vendredi 25 août 2017

D’où vient le nom de Tjibaou ?

                       D’où vient le nom de Tjibaou ?
 La tribu isolée de Tiendanit
 Ma mère étant née à Tipindjé et connaissant Ty Venceslas, chef de Tiendanit et   père de Tjibaou, il était naturel que je m’intéresse à cette tribu  voisine. Remarquons d’abord que ceux qui parlent pamale comme les gens de Tiendanit sont indépendants de toute chefferie : faute de le savoir, le conseil coutumier et Gabriel Païta, son président, se sont attirés de sérieux ennuis, cf. Le livre  G. Païta témoignage kanak, de Cazaumayou et Decker . Ce sont les premiers habitants de la Calédonie, débarqués sur un îlot du Nord, Yandé, puis émigrés jusqu’à l’embouchure de la Tiouandé et enfin réfugiés dans la chaîne à Tiendanit.
Leurs voisins , les  Pinjés,  ont d’abord été refoulés par les migrants Hawekes de Pouébo (le nom de Pidjo , à la Conception, rappelle leur  victoire sur les Pinjés)  comme en témoigne le nom de Wé hava (de , rivière, Haweke)  qui détrône l’ancien nom Tipindjé, de ti, rivière, et de Pidjé. Puis les tuas catholiqueparlant  pwamei (tribu de Ouélis) et les  pwamalé catholiques  (tribus de Tiendanit et de Ouanache) les ont pratiquement fait disparaître à la suite des événements de 1917, alors qu’ils n’y étaient pour rien.
Leur langue est le pwamale, de pwo et mong li, jadis parlé par les  habitants des grottes de la côte est, près de Touho  et dans les tribus de Tiendanit et de Ouanache à Hienghène. Cette langue, comme le pwamei parlé à Ouélis qui n’est qu’ue variante dialectale,  fait partie du groupe Na-Ndene en Amérique du nord, voir une carte de la répartition linguistique américaine dans  Rivet, L’origine de l’homme.  lMigrants les plus anciens d’Amérique  et ils se sont installés, une fois franchi le détroit de Behring, fort haut dans le nord de l’Amérique. Ce qui l’atteste, c’est l’implantation  du  groupe linguistique Na-Ndene qui est à rapprocher du nom indigène de l’île de Santa Cruz, Ndeni, et de Ti –N’danit en Calédonie  , peuplé de cousins  proto- polynésiens originaires du littoral de l’Asie. C’est le plus vaste des groupes linguistiques nord-américains, qui s’étend depuis la côte arctique où il est contigu des Eskimos dont il est parent jusqu’au sud du Mexique et qui comprend aussi les Tonguiens.  Tonguiens et gens de Tiendanit sont des protopolynésiens qui, d’Asie, ont passé par N’deni aux Salomons.



Venons-en maintenant à la signification du nom de Tjibaou. Ce dernier avait raison dans sa polémique avec G. Païta sur l’étymologie de son nom, voir le livre  G. Païta témoignage kanak, de Cazaumayou et Decker, p. 21,  où Gabriel Païta interprète le nom de Tjibaou comme se décomposant en ti ou tibawe =ethnonyme pour le peuple arrivé de la mer+ ba=peuple et we, l’eau, donc Tjibaou comme l’appel lancé au peuple Ti, « ou » étant une onomatopée qui exprime l’idée du son émis en soufflant dans la conque. Après que G.  Païta, au cours d’une émission télévisée, eut rendu publique cette interprétation, Tjibaou la contesta, mais Gabriel maintint ses  explications.
 En réalité, le  nom Tjibaou ou  Tjubaou est à rapprocher du  nom tonguien de chef militaire   héréditaire qui a évolué ensuite en chef religieux,comme l’atteste le nom de   Thubaou, « l’un des premiers chefs de cette île [Pangimodou près de Vavao] et que les naturels croient être parents de leurs dieux » selon Dillon, voir La malédiction Lapérouse, Journal de Dillon, p .785 , 796 et 807 et Rienzi, Océanie, tome 3 ,  sous les orthographes toubo-ou, toubou, toubo (+ hou, roi ); thubaou , tjibaou , le chef militaire -roi,  se décompose en touba , sorcier, noble, +hou, roi,  cf toubib, de l’arabe d’Algérie  thib, sorcier,  toubab,  blanc en Afrique noire.
Dans Rienri, op. cit. , p.117, le tableau des principaux chefs de Tongatabou  nous donne les noms de  Touboou pour le district de Nougalofa, et Toubou- Néafou pour le  district de Olong-Ha .  Les noms génériques de chefs ont été pris pour leur patronyme, comme toui- tonga.
Morillo nomme Toubou un homme âgé de Vavao, chef de la famille des Toubo, le même que celui de Cook (Journal de Dillon, op . cit. , p. 81 et 108  . La hiérarchie était la suivante en1781 : 1 le touitonga, 2 les parents du touitonga comme Finau, son cousin ; 3  le toubou, nommé alors Mari- Wagni, beau-frère de Poulaho et oncle de  Finau, dont parle Cook, mort peu après son 3è voyage,  op . cit. ,Rienzi, , p. 81. Citons encore  les noms de Toubo- toa et de  Toubo  –tatai.  La famille des Toubo à Niokou-Lafa (Nougalofa) fut chassée par Finau  de Vavao.
Pour compléter cette constellation sémantique, il faut rapprocher :
a)  le nom de l’île d’Opao pour la Grande Terre, conservé à Ouvéa et datant de la première migration des Aveke en provenance de Papouasie (voir mes blogs), où le coup de glotte initial s’est amuï, de Topao, l’île indiquée aux migrants par le chef- prophète, la Calédonie, l’île du prophète ;
b) les Toupap haou terrifiants de Gauguin et de  mes amis polynésiens, redoutables  et les haou  de Canala en Calédonie,  sont les témoins d’une évolution sémantique liée au culte des morts  et des ancêtres  : toubab , chef religieux , joint à haou, roi , donc le chef -sorcier -roi des morts,  a pris le sens de fantôme persécuteur menaçant ;   

c) le mot polynésien tabou. Le nom de Tongatabou est étonnant, voir Rienzi, op.  cit. , p. 45, « Le toui -tonga ou  souverain pontife, chef suprême, est issu des dieux qui visitèrent jadis l’île de Tonga (mot qui signifierait l’est, le levant), mais on ignore s’il eut pour mère une déesse ou une femme du pays. Son titre  toui- tonga signifie chef, noble, seigneur  (toui, cf .  ti dans le nom même de Ti-endanit , qui signifie les nobles Ndanit ou dans le nom de Tye Venceslas) de Tonga, qui a toujours été regardée comme la plus noble de ces îles, et celle où,  de temps immémorial, les plus grands chefs ont tenu leur cour, et où ils ont été enterrés après leur mort .  On qualifie  aussi  Tonga  d’île noble ,  mais  c’est par erreur  que,  sur plusieurs cartes,  on l’indique sous le nom de Tonga- tabou, ce dernier mot n’étant qu’une épithète qu’on y joint quelquefois. » Rienzi a justement comparé le régime tonguien à celui du shogun, maire du palais japonais près de l’empereur ou daïri , lequel shogun était  appelé anciennement koubo, équivalent phonologique de toubo, chef militaire.

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