MENHIRS, « PIERRES
DRUIDIQUES » ET « POLISSOIRS : LA NAISSANCE DE L’AGRICULTURE EN BEAUCE
La fonction du menhir, catalyseur
magique de la percée végétative.
James
George Frazer, dans Le Rameau d’or, Balder le Magnifique, Ed. Robert Laffont, collection
Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .4, p. 98, écrit : « Dans plusieurs
parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de lin dépendrait de celle des sauts des jeunes
gens. » Au Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul (mot signifiant plongeoir), toujours pratiqué malgré les accidents mortels
et consistant à sauter du point le plus
haut, est censé faire pousser les ignames
d’autant plus profondément que le
saut aura été accompli du plus haut plongeoir . En Nouvelle-Calédonie
existaient de très précieuse pierres à ignames et pierres à taros, sur
lesquelles les sorciers canaques faisaient encore, il n’y a pas si longtemps,
leurs conjurations secrètes. Ces pierres
à ignames ou à taros sont les équivalents en miniature des pierres pour l’orge, le sésame ou le blé que sont les menhirs. Dans le nord de la
Nouvelle-Calédonie, à Arama, il existe même une quarantaine de petites
pierres levées : elles sont censées favoriser magiquement la pousse des
cocotiers et, anciennement, chaque clan
avait la sienne, comme au Vanuatu chaque clan avait l’un des 56 plongeoirs.
On
retrouve en Europe des restes
analogues de superstition, par exemple dans l’Orne, avec le menhir de Passais qui,
au printemps, lorsqu’on entend le coucou
chanter pour la première fois, est une invite pour le passant agriculteur, s’il
désire avoir une récolte de blé abondante, à toucher le menhir de la main et à
tâter en même temps le « blé» » présent dans son porte- monnaie. Nos épis de faîtage au nom symbolique reposaient
sur la même croyance que, grâce à ces talismans, les récoltes croîtraient aussi haut que ces ornements. L’érection d’un menhir a pour
but de mimer analogiquement la croissance de l’orge ou d’une autre
céréale, de la stimuler et de la
favoriser par magie imitative. Frazer
(op. cit, vol. III, Esprits
des blés et des bois, p. 26) écrit du « Dionysos de l’arbre » que
« son image n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras
», imitant l’arbre fruitier qu’il s’agissait de faire pousser par
sympathie. Le menhir symbolise ainsi l’épi naissant et il fut à l’origine des différents ordres de colonne
de l’architecture grecque, ionique en particulier, dont les cannelures comparables
à celles des « polissoirs » rappellent
les
sillons, comme ces volutes, qu’on aperçoit déjà à Malte (voir la carte postale
du temple de Cérès à Malte), et qui
représentent les germes de l’orge.
Dans le domaine égyptien, obéliscos, obélisque, est un mot d’origine grecque renvoyant au blé
(bel, blé, +-iskos, commençant). Comme le djed,
avec les pailles successives de l’épi, dédié au blé originellement, c’est l’équivalent
égyptien du menhir. Il en est de même pour
la pyramide, mot également d’origine
grecque ou hittite , dont il faut rapprocher le grec pyros, froment, et ses dérivés : pyramis, pyramidos,
pyramide, qui a le sens second de gâteau
rituel de farine de sésame et de miel qu’on donnait à celui qui restait éveillé
toute une nuit et pyramous, pyramountos, gâteau
rituel de sésame ou d’orge qu’on donnait aussi comme prix d’une danse,
celle de la grue , consacrée à Dèmèter et qui annonçait l’époque des semailles..
Il faut rapprocher le génitif grec puramountos du
latin frumentum, froment, et le grec
pyros, blé, du latin far,
épeautre, le f latin correspondant à un p en grec. . Le pharaon qui dort dans la base de la pyramide est comme le grain,
provisoirement mort pour renaître. On peut leur appliquer ce que Charles Péguy, disait de la cathédrale de
Chartres :
« C’est l’épi le plus dur qui soit jamais
monté
« Vers un ciel de clémence et de
sérénité… »
Le
groupement des quelque 3000 menhirs de Carnac
appelle quelques explications. Il y a trois alignements séparés, appartenant peut-être
chacun jadis à une tribu : celui du Ménec, celui de Kermario et celui de Kerlescan. L’alignement du Ménec compte 1100 menhirs, rangés par ordre de taille
croissante pour représenter les différents stades de croissance de la céréale, depuis 60 cm de
hauteur vers le littoral jusqu’à 4
mètres pour le plus grand. . L’alignement de Kermario compte 1030 menhirs alignés sur dix rangées (peut-être une
rangée par clan), des plus courts sur
les collines aux plus hauts. L’alignement de Kerlescan compte 555 menhirs
partant de la rivière Crach et disposés
aussi des moins élevés aux plus hauts Dans ces trois ensembles existe ce
qui nous paraît, au premier regard du moins, une anomalie : à côté du
menhir le moins élevé, haut de 0,60 ou
0,70 cm, se trouve un menhir de 3 mètres.
Ce dernier sert sans doute de repère et de modèle pour la taille que doivent atteindre les
céréales. Ce »menhir « aberrant » de Kerlescan, comme le dolmen
de Gavrinis, présente de curieuses ondulations gravées qui, même si elles ont pu
être prises pour celles d’un serpent,
représentent en réalité les ondulations
de la moisson arrivée à maturité.
Il y a dix mille ans, la
révolution agraire et le sanctuaire de Göbekli Tepe en Turquie., ou l’apparition concomitante des premières céréales cultivées
et des premiers menhirs, ou menhirs en
forme de maillet ou marteau d’une seule pièce , dits encore menhirs en tau grec
à deux branches (T) .
Grâce à
l’ADN végétal, on a pu suivre les céréales d’Europe et remonter à leur origine il
y a quelques 10 000 ans. Bien avant le
changement de climat qui provoqua dans le
Croissant fertile, au nord de la Syrie, une désertification importante, poussait à
l’état sauvage une sorte d’engrain (de un grain, einkorn en allemand ;
l’escourgeon a deux grains,
l’orge en a quatre) qui est présent encore aujourd’hui sur le mont Karacadag,
dans la province de Sanliurfa . C’est l’ancienne cité de Hiérapolis , «
la ville sacrée » , où est né
Abraham et dont le pseudo-Lucien a
évoqué le temple dans La Déesse syrienne,
Altagartis, nom signifiant la déesse des sillons pour l’orge(cf le vieux haut allemand gersta, grains d’orge),ou Astarté ou
Astréa, ou Rhéa (de dhéa, orge ) .
Là se situe le sanctuaire de Göbekli Tepe. Or, l’ADN
nous révèle que cette plante
sauvage est l’ancêtre de 68 céréales
contemporaines !
Tépé signifie sanctuaire non couvert
d’un toit en phrygien, langue
indo-européenne faisant partie du groupe tokharien , plus
exactement enclos sacré, délimité par de curieux menhirs disposés en cercle .Le mot tepé est apparenté au grec téménos, enclos sacré, comme au latin templum
, désignant à l’origine un espace délimité dans le ciel., puis le même
espace sur terre, et pour finir, le
temple monumental. .
Quant à Göbekli,-, on retrouve ce nom à Malte pour un sanctuaire englouti à 2 kilomètres de la côte, le sanctuaire de Gebelgol
-Bahar, la jument chargée d’orge, métathèse de gebegol , de gobek+suffixe
de féminin –l voyelle et bahar en tokharien signifiant froment,
cf. le .latin far, grec puros). L’historien grec du VIe siècle Hérodote
(IV, 94) nous a conservé le nom de la déesse Gebeleïdzis (où
l’on reconnaît Göbekli avec un postfixe -dzis
signifiant orge , comme le grec homérique zeia, ,
C’est une déesse dont on a la variante thrace Zamolxis, de gabokldsis ,
et Hérodote attribue cette divinité aux Gètes,
peuplade Thrace installée sur le Danube, dont le nom est à
rapprocher de celui de l’orge, vieux haut allemand gersta, , du nom de la déesse latine des moissons Segesta,
, de segersta, semences d’orge ,ainsi
que du nom du Taygète, de gresta. , grains d’orge.
La mythologie a mythe nous apprend que Triptolème
inventa le triple labour ainsi que les
chariots à quatre roues, bien utiles pour tirer les énormes blocs rocheux dont
sont faits les menhirs. Son nom, signifiant celui qui laboure trois fois, vient
de tri, trois fois, et du radical qu’on retrouve dans le latin plaustrum,, de plauk-strum, chariot de labour, dans l’anglais to plough, labourer, dans le
latin plicô , faire un sillon, faire
un pli, et dans le grec plekô,
plier,. La jachère au sens premier consistait à préparer le sol à la fin de l’été
pour les semailles d’automne par un triple labour, de façon à en extirper les
racines. C’est une pratique des Gaulois de certaines régions de la Gaule, en
Eure-et-Loir notamment. Les Gaulois
appelaient cette action gacharia,
ce qui donne la galichère (Châillon-en- Dunois), de gasicaria, aussi bien que le nom du site de Montgasteau, de gaskariata,
colline gastellée, transformée en
jachère., dans la commune de Saint- Denis-les- Ponts, ou le bois du Gast à Châteaudun.
L’Allemand,
Klaus Schmdt a exécuté les fouilles de Göbek-li de 1995 à sa mort en 2014 et a fourni le récit de ses recherches dans Le premier temple, CNRS Editions, Paris,
2015, 420 pages et illustrations.
Que
signifie Göbekli ? Avec un
suffixe –li (ou –ni) de féminin (le sanctuaire de la Jument), il est parent du latin cavallus (de cavaklus), qui
nous a donné le français cheval,
et du grec kobalos ; il désigne
tout animal destiné à porter une charge, un onagre ou âne sauvage
originellement (l’âne a servi pour le labour et il fut le favori d’Apollon
lycien.), puis un cheval de labour. ,
ou destiné à porter une charge, d’orge
notamment. Le mot a été repris par
l’arabe al-gazal, qui a donné notre gazelle. La jument est associée aux
céréales et aux menhirs , si bien qu’ on retrouve ce radical dans des noms de
lieux préhistoriques riches en menhirs comme Gavarni (de gabalni,
la déesse Jument), l’îlot Gavrinis
en Bretagne, le dolmen de Kergavat à Plouharnel dans le Morbihan , et Cauro(ni).en Corse. La
déesse gauloise Epona, au nom parent
du latin equa, equina, jument, dont, selon Juvénal (Satires, VIII, v. 155), on
peignait l’image dans les écuries devant des mangeoires emplies d’orge, doit
être un réaménagement de la déesse Göbekli : le cheval portant les morts dans les
cortèges, il est naturel que la déesse
ait également des rapports avec le monde souterrain des morts,
Cérès ou Dèmètèr (au nom tiré de dhea,
qui signifie orge, la mère de
l’orge, cf. le nom collectif latin hordea, grains d’orge), toutes les deux déesses
de l’orge et du blé, transformées en
jument, et le rôle de Mars, originellement dieu agraire.
Le nom
de Mars, archaïque Mavors , génitif Mavortis
, vient de
ma , nourricier,
et d’une racine werkw, qui donne à la fois
un mot signifiant ligne droite,puis sillon,
orthos en grec, (cf Artémis Orthia , avec digamma attesté en
lacédémonien , première partie d’Arté-mis
et la déesse gauloise Artios,) et
plusieurs autres noms du sillon , en
latin sulcus, en lituanien welku, et en grec , aulax,
ou , à l’accusatif, ôlka. Son nom est identique à celui de la déesse irlandaise de la guerre, Morriggu , de ma,
nourricier, et de
urikw, sillon. Mars est l’ancêtre
des Romains comme celui des Marses, peuple sabin du Latium,
celui des Marrucins et celui des Mamertins. Le mot français malt, c’est-à-dire l’orge germée et séchée pour la fabrication de
la bière, vient de l’allemand Malze et,
comme vraisemblablement le nom de l’île de Malte
lui-même (ma arta), vient du nom du Mars
agraire, ma arts, qui signifie le sillon
(arts) nourricier (ma)..
Selon les traditions locales, Mars poursuivit Cérès de ses importunités.
Celle-ci se métamorphosa en jument pour lui échapper, mais Mars se transforma également en cheval de
labour et il naquit de cette union deux
enfants : une fille dont il était
interdit de prononcer le nom et qu’on appelait seulement la Dame ou la Maîtresse, savoir la femme du dieu des morts Orcus , Proserpine
ou Perséphone (de Pherks -éponè, la jument d’Orcus ou Phorkus), et un cheval nommé
Aréion qui tire son nom de son père Arès, dieu de la guerre grec.
Mais l’’engloutissement
du sanctuaire de la Jument, Gebel –Gol Bahar, au
large de l’île de Malte, vint modifier ces croyances. Cet engloutissement témoigne de la montée des eaux et du recul de
la côte lors du dernier maximum
glaciaire, à la fin du pleistocène, vers -8500. Il est contemporain de
l’immersion de l’île de Pantelleria Vecchia, à 60 kilomètres au
large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un menhir de 12
mètres de haut. Le raz-de-marée fut attribué à la colère du dieu de la mer Poseidon, et on retira à Arès la paternité d’Aréion et
de Proserpine pour en faire honneur à Poseidon, pensant l’apaiser, mais en
interdisant de révéler le nom de Perséphone. .
Les
mystères d’Eleusis furent consacrés à Déméter, la mère de l’orge, et comprenaient un concours « ancestral » dont on ne sait pratiquement
rien, sinon qu’il s’agissait d’une course de chars et qu’elle se déroulait en
octobre, avant les labours. Précisons que l’orge dont nous parlons est l’orge
d’automne, ou escourgeon, plutôt que
l’orge d’hiver. .Le mot escourgeon est
d’origine gauloise et vient de ksordeon, avec,
à l’initiale, une palatale à explosion
sifflante, équivalente à l’h du latin hordeum. , grain d’orge. Le
rituel romain du Cheval d’octobre, probablement comparable au concours héréditaire
des Mystères, son rapport à la moisson et à Mars sont étonnants
pour nous, mais ils sont bien établis.
Le rituel du cheval d’octobre à Rome nous montre le sacrifice d’un cheval sur le Champ de Mars avant les semailles. La tête du cheval sacrifié était garnie
de pains et sa queue était coupée, et
apportée au palais royal, donnant lieu à une compétition sur des chars entre groupes de quartiers différents. Cette
queue du cheval (il s’agit sans doute d’Aréion, le fils de la déesse du blé)
incarne la dernière gerbe de blé coupée,
dans laquelle les moissonneurs voyaient à l’époque la mort provisoire de la
déesse du blé, et toutes deux, la tête et la queue, sont offertes à Mars « en
vue de la germination des futures moissons », selon Festus au IIe siècle., cité par Georges Dumézil qui a étudié ce rituel romain mystérieux dans Fêtes romaines d’été et d’automne, Gallimard,
Paris, 1975, p. 145-157. Mais nous avons
plutôt suivi ici Mannhardt et son école, et nous nous sommes
librement inspirés de James Georges Frazer
et de ses Esprits des blés et des bois. Les Védas (-10000 av.
J. –C. selon Bâl Gangâdhar Tilak) décrivent un sacrifice du cheval (asvamedhi) qui présente de troublantes
ressemblances avec le sacrifice romain: la tête de la jument est offerte à
la reine, tandis que la queue, le ventre et les reins sont offerts aux autres assistants, et le prêtre offre à la
jument sacrifiée les restes de l’offrande d’orge de la nuit précédente.
Les nom les plus anciens du
menhir, évoquant la pierre en forme de maillet d’Asie mineure : le « scorpion ».
Il y a
des pictogrammes sur les menhirs en forme de maillet de Gobek-li Tépé. L’un
d’eux est un scorpion. En effet, le
scorpion était le nom des menhirs en forme
de maillet. . Ce nom nous renvoie au nom du maillet : en grec, sphura, en gaulois et en latin mal-leus . . Le grec sphura, marteau, comme scorpio, insecte dont la queue est
comparée à la double extrémité du marteau de l’antiquité, s’analyse en skorakw et le second élément a donné en
celtique lekw., marteau au sens premier, d’où mal-leus , marteau de
pierre , mar signifiant pierre.. Le nom gaulois du sanctuaire, mallos,
lieu entouré de pierres en marteau,
dérive de ce premier nom. Le mot gallois lech, dans crom -lech, désigne
ainsi à l’origine un menhir en forme de marteau , disposé en cercle (crom signifiant courbe).. Comme la
pierre qui dominait le fût du menhir était soigneusement creusée de nombreux
trous, le mot a donné le nom du liège, en corse
leccia.
Les
pictogrammes nous fournissent un autre nom pour ces menhirs en T. Il vient du nom
du fléau de la balance qui a servi de
métaphore pour désigner le linteau
horizontal surmontant les menhirs, savoir phalanx,
génitif phalangos en grec. Ainsi, Palaggio,
ensemble de menhirs, et paladini, les
menhirs, en Corse., ou bien à Alzon, dans le Gard, le nom du menhir Peyre plantade, qui remonte
à p
(ha)lang-ada, , la pierre qui porte un linteau..
A preuve,
les Pierres Planktes de l’Odsyssée (XII, 59—67), Petrai planktai en grec, -un singulier
ibère en –ai pris pour un duel - qui permettent de
confirmer la localisation de ce passage
de l’Odyssée, puisqu’on a retrouvé
sous 60 mètres d’’eau le menhir en cause, au large de la Sicile (lieu appelé Pantellaria Vecchia aujourd’hui, .de planktai herria, l’ancien pays de la pierre en linteau. Cela amène à
penser que les souvenirs rapportés à Homère dataient d’in temps où l’élévation du niveau de la mer avait laissé dépasser le
menhir qui était encore debout .Lorsqu’il disparut de la surface, son nom
fut réinterprété en pierre errante..
Les Pierres
Plantées sont devenues chez nous par incompréhension, les Pierres Blanches, par exemple à Pléneuf dans les Côtes-du-Nord, ou à Pietrobianchata à Antisanti en Corse, alors qu’il n’y a pas la
moindre pierre de couleur blanche en ce
lieu , C’est un ancien Petroplancado, une pierre qui porte un linteau.
En Eure-
et- Loir,sur le territoire d’Arrou, on a un lieu-dit Araigne,qui remonte à aranea,
phalanx en grec, araignée venimeuse,.Klauss Schmidt s’ étonne
de voir des araignées venimeuses représentées sur les piliers à tête en T de Gobekli, mais il s’agit d’un idéogramme
qui joue sur l ’homonymie araignée, arachna
en grec, et linteau, pharanx., homonyme aussi du mot filet, arkus, de rakw, les filets étant
également représentés sur ces piliers néolithiques. Aussi trouvons-nous en Eure
-et- Loir, sur le territoire d’Arrou, un lieu-dit Araigne, qui remonte à aranea,
phalanx en grec, araignée venimeuse et menhir à linteau.
Le mot palanx,
n’étant plus compris, a été rattaché au mot planta
qui, en latin, désigne la plante des pieds et
aussi, comme on se servait du talon pour planter les boutures, la bouture
elle-même et donné, par étymologie
populaire, la pierre qui ressemble à
une bouture (qu’on plantait en foulant le sol de la plante du pied et du talon), ou à une plante qui avait germé. .A
Stonehenge, on a le menhir du Talon,
Heel) Stone., peut-être le
pied de la plante représentée par le menhir.
Le nom
des menhirs.
Le nom
des menhirs, qui leur était particulier au départ, n’étant plus compris par la
suite, a passé indifféremment aux dolmens et aux pseudo-
« polissoirs ». Les menhirs
pouvaient s’appeler pierres droites,
pierres levées, pierres longues (en
breton menhir, de men, pierre, et de hir, longue), longperriers en Seine-et-Marne, pierriers, poiriers. Dans la région d’Illiers,
on a une Pierre à Gland
isolée, du latin granum,
le grain (cf. anglais corn, blé, gaulois Carnac), et on en avait une autre
à Morvilliers où le château du
Gland perpétue son souvenir. Mais
c’est le nom de l’épi, qu’il soit ibère ou indo-européen, qui a donné le
plus de dénominations, de nos jours
incomprises et très altérées.
Le nom donné aux menhirs par les
Ibères, habitants antérieurs aux Indo-européens (Gaulois, puis Romains) et bâtisseurs présumés
des mégalithes.
Grâce
à l’auteur latin d’un Traité
d’agriculture, Res rusticae (I, 48,3). Varron, au Ier siècle avant J.- C, nous avons conservé le nom ibère,
indéclinable, de la pointe de l’épi, frit.
La Pierre Frite, pour les Ibères,
est la pierre -épi et elle a donné en Eure-et-Loir la Pierre –Xi--Frite (de axis, pieu , et de frit ,
en forme d’épi), nom de menhir passé à
un dolmen du Boulay- Thierry près de Nogent-le-Roi , ainsi que Saint
-Jean- Pierre- Fixte près de
Nogent-le-Rotrou, la Pierre Fiche à Alluyes ; ailleurs ,
on a la Pierre
-Fixte, la Pierre Fite, Peyrefitte.
On trouve encore ce nom en Alsace dans le nom du menhir de Breitstein,
de frit -stone, la pierre -épi, ou en
Moselle, à Marty, dans
le nom de Frescaty, de frist-sk, ask signifiant pointe +épi+ suffixe
de ressemblance ibère -eida, donnant -ati , comme à Toulouse, à
l’hôtel Assézat, avec le menhir de Frescaty qui y a été déplacé depuis Lacaune. Songeons
aussi au nom de l’Afrique
(mot latin Africa , qui désigne la
Tunisie, riche précisément en mégalithes),christianisé au masculin à Saint- Affrique dans l’Aveyron et dans le Tarn, à Frigoso (de frik-osus), Filigoso en Sardaigne
, au site préhistorique de Filitosa
en Corse (de fritosa , riche en menhirs qui donne aussi
Frileuse
en Eure-et-Loir, dans la commune de
Péronville) , à Petra
Frisgada en Corse (commune de Cambia),
de fric-ada, , signifiant pierre en
forme de pointe d’épi avec suffixe de ressemblance -ada, aux noms de la Phrygie,
de la Cilicie (de firikia) ou de la Frisia (de frit-sk-ia, aux Pays-Bas).
Les noms de menhir d’origine
indo-européenne.
a)Le nom
indo-européen de l’épi, spica en
latin.
Spica donne, soit la Pierre -By (entre Charray et Moisy), soit la Pierre
Pique, réinterprétée dans ce dernier cas comme la Pierre Lance. Spicada, la pierre qui ressemble à un épi, a donné phonétiquement la Pierre
Piquée, visible derrière une grille à Montjouvin (Illiers). Mais le mot épi était paronyme en ancien français du
mot épieu, qui vient du francique speut,
ce dernier ayant donné le nom d’une céréale, l’épeautre, de spelta, germanique spiess. Le diminutif espiet, épillet, épi naissant, s’est confondu avec espiet, petit épieu, orthographié en Eure-et-Loir Epiais ou Epieds –en
-Beauce et signifiant pareillement la Pierre- épi
naissant à l’origine.
b) L’épi sans sa balle.
Une racine
religieuse désignait la tige sans la balle et elle se retrouve dans le latin culticula, nom , dans la langue augurale
, d’une baguette de bois sacrée , sans
son écorce, employée dans les sacrifices à Rome. De là le mot couteau dans la Pierre- couteau, c’est-à-dire la pierre épi, et dans le nom de Coltainville,
la ferme (villa) de la pierre- épi (coltain); mais par confusion avec le
latin cultellus, qui donne couteau au sens d’instrument de cuisine tranchant,
nous avons aujourd’hui, au pluriel, la Pierre aux Couteaux.
c) L’épi avec sa balle
Un radical ak- désignait la pointe de l’épi
lorsqu’elle était encore enveloppée de
sa balle de paille. En latin, il donne acus,
de akuks-, collectif acuculus qui nous a laissé en Corse Cucuruzzu, nom d’un autre site préhistorique fameux, venant de cucur-
osus, riche en pierres- épis, Cocurès
en Lozère.. De acucula, on a le
mot français aiguille qui, au début,
garde son sens premier (aiguille de pin)
avant de prendre le sens moderne d’instrument métallique utilisé pour piquer et
pour coudre, avec ses connotations de
magie noire et de maléfices. Ainsi le
nom de menhir pierre aiguille renvoie-t-il d’abord à l’épi de blé ; mais le mot
n’est plus compris et on a au pluriel la pierre
aux aiguilles avec sa connotation d’envoûtement.
De acu- et du gaulois blato, désignant toute céréale, le blé en particulier, on a Ecublé, qui désigne un menhir,
aujourd’hui encastré sous le mur du
cimetière (commune de Tremblay -les-
Villages) ou avec man désignant le sésame (grec sèsamôn) ou le millet (radical mel ou man) Ecoman à Viévy -le-
Rayé dans le Loir-et-Cher.
La confusion des mégalithes,
notamment des menhirs, et des pseudo-« polissoirs ».
Le nom
de pierre au tambour a été transféré
d’un « polissoir » à un dolmen de Conie – Molitard. A l’origine,
le « polissoir » était appelé pierre –lyre.ou pierre –tambour. L’arabe
al- tambour désignait une sorte de lyre ou de cithare, un
instrument dont les cordes ont été
comparées aux rayures du pseudo-« polissoir ». On songe à la pierre -lyre trouvée en Afrique
transportée au Musée Branly et appelée pierre en H à Gobekli par a Klaus Schmidt. On trouve aussi , en liaison
avec des menhirs, une « pierre-
lyre » au nord de l’Ecosse, dans
les Orcades (cercle de Brodgar sur Mainland).Peut-être le mot grec lura , comme le mot luth, vient-il de luda, qui désignait le sillon et la pierre est-elle une figuration
concrète de ces sillons sacrés, comme tel pictogramme de Gobek-li représentant
le renard est une allusion à son nom, vulpes en latin, vlup
dans d’autres langues, paronyme de lup,
sillon.
D’autre part, il y a eu confusion entre acucula, épi de blé ou d’orge avec sa
balle, et cuculla, capuchon, si bien
que l’on a : pierre coquelée
ou coquelet,
pierre aux coqs, chantecoq (Ymeray), pierre cochée à Droué (Loir-et-Cher), nom
passé à un polissoir et compris aujourd’hui comme marqué de coches, cocherelle
(nom du polissoir de Sorel- Moussel),,
pierre coverte (à Varize et à Ver-
lès- Chartres), pierre coverclée
(Moriers), couvre-clair (nom du polissoir
de Neuvy –en- Dunois accompagné d’un dolmen où coq vient
de acucula, épi ). Explicitons chantecoq à Ymeray, nom composé dans
lequel coq vient de acucula, épi, et chante d’un nom du grain d’ l’orge (cf le nom maltais ancien de l’orge, carl),
l’ensemble signifiant pierre - épi d’orge. De
même, dans le nom de Chantemesle
(Logron), désignant à l’origine un
mégalithe aujourd’hui disparu, chante signifie orge et mel, de mar, signifie pierre.
Enfin acucula,
épi de blé, réduit à acula, s’est
confondu avec asciola (diminutif
de axis
au sens de hache), qui donne en français la série aisseau, aissette au même sens de hache. Précédé du mot mar ou
mal, qui signifie pierre, on a une pierre épi
de blé qui devient une pierre hachette. On trouve, à Désertines dans la Mayenne, en 1158, le nom
du menhir Maloseiol, Malaisé aujourd’hui et, ailleurs,
Maleissie, qui, n’étant plus
compris, donne de nombreux toponymes : la Malassise près de
Châteaudun, avec les légendes de la pierre
qui bouge (mal assise) et qui
s’ouvre à minuit le soir de Noël, se fendant en deux et laissant s’échapper des démons ou bien
révélant un trésor infernal.
e) les noms de
mesure de capacité
Les noms des mesures de capacité de grains de semence,
précédés ou non de grand, ont aussi
été donnés aux menhirs pour la récolte qu’on en escomptait : le grand muid, de modius, boisseau ( 10 litres),
à Villiers- Saint -Orien, le grand
et le petit bussard (au sens de tonneau, -deux menhirs disparus à Saint-Denis- les-
Ponts), bure, au sens d’aiguière à col allongé, nom transféré à
un dolmen de Corancez ; bot au
sens de grande bouteille transformé par incompréhension, soit en pierre debout comme à Colombiers –sur
-Seulles, dans le Calvados, soit, à
cause de l’homonymie avec bot au sens
de crapaud, en pierre aux bouts (au
sens de crapauds), puis en pierre aux
grenouilles à Alluyes et ensuite en la Grenouillère.
L’évolution
des menhirs depuis Gobek-li jusqu’à
l’Eure-et-Loir et la Grande-Bretagne : les menhirs en forme de
marteau se joignant dans des cercles ou crom-lechs ese divisant en deux parties , le manche et le
linteau.
A Göbekli Tepe, vers 9600
avant J. -C, on a déjà des enclos
circulaires de « menhirs » en tau , surmontés d’ une pierre
horizontale dépassant de chaque côté, qui symbolise par son horizontalité le
dieu du
grain mort afin de renaître, Sabazios ou Zagreus. Un cas d’évolution
sémantique surprenant nous est donné par le latin populaire tutaree,
protéger,conserver, mettre (le
grain (sous terre à l’abri des rongeurs
et des oiseaux) ,enterrer(le blé), verbe qui ,en français, a donné tuer
au sens de faire mourir et a laissé l’étonnant doublet tuteur
et tueur.. .A Göbekli, Tepe, il s’agit d’un « cromlech » où les menhirs en tau,
juxtaposés, sont prêts de se rejoindre comme ils le feront plus tard, vers -2800, à Stonehenge. Le second élément de Stone -henge est, d’après Christopher Chippindale, dans son Stonehenge
Complete , un mot signifiant potence, gibet, savoir en vieil anglais hen (c) en, plus tard rapproché à tort dans l’esprit populaire du nom courant du dolmen, stone
hung, pierre suspendue. Henge
vient de phalang dont nous
avons déjà parlé : peut –être ,
avant de désigner le gibet, désignait-il le marteau. En tout cas, c’était le
nom de ces
curieux linteaux comparables à ceux de
Göbekli Tepe analogues au tau égyptien, symboles de mort surmontée, de
résurrection et de vie, qu’on retrouve à Malte en -5000. A moins de 3
kilomètres de Stonehenge, sous le sol, à 1 mètre de profondeur, on vient de
découvrir un autre
site, celui de Durrington walls, riche de 200 menhirs en cercle et
antérieur, pense-t-on, au cercle de « pierre de sarsen » avec ses 30
linteaux et 30 monolithes, daté de
-4500.
La disposition en
cercle des menhirs est peut-être inspirée
des ces « ronds de
sorcières » qui, en une nuit, apparaissent soudain sur les prairies et
donnent une preuve de la fécondité de la
nature ; ils sont composés de champignons souvent comestibles, mais
l’imagination populaire, stupéfaite devant la régularité du cercle et la
soudaineté de son apparition, y voit l’œuvre de forces souterraines.
Quel
était le but de cette disposition circulaire qui apparaît dès l’origine, à
Gobek-li ? Il s’agissait de représenter
le cycle de la mort du grain, de sa
germination et de sa mort à nouveau, sans solution de continuité.
La pierre qui
surmonte les menhirs de Gobek-li et sa signification : la mort du mort de l’orge.
Revenons
un instant au livre de Klaus Schmidt :
il y montre comment le sommet des menhirs ou plus exactement la partie de la
pierre qui était un linteau était soigneusement creusée de cupules, mais
n’explique pas pourquoi. Je pense que ces cupules étaient emplies de terre et
semées de plusieurs grains de céréales sauvages. Dans l’esprit des populations préhistoriques,
elles devaient mourir avant de pouvoir germer et constituer, à certaines saisons,
un jardin suspendu, comparable aux Jardins d’Adonis.
Au VII e
siècle ap. J. -C. encore, dans les mystères d’Osiris, les prêtres devaient
façonner une effigie d’Osiris, appelée « Osiris végétant », avec du limon
noir et des graines d’orge. La composition de limon et d’orge se retrouve dans
le mot sicilien dagus, dagudos, nom qui est composé de da, orge et de gus,
proche du grec gè, terre, et qui
désigne une poupée magique. Le mot est appelé à une survie exotique
surprenante : arabe toubib, créole
zombi, douk –douk en Papouasie, doghi,
dans le pacifique, au sens de sorcier. Les Egyptiens arrosaient cette
poupée avec l’eau sacrée du Nil jusqu’à
germination, puis l’emmaillotaient dans des bandelettes comme si c’était une
momie et, -plus étrange pour nous, -inhumaient,
enterraient cette orge germée en forme d’effigie d’Osiris.
Le cercle des menhirs visait à
imiter et à favoriser , par magie sympathique, non pas le cours du
soleil dans le ciel, mais
l’indispensable mort des grains
durant la saison froide, puis leur
germination , ensuite leur mort à nouveau dans un cycle sans fin.
.Il existait parfois, au centre du
cercle, un ou deux menhirs plus grand, les
chefs d’orchestre divins qui représentaient, non pas le soleil et la lune, , mais la déesse
du blé ressuscité et sa fille la
déesse du blé mort, Dèmèter et Perséphone : Perséphone , représentante
du blé mort et enterré, était capable de
fléchir son époux Pluton et de libérer des demeures souterraines les grains morts comme de s’en
libérer elle-même. Les hommes de la
préhistoire étaient frappés par le fait que les morts sont plus nombreux
que les vivants et ils étaient persuadés que les grains « morts »
sortiraient de terre en grand nombre,
s’entraînant les uns les autres. Le grain mort est symbolisé dans le mythe par
le grain sanglant de grenade avalé par Proserpine et qui la lie à jamais aux
Enfers, à la vie souterraine.
Qu’est-ce qui nous indique aujourd’hui ,
dira-t-on, la mort du blé dans ces cromlech, à défaut du linteau
horizontal primitif ou d’un nom
comme celui du Parc ar verret, , le champ aux morts, dans la presqu’île de
Saint-Laurent ? Peut-être la fermeture du cercle y suffisait-elle. Mais on
trouve souvent des pierres éparses tout près, autrefois disposées de façon
à symboliser cette mort parce qu’elles
constituaient un prolongement .horizontal à la base des menhirs et qui les
liait entre eux. Ainsi, à Crucuny, 22 menhirs se trouvent reliés par
un mur de pierres sèches presque aussi grosses que les plus petits des 22
menhirs ; dans la presqu’île du Crozon, à Lagatjar (où l’on reconnaît
le mot signifiant jument et désignant Cérès cf. le nom du dolmen de Kergavat à Plouharnel dans le Morbihan la
maison de la Jument).le grand côté
du rectangle qui forme une sorte de cromlech se prolonge par de petits bras qui dépassent les angles du rectangle.
Ce muret (qu’on retrouve dans un cromlech
à Porspoder), ces dépassements qui évoquent ceux du tau d’Asie ou de
Stonehedge , sont des indices que le
symbole du grain de blé mort a pu être transféré du sommet du menhir à sa base.
Une preuve,
en tout cas, que le « cromlech »
est identique au menhir dans sa fonction de catalyseur magique des
récoltes nous est donnée par le nom de l’un d’entre eux en Bretagne, Crucunio, nom qui, comme celui de Courcouronne,
, Cucuron
dans le Vaucluse, ou Coucouron en
Ardèche, Cuguron en Haute-Garonne et Cuqueron dans les Pyrénées –Atlantiques , ou du site préhistorique de Cucuruzzu en Corse, dissimule le radical
(a)cucula, qui signifie la
pierre- épi, et donne crucur + suffixe -ellio, -ellionis. Le mot a subi
l’attraction sémantique du latin curculio, curculionis, charançon ou ver du blé, et il est devenu crucunio à partir de crucurio,
par dissimilation du r. On songe, en
Turquie, au site néolithique de Gurcu-tepe,
le temple des pierres -épis.
Les menhirs troués.
La mort
du blé comme condition préalable de sa
germination était une croyance fondamentale à l’époque préhistorique et, à défaut du linteau placé comme à Göbekli
Tepe en Asie mineure au sommet du mégalithe
et représentant le grain de blé
mort avant de ressusciter, d’autres
possibilités existaient : ce pouvait être des trous et l’on connaît des
menhirs littéralement percés en leur milieu, le trou symbolisant le mortier où l’on écrase le grain de blé, où on le « tue » et
par conséquent la mort provisoire du blé.
Mais un trou pouvait aussi être percé au
sommet du mégalithe afin de symboliser
cette mort du blé. Ainsi, à Brèches, en
Indre-et-Loire, on trouve un menhir appelé la Pierre de saint Martin (christianisation de mar, pierre). « A son sommet, écrit Louis Bousrez,
existe un creux … Dans ce trou, où l’on peut mettre la main comme dans un
bénitier, on trouve, de temps à autre, des pièces de monnaie et certains
comestibles, pain, fruits, fromages,
etc., offerts par des gens qui attribuent à la pierre des propriétés
merveilleuses. Ces objets sont déposés en offrande,
sans aucun but charitable, car l’on sait bien que personne ne peut les
apercevoir de la route et que les comestibles sinon l’argent sont perdus.
» De même, dans le Calvados, à
Colombiers -sur - Seulles, on trouve une cupule au sommet d’un menhir appelé la Pierre debout (pour la pierre bot,
c’est-à-dire en forme de bouteille). L’eau
recueillie dans cette cupule était considérée comme susceptible de chasser le
mauvais sort à et de guérir de nombreux
maux. C’est là une tradition fort ancienne, car à Gobek-li, le linteau horizontal était parfois
artificiellement creusé de cratères nombreux.
Les pierres dites druidiques, différentes des dolmens, des menhirs et des polissoirs.
On s’arrête le plus souvent à la
forme gallo-romaine du culte gaulois et on parle de « fanum », mot latin qui a donné Feins, Faing, Fain, Fains, quelle que soit l’orthographe, et désigne un lieu consacré,
sans bâtiment. Mais il y avait aussi les « mallus », latinisation du gaulois meallos
, qui désignait le linteau horizontal
au-dessus du menhir à Gebekli en
Asie mineure et ressemble pour la
forme à un maillet ou un marteau, instrument dont le nom en latin, malleus, maillet de pierre, est d’origine gauloise. Peut-être même le mot mar n’a-t-il
signifié pierre en gaulois en général
qu’après avoir été longtemps utilisé pour désigner ce type de linteau.. Doublet
de Boisthibault, dans L’Eure-et-Loir, Verdière, Paris, 1836,
réédition des Editions de la Tour Gile, 1992, Dreux, p. 59, nous indique l’emplacement
de deux de ces sanctuaires : « Le monument qui paraît le mieux
conservé est un mallus, c’est-à-dire
un sanctuaire ou lieu préféré par la Divinité, qui se trouve dans la commune de
Vers -lès- Chartres, près du bois des Rigoles, au-dessus de la vallée de
Houdouane, près de l’ancien étang de Vers. On voit encore un mallus à peu de distance du premier, le
long des ruisseaux des vallées, entre Morancez et Corancez, en remontant vers
Berchères –les- Pierres.
Mais ceux qu’au dix-neuvième siècle on
appelait des « antiquaires »
distinguaient les pierres
druidiques des autres mégalithes, les menhirs et les dolmens, plus anciens
et qui n’étaient pas l’œuvre des Gaulois, mais de leurs prédécesseurs.
Ainsii
le pseudo- « polissoir »
d’Ymeray, la Mère aux Cailles,
altération de mark, jument sacrée,
avatar de Cérès, et de car, pierre ,
la pierre en forme de Jument ,
n’est , ni un polissoir, ni un menhir,
c’est une pierre druidique.Carte postale.
De même, le Cheval -de- bronze, traduction facétieuse de mar qui désigne en gaulois la
Jument sacrée , avatar de Cérès, et de car, pierre en gaulois, associé au grec chalceus, , calceus,
bronze , car-matk;, la pierre
qui ressemble à la Jument sacrée. Albert
Sidoisne, dans sa brochure Bonneval sur le Loir, Editions du
syndicat d’initiatives, Bonneval, 1965, 64 pages, p. 59, situe le Cheval- de- bronze en ces
termes : « A un kilomètre 400, Nottonville […] ; gagner le
chemin de Vallières ; à 400 mètres, descendre à gauche jusqu’à un sentier
qui longe la Conie à droite ; à 50 mètres, on rencontrera de volumineux
« perrons », que domine un énorme conglomérat de roches dit le Cheval
-de- bronze et qui demeure assez énigmatique ».Les pierres druidiques se présentent généralement en groupements et ont
des formes qui semblent étranges. Quelquefois elles ont seulement des trous,
sans sillons. Les Gaulois les appelaient « mar » et les druides s’en servaient pour leurs sacrifices.
Citons à Saint- Sauveur- Marville la Grosse pierre du champtier qui a donné son
nom à Marville (la ferme de la
pierre, mar).
La brochure de Albert Sidoisne est le meilleur recensement des pseudo-
« polissoirs » de la région de Bonneval, qui n’intéressent guère les
archéologues le plus souvent ; or, l’utilisation de ces pierres
« druidiques » par les druides est liée à ces pseudo-
« polissoirs », donc au dieu agraire Mars et à l’invention de
l’agriculture céréalière, de la culture de l’orge notamment. Les pierres druidiques sont souvent groupées autour de polissoirs , comme autour du pseudo -polissoir » de la
Pierre cochée à Droué dans le Loir-et-Cher .
Les
pseudo-« polissoirs » et leurs cupules, -en réalité des pierres commémoratives de la mort des grains
de blé ou d’orge plantés dans les sillons.
C’est
pour respecter la tradition que je traité des polissoirs avec les menhirs. Mais
ils n’ont vraisemblablement ni les mêmes
auteurs, ni la même date et sont bien postérieurs à la création des autres
mégalithes : ils datent peut-être seulement du IXe siècle av. J.-C, pour l’Eure-et-Loir
en tout cas, où ils semblent être l’œuvre des Celtes, plus exactement des
Gaulois. Si , en Corse, il n’y a pas de
polissoirs, alors qu’il y a des menhirs et des dolmens, c’est que leurs
créateurs, les Gaulois, ne sont pas venus dans cette ’île. Peuplée d’Ibères et
de Ligures. En effet, ccs mégalithes
qu’on appelle à tort des « polissoirs » ne peuvent être, comme on le
dit, le résultat accidentel de la taille d’outils ou d’armes, comme les vrais polissoirs
portatifs auxquels, à bien regarder, ils ne ressemblent guère. D’ailleurs, alors que l’humanité tout entière
a passé par un âge de la pierre d’abord taillée , puis polie, il n’y a pas de
« polissoirs » ailleurs que
dans certaines régions d’Europe continentale très peu nombreuses. Le grand
nombre des menhirs ou des dolmens en Europe, comparé au petit nombre des pseudo-« polissoirs » est
d’ailleurs révélateur. Surtout, leur absence complète en Corse en est une
confirmation.
Les
pseudo- « polissoirs » ne sont pas une innovation de l’Europe car on
les retrouve, datés entre-5000 et -3000 ,
à Malte et dans l’île voisine de Gozo : ainsi, dans le sanctuaire de Tarxos,
du féminin karksos, où l’on reconnaît
le nom , en ancien maltais (langue appartenant au rameau tokharien ,
-une langue indo-européenne) de la
déesse des céréales Cérès, littéralement celle qui fait croître, nom
apparenté au latin cresco, croître, germer, du radical ker +suffixe -sk-commencer, on peut voir , sur la partie basse de statues mi-féminines
mi-animales de la déesse du blé, représentée
sous la forme d’une jument (les statues ayant été mutilées, on ne voit que le
bas : des pieds humains, mais avec
les jarrets d’une jument ! )
des sillons auxquels on n’a guère fait attention et qu’on
a pris pour les plis de sa robe. En tout cas, sur la carte postale ci-jointe, on aperçoit, à
droite à l’arrière-plan d’une statue de
Cérès en jument, les traces d’un autre pseudo-« polissoir.
.De même
qu’à Göbekli Tepe, se trouve une figurine
représentant un sanglier avec, gravés
sur le flanc, quatre sillons, de même on
peut voir à Malte un bas-relief du sanctuaire
de Cérès représentant aussi un sanglier qui présente des sillons sous le ventre, pris par les profanes
et les touristes pour des mamelles (voir
la carte postale ci-jointe) : le sanglier avec les sillons est en bas à gauche). Que ce
soit à Gobe-li ou à Malte, le pictogramme du sanglier évoque la mort de l’orge,
car le nom du sanglier, porcus, évoque le nom du dieu des morts, Orcus ou Phorkus.
Ainsi, de l’actuelle Turquie et de Malte, où
les Ibères les avaient créés, les
« polissoirs » ont été repris par les Celtes au cours de leurs diverses migrations vers l’Europe et ont connu
un nouveau développement..
Les polissoirs dits fixes ne sont pas des
polissoirs et ceci explique la gêne des archéologues qui préfèrent ne pas parler de ces mégalithes gravés. Alors que le menhir est un catalyseur magique
de la tige du blé vert, dont témoignent les noms de Verdes (l’homophonie du mot
gaulois signifiant sillon, du radical werth
, a joué son rôle), de Vert- en-
Drouais, de Vers- lès- Chartres, la
pierre appelée « polissoir »
représente les sillons issus du labourage d’abord par un cheval , puis par un bœuf . .
Le mot sillon
dans les langues indo-européennes provient du radical *swe/olk,
gonfler, et désigne, non pas la tranchée
proprement dite, mais ses bords formés de la terre écartée. Le grain passe pour y mourir avant de pouvoir pousser, ce qui avait excité
les railleries de Voltaire quant à l’ignorance botanique du Christ. Celui-ci
dit en effet (Evangile de Jean, 12,
24) : « Si le grain de
blé qui est tombé à terre ne meurt, il
reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.», ou,
autrement traduit, le grain de blé doit être mis en terre et y mourir pour
rapporter. L’invention de l’agriculture liée aux semailles procède du fait de
mettre enterre, à une certaine
profondeur, des grains de blé ou d’orge, comme les cadavres.. Le mégalithe aux
sillons est une autre forme qu’a prise au fil du temps la barre transversale au
sommet des menhirs de Göbekli Tepe et il représente, comme cette barre, la mort du blé divin, la mort de Perséphone ou
Proserpine, épouse de Pluton, qui se retire sous terre pendant la saison froide.
Le pseudo- « polissoir » est un mégalithe qui, après les menhirs en
marteau portant des cupules, porte des trous, artificiels ou naturels. Il est probable qu’
il était l’héritier des piliers en forme de manteau avec des cupules et qu’on y
mettait une ou plusieurs graines avec de
la terre. Au printemps, lorsque le blé avait germé, les croyants ornaient le pseudo-« polissoir »,
pour la levée du deuil, d’autres végétations diverses.
Le nom ibère des
« polissoirs » : lup.
La pierre
Coupe ou Coupée à Alluyes est un nom de polissoir qui renvoie aux sillons
qui y sont gravés, latin sulcus ;,
grec olkos, avec métathèse du k et traitement de la seconde labio-vélaire en
p, kolp- ; le mot grec kolpos, pli., a donné gouffre en
français et nous avons trace de l’attraction sémantique exercée par ce mot dans
la section G1 du cadastre de Lanneray dite du Gouffre, et désignant le
géoglyphe qui était dans le bois
défriché de la Butte., butte venant du gaulois vut, sillon , de la racine indo-européenne welk, gonfler.
La
Pierre Césée, à Soucelles dans le Maine -et- Loire, doit peut-être son nom par apocope à (leu)ketia , sillon pour orge,
(cf . Decize sur la Loire, de Decetia, Leuketia).
Un nom qui remonte aussi à ses créateurs est conservé dans le nom du
polissoir de la Louveterie de Bonneval,
de lup, sillon, et de –ete,
orge. +suffixe gaulois en-ria, dans
le nom d’une peuplade anatolienne préhistorique, les Louvites. et dans les noms christianisé de ce mégalithe, par
exemple à (La Bourdinière-) Saint- Loup, du radical wlkw qui donne lut, étant parent du latin ulcus,
sillon, et se retrouve avec rhotacisme
dans le nom maltais du géoglyphe (carl)
rut, sillon (pour orge). Les nombreux et
énigmatiques toponymes de Chanteloup,
par exemple dans le Loir-et-Cher (commune de Renay, près de Vendôme) donnent le
nom complet du mégalithe : « sillons
pour les grains d’orge », de kltha, grains d’orge, où le l voyelle se nasalise donnant en français chant et où le th se transforme en
t.
On reconnaît
ce radical lukw ou lukws signifiant sillon dans les toponymes Lycia et Lydia, ainsi
que dans Loxô, le nom de l’hyperboréenne qui introduisit le blé à Délos
ainsi que dans une épithète du dieu Apollon, Loxias.
Les champs de Mars et de Bellone gaulois, héritiers des géoglyphes maltais et siciliens, appelés Carl rut, les sillons pour orge, qui sont à leur origine.
La Nasa
a publié des clichés en 2015 de géoglyphes découverts dans les steppes du nord
du Kazakhstan en Asie centrale, datant
du début de l âge du fer en Asie,
de –800. Que sont devenus en Europe ces
mystérieux géoglyphes maltais et
siciliens de plusieurs kilomètres, représentant des sillons et qui étaient
appelés à Malte Carl (mot ibère
pour grain d’orge) Rut (sillon)? Carlrut est à rapprocher de canteloup, nom d’une variété de melon
dont les côtes évoquent des sillons et qui a été introduite dans une propriété
pontificale près de Rome a u XVI e
siècle par des moines à partir de l’Arménie turque. Cantalupa est un mot arménien qui a été donné à la propriété du
pape parce que les melons cantaloup y
avaient été importés et plantés, destinés à se répandre en Europe , à Cavaillon
notamment. Il existe de nombreux Canteloup en France, dans le Calvados,
dans la Manche, dans le Lot et des Chanteleu(x) en Seine-Maritime et dans le Pas-de-Calais, un
Cantelaube en Dordogne, comme des Chanteloup, Chanteloube et Chantelouve. Ce sont les traces des sillons
préhistoriques .
On a trouvé en Touraine de très longs ensembles (plusieurs centaines de mètres en
ligne droite) de fossés et de talus multiples, en nombre variable, c’est-à-dire de sillons, d’une largeur de 8 à
12 mètres, en particulier en Forêt d’Amboise (2 endroits), dans la Forêt Bélier
(commune de Monnaie) et dans un bois
situé à l’ouest du champ de courses de Chambray. L’auteur de l’article qui les
mentionne, Jean -Mary Couderc , dans « Les enceintes quadrangulaires de
Touraine », in Acres du 9eme
colloque de l’association française pour l’étude de l ’âge de fer, Châteaudun,
16-19 mai 1985, Editions Errance, Paris, 1989, p.76 , évoque à leur propos
le lacis de fossés et de talus devant la porte des fossés de César à Nouzilly près de Tours et cite son article de
1984 sur le sujet (« Les enceintes en terre de Touraine (II) », Bull.
Soc. Archéol. de Touraine, XL, p. 735-787, 11 figures, 21 photogr.) Parlant
de l’enceinte du Chatelier (commune des Hayes, Loir –et- Cher), il indique que le sillon « qui a fait le
tour de l’enceinte, continue au lieu de
s’arrêter au point de raccordement et forme comme une antenne enserrant le grand talus, puis se subdivise de façon
complexe à proximité du chemin. »
Chaque fois que les archéologues parlent d’antenne, il s’agit du même
phénomène : à l’origine de ces enceintes, il y avait les sillons droits et
on a utilisé leur tracé pour constituer un côté de l’enceinte.
Ces enceintes, trop négligées, sont souvent appelées Camp romain ou Fossés de
César et elles sont très nombreuses dans toute l’Europe celtique : Espagne,
Allemagne du sud, Lorraine, Calvados près de Coutances, à Lithaire (le
Camp romain ), Lithaire venant de ridh
tir(ial) , Rudiana tir (terrain) ial [découvert], Touraine ,
nord Sénonais, Eure-et-Loir , à
Lanneray et dans au moins six autres communes..
Bernard Robreau, dans « Les dieux des Carnutes : Mars, Jupiter, Apollon »
in Mémoire XXXIV-2, numéro 90, octobre novembre, décembre 1990, p. 48,
s’interroge : « Ne faudrait-il pas interpréter les viereckeschanzen [en allemand, enceintes
à quatre coins, nom donné en Allemagne
du sud à ce type de géoglyphe défini , peut-être top étroitement , comme des
« enceintes quadrilatérales à fonction cultuelle de la Tène
finale »], nombreux en pays carnute, comme des sanctuaires de campagne
dédiés au Mars gaulois ? Cela expliquerait […] leur fréquente association
par deux en forêt de Marchenoir, en forêt de Rambouillet ou même à Lanneray
dans le Perche dunois. » Et il renvoie pour Lanneray à son étude, B.
Robreau et A. LEROY,
« Les deux enceintes quadrilatérales du Bois des Goislardières à Lanneray
(Eure-et-Loir) », in Les
Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique (=Actes
du IX è Colloque AFEAF tenu à Châteaudun, en 1985), 1989) ainsi
qu’aux articles concernant Marchenoir
dans le Loir- et- Cher, plus exactement Briou et son lieu-dit Moncelon, et Rambouillet.
Examinons
les quatre ou cinq enceintes de
Lanneray.
1) La
moins connue est la Friche des Bois de la Butte, dans la Ssction G1 du cadastre de
Lanneray, dite du Gouffre., au nord
de la Forêt. H. Leplège dans Lanneray
.Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits. Sa préhistoire, Amicale des
Anciens Elèves de l’Ecole de Lanneray, Châteaudun, 1991, p. 46,
écrit à son propos : « Ce mot butte [féminin de but, du francique but, souche, puis cible de flèche], naturellement, faisait penser à
la présence possible de tumulus ou d’une
autre structure archéologique A
l’endroit de ce champtier, il n’y a plus, depuis un bon nombre d’années, ni
bois ni butte, tout est nivelé et en cultures, sans vestige apparent quand le
sol est nu. » Le Littré donne
pour butter le sens d’
« ameublir la terre en pyramide autour du pied d’une plante » et pour butte
le sens de « petit tertre ». Mais ici butte vient en réalité du gaulois vut, sillon, de la racine indo- européenne wolkw, gonfler, et c’est par incompréhension que le mot butte a été
utilisé comme signifiant tertre.
Quant
au mot friche , au sens premier , il est employé pour désigner
un endroit qui a subi un gros travail de
déforestation, car ces géoglyphes sont
l’aboutissement d’ un processus complexe
de défrichage de la forêt primaire et de
« triple labour » en profondeur ,- dont témoigne le nom du site
préhistorique voisin de Montgasteau,
(Saint-Denis –les- Ponts) où gasteau renvoie
à un mot d’origine gauloise jachère , au
sens premier, extraction des racines et des branchages, adjonction de cendre et
de fumier, etc , étant précisé que , depuis,,
la forêt a repoussé et que, comme par hasard , c’est dans des forêts qui
furent jadis défrichées que l’on trouve le plus souvent nos mystérieux
sillons .
Le mot gouffre utilisé dans le titre de la Section G1 du
cadastre de Lanneray, dite du Gouffre
renvoie, non à un gouffre (il n’y en a pas), mais à un mot ibère
signifiant sillon, parent du grec kolpos, pli, qui nous a donné en
français les mots golfe et gouffre, du
radical indo-européen kswolkw , gonfler,
qui donne aussi luk , sillon. La
section du gouffre signifie donc la section du « sillon », de la
butte si l’on préfère.
2) La
prospection aérienne a permis à Alain
Lelong d’en dresser le plan : il s’agit,
aux « Chemins de la Touche », de deux enceintes contiguës, dont l’une est
trapézoïdale, non loin probablement d’un site appelé Le Moulin à vent. . « Il s’agit vraisemblablement d’un
ensemble agraire », conclut-il, p. 68, dans son article « Le problème des grandes enceintes du
sud de l’Eure-et-Loir », in Les Viereckschanzen et les enceintes
quadrilatérales en Europe celtique, op.
cit. , où il évoque la présence
d’autres enceintes à Conie -Molitard, à
Alluyes, à Neuvy - en- Dunois (Aux
pièces de Raimbert, cf. Rambeuil, de Ru (dio) bus + mots gaulois tir ial, terrain découvert), à Villiers-
Saint- Orien (de Rudianus), à La
Chapelle -du Noyer et à Trizay -lès- Bonneval. Notons qu’à Trizay il y a la
trace de trois moulins comme à .Conie- Molitard (molitor désignant en latin le meunier d’un moulin à bras).
A cause
des homonymes, je précise que la Touche en question désigne un bois , aujourd’hui
totalement défriché; c’est cette Touche
qui figure dans la section I dite de
l’Eglise et dans la section O dite de la Touche (champtier de la Touche), où
se trouve aussi le champtier du Moulin à
vent.. Le nom entier du chemin est chemin
de Lanneray à la Touche… A remarquer, dans lea section H dite de
Touchémont, le nom du chjmptier de la Rouzannerie, qui garde le souvenir de Rudianos, le dieu gaulois+un suffixe en –erie, ainsi que le champ voisin des Rougeaux, le champ de
Mars, de rougel.
, de Rudi(anos) +gaulois -ialo, clairière, à
rapprocher, par exemple, du nom de Ruillé-
sur- Loir près du Mans.
3) Le second toponyme est Le Bois des Buttes, ou bois des Gioislardières
(malgré les deux noms, l’un ancien, l’autre relativement récent, il s’agit d’un
seul bois). Il comprend deux enceintes
d’environ un hectare, chacune, l’une au Nord, et l’autre au Sud. Le sol en
avait aussi été défriché, mais la forêt a repoussé dans ce qui constituait des clairières.
L’enceinte Sud a été appelée localement, comme souvent, le Camp
romain.
Pour tenter de déchiffrer le mystère, il nous faut
étudier les données de la toponymie.
Moncelon,
à Briou, dans le Loir-et-Cher, cache
un Mon -Sirona (Mon –serona), tandis que Rambouillet dissimule un champ
de Mars- Rudiobus, de Ru (di) abus +suffixe
gaulois –ialo, clairière, champ, espace découvert, ainsi que le confirme le
gallois tir ial, terrain
découvert. Marianne Mulon,
Noms de lieux d’Ile- de- France,
introduction à la toponymie, Editions Bonneton,Paris,1997, p. 16, indique
que le diminutif Rambouillet désignait
un petit Rambeuil,.qui est
attesté comme fief en 1244 et qui est englobé aujourd’hui dans le territoire de
Rambouillet. « L’enfant a dévoré le père ! », conclut avec
humour la philologue.
Passons
maintenant à la toponymie du Bois des Buttes et aux hameaux voisins : Villestain, Guignarderie, la vallée des
Serins. .
Villestain, mentionné en 1586, se
décompose en une finale–esta(in) ,
orge, cf. vieux haut allemand gersta,
et en vil , de vut , sillon, donc sillon pour orge. .
Dans La Guignarderie, mentionné en 1417
comme La Guignardière et qui
désigne, non pas une ferme précise , mais un lieu, celui de l’enceinte Nord , on
identifie une métathèse de Sirona, savoir sinaro et un suffixe
ibère en –herria, qui
signifie emplacement .
Tout
près se trouve une Vallée des Serins,
où l’oiseau chanteur des Canaries prend la place, par un trait d’humour, et
grâce à une homonymie, du nom de l’orge
d’origine ibère devenu chante , cf.
les nombreux noms en chante- :
Chantemesle, etc.
Autre écart voisin : la Haloyère, prononcé localement la Halogère, de halogersta, littéralement sillon (grec halow, elkos, ôlax et aulax, latin sulcus) à orge (gçre, à rapprocher du vieux haut
allemand gersta). Le mot qui signifie
sillon est proche du mot qui signifie
meule, grec aleuron, farine, aleiar, aleô , moudre, arménien aram. On peut en déduire qu’un moulin n’était pas loin et que Sirona est la
déesse du grain broyé ou, ailleurs, grillé, mort avant de renaître. On a retrouvé
à Libouville les deux meules du moulin, la grande portant d’ailleurs des sillons.
Il y a un fond de cabane gaulois
derrière la Poterie., c’est-à-dire à la Haloyère, et , la prospection aérienne de A. Lelong
ayant détecté la présence d’une ferme « indigène » voisine, on est en
droit de penser que ces deux enceintes étaient le sanctuaire de cette ferme
carnute. cultivant de l’orge.
En nous
fondant sur la toponymie, les deux divinités Rudiobus ou Teutatès et Sirona sont concernées par ces
quatre enceintes. Les quatre enceintes
de Lanneray sont des champs
de Mars et de Bellona, délimités par
les fameux sillons, et ce sont, pour
leur donner leurs noms gaulois, le champ
de Rudiobus ou Teutatès (enceinte sud dont
le nom Teutatès (ta) survit dans Villestain
et dans chante avec l’allusion contenue serins )
et le champ de Belena , déesse liée
à Apollon Belenos ou Sirona
(enceinte nord dont le nom survit dans la
Guignarderie), à rapprocher des noms du
pain en grec, sitos, de sidos, de sei-, graine, cf .la
déesse latine des semailles Seia , et
de dza, orge, grec zeia , et du mot silo, seiros chez Varron, 1, 57 ou en grec classique siros
) que sont dédiées les deux enceintes du Bois des Buttes, l’une,
l’enceinte Sud pour la vie et la croissance
du grain dans le sillon, sous la protection de Mars, l’autre pour le fait de broyer le grain au moulin, sous l’égide de Sirona.
Le conservateur du Musée des Antiquités
nationales à Saint- Germain-en- Laye, Alain
Duval, remarque, dans « Monde des morts, monde des vivants :
qu’appelle-t-on « sanctuaire » à l’époque de la Tène ? », op. cit. , p. 164, que les
trouvailles de Felbach –Schmiden en Allemagne, qui ont révélé des restes d’une
statuette en bois interprétée comme celle d’une divinité (Sirona) et surtout la
présence des graines, invitent à considérer certains enclos, non comme funéraires, mais comme des sanctuaires des vivants dédiés «
aux semailles, aux richesses » « et s’adresseraient davantage à
ceux qui travaillent le sol. ». .Tel pourrait être le cas des Viereckeschanzen de Lanneray.
A propos
de la statuette en bois, on peut supposer que c’était la figuration de Sirona. Or, au Boulay, non loin du Bois des
Buttes, se trouve un simulacrum de pierre qui peut être celui d’Epona, la
déesse gauloise protectrice des chevaux, mais aussi être celui de
Sirona -Belena: on trouve à Valainville (Belena, villa), sur la façade de la chapelle, comme d’ailleurs à la
chapelle de Saint- Hilaire- des- Noyers (anciennement de Bellenville, Belena),
le même fruste visage (ci-dessous, cliché de Madame Yvonne Cochard).
.Ajoutons que le Tchèque J. Waldhauser
a découvert (op . cit. , p.49) un four avec des graines de
millet incinérées dans l’ enclos de Markvartice en Bohème celtique, le pays
des émigrés Boïens de César, vartice signifiant sillon à céréale,
souvent l’orge, ici le millet en langue celtique, comme dans un autre enclos appelé
Vazice en Tchéquie (op.
cit., p. .45). En grec, ortux,
attesté par Hésychius avec digamma gortux, comme le vartice
de Bohême, c’est-à-dire wortux,
confirmé par le sanskrit vartakah, le grec ortugia. , ou ôtugia, désigne la caille, c’est-à-dire,
étymologiquement, l’oiseau qui picore les grains d’orge (orge en indo-européen yew-, donnant en grec ug) des
sillons (vorth). Mark pourrait renvoyer dans Markvartice
au four en pierres, mark signifiant
pierre.
Les origines agraires d’Apollon.
Le nom de Latone, la mère d’Apollon, vient de Blaton,
le blé. Apollon est appelé Hécatos dans l’ lIlade
et le mot est de sens obscur, probablement le semeur d’orge. Sa soeur jumelle est
dite Hécata,, la « déesse
nourricière », la semeuse d’orge et
elle évoque la déesse égyptienne Héket.
. En lydien, on a un nom d’Apollon, Pldans, de blatso, leeil du blé, à rapprocher du nom de Pluton.
Les
cordes de la lyre d’Apollon sont un symbole des sillons. Les épithètes homériques,
obscures, du dieu et de sa soeur, Hécatèbolos
et Hékaergos, s’analysent en
liaison avec le nom des céréales : bolos
le blé, et wergo, le blé noir.
.Le géoglyphe maltais des carl ruts, qui signifie sillon pour grains d’orge, s’analyse
en : carl , grain d’orge , de kardha, en grec kritha , en latin hordeum , en gaulois ksordheon,
en allemand Gerstenkorn, du vieux
haut allemand gersta , de kwr, grain, et de dhea, orge, , grec
homérique dzeeai, épeautre , à
rapprocher du sanskrit yavah, orge, et rut, de luk , sillon, parent de la
racine we/olk , gonfler, qui donne en
latin ulcus, sillon,. Les carl rut maltais sont à Malte des sillons parallèles de plusieurs kilomètres. A
noter qu’on trouve aussi ces profonds
sillons dans l’îlot englouti au large de la Sicile, la Pantellaria
vecchia. .
En
Bretagne, les noms de Mané Rutual ou
de Mané Lud contiennent ce mot sillon
sous la forme lud ou rut--ual et il y a quatre rangées
de bâtons coudés dans lesquels on a vu à juste titre des épis ou
germes de sésame (et non des crosses
d’évêque !), accompagnés d’une tête de jument, c’est- à- dire de la déesse
Cérès. Mané est parent du latin milium, millet et de de sesamon, sésame.
En
Eure-et-Loir, le
« polissoir » disparu de Germignonville lui avait donné
son nom : la ferme (villa) de la
pierre aux grains de millet, du gaulois Germilion, de ger, grain, et de milion,
millet (latin milium, grec mélinè).
Les deux pseudo-« polissoirs »
de Civry.
Taillés
dans un poudingue gréseux datant de l’éocène, ils ont aujourd’hui été déplacés dans
la rue du Polissoir, l’un devant la
mairie, l’autre sur la Place de l’Eglise. Le mégalithe de la Place l’Eglise est appelé Puits
saint Martin, de puits (altération
de buxum,, peigne , à cause des
dents, et de Martin (christianisation de mar, pierre). La pinte
de saint Martin est le nom d’un autre pseudo- « polissoir » à
Corancez, encore appelé le Puits de saint
Martin : pinte est l’altération de (s)pic-ada, spicta, pierre en forme
d’épi, désignant un menhir, confondu
avec pincta, peinte, la pierre étant
réputée peinte de sillons, pourvue de marques de mesure,comme l’était la pinte
.
Dans les
deux mégalithes, les malades buvaient une eau salutaire qu’ils puisaient dans les cupules (comparées à des pintes) et, leur santé revenue, ils déposaient en offrandes des tiges de blé , des
fleurs et des rameaux verts, souvenir de l’ancienne levée de deuil.
Les pseudo-« polissoirs et
leurs noms
Les
cannelures imitant les sillons du pseudo- « polissoir » ont inspiré ses divers noms. Citons d’abord le nom,
pour une fois transparent, de Pierre
complissée, du latin complicata, pierre avec des plis, nom transféré d’un polissoir à
un dolmen de Berchères-les- Pierres. Mais les noms des
« polissoirs « sont souvent des métaphores qui jouent sur
l’analogie :
A) grille ou gril (du latin cribrum, criblum ,désignant un van en osier, servant à séparer la paille du grain, ou de craticula et de son diminutif cratella, gril , à cause des stries)
comme à Courtalain (Eure-et-Loir), les Grils du Diable, altérés en Griffes du Diable .
B) soufflet de forge, à cause des rayures
du soufflet ; du nom latin du soufflet, follis, , on a les nombreuses et
aujourd’hui incompréhensibles Folies :
un menhir , la Pierre à folie à Berchères- sur- Vesgres, au lieu dit le bois de la
Butte, La Folie de Maintenon, le polissoirs de la Folie- Montchaussée , à Crot- Allard , dans le bois de la Roche- Bernard à Saint- Denis- les-
Ponts, déposés en 1990 au musée de Châteaudun, avec de belles cupules
, les nombreuses Folie comme
celle de Fains,. le nom d’un polissoir , la Pierre à folie , transféré à un menhir ,
à Berchères- sur- Vesgres, au lieu dit le bois de la Butte..
Du nom
grec des soufflets de forge physaria,
on a Figueiras en Espagne, Figari en Corse (ce dernier toponyme étant attesté par Ptolémée au II è siècle après J –C sous la forme
Phisèra). Citons aussi Sainte -Marie Siché en Corse où Marie est la christianisation de mar, la pierre, et où siché
renvoie au grec psychè, éventail de liège (à cause des plis ou des trous ), apparenté au groupe grec psuch-,
souffler de l’air frais et au grec psugma,
éventail.
Les mots latins buxum
et buxidion, peigne en buis, à cause des dents du peigne rappelant
les stries du polissoir, ont donné puits
ou , en particulier en Eure-et-Loir, buisson, ou (avec changement de
suffixe) boissier.
Citons
encore le nom de l’Echarbot, peut-être dérivé du latin scamnellum, , escabeau, et, dans le même ordre d’idées,
les dérivés d u latin gradus, , degré, marche d’escalier, et gradale, , escalier, qui donnent
les mots graïl et surtout graal.
. Ces derniers ont subi l’attraction sémantique , à la fois des mots dérivés de grediller, friser (une chemise), une collerette, une guimpe une fraise au fer chaud, lui faire des plis,
et du latin populaire cratalem,
dérivé du latin classique craticula, gril.
La
superstition disant qu’il ne faut pas passer derrière une échelle, rationalisée
en disant qu’il ne faut pas passer sous une échelle, parce que cela
porterait malheur et entraînerait la
mort, vient de ce mégalithe consacré à la mort du blé.
Un mot
d’origine francique, comme kroes, friser au fer chaud (cf. krusil(, groseille, kruselbere en allemand, baie côtelée) a donné la grosse
(de kroes ,plissé) pierrre
qui , faisant allusion aux plis, désigne originellement des « polissoirs ».
De même, les Pierres grises,
altération de pierres greselies, du
même radical francique croesel. .
Dans Wolfram von Eschenbach il faut quatre dames très musclées et surtout pourvues d’une force
magique pour porter un « graal » qui est un polissoir (« un » graal, dit aussi Chrétien). De deux choses l’une : ou il s’agit d’un
vase (du grec cratèr et de son
diminutif latin cratalem confondu avec l’homonyme signifiant gril) et
une seule personne peut le porter sans
effort, ou il s’agit d’un polissoir pesant une tonne et que seule la merveille
peut faire mouvoir ! En tout cas le
mot graal désigne
chez Wolfram une pierre, comme le fait remarquer
Joël GRISWARD, je précise un polissoir,
que les quatre porteuses du Parzifal ont
du mal à soutenir. Le polissoir y est qualifié de tailloir et d’abaque
ABC à cause des stries, et encore
de pierre « turquaise »,
car on en prêtait la création aux Sarrasins et autres infidèles ( voir mon article Peut-on déchiffrer les six énigmes
du Parzifal de Wolfram d’Eschenbach concernant le Graal ? sur mon blog http://coldcase28.blogspot.fr/). L’extension
de sens du polissoir au dolmen est secondaire, mais remarquons que lez dolmen,
n’ayant pas de dallage ou de sol, ne peut être porté et qu’il s’agit bien ici d’un polissoir.
Le bénitier du Diable, entre Varize et Corrmainville
(du gaulois curminis, boisson d’orge), attesté au Ve siècle par Marcus Empiricus, cf . anglais corn), au Bal des dames de Bainville, « vaste terrain semé de roches aux
formes bizarres « parmi lesquelles se trouvent plusieurs autres polissoirs,
est un polissoir ainsi nommé à cause des stries du coquillage appelé bénitier,
coquillage qui ressemble à la coquille Saint-Jacques. Les Dames de Bainville sont les fées de Valainville (la ferme de
Balsena, la déesse du blé, à rapprocher de la déesse de la guerre Bellone et de Belena, ainsi que du nom gaulois du blé blato, du nom de la Beauce, Beltsa(ma) et de celui de Bellême) à Saint-Maur, si
redoutables que l’on a altéré le nom de leur sanctuaire.
La coquille saint Jacques est l’emblème
des pèlerins qui se sont rendus au moins
une fois dans leur vie sur le tombeau du Seigneur à Jérusalem ou,
pour le moins, sur le tombeau de saint Jacques le Mineur. Il s’agit, à
cause des stries que porte la coquille, d’une
allusion au « polissoir » qui
avait donné son nom à Compostelle et dont les stries rappelaient la mort
provisoire du blé. Compostelle
se décompose en stela, stèle funéraire, tombeau, en korn, blé (anglais corn) et en por, froment (grec
puros, latin far, épeautre) c’est-à-dire kornpor-stèla,
le tombeau du blé, qui a donné Compostelle. D’autre part, dans
le nom de coquille saint Jacques, Jacques est l’altération de basque.
La mort du blé en vue de sa renaissance a été aisément assimilée par le
christianisme primitif , en Gaule
notamment, à travers la religion d’Isis, vers le IIe siècle ap. J. -C : les lampes
funéraires isiaques , retrouvées à côté
d’une aiguière et d’une assiette dans les sépultures en Eure-et-Loir et
ailleurs portent d’abord l’image complète de la coquille Saint -Jacques en
mémoire de la mort d’Osiris.(voir photo), puis cette image se réduit de façon à
ne plus figurer que sur le pourtour de la lampe et à n’être guère identifiable
pour des profanes. Les treize sillons de la lampe, héritiers des sillons du
pseudo-« polissoir », sont pour les adeptes d’Isis Sochir ou Sochet (Sochir
signifie aujourd’hui encore champ d’orge en copte) le gage de la vie future
après la mort, comme ils avaient été le gage de la renaissance de l’orge après
ce que Frazer, appelle
la « mort.» du dieu. En effet, selon Frazer, (op. cit, p. 143) « Isis et son compagnon Osiris (sont] deux personnifications
du blé [ou de l’orge]…. Isis serait l’ancien esprit du blé [ou de l’orge], Osiris
le nouveau. » Par ancien esprit du blé, Frazer, entend qu’il est immanent au blé, tandis que,
pour l’esprit nouveau, il est extérieur au blé, même s’il lui est encore lié. Les Grecs identifiaient Isis à Dèmèter et
les Romains à Cérès. Frazer, dans Le Rameau d’or, Atys et Osiris, Ed. Robert Laffont,
collection Bouquins Paris, 1984, 4 vol., vol .2, p. 471, cite Diodore de
Sicile (I, 14, I) qui, résumant les travaux aujourd’hui perdus de l’historien
égyptien Manéthon, attribue à Isis la découverte du blé et de l’orge. « On
portait en procession à ses fêtes des tiges de ces céréales pour commémorer le
don qu’elle avait fait aux hommes. Les Egyptiens, quand ils coupaient les
premières tiges, les posaient sur le sol et se frappaient la poitrine en se
lamentant et en invoquant Isis. .On a déjà expliqué cet usage, continue Frazer,
comme une lamentation en l’honneur de l’esprit [ancien] du blé, tombé sous la
faucille. » On retrouve le nom de cette « Maîtresse de l’abondance » dans le nom eurélien de Luplanté, les sillons d’abondance, de lup, sillon,
et de l’ancien français plenté,
abondance, resté en anglais (plenty),
latin plenitastem, plénitude,
abondance. Il faut en rapprocher la série eurélienne Louville, Louvilliers,
La Loupe, Lutz -en- Dunois, Lucé …
.Une autre épithète d’Isis
qu’on trouve dans les inscriptions est « la verte déesse, dont la couleur verte est semblable à la verdure de la
terre » et elle se retrouve dans divers toponymes, comme Verdes (de viridis dea, la déesse
verte).Vers -lès- Chartres ou Vert-en- Drouais.
Le casse-tête de la datation des
menhirs et des dolmens.
On date le site de Göbekli Tepe en Asie mineure de 9600
avant notre ère à 8200 ans, comme le
site englouti de Pantelleria Vecchi à 60
kilomètres de la Sicile, tandis que les sites de Malte dateraient de -5000 ans.
On peut supposer que les auteurs de ces
mégalithes tant asiatiques que maltais ont passé par l’Europe continentale avant
d’atteindre Stonehenge vers 2800 av. J. –C. ou plutôt, selon les dernières
découvertes de Durrington Walls, en -4500.
Nous pouvons donc retenir pour
Carnac, antérieur en principe, la date
de 5000 environ avant notre ère et pour
l’Eure- et –Loir une date antérieure : -5500 avant notre ère, par
exemple pour le dolmen de Péronville, soit presque trois millénaires avant les premières pyramides d’Egypte
qui datent de -2700. Les pseudo-« polissoirs », œuvre des Gaulois,
sont beaucoup plus récents, datant de quelque- 1000.
Les énigmatiques sillons à orge, ou la fertilité
divine des pierres.
Jared Diamond, dans Effondrement ou Comment les sociétés décident de leur disparition ou de
leur survie, Gallimard, Paris, 2005, p. 132, décrit de surprenantes méthodes
préhistoriques de culture : « les zones d’agriculture extensive étaient
partiellement recouvertes de pierres placées en surface à proximité les unes
des autres , afin que les cultures puissent pousser entre les pierres ; d’autres
vastes zones furent modifiées par ce qu’on appelle des « mulchs lithiques », c’est-à-dire
que l’on ajoutait au sol des pierres sur une profondeur d’environ trente centimètres
qui étaient, soit prélevées sur des affleurements rocheux environnants , soit
obtenues en creusant jusqu’au substratum
rocheux pour briser les roches qui le composaient. » Tels sont les sillons à orge de Malte.
Qu’appelle-t-on
mulch en anglais? C’est un paillis, une couche protectrice faite
d’éteules et de déchets de moisson laissés
à la surface du sol pour le protéger avant et pendant la mise en culture.
«
Dans les fermes du nord-est des Etats-Unis, […] les agriculteurs se donnaient
beaucoup de mal pour évacuer les pierres de leurs champs et ils auraient été
horrifiés à l’idée d’y apporter délibérément des pierres .On retrouve […]
l’agriculture de mulchs lithiques
dans de nombreuses parties du globe, comme dans le désert du Néguev en Israël,
dans les régions sèches du Pérou, de la Chine, de l’Italie romaine et en
Nouvelle-Zélande maorie. Les pierres rendent le sol humide en le recouvrant,
réduisent l’évaporation d’eau due au soleil et au vent et empêchent la
formation à la surface du sol d’une croûte dure qui favorise le ruissellement des eaux de pluie. Les
pierres réduisent les fluctuations diurnes dans la température du sol en
absorbant la chaleur du soleil au cours de la journée et en l’évacuant pendant
la nuit ; elles protègent le sol
contre l’érosion car les gouttes de pluie viennent s’écraser à leur
surface ; des pierres sombres sur un
sol plus clair réchauffent le sol en absorbant une plus grande quantité de
chaleur solaire ; et elles peuvent également servir de pilules
fertilisantes à diffusion lente […], car
elles contiennent des minéraux indispensables qui pénètrent progressivement
dans le sol ».On voit d’ailleurs sur les images du net des taches blanches
(marne, calcaire ? ) près des sillons pour orge plus sombres, tant à Malte
que sous l’eau pour la Pantellaria Vecchia. Des chercheurs américains comme
Christopher Stevenson ont
expérimenté ce système agricole dans le sud-ouest américain et prouvé que la
quantité d’humidité était ainsi doublée et les températures maximales des sols au cours
de la journée abaissées, tandis que les
températures minimales durant la nuit
étaient augmentées ; le rendement était de quatre à cinquante fois
supérieur selon les espèces.
Toutes ces réalisations demandaient un énorme
travail et nécessitaient le déplacement de millions de tonnes de pierres. On
comprend dès lors pourquoi les premiers Maltais et leurs ancêtres de Göbekli Tepe, puis leurs descendants, les Euréliens, représentèrent des sillons sur
de grosses pierres et pourquoi la pierre leur était sacrée, puisqu’elle
représentait pour eux un gage de fécondité et de fertilité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire