Les enceintes quadrangulaires de
Lanneray et les pratiques de l’agriculture gauloise en Eure-et-Loir.
Les champs de Mars gaulois, dédiés à l’équivalent gaulois de Mars,
Rudiobus ou Rudianos
et les enceintes de Dahmona ,la
déesse correspondant à Cérès.
La Nasa a publié en 2015 des clichés de géoglyphes découverts dans les steppes du
nord du Kazakhstan en Asie centrale, qui
datent du début de l’âge du fer en Asie,
de –800 par conséquent. Que sont devenus en Europe ces mystérieux géoglyphes vus également à Malte où ils sont
appelés Carl rut (carl en tokharien, langue
indo-européenne, signifie grain d’orge et rut
sillon), ces sillons sacrés pour
orge, présents aussi en Sicile, et qui
ont une longueur de plusieurs
kilomètres? On a trouvé en Touraine de très longs ensembles (plusieurs centaines de mètres en
ligne droite) de fossés et de talus multiples, en nombre variable, c’est-à-dire de sillons, d’une largeur de 8 à
12 mètres, en particulier en Forêt d’Amboise (2 endroits), dans la Forêt Bélier
(commune de Monnaie, dont le nom est
une altération de la déesse
gauloise Dahmona) et dans un bois situé
à l’ouest du champ de courses de Chambray. Jean -Mary Couderc , l’auteur de l’article qui les mentionne, « Les
enceintes quadrangulaires de Touraine », in Acres du 9 ème colloque de l’association française pour l’étude de l
’âge de fer, Châteaudun, 16-19 mai 1985, Editions Errance, Paris, 1989,
p.76 , évoque à leur propos le lacis de fossés et de talus devant la porte
des fossés de César à Nouzilly près de
Tours et cite son article de 1984 sur le sujet (« Les enceintes en terre
de Touraine (II) », Bull. Soc. Archéol. de Touraine, XL, p.
735-787, 11 figures, 21 photogr.) Parlant de l’enceinte du Chatelier (commune
des Hayes, Loir –et- Cher), il indique
que le sillon « qui fait le tour
de l’enceinte continue au lieu de
s’arrêter au point de raccordement et forme comme une antenne enserrant le grand talus, puis se subdivise de façon
complexe à proximité du chemin. »
Lorsque des archéologues parlent d’antenne,
il s’agit souvent du même
phénomène : à l’origine de ces enceintes, il y avait les sillons droits et
on a utilisé leur tracé pour constituer un côté d’une deuxième enceinte.
Ces enceintes, trop négligées, sont souvent appelées Camp romain ou Fossé de César et elles sont très nombreuses dans toute l’Europe celtique : Espagne,
Allemagne du sud, Lorraine, Calvados près de Coutances, à Lithaire (le
Camp romain , Lithaire venant de ridh
de Rudiobus tir (terre, cf . latin terra) ial [découvert], Touraine ,
nord sénonais, Eure-et-Loir , à
Lanneray et dans au moins six autres communes, comme Langey (Raimbourg , de Rudiabus , et la Mauguinière,métathèse de Gdahmona).
Bernard Robreau,
dans « Les dieux des Carnutes :
Mars, Jupiter, Apollon » in
Mémoire XXXIV-2, numéro 90, octobre
novembre, décembre 1990, p. 48,
s’interroge très justement : « Ne faudrait-il pas interpréter
les viereckeschanzen [en allemand,
enceintes à quatre coins, nom donné en
Allemagne du sud à ce type de géoglyphe défini , peut-être top étroitement ,
comme des « enceintes quadrilatérales à fonction cultuelle de la Tène
finale »], nombreux en pays carnute, comme des sanctuaires de campagne dédiés au Mars gaulois ? Cela
expliquerait […] leur fréquente
association par deux en forêt de Marchenoir, en forêt de Rambouillet (nom dérivé
de Rudiobus) ou même à Lanneray dans le
Perche dunois. » Et il renvoie pour Lanneray à son étude, B. Robreau
et A. Leroy, « Les deux enceintes quadrilatérales du Bois des
Goislardières à Lanneray (Eure-et-Loir) », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique
(=Actes du IX è Colloque AFEAF tenu à Châteaudun, en 1985), 1989)
ainsi qu’aux articles concernant Marchenoir
dans le Loir- et- Cher, plus exactement Briou et son lieu-dit Moncelon, et Rambouillet.
Examinons
les diverses enceintes de
Lanneray :
1) Les deux enceintes au nord de Lanneray.
A) La première
enceinte, la plus au nord, celle, selon
moi de Rudiobus et de la mort préalable
de l’orge ou de quelque autre céréale.
Le Bois du Chapitre de la carte de Cassini en1760 a repris son nom ancien : il s’appelait le bois de la Goislardière, attesté en 1609 comme le bois de la Guaschardière, en latin Gouherderia en 1217. Goislardière un nom commun qui se retrouve
dans la commune de Langey dans deux noms de lieux-dits (la Pièce de la Goislardière et la
Goislardière) et désigne la jachère, la friche. Le mot est d’origine gauloise et vient du gaulois gascarria
, avec influence sur l’initiale du latin vastum , lieu désert, inculte
, vastare, dévaster , où l’on
reconnaît le suffixe gaulois (tir)-iar ou ial [terrain découvert], donnant –ari + morphème a. Gaskarria signifie débranchage (cf . gaulois gansk-o,
branches) signifie débroussaillage.
Etymologie du gaulois goislardière dans le bois de la Goislardière
et du suffixe gaulois –dière .
D’où vient le d dans
Goilardière? Nous avons Gouaschardière en 1609 qui s’explique
aisément à partir du gaulois, gaskar + suffixe –dière venant par sonorisation du t en d de tir-ialo, dirialo, diaro. La forme latine de 1217, Gouher-deria vient de gous(k)ar -deria.
Quant à Goualardière en 1650 il s’explique à
partir de ga(sk)+ suffixe gaulois –(ia)lo donnant al, gou-al , + resuffixation en –ari donnant ar+ diera, goualardière . La double suffixation s’explique parce que la première
était si bien intégrée au radical gask+al,
gaskar, qu’elle n’était plus comprise comme telle ;. On
trouve mentionné ce nom en 1417 dans le registre des fiefs sous la forme
La Goislardière, en 1525 dans
la Charte du Chapitre de Chartres sous la forme Les Goaslardières, en 1609 sous la forme La Gouaschardière, en 1650 sous la forme La Gouaslardière, en 1686 sous la forme les Goueslardières .
Etymologies de noms voisins :
Gohory, Gohier, Goislard
Le gaulois gauharia signifie taillis, branches
coupées, d’où peut-être le nom de Gohory. Les régions de Goëlle [prononcer guoual ] et de Gohelle , de gauhari , cf . pour le finale le gaulois (tir-) ial ou iar , clairière, et les patronymes de Gohier et de Goislard, qui tous deux désignent au Moyen Age l'habitant de la Goëlle un
pays du nord de Paris , ainsi qu’une région naturelle du Nord de la France,
autour de Lens, qui s'appelle la Gohelle (de là le nom des Champs
–Picard,dans la commune de Châtillon-en-Dunois, tenus par un Goislard considéré comme
un Picard).
La jachère était une friche. Le mot friche,
au sens premier, est employé pour désigner un
endroit qui a subi un gros travail de déforestation, car ces géoglyphes sont l’aboutissement d’ un
processus complexe de défrichage de la
forêt primaire et de « triple
labour » en profondeur ,- dont témoigne le nom d’un site préhistorique voisin , appelé Montgasteau
(Saint-Denis –les- Ponts) où gasteau renvoie au mot latin vastum , désert , donnant, avec
un suffixe gaulois (tir,cf . latin
terra) –(i)alo , terrain découvert,
et donnant –ellum , d’où gast-el
et signifiant jachère , au sens premier d’extraction
des racines et des branchages, d’adjonction de cendre et de fumier, etc. ,
étant précisé que , depuis, la forêt a
repoussé et que, comme par hasard , c’est dans des forêts qui furent jadis
défrichées que l’on trouve le plus souvent nos mystérieuses buttes ou sillons .
Un hameau
faisant partie du hameau des Goislardières
qui prolonge le bois de la Goislardière s’appelait Barougerie, métathèse de Rudiabus , burudi-aria + suffixe gaulois en
–aria indiquant un terrain découvert; et il y avait aussi
une ferme dans la même commune de Lanneray, près du Coudray, mentionnée comme la Rougerie, attestée en 1618 et le lieu-dit la Marre en 1396 (du gaulois
mar, jument), donc Dahmona à côté de la Rongerye attesté en 1673, de Rudianos +
suffixe gaulois (tir)-iar(os),
donnant -aria, terrain découvert,
avec prolepse du n, rungerie, ce qui
suggère deux enceintes.
De même, à
Saint-Denis- les- Ponts, près de
l’emplacement actuel de l’église, existait un lieu-dit appelé Barougerie, de Rudiobus, correspondant
peut-être à la jachère de Montgasteau .
L’une des enceintes de Montgasteau devait à l’origine porter ce nom de
Barougerie.
Notons
aussi les Ridrets entre Lanneray et
Saint-Pellerin, mentionnés comme Radereium
en 1154, de Rudereium, de Rudianos+suffixe gaulois en aro, rudiaarrei+
um.
La jachère était, selon les croyances de l’époque, le lieu
où les graines mouraient pour pouvoir
renaître .Voltaire a raillé ce qu’il
appelait l’ignorance botanique du Christ lorsque celui-ci déclare dans Jean 12, 24: « si
le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais
s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Pourtant, le Christ se faisait là l’écho d’une croyance
populaire universelle et millénaire: le grain ne pouvait germer que s’il
mourait d’abord !
Il faut donc que la mort du
grain, condition de sa renaissance, soit
symbolisée, d’une façon ou d’une autre, pour les prédécesseurs des Gaulois,à
côté de la pierre dressée, ou, pour les Gaulois eux-mêmes , dans son équivalent en terre (les
crêtes des sillons) qui représente la germination du grain.
Or, le bois des Goislardières comprend une
enceinte au nord très bien
étudiée par B. Robreau, d’environ un hectare. Nous pouvons déduire du nom de goislardière qui signifie en gaulois la friche, la jachère, que
cette enceinte nord était dédiée à Rudiobus et à la mort provisoire de l’orge à
travers la jachère ou l’assolement triennal où l’orge semblait
dormir , être mort.. On peut en
déduire qu’un moulin n’était pas loin et,
effectivement, nous avons au voisinage la Haloyère.
La Haloyère est écrit la Haslougère en 1398, la Hallougère en 1630 et encore prononcé
localement la Halogère, de halogersta, littéralement sillon
(grec halow, elkos, ôlax et aulax, latin sulcus) à orge (gère,
à rapprocher du vieux haut allemand gersta).
Le mot qui signifie sillon est proche du
mot qui signifie meule, grec aleuron, farine, aleiar, aleô, moudre,
arménien aram. Sirona est la déesse du grain broyé et grillé,
mort avant pour renaître. On a peut-être retrouvé à Libouville les deux meules
du moulin, la grande portant d’ailleurs
des sillons. Il y a un fond de cabane gaulois derrière la Poterie,
c’est-à-dire à la Haloyère, et, la
prospection aérienne de A. Lelong ayant détecté la présence d’une ferme
« indigène » voisine, on est en droit de penser que les deux
enceintes méridionales ainsi que le
moulin étaient le sanctuaire de cette ferme carnute cultivant de l’orge.
B) La seconde enceinte consacrée à Dahmona,
la jument, avatar de Cérès et de Dahmona, et à la renaissance de l’orge.
La déesse
gauloise correspondant à la divinité
latine Cérès est Dahmona ou
Dahrmona , de dahm-ona , ona signifiant peut-être divin.
C’est
l ‘équivalent de Dèmètèr , hypocoristique Dèô en grec, + mètèr, la terre –mère, déesse de
l’orge germante, où dahm signifie la
terre. Le gaulois gdam , gam, ou dahm- , terre, est à rapprocher du sanskrit ksam , terre, du phrygien gdan
(grec chtôn) de l’irlandais du(n)
(accusatif don),
d’où en grec le dorien dâ et dans les autres dialectes grecs gâ, de gdâ, le latin humus, l’ avestique zam, le phrygien zémélô , correspondant au grec
kamèlos ou khthamalos, le latin humilis.
J’ai
insisté sur l’étymologie de Dahmona et
de Dâmètèr, parce que dahm renvoie à la terre, à la glèbe et que les pièces plus ou moins rectangulaires
qui nous occupent sont entourées d’un amoncellement de terre infiniment plus gros que la crête d’un sillon « normal ».Mon
hypothèse est que ce « sillon », au printemps, était planté d’orge ou
de quelque autre céréale ainsi que le champ qu’il ceignait. La butte de terre
était un talisman, comme le menhir pour les prédécesseurs des Gaulois, car ,
plus l’orge qui y était planté grandirait haut, plus les céréales plantées dans
le champ situé plus bas voudraient l’égaler en hauteur, par imitation
magique . Ainsi l’une des deux
enceintes de circulaires était-elle dédiée à
Dahmona et à la culture des céréales.
L’enceinte
Sud dédiée à Dahmona et à la mort de l’orge a été appelée
localement, comme souvent, le Camp romain, que la carte IGN aurait mal situé.
Mais, selon moi, il y avait un
autre « Camp romain », nous le verrons, là où la carte IGN l’a situé.
Villétain, mentionné en 1586, est à interpréter comme la ferme (villa) de la
Jument sacrée (gaulois eta , correspondant au latin equa, jument , avec un suffixe gaulois
de féminin, -ain. Le nom de cette jument, avatar de Cérès ou Dahmona, et la Guignarderie, sont les reliques de la destination de la seconde enceinte,
consacrée à Dahmona et à la renaissance
de l’orge.
Ces noms désignaient, non pas deux fermes précises, mais toute la région les environnant.
La Guignarderie , citée en 1417comme la Guignardière,
doit être rapprochée du nom d’un lieu-dit qu’on trouve à Langey, la Mauguinière , métathèse comme la Guignarderie , de gdahmona,
à partir de mogana + suffixe gaulois
–(t)er ialo donnant aria .
Quels
étaient les noms des différents éléments
de la butte qui entoure les enceintes ?
1) Le mot gouffre utilisé dans le titre de la Section G1 du
cadastre de Lanneray, dite du Gouffre,
ne signifie pas un abîme, un gouffre au
sens usuel (c’est en vain qu’on en
chercherait un). C’est un mot qui
désigne le sein de la terre, puis une
vallée profonde ou le creux derrière un
sillon, au pied d’une butte. Il est parent du
grec kolpos, pli, qui nous a
donné en français les mots golfe et gouffre,
du radical indo-européen kswolkw ,
gonfler, qui donne aussi luk , sillon.
La section du Gouffre signifie donc
la section du « sillon », du fossé qui entoure la butte si l’on préfère.
2) Autre
problème de lexicographie d’ancien français : le mot araignée, latin aranea,
correspondant au grec phalanx
(commune de Châtillon –en-Dunois, Libouville, vallée de l’Araignée ;
araignée désigne, semble-t-il, le billon , la crête au sommet de la butte
et par suite la butte elle-même.
3) Château , même localisation que
ci-dessus, n’a rien à voir avec château , du latin castellum, au sens courant , mais
désigne l’ensemble constitué par la butte elle-même et le fossé qui
résulte de l’extraction de terre pour la constituer et vient de l’ibère catella , sillons pour orge .
H. Leplège dans Lanneray
.Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits. Sa préhistoire, Amicale des
Anciens Elèves de l’Ecole de Lanneray, Châteaudun, 1991, p. 46,
écrit à propos du bois des Buttes de Lanneray : « Ce mot butte, naturellement, faisait penser à
la présence possible de tumulus ou d’une
autre structure archéologique A
l’endroit de ce champtier, il n’y a plus, depuis un bon nombre d’années, ni bois
ni butte, tout est nivelé et en cultures, sans vestige apparent quand le sol
est nu. »
En réalité,
le nom du bois des Buttes de la commune de Lanneray est une altération de (Ru)diobus , nom du dieu gaulois correspondant à Mars . En latin, Mars est l’héritier d’un archaïque Mavort-is
bien attesté, comme en grec nous avons Arès,
en éolien Areus. Ma signifie grand ; quant à awortis , il est issu d’une métathèse religieuse de arow-dhyos , arow se retrouvant dans l’éolien areus et dhyos de divos signifiant
divin. Le gaulois Rudiobus
s’explique aussi par métathèse à partir de arowdhivos
(avec dhivos , divin ). En breton, le nom du roi Artus ou Arthur
ou vient, quant à lui, d’une métathèse de
arowth , arthow-s.
Rudiobus ou Mars, le dieu de
l’assolement gaulois.
Rudiobus a
laissé en ancien français le mot réage ou roiage, de
ru(d)iabe . Roiage , selon le Lexique d’ancien français de Godefroy,
désigne une pièce de terre isolée des autres par deux [ou quatre ] profonds
sillons pour être assolée ou l’assolement en général. Il s’agissait d’une
pièce de terre identique à la précédente,
mais qui restait en jachère,
B) Plusieurs autres enceintes, indépendantes
des deux premières, existent à Lanneray.
1 Une
première enceinte, disparue, mais qu’on
peut restituer grâce à son nom, La
Monnetière, nom qui vient de Dahmona
, se trouvait au cœur du bourg de
Lanneray . A côté, on a la vallée des Serins, serin étant l’altération du nom de la déesse gauloise Sirona,
à rapprocher des noms du pain en
grec, sitos (venant de sidos, de sei-, graine, cf .la déesse latine des
semailles Seia
, et de dza, orge, grec zeia ), et du mot silo, seiros
chez Varron, 1, 57 ou en grec
classique siros, grange à orge . Cette enceinte disparue de la Monnetière était dédiée à Dahmona, à la vie, à la renaissance du grain dans le sillon et à
l’orge germant.
2) La seconde enceinte, plus au Sud, est dédiée à Mars-Rudiobus et appelée la Friche
des Bois de la Butte dans
la Section G1 du cadastre de Lanneray, dite du Gouffre. Le mot gouffre désigne le fossé entourant cette
enceinte au-dehors de celle-ci. Le mot friche
confirme que ce devait être l’enceinte consacrée à la jachère, à la mort provisoire de
l’orge, donc à Rudiobus. Le nom de Rudiobus
se retrouve dans le nom de bois des Buttes, des butte étant l’altération de (Ru)di(o)bu(s))
La prospection aérienne a permis à Alain Lelong de dresser en partie le plan de ces deux enceintes
: il s’agit, aux « Chemins de la
Touche », de deux enceintes
contiguës, dont l’une est trapézoïdale, non loin probablement d’un site appelé Le Moulin à vent. A cause des homonymes, je précise que le nom entier du chemin est chemin de Lanneray à la Touche. La Touche veut
dire un bosquet, aujourd’hui
totalement défriché, et elle figure dans
la section I dite de l’Eglise et dans la section O dite précisément de la Touche (champtier de la Touche), où se trouve justement le champtier du Moulin à vent.
Nous rejoignons
les conclusions de A. Lelong lorsqu’il écrit, p. 68, dans son article « Le problème des grandes enceintes du
sud de l’Eure-et-Loir », in Les Viereckschanzen et les enceintes
quadrilatérales en Europe celtique, op.
cit : « Il s’agit vraisemblablement d’un ensemble agraire ».
Il y évoque la présence d’autres enceintes à Conie -Molitard, à Alluyes, à
Neuvy- en- Dunois (Aux pièces de
Raimbert, cf. Rambeuil, de rubial, de
Ru (dio) bus + mots gaulois tir ial, terrain découvert), à Villiers-
Saint- Orien (Saint-Orien étant la christianisation de Ur(d)ianus, de Rudianus), à La Chapelle -du Noyer et à
Trizay -lès- Bonneval. Notons qu’à Trizay il y a la trace de trois moulins
comme à .Conie- Molitard (molitor désignant
en latin le meunier d’un moulin à bras).
Autres
enceintes.
A
remarquer, dans la section H dite de Touchémont , le nom du champtier de la Rouzannerie, qui garde le souvenir de Rudianos, le dieu gaulois, + un suffixe gaulois tir-ialo, terre (tir, cf .latin terra)
défrichée, donnant –aria, -erie, ainsi que le champ
voisin des Rougeaux, de rougel, de Rudi(anos)
+ gaulois -ialo, clairière, à rapprocher, par exemple, du nom de Ruillé- sur- Loir près du Mans et d’un
lieu dans la commune d’Ymeray avec un menhir, lieu appelé la Mère-aux –cailles ,altération de mark-(i)
alo, la clairière de la Jument sacrée.
Pour tenter
de déchiffrer les mystères de ces nombreuses enceintes, il nous faut étudier quelques données de la
toponymie.
Rambouillet, de Rambouil + suffixe diminutif -et,
dissimule un champ de Mars- Rudiobus, de Ru
(di) obus +suffixe gaulois –ialo, du gaulois tir ial, terrain découvert. Marianne Mulon, Noms
de lieux d’Ile- de- France, introduction à la toponymie, Editions
Bonneton,Paris,1997, p. 16, indique que le diminutif Rambouillet désignait un petit
Rambeuil, qui est attesté comme fief en 1244 et qui est englobé aujourd’hui
dans le territoire de Rambouillet. « L’enfant a dévoré le père ! »,
conclut avec humour la philologue.
Comme Rambouillet,
il nous faut citer les communes de Ruan ,
de Rudianos, de Bû (de Rudiobus, cf . le bois des Buttes , où l’on trouve la même altération du nom de la divinité), où
justement existe un fanum dédié à Rudiobus et fouillé depuis peu, Rueil-la-Gadelière (de Rudiobus) , etc.
Comme A.
Lelong, Alain Duval , le conservateur du Musée des Antiquités
nationales à Saint- Germain-en- Laye, avait fort bien vu la destination agraire des enceintes
quadrangulaires d’Europe dans
« Monde des morts, monde des vivants : qu’appelle-t-on
« sanctuaire » à l’époque de la Tène ? », op.
cit. ,
p. 164. Selon lui, les
trouvailles de Felbach –Schmiden en Allemagne, qui ont révélé des restes d’une
statuette en bois interprétée comme celle d’une divinité et surtout la présence de graines, invitent à
considérer certains enclos, non comme
funéraires, mais comme des sanctuaires
des vivants dédiés « aux semailles,
aux richesses » « et
s’adresseraient davantage à ceux qui travaillent le sol. ». Tel
pourrait être le cas également, selon moi, des Viereckeschanzen de
Lanneray.
A propos de
la statuette de divinité évoquée, on peut supposer que c’était la figuration
de Belena
ou Bellona de (ko )balain, à rapprocher du latin caballus, cheval, du grec kobalos, + suffixe gaulois de féminin –aïn, la Jument sacrée qui est un avatar
de Dahmona. Or, au Boulay, de (ko) balaïn pour (ko)Belena ,
la Jument sacrée, du gaulois cobalos, cheval, non loin du Bois des Buttes, se trouve
un simulacrum de pierre qui peut être celui de Belena .
Les visages de Belena.
On trouve le
même fruste visage :
-à Valainville (de Belena+suffixe féminisant –aïn et de
villa , ferme, dans la commune de Moléans) , sur la façade de la
chapelle ;
- à Bellenville
,de Belena + suffixe féminisant –aïn et de villa, ferme
,la ferme de Belena , dans la
commune de Saint-Denis d’Authou , sur le fronton de la chapelle de Saint- Hilaire-
des- Noyers (nouveau nom de Bellenville) . Dans cette commune existait
aussi un manoir de Blainville, de Belena
+ suffixe féminisant –aïn+ villa. Près de la commune de Cormainville, le nom de Bal des Dames de Blainville désigne, nous apprend Albert Sidoisne, dans Bonneval sur le Loir, p. 59), un
« vaste terrain semé de roches aux formes bizarres, parmi lesquelles se
trouvent plusieurs polissoirs, dont
un dit le Bénitier -du –Diable .
Simulacrum de Belena au Boulay (Lanneray)
( cliché de
Madame Yvonne Cochard).
Le
grand Boulay est situé près du Petit Boulay , anciennement appelé Crenne,
nom gaulois qui désigne des écuries et
vient de equirina, dérivé de equiria, qui désignait une course
de chevaux rituelle instituée en l’honneur de Mars-Quirinus.
Boulay, attesté boolai en 1209, même s’il a subi
l’attraction de betulacum, , lieu
planté de bouleaux qui donne également
boulaie , vient du gaulois
kobalos avec suffixe féminisant –aïn,
de (ko) balaïn , la Jument
sacrée, (ko)bolai. Le nom de la déesse gauloise
Belena, de ( ko)balina, jument, se
retrouve dans le nom de Bellême ou le
nom même de la Beauce , de belsama, toutes les deux.
Ajoutons
que le Tchèque J. Waldhauser a découvert
(op. . cit.,
p.49) un four avec des graines de
millet incinérées dans
l’ enclos
de Markvartice en Bohème celtique,
le pays des émigrants Boïens de César, vartice désignant le sillon à céréales en
langue celtique , souvent le sillon à orge, ici le sillon à millet , comme dans un autre enclos appelé Vazice en Tchéquie (op.
cit., p. .45) cf. Varize
en Eure-et-Loir. En grec, ortux,
attesté par Hésychius avec digamma,
vortux, comparable phonétiquement au vartice de
Bohême, de
wortuk-, confirmé par le sanskrit vartakah, par le grec ortugia , ou ôtugia, désigne la caille, c’est-à-dire,
étymologiquement, l’oiseau qui picore les grains d’orge (orge ,en indo-européen yew- qui donne en grec ug dans ortugia ) des sillons (vorth). Mark, dans Markvartice, renvoie à la Jument sacrée (avatar de Dahmona) chargée
de céréales, ici le millet. .
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