Le mystère des tumuli
et celui des poteries lapita de de l’île des Pins (vers – 1000-1200).
Les deux
hypothèses d’une origine naturelle, géologique ou animale des tumuli.
1) En Australie, on a trouvé des stromatolithes, c’est-à-dire des colonnes calcaires fossiles
formées par l’activité de bactéries. Pascal Philippot, au CNRS, Institut de
physique du globe, Paris, a étudié ces bactéries très nombreuses d’il y a 2,72
milliards d’années, vivant dans des lacs
hypersalés et peu profonds et
capables de se nourrir d’arsenic, malgré
la toxicité de cet élément. Le seul fait d’avoir déposé des détritus de
coquillages sur le plateau de l’île des Pins, comme sur l’îlot Koniene,
pourrait avoir stimulé l’activité
bactérienne. On pourrait supposer que les courants ou les vents ont accumulé des terres latéritiques
autour de ces colonnes.
Discussion.
Les trous de poteau signalés par Luc Chevalier , au
sommet ou à côté des tertres , incitent, selon moi, à préférer une origine
humaine.
2) Un mégapode pourait, selon ses partisans, être le bâtisseur du cylindre et du tumulus.
1Worthy, Trevor H. (2000). "The
fossil megapodes (Aves: Megapodiidae) of Fiji with descriptions of a new genus
and two new species.". Journal of the Royal Society of New Zealand 30
(4): 337–364. doi:10.1080/03014223.2000.9517627.
Worthy, T., Mitri, M., Handley, W., Lee, M., Anderson, A., Sand, C. 2016.
Osteology supports a steam-galliform affinity for the giant extinct flightless
birds Sylviornis neocaledoniae (Sylviornithidae, Galloanseres). PLOS ONE. doi:
10.1371/journal.pone.0150871
3"Object: Fiji Scrubfowl, Megapodius amissus; holotype". Collections on line. Museum of New Zealand Te Papa
Tongarewa. Retrieved 2012-08-18.
Bien que je ne souscrive pas à cette hypothèse, je tiens à la rappeler : des
spécialistes du Jardin des Plantes,- même si d’autres ont plus tard contesté l’ identification
qu’ils ont faite des ossements, découverts par leurs soins, avec ceux d’un mégapode, ont relié une
tradition de l’île des Pins que j’avais rapportée dans le bullein de la SEHNC ,
Société d’Etude Historique de la Nouvelle-Calédonie (« Deux oiseaux
fossiles de Nouvelle-Calédonieé, bulletin n° 29, 2e tr. 1976, savoir
un oiseau noir aptère et une sorte de dindon) sur un oiseau fossile noir,
le du,
à l’existence d’un grand mégapode
présent dans la partie indonésienne de la Nouvelle-Guinée sur l’île Waigeo,
localité de Jeimon (Aegypodius brujnii
ou talégalle de Bruijin). Celui-ci
constitue la seule espèce d’oiseaux qui ne couve pas ses œufs mais, au lieu
d’un nid, construit un monticule d’incubation haut de 2 mètres avec toutes
sortes de débris, si bien que, au
centre, se forme un cylindre organique sur lequel le mégapode dépose ses œufs
et les recouvre de terre. Le mâle porte trois caroncules rouges et une crête
noire. Les mégapodes, en voie d’extinction, étaient largement répandus aux
Philippines, en Indonésie, en Australie,
aux Fiji, et existaient à l’île des Pins, si l’on se fie à la tradition locale que j’ai rapportée. Mais
les zoologistes penchent aujourd’hui plutôt pour un rattachement au Mégapode
noble de Fiji, Megavitiornois altirostris,
éteint, qui ne pouvait bâtir de
telles colonnes et de tels monticules, étant donné la configuration de ses
pattes. Il couvait ses œufs comme les poules qui lui sontb apparentées.Cette hypothèse
semble donc devoir être également rejetée.
Pour l’origine humaine, nous allons suivre les traditions dont s’est fait l’écho Gabriel Païta, ce descendant de la grande chefferie des
Kambwas, dans Gabriel Païta, témoignage
Kanak, D’Opao au pays de la Nouvelle-Calédonie, par Jérôme Casaumayou et Thomas de
Dekker, l’Harmattan :
« Si l’on
en croit les récits des anciens, les premiers hominiens d’Opao (la Nouvelle-Calédonie) avaient la peau rouge ; ils étaient velus
et de petite taille. Dans le Nord, on les appelait les Gorouna. Dans le Sud, on parlait des Tua. Puis vint un jour le peuple des Ti [ou Tibawé]… Ces
grands hommes au corps couvert de tatouages s’établirent dans la région de
Ponérihouen, sur la côte orientale de la Grande Terre, et apportèrent ici l’art
des pétroglyphes. »
Il est tentant de rattacher ces tertres fort anciens,
datant d’avant la population actuelle parlant kaponé, aux premiers
habitants de l’archipel calédonien, les Gorounas,
pour reprendre le nom indiqué par G.
Païta.
Les auteurs des tumuli : « une vieille race
blanche » (Paul Rivet),
les Gorounas (de Karen-ni, nom d’une ethnie de Birmanie)
ou Menehune, venus de Ouatom (Nouvelle-Bretagne) en plusieurs
vagues après l’éruption du Witori vers -1350
avant J. C.
Gabriel Païta nous dit de ces premiers habitants qu’ils « avaient la peau rouge (c’est-à-dire blanche), qu’ils étaient velus et de petite
taille « et que « dans le Nord on les appelait les Gorouna». Le mot Gorouna est à rapprocher du nom d’une ethnie de
Birmanie, les karen-ni. Nous retrouvons
dans le nord leur nom dans les toponymes de Paa
(de parama, birman) Goumène (Gomeni) et de Kaala (de
barama, birman) Gomen (i). Jules Durand cité par Coquilhat nous dit que les Ouébias
de Pouébo désignaient les premiers
habitants d’un autre nom, Menehune, forme qui se retrouve en Polynésie jusqu’à Hawaï. Le
plus clair de ces noms qui viennent tous
de karen-ni,
les Karen de petite taille (ni), est encore celui de l’île N’Gameini aux Salomon (Ouaménie et Cueménie en Calédonie), île où l’on trouve la
poterie lapita. Menehune vient d’une métathèse d’évitement pour raisons
religieuses, à partir de N’Gameini,
et donnant meinguni, puis menegune qui se retrouve dans Marino (de marehuno), nom d’une langue à Maëwo (Vanuatu), dans Farino (de marehino) en Nouvelle-Calédonie ou Mérina
[de merehuna] à Madagascar.
La mention par G. Païta d’un système pileux
fourni fait songer aux Jomons ou Djomons
du Japon préhistorique, les ancêtres
de ces blancs que nous appelons Aïnous,
mot qui signifie sqimplement les hommes.
Les Gorounas sont de petite taille, nous
apprend G. Païta, et d’ailleurs, dans Karen-ni,
le mot ni signifie de petite taille.
Le chef des Ouébias nous confirme
aussi la petite taille de ces Gorounas
qu’il appelle Menehune, en précisant qu’ils construisaient des maisons, à la différence des Tuas, des
populations noires qui étaient également de petite taille. C’est bien leur peau qui, selon le descendant de la
Grande Chefferie, était de couleur
« rouge », entendons blanche. En Micronésie, O’Connell, dans A residence of eleven years in New Holland
and the Caroline Islands, being the adventures of James F. O’Connell
(Google Books et réédition moderne), note, p. 193, l’existence d’une
femme parfaitement blanche, réalisant un type récessif, à qui les natifs
d’autres îles que celle où elle résidait rendaient souvent visite, tant sa
renommée s’étendait loin.A côté de nombreuses Européennes,écrit-il, son teint aurait encore paru clair.
Les noms des blancs
Comment appelle-t-on les
blancs chez les « Mélanésiens » ? A Lifou on appelle le blanc un
« rouge », ka madja et,
sous les formes maja, manga, mangi, ce
nom se retrouve dans le Pacifique, réservé aux Européens. Le Français se dit marangi, farani, maran. Il est naturel
pour les indigènes d’appeler
« rouges » et non blancs nos visages cuits par le soleil comme des homards
sous le casque colonial.
Mais on
a aussi une autre appellation calédonienne pour les blancs, plus énigmatique à
premier examen, celle de apopalangni ou
apopalei. Celles-ci viennent de
l’espagnol Hispanioli et perpétuent le souvenir des premiers blancs
européens que les habitants de Taumako et des îles avoisinantes comme Vanikoro aux
Salomon aient vu, au XVI e siècle.
Bibliographie sur les Jomons.
Citons
avant tout les articles du professeur d’anthropologie
physique Paul Avias : « Contribution à la préhistoire de
l’Océanie : les tumuli des plateaux de fer en Nouvelle-Calédonie », Journal de la Société des Océanistes, Tome 5, n°51949, ce géologue dont
j’entendis d’abord parler à Sarraméa alorsqu’il était en quête de crânes et en
difficultés pour cela avec certains Mélanésiens. C’est lui qui,
le premier, étudia sur place les Mélanésiens du point de vue de
l’anthropologie physique et associa les habitants de Nouvelle-Calédonie aux Aïnous.L’historien
Bonnefous, dont j’étais l’élève en cagne
au Lycée Louis-le-Grand, me parla un jour des travaux d’Avias en me
disant : « Il suffit pourtant d’avoir regardé une photo de Néo-Calédonien, du plus beau noir, pour
douter de leur origine aïnoue, de couleur blanche. ». Il ignorait que j’étais né en Nouvelle-Calédonie et que
j’étais déjà devenu l’adepte des théories d’Avias, lui-même disciple de Paul
Rivet ! J’aurais pu lui objecter : « Pourquoi alors personne
ne fait-il le lien entre les autochtones de Nouvelle-Calédonie et les habitants
de l’Afrique noire ? »
Il
faut aujourd’hui mentionner l’œuvre, publiée à Cambridge en 2004, d’une Japonaise professeur d’anthropologie à Berkeley,aux
USA, spécialiste de préhistoire
japonaise et américaine, Madame Junko Habu,
Ancient Jomon of Japon.
Les Gorounas de Gabriel Païta
sont des migrants apparentés aux Océaniens blancs de Rivet, aux Aïnous d’Avias et aux Jomons (ou Djomons) de Madame Habu.
Bibliographie sur les tumuli.
On la trouvera dans l’article
de J. Exbroyat : « Les tumuli de l’île des Pins, un système
d’irrigation ? », bulletin de la SEHNC n°146, 1er tr. 2006.
Précisons maintenant le sens de certains mots que nous utilisons
dans nos traductions des mots indigènes.
Trois mots importants: Birman, Djomon, et Kuna.
1) Le mot birman dans nos traductions.
Que signifie le mot birman par lequel je traduirai
indifféremment les mots parama,
mier, mong, bau ? La Birmanie est un pays grand
comme la France et qui fut riche en minorités blanches, jaunes ou noires venant
elles-mêmes du Pamir, du Cachemire,
des îles Laquedives (de malaka, aka signifiant île et dive signifiant seigneurie) et Maldives
(de malaka), de la côte des Malabar, où l’on reconnaît Myanmar et qui signifie les Hmongs
Ibères (Avars, Ouigours). Le mot Birman,
Burma en anglais, Bama, Bamar
passe pour appartenir au registre
familier. Dans la première syllabe bir on
reconnaît le bar de Malabar, Ibère, Ouigour, le br de Bornéo ou de Brujnii ou Bruijin en Papouasie et de Burnam en Malaisie
Quant à la seconde syllabe man,
mar, mal, min, mir, on la retrouve dans le mir
de Cachemir ou de Pamir,
min de Amindivi, mal de Maldive, cette syllabe mir ou mar venant de Hmong. Ainsi, Mamar (de ma pour mar, signifiant hmong, et
de mar pour bar, Avar, ibère) signifie les hmongs ibères ou ouigours. Malacca, Malais, viennent de mal + aka, île. Le nom officiel de la
Birmanie est l’Union de Myanmar ou Myanmah.Le mot birman de mes traductions est
donc géographique et ne renvoie
pas à l’ethnie birmane aujourd’hui majoritaire, mais au pays originel
peuplé d’ancêtres mythiques, appelés les Bya
Ma.
Le pays conpte aujourd’hui
130 minorités ethniques, appelées les « races nationales » : Shans,
Rakhins (Arakhan), Mons, Karens, Karen-ni ou Petits Karens, les Chins, les Kachins. Les Karens noirs,
Pa O, Pwo ou Taung Thu (taung désignant les Tuas et Thu signifiant noir), vivent dans l’Etat
des Shans et parlent une langue
austroasiatique du groupe semai. Les Karens noirs se nomment dans leur langue Hploun Hpou.
Les Karenni portent une écharpe rouge, leurs femmes ont le cou entouré
d’un anneau de laiton qui les a fait appeler les femmes -girafes et ils habitent
l’Etat Kayah., autre forme de Karen.
Bref, le mot birman par lequel nous traduirons les
mots parama ,
mier , mong , bau, renvoie
aux habitants anciens du pays , qu’il s’agisse de la minorité blanche des Karen-ni dans l’Etat des Shans , ou d’autres minorités, noires celles-ci, comme les Taung Thu, les Pao ou Pwo ou Tuas.
2) Le mot djomon et le mot chaman.
Chaman et Djomon sont le même mot et signifient le prêtre-roi (roi ou magicien, sorcier).Djo
signifie le magicien, par suite le roi, qui, à date ancienne, est un magicien,
et mon signifie génie ou prêtre, intermédiaire divin
avec la nature. Le linguiste Jean
Karst, en 1954, a posé pour djo
une racine *yadu qu’on retrouve
dans douk-douk,
(de yadouki répété), le nom des sorciers dansants masqués de Papouasie, dans le
zombi des Antilles (de yaduki), cf. le rocher Zombi à la Martinique ou les Zombi du Brésil, dans le doghi ou toghi au sens de sorcier en Calédonie. Il n’est pas étonnant de retrouver le zombi antillais en Afrique noire (ambar zombi, calmar sorcier) ou dans le mot vaudou (de yadouki). Ki signifie pierre ou hache de pierre et l’ensemble yadu ki le magicien à la hache de pierre.
L’ordre des mots présenté par djo mon
peut très bien être inversé et on a alors mon djo que nous retrouvons dans Hmong
do, ces habitants du Guizou au sud de la Chine ou dans la caste des chefs
et des prêtres en Micronésie sur l’île Nutt, appelée Mondjob et que O’Connell
nous décrit. En Nouvelle-Calédonie,
le toponyme Oun-djo, de Mon Djo, où l’on a trouvé des poteries, vient
aussi de l’inversion de Djomon.
3) Les formes
kuna, kunya, kunie, (ana) kena à l’île de Pâques (voir mon blog sur l’île de Pâques) ,chon, kon, etc. Voir mon blog sur les
migrations préeuropéennes dans le Pacifique.
Le nom Karenni,
les petits Karens, porté par les Gorounas, se retrouve dans Kuna ou
Kunya qui donne Koné (site lapita, donc gorouna précisément) , le nom de l’îlot Koniene
en face de Koné ou celui
de l’île des Pins , Kunie:
ces formes viennent de arakounia,le nom d’une région de
Birmanie dont le nom a été donné, par exemple, au Chili : l’Araucanie, ou aux îles Ryoukiou
(de arouko) .Son étymologie
nous est donné par le grand linguiste Jean Karst, qui reconstitue un radical
composé , azika-anay, azika signifiant la tribu, la nation, tandis que anay
signifie les frères (souvent traduit à tort
par hommes simplement, comme dans aïnou,eïno
, le nom des Indiens Micmac, T-aïno (Haïti),Hai-nan, inuit (les
Esquimaux), l’ensemble voulant dire les
frères de la tribu. Autre hypothèse : le mot serait lié au nom des Chons, ou Huns, qu’on retrouve en
Amérique du sud, mais elle n’est pas contradictoire et le mot Hun peut très
bien dignifier les fraternels.
La génétique.
Les Ainous souffrent,
aujourd’hui encore, d’un déni de
blancheur chez les blancs, dépités d’avoir des cousins sauvages. Le Larousse du
XIXe siècle disait avec mépris qu’ils étaient « si velus et si sales
que nul n’avait jamais pu déterminer la
couleur de leur peau » ! Pourtant,
au XIIIe siècle, Marco Polo écrivait que
Cipango (l’archipel nippon) était peuplé par « une race blanche et de
belle allure » .
« Les Ainous, nous dit
l’hématologue Jean Bernard, dans Le sang
et l’histoire, 1985, p. 70, se séparent des populations mongoles [chinoises]
par la présence dans leur sang d’un facteur V qui a été observé dans le système
Rhésus des Amérindiens [c’est moi qui
souligne] mais jamais chez les
Chinois ; par la fréquence très
élevée du sous-groupe Rhésus R et par une fréquence dans le système MN de NSS
qui est la plus forte fréquence connue du monde. » On retrouve certains de
leurs gènes dans les populations des îles Andaman (de Djomon) où certains Djomons sont passés. Paul Rivet fait remarquer
que les caractéristiques aïnoues se retrouvent dans le crâne de l’homme de
Cromagnon des gisements du quaternaire supérieur en Chine près de Pékin (Chou -kou- tien) et ont des affinités avec
l’homme de Chancelade et avec certaines populations blanches du Turkestan, de Sibérie et d’Hainan, les Ouigours pour simplifier. Le crâne de l’homme de Kennewick trouvé dans
l’Etat de Washington et âgé de 9000 ans, proche de celui des des Inuits, en est morphologiquement très proche. Bref,
parenté des Ainous, il y a
60 000 ans au moins, avec les Esquimaux, les Amérindiens et, selon
le Professeur Paul Avias, avec les Mélanésiens
de Nouvelle-Calédonie par l’intermédiaire des Gorounas.
Avec les rites funéraires les plus anciens caractérisés par
l’inhumation en jarre lapita, c’est l’île des Pins qui semble le plus
ancien établissement des gorounas en Calédonie, vers – 1200 environ.Les
Gorounas avaient transporté avec eux un petit python arboricole sacré, Engyralis australis, qui survit à Lifou
et qui a la particularité de se lover en entonnoir sur les branches et d’y attendre
la pluie afin de piéger les oiseaux assoifés. Son nom a servi par métaphore, à
désigner des atolls avec lagon central, évoquant l’entonnoir formé par le python (de ligoro,
on a par exemple Vanikoro).
La poterie
lapita, voir mon blog sur la formation des races en Amérique
et celui sur les pseudo-tarodières de Nouvelle-Calédonie et le riz de
Calédonie.
BIBLIOGRAPHIE :
Christophe Sand est la référence incourtounable pour
l’archéologie des poteries en
Nouvelle-Calédonie et dans le Pacifique, notamment dans :
Christophe Sand, Le temps
d'avant, la préhistoire de la Nouvelle-Calédonie, 1996, (ISBN 2-7384-3371-5)
Christophe Sand et Stuart Bedford, Lapita. Ancêtres océaniens/Oceanic Ancestors, Paris, musée du quai
Branly ; Somogy éditions d'art, 2010, 303 p. (ISBN 978-2-35744-028-9) : musée du quai Branly. Somogy éditions
d'art : (ISBN 978-2-7572-0367-5).
Les paléo-sibériens, 2 branches dont l’une descend vers le Cambodge et se métisse, donnant
les futurs proto-polynésiens qui peupleront l’Amérique, laissant en Amérique du nord le groupe
linguistique N’Deni apparenté à une
langue de N’Deni aux Santa Cruz du sud et en Amérique du Sud les groupes
linguistiques Chons et Yagans (les Yaghans parlant des langages parents des langues du nord de la Calédonie, les langues yuanga) et dont l’autre se
dirige vers le Japon, puis vers la Nouvelle-Guinée et aussi finalement vers
l’Amérique du sud (Valdivia , où l’on a trouvé des tessons de poterie lapita). La
génétique comparée de l’équipe de Svante Pãabo, de l’Institut Max- Planck, a
analysé (Nature, 23-30 décembre 2010)
l’homme denisovien, du nom d’une grotte
de Sibérie où a été retrouvé un doigt d’il y a 30 000 ans : cet homme
denisovien partage un nombre élevé (5%) de variations génétiques avec les
populations actuelles de Papouasie-Nouvelle-Guinée, donc avec les Papouas-
Mélanésiens.
Le mot «
mélanésien » est d’ailleurs loin d’être précis, sauf en géographie. En
politique il s’étend jusqu’à Timor et à la Nouvelle -Guinée. En linguistique,
le mot mélanésien est surtout négatif et sert à qualifier les langues qui ne
sont ni papoues ni australiennes ni polynésiennes ni micronésiennes ni
austronésiennes (malais et indonésien) ; aussi emploie-t-on plutôt le mot océanien aujourd’hui. En
anthropologie, le mot « mélanésien » englobe les Papouas et les
Aborigènes australiens ; la tendance actuelle est de parler d’australoïdes pour les anciens habitants
des continents appelés Sunda, Wallacea, Sahul (c’est-à-dire l’Australie et la
Papouasie qui étaient alors soudées), intégrant l’Afrique, le sous-continent indien, le Sud-Est
asiatique qui s’enfonçait profondément en Asie centrale, et le Japon, ceci il y
a 50 000 ans.
La
Papouasie-Nouvelle-Guinée (-1500).
Paul Rivet s’était attiré des quolibets incrédules
lorsqu’il avait parlé de blancs au pays des Papous, appartenant à la
même race que nous retrouvons au nord du Japon, les Ainous, aujourd’hui en voie
d’extinction par métissage. Or, au XIX è siècle, le capitaine Morrell ou plutôt son écrivain Jacobs
nous raconte une expédition à
l’intérieur de la Papouasie, dans Ramu Valley, faite pour tenter de trouver de l’or. Morrell
apprit, chez les Garia, d’un certain chef Bivartoo (voir Sir James Fairhead, The
Captain and the « Cannibal » p. 242) qu’une race de blancs, alors déjà éteinte depuis longtemps, avait bâti des cités
sur les rives d’un fleuve dans une
grande vallée, la Vallée de Ramu. C’est la même qui a exporté les poteries lapita,
l’élevage des poules et des cochons dans tout le Pacifique. Ces cités étaient en ruines à l’époque. Etrangement, la randonnée de Morrell laissa
dans la grande île papoue le mythe du dieu
Capo Moro (le capitaine Morrell !), en particulier chez les
Nuru. Ces derniers racontent que des visiteurs blancs remontèrent la rivière
Nuru, qu’ils étaient des esprits, qu’ils parlaient le langage des dieux et
qu’ils leur laissèrent des cadeaux qui venaient du monde des morts. Les
chercheurs de la moitié du XX è siècle, ignorant l’expédition de Morrell à
l’intérieur des terres, furent perplexes
et attribuèrent le récit à une expédition allemande intervenue 50 ans
plus tôt, concluant que décidément ces populations avaient une bien pauvre
notion, du temps écoulé ! On s’est aperçu très récemment que les populations de
Nouvelle-Bretagne qui fabriquèrent les poteries à décor géométrique en
Nouvelle-Betagne non seulement venaient de la grande île papoue, mais qu’ils y avaient vécu fort longtemps. C’est la très
forte éruption du mont Witori , vers – 1500, qui provoqua leur extraordinaire
diaspora.Ils emportèrent avec eux leurs technique du lapita et leurs techniques
agricoles.
Il n’est que
de consulter les reproductions du livre de Alfred Cort Haddon, The decorative art of British New Guinea, a
study in papuan ethnography, 1894, 279 pages, 12 planches et une centaine
de dessins, réédition numérique, pour mesurer la parenté entre les tessons de
lapita trouvés à l’île des Pins par exemple, et les reproductions des motifs
géométriques papous. Peut-être ceux-ci
furent-ils inventés en liaison avec les
cérémonies secrètes de la circoncision et de l’initiation.Mais ceci n’est
qu’une hypothèse (voir mon blog sur les pétroglyphesetnla circoncision).
Iles Bismarck, îles Mussau (nord), site de Talepa –kemalai , -1200.
On peut comparer le nom de Kaimalai et celui de Kanumera (de Kanmara)
à l’île des Pins, ainsi que ceux de Kampuchia (Cambodge, de kapukia)
et de Mapuchia (culture mapuche en Amérique du sud, où
l’on trouve sur la côte du Chili, à
Valdivia, des tessons de poterie lapita. Valdivia, de maldivia, est à rapprocher des toponymes cités plus haut , Maldive (de malaka +
divia) et Laquedive (de malaka, mal désignant les Ibères, aka
signifiant île, et dive signifiant seigneurie), de la côte des Malabar, où l’on reconnaît Myanmar et qui signifie les Hmongs
Ibères (Avars, Ouigours). Comme à l’île des Pins, où les trous de poteau
repérés par Luc Chevalier (voir ci-dessous) signalent des habitation sur
pilotis, on a repéré des habitations sur
pilotis sur ce site de Talepa –kemalai aux îles Mussau,ainsi qu’ aux iles Santa
Cruz (îles Nenumbo et N’Gamanie , cf Gomen et Gorouna, île Ticopia)
aux Salomon et qu’ à Bourewa aux Fidji.
Nouvelle-Bretagne
On a retrouvé des éclats d’obsidienne au
Vanuatu à Aoré (-1000), venant
manifestement de Nouvelle-Bretagne , et
des poteries lapita à Ouatom, de goromo,
par harmonisation vocalique de gorouna,
en Nouvelle-Bretagne.
Salomon
L’archipel Santa Cruz , Santa Cruz étant appelée aujourd’hui N’Deni, nom
qui évoque le nom d’un groupe linguistique d’Amérique du nord,recèle
des sites lapita à Nenumbo , à N’Gamanie
,et à Ticopia , en liaison avec des habitations
sur pilotis et avec des inhumationsen jarre.
Vanuatu
Je citerai Anatom dont le nom est identique
à celui de Ouatom en Calédonie et Aoré,
où l’on a retrouvé des fragments d’obsidienne
venant de
Nouvelle-Bretagne.
Nouvelle-Calédonie :
vers -1050, les Gorouna, Menehune ou Kanumera.
Le riz natif qu’on a trouvé à Poum et à Pouembout est un marqueur de ces
populations qui pratiquaient l’irrigation et l’agriculture. Ils ont pu échanger
leurs poteries avec d’autres insulaires,à Maré et à Ouvéa par exemple, mais celles qu’on trouve à Lifou, semblent
bien provenir d’une implantation au moins temporaire. Essayons maintenant de déterminer d’où vinrent
les diverses vagues d’immigrants gorounas en Nouvelle-Calédonie. En Australie, par
où ils ont passé, nous retrouvons, cités par Roheim, dans Héros phalliques et symboles maternels dans la mythologie australienne
,essai d’ 'interprétation psychanalytique d'une culture archaïque, p. 302, 304 et 305 : Nguamina à Palm-Paddock, Ungwamina chez les Aranda de l’Ouest (pétroglyphes de
la chenille), et le mot gorouna traduit par guérisseurs .
1) De N’Gameini, de karen-ni, aux Santa Cruz (Salomon) où l’on
trouvé le même type de poterie qu’en Calédonie, nous avons les noms de Paa (barama, birman) Goumène, Kaala (de parama) Gomen, Ouaménie, Cueménie;
2) de
Ouatom en Nouvelle-Bretagne , avec arrêt à Anatom ou Aneytum et à Eton
(de aneitom et de eiton) , à Vaté, au Vanuatu, puis
en Nouvelle-Calédonie à Ouatom,
à Tomo, à Koutomo . A rapprocher, aux Fidji, du site dit Tomo avec des grottes à Wainibuku ainsi que du site de Naigani (Cf. les noms N’Gameini
ou Gomen). L’on y
a trouvé aussi des restes du Mégapode noble, parent du Sylviornis caédonien de l’île des Pins.
Ils ont touché aussi Koné et l’îlot Koniene ainsi que Kunie, l’île des Pins, tous noms venant de Araukhanya qui
signifie la fraternité: à l’île des
Pins, le nom de Kanumera vient de kuna, pour araukanya
, la fraternité, et de mera ,
birmane .
Dans le nord, où on les appelle Gorouna sur la côte
ouest selon G. Paita et Menehune à
Pouébo, les archéologues ont trouvé des tessons à Pam, Arama (de Parama).
Dans le centre, le toponyme lapita a donné son nom à la poterie,
non loin de Koné (Foué) ; on retrouve des tessons dans le sud, à Ouatom
et à Tomo (de Ouatomo), Ouatom étant homonyme de l’île
de Nouvelle-Bretagne où l’on a trouvé de
la poterie lapita, île dont le nom a souvent servi à caractériser ce type de
poterie.
Mais ce qui nous intéresse le plus, c’est leur
implantation à l’île des Pins, à Kanumera, à Gadji, à Vatcha et à Saint-Maurice, en liaison avec les
habitations sur pilotis et avec les tumuli funéraires.
Fidji est
aussi une étape des artisans des poteries lapita, avec les sites de Bourewa,
Natumuku, Sigatoka à Viti Levu, où l’on a trouvé une petite volute endémique
des eaux entre Papouasie et
Nouvelle-Guinée (Amoria (Amoria) volva (Gmelin, 1791).
Tonga
et Samoa sont les derniers jalons dans le Pacifique.
En
Amérique du sud, sur la côte du Chili, près de Valdivia,
nous avons l’étape finale des
potiers lapita.Ils ont pu y arriver par mer. On a retrouvé sur les lieux des jarres lapita pour
inhumation secondaire.
La tombe des Gorounas en forme de pirogue renversée et
leur habitation sur pilotis et à double corne, imitant leur pirogue avec son double plancher, sa proue et sa poupe
A Ouatom, en
Nouvelle-Irlande, la poterie funéraire dite ouatom est associée à des habitations sur pilotis et à
des rites d’inhumation secondaire dans
ces mêmes jarres ouatom. On retrouve ces habitations sur pilotis à
Madagascar (Malombo), au Cambodge et à Célébès où, par exemple, le peuple toraja (altération de gorouna) a d’intéressantes
maisons sur pilotis et à double corne qui
imitent la proue et la poupe des pirogues, « en tombeau » pourrait-on dire par analogie avec la
forme de certaines commodes et …de certains tombeaux. On y appelle ces maisons des tong uma, de uma, maison, et de tong
ou pwang, à deux cornes : on a en Nouvelle-Calédonie Ouango, toponyme près de Voh, ou encore Manghine près de Ouégoa. Le nom de Kongouma sur la côte est est quasi-exactement celui de la maison
des Torubas aux Célèbes : tong ouma.
Aux Santa Cruz (Salomon), on a une île Nenumbo (de erre, deux, uma, maison,
et de ambo, à courbe, maison à double
courbe), également associée aux poteries
ouatom : elle est voisine d’une autre île appelée N’Gaménie
(Cf. en Calédonie, Paa Goumène, la Ouaménie).
Le nom de Nenumbo rappelle celui d’Erromango au Vanuatu. En Australie
centrale, près d’un lac, on trouve un quasi homonyme Erromanga. Il existe aussi au Vanuatu, à Santo, Narango, à Malekula Maragous,
à Malo Tamambo (pour tusa, deux, uma, maison et ambo, courbe) et Marango
à Païta,
A l’île de Pâques, dans la baie d’Anakena, où les premiers colons ont débarqué, on trouve des maisons en pierre
à double corne imitant la proue et la poupe d’une pirogue. Ce sont des maisons de type non polynésien et elles sont appelées hare
paenga, hare pour fare, maison, paenga signifiant à double pointe .Le pourrissoir, nous dit Alfred
Métraux dans L’île de Pâques, p. 189 , pouvait d’ailleurs avoir
également la forme d’un bateau.et la
tombe celle d’une pirogue renversée. Le corps principal du sanctuaire, appelé ahu (de aku, cf. akkoro, calmar
géant écarlate, dieu des Enfers) est flanqué
d’ailes inclinées qui se dépoyaient sur les côtés et qui, selon moi, rappellaient
la proue et la poupe de la pirogue qui doit emporter le mort vers le pays de
ses ancêtres, Le plan incliné qui menait
aux statues était constitué par un prodigieux entassement de blocs de lave et de gros galets qui
dissimulait des caveaux contenant un ou plusieurs squelettes. Cet amas de
galets, retenus par des dalles plantées verticalement, ce qui évoque les
sépultures djomon au Japon, se prolonge
par un espace pavé. Le nom de moai pour désigner les statues correspond à l’ainou mui, dieu , dans ka mui Akkoro, le divin calmar écarlate
géant., de liguro, le calmar enroulé.
L’habitation est construite
sur le modèle du catamaran monda aux Indes avec double plancher, c’est-à-dire un plancher à claire-voie qui
reproduit le plancher surélevé où l’on
mettait passagers et marchandises à l’abri des embruns, autant que faire se pouvait,
et un plancher inférieur, en contact avec la mer dans le cas du catamaran. Ce type d’habitation est répété dans le catamaran ou dans le praoh djomon,
car pour
les Gorounas, habitation, embarcation et
tombe doivent être bâtis sur le même modèle. La pirogue, personnelle, est sacrée et son prpriétaire veut s’y faire
enterrer comme le guerrier gaulois dans son char. C’est le plancher inférieur, en contact avec la terre dans la réalité, mais pour les Gorounas avec la « mer» à
travers des coquillages encore vivants, offerts en sacrifice, qui va recevoir le cadavre pour sa putréfaction. Seule
différence : le praoh est renversé
ou posé verticalement et démâté ou avec un mât qui s’enfonce dans la terre en
signe de mort.
Il est
intéressant de suivre à Nutt et à Pohnapé
en Micronésie, chez les Torajas en Indonésie ou au Vanuatu une cérémonie funéraire
voisine de celles qui se sont déroulées à l’île des Pins, chez les Kunie .
1) Ecoutons J. O’Connell qui, jeté par un naufrage en 1830
sur l’île de Nuut en Micronésie, s’y maria, fut tatoué et y resta cinq ans. Il nous y décrit les rites funèbres dans A
residence of eleven years in New Holland and the Caroline Islands, being the
adventures of James F. O’Connell (Google Books et réédition moderne), p.
186: « Le prêtre s’assied sur le tapis près de l’agonisant, les jambes croisées, se frottant les mains lentement
l’une contre l’autre, puis frottant ses
jambes alternativement, en poussant un cri guttural qui commence lentement « eeeah ! » et « oooah ! » et s’interrompt
lorsque les mains atteignent les genoux. La chambre de l’agonisant est toujours
remplie de monde et aussitôt qu’on le suppose mort, même s’il respire
encore, les assistants forment une pyramide de corps sur l’agonisant et se
jettent sur son corps pour l’embrasser ou au moins le toucher.Il y a
d’ordinaire une lutte furieuse et ceux qui sont derrière attrapent celui qui
est devant eux par les talons et le tirent en arrière.Durant tout ce temps un
gémissement sourd est poussé par toute la compagnie, un peu à la manière du keening des Irlandais. Avant d’enterrer
le mort, on le promène sur les épaules
devant toutes les cases de ses parents et amis pour prendre congé d’eux. Devant
chaque hutte, la procession s’arrête dix minutes environ et pousse le même cri
guttural : « eeeah ! »
et « oooah ! » La coutume
invariable est d’enterrer le corps avant le coucher du soleil.Le cadavre est
inhumé à trois pieds sous la surface du sol avec un rouleau de tapis.La saison
du deuil actif dure environ douze jours.S’il s’agit d’un homme, on, enlève une
pagaie de son canoë et on l’enterre avec lui ; s’il s’agit d’une femme,
avec son fuseau (spindle) ou avec sa
quenouille (distaff). On construit sur la tombe une petite hutte
où dorment les plus proches
durant cinq ou six nuits. Ensuite la
hutte est détruite .Les deuilleurs et deuilleuses se coupent les cheveux. »
Autre élément de la cérémonie,
un prêtre parade dans le village cinq ou
six nuits après l’inhumation, une lance à la main [cf. Halloween]
« Il y a sur l’île de
Nutt un cimetière.Il est situé au bord de la mer, si près qu’à marée haute il
est recouvert ; il est enclos d’un gros mur de pierre et empli de
cocotiers sacrés, dont personne ne cueille les fruits.La coutume est de planter
sur chaque tombe un cocotier et, en plus des godilles enterrées avec le mort,
de déposer sur sa tombe une ou plusieurs pagaies. Une fois par an, à marée
basse, les pagaies sont ramassées par
les proches, chacune par un descendant du premier propriétaire, et tous les
habitants de l’île font le tour de l’enclos. La procession n’a pas d’aspect funèbre ;
les personnes qui la forment sont décorées de fleurs, portent des habits de
gala et déposent des fleurs sur les tombes [C’est la levée dce deuil que
perpétuent pour nous le jour des morts
et le fait d’offrir des fleurs ou de déposer sur les tombes des chrysanthèmes].Cette
cérémonie est placée sous l’autorité des prêtres, qui marchent à côté des chefs
dans la procession.Ainsi chaque partie de leur conduite tend à respecter les
ancêtres.Le temps ordinaire du deuil est d’un mois environ et, durant cette période, il y a chaque jour une
heure fixée pour pleurer le mort, -celle
à laquelle le mort est décédé. »
2) Joseph de Rosamel en Micronésie
à Pohnapé (1840): « Dès que
[le défunt] a rendu le derniers soupir, on le place sur une natte
neuve…On huile amplement la natte …La fosse,
de deux pieds et demi de profondeur, a
été creusée dans la maison ou auprès. Le prêtre descend dans la tombe avec
une pierre à la main ; il pose cette pierre sur l’estomac du mort, pour
empêcher son âme de venir troubler les vivants. Le prêtre se retire en laissant
la pierre, et la fosse est recouverte de
pierres et de terre… Quand le mort a été enterré dans la maison, il n’y a
plus que le père, la mère, les frères et sœurs qui puissent entrer dans la
partie séparée où est la tombe. De temps en temps, ces parents vont visiter le
mort, ils enlèvent le plancher et ce qui
est sur le cadavre et le frottent d’huile, puis pleurent.Au bout de quelques mois, le
corps se trouve en quelque sorte embaumé, on le retire de la fosse et on le
place dans un coin de la maison où on le couvre de nattes.
J’ai cherché à voir des
cadavres ainsi conservés, mais .je n’ai pas pu en trouver.On dit qu’ils sont
parfaitement secs, sans aucune odeur, que les traits se conservent presque au
naturel, mais qu’au bout de deux ou
trois ans, suivant le soin qu’on en a,
les chairs tombent en poussière ».Extrait de Rosamel, Pohnpeï Micronésie 1840.
3) Chez les Torajas en
Indonésie le stade final est intéressant pour nous : une effigie, destinée
à représenter le mort et appelée tau-tau,
est exposée sur une sorte de balcon à l’intérieur de la maison. Le mot tau-tau est parent du mot djomon dogu
qui désigne une poupée en argile
souvent enterrée avec le mort pour le protéger. Le mot calédonien toghi
au sens d’amulette pour protéger ou pour envoûter lui est apparenté.
4) Au Vanuatu nous avons deux
exemples de rites funèbres liés à des populations proches de celles qui nous
intéressent :
1) Sur l’îlot corallien de Retoka au Vanuatu a été découverte une
tombe collective, la plus importante du Pacifique en raison de son mobilier et
du nombre d’individus inhumés : celle du chef Roy Mata.
Il est inhumé au pied de deux pierres dressées, avec, autour,
un cercle de coquillages, en compagnie de son épouse et de divers
représentants de clans qui, tous, furent enterrés vivants.
2) A la suite de la très violente éruption volcanique du Kuwae qui
fit disparaître l’ île du même nom , située entre Epi et Vaté, un rescapé, Ti
Tongoa Liseiriki, « fut inhumé près de l’ancien village de Panita, à Tongoa (Vanuatu), en compagnie de ses femmes et de
quelques représentants de sa suite.On entoura les corps d’un cercle de
coquillages et de dalles basaltiques, puis on planta quelques pierres dressées
afin de signaler la sépulture en surface, une fois les corps recouverts de
terre » (J. Garanger, « Tradition orale et préhistoire en
Océanie », Cahiers de l’O. R. S. T.
O. M., 1976, Série Sciences Humaines, vol. XIII, n°2, p.
147-161).
Voici le
scénario, tel qu’on peut vraisemblablement
le reconstituer pour l’île des Pins :
1) une maison sur pilotis est bâtie à l’occasion du
décès, où cohabitent, pour le
temps du deuil, les parents du
défunt et le cadavre ; la maison a deux planchers à claire-voie
et le cadavre est mis à pourrir sur le
plancher inférieur, à ras du sol, au-dessous
du second plancher, avec sur le cadavre des
coquillages encore vivants ;
2) au bout d’un certain
temps, une fois les chairs décomposées, les parents recueillent le crâne et le squelette, ils les placent dans une jarre lapita pour ce
qu’on appelle une inhumation secondaire.
Ils construisent ensuite un mât, sous la
maison, avec des blocs de coraux et des coquillages, puis brûlent à grand feu l’habitation sur pilotis et les coquillages
amassés. Ils édifient autour du mât,
formé de coquillages spathifiés, concassés et compactés, transformés en
chaux sous l’action de la chaleur, un tumulus qui imite la forme d’une pirogue renversée. C’est le cylindre de coquillages transformés en chaux qui constitue le
mât de la pirogue, renversée en signe de
mort. Ils mettent la jarre avec les
reliques au pied du tumulus ;
3) plus tard, intervient la levée de deuil avec transport
de l’urne funéraire au bord de la mer,
dispersion des restes dans l’océan et bris de la jarre sur la plage ;
4) éventuellement, un
substitut du mort en une matière quelconque : nacre, argile, pierre etc., le remplace sous la forme d’une « tête de
monnaie » conservée par les parents.
Si le conservateur du musée de Nouméa Luc
Chevalier a trouvé deux pieux de soutien dans l’un des quatre tumuli éventrés par ses soins, ce sont des pilotis qui appartiennent à une maison mortuaire sur pilotis.
Les monticules de coquillages de l’îlot Koniene.
J’emprunte à Max Shekleton
(Bulletin de la SEHNC, n°158, 1er tr. 2009, « « Walkabout
du 14 juillet 1941, sur l’îlot Koniene en Nouvelle-Calédonie, par Wilfred G. Burchett ») la description
suivante :
« Alors que nous traversions l’île vers la côte
faisant face au récif, nous avons rencontré des hectares et des hectares de coquilles en tout genre y compris
des huîtres, des bénitiers, des conques et bien d’autres coquillages qui me
sont inconnus, des monticules entiers
formés de masses compactées de ces coquillages. Mon guide [originaire de Lifou]
m’indiqua qu’on les trouvait jusqu’à une profondeur de deux mètres. Deux
mille tonnes ont déjà été prélevées pour
en faire de la chaux et l’impact sur
la ressource est insignifiant ; mon hôte [Jules Calimbre] est convaincu qu’elles représentent des
siècles d’accumulation alors que
l’île était un lieu de festins pour les indigènes se rendant au récif à marée
basse, récupérant les coquillages par pirogues entières et revenant sur l’île pour un festin et un
pilou- pilou… « Mais ce n’était pas seulement un lieu pour festoyer »,
mon hôte interrompit ainsi mes pensée. « Venez par
ici ! ». Et, en me retournant,
je remarquai un grand banyan. Nous nous en approchâmes lentement, les
coquillages s’écrasant en poudre sous nos pas. A l’ombre, sous les racines du
banyan, se trouvait une possibilité d’explication horrible pour ces
festins. Des os
blanchis y étaient éparpillés et, scrutant la pénombre, je pouvais voir les
orbites vides de crânes humains. Lisses, gris et polis, il y en avait à tous
les stades de conservation, certains dont les dents étaient intactes. Il y
avait des os de bras et de jambes, certains avec des traces de fractures. En
certains endroits, les racines et les branches avaient entouré les ossements
humains, -bien implantés dans le bois de l’arbre, -laissant supposer que les
corps avaient pu être placés sur l’arbre même. « Il y avait des
centaines de crânes quand je suis arrivé, mais les Javanais les ont dispersés
et jetés. Pas les indigènes. » Le guide de Lifou apprend au journaliste qu’il ne s’agissait pas de cannibalisme, mais
de tombes.
Il est gênant que les populations noires
appelées Tuas par G. Païta aient ravagé le site gorouna dont les monticules de
coquillages compactés sont le seul souvenir. En revanche, les squelettes à même
le tapis de coquillages ou déposés sur des arbres qui ont poussé par la suite
sont récents et sont l’œuvre de ces Tuas.
Au Japon : les dépôts de coquillages associés aux
tombes.
Chez les Djomons du Japon,
c’est sous le tumulus que se trouvent les ossements.
On peut songer aux kanjo dori qui sont des sépultures
collectives, d’une hauteur de 0, 50 à 5 mètres et d’un diamètre de 30 à 75
mètres ; le montant de terre est
estimé à 300 m² : il faudrait 25 personnes travaillant pendant 123 jours pour remuer cette terre en
provenance du puits funéraire voisin, un homme remuant 1 mètre cube par
jour .Ces tumuli sont associés à des dépôts coquilliers du Djomon final.
Il y a 14 kanjo
dori contenant de 1 à 21 puits
funéraires à Kiusu près de Chitose.
Au Japon préhistorique, à Terano– Higashi, on compte 127 dépôts coquilliers
(et 804 dans la région entière), nombre qui serait plus proche du nôtre :
300 à l’île des Pins. Il y a 1108 dépôts djomons au Japon: d’autres avancent le
chiffre de 4 000 mais en comptant des dépôts de période plus tardive .Les
archéologues japonais pensent qu’il s’agit au départ de détritus d’ordures qu’on
aurait transformés, au fil du temps, en tumuli funéraires.
A l’île des Pins, c’est à Vatcha,
qu’on a trouvé des poteries
lapita. Or, ce toponyme évoque le catcha
de Lifou, c’est-à-dire ces débris corailliens qui ont donné à Gaitcha (Lifou) son nom, et il est intéressant de voir assocées poteries lapita et débris coquilliers. Il faut décomposer les
mots Vatcha, Gaitcha ou catcha en un mot signifiant coquillage en djomon, kai, et un suffixe de collectif en
–ka : on a kaika, puis Gaitcha.
Les tumuli récents, œuvre des Tibawés.
Les quelque 200 ou 300 tumuli de l’île
des Pins ne relèvent peut-être pas tous des mêmes rites funéraires et certains,
plus récents, peuvent être l’œuvre, non des Gorounas, mais de leurspremiers
successeurs, les Tibawés, comme
l’indique aussi la présence de
pétroglyphes à l’île des Pins sur le pic N’Ga, pétroglyphes qui, selon G.
Païta, sont l’œuvre des Tibawés et non des Gorounas.
Les Tibawés , -gorounas métissés,- se sont installés assez souvent dans le
voisinage de leurs parents et devanciers, les Gorounas : ainsi ont-ils
fait à Koné avec les tribus de Tiaoué et de Cradji ou , sur la côte est , avec
celles de Tchamba. On trouve dans la vallée de Tchamba des tumuli qui
présentent, par rapport à ceux de l’île
des Pins ou de Païta, la particularité
d’être clos d’une enceinte de pierres circulaire. Les Tibawés avaient occupé
aussi l’île des Pins, où les toponymes
N’Ga et Gadgi (ces deux derniers
se retrouvant à Païta) en témoigneraient selon G. Païta. Il y a d’ailleurs
trois tumuli et des menhirs à Païta. Le nom de Gadgi
évoque celui de Cradji près de
Poya. Cradgi semble bien être
le nom
tibawé de ces monticules
préhistoriques de coquillages appelés kaizuka
au Japon et sambaqui au Brésil.
D’où viennent les mots gadji ou cradji. ?
Ills sont apparentés à l’aïnou kai,
coquillage, avec un suffixe de
pluriel ainou en –ki. Au singulier, sans
le suffixe de pluriel –ki, on a la forme N’ga (de kai), le pic de
250 m de l’île des Pins ou celui de
Païta étant comparés à un coquillage
pointu. A noter qu’il existe aussi des sortes
de menhirs à Cradji.
Un trou
figurait au sommet de certains tumuli, selon une indication orale recueillie
par Luc Chevalier. Ce trou aurait pu servir à planter au sommet de ces tumuli récents, au
demeurant très peu élevés, une perche, aujourd’hui disparue, dont le bout variait selon le sexe de l’individu,
phallique pour les femmes, en forme de
vulve pour les hommes : c’est ce qu’on retrouve dans les cimetières
ainous actuels observés par Ruffié et dans les cimetières
ouigours fouillés par les archéologues chinois dans le bassin du Tarim.
En effet, le fondateur de l’hématologie,
Jacques Ruffié, alla observer, en 1978,
les derniers Ainous d’Hokkaido, ces parents des Gorounas. Il note qu’à Nibutani les tombes sont surmontées
« d’un curieux poteau de bois dont la partie supérieure sculptée varie
avec le sexe du mort ».
De plus, au nord du Tibet, dans l’immense
désert de Taklamakan , des archéologues chinois ont eu l’étonnement de
découvrir une nécropole, avec des momies aux traits européens, aux cheveux
châtains et au nez long, datant d’il y a 4 000 ans et enterrés dans des bateaux retournés recouverts de peaux de vache , avec
un mât de bois situé à la proue , de 4 mètres de haut et dont la sculpture
varie selon le sexe : pour les hommes , le sommet est effilé,
symbolisant,selon les archéologues chinois, des phallus, tandis que , pour les femmes, le sommet serait
plat et peint en noir et rouge, évoquant
des vulves.On peut toutefois se demander si le mât renversé des Djomons n’a pas
cédé la place, chez les Tibawés, pour les hommes, à la godille (à la poupe du
bâtiment) permettant de se diriger dans
les eaux de l’au-delà et pour les femmes à la navette ou la quenouille,
attributs de leur sexe que les Chinois n’ont pas compris. O’Connell ; en
Micronésie décrit cette habitude en précisant qu’il s’agit de fuseau (spindle) ou de quenouille (distaff). Les couleurs noire et rouge rappelleraient les maternels et les couleurs
blanche et rouge les paternels.
La signification des poteries lapita, ces jarres funéraires pour uinhumation secondaire.
On peut suivre dans le Pacifique le trajet des Djomons :
ces hardis chasseurs de baleines partent
du Japon et, tandis que la branche qui
nous intéresse traverse le Pacifique, une autre, à une époque où l’Antartique
était de climat presque chaud, suit sur ses
praohs les cétacés qu’elle recherche,
et se dirige vers l’Amérique du sud .Mais les Djomons se sont aussi servi de bois ou de bronze pour leurs urnes funéraires.
Les grands
« tambours » à fente d’Ambrym,
au Vanuatu, pour garder leur appellation traditionelle, ne sont
aucunement des instruments de musique, mais des objets sculptés destinés à
recevoir, par leur longue fente
latérale, les restes du ou des défunts. Ils sont en bois local et
atteignent parfois 6 m de haut. Ils sont dressés en groupe sur la place centrale
du village. Pareillement, dans la
plaine des Jarres, au Laos, sur le plateau de Khorat en Thailande et au nord de
l’Inde, il existe d’énormes jarres de pierre avec couvercles (les cadavres semblent avoir été incinérés au
lieu de passer par un pourrissoir).
Les tambours de bronze de Pejeng à Bali et
ceux de Java, datant de 500 avant J. C. ,
comme les tambours en bronze du Vietnam
appelés Dong Son et qui datent de 400 avant J. C., sont également utilisés comme coffres
funéraires.Les motifs sont dignes d’être notés : des bateaux, des spirales
(stylisant la poupe et la proue d’une pirogue), des maisons. Relevons encore
les grands tambours en bronze moko trouvés à Nuss Tennggara (cf. le nom des blancs à Houaïlou, Pagara, de pa karen) à
l’est de l’Indonésie.
Les tambours d’Ambrym nous aident à comprendre
le sens des jarres lapita, car ce sont bien
des pirogues –tombes dressées
verticalement, comme si leur propriétaire, provisoirement, ne s’en servait pas, la fente représentant le
trou d’homme de la carène de la pirogue.
Au Mexique, certaines jarres funéraires sont
terminées par deux « pieds » qui sont en réalité les courbes de la
proue et de la poupe de la pirogue, ces deux extrémités finissant par se fondre
en une seule, comme dans les amphores hélléniques, terminées par un
« pied » qu’il faut enfoncer dans le sol. Elles ne peuvent reposer
sur la terre, n’ayant pas de fond plat, et elles doivent y être plantées par le
pied.
Un motif courant des poteries lapita consiste
dans des v ou guillemets qui se retrouvent sur les
poterie shan et qui, selon nous, représentent la déesse de la mort aïnoue Kamui Akkoro, savoir un calmar super-
géant écarlate (Architeuthis dux
Steenstruop 1857) adoré par les
Djomons.Ici les deux barres du V (à voir
avec la pointe en haut) représentent schématiquement les deux séries de 4 bras de chaque côté du
corps du calmar. Il n’est que de comparer avec les dessins d’Architeuthis, p.444, tome 2 dans B.
Heuvelmans, Dans le sillage des monstres
marins, Le poulpe et le kraken.
Nous
allons tenter de vérifier la couleur de ce calmar divin et colossal grâce au
livre passionnant de Bernard Heuvelmans sur les calmars, Dans le sillage des monstres marins, Le kraken et le poulpe colossal,
tome second, p. 298. Etant précisé que
ces monstres peuvent mesurer 20 m de long et peser 700 kg, voici ce que le
grand cryptozoologue écrit à propos de
la couleur qu’un observateur avait décrite comme un manteau
d’écarlate :
« Cette
teinte est familière à la plupart des calmars d’une taille exceptionnelle. En réalité il est impossible de définir la
couleur des céphalopodes, car ceux-ci, grâce au jeu des chromatopohores qui
garnissent leur peau, en changent avec une facilité surprenante.Ainsi les
poulpes , qui , à l’état de repos, sont d’une couleur gris verdâtre, marqués de
taches ou de mouchetures rousses, ont le corps parcouru de vagues multicolores
quand ils sont excités : toutes les nuances du rouge, du pourpre, du
violet et du bleu déferlent sur eux en un éclair et se fixent parfois en des
marbrures très contrastées...Parlant d’un calmar-flèche de la Méditerranée, Jean-Baptiste
Vérany écrivait : « Dans l’état de vie, ce céphalopode est d’un
blanc livide peu transparent, se nuançant de bleu, de verdâtre et de rose irisé
par des reflets argentés…Quand il a perdu toute vitalité, et que le jeu des
points chromatophores a cessé, sa couleur est d’un rouge brique uniforme. » Il n’est pas
étonnant que les calmars géants trouvés moribonds sur une plage ou à la surface
de la mer, -ou même leurs restes mutilés,- aient souvent été décrits comme d’un
rouge plus ou moins éclatant. » Tel est le cas au Japon, où akkoro (de ligoro, l’enroulé, parfois le serpent) désigne le calmar
super-géant, Architeuthis dux. .
Le
motif de l’ « œil qui pleure » si répandu à la proue des pirogues, comme
celui des « côtes saillantes » prises pour un signe de famine, me semblent
refléter les bras du calmar super-géant , comme le v des poteries
djomon .De même , certaines figures
géométriques des urnes lapita comme
celle du losange, renvoient
peut-être à des encornets qui ont cette forme losangique.
Ainsi, la jarre funéraire lapita représente une pirogue renversée ; ses anses éventuelles sont les courbes de la
proue et de la poupe, tandis qu’elle représente elle-même le ventre de la
pirogue.
Les inventeurs de la poterie préhistorique qui
précède la poterie lapita: une société de chasseurs-cueilleurs- pêcheurs, selon
Madame Habu.
Certes,
les fouilles dans une grotte de Chine ont exhumé des fragments de poterie de 20
000 ans (Science, juin 2012), dont on pense qu’elles servaient à la conservation
de la nourriture à une époque où celle-ci était devenue rare, l’époque de la
petite ère glaciaire.On en a trouvé qui sont datées de 18 000 ans et les
fouilles de Sibérie ont donné des poteries de 10 000 ans d’âge, mais certaines poteries djomon peuvent remonter
à 16 500 ans. Les poteries de Nouvelle-Calédonie et des autres sites de
Mélanésie ou de Polynésie sont beaucoup
plus tardives (-1000) et datent du Djomon final : la couleur rosâtre de certaines d’entre elles peut suggérer une influence de la nouvelle poterie coréenne (qui avait passé
du style Chulmun au style Mumun de
couleur rougeâtre) inspirant une mode
dans le nord-ouest de Kyushu.
Cette première forme d’art, qui semble être liée à la mort, est apparue chez un peuple
nomade de pêcheurs–chasseurs-cueilleurs. Suivons les Djomons à partir du
Tukestan chinois, du bassin du Tarim devenu par la suite un immense désert ,
où l’on a retrouvé un de leurs
cimetières, avec des momies et des poteries noires utilitaires portant des incisions et datant de – 2000 , analogues à
certaines poteries de l’île des
Pins. Nous retrouvons les Djomons à
Borasan et à la ville fluviale de Khotan ou Chotan, connue pour les poteries et
les bronzes qu’elle exporte jusqu’en Méditerranée et jusqu’en Chine, où certaines
poteries attribuées à la dynastie schang en proviennent peut-être : ces
poteries dites shan rappellent étrangement les jarres lapita par leurs décors
géométriques.
Marcel Griaule dans Les Saôs légendaires parle d’une
entrevue qu’il eut étant jeune avec le grand et déjà célèbre africaniste allemand Léo Frobenius ; ce dernier
lui décrivait le Chari du Cameroun oriental et lui recommandait de
s’intéresser à l’inhumation secondaire en jarre : « Dans les berges
de terre à pic, on voit des jarres enchâssées. Certaines se sont fendues et
dans l’humus dont elles sont pleines apparaissent des tibias et des fragments
de crâne. C’est une question du plus haut intérêt ; si vous passiez par
là, vous devriez creuser… » . Marcel Griaule écoutera ces conseils et ses fouilles feront sortir la cité Saô aux grandes urnes du
Tchad (où Djameina évoque pour nous N’Gameini,
comme le nom du Cameroun celui des Karen-ni et des Gorouna), ainsi que les
sépultures en jarre de Goulfeil. On connaît
pareilles sépultures en jarres, notamment aux Philippines, dans les
grottes de Tabon (jomon) ou dans celles
de Manunggi (maison à double corne,
de uma et de pwangi) sur l’île Palawan, où 78 urnes funéraires ont été retrouvées.
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