LA PLUS ANCIENNE
GRANGE TEMPLIERE: GRAND’MAISON A LIBOUVIILLE
Photographie aérienne de la ferme templière
Pierre- Marie Folliot, numéros 96 et 97 de la SAEL, 2e trimestre et 3e
trimestre 1993 du bulletin (Mémoires XXIX-1 et 2) ,a consacré deux
articles aux Templiers euréliens:
« Les Templiers dans la
baillie de Chartres, La juridiction de Sours et Arville, partie I, Une
étude de géographie historique , et partie II, Une économie de croisades ». Mais l’article cité ne parle que
des plus importantes possessions de l’Ordre à une date donnée. Nous allons nous
intéresser aux plus anciens établissements des Templiers en Eure-et-Loir, qui
sont méconnus, notamment celui de Grand’ Maison à Libouville. De même, sur
Internet, pour un recensement intéressant des biens templiers en Eure-et-Loir
(www. templiers.net/ departements/ index. php ?page =28, Les commanderies des templiers de France et
de Belgique).
Libouville est aujourd’hui partagé en plusieurs communes :
Châtillon-en -Dunois, Lanneray et Logron
, même si aujourd’hui, dans la population, Libouville désigne seulement la
partie qui se trouve dans la commune de Châtillon-en- Dunois avec quelques maisons de la commune de Lanneray, séparées des
premières par un chemin rural appelé
autrefois chemin Souillard au lieu-dit L’Orme beauceron , qui séparait non seulement les deux
communes de Lanneray et de Châtillon , mais surtout la Beauce et le Perche : il s’agit là de
l’héritage de la frontière entre les deux royaumes mérovingiens de Neustrie et
d’Austrasie . Libouville a fait partie du royaume de Neustrie, puis du Perche,
tandis que Lanneray faisait partie de celui l’Austrasie, puis du Dunois.
Libouville devient, vers 741, la ferme du roi Thibaut
qui lui lègue son nom, puis la ferme des comtes de Blois (741-1128), la première ferme templière, pendant un
siècle de 1128 à 1202, enfin, de mai 1202 à 1975, soit pendant plus de sept
cent ans, la ferme de l’Hôpital de Châteaudun.
I LE DOMAINE ROYAL DES MEROVINGIENS : UNE FERME
DU ROI THIBAUT (708-741), LE DERNIER ROI DE LA DYNASTIE MEROVINGIENNE, QUI
LAISSE SON NOM A LIBOUVILLE (de Thibault villa la ferme de Thibault).
Clovis, lorsqu’il
eut vaincu à Soissons Synagrius, prit tout le pays entre la Somme et la Loire. Le futur Libouville est dès lors
englobé dans le domaine privé du roi et, au hasard des partages successoraux
entre fils du roi (les lots étaient tirés au sort), passe d’un empire à un autre
: du royaume de Soissons ou de celui de Neustrie au royaume de Paris, de celui d’Austrasie au royaume d’Orléans ou à
celui de Bourgogne. En 561, le partage
entre la Neustrie et l’Austrasie fait entrer Libouville dans la Neustrie. Telle est la division qui deviendra celle du
Perche- Gouët avec Châtillon-en-
Dunois et de la Beauce dunoise.
Les rois
mérovingiens ne fondent pas d’établissement dans la région avant un roi très peu connu qui lui laisse son nom,
Théobald ou Thibaut. Celui-ci naquit vers 708. Il est le fils d’un maire du
palais de Childebert, puis de Dagobert II, savoir de Grimoald, duc de
Champagne. Thibaut, appelé duc des Alamans, était le petit-fils de l’ambitieuse
et entreprenante Planctrude, qui pousse
son petit-fils Thibaut au pouvoir. Il s’y maintient, péniblement, de 739 à 741.
Les histoires de France appellent cette période l’interrègne. A 33 ans, en 741,
Thibaut est assassiné par ses propres cousins Pépin le Bref et Carloman. A
Thibaut succède d’abord Chilpéric III (742-752), puis Pépin le Bref qui
inaugure la dynastie des rois carolingiens.
Le nom de Thibaut
vient de Theobald : en
germanique, celui qui commande (wald)
le peuple (Teuth). Le nom Thibaut est, au fil du temps, altéré en Libo-, devant le mot latin
« -villa ». Ce mot « villa » désigne au Moyen Age une agglomération groupée
autour de la maison d’un propriétaire rural, avec four, écuries (dans notre
cas, à Crenne , toponyme qui signifie écurie),
etc. Selon les linguistes, les nombreux noms en -ville avec un prénom
germanique antéposé datent du huitième siècle. Ainsi Libouville signifie-t-il
le grand domaine, 300 hectares environ, villa,
dont le roi mérovingien Thibaut est le propriétaire. La famille de Thibaut donne Théodebert, d’où proviennent les
comtes de Blois.
Selon certains, ce
Thibaut méconnu de Libouville serait le dernier roi mérovingien légitime et de
droit divin, les rois suivants n'étant que des usurpateurs. Cela justifie les
prétentions à la royauté de son descendant Thibaut le Grand, rival du roi de
France, fondateur de l'Ordre du Temple
et de sa hiérarchie initiatique informée du grand projet de reconquérir la
royauté. Tout ceci donne lieu à de nombreux ouvrages pour les amateurs de
mystères, depuis l'Enigme sacrée
jusqu'au Da Vinci Code.
II- LA
FERME DES COMTES DE BLOIS (741-1128).
L’illustre maison
de Blois a donné des rois à l’Angleterre, à Jérusalem et à la
Navarre, des ducs à la Bretagne, des comtes à la Champagne : elle a aussi donné
des rois de France et la dynastie capétienne. Robert le Fort est le père de
deux rois de France : Eudes et Robert. Robert serait le grand-père de Hugues
Capet.
De Eudes, nous aurons cinq Thibaut. Le plus
illustre est Thibaut Ier, dit le Vieux ou le Tricheur : il possédait le comté
de Blois et celui de Champagne, Chartres, Tours, Meaux, Provins, le Berry et… Libouville!
III-LA FERME MISE A LA DISPOSITION DE
L’ORDRE DU TEMPLE (1128-mai 1202) : GRAND’
MAISON.
Les comtes de Blois
voulaient récupérer la royauté de France qu’ils estimaient devoir leur revenir
légitimement. Aussi la présence de Thibaut IV dit le Grand, comte de Blois, de
Chartres et de Brie, au Concile de Troyes en 1128, où le Pape approuve les
statuts de l’Ordre du Temple, n’est-elle pas innocente.
C’est Thibaut qui
donne ses premières propriétés à l’ Ordre du Temple,savoir , dès 1128 , les dîmes de Libouville avec pour
les stocker (car elles étaient livrées en nature), un « hébergement » , c’est-à-dire une grange
« dîmière » au Boulay et à
Crenne en propriété , ainsi qu une
grange et la ferme qui l’accompagnait , Grand‘Maison
aujourd’hui , à Libouville, mais en simple tenure cette fois : Libouville
est par conséquent le plus ancien établissement templier. Les comtes
de Blois donnent le Boulay et
Crenne au Temple dès sa fondation, vers 1130 : les propriétés sont encore la propriété de cet ordre en 1202, date de la donation de
Libouville à l'Hôtel- Dieu de Châteaudun. La fondation de la Boissière à Châteaudun, où
les moines de Thiron possédaient une vigne, est postérieure, la donation datant
de 1183.
Le nom de Grand’ Maison est souvent associé aux fondations templières et
la ferme l’a conservé. Dans l’ancienne
grange dîmière des Templiers, figurent encore aujourd’hui, sur les deux portes
charretières, des signes templiers qu’on retrouve à la Commanderie templière d’Arville et ailleurs. Il s’agit essentiellement
de rose-croix ( des rouelles solaires , symbolisant la Vierge, reine des cieux
et de la terre » ,exactement conformes à celle qu’on retrouve gravées à
Arville).
A noter que les doubles poutraisons, si caractéristiques des
Templiers, visibles dans la ferme, se retrouvent, par exemple, à Arville. Un
petit édifice, fermant de l’intérieur, servait de chambre d’initiation aux
Templiers avec des rites qui évoquent ceux des francs-maçons : il s’y
passait, dit-on, de redoutables
mystères.
Les
souterrains.
De là partait, dit-on,
un souterrain, pour aboutir à la chapelle de l’Épinay, d’emplacement incertain, près du château de Sainte-
Radegonde, probablement sur l’axe entre
Boulay et Crenne. Mais le souterrain le moins incertain (peut-être n’est-ce
d’ailleurs qu’une marnière)
longeait le côté de la propriété qui
borde le chemin dit de la Grand’ Maison qui figure sous ce nom au cadastre
, passe devant les deux Minaudières (là était placée anciennement
l’entrée de Grand’ Maison, avec ses bornes qui sont aujourd’hui devant le portail de la Poterie ) et
traversait les terres de la Bernetterie, pour se diriger vers Chantemesle et le
Vieux- Logron. Peut-être l’origine des souterrains est-elle à chercher dans les
cryptoportiques ou silos, destinés à dissimuler les réserves d’orge pendant ces
périodes troublées.
Ce qui est certain,
c’est que les Templiers avaient besoin d’argile, de silex, et de grisons pour leurs
constructions, ainsi que de marne pour amender leurs champs nouvellement
arrachés aux forêts. Jouxtant Grand' Maison, un terrain appelé
« la Pillerie des Carreaux »
servait de carrière à la « Poterie » voisine. L’entrée des marnières se situait, à l’époque
des Templiers, à la Geôle, mot
qui ne veut pas dire ici prison, mais une galerie ouverte au fond d’un puits
(venant du latin caveola). Le puits
lui-même émettait un souffle important
qu’on entendait encore, paraît-il, il y
a quelques années. Le souterrain qui en partait aboutissait à la mare de la
Bernetterie .
Aux alentours de
Grand ‘ Maison ,certains toponymes ont gardé le souvenir des Templiers: la
Maison Rouge, c’est-à-dire avec la croix rouge pattée des Templiers ,
servait d’auberge sur les chemins de Compostelle , à 6 k environ de Libouville ,
appartenait au réseau des templiers; d’autre part, à la Touche-
Hersant , subsiste un bâtiment appelé le Temple pris à tort pour un temple protestant, avec la date de 1577 inscrite
lors d’une réutilisation et d’une réfection tardive
au fronton d’un pignon, selon
une confusion analogue à celle qui
aboutit à prendre la rue du Temple à
Cloyes pour une allusion au Temple révolutionnaire de la Raison ! En effet,
en septembre 1206, Robert de Pochinet avait
donné une maison qu’il avait fait construire dans sa vigne près de Cloyes , Eudes de Vineuil faisant abandon de tous ses
droits sur cette maison pour le prix de 7 livres et demie, charte XLVI. D’autre part, en ce qui concerne
le Temple de la Touche- Hersant, des lettres de l’official de Chartres,du mois
de janvier 1378, citées par Eugène
Mannier dans Les commanderies du Grand Prieuré
de France, Paris, Aubry et Dumoulin, 1872 , portent que Colin de Villiers, fils de Robert
de Villiers, a donné de nombreux biens au Temple , dont sa maison sise à
Veilley paroisse de Langey, dans la
censive de l’abbaye de Saint- Avit, avec
toute la terre qui en dépendait. Dans la Charte
de l’abbaye de Saint- Avit (située à Saint-Denis –les- Ponts), La Touche
Hersant est mentionnée en 1640. Cette terre englobait la Touche- Hersant, qui
fait aujourd’hui partie de la commune de Lanneray, voisine de Langey. Veilley est devenue Bellay et se trouvait rue actuelle du Cardinal du Bellay, lequel
était né dans une commune voisine, Souday, et possédait des biens à Veilley.
C’est sur ses terres qu’il fit construire une maison pour son médecin,
François Rabelais. Le nom de Veilley, Velay (le
Puy- en- Velay), Bellay, Boulay viendrait du nom d’un
peuple ligure, les Velleiates , Vellates, Vellaunes ou Vellavii (qui avaient une cité , Vellica, en Espagne Tarraconaise. Il reste peu de
traces en Eure-et-Loir de ce peuple, sauf le nom de Logron, à rapprocher de Logroño
en Espagne Tarraconaise et le nom de Langey
à rapprocher de Lancia en
Tarraconaise également .Le territoire allait au moins de Boulay à Langey et Logron .
Le Grand Boulay et Crenne ou le Petit Boulay.
Crenne, nom d’origine gauloise qui signifie écurie, a été d’abord d'abord la propriété
des comtes de Blois qui le donnent au Temple dès la fondation de celui-ci, vers 1130 ; il est encore dans les biens de l’ordre des
Templiers en 1203, date de la donation
de Libouville à l'Hôtel- Dieu. A la dissolution du Temple, les deux Boulay, le
Grand et le Petit, sont dispersés
et vers 1313 Jean Luigny, puis en 1339
Pierre de Fraillicourt achètent successivement le Grand Boulay: La famille de
ce dernier en fait don à l'Hôtel- Dieu en 1442. Deux ans après, en 1444,
l'Hôtel- Dieu s'agrandit et achète
Crenne à Martin Poirier.
Les Templiers
bâtirent au Grand Boulay une première grange ou hébergement pour remiser leurs moissons et une seconde dans le voisinage immédiat. au Petit
Boulay ou Crenne .
Voici les archives concernant les transferts de propriété de Crenne ou petit Boulay, souvent
associé au Boulay ou grand Boulay (L. Merlet,
Archives hospitalières antérieures à1790,
hospices de Châteaudun, Lecesne, Châteaudun, 1867 et DELFAUT
DE BELFORT et L. Merlet, Archives de la Maison- Dieu de Châteaudun (qui donne transcription
des textes latins inventoriés par Lucien Merlet, mais sans traduction) :
B 440 (Carton) 1 pièce parchemin ;
1339 Acquêt par
Pierre de Fraillicourt, recteur des écoles de Châteaudun, sur Jean Luigny, d'un
"hébergement" (grange
templière) au Boulay, paroisse de Lanneray, moyennant 65 livres.
1442 Don à
l'Hôtel- Dieu de la métairie du Boulay par Pierre de Fraillicourt.
B 441 CTN 4 pièces
parchemin ;
1444 Acquêt
par l'Hôtel- Dieu, sur Martin Poirier
d'un "hébergement"(grange
templière) au lieu du Boulay et 7 setiers de terre moyennant 10 livres.
B 442 (CTN) 3 pièces
parchemin ;
1411- 1608 Baux par l'Hôtel- Dieu de la métairie du Grand Boulay
1) 1411 à Jean Brichon pour 2 vies moyennant 5 livres et 5 sous et 1 livre de
cire ;
2) 1478, à Jean Seigneuret, laboureur, pour 3 vies et 59
ans, moyennant 5 livres 10 sous et 2
chapons ;
3)1608 à Michel Colas, laboureur, pour 99 ans moyennant 12
setiers de méteil (mélange de diverses céréales plantées ensemble) et 3 setiers
d'avoine.
B 443 CTN 3 pièces
parchemin.
1472- 1609 Baux par l'Hôtel- Dieu de la métairie du Petit Boulay (Crenne)
1) 1472, à Jean Poupart, laboureur, pour 3 vies et 59
ans, moyennant 32 sous 6 deniers ;
2) 1609, à Michel Colas, laboureur, pour 99 ans moyennant 6
livres.
Les deux Boulay sont
réunis, en 1609, dans la même main,
celle de M. Colas.
B 444 CTN 1 pièce papier.
1720-1749 Baux par l'Hôtel- Dieu des métairies du Grand et
du Petit Boulay :
1) 1720 à Pierre Fougereux, laboureur, pour 27 ans moyennant
1 muid de méteil, 3 setiers d'avoine, 6 livres et 2 chapons.
2) 1731, à Jacques Faucheux, laboureur, pour 9 ans moyennant
1 muid de méteil, 3 setiers d'avoine et 2 chapons.
3) 1749, à Charles Bonin, laboureur, pour 6 ou 9 ans
moyennant 12 setiers de froment, 3 setiers de méteil et 2 chapons.
B 445, CTN, 5 pièces parchemin.
1720 Procès- verbal de visite du Grand et du Petit Boulay.
B 446 (CTN) 2 pièces
parchemin, 27 pièces papier.
1630- 1712 Reconnaissances envers l'Hôtel- Dieu de 1 muid de
froment, 3 setiers d'avoine et 6 livres de rente sur le Grand et le Petit
Boulay.
B 447 CTN 9 pièces parchemin, 8 pièces papier.
1486- 1620 Vente entre particuliers d’héritages au Grand et
au Petit Boulay en la censive de l'Hôtel- Dieu.
B 448 CTN 2 pièces parchemin 14 pièces papier.
1601- 1731 Sentences au profit de l'Hôtel- Dieu contre les
détenteurs du Grand et du Petit Boulay condamnés à payer les rentes dont sont
tenus les dits lieux.
B 449 CTN 2 pièces parchemin.
1664-1669 Procès entre l'Hôtel- Dieu et François Fougereux
pour une rente de 12 setiers de méteil et de
3 setiers d'avoine due sur le Grand Boulay.
B 11 registre
in- folio, papier .
1756 Le Grand et le Petit Boulay, maison, étable (Crenne, étable au sens ancien
d’écurie) et 47 setiers de terre
labourable.
Propriétaires contemporains du Boulay :
Dumoutier et aujourd’hui M. et Madame Cochard
Autres sources : Charte de l'Abbaye
de Josaphat en 1209 (Boulay est mentionné avec l’orthographe Boolai ; c’est la propriété du Temple à cette époque)
et avec l'orthographe Le Boullais en
1512 dans la Charte de la Madeleine de Châteaudun, citées par Henri LEPLEGE,
Lanneray, Ses châteaux, ses hameau et lieux-dits. Leur appellation
dans le passé et leur signification. Illustration. Sa préhistoire, Amicale
des anciens élèves de Lanneray, Châteaudun, 1991, p. 9.
Grand ‘Maison était
desservie religieusement au début par
une chapelle à l’Epinay et dans la suite par l’église de Lanneray.
Avant
l’église de Lanneray : la chapelle disparue de L’Epinay à Sainte-
Radegonde des Landiers.
On trouve souvent des Epinay, spinet-acum, sur les lieux fréquentés par les Templiers. Le mot
désigne le lieu où pousse de l'aubépine et on peut supposer que des
couronnes de fleurs blanches d'aubépine étaient posées en mai, au cours d'une
procession solennelle, sur le chef de la
statue de la Vierge et représentaient les rayons du soleil comme la couronne
qui souvent ornait déjà la statue.
La chapelle de l’Epinay
qui desservait Grand’ Maison et la Poterie du temps des Templiers était
naturellement dédiée à la Vierge, avec une statue en bois, couronnée
d’églantine et un sceptre à la main : la statue évoquait la « reine des terres et des cieux »,
semblable à Isis, chère au cœur des
Templiers.
On a beaucoup discuté sur l’emplacement de cette
première chapelle. Elle était vraisemblablement située sur le chemin
rural qui va aujourd’hui du manoir de la
Poterie au château de Sainte- Radegonde.
Très tôt, les Templiers bâtirent
une chapelle, peut-être à l’arrière de l’actuel manoir de Sainte
-Radegonde. Il en restait quelques
pierres blanches que Maurice Mauger apporta au beau-père de son fils,M. Pron
d’Epinay , mais le propriétaire de la
Poterie n'y attacha aucun intérêt et elles sont toujours abandonnées au bord de
la route, en face du portail du manoir, envahies par l'herbe.
A la destruction de l’Ordre des Templiers, la chapelle fut
consacrée à saint Thomas, puis, afin de tenter d’effacer la Vierge des
Templiers, à une reine franque sanctifiée, Radegonde, ce qui pouvait justifier le sceptre et la
couronne. Sainte Radegonde est dite
des landiers (gros chenets de cuisine) ou des andiers (forme
ancienne de landier). Le mot andier étant compréhensible a été rapproché du mot andain,
l’étendue que le faucheur peut faucher de pas en pas et on inventa la légende
selon laquelle l’épouse chrétienne de Clothaire Ier, fuyant les sbires
de son royal époux, leur échappa grâce au « miracle des andains » : le foin, tout
frais fauché, repoussa à une vitesse et à une hauteur extraordinaires et
dissimula la sainte à la vue de ses impies poursuivants. Mais l’origine de ce
nom incompréhensible des landiers
vient en réalité de l’églantier, l’arbre cher à Marie, la mère du Christ.
Le patronage de
sainte Radegonde n’a empêché, ni
les Protestants pendant les guerres de religion, ni la Révolution, de
ravager cette chapelle et de la détruire. La statue qui, dans l’opinion populaire, passait pour
une représentation de la sainte, fut sauvée du vandalisme révolutionnaire des
habitants par les propriétaires du
manoir de Sainte- Radegonde. Ces
derniers, en 1851, transférèrent certaines reliques, de la chapelle de sainte
Radegonde qui leur appartenait et qui était en ruines, dans une chapelle de l’église de Lanneray, mais ils mirent seulement en dépôt la statue
en cause, précisément dans la chapelle de la Vierge de l’église. Celle-ci fut
remplacée ultérieurement par une statue
de saint Pierre, et les descendants des
châtelains la récupérèrent. L’ « original » a terminé ses
pérégrinations à Collioure chez son légitime propriétaire. Mais ce prétendu « original » est seulement une copie ancienne d'une
effigie de la Vierge datant du XVIe
siècle, qui a elle-même remplacé la vieille statue en bois du temps des
Templiers.
Lanneray
Les Templiers qui revenaient de Croisade en rapportaient
souvent la lèpre. Comme on confondait lèpre et vitiligo, certains
« lépreux » étaient relativement en bonne forme et pouvaient
travailler, participer notamment à la construction d’églises ou de
chapelles, comme celle de Lanneray
.Précisément, le nom de Lanneray vient de Nazareth sous la forme
italienne lazareto (lazaret, avec influence de Lazare) à
cause de l’hôpital de Jérusalem consacré aux lépreux et dédié à la patronne des
Templiers , Sainte Marie de Nazareth. A
l’église de Lanneray, subsiste un bénitier du douzième siècle avec une
mystérieuse grenouille sculptée. La grenouille est un symbole rapporté
d’Egypte par les Templiers où Héket, la
déesse- grenouille, signifie la résurrection. Le bénitier était curieusement placé à l‘extérieur de l‘église: était-il
réservé aux lépreux? Les léproseries proprement dites étaient à Beaulieu,
nom par antiphrase des léproseries , et à la Loisilère : ce denier mot
est l‘altération de la mesellière,
autre nom de la léproserie, les lépreux étant appelés mesels au Moyen Age, du latin miser,
malheureux .Le mot n’a évidemment rien à voir avec les oiseaux, même si l’on trouve à Lanneray
une Vallée des Serins, c’est-à-dire des Sirènes de la mort, à cause de leurs crécelles.
Châtillon
-en- Dunois.
Nous trouvons en 1380
mention des dîmes (36 muids de grain) dues aux Templiers sur la commune de Châtillon : le
commandeur d’ Arville reconnaissait
devoir à Oudart de Cloyes 18 muids de grain pour cause de la moitié des dîmes
de Châtillon. Le territoire de l’actuelle commune était très
dispersé : le village
principal était appelé les Vallées et
situé entre la Blandinière et la Pémenière (de pessima, donnant pesme , la
très mauvaise,et de marnière) , à
l’endroit nommé les Jardins de la Vallée ; deux autres villages, la
Chevrie et la Berlocque (du latin bis longa, mot qui désigne une maison trop longue, une longère) , où il y avait
encore un moulin à vent en1710) étaient importants. Pour leur part , es
Templiers avaient une chapelle à Châtillon même, dont proviennent deux poutres
de gloire de la ferme de Grand ‘Maison : cette chapelle était un des deux
pavillons voisins de ce que l’on appelait la « mairie », entendons le centre du pouvoir politique
depuis les Mérovingiens, comme il y en avait une autre, plus ancienne, à la Forêt,
sur la commune de Lanneray, dont dépendit un temps Grand’ Maison.
Lorsque les comtes
de Blois renoncent à leurs aspirations au trône, ils se désintéressent du Temple qui, dès lors,
essaime à Sours, une imposante ferme privée, et surtout à la Commanderie d’Arville, dans
le Loir-et-cher voisin, où existe aujourd’hui un intéressant musée consacré aux
Templiers.
En mai 1202 , à
Orléans , avant de partir pour la Croisade , Louis , comte de Blois , lègue
tous ses biens , dont Libouville , à l’ Hôtel- Dieu de Châteaudun , oubliant de
préciser le sort des dîmes accordées par son ancêtre Thibaut IV aux Templiers
sur Libouville . Ceci donnera lieu à un procès que les Templiers d’Arville qui
étaient les héritiers de ces dîmes gagneront. D’autre part, quand les Templiers
eurent perdu leur grange dîmière à
Grand’ Maison en 1202, ils ne savaient plus où ranger leurs récoltes . Un certain Gérard de Chartres leur avait bien
donné une terre à la Gaste -Forêt,
c’est-à-dire à la Forêt (gaste signifiant défrichée, ce qui atteste du
travail des Templiers dès le début du
treizième siècle), mais ils préférèrent
utiliser les "hébergements " du Boulay et de
Crenne, deux
pavillons à la « mairie » de Châtillon, qui
dépendait de la Madeleine- Villefrouin dans le Loir-et-Cher. Ils utilisèrent
aussi des locations pour remiser leurs dîmes, comme l’Héminotière (les
Minaudières aujourd’hui), ainsi appelée du nom de l’héminier ou héminotier
qui percevait en nature la redevance d’héminage
sur chaque hémine ou minot (50 litres) de blé.
« DOUY-EN-DUNOIS » ET CHATILLON -EN- DUNOIS
Le vendredi 7 mai 1283,
des terres, d’une superficie d’une
mine de blé , étaient données au Temple par Jean d’Ancises, à la condition
d’une rente de deux setiers de grains qui devait être apportée chaque
année le jour de la saint Rémi dans la maison de l’Hôpital de Châteaudun,
charte CLXXIX . Bien qu’on ait
supposé que l’objet de la donation se trouvait rue de Chartres, là où était la
chapelle de saint Frambourg, le lieu-dit Ancises, incite plutôt à placer le lieu de la donation dans la commune
de Douy, à l’emplacement de la seigneurie d’Ancises avec une métairie citée en 1574, et du château (1586) et manoir d’Ancises, avec les moulins de Courgain et de Battereau sur le
bord du Loir. En octobre 1295, le chevalier Jean d’Ancises reconnaît (B372,
Archives hospitalières de Châteaudun) devoir une rente de 44 sous et 8 deniers à
l’Hôtel- Dieu. On peut songer aussi à une grande parcelle du cadastre de Châtillon,
nommée sur le cadastre Lancisière près
de la route D 365, mais appelée Ancises parles
habitants et plantée en céréales..
LA DISPERSION DES
BIENS TEMPLIERS.
A la destruction de
l’Ordre, la « mairie »
de Châtillon fut reprise par les seigneurs d’Eguilly en même temps que le château.
Ce dernier finit par échoir, par mariage,
à Charles de Beaumont, marquis
d’Autichamp, légitimiste qui eut le
malheur de participer à l’équipée la duchesse de Berry en 1832 et à sa
tentative d’insurrection. Ce marquis avait, avec le marquis de Bonchamps,
dirigé l’insurrection vendéenne de 1793 et sauvé 5000 soldats républicains
faits prisonniers : il fut frappé de mort civile et condamné à mort par
contumace. Ses biens furent vendus aux enchères le 20 mars 1841, entre autres
les « matériaux à provenir de la démolition d’un colombier et de deux pavillons,
situés dans la cour de la ferme du château de Châtillon ».
En 1841, tandis que l’acheteur du château et de la
ferme se hâtait prudemment de gratter
les armoiries du marquis que celui-ci avaient fait graver sur le porche (trois fleurs de lys , naturellement!) , le
fermier de Grand’ maison , légitimiste , racheta les deux poutres de gloire qui
ornaient celui des deux pavillons qui avait servi de chapelle aux Templiers ,
ainsi qu’une plaque de cheminée fleurdelisée aux armes du marquis : « de
gueules à la fasce d‘argent chargée de 3 fleurs de lys d‘azur » (Voir
dans Cahiers percherons, 2001- I, p. 19-32, l‘article de Christian Léger
intitulé « Châtillon- en- Dunois :
son château et ses seigneurs » .
IV- LA FERME DE L’HOTEL - DIEU (mai 1202-1975) .
LE
ROULEAU DE PARCHEMIN QUI SCELLE POUR HUIT SIECLES LE DESTIN DE GRAND'MAISON.(A14).
N° 18, juin 1210, don par Miles III, comte de Bar-sur-Seine et vicomte de Chartres à l’Aumône de 20 sous dunois de rente sur son avénage , sceau de cire verte à son effigie .
Nous avons pu
consulter les archives hospitalières
que L. Merlet a inventoriées et
que Delfaut de Belfort a publiées en latin, sans traduction. Nos photographies
jointes en sont extraites .
Ferme royale , puis ferme des comtes de Blois prêtée par eux à l’Ordre du Temple qui s’y installa et en firent leur plus ancien établissement durant un siècle, Grand’ Maison , à la suite du don de Louis , comte de Blois, partant pour la Croisade, n’aura eu que quatre propriétaires en huit siècles : l’hôpital , de 1202 jusqu’à la vente aux enchères publiques en 1975 , destinée à financer la construction d’un nouvel hôpital , puis Maurice Mauger de 1975 à 1984, ensuite M .et t Madame O. Gernez de 1984 à 1993 qui restaurèrent la ferme,enfin nous-mêmes . Sur l’acte de propriété, j’eus la surprise de lire comme origine de propriété de l’Hôpital que la ferme se trouvait sa propriété « depuis un temps immémorial ». C’est à coup sûr cette permanence qui a permis à Grand’ Maison d’échapper aux ravages du temps et des hommes.
« Non nobis,
Domine, non nobis, sed Nomini Tuo da Gloriam », Non pas à nous ,
Seigneur, non pas à nous, mais à Ton Nom seul donne la gloire .
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