LES « PALETS
DE GARGANTUA » d’EURE-ET-LOIR ET DU CENTRE : LES TRACES D’UNE TRES ANCIENNE DIVINITE.
Illustrations : 1) carte
postale de la taula
des Baléares de Torralba ;Alayor cf.
grec homérique haleiar et La Haloyère , commune
de Châtillon -en-Dunois, lieu où l’on cultive, puis où l’on moud le froment
2) carte postale de la taula de Taliti , trilithe ;
3) photo du « palet de Gargantua » de
Nottonville , dilithe ;
4) carte postale la taula
trencada,
5) menhir du Chamizay en Indre- et -Loir trilithe ?;
6) carte postale du trilithe de la Grand- Jument de
Saint-Nazaire ;
7) statue de Gargamelle à Guernesey :
la Gran'mère (la Grand-Jument,
mere en celtique) du
Chimquière.
8)le visage de Belena , la Grand-Jument (cliché de
Madame Yvonne Cochard) au Boulay .
Nous connaissons Gargantua à travers l’œuvre
de François Rabelais, le protégé de
Guillaume du Bellay, sieur de Langey en Eure- et Loir, où existe encore une
maison dite de Rabelais à cause du médaillon dont elle est ornée, mais Rabelais
n’est pas le créateur du nom du personnage, car , en août 1532, à Lyon,
avaient paru anonymement les Grandes
et inestimables cronicques du grant et énorme géant Gargantua, republiées en 1988 dans Chroniques gargantuines, où le géant était rattaché à la légende celtique du roi Arthur , de Merlin et de la reine Guenièvre .
Un peu de mythologie d’abord : Démèter en grec ou Cérès en latin, sa fille Perséphone en grec ou Proserpine en
latin et la Grand- Jument blanche
(qui est l’avatar de l’une ou l’autre de ces déesses).
Selon la tradition, Mars, en grec
Arès, poursuivit Cérès de ses importunités. Celle-ci se métamorphosa en une grande jument blanche pour lui
échapper, mais Mars se transforma de son
côté en cheval de labour et il naquit de cette union deux enfants à
l’aspect de pouliche ou de poulain :
-une fille dont il était interdit de prononcer le nom
véritable et qu’on appelait
seulement la Jeune Fille, la Dame ou la Maîtresse, savoir l’épouse du dieu des morts , Perséphone (ce nom, venant
de Phorkus
–épon et signifiant la jument, éponè,
d’Orcus,
le dieu des enfers , ou Phorkos ;
-et un fils nommé Aréion qui tire son nom de son père Arès (Mars en latin), dieu grec
de la guerre .
Toutefois, l’engloutissement du sanctuaire de la Jument, Gebelg- ol Bahar, à deux kilomètres de l’île de Malte, près
de l’île de Gozo, ayant été interprété comme une manifestation
du mécontentement de Neptune ou Poseidon, le dieu de la mer et des mouvements
sismiques, vint modifier cette croyance :
on retira à Arès la paternité d’Aréion et de Perséphone pour en faire honneur à Poseidon, dans
l’espoir de l’apaiser et on interdit de surcroît de prononcer le nom de la
fille de Mars, Perséphone.
Cet engloutissement témoigne de la montée des eaux et du recul de
la côte lors du dernier maximum glaciaire,
à la fin du pléistocène, vers 9350, à 200 années près, av. J. C. Il est
contemporain de la submersion de l’île
de Pantelleria Vecchia, à 60
kilomètres au large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un
menhir de 12 mètres de haut, l’un des
pus anciens qu’on ait pu dater, datant de 9350, à 200 années près, av.
J.-C.
L’historien grec du VIe
siècle Hérodote (IV, 94) nous a
conservé le nom d’une déesse appelée Gebeleïdzis,
au nom parent de Göbekli en Turquie et Gebelg-ol sur l’îlot englouti près de Malte ,tous ces
noms signifiant le sanctuaire de la Jument divine, savoir un avatar de
Cérès : göbelkl est la forme
féminine du grec kobalos, en latin cavallus de kabalkos, qui nous a laissé m le français cheval. Or, phénomène de conservation très remarquable, c’est le même nom que nous retrouvons dans
le nom d’un menhir en marteau appelé
taula (stèle) de Minorque aux
Baléares :Cala (grande) Cavalleria, soit la Grand-Jument. . La jument ou plutôt la déesse Cérès, est associée aux
céréales et aux menhirs, si bien qu’ on retrouve ce même radical caballos désignant Cérès dans des noms de lieux préhistoriques riches
en mégalithes comme Gavarni , de kabalni, ou l’îlot
Gavrinis , de kabarni, en
Bretagne. La déesse gauloise Epona, au nom correspondant au du latin equina, jument, dont, selon Juvénal (Satires, VIII, v. 155), on
peignait l’image dans les écuries devant des mangeoires emplies d’orge est un
avatar de la déesse Göbekli ou de sa fille.
Les
« menhirs »
A) L’évolution
historique et typologique des menhirs : les faits.
Du nouveau sur les menhirs grâce aux
fouilles de l’archéologue Klaus Schmidt à Göbekli en Turquie et à son livre, Le premier temple (2015).
De 1995 à sa mort en 2014, l’Allemand Klaus Schmidt a exécuté les fouilles de Göbek-li en Turquie
et il a fourni le récit de ses
recherches dans Le premier temple,
CNRS Editions, Paris, 2015, 420 pages et illustrations. Il s’agit , selon lui ,du plus ancien temple de l’humanité, et il le date
d’environ -10000 ans ; pour nous, c’est l’apparition de curieux menhirs en marteau , que K. Schmidt appelle
menhirs en tau, taillés dans un seul bloc de calcaire
blanc lissé , et qui portent à leur
sommet une dalle horizontale dépassant des deux côtés que nous retrouverons aux Baléares, mais les
menhirs de Minorque appelés taulas (stèles , du latin stipula , tige du blé ou del’orge , [à rapprocher du latin stela] sont taillés en deux blocs
séparés cette fois.
De plus, grâce
à l’ADN végétal, on a pu remonter à l’origine
des céréales d’Europe et à leur domestication
il y a aussi quelque 10 000 ans :
une sorte d’engrain (de un grain, tandis que l’escourgeon a deux grains et l’orge quatre)
y
poussait à l’état sauvage et
cette céréale primitive est , encore
aujourd’hui , présente à l’état spontané dans la province de Sanliurfa , là où
se trouve le sanctuaire de Göbekli Tepe (tepe,
de tepe,en tokharien, étant
l’équivalent du latin templum , sanctuaire ). Or, l’ADN
nous révèle que cette plante
sauvage, est l’ancêtre de 68 céréales contemporaines ! J’ajouterai
volontiers : comme les menhirs en marteau du lieu sont les ancêtres des
autres menhirs des Baléares et d’Eure-et-Loir (à Langey , en Eure-et-loir, le
nom de Goespierre ,la pierre en forme de gouge, vient du nom d’un
instrument ,en latin , gubia , gouge, sorte de burin avec une
extrémité renflée) et contribuent à les
expliquer. Un menhir de granit de 25 sur
5 mètres nommé « la
Grand'Jument », à Montgothier, dans la Manche, commune d’Isigny -le
-Bruat, a été exploité de 1800 à 1803 par un carrier du nom de Ernest Poulnln,
qui détruisit en outre un autre bloc de granit à légendes du voisinage. D’autre
part, le nom de Cérès nous a encore laissé, en Turquie, le nom du site néolithique de Gurcu-tepe, le Temple de la Grande-Jument,
nom qui provient du nom de la déesse Gorgo(bina).Le nom de la commune corse de
Sarrola-Carcopino doit aussi être rattaché à Gorgobina.
Nous avons aussi , en Lozère , avec métathèse Cocurès de gorgo-, gogor-b(i)no, gogoreno,gogoreso et en Corse le nom
d’un site préhistorique fameux, Cucuruzzu, nom qui est lié pareillement à gorgo, gogor-b(i)no, donnant gogoruno, gogoruso, à rapprocher pour le s du nom de Carcassonne,
de gorgobina , gorgosina, korkosona , de sa voisine Trèbes , de gor(go)bina , g(o)re[ne]ve
et du nom de la ville italienne Gorgonzola, de gorgonsola.
La ville ancienne de Corbilo ,de Gor(go) bino , aujourd’hui
Saint –Nazaire en Loire Atlantique, doit son nom à cette déesse des moissons,
et ce n’est pas un hasard si c’est dans cette ville qu’on trouve encore de nos
jours un curieux « menhir ». C’est , avec le trilithe du voisinage, à
Saint-André- des- Eaux, dit le dolmen d’Avrillac , de (g) avrinak (de [k]abarni
, avec métathèse religieuse du k initial et r voyelle , abrinak, à rapprocher de
Gavrini) ,les seuls mégalithes identiques à ceux de Minorque
(carte postale de la taula
minorcaine de Torralba ,du latin
turris, tour, alba,de alibata cf .grec aliphata et alphiton
sur le thème de alphi, farine d’orge , donc tour à farine
, moulin, à Alayor cf. grec homérique haleiar
et La Haloyère , commune de Châtillon -en-Dunois, lieu où l’on cultive,
puis où l’on moud le froment, et carte postale de Saint-Nazaire )
que j’ai trouvés en France,
mais il peut en subsister d’autres , par exemple à Bonneval, on trouve dans la brochure d’Albert Sidoisne , Bonneval
sur le Loir, Bonneval, Edition du Syndicat d’initiative, 1965, p. 50 : à côté de Lormorice,
« un très beau polissoir, auprès duquel trois énormes dalles
donnent l’impression d’un dolmen effondré » (disons plutôt d’un trilithe).
A noter que le nom de la
ville de Binas dans le Loir-et-Cher
signifie aussi la Grand-Jument ,
venant de equina + suffixe augmentatif –sa, donnant pinas(a) , puis binas(a)
, cf. Gorgobina.
D’où vient le nom de Gorgobina, la déesse des Boïens citée
par César ?
Si le second élément se
déchiffre sans trop de difficulté, comme venant de equina, jument en latin, donnant
bina, en revanche pour gorgo -,il faut recourir à un radical
signifie géant, avec un redoublement expressif, l’ensemble voulant dire la
Grand-Jument. Ce radical car-nt se retrouve dans le latin grandis, grand , ou le génitif grec gigantos,
géant .
D’où vient le nom de Gargantua ?
Le mot tua désigne la jument
et se rattache au latin equa ,
jument, avec ensemble labio-vélaire où le kw est traité phonologiquement en t et amuïssement de la laryngale initiale, cf. ,
pour le traitement du kw en t, le nom de femme gaulois Etain, de equanina et le
surnom latin de
Epponina.
Quant à
Gargan- tua , où gargan , en tout état cause, signifie grand,
il correspond à une métathèse , dhargan, du
sanskrit gandhar-va , centaure(sse), grande- jument, à rapprocher du latin grandis, grand, de gandhar-is,avec prolepse du r
et sans redoublement initial , et du grec gigant-,
géant, grand, avec redoublement augmentatif :
gagant -, de
gargan(t). Pour –va, cf. latin equa
ou gaulois tua, jument, comme le u infixé après prolepse du grec
centauros, centaure (sse), seul reste de
tua . Le grec Centauros
correspond au sanskrit et se décompose en gandhar-u -os.
Le doublet originel et totalement non latin a été conservé dans le nom de la mère de Gargantua à savoir Gargamelle,
où -melle vient du basco- celtique mere qui signifie jument, l’ensemble
signifiant la grand-jument .
A Guernesey ,dont le nom
dérive de Gorgobina, il y a une statue qui représente Gargamelle avec sa
crinière , appelée la Gran'mère du Chimquière, où grand-mer signifie la grand –jument (mer) .
Simulacrum de Gargamelle
(Guernesey : la grand-mer, ou grand-jument )
Antérieurement, en
Eure-et-Loir, existaient des simulacra de
la déesse locale correspondante, na, qui
seretrouve dans le nom de la Beauce et de Bellême, de belsema, dont le nom vient par apocope de (ka)belksina, la Jument , par exemple
dans la commune de Moléans à Valainville
(de Belena et villa , la ferme de Belena) , sur la façade de la chapelle,
comme dans la commune de Saint-Denis d’Authou (anciennement de Bellenville, de
Belena, à rapprocher du nom du manoir de Blainville, de Belena et de villa). à la chapelle de Saint- Hilaire-
des- Noyers .On peut aussi voir le même
fruste visage dans la commune de Lanneray entre
Crenne, qui désigne des écuries
et vient de equirina, dérivé de equiria ,qui désignait une course de chevaux rituelle instituée en
l’honneur de Mars-Quirinus, et Boulay , de
Velay, de ( ka) belenaï(n), la
jument ; dans le voisinage, le nom de la vallée des Serins a été altéré à
partir du nom de la déesse gauloise de l’orge, Sirona (ci-dessous, cliché due à Madame Yvonne Cochard, tête trouvée au Boulay).
Simulacrum
de Belena , déesse de la Beauce (de Belsama)au le Boulay, commune de
Lanneray.
LES NOMS DE LA JUMENT
EN BASQUE ET EN LANGUE CELTIQUE.
Le mot mare,
jument, se trouve déjà sous la forme mel dans
le nom du « polissoir » cité par K. Schmidt, op . cit.,
p.298, près de Göbekli, en Turquie actuelle, Tell
(stèle) Qaramel (kara, grand ,
cf. latin grandis, la Grand- Jument,
à rapprocher du nom du Mont Carmel) . Il
est semble-t-il, d’origine basque et a
été très tôt emprunté par les langues celtiques. On trouve ce nom près de Nantes dans La Chapelle-Basse-Mer , où Basse-Mer est l’altération du basque basi-mari, la grand-jument, à Mer, dans le Loir-et-Cher , ainsi
que dans le nom de la grande divinité basque
Mari,avec les prénoms dérivé Marine ou Marin.
Ce mot se retrouve en
irlandais (marc) et en gallois (mark), avec la même signification de
cheval. L’anglo-saxon mere, jument, parent du hollandais merrie, même sens, du
norvégien merr, du finnois märä,
du haut allemand médiéval meriche et mare et du haut allemand moderne mahr (orthographié à tort aujourd’hui mähre) sont la forme
féminine de mearh, cheval ; au
masculin, on a l’islandais et le haut allemand ancien mar , le haut allemand médiéval march.
Marboué signifie les grottes de la Jument (les champignonnières de naguère).
On doit rapprocher de mar, jument, le nom du sanctuaire gaulois, mallus, lieu consacré à la
Grand- Jument. Doublet de Boisthibault,
dans l’Eure-et-Loir, Verdière, Paris,
1836, réédition des Editions de la Tour Gile, 1992, Dreux, p. 59, nous indique deux mallus : « Le
monument qui paraît le mieux conservé est un mallus, c’est-à-dire un
sanctuaire ou lieu préféré par la Divinité, qui se trouve dans la commune
de Vers -lès- Chartres, près du bois des Rigoles au-dessus de la vallée de la
Houdouane, près de l’ancien étang de Vers. On voit encore un mallus à peu de distance du premier, le
long des ruisseaux des vallées, entre Morancez et Corancez, en remontant vers
Berchères –les- Pierres. »
Albert
Sidoisne, dans sa brochure Bonneval sur le Loir, Editions du
syndicat d’initiatives, Bonneval, 1965, 64 pages, p. 59.
Les noms latin et grec de la jument, equa et coballa
Du latin equus , on a, avec le suffixe –ona,
qui signifie divine, le gaulois Epona
, déesse des chevaux dont l’image se trouvait devant leur râteliers pleins
d’orge, attestée par Juvénal VI,II, 157,. Il faut en rapprocher le grec hippos, cf Hippo, Hipponis, nom de
ville en Algérie, Bonne aujourd’hui, et à partir de caballa, de Cavaillon, de Caballodunum,
puis Cabellio
, Châlon-sur-Saône de Cabillo . On retrouve l’étrusque epona dans Persephona, de Phorcus epona , la jument (étrusque
epona) de Phorkus , c’est-à-dire
Proserpine, avec deux doublets dialectaux : Bellona , altération de Perséphona, de pels-(ep)ona , et le latin
Bellerophon qui se décompose en pers éphona devenant Pelséphona, puis, par rhotacisme du s intervocalique,
Bellerephon, Bellerophon .
Avec le suffixe –ina, qu’on retrouve dans le nom de
Chevaline,en Haute-Savoie près d’Annecy,on a , à partir du mot latin equa, jument , le gallo-romain bina , la jument, qui vient de equina , donnant quina , puis vina et pina
. On le retrouve dans Gorgo-bina, la jument d’Orcus le dieu des
morts, comme dans Proserpina
. bina, + augmentatif -se, la grand- jument, nous a
laissé le nom de la ville de Binas dans
le Loir-et-Cher : la grand- jument.
En somme, selon nous, la forme originelle des menhirs
comprenait, il y a quelque 10 000 ans av. J. –C, un « chapeau »,
d’une seule pièce avec le fût, comme à Göbek-li, en Turquie, puis comme à
Minorque des variantes en deux pièces, enfin en Normandie ou en Bretagne des
menhirs dérivés, le tout étant dédié à la Grand- Jument.
B) D’abord, un peu de
lexicographie : menhir, dolmen, demi- dolmen, trilithe ou lichaven .
Dans son Dictionnaire (1846 -1872), Littré définit le dolmen comme un
« monument formé d’une grande pierre plate posée sur deux pierres dressées verticalement, qu’on attribue aux
premiers habitants de la Gaule » et
il définit le lichaven (de ven, pierre
en breton, cf. peña en espagnol, et de licha,
triple) comme un « monument celtique formé de trois pierres, l’une plate
superposée sur les deux autres qui lui servent de support. »
A partir de la première définition, le demi- dolmen est défini comme un « dolmen dont la table repose à terre par l'une de ses
extrémités ».
Avec ces définitions officielles, on ne
s’étonnera plus de voir appeler « dolmens » les deux mégalithes
de Saint- Nazaire ou de Saint- André –des –Eaux, alors, pour nous,
que un dolmen est, formé d’une grande dalle plate posée sur une série de
pierres dressées qui le ferment
totalement sauf, éventuellement, l’entrée et que, génétiquement, il
s’agit de menhirs (à deux pieds).
Ces
définitions sont, on le voit, trop floues pour être d’usage
scientifique .Je proposerai donc d’appeler trilithes (ou en breton,
lichavens) les mégalithes composés de trois pierres: la dalle horizontale évoquant l’orge ancien mort, les deux dalle
de soutien les deux pousses souhaitées d’orge.
En ce qui concerne les demi- dolmens, négligés
à tort par les archéologues qui imaginent qu’il ne s’agit plus là que du reste d’un ensemble de pierres abîmées par le
temps et par les hommes, je les appellerai des dilithes (mégalithes composés de deux pierres), dont l’une est inclinée , représentant l’orge penchée sous le poids des épis ou
plutôt des grains d’escourgeon ou d’engrain (éventuellement figurés ,comme à
Minorque,à la taula de Taliti (voir
carte postale) par une pierre ronde
figurant un grain) et repose sur l’autre
, peu visible et écrasée sous son poids . Parfois, une pierre au sol
rappelle encore le grain mort.
C) Les hypothèses et tentatives d’interprétation des « palets
de Gargantua ».
Supra, ce sont
des faits, qu’on ne peut récuser. Mais maintenant commencent les
interprétations.
A quoi, d’abord, répondent les menhirs? La fonction première du
menhir : un catalyseur magique de la percée végétative.
James George Frazer, dans Le Rameau d’or, Balder le Magnifique, Ed. Robert Laffont,
collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .4, p. 98, donne cet exemple : « Dans
plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de lin dépendrait de celle des sauts des jeunes
gens. » A Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul (mot qui signifie plongeoir), qui est toujours pratiqué malgré les
accidents mortels et qui consiste à
sauter du point le plus haut, est censé faire pousser les tubercules des ignames d’autant plus profondément que le saut aura été accompli du plongeoir le
plus haut. En Nouvelle-Calédonie existaient aussi de précieuse pierres à ignames et pierres à
taros, sur lesquelles les sorciers canaques faisaient encore, il n’y a pas si
longtemps, leurs conjurations secrètes.
Ces pierres à ignames ou à taros étaient les équivalents en miniature de ces pierres
pour l’orge, le sésame ou le blé
qu’étaient les petits menhirs. Dans le
nord de la Nouvelle-Calédonie, à Arama, il existe même une quarantaine
de petits menhirs dépassant du sol de 60 cm environ : comme les plongeoirs de
l’île Pentecôte, ils sont censés
favoriser magiquement la croissance des
cocotiers. .
On retrouve en France des restes analogues de
superstition. Nos épis de
faîtage au nom symbolique reposaient sur la même croyance que, grâce à ces
talismans placés en hauteur les
récoltes croîtraient aussi haut que ces
ornements. L’érection d’un menhir avait ainsi
pour but de mimer analogiquement la pousse de l’orge ou de quelque autre céréale, de la stimuler et de la favoriser par magie
imitative. Frazer, op. cit, vol. III, Esprits
des blés et des bois, p. 26, écrit
du « Dionysos de l’arbre »
que « son image n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras
», imitant très grossièrement
l’arbre fruitier , ici le cep de vigne, qu’il s’agissait de faire
pousser par sympathie.
Le nom des menhirs est
souvent d’ailleurs révélateur de cette
destination agraire. Ainsi,
grâce à l’auteur latin d’un Traité
d’agriculture, Res rusticae (I, 48,3). Varron au Ier siècle avant J.- C, nous avons conservé le nom,
indéclinable, de la pointe de l’épi sans sa balle, qui est frit. La
Pierre Frite, avec ou sans le suffixe
–ske marquant le commencement,
était la pierre en forme
d’ épi naissant , et
elle a donné en Eure-et-Loir :
-les noms de la Pierre
–Xi--Frite (Xi , de axis, pieu , et de
frit , soit la pierre- pieu en
forme d’épi), nom d’un menhir , transféré par la suite à un dolmen de Boulay-
Thierry près de Nogent-le-Roi ,
-ainsi que Saint
-Jean- Pierre- Fixte (métathèse
de fit-ske
,,
fikste) près de
Nogent-le-Rotrou ;
- la Pierre
Fiche, de fit + suffixe -ske à
Alluyes . Ailleurs , on a la Pierre
-Fixte, la Pierre Fite, Peyrefitte.
On trouve aussi ce nom en Alsace dans le nom du
menhir de Breitstein, de frit -stone, la pierre -épi, ou en
Moselle, à Marty, dans
le nom de Frescaty, de frit-sk, -sk étant un suffixe de
commencement , -aty provenant du suffixe de ressemblance –ada,
–eida ou –eita, soit la pierre qui ressemble à une pointe d’ épi .Nous avons
le même nom à Toulouse, à l’hôtel Assézat (Musée Saint- Raymond) avec le menhir de Frescaty qui y a été déplacé
depuis Lacaune.
Songeons aussi
au nom de l’Afrique (le latin Africa désigne la seule Tunisie actuelle, qui est
précisément riche en mégalithes), de fritsk-a, avec coup,de glotte initial rendu par un a . Le nom est christianisé au masculin
à Saint- Affrique près de Millau, ou encore à
Saint-Affrique -du- Causse
à Gabriac dans l’Aveyron, et, dans le Tarn, à Saint-Affrique –les- Montagnes. Pour la Corse, il n’est
que d’invoquer le site préhistorique de Filitosa
(de frit-osa, lieu riche en menhirs), qui
donne aussi Frileuse en Eure-et-Loir, dans la commune de Péronville ou dans celle d’Orgères-en-Beauce ; pour la Sardaigne, Filigosa , de fri(ts)k
-osa ; pour la Corse encore, la Petra Frisgada (de frit- sk--ada) , la pierre qui ressemble à une pointe d’ épi, dans
la commune de Cambia ; pour les Pays-Bas, le toponyme de Frisia (de frit-sk-ia),ou Frise .Dans
l’Antiquité, le nom de la Phrygie,
de frit-skya en a gardé le
souvenir.
Citons enfin le mot basque
signifiant roche qu’on retrouve dans le nom d’un menhir peut-être disparu de Péronville, Puerthe,
de pugertha, pu étant à
rapprocher de l’espagnol peña, rocher,
et du celtique ven, de ben , cf . dun,
de dven, roche, et de (g)ertha, grains d’orge .
D’où vient la dalle qui surmonte les plus anciens
menhirs ?
Ce qui suit est évidemment très discuté, mais je me rallie à l’interprétation
qui suit.
. Le
grand secret des menhirs, ou la
problématique fondamentale de la représentation du blé ancien et du blé nouveau
dans les menhirs et ses diverses solutions.
Voltaire
a raillé ce qu’il appelait l’ignorance botanique du Christ lorsque celui-ci
déclare dans Jean 12, 24: « si
le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais
s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Pourtant, le Christ se faisait là l’écho d’une croyance
populaire universelle et millénaire: le grain ne pouvait germer que s’il
mourait d’abord !
Il faut donc que la mort du
grain, condition de tout, soit à
l’origine symbolisée, d’une façon ou d’une autre, dans le menhir qui représente
la germination du grain.
Frazer (op.
cit, vol. III, Esprits des blés et des bois,
p. 143) a distingué deux sortes de blé : selon lui, « Isis et son
compagnon Osiris [sont] deux personnifications du blé …. Isis serait l’ancien esprit du blé [le blé mort
) , Osiris le nouveau [le blé germant] » . Les Grecs identifiaient Isis à
Dèmèter et les Romains l’identifiaient à
Cérès. Frazer, dans op. cit. , vol .2, Atys et
Osiris, p. 471, cite Diodore de
Sicile (I, 14, I) qui, résumant les travaux aujourd’hui perdus de l’historien
égyptien Manéthon, attribue à Isis la découverte du blé et de l’orge. « On
portait en procession à ses fêtes des tiges de ces céréales pour commémorer le
don qu’elle avait fait aux hommes. Les Egyptiens, quand ils coupaient les premières
tiges, les posaient sur le sol et se frappaient la poitrine en se lamentant et
en invoquant Isis. On a déjà expliqué cet usage, continue Frazer, comme une
lamentation en l’honneur de l’esprit
[ancien] du blé, tombé sous la faucille, » savoir Isis.
Les solutions au problème de la figuration sculpturale de la mort préalable du
blé ou de l’orge.
On connaît la solution
utilisée à Gobekli en Turquie ou à Minorque, aux Baléares: placer sur le
fût du menhir une dalle qui symbolise le blé mort.
Essai sommaire de
typologie des menhirs ou comment
augmenter le rendement de céréales espéré.
Dès
l’origine, à Göbek-li en Turquie, l’efficacité des menhirs laissait peut-être à
désirer. Pour tenter d’augmenter le
rendement des récoltes attendues, les chamans imaginèrent de faire reproduire
dans le calcaire deux pousses d’orge,
imitant les deux grains propres à l’escourgeon ou orge sauvage , au lieu du
grain unique de l’engrain . Avec la représentation de ces deux pousses au lieu d’une seule, donc de
deux pieds pour le menhir, on espérait de la magie imitative qu’elle
aboutirait à la germination de plusieurs touffes. C’est ainsi que s’expliquent
de nombreux menhirs d’Eure-et-Loir, en particulier les « palets de Gargantua ». Même avec beaucoup d’imagination, on ne peut concevoir
comment les fûts droits de tels menhirs,
de forme plutôt conique , pourraient
être des palets , c’est-à-dire des pierres circulaires et plates, destinées à
être envoyée près d’un but. Palet
recouvre bien évidemment quelque chose
d’autre.
Etymologie du mot palet .
La balance à deux plateaux, dont l’un plus bas que
l’autre, se dit plastika en grec, lanx en
latin , et le mot balance vient de palancia , qui aurait donné en latin populaire bilancia, compris comme à deux
(bi) plateaux (lanx) .Mais plastika vient de plastigka, phalantx,
génitif phalangtos,comme lanx vient, par apocope, de (pha)lanx . Pour ce qui nous
concerne ici, le mot palet , qui ne
peut désigner une pierre plate et ronde à jeter le plus près du but, vient de p°la(s)t(ika), qui donne pelat, puis par métathèse vocalique palet. Citons aussi, dans le Tarn, le Palet du Diable à Alban. .
Ici insérer la carte postale du trilithe de
Saint-Nazaire et celle de la taula
Trencada
de Minorque (dont le nom est l’évolution phonétique du grec
trutanè, latin trutina ,
désignant une balance à deux plateaux, par allusion aux deux pieds du menhir et
donnant par métathèse trunata, puis corrompue par étymologie populaire en truncada, tronquée).
Le lien entre les menhirs français
et les taulas de Minorque est ici
avéré : une seconde dalle verticale,
un second pied qui symbolise une 2e pousse d’orge vient
assurer la stabilité de la dalle horizontale. Cet apport de stabilité est
peut-être la raison pour laquelle le procédé a tendu à se répandre, supplantant
la taula à pied unique.
.Je
proposerai donc d’appeler trilithes les
mégalithes composés de trois pierres: la dalle horizontale évoquant le blé ancien, les deux dalle de
soutien représentant les deux pousses
d’orge , et dilithes (deux dalles
seulement ) les « palets de
Gargantua » d’Eure-et-Loir, qui sont composés de deux dalles, dont l’une , inclinée , représente l’orge penchée sous le poids des épis ou
plutôt des tiges porteuses de grains
d’escourgeon (eux-mêmes étant éventuellement
figurés par une pierre ronde,
comme à Minorque dans le cas du menhir de Talati ) et repose sur l’autre restée droite , peu
visible et écrasée sous son poids . Parfois, une troisième pierre au sol
rappelle le grain mort , comme sur la photo ci-dessous du « palet de
Gargantua » de Chamizay en Indre -et- Loire.
Le palet de Gargantua à Chamizay en Indre -et- loir.
Sachant que ces prétendus « demi- dolmens » doivent, selon moi, être
rangés parmi les menhirs, les palets de
Gargantua du Centre sont des trilithes ou, très souvent, des dilithes.
.La magie imitative explique
ce nouvel arrangement : en représentant des tiges de blé ployées sous le
poids des épis, on croyait augmenter les probabilités d’une récolte abondante.
En France, nombreux sont les pseudo-
« demi- dolmens » qui rentrent en réalité dans cette catégorie. Alors
que, trop souvent, on parle d’effondrement,
en réalité la dalle a été inclinée dès l’origine.
Dans la région de Bonneval,
je relève, parmi les demi- dolmens signalés comme tels, l’un, p . 55, près d’Alluyes, appelé le palet de Gargantua, un autre, p. 57 près de Dangeau (la pierre dite du Breuil). J’ajouterai à Nottonville un autre « demi –dolmen » qui est un
dilithe , une forme simplifiée du trilithe de Minorque (Taliti) appelé aussi Palet de Gargantua (voir photo).
LE LIEN ENTRE LES SOUTERRAINS, LES DOLMENS,
GARGANTUA OU GARGAMELLE ET LA GRAND-JUMENT .
. Voir le Bulletin de la Société
dunoise n° 299 et 300, années 2009 et 2010, « Les souterrains de Beauce :
entre mythologie et histoire », par Michel Aubouin, p.60-68 et surtout p. 19-31
(2e partie, avec bibliographie). S’agissant de mentalités primitives
ou archaïques, il serait normal, me semble-t-il , pour l’interprétation
des formes particulières des souterrains
en liaison avec la circoncision, de faire appel aux livres de Geza Roheim, Héros
phalliques et symboles maternels dans la mythologie australienne (où il se trouve certaines
reproductions inspirantes) et de Bruno Bettelheim, Les blessures symboliques. La fécondité était le moteur de
l’idéologie préhistorique et qu’elle inspire les cérémonies d’initiation et de
circoncision destinées à faire des
adolescents de « vrais hommes » capables de perpétuer la tribu, de la
nourrir et de la défendre. Les dolmens
et les souterrains qui soustraient au soleil momentanément les jeunes ont cette fonction mystique, avec le dieu ou
la déesse à la fois de la mort, des enfers au sens païen et de la renaissance ; il faut rappeler
ici que la mort est, pour la mentalité
néolithique, la condition préalable de
la renaissance végétale. Ce dieu ou cette déesse survivent dans le nom de Gargantua. En Beauce, où le souvenir de
Gargantua, toujours monté sur sa grand- jument dont les coups de queue son terribles, a survécu,
jusqu’à nos jours, les souterrains sont appelés des fosses (La Fosse à Saint- Christophe) ou des croths (de grotte, du
grec du Nouveau Testament, cryptè, voûte souterraine, endroit caché) ; par exemple la fosse à Gargantua près de Vierville (à rapprocher de
Bavaria, le pays des Avars ou Boïens). « En général, le nom de Gargantua, nous dit Aubouin ,
article cité.,p. 28, est associé
à la présence d’un dolmen ou d’un menhir ». A Prunay -le- Gillon {Prunay vient de Proserpinè,
provo(r)vinè ) se trouve un dolmen
qui porte le nom de « pierre couverte ». A Noël, cette pierre
se tourne et laisse entrevoir l’entrée d’un souterrain. Les plus hardis peuvent
alors s’emparer du trésor qu’il renferme, mais gare aux amateurs dépourvus de
montre, car l’opportunité n’est offerte que pendant le chant de la Généalogie
de la messe de minuit. Passée cette heure, la pierre se referme et enferme en
son sein les curieux. » De même, à Pézy (Mont- Chenu) près de Chartres; à
Moléans (la Pierre- Coquelée) , à Montlandon ; ainsi que dans l’Eure, sur
la commune de Fains (de fanum,
sanctuaire de Proserpine) à
Martainville, au lieu-dit le « champtier duTrésor » etb dans le Loir
–et- Cher à Viévy -le- Rayé (Trou- du –Diable ) .
D’autre part, la référence au
cheval, ou plutôt à la jument sacrée, avatar de Perséphone, est constante, écrit Aubouin. , citant l’abbé
Nollent qui avait trouvé de nombreuses
fois, en fouillant les souterrains, des têtes entières ou des mâchoires
d’équidés qui y avaient peut-être pénétré pour des raisons rituelles. A Aunay -sous-Auneau , près de
l’église, un couloir creusé dans le roc
permet d’accéder par un escalier à une fontaine dédiée aux chevaux
. Il s’agit d’une cave en colimaçon,
dont la longueur ne dépasse pas quelques mètres. Mais l’accès en est interdit
par une grille fermée , car elle est sacrée.
Citons encore les souterrains
de la Chapelle-Saint- Amador (aux confins de la Sarthe et du Vendômois, commune
de Sougé), et à
Dennezé-sous-Doué dans le Maine-et-Loir. .
CERTAINS DOLMENS SONT LIES AUX SOUTERRAINS.
On affirme souvent que les dolmens seraient des tombes
collectives. Mais dans certains cas il est impossible, semble-t-il, que ce soit
une tombe de chef ou même une tombe tout court et qu’elle ait été
recouverte de terre; tel est le cas des dolmens installés dans le lit de
certaines rivières, comme celui du dolmen installé en plein milieu du lit de la Conie(une résurgence
selon les géologues), à Peronville. Le
nom de Peronville signifie la ferme (latin villa) du perron, de la grosse pierre, entendons ici le dolmen, et ce nom date au moins du XIIe
siècle. Voici la description (d’ailleurs inexacte) qu’en donne, Max
Gilbert dans Pierres mégalithiques (menhirs et dolmens) en Normandie, Guernsey
Press, Guernesey, 1956, p. 128 : « trois dolmens,
sous l’un desquels [il s’agit
du dolmen immergé ] jaillit une source ». Les deux autres
dolmens semblent avoir été détruits.
Peut-être étaient ils situés au lieu-dit Frileuse.
On l’appelle encore Pierre Saint -Marc,
christianisation du mot gaulois mar qui signifie jument. A noter q’une petite
allée découverte sur un terrain escarpé à ras
d’un ruisseau ,situé entre les Goislardières (commune de Lanneray) et la
route de Brou à Châteaudun, s’appelle
aussi la Marque en l’honneur de la
Grand- Jument. Le mégalithe de Péronville est analogue à deux autres dolmens
immergés ou quasi immergés.
Le dolmen immergé de la boire de Champtocé- sur- Loire (près d’Angers, Maine-et-Loire)
La boire est le nom dialectal donné à ce faux bras de la Loire. Le mot est à l’origine
le nom du dolmen immergé lui-même, mot gaulois désignant la jument et qui
n’était plus compris , savoir la mare, puis la mware, enfin la boire.
On a identifié sept blocs de grès, dépassant de quelques 12 à 40 cm au-dessus
de l’eau, et qui étaient inaccessibles sans entrer dans l’eau ou sans utiliser
de barque ; ils étaient situés à une quinzaine de mètres de la berge. .
Le dolmen immergé ou allée couverte de l’étang de Vaubuisson près du ruisseau la Romme
(Maine-et-Loire).
Citons encore une petite allée couverte voisine, celle de
l’étang de Vaubuisson plus qu’à moitié
enterrée dans la vase, submergée à la moindre crue de la Loire, et accessible à pied sec seulement en plein
cœur de l’été.
Le site mégalithique du Baignon
(où l’on reconnaît le mot bain, avec
suffixe –on, la petite baignade, du latin balneum)
dans la commune de Saint-Maur - sur-le -Loir en Eure-et-Loir, dont 4 dolmens
sont encore visibles, au bord du Loir. A Meuves, « dans les prés ou
buissons qui séparent la route du Loir et notamment à côté des ruines du Baignon, nombreuses pierres druidiques, dolmens et menhir », ;écrit Sidoisne,
op. cit, p.52.
Quatre noms de
dolmens euréliens renvoyant à l’initiation.
1Le nom de La
puce qui renifle à Fontenay –sur- Conie vient de puticellus , diminutif de putus, non initié, néophyte, jeune garçon de moins de 17 ans, terrorisé et qui pleurniche devant l’inconnu.
tCe nom constitue une référence à la vocation de certains dolmens : l’initiation des jeunes gens.
2 Le
nom du domen du Corbeau, près de Doué-la-Fontaine, commune de Louresse
-Rochemenier, dans le Maine -et- Loire, est de même nature. Le nominatif singulier korakos
, qui vient de kworakos, est
dérivé d’un mot parent du grec kouros,
diminutif korb-ellus , jeune homme, et on retrouve le même nom dans
l’ Odyssée, XII,
407, la pierre du « corbeau », korakos lithos, à Ithaque : c’est le
plus ancien nom de dolmen qui nous soit parvenu. L’incompréhension populaire a fait passer
du dolmen des Jeunes hommes, des futurs
initiés, au dolmen du Corbeau.
3 Le nom du Puy aux Ladres est intéressant parce
qu’il révèle le souvenir que le dolmen s’adressait à des jeunes qui n’étaient
pas encore initiés. Son nom est, en effet, l’altération de puy (podium, au sens de tribune, estrade) aux
jadres (du latin juniores, trop jeunes, les candidats à l’initiation, cf gindre, le plus jeune ouvrier boulanger
qui pétrit la pâte ) . Ce nom est celui d’un dolmen dont Sidoisne , op.
cit., p. 58, décrit ainsi la situation : « Conie.. .A la sortie
nord du village, prendre le chemin d’intérêt commun 111 7 qui traverse, puis longe la
Conie, dans un site très pittoresque et très caractéristique de cette étrange
rivière ; à 1 km 500, Fleuvarville ; on tourne à droite à 800
m ; s’engager dans un chemin vert qui, à droite, suit le bord du
plateau ; à 550 m, sentier à droite conduisant (100 m.) à une clairière
sur la lisière est de laquelle se dresse
un dolmen dit le Puits –aux- Ladres. ».
Dans la commune de Châtillon –en- Dunois subsiste, christianisé, le nom de Saint -Ladres (avec un curieux et ancien
pluriel) qui fait référence à un dolmen
disparu. .
Les données de l’anthropologie d’inspiration
psychanalytique des sociétés sans écriture, proches de celles qui ont construit
les mégalithes. .
Bruno Bettelheim, dans Les blessures symboliques, Tel, Gallimard,
Paris, 1962, p.141, décrit un rituel australien d’initiation et de circoncision
qui lui paraît « significatif quant à son simulacre d’existence
intra-utérine et d’émergence à la naissance : quand les garçons (des
Nandi, au Kenya) sont remis (de la circoncision), on célèbre la cérémonie kapikiyai. Au moyen d’un barrage, un
plan d’eau est délimité sur la rivière ; une petite hutte est édifiée (au
milieu de la rivière). Tous les garçons se déshabillent et, précédés par le plus ancien
(l’initiateur), ils rampent les uns
derrière les autres et traversent la hutte par quatre fois ; ils sont alors complètement submergés par
l’eau. »
Après cette dernière
cérémonie d’initiation, « il est permis
aux garçons de sortir et de voir des gens, mais ils doivent encore porter
des vêtements de femmes» (A. C Holls
The Nandi : Their langage and
folklore, The Clarendon Press, Oxford, 1909, p. 56). “La submersion,
continue Bettelheim, est, bien entendu, un cérémonial initiatique très courant,
analogue à notre baptême. Mais, dans le rituel nandi, l’immersion qui,
si souvent, symbolise le retour à la matrice ou la sortie de celle-ci se
combine avec un autre symbole de
l’utérus, la hutte[ou le souterrain].
De plus, les garçons sont tenus de ramper, ce qui signifie qu’ils
se rapprochent de la position foetale. Habituellement, la hutte qui
apparaît dans de nombreuses cérémonies initiatiques peut, en tant que symbole
maternel, être laissée de côté ; après tout, les initiés sont bien obligés
de passer leur retraite quelque part,
et la hutte est une habitation d’un usage commun. Dans le cas présent,
cependant, elle est véritablement dans l’eau, donc reliée directement à l’immersion [privation
de jour et de soleil] et à la reptation. On peut voir dans cette
association comme une tentative de recréer l’existence intra-utérine où
l’enfant est confiné dans un lieu sombre et exigu, entouré de liquide. Dans les
tribus australiennes, on voit, dans de nombreux détails, les hommes traiter les
initiés comme s’ils étaient
des bébés qui viendraient de naître. Par exemple, ils portent les garçons sur
leurs épaules comme les femmes portent leurs bébés. »
Il suffit de remplacer la hutte par la pierre
du dolmen entouré d’eau ou par la terre
du souterrain et l’analogie est parfaite.
On peut aussi
songer à l’épisode du pont sous l’eau
(encore appelé le pont de l’épée), où Lancelot,
pour rejoindre la reine Guenièvre (dont le nom est une évolution de Gorgobina),
doit franchir un pont submergé par des
eaux menaçantes avec au bout un lion et de surcroît , en lieu de
pont et sous l’eau, une lame effilée. On peut aussi songer au pont de Belhaven en Ecosse qui ne mène nulle part sauf à l’Océan et qui,
à marée haute, est complètement submergé. Dans Le Chevalier à la charrette,
d’après Chrrétien de Troyes, par Claude Duneton et Monique Baille, Editions
Albin Michel, Paris , 1985, p .
107 : « Enfin ils voient dans les ténèbres se profiler l’ombre
effrayante du pont….Vois l’eau perfide se dérouler en longs flots noirs qui
grondent avec fracas. Vois les cailloux
rouler et jaillir dans toute cette boue, et la force du torrent, et la
fureur des ondes qui semblent vouloir briser leur brune prison de terre.
. ; la même image leur est venue du
fleuve infernal dont on leur a parlé, du fleuve des morts, gardé, dit-on, par
des dragons [le lion , à l’arrivée du pont] » et, p.
152, « ils sont enfin arrivés au bord de l’eau grondante, là où le pont était planté. Mais qui donc
avait eu l’idée de construire pareille chimère ? Car le pont était sous
l’eau, et celui qui voulait passer devait entrer
jusqu’à mi-corps dans le torrent écumant et glacé. »
On est tenté d’adapter ce que
dit Bettelheim de la hutte au milieu des
flots aux souterrains beaucerons.
Tout ceci
confirme à nos yeux le rôle, tant du dolmen que du souterrain, comme lieu d’initiation, c’est-à-dire comme
lieu où l’initié, grâce à son initiateur, devient un homme.
La civilisation de la déesse Gorgobina liée
aux dolmens, aux menhirs et aux souterrains
répandue sur toute l’Europe par les Boïens.
A l’époque de César, les Boii
se situent entre l’Elaver (Allier) et la Liger (Loire), et leur
territoire répond à une partie du Bourbonnais. Ils tiennent leur lieu
d’installation du fait que la tribu des
Boïens, qui avait accompagné la
migration des Helvètes battus par César en -58, et au nombre de 32 000 guerriers, a été
confiée aux Eduens (en Bourgogne) qui
les installent dans cette région.« À la demande des Héduens, les Boïens
reçurent, à cause de leur grande réputation de valeur [souvenir du roi Boiorix,
un roi des Cimbres], la permission de s'établir sur leur propre
territoire ; on leur donna des terres, et ils partagèrent plus tard les
droits et la liberté des Héduens eux-mêmes » (Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules, Livre I,
28). César,op. cit., livre VII, 9,6, cite la ville des Boïens appelée Gorgobina, nom qui
signifie la jument d’Orcus. C'est sur ce territoire qu'est située la ville de
Gorgobina, cité qui, d’après Jules César, résista à Vercingétorix pendant
la Guerre des Gaules Localisée
dans la partie de la Gaule située entre la puissante tribu celtique des
Bituriges et celle des Éduens, la colline de Sancerre surplombant l'un des
rares endroits guéables de la Loire aurait intéressé Jules César qui y
sédentarisa ce peuple originaire de Bohême et qui laissa à celle-ci son nom,
les Boïens. On retrouve leurs souterrains annulaires dans la vallée du Danube,
à Pfaffensclag, Kleinzwettl, Watzendorf, et en Basse-Autriche, à Gross-
Eberhards, au nord-est de Linz, dans le sud de la Bavière et en Moravie
La
ville de Gordona, nom dérivé de
Gorgobina, « cité capitale » de ce peuple,
occupe aujourd'hui ce qui est devenu le quartier hors les murs de Saint- Romble
de Sancerre. []
Enfin, citons les Boïates d'Aquitaine,
au pays de Buch
(de
Boii)
en Gascogne, et de Boueysseix (de
Boiodes ) en Dordogne, où il y a un souterrain annulaire qui
doivent être une autre branche , arrivée avec la migration des Cimbres et
des Teutons de -110 .
Le
mot boïen , en latin Boii, vient de bovani, bavani, de Avar,
autre nom de ce peuple provenant du nom
des Ibères ou Avars, et se retrouve dans le nom de la Bohême, Bohiemum, ou Boiohaemum (d’où le français Boïen, en ajoutant que les Bohémiens
au sens de Romanichels sont censés en provenir), dans le nom de la Bavière,
qui signifiait d’abord la patrie des Boïens, de bavaria , Ce sont toutes régions où l’on trouve des
souterrains annulaires, dans la vallée du Danube, à Pfaffensclag, Kleinzwettl,
Watzendorf, et en Basse-Autriche, à Gross- Eberhards, au nord-est de Linz, dans
le sud de la Bavière et en Moravie, etc. A noter que, en Aquitaine, ils ont
laissé une ville, Boii, où règne le
peuple des Tarbelles, métathèse de avar-elli, var(a)velli. . Par ailleurs, des fouilles réalisées
à la fin du XIXè siècle, au sein d'un complexe funéraire sur le site de Certosa
en Lombardie, ont permis d'attester l'établissement des Boïens dans cette autre
région. Le corpus de sépultures, d'une remarquable richesse numéraire et
matérielle, a délivré des artéfacts archéologiques témoignant de l'origine
ethnique boïenne des défunts. La nécropole de Certosa est datée aux environs de
la fin du VI è siècle av. J. C. /début du
V
e siècle av. J.-C.[, démontrant ainsi
une évolution, simultanément géographique et chronologique, de l'implantation
boïenne en Italie du Nord[].
Citons
comme autres noms de villes ou de pays dédiés à la déesse Gergovie
de gorgobi(n)a, Genabum,d’une
métathèse de (gor) gobina , gonabum, Gênes,
Genua, de (gor)gebina
, gevina, puis avec métathèse genavia, Genève , latin Genava , Mont-Genèvre
, de grenève , La Trebie (de nagre[no]bi) , Trèves (de
gre[ne]ve ), Iéna, de (gorg)o(b)ina,
le nom grec féminin de la Corse, Kurnos, de gor(gobi)nos, le nom latin de la Corse,insula
Corsicana, métathèse de
gorgasina, etc.
« Comment expliquer
que deux paysans séparés par fleuves et montagnes entreprennent le même
ouvrage, l’un dans la vallée du Danube, l’autre dans le haut Bocage
vendéen [allusion aux souterrains annulaires de la Combe et du
Pin]? », se demandent des spécialistes des souterrains européens,
Jérôme et Laurent Triolet, respectivement docteur et agrégé, dans Souterrains
et croyances, Mythologie,folklore, cultes,sorcellerie, rites initiatiques,
Editions Ouest-France, Rennes , 2002 , 130 pages, p.65-88), p. 82.. Ils continuent en ces termes:
« Un lien de filiation pouvait les unir. La répartition du phénomène
souterrain annulaire en trois groupes
[80 souterrains annulaires d’un développé moyen de 16 mètres, en Moravie,
en France avec le groupe occidental dans
le sud du massif armoricain au Grand Bocage vendéen près de Bressuire, et le
groupe central, localisé dans le Massif central dans le Bourbonnais, notamment,
à Arfeuille, à Aurouër , à La
Font-Chenard, et à Marcillat dans l’Allier] suivrait alors la trace d’une migration partie
depuis le bassin du Danube. Les peuples migrants n’auraient creusé des ouvrages
que dans leurs régions d’installation, d’où des discontinuités dans la
répartition. ».
Ce que Aubouin a écrit des souterrains vaut
aussi pour les dolmens : « Si les souterrains de Beauce, dont l’inventaire reste à faire,
ont conservé leur aura de mystère, ce n’est pas seulement à cause des évocations qu’engendre le monde de
l’obscurité, mais c’est aussi parce que l’archéologie n’a pas réussi à en
saisir complètement l’objet. Les
Beaucerons, qui sont des gens rationnels et économes de leurs efforts, n’ont
pas pu creuser autant de caves et de cavités sans que cela ait eu pour eux une
utilité. C’est le sens de cette utilité
qui nous échappe en partie. »
..
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