D’où vient le nom de
Tjibaou ?
La tribu isolée de Tiendanit
Ma mère étant née à Tipindjé et connaissant Ty
Venceslas, chef de Tiendanit et père de
Tjibaou, il était naturel que je m’intéresse à cette tribu voisine. Remarquons d’abord que ceux qui
parlent pamale comme les gens de
Tiendanit sont indépendants de toute
chefferie : faute de le savoir,
le conseil coutumier et Gabriel Païta, son président, se sont attirés de
sérieux ennuis, cf. Le livre
G. Païta témoignage kanak, de Cazaumayou
et Decker . Ce sont les
premiers habitants de la Calédonie, débarqués sur un îlot du Nord, Yandé, puis
émigrés jusqu’à l’embouchure de la Tiouandé et enfin réfugiés dans la chaîne à
Tiendanit.
Leurs
voisins , les Pinjés, ont d’abord été refoulés par les migrants
Hawekes de Pouébo (le nom de Pidjo ,
à la Conception, rappelle leur victoire
sur les Pinjés) comme en témoigne le nom
de Wé hava (de wé, rivière, Haweke) qui détrône l’ancien nom Tipindjé, de ti, rivière, et de Pidjé. Puis les tuas catholiques parlant pwamei
(tribu de Ouélis) et les pwamalé catholiques (tribus de Tiendanit et de Ouanache) les ont
pratiquement fait disparaître à la suite des événements de 1917, alors qu’ils
n’y étaient pour rien.
Leur langue est le pwamale,
de pwo et mong li, jadis parlé par les
habitants des grottes de la côte est, près de Touho et dans les tribus de Tiendanit et de Ouanache à Hienghène. Cette langue, comme le pwamei parlé à Ouélis qui n’est qu’ue
variante dialectale, fait partie du
groupe Na-Ndene en Amérique du nord, voir une carte de la
répartition linguistique américaine dans
Rivet, L’origine de l’homme. lMigrants
les plus anciens d’Amérique et ils se
sont installés, une fois franchi le détroit de Behring, fort haut dans le nord
de l’Amérique. Ce qui l’atteste, c’est l’implantation du
groupe linguistique Na-Ndene qui
est à rapprocher du nom indigène de l’île de Santa Cruz, Ndeni, et de Ti –N’danit en
Calédonie , peuplé de cousins proto- polynésiens originaires du littoral de
l’Asie. C’est le plus vaste des groupes linguistiques nord-américains, qui
s’étend depuis la côte arctique où il est contigu des Eskimos dont il est parent jusqu’au
sud du Mexique et qui comprend aussi les Tonguiens.
Tonguiens et gens de Tiendanit sont des protopolynésiens qui, d’Asie, ont passé
par N’deni aux Salomons.
Venons-en
maintenant à la signification du nom de
Tjibaou. Ce dernier avait raison dans sa polémique avec G. Païta sur
l’étymologie de son nom, voir le livre G. Païta témoignage kanak, de Cazaumayou
et Decker, p. 21, où Gabriel Païta interprète le nom de Tjibaou
comme se décomposant en ti ou tibawe =ethnonyme pour le peuple
arrivé de la mer+ ba=peuple et we, l’eau, donc Tjibaou comme l’appel lancé
au peuple Ti, « ou » étant
une onomatopée qui exprime l’idée du son émis en soufflant dans la conque.
Après que G. Païta, au cours d’une
émission télévisée, eut rendu publique cette interprétation, Tjibaou la
contesta, mais Gabriel maintint ses
explications.
En réalité, le nom Tjibaou
ou Tjubaou
est à rapprocher du nom tonguien de chef
militaire héréditaire qui a évolué
ensuite en chef religieux,comme l’atteste le nom de Thubaou, « l’un des premiers
chefs de cette île [Pangimodou près de Vavao] et que les naturels croient être parents de leurs dieux »
selon Dillon, voir La malédiction
Lapérouse, Journal de Dillon, p .785 , 796 et 807 et Rienzi, Océanie, tome 3 , sous les orthographes toubo-ou, toubou, toubo (+ hou, roi ); thubaou , tjibaou , le chef militaire -roi,
se
décompose en touba , sorcier, noble, +hou, roi, cf toubib, de l’arabe d’Algérie
thib, sorcier, toubab,
blanc en Afrique noire.
Dans
Rienri, op. cit. , p.117, le tableau
des principaux chefs de Tongatabou nous
donne les noms de Touboou
pour le district de Nougalofa, et Toubou- Néafou pour le district de Olong-Ha . Les noms génériques de chefs ont été pris pour
leur patronyme, comme toui- tonga.
Morillo
nomme Toubou un homme âgé de Vavao, chef de la famille des Toubo,
le même que celui de Cook (Journal de
Dillon, op . cit. , p. 81 et 108 . La hiérarchie était la suivante en1781 :
1 le touitonga, 2 les parents du touitonga comme Finau, son cousin ;
3 le toubou,
nommé alors Mari- Wagni, beau-frère de Poulaho et oncle de Finau, dont parle Cook, mort peu après son 3è
voyage, op . cit. ,Rienzi, , p. 81. Citons encore les noms de Toubo- toa et de Toubo
–tatai. La famille des Toubo
à Niokou-Lafa (Nougalofa) fut chassée par Finau
de Vavao.
Pour
compléter cette constellation sémantique, il faut rapprocher :
a)
le nom de l’île d’Opao pour la Grande Terre, conservé à Ouvéa et datant de la
première migration des Aveke en provenance de Papouasie (voir mes blogs), où le
coup de glotte initial s’est amuï, de Topao,
l’île indiquée aux migrants par le chef- prophète, la Calédonie, l’île du
prophète ;
b)
les Toupap haou terrifiants de
Gauguin et de mes amis polynésiens, redoutables et les haou
de Canala en Calédonie, sont les témoins d’une évolution
sémantique liée au culte des morts et
des ancêtres : toubab , chef
religieux , joint à haou, roi , donc
le chef -sorcier -roi des morts, a pris
le sens de fantôme persécuteur menaçant ;
c)
le mot polynésien tabou. Le nom de
Tongatabou est étonnant, voir Rienzi,
op. cit. , p. 45,
« Le toui -tonga ou souverain pontife, chef suprême, est issu des
dieux qui visitèrent jadis l’île de Tonga (mot qui signifierait l’est, le
levant), mais on ignore s’il eut pour mère une déesse ou une femme du pays. Son
titre toui- tonga signifie chef,
noble, seigneur (toui, cf . ti dans le nom même de Ti-endanit , qui signifie les nobles Ndanit ou dans le nom de Tye Venceslas) de Tonga, qui a toujours été regardée comme la plus
noble de ces îles, et celle où, de temps
immémorial, les plus grands chefs ont tenu leur cour, et où ils ont été enterrés
après leur mort . On qualifie aussi Tonga d’île noble , mais c’est par erreur que, sur plusieurs cartes, on l’indique sous le nom de Tonga- tabou, ce dernier mot n’étant
qu’une épithète qu’on y joint quelquefois. » Rienzi a justement comparé le
régime tonguien à celui du shogun,
maire du palais japonais près de l’empereur ou daïri , lequel shogun était appelé anciennement koubo, équivalent phonologique de toubo, chef militaire.
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