Kuwaé n’étant plus
qu’un amas de laves et de cendres, ils trouvèrent refuge dans une petite île
voisine : Makura, où ils vécurent quelques années. Semet ou Asionget était
le nom du jeune homme. Il reçut ensuite les titres de Matanauretong et de Ti Tongoa
Liseiriki ; ces noms seraient en rapport avec celui d’une plante, la
première qu’il vit repousser sur cette île [Makura]. Ti Tongoa Liseiriki
réorganisa la colonisation de ce que nous appelons les îles Shepherd [Tongoa, Nguna,
Emae] ; les chefs qui s’étaient réfugiés
à Vate revinrent s’y installer. Six ans s’étaient écoulés, disent certains,
depuis la disparition de l’île Kuwaè. A sa mort, le héros fut inhumé près de
l’ancien village de Panita à Tongoa, en compagnie de ses femmes et de quelques
représentants de sa suite ».
Il s’agit de la version mythique d’une
formidable éruption historique, expliquée comme une crise d’amok commise par un
Oedipe canaque. Platon justifiait
de même l’engloutissement de l’Atlantide
par les fautes morales de ses habitants
et par le juste courroux des dieux contre eux. Autre remarque : le nom du
village de Païta vient probablement de Panita sur l’île de Tongoa au Vanuatu, comme
ceux de Paouta près de Pouembout. De
plus, Ouitoé près de Païta vient de wi,
le Serpent, et de toa, le bois de fer
du mythe précédent, dans lequel est caché le Serpent.
Le nom de la
langue actuelle du sud et de l’île des Pins, le kapone, vient du nom de la langue d’Utupua, appelée lavono, qui lui-même vient d’ Alavano, nom de l’Araukhanie
en Birmanie, à mettre en rapport avec le nom des îles voisines, vano alavana. Dans vano alavana on distingue, outre vano,
pays, le nom d’Araukania, savoir alovana.
De même, aux Fidji, à l’ouest de Vanua Levu, on a une langue, le gone (de kavone, cf. lavone),
dont le nom se rapproche du kapone,
ainsi que le ba-navosa (de ba, langue, et
lavona) .
Le kaponé se divise en 4 dialectes : 1 le naa dubea ou langue (naa)
de la presqu’île (parlée à PaÏta et par les
clans exilés à Ounia par le chef
haveke Kamba ),
2 le naa numéé (même sens) à
Yaté, Ounia, Goro et Touaourou ,
3 le naa wee à l’île Ouen,
4 le naa
kuenyii à l’île des Pins. Nouméa, Dumbéa et Nimbo sont le même mot nou, île, suivi d’une négation, mia (presqu’île).
Dans le sud il y avait avant eux les Djomons,
ensuite les Tuas (Touaourou, Goro),
enfin les Tibawe (pétroglyphes et tarodières
de Païta). La conquête par les Avekes,
sans conséquence linguistique notable, a peu modifié l’aspect de la région sauf
en déplaçant certains clans indigènes de Païta à Ounia.
B Les conquérants venant de Papouasie avec escale à
Manikula et à Avokh.
Les témoignages du chef Koudjima en 1898 et de
Gabriel Païta sur la migration des Haveke depuis la Papouasie et leurs
conquêtes à Ouvéa et en Calédonie.
a)La déclaration du chef des Pouebo, Koudjima
Nous avons la bonne fortune
d’avoir l’histoire de la migration de son peuple racontée par le chef Koudjima
lui-même, grâce à Jules Durand qui a recueilli en 1898 ses déclarations dans
Chez les Ouébias (1908,republié par G.
Coquilhat sur le net dans Approche
pour une lecture des pétroglyphes néo-calédoniens) :
« Nous étions
loin, bien loin d’ici, là-bas où le soleil se couche dans notre patrie
lointaine, Ahaké [aujourd’hui Koké (de Kawaké)
en Nouvelle-Guinée –Papouasie], avec
beaucoup, avec beaucoup de Canaques en train de construire des pirogues, lorsque
le fils du chef qui jouait parmi nous fut victime d’un déplorable
accident : une des haches de pierre que tenait un travailleur frappa
malheureusement l’enfant qui fut tué.»
Par crainte de la
vengeance du chef ils décident de
s’enfuir à bord des pirogues. Le chef
prophétise :
« Vous ne trouverez de
terres que loin, très loin d’ici, du côté où le soleil se lève, où vont les
courants et la brise. Et retenez mes paroles, car vous rencontrerez beaucoup d’écueils, des flots dangereux et stériles :
ne vous arrêtez pas là ! Mais lorsque, après avoir longtemps voyagé, vous
serez à bout de vos vivres, vous découvrirez une première île [au Vanuatu, près
de Manikula
, la petite île Avokh où l’on
reconnaît le nom de la langue calédonienne des Pouébos , l’aveké ], ne vous arrêtez pas là…
« Vous en verrez une
autre plus grande [132 Km²], avec des cocotiers [Ouvéa, anciennement Ahaké ou Ouvake, de Awake, paronyme du nom
polynésien Ouvéa], ne vous arrêtez pas là.
« Puis une troisième [la
Nouvelle-Calédonie], hérissée de
récifs, en face [d’ Ouvéa], ayant de hautes montagnes ; débarquez-y votre malade [à l’îlot Poudioué :il s’agit du souvenir
déformé du premier enterrement d’un blanc, le 6 mai 1793, 3 jours avant le
départ des deux bâtiments l’Espérance et
la Recherche, de nuit et avec toutes sortes de
précautions, ce qui marqua fortement l’imagination de tous les
Mélanésiens comme le montre la rumeur dont M.Wabealo s’est fait l’écho sur
un homme blanc venu très anciennement
sur un bateau , enterré à Koniene
et dont le cyclone de 1992 aurait fait reparaître les restes . ll s’agit
en réalité du commandant de l’Espérance, Huon de Kermadec, de l’expédition
d’Entrecasteaux à la recherche de Lapérouse] et visitez la côte (est] car elle
sera habitée (par les gens de Balade ). Quand les poissons sauteront sur l’eau
autour des pirogues [prophétie étymologique qui joue avec le nom voisin des Ohao et le nom du waho, thon- banane, Acanthocybium solandri, gros poisson de plus de 2 mètres],
arrêtez-vous là [près de Pouébo, forme anciennement attestée Pweo, de Weo, de Ohao].
« C’est ainsi que nous
arrivâmes dans des parages peuplés de guerriers [les gens de Balade], lesquels
avaient remplacé déjà des naturels ne
sachant pas construire des cases et vivant dans des trous [les Tuas qui donnent leur nom à Touho, de toua, et à Poindimié et occupent la région des
Poyes, où mon ami le chef Néa Kyolet Galet me montra les grottes secrètes où
ses hommes et lui se réfugièrent lors des troubles de 1917 : c’étaient ces
« trous » dont parle Koudjima).
« Il y eut de grandes guerres au
commencement [entre gens de Balade qui s’étendaient bien au-delà de Pouebo et gens nouvellement arrivés], dans
l’endroit où l’on avait débarqué le malade [Huon de Kermadec à Pouébo et
l’îlot Poudioué] et, victorieux, nous nous sommes, par la suite des temps, fondus avec les autres et répandus de toutes
parts sur la terre d’Ohao».
Soulignons que le chef de Pouébo utilise en 1898 la forme Ohao qui , correspond bien à waho,
avec une autre graphie, et qui reprend le nom de Pweho ou Waho [Pouébo].
b) L’expansion, conquérante des Kamba -Wassio selon un
de leurs descendants, G. Païta.
G. Païta a brièvement évoqué les conquêtes de
ce peuple martial qui fut le seul à tenter d’unifier par voie de conquête la
Nouvelle-Calédonie et dont il descend par la grande chefferie des Kambwa ou
Tchambas- Meindu. Avec 10 000 guerriers
(hyperbole !) le chef Poré conquiert le sud, s’installe vers la Tontouta, puis à l’île Nou, conquiert l’île des Pins où le nom de Vao (de
wao) rappellerait ses conquêtes et enfin part à l’attaque de Maré, où il introduirait le
jonc et le niaouli, et fonderait Médu (du nom de la chefferie
Kamba-Meindu) et Wabao (de Waho)
. Ils fondent Ounia auquel ils donnent
le nom d’une île de l’archipel Bismarck qui fut leur escale au cours de leur
trajet. Sur trois générations, dit G. Paita, soit en 60 ans, les Kambas- Wassio
donnent naissance à 400 personnes, ce qui montre leur fécondité. Poré est le
conquérant qui a tenté d’unifier, mais en vain, la Calédonie et les îles.
Quelle est la langue de ces conquérants, avec
ses nombreuses variations dialectales ? Elle s’appelle le haveke (Oundjo, Gatope,
Tieta) et ses dialectes sont au nombre de 5 :1 le hmwa-haveke (Tieta) où hmwa signifie
langage , 2 l’haeke (Kone et Baco), 3 le
mwen- ebek (mwen signifiant langage, ebek
venant de aveke) ou ca
aak (ca signifiant parler et aak venant de avak) à Pouébo et à la
Conception, 4 le béko (de avéko), parlé depuis Ti waka (de ti, rivière et waka, la rivière
des Havekés ) jusqu’à Tié (de ti et
de bawé
) ; 5) le tié en zone camuki parlé aux Poyes et à
Touho .
C’est dans la vallée de la Faténaoué (de fa, rivière, tena pour vena, pays, aoué pour awek) que se
trouvaient les célèbres momies faites
par les hwaekés comme dans leur patrie
d’origine, à Koke en Papouasie. Ils avaient aussi laissé des momies près de Ouégoa à la Roche
Mauprat ou plus exactement au second sommet des Roches Mauprat , qu’on
peut appeler la Tour Cazeau : leur nom venait d’une allusion au roman de
George Sand, Mauprat, où le sorcier
de la tour Cazeau, un meneur de loups berrichon, terrorise les rares passants,
épouvantés à l’idée d’encourir le
mauvais sort, que peut jeter le sorcier gardien de ces momies taboues.
Linguistes et généticiens remontent même bien
plus haut que la Papouasie, à Formose (appelée Taïwan par les Chinois et Païwan par les indigènes) et en
Birmanie, dans la province d’Araukhanie
(Cf. le mot ouragan, hurricane en anglais emprunté à une
langue caraïbe pour désigner un dieu,
spécialisé ensuite dans les manifestations violentes de la Nature). Païwan vient de abaukania qui donne baikwan. Païwan
donne à son tour Haikaïwi, puis par
métathèse Hawaïki ou Kawake.
Les Papouas ont gardé le k initial à la
différence des Polynésiens chez lesquels
il a été remplacé par un coup de glotte noté h et, pour désigner Formose,
ils se servent du mot Kavake avec le k
conservé. D’Araukhanie en Birmanie nous pouvons les suivre en Papouasie-Nouvelle-Guinée à Koké (de kaveke) où, comme nous avons pu le voir dans une émission télévisée
de 2011 faite par une archéologue allemande,
leurs cousins continuent aujourd’hui à fabriquer des momies comme jadis
sur les bords de la Faténaoué. A partir
des formes évoluées où le coup de glotte
a remplacé le premier k, savoir Havaike ou Haveke, ils ont
baptisé leurs nouveaux lieux
d’installation Avokh au Vanuatu près
de Manikula, Sur la Grande Terre, ils se sont plus tard installés près de
Pouébo à Ouvak (où l’on reconnaît sans peine Aveke), à Ouvanou (Opao-vanou, la terre d’Opao)
et à Pouébo, de Pweo, toutes formes
attestées.
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