samedi 7 mars 2015

Peut-on déchiffrer les six énigmes du Parzifal de Wolfram d’Eschenbach concernant le graal ?


Résumé,  pour les lecteurs  pressés, du nouveau apporté par mon blog sur le graal :

1 Celui que Wolfram appelle Kyôt est Robert Quillot ou Quiot , originaire de Boron, auteur de l’Estoire del Graal et d’un Perceval en vers perdu. Un anonyme fait le lien entre Quiot et l’auteur de l’Estoire del Graal, pour nous Robert (Quiot) de Boron.

2 La chronologie traditionnelle est fausse ; les œuvres les  plus anciennes sont  celles de Boron : l’Estoire del Graal et Perceval, dont s’inspirent aussi bien  Chrestien de Troyes dans Le Conte du Graal ou  Perceval que Wolfram d’Eschenbach dans son Parzival  

3 Chrestien , qui s’est inspiré du Perceval en vers perdu de Boron  (c’est «  le livre » que lui a prêté  le comte de Flandre) a complété son Conte  du Graal ou Perceval par La queste du Graal où il abandonne Perceval pour Galaad.

4 Etude des ressuscités des dolmens,  de l’origine du nom de Peredur (l’initié qui passe tout seul  par le trou de sortie du dolmen) et de  son frère Perceval,  que son nom dédie au dieu des morts protégeant les urnes cinéraires exposées dans les dolmens,  et des  deux mots graal , l’un de craticula, au sens de polissoir préhistorique, l’autre de gradalem au sens de vase sacré.

5 Examen  des Annales de Cambrie (ancien nom du Pays de Galles), que Wolfram n’a pas consultées,  mais  où l’on trouve les  noms  de Peretur et surtout de son frère Pervewalt , en irlandais Gwurki.

6 La tradition indo-européenne des banquets offerts aux Mânes des morts le 24 décembre et le sacrifice dans une coupe appelée graha, au nom indo-européen transmis par Flegetanis-Salamis.

 

L’époque.

La princesse Marie, comtesse de Champagne, qui épousa en 1164 Henri Ier Le Libéral, est la seconde fille de Aliénor ou Eléonore  d’Aquitaine et du roi de France  Louis VII. Elle tenait une cour d’amour et  ce qu’on a appelé des tribunaux d’amour à Domfront en Normandie. Son mari tirait sa richesse des villes de Bar-sur-Aube, Troyes, Provins et Lagny. Aliénor  est devenue reine d’Angleterre, après son divorce d’avec Louis VII et la mort de celui-ci en 1880. L’auteur allemand Wolfram, originaire d’ Eschenbach , évoque «  la mort du roi de France, dont la femme[Alienord’aquitaine] avait,  par son amour,  exposé Gahmuret  (substitut de Louis VII) à de graves difficultés », strophe 70, vers 1 sqq.  Wolfram  a  chanté l’Anjou., où il fut  poète et courtisan. Les cours qui purent voir Quiot de Boron, Wolfram  d’Eschenbach et  Chrestien de Troyes  ,  sont , pour Quiot de Boron et Wolfram, la cour du comte  Gautier  de Montbéliard à Montbéliard ;  pour Chrestien : la cour de Beauvais où il compose Cligès, la cour d’Aliénor à Domfront,    la cour de Troyes, chez Marie, comtesse de Champagne , la cour de Blois chez Alice, sœur de Marie , la cour de  Bruges en Flandre chez Philippe, où Chrestien rédigea Perceval et la cour d’Aliénor .  .  

  Au début du   XIIIe siècle, en 1215, est adopté au Concile de Latran le Dogme de la Transsubstantiation, c’est-à-dire de la présence réelle du Christ dans l’hostie. Le graal est  compris comme un calice couvert de  sa patène sur laquelle est exposée une hostie. En, même temps, un problème théologique très débattu était de savoir si le Christ avait sauvé aussi les hommes morts avant lui, comme ces hommes préhistoriques dont on voyait les squelettes , ou plus souvent les cendres,  dans des urnes exposées dans  les dolmens. En particulier, la région du Passais dans l’Orne autour de Domfront compte de nombreux menhirs et dolmens et elle a pu inspirer    le Conte du Graal ou Perceval de Chrestien de Troyes  qui avait vécu à la cour d’Aliénor d’Aquitaine, installée à Domfront et Parzival, l’œuvre de l’Allemand Wolfram  von Eschenbach , qui avait  suivi plus d’une cour princière.  

Les erreurs de graphie des manuscrits de Wolfram.

Prenons un exemple irrécusable, celui du nom de l’île de Ceylan, cité par Ovide sous la forme  Taprobanè. Or, le mot devient sans raison Tabronite ( Parzifal, trad. Wilmotte p. 127  ) et personne n’a songé à corriger la leçon : le p est lu b, le b est lu n, le a est lu i, le  n est lu t. Autre exemple :

le nom   de la porteuse du graal Repanse de schoye, nom incompréhensible, qui selon Wilmotte serait pour Repouse  ( participe passé ,  latin reposta, secrète)  ou Repuce de joie,  ce qui ne veut rien dire non plus, Op. cit. , p. 23. Or, selon moi, il faut  lire Respas de Joie, de l’ancien français respasser, guérir, revenir à la santé (après un enchantement), faire retour à (la joie). Wolfram l’a pris, soit dans Erec et Enide où elle s’appelle La Joie de la cour (il s’agit de la fée Viviane), soit dans le Perceval perdu  de Chrértien, nous y reviendrons.

Enfin pour Provins, Provis ou Provence, il faut lire Boron ,  là où on a lu proven interprété comme Provençal ou Provins, le p devant être lu b à l’inverse de la leçon  Tabronite au lieu de Taprobane .  Boron, autrement dit celui que l’on appelle Robert de Boron  et que Wolfram appelle Kyôt, c’est-à-dire Quiot. Wolfram cite un Kyot de Catalogne, dont il fait un personnage de Parzival : est-ce en rendant visite à ce parent que notre Quiot eut l’occasion de se rendre à Tolède  où il trouva le manuscrit de Flégétanis?  Il existe un Guiot qui a copié le manuscrit de la Bibliothèque   Saint-Pierre à Beauvais  où Chrétien a trouvé son inspiration pour Cligès (où il nomme Perceval). Boron est une commune du territoire de Belfort et l’on comprend que Wolfram éprouve le besoin de préciser que parlait et écrivait le français, et non l’allemand. On ne sait rien de Quiot de Boron .  Il savait le latin,  est allé  à Tolède et a appris le syriaque ancien.. Peut-être était-il  le protégé d’un duc d’Anjou et  avait-il  assisté à des cérémonies du rite byzantin à Constantinople dans l’église Sainte Sophie au cours d’une croisade.

Les noms de famille au XII e siècle, à l’époque de leur création.

Chrestien de Troyes n’a pas de prénom, pas plus que Wolfram  d’Eschenbach . Quiot est un  nom de famille bien attesté,   écrit parfois Quiot dans la Meuse aujourd’hui, mais écrit  le plus souvent Quillot. Son état-civil est  ainsi Robert (mauvaise lecture  pour Quiot ?) Quiot   de Boron, ou Borron, dans le territoire de Belfort.    Eschenbach est la région de la naissance de Wolfram, qui  évoque, Op. cit. p.67, son lieu de naissance exact, Truhendigen en Bavière, et  la misère qui était parfois  la sienne en ces termes : « la cruche ne s’inclinait plus très souvent  pour verser l’hydromel ; les crêpes ne chantaient plus guère dans la poêle de Truhendigen, pour eux, cette musique était finie. » c’est ainsi qu’il évoque son  lieu de sa naissance, près de Wassertrudingen, à 5 kilomètres d’Eschenbach. Plus haut, il a évoqué le comte de Wertheim, son protecteur, qui céda la paroisse d’Eschenbach à l’ordre germanique des Templiers et qui le fit admettre dans cet ordre initiatique. Il a dû être le protégé d’Aliénor et être présent à la cour à Domfront. Surtout ce Bavarois, qui a fait de Wildenberg en Bavière le château de  Wildenburg, nom traduit le château de Montsalvage, a hanté la cour du comte  Gautier de Montbéliard à Montbéliard, où il a peut-être rencontré notre fameux Quiot,  qui ne venait pas de loin, puisqu’il était originaire de Boron. Nous savons encorepar une confidence qui lui échappe dans son Titurel qu’il n’avait pas d’enfant.

 

 

 

 

 

La chronologie des œuvres de Quiot de Boron, de Chrestien de Troyes et de Wolfram d’Eschenbach concernant le Graal. .

Elle est très contestée. Selon moi les œuvres  de Quiot sont bien plus anciennes qu’on ne le croit et datent d’avant 1160.

Quiot de Boron, 3 œuvres en vers et en prose et une quatrième:

1Le Roman de l’Estoire del  Graal, en vers. Traduction  par M.  Wilmotte dans Le Roman du Graal, Club français du livre, 1949.

Le récit va nous raconter, et pour la première fois, l’histoire du Graal. L’auteur remonte à la dernière Cène chez Simon : « Il y avait sur la table un très beau vase qui servait au sacrement de Jésus. Un juif s’en empara…Le juif  qui avait emporté le vase de chez Simon vint trouver Pilate et le lui remit, et Pilate le mit de côté… Pilate prit le vase, dont il se souvint qu’on le lui avait apporté. Il appela Joseph d’Arimathie .   Pilate donna le vase à Joseph qui y recueillit  le sang du christ et le cacha chez lui, à Jérusalem. . Jésus va rendre visita Joseph dans sa prison avec le Graal, lui disant : « Ce vase où tu mis mon sang sera le calice. »

Le roi Pêcheur ou dieu de la mort des légendes irlandaises et galloises, dont le nom n’est plus compris, devient le beau-frère de Joseph, Bron, l’ époux d’Enigée (lu Enidée par Chrétien qui en fait la femme d’ Erec dans Erec et Enide) et le Christ dit à Joseph que celui-ci devra mettre  au milieu de la table nouvelle ( remplaçant celle de la dernière Cène) le premier poisson que prendra Bron, bien au milieu, le  vase recouvert d’une étoffe et le poisson au contact du vase..  Bron devient dès lors le Riche Roi Pêcheur et s’en va « vers cette terre où il était né »,  le pays de Galles ou l’Irlande :   après avoir été identifié au gallois Bran, fils de Llyr qui possédait déjà un chaudron d’abondance , qui deviendra le Graal,   il  évangélisera tant le pays de Galles que l’Irlande sous le nom de saint Brandan.

 C’est la diaspora des apôtres et la christianisation de l’Europe, en particulier celle  du Pays de Galles et de l’Irlande, que Quiot a voulu conter. Petrus est saint Patrick ou Patrice, l’évangélisateur de l’Irlande, né à Dinasdaron (Gwinedd, tous les deux de Venetorum ) au Pays de Galles cf. le vers 389 : « Petrus vous dira qu’il  s’en va vers la vallée d’Avaron » [à corriger en Dinasdaron] et Moysès le Prêtre Jean.

Sommaire : Joseph en prison a reçu le Graal des mains du Christ.  Son beau-frère Bron part pour l’Occident et fonde avec ses compagnons une communauté qui se réunit tous les jours autour d’une table en l’honneur du Graal. Ils  laissent une chaise libre, destinée à être occupée par le futur gardien du Graal, Bron. .Joseph  confie la sainte relique à son beau-frère

Les amis de Joseph fixent «  à  l’heure de tierce, la seconde des heures canoniales, qui se chantait  à la troisième heure du jour, à neuf heures du matin, l’office du Graal. Et c’est de là que vient le nom d’Histoire del Graal » (vers 2864) ». Quiot   annonce  quatre suites : il y racontera

1 où alla le fils de Bron, Alain, ce qu’il devint, les héritiers qu’il eut et quelle femme leur donna la nourriture (est-ce le Miracle de la Vierge, perdu, qui est annoncé?) ;

2 les aventures de Moysès  qui fut si longtemps perdu (il s’agit du prêtre Jean);

 pour lequel la prose est déjà  faite, mais perdue ;

3 les lieux vers lesquels se dirigea le Riche Pêcheur, où il s’arrêta (peut-être le Merlin, perdu).

4 la vie qu’Alain  mena, ce qu’il arriva de lui et où il se rendit, où l’on eut tant de peine à le retrouver : est-ce le Perceval qui est annoncé ? « Une fois fixé quelque part  en Occident  (au Pays de Galles  où il naquit   ), Bron y attendra paisiblement le fils de son fils [Perceval, fils d’Alain ou Bliok Adran) à qui il remettra le vase  et le don de grâce. Ce sera l’achèvement. »

 

 

 

Lien avec l’Irlande et le  pays de Galles.

 Dès le  début, Quiot de Boron fait allusion au fait que Joseph lavant le Christ s’était souvenu de la pierre qui s’était fendue au moment où le Christ avait reçu le coup de lance (Actes de Pilate et Evangile de Nicodème) .Cette tradition irlandaise (c’est lors de la mort du roi, ici Jésus roi des Juifs  que la pierre dolménique  se fend ) est à rapprocher du fait surprenant que l’auteur parle du pays où Bron est né et pour lequel il part : le Pays de galles ?  A la fin du texte conservé, nous lisons,  en effet,  à   propos de Bron,  devenu  le Riche Roi Pêcheur   et premier roi du Graal : « Et ainsi  le  bon Pêcheur s’en alla vers cette terre où il était né. » 

Dans une partie du prologue de Perceval de Chrétien (qu’on peut lire dans Wilmotte,

Op. Cit. ), on trouve le nom du père de Perceval, Blioc-adran., dans le second élément duquel  on reconnaît le Alan, Alain, de Boron. Chrétien a fait du  Bron de Quiot  Erec le roi Pêcheur :  Erec , de evr-on avec changement de suffixe,  est une francisation heureuse de (H)Ebron, autre nom de Bron dans Boron. C’est peut-être, avec le nom d’Enide, une autre  preuve que Chrétien a lu  cet ouvrage de Boron, antérieur par conséquent à Erec et  Enide, vers 1160.  .

 

2 Merlin.

Il subsiste un  fragment en vers, mais l’œuvre en prose nous  est entièrement conservée. L’enchanteur prédit qu’un chevalier du roi Arthur (thème breton : il s’agit de Perceval) fera la conquête du vase sacré.

3 (Didot –Perceval du nom d’un manuscrit) Perceval, datant  d’avant 1160,   œuvre en vers perdue, mais une version en prose, racontant la conquête du Graal par Perceval,  nous a été conservée, sans qu’on sache si elle est fidèle à la version en vers de Quiot.

Le mythe de Perceval était constitué bien avant le conte de Chrétien du même nom, puisque la première apparition  chez Chrétien  de «  Perceval li Gallois  date de  1160, au vers 1526 de Erec et Enid, p . 52: Erec et sa future « ont tant chevauché qu’à midi ils furent devant le château de Caradigan. On les attendait et pour les voir venir, les meilleurs barons de la cour étaient montés aux fenêtres : la reine Guenièvre, le roi, le sénéchal , Perceval le Gallois , puis messire Gauvain, Lucan le bouteiller et Tort, le fils du roi Arès. Ils reconnurent Erec de loin. »  Perceval li gallois réapparaît dans Cligès ,  aux environs de 1164, où il est facilement vaincu par Cligès, p .135 de la traduction Alexandre Micha -donc assez  longtemps avant son Perceval  (1175 ? mais, bien qu’on prétende l’œuvre inachevée par la mort, il ne serait mort que  vingt ans plus tard, en 1195 !). L’explication serait l’antériorité et le succès de l’œuvre de Quiot, malheureusement perdue pour nous. « Du côté d’Oxford s’élança un vassal de grand renom appelé Perceval le Gallois. Dès que Cligès le vit s’ébranler et l’entendit nommer Perceval, il désira beaucoup se mesurer avec lui. Il sort aussitôt des rangs sur un alezan d’Espagne en armure vermeille. Alors tout le monde le regarde avec admiration, plus que jamais, et dit qu’on n’a jamais vu un chevalier si séduisant. Et les combattants éperonnent tout aussitôt sans attendre davantage. L’un et l’autre piquent tant de l’éperon, qu’ils se portent de grands coups sur leurs écus. Les lances, courtes et grosses, s’incurvent et ploient. Sous les yeux de tous les spectateurs, Cligès frappe Perceval, l’abat de son cheval et l’oblige à devenir son prisonnier, sans grande parole et sans grande discussion. » (vers 4849 sqq.).De même, à la fin du Chevalier à la Charrette : « Guenièvre était avec Arthur, et Keu le sénéchal, et Gornemant,  Mélian de Lis, Perceval,Lionel et Yvain le bien,-enseigné. »  Bien avant l’œuvre que Chrétien consacrera à Perceval, il est célèbre ; le personnage de Perceval a pu être emprunté au manuscrit de la bibliothèque de Beauvais consulté par Chrétien  pour composer Cligès.

 

 

 4. Le miracle de la Vierge.

 Dans Le roman du Graal, Club français du livre, 1949, Maurice Wilmotte, P. 143 sqq, cite , après Groeber dans son Grundriss, le  prologue anonyme d’un miracle conservé  à la Bibliothèque de l’Arsenal ( manuscrit  5518, fol.96 b ) où il est question d’un Quiot différent du Guiot de Provins, auteur d’une Bible satirique . L’auteur n’hésite pas à comparer cet inconnu qu’est Kiot pour nous à Chrestien et, comme par hasard ,à son Perceval, à Gautier d’Arras et à Benoît de Sainte- More entre autres :

« Et Guios, qui maint bel miracle

Traita de cele damoiselle

Qui , sen père , enfanta pucele ;

Et  Chrestiens qui molt bel dist

Quand Cleget [Cligès] et Percheval fist . ..

Tuit cil estoient menestrel

Si bon, c’or n’en sont nis un tel  .

Mais d ’aus tous me tieg à Wiot ,

Por ce c’ainc ne volt rimer mot

Por qu’il y eust fausseté,

Mais d’estoire de vérité

Traita, s’en vault molt miez li ouevre ;

Car le menchongne se descuevre

Et fait si  que, bien le saves (texte altéré)
Mais toudis dure vérité.»

Je traduis : Et Quiot qui évoqua de nombreux  beaux miracles de notre Vierge qui enfanta sans père ; et Chrestien qui parla si  bien  quand il fit Cligès [1164] et Perceval [1175]… Tous ceux-ci étaient de bons poètes, si bons qu’aujourd’hui nous n’en avons pas qui les égale. Mais je m’en tiens, parmi eux tous, à Quiot (Wiot), parce qu’il ne voulut jamais rimer un mot pour peu qu’il y eût fausseté, mais il traita d’histoire de vérité [allusion à Estoire del Graa de Quiot] et son œuvre en vaut beaucoup mieux ; car le mensonge se révèle tôt ou tard, vous le savez bien,  tandis que la vérité dure éternellement.

Le point capital pour nous est que Quiot est ici rattaché à l’auteur de l’Estoire del Graal, donc à  (Robert) Quiot  de Boron.

 

 

Là s’arrêtent les œuvres de Boron. Perceval y  est le héros à qui est promis le  royaume du Graal. Wolfram  s’inspire du Perceval de Boron, qu’il appelle Kyôt, soit Quiot.

 

Chrestien de Troyes, Le conte du Graal ou Perceval, avant 1190  , Le roi Marc et Yseut la blonde , perdu et La quête del  Graal, continuation  de Perceval, mais avec Galaad comme héros à qui le royaume du Graal est prédestiné.  

Le très grand médiéviste  Paris avait attribué à Quiot la  Queste du manuscrit 343 de la Nationale  et  jugeait cette version fort ancienne. Ce texte n’a pas, à ma connaissance, été publié. Il faut se garder de la traduction très fantaisiste  de Pauphilet et du texte qu’il a publié, et avoir recours au texte publié en Angleterre en  1864, par Fumivall, 262 p et à la traduction deE. baumgartenerchezChampion..

  Chrestien,  p.31 de l’édition du Conte du Graal par mon condisciple Charles Méla , écrit que « le comte lui a remis le livre du Conte du Graal » .Le comte est Philippe d’Alsace, comte de Flandre, mort en juillet 1190 au siège de Saint-Jean-d’Acre, durant la 3e croisade. Mais

quel est le livre que lui a remis le comte ? C’est le Perceval, en vers, que nous ne possédons pratiquement pas sous cette forme, de Boron.

Wolfram d’Eschenbach  et son Parzival (plus tard que  Chrétien)

Wolfram s’inspire aussi du Perceval en vers perdu de Boron. Il a lu le Perceval de Chrestien,, puis  sa suite, La quête del Graal, qu’il attribue correctement à Chrétien, d’où sa  déception et sa colère contre Chrestien, car Galaad y apparaît comme le héros prédestiné au détriment de Perceval. Galaad est  un héros plus chaste et plus pur.                                                   Les énigmes

 Les énigmes sont bien dans le goût du, Moyen Age et nous en avons décelé, dans le Parzifal (entre 1206 et 1216 ?) de Wolfram,  six   que nous allons essayer  de déchiffrer.

  Voici  la première énigme   : « les caractères A, B, C »  permettent de déchiffrer le manuscrit «  arabe » (syriaque en réalité) découvert à Tolède par Quiot de Boron . Quel est le sens de cette   énigme qui fait   manifestement allusion au  mystérieux graal ?  Nous sommes renvoyés, par ces lettres  A,  B, C,  à l’abaque ou tailloir, synonymes désignant la tablette  qui supporte le chapiteau roman, lui-même orné de crânes sculptés.  Le mot tailloir évoque aussi, en ces temps,  un plat  avec des rigoles où coule le sang de la viande découpée et constitue, comme le chapiteau roman avec ses crânes sculptés et l’abaque avec ses raies parallèles,  une allusion à un  polissoir préhistorique avec ses spectaculaires  rainures .

 2e énigme : l’anagramme contenue dans le nom de Kiot de Boron et dans le nom  de  Tolède  est le mot orthodoxe, le x  étant rendu par la lettre grecque khi (dans Kiôt),  le t et le  d étant présents dans Tolède comme le o et le e

La ressemblance des cérémonies du rite liturgique orthodoxe, en particulier la Grande Entrée, avec le cortège du Graal ,  est saisissante :

Une  procession solennelle  ouvre la liturgie byzantine de  la messe.  Le  prêtre frappe (fiert du verbe férir, frapper, cf. « et se feri ou pain », et alors [Joseph d’Arimathie] frappa l’hostie,cité  p. 213 par Jean Frappier dans « Le cortège du Graal », Lumière du Graal, comme figurant  p . 16-19, dans la Queste du Graal de Chrestien ) le pain  eucharistique, ainsi fractionné en hostie  avec l’hagia longue (hagia [ machaira ] qui  signifie  [couteau] sacré, long couteau triangulaire), servant à découper des hosties , pendant   la phosphora (iera), fête aux flambeaux, depuis  l’Amnos (l’Agneau) à la prothèse (exposition des hosties consacrées dans un ostensoir), et il prononce en latin  le verset de l’Evangile de Saint Jean relatif au percement du flanc du Christ avec une  lance ; le célébrant place ensuite l’hostie sur  le discos, petit plat, patène,  disculus en latin, ayscl en gallois ( venant de disculus).  

La Grande Entrée commence alors. L’ordre est le suivant : des lecteurs portent des cierges allumés, puis viennent  le prêtre avec le calice (graal),  le diacre avec le diskos (patène), puis un célébrant avec la lance, un autre avec l’éponge et d’autres avec les Evangiles et les reliques. A noter que la lance, hyssos en grec, remplace l’hysope de l’Evangile : c’est la lance  qui a servi à donner à boire au Christ avec l’éponge trempée dans un vase contenant un vin amer, et non cette lance du centurion qui a ouvert le flanc du christ : le passage de l’Evangile de saint Jean  a été rajouté par la suite, me semble-t-il. .

On  trouve pareillement dans le cortège du Graal  la lance, le graal qui correspond au calice  [le calice est un vase à pied en or contenant du vin et auquel les fidèles ne doivent pas toucher], couvert de la patène [un vase  en forme de petite assiette qui sert à couvrir le calice  et à recevoir l’hostie une fois celle-ci  consacrée ),  le tailloir d’argent correspondant au diskos qui sert à exposer les hosties non encore consacrées, enfin   le cortège aux chandelles.

Quiot avait assisté à Constantinople,  à l’église Sainte Sophie, à une telle cérémonie.Notons aussi  Thierry d’Alsace, le père du protecteur de Chrétien, Philippe,  avait apporté à Bruges le sang du Seigneur.

 

3e  énigme : interviennent dans  Parzifal  « deux couteaux tranchants » qui font allusion à  deux menhirs du Passais, appelés les Pierres- couteaux: le menhir du manoir du Perron à Passais-la- Conception et le menhir de la Châtaigneraie à Saint- Siméon.

 4e énigme,  la lance qui saigne que nous trouvons dans le cortège du Graal renvoie à un autre menhir de la région, celui de la route de Banvou près de Saint- Bômer-les -Forges appelé la Pierre qui lance. A l’époque, on connaissait la phrase du Christ (Apocryphes, Epître de Barnabé, Agrapha, 12, 1) : «  quand un bois aura été couché et relevé, et quand du bois couleront des gouttes de sang, la fin des temps sera proche » et le Messie reviendra. La lance qui saigne est le signe pour les millénaristes que la fin des temps est proche (1200), ainsi que le salut pour les hommes qui ont vécu avant la mort du Christ.

 5e énigme : le  cortège du Graal.  Il y avait dans la région de Passais, sur la route de Banvou, un  dolmen troué  et l’allée couverte des  Creux,  en granit roussâtre, avec trois cupules et une rigole. . Le mot Creux,  nom, par exemple, d’un autre  dolmen de la région, Le  Creux de la fée,  vient du grec  cratèr et, comme cratèr , désigne les bassins dans le roc ou  cupules. C’est ce mégalithe qui donnait lieu à des cérémonies chrétiennes et qui a pu inspirer Chrétien, d’autant que le dolmen  est lié à Perceval parce qu’il est un dolmen troué .

Chrestien de Troyes  a certainement assisté à ces cérémonies autour du dolmen du Creux Ces processions prétendues sataniques  et qui reflétaient en réalité de vieilles traditions (voir à la fin Les traditions indo- européennes) commençaient dans une allée couverte encore appelée la Table- au- Diable, table de tous les mets et boissons dans l’esprit des croyants. Il en reste quelques vestiges, comme à  Brèches,  en Indre-et-Loire,  sur la route de l’ancienne voie romaine du Mans à Tours, un  menhir qui a  un mètre soixante quinze de haut. « A son sommet,  écrit Louis Bousrez , existe un creux … Dans ce trou , où l’on peut mettre la main comme dans un bénitier, on trouve , de temps à autre, des pièces de monnaie et certains comestibles, pain, fruits , fromages, etc., offerts par des gens qui attribuent à la pierre des propriétés merveilleuses. Ces objets sont déposés en offrande, sans aucun but charitable, car l’on sait bien que personne ne peut les apercevoir de la route et que les comestibles sinon l’argent sont perdus.  » Ceci rejoint la tradition des banquets offerts aux mânes des défunts le 24 décembre dont nous parlerons plus tard.

Cette table rectangulaire réputée maléfique et chargée de victuailles comme celle du Graal  s’opposait, pour les Chrétiens rigoristes, à la Sainte Table chargée du calice  pour le vin et du ciboire  pour les hosties,  ainsi qu’à celle  des Chevaliers de la Table ronde. Perceval le « nice »,  le simple,frappé d’un tabou, d’une leis  celtique,   en ne posant pas la question de savoir pour qui est ce service du Graal,  ne rompt pas l’envoûtement qui empêche les hommes du dolmen d’être sauvés et laisse leurs  cendres dans leur état maudit.. En expiation, avait lieu sur les mêmes lieux  une procession dite des Anges (figurée dans une grande fresque à l’église de Passais- la- Conception), le lundi de  la Pentecôte et le  vendredi saint.

 

6e énigme, le graal.  Comme l’écrit mon condisciple à l’Ecole Joël Grisward dans sa contribution à Georges Dumézil à la recherche des indo-européens, de Jean-Claude Rivierre, « dans le Parzival,  le graal n’est pas un récipient, mais  une pierre » et même « une pierre précieuse que traversaient les rayons du soleil et qui tirait son nom [lapis-lazuli] de son éclat » (le lapis-lazuli, mal orthographié lapsît exilis,  est expressément interprété par Flegetanis chez Wolfram comme lapsus ex caelis, la pierre tombée du ciel et qui a conservé la couleur bleue du ciel ). On confondait le lapis-lazuli, l’émeraude (cf. l’émeraude qui « constitue » le coussin supportant le graal et  celle qui orne le front de Lucifer, littéralement celui qui porte la lumière) et la turquoise, ainsi appelée en raison du fait qu’on avait découvert cette dernière en Turquie. Or, on appelait aussi pierres turquoises  les dolmens parce qu’on en prêtait la construction aux Turcs. On attribuait la création de ces  mégalithes aux Infidèles qu’on appelait indifféremment Turcs ou Sarrasins, notamment    la Table des Sarrazins, un dolmen de Mantilly dans le Passais également, ou bien la Pierre turquoise,une  allée couverte  de Beaumont-sur-Oise dans la forêt de Carnelle (Val d’Oise), ou encore,   non loin du dolmen de la Pierre à Gargantua, près de Fontenay- sur- Conie,  un dolmen  dont le curieux nom  signifie  l’épi , -par con fusion avec les menhirs-  des Sarrazins,( s) piculus S(arra)ceni, pussceni, pusscini,   interprété comme la Puce qui renifle ( ! ) .  Pierre turquaise,  homonyme de la pierre précieuse appelée turquoise,  est  le nom de nombreux   dolmens. Le graal, pour Wolfram, est une pierre turquaise, un  dolmen, que seuls des anges ont pu porter, vu son  poids,  et poser au sol,

« Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur »,

 comme dit le poète.

Autre nom de dolmen intéressant pour la pierre qui se fend en Irlande.

acucula , épi de blé, simplifié en  acula,  s’est confondu avec asciola (diminutif de  axis, hache) au sens de hachette, qui donne en français la série aisseau, aisselle, aissette au même sens de hache. Avec le préfixe péjoratif mal-, on a une pierre aux haches maudite, originellement un menhir, puis un dolmen. On trouve,  à Désertine dans la Mayenne, en 1158, le menhir Maloseiol, Malaisé aujourd’hui et,  ailleurs,  Maleissie, ce qui, n’étant plus compris, donne de nombreux toponymes comme  la Malassise  près de Châteaudun, avec les légendes de la pierre qui bouge (mal assise) et qui s’ouvre à minuit le soir de Noël, se fendant en deux  et laissant s’échapper des démons ou bien révélant un trésor infernal. En Irlande, la pierre qui se fend chaque fois qu’un roi est mort, comme à la mort de Jésus,  et qui crie à l’avènement du nouveau souverain  est une illustration,   parmi d’autres, de la mauvaise interprétation des noms de mégalithes.

Les  polissoirs 

   Les  polissoirs  empruntent leur nom  à la grille  ou au soufflet de forge à cause de leurs stries , ou encore à des habits frisés au fer chaud.

1 la grille, du latin craticula.

A Arrou (Eure-et-Loir) on a un superbe polissoir appelé Les griffes du diable, corruption de la grille du Diable, tout près d’un ossuaire préhistorique. Citons aussi le Greslard , avec suffixe péjoratif en –ard, près de Marboué , toujours en Eure-et-Loir.

2 le soufflet : latin follis , soufflet, donnant folie, polissoir, grec physaria.

Nombreuses sont les « Folies » en Eure-et-Loir : la Folie -Montchaussée à Saint-Denis- les- Ponts, dont les gros polissoirs ont été transférés dans la cour du musée de Châteaudun, la Folie- Herbault (Fains -la- Folie) ; du grec physaria, on a Figari en Corse attesté par Ptolémée sous la forme Physaria.

3 les habits frisés au fer chaud, du néerlandais croesel .

On a les Pierres greselies, du néerlandais croesel   altérées en Pierres grises par incompréhension et par attraction du nom Pierres bises désignant les menhirs ; on a encore , de la racine néerlandaise kroes ( kraus en allemand ), au sens de plissé,  les Grosses pierres de Brou.  Du latin complicata, on a les Pierres complissées. 

4 la coquille Saint-Jacques , le polissoir basque (jacques y  est l’altération de basque, comme son nom latin pecten, de bekt-en, basque,gascon,  et celui de son diminutif pétoncle, de pectunculus, qui ont subi l’attraction de pecten au sens de peigne, en réalité un sens métaphorique dérivé du mot désignant le  polissoir, comme le plectre de la lyre).  

 Les pèlerins de retour de pèlerinage au  tombeau du Christ  à Jérusalem  ou au  tombeau de saint Jacques à Compostelle (ils  passent d’abord par  un lieu appelé Conques,-les coquillages)

 Portaient cette coquille  avec le bourdon.  Dans Compostelle,  stela, de statana, cf. corse Stantara,  menhir d’ordinaire,   désigne ici un dolmen  et compo (en réalité, campio, champ de bataille, l’ensemble signifiant le champ de bataille du dolmen )  sont  devenus iacopo stela., le dolmen –tombeau de Jacob, Jacques. Ainsi,  le  tombeau dolménique basque, gascostèle, devenu par incompréhension le tombeau  du champ de bataille, Campostèle,  a été christianisé en tombeau de saint Jacques, Iacopostèlé. Le signe imitant par ses stries le polissoir a été  repris par la compagnie pétrolière Shell : la  Shell Transport and Trading Company fut  fondée à Londres en 1833 par le père de Marcus Samuel, et c’était  à l'origine une société d'import-export baptisée M. Samuel & Co. : elle importait en effet des antiquités, des bibelots dont des coquillages orientaux destinés à fabriquer de petites boîtes décoratives, en vogue à l'époque victorienne.

Dans la région de Bonneval (Eure-et-Loir), on a un polissoir   appelé le Bénitier du Diable, le bénitier ayant des stries comme la coquille saint-jacques.

Au premier siècle avant J. C.,  une lampe funéraire  isiaque représente cette coquille comme symbole du tombeau d’Horus qui devait, après la mort, ressusciter ceux qui croyaient en lui : les chrétiens, y voyant une allusion au Saint Sépulcre, appelaient cette lampe en argile cruciolum,  mot  qui a donné notre mot creuset en passant par cruisel, croisuel, crousil.

  Avec le millénarisme, le ressuscité du tombeau dolménique, Roland, qui a bu à la grare (graal) du dolmen appelé la grare de Roland , ressuscite d’un dolmen symbolisé par cette coquille, prenant la suite d’Horus.

  La tradition,  qui veut qu’on fasse le signe de croix lorsqu’on passe sous une échelle pour éviter la mort ou le malheur,  vient de ce que l’échelle reproduit les stries du polissoir et évoque  la mort.

 

 

Il y a plusieurs sens au mot graal et plusieurs origines.

Le nom du  graal, en tant  que nom d’un polissoir, est à rattacher au nom latin  de  la grille, craticula. . 

Le mot graal,  au sens de polissoir, vient  de craticulum ou de craticula, le gril ou la grille en  pierre à cause des stries du polissoir, mais il suscite par analogie le sens de gril diabolique, de crémation et d’incinération des infidèles : la mystérieuse lumière qui inonde le château du Roi Pêcheur (vers 3125 sqq : « L’intérieur était illuminé, au point qu’on ne saurait mieux faire, de tout l’éclat que donnent des flambeaux dans une demeure » et vers 3164 sqq : « Quand la porteuse du graal fut entrée dans la pièce, avec le graal qu’elle tenait, il se fit une si grande clarté que les chandeliers en perdirent leur éclat, comme les étoiles au lever du soleil ou de la lune ») est un  rappel des flammes  qui détruisirent  ces corps infortunés, en attente de salut.   Dans Wolfram,  il faut quatre dames très  musclées et surtout pourvues d’une force magique pour porter ce graal, appelé Pierre turquaise. De deux choses l’une : ou il s’agit d’un vase et une seule  personne peut le porter sans effort, comme dans Chrétien, ou il s’agit d’une dalle de pierre ou polissoir pesant une tonne et que seule la merveille peut faire mouvoir !

 

  Mais  le nom du graal  , au sens de  vase sacrificiel, et non plus de polissoir,  vient  d’un autre mot latin  gradalem, correspondant au  latin savant gradualem, qui donne en ancien français grael , en anglais grail ,  avec le sens premier d’échelle (latin gradus, marche) et qui  s’est croisé avec

 1) les dérivés du latin craticulum ou craticula, donnant gril et grille employés indifféremment jusqu’au XVII e siècle  et qu’on trouve sous les formes grail, graïle,

2) les dérivés de gredillier ou gresillier, verbes qui avaient le sens de plisser,  rider, friser au fer chaud, gradille et gradil ayant le sens de  grille et de gril.  

En tout cas  le mot graal a désigné  chez Wolfram  (une pierre «  turquaise »),  un polissoir, que les quatre porteuses du Parzifal ont du mal à soutenir. C’est pourquoi les hommes de l’époque, ne concevant pas comment des êtres humains avaient pu, étant donné le poids de ces mégalithes,  en  transporter les pierres et les implanter,  imaginaient que des anges les avaient descendus du ciel. L’extension de sens du polissoir au dolmen est secondaire, mais remarquons que ce dernier, n’ayant pas de dallage ou de sol, ne peut être porté.

  Le sens de vase sacrificiel , a été  influencé par le mot  sanskrit graha , d’origine indo-européenne , coupe d’usage sacré ,transmis par Flegetanis-Salamis,  ainsi que  par les urnes cinéraires  , qui , encore au Moyen age , trouvaient abri dans les dolmens .

 A partir du provençal  grazal désignant en Languedoc un vase en cône renversé, une terrine,  et , dans les Hautes-Alpes et en Italie du Nord , une coupe à pied , on restitue .une forme populaire  cratalis, dérivée , soit du latino- grec  cratèra, cratara, seau à puiser , soit  du diminutif cratella, cratalla, cratallis.   

Mais la forme non attestée cratalem dont  dérive le mot graal  qui nous intéresse ici  vient   du latin gradalis pour gradualis,  lié au latin gradus, escalier, degré, et qui a donné l’italien gradale au sens de vase et de livre religieux.

 

Un vase lié à un gibet et à une échelle : le mot gradalis et ses trois sens.

A partir de l’ancien français graël, latin gradualis ou gradalis,  qui signifie échelle (par laquelle on monte sur un bûcher pour l’allumer), on a trois sens  dérivés par euphémisme, le mot vase ne devant pas être prononcé :

1) le vase avec ce que nous appellerions des accélérateurs d’incendie (poix, résine, goudron, etc.) pour le bûcher.   E.  Burnouf, en 1856, dans Le Vase sacré, a fait remarquer que l’idée de sacraliser ce type  de vase  s’est naturellement présentée à de nombreux  peuples qui adoraient le feu et qui l’alimentaient en versant dessus un liquide gras ou alcoolisé : il y a pour eux  un rapport nécessaire entre l’aliment contenu dans le vase, qu’on jette sur la flamme pour la  ressusciter, et le vase lui-même qui est imprégné  par la force enflammante du combustible ;

2) le vase pour recueillir les cendres des morts du bûcher ;

3) le vase pour recueillir le sang d’un crucifié : le Christ.

 Pour le dernier  sens, Joseph d’Arimathie a obtenu l’autorisation de Ponce Pilate d’apposer une échelle sur la croix et d’en  retirer le corps du Christ après avoir recueilli le sang qui coulait de ses plaies. Ce Saint  Graal, avec majuscule,  plus ou moins historique, est aujourd’hui  dans la cathédrale de Gënes.

Je cite l’Evangile selon Saint Jean (XIX,  29) pour un autre épisode où une échelle aurait pu servir à  atteindre le crucifié  « Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait là un vase rempli de vin amer (soit un vin médicinal d’hysope, riche en cétones, soit plutôt un vin de noyaux d’amandes amères, riche en  acide cyanhydrique extrait des noyaux d’amande amère et donc mortel). Ils mirent  une éponge imbibée de vin amer au bout d’une branche d’hysope [nom  hébreu apparenté Esobh , herbe sacrée des Hébreux ] (probablement, une lance , grec hyssos,  plus appropriée, qu’une herbe comme l’hysope , comme dans la cérémonie byzantine,  Matthieu et Marc  parlant, eux, de roseau), et la portèrent à sa bouche. Quand il but  le vin aigre, il dit : « C’est fini. »  Il baissa la tête et mourut.  » Ponce Pilate s’étonnera de ce que la mort de Jésus ait été si rapide (en raison du vin amer) et enverra un centurion contrôler cette mort.  C’est Joseph qui avait déposé ce vase empli de vin amer (jamais les soldats romains n’ont bu de vinaigre, contrairement au commentaire biblique, pas plus que moi-même !) , ainsi que cette éponge, en même temps qu’il avait laissé une échelle à proximité. Les évangélistes nomment l’éponge, mot pourtant vulgaire, qui apparaît dans la messe byzantine,  et le vase,  mais ils ne nomment pas l’échelle, parce que le nom de cette échelle propre au gibet était réputé obscène et qu’elle était censée porter malheur.   Ce vase qui avait été empli de vin amer deviendra, lorsque Joseph d’Arimathie y aura recueilli le sang des plaies de  Jésus, notre Graal.  Le petit vase de jaspe, à l’aspect de marbre,    deviendra le Graal lorsque Joseph d’Arimathie y aura recueilli le sang de Jésus et  qu’il aura été  transporté,  d’abord, à la cathédrale Sainte Sophie  de Constantinople ,  puis à Troyes, où Chrestien de Troyes a pu le contempler. Il ne faut pas confondre  un plat pour exposer les hosties et un vase obligatoirement creux pour recevoir du  sang : il ne faut donc pas confondre ce vase de Troyes détruit par la flamme révolutionnaire en 1794   avec le plat  de la Cène (Sacro Catino, du latin catinus, plat), cette patène qui sert à exposer les hosties et   qui, elle, se trouve encore aujourd’hui  à Gênes.

 

Le Riche Roi Pêcheur à Corbenic.

   L’énigme du Roi pêcheur  se résout peut-être de la façon suivante : l’hameçon ,qui était  jadis en forme de croix, est le symbole de la   croix pour les théologiens de la rédemption et  le Roi  pêche le  poisson (symbole des Chrétiens rachetés, qui ont mordu à l’hameçon du rachat, l’hameçon de la rançon) ; selon d’autres, la croix  serait  le symbole de l’hameçon qui a ferré le démon  ,  « la croix apparaissant comme une sorte d’hameçon  qui enchaîne le démon et l’empêche de poursuivre son œuvre » . Mais il peut y avoir aussi  une allusion chez Chrestien  aux deux poissons qui étaient déposés devant  le Christ durant la multiplication des pains,   dans un récipient plat.

  Sur le vase de la cathédrale de Troyes, existaient quatre  vers grecs ïambiques  traduits en latin comme suit : « Est vas  in quo duo pisces fuerunt ante Dominum Jesum Christum in mensa portati  et depost, illud vas fuit  in quo corpus Domini deportabatur », Voici le vase où deux poissons furent  déposés devant le Seigneur Jésus Christ sur la table  et où le corps du Christ fut  transporté ». A mon avis, les deux poissons sont une  allusion à  la multiplication miraculeuse des pains, Matthieu, 14, 17, Marc, 6, 38, Luc, 9, 13, Jean, 6,39, et Matthieu, 15, 34 : le Christ partagea aussi les deux poissons entre 5000 personnes :  « Tous  mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta   les restes des poissons,  plein douze couffins. . ».Ces deux poissons du miracle auraient  plutôt dû  figurer sur le Sacro Catino de Gênes et on les a rajoutés à Troyes pour faire bonne mesure.   Le « corps du Christ », l’hostie d’habitude,  ce qui tendrait à établir une confusion entre le calice et la patène, doit s’interpréter comme son Sang, ce dernier figurant à l’inventaire des églises de Troyes  parmi les reliques, mais indépendamment de tout contenant, comme « sang de Notre Seigneur »., Le mot pêcheur (pesceör), surtout accompagné de l’ épithète riche au sens de pauvre par antiphrase  et de trépassé, résulte d’une mauvaise interprétation et provient du nom du roi des morts, avec une occlusive à explosion sifflante, ks, qui a donné le groupe sc : de phorksus,pherks-us , on a persc-, cf.  phersep-ona, avec anticipation du s..  

La racine ak- dans (a) Corbenic ou Carbonek au  château du Roi Pêcheur.

 Les mégalithes : polissoirs, menhirs et dolmens,  échangent indifféremment leurs noms.

Une racine ak- désignait la pointe de l’épi lorsqu’elle est encore enveloppée de sa balle de paille. En latin, elle donne acus, de akuks-, génitif  aceri, de akuks-i, diminutif ou collectif acuculus (qui nous a laissé en Corse Cucuruzzu, nom d’un   site préhistorique fameux, de cucur- osus, riche en pierres- épis, en menhirs ). De acucula , l’épi de blé, avec sa balle, on a le mot français  aiguille qui,  au début garde son sens premier (aiguille de pin) avant de prendre le sens moderne d’instrument métallique utilisé pour piquer et pour  coudre , avec ses connotations d’envoûtements et de maléfices. Le nom du  menhir , pierre aiguille,  renvoie d’abord à l’épi de blé, mais le mot n’est plus compris et on a la pierre aux aiguilles avec sa connotation d’envoûtement. Une pierre au tambour est liée au tabouret qui a longtemps désigné en français une pelote d’épingles ou d’aiguilles sur un coussin  avant de désigner un petit siège, si bien que « pierre au tambour » renvoie aussi, malgré les apparences, à l’aiguille avec des connotations de magie arabe et à l’épi.

 De ac canab-entia, (terrain) riche (suffixe –entia) en pierres- épis de chanvre, sachant que

 l’ ibère carabis, chanvre , correspond au latin cannabis, on a   acarventia  et des noms de menhirs  ou   de dolmens comme  le cairn (le mot irlandais  cairn, tumulus  de pierres sèches, vient lui-même de ce radical carventia )  de l’îlot de Gavriniz dans le Morbihan  , de (ac) carvanentsia , et de patronymes (Caraby, etc. .) devenus incompréhensibles.

 Acarbentia produit Chevresse (dolmen à Saint- Brisson dans la Nièvre), Chevreuse, Chevrie (Villeneuve-en –Chevrie dans les Yvelines), Chevrier, Chevron, Echambot, Echarbot, Charbonneau,  Corbeau (dolmen  du Corbeau à  Louresse- Rochemeunier près de Doué –la—Fontaine), Gavarnie dans les Hautes-Pyrénées,  Carnac,  de carbonek,,  Corbenik ou   Carbonek, le château du Roi Pêcheur (homonyme de pécheur) et de nombreux autres noms de résidences du roi Arthur, Carbonek étant traduit aujourd’hui par  Castle Dinas Bran, bran signifiant corbeau ou corneille en gallois. Avec changement de suffixe, on a  Caërnarvon ou Carnavon en Grande-Bretagne, métathèse de carvan-on, la Cornouaille (anglais Cornwall, latin Cornubia vers 1200, métathèse de carbentia,,  carnebenia, puis  avec suffixe pris à  kernel, grain, ,cornv-allius.  Une attraction par l’indo-européen gr-nom, latin granum,,  lithuanien zimis, anglo-saxon corn, grain de blé et kernel, noyau,  n’est pas exclue pour expliquer Cornouaille ,,  ou Carnelle dans le Val d’Oise.   

 

Le mot graal , qui , phonétiquement , vient de cratala, la grille, désignait originellement le polissoir avec ses rainures importantes débouchant sur une rigole,  avec ou non une cupule destinée à recevoir le sang des sacrifiés. Le mot gaulois cleta , parent de craticula, et qui a donné le vocable  claie (et on connaît  l’usage consistant à faire traîner, sur des claies ou treillis d’osier, par des chevaux,  le cadavre des suicidés,  excommuniés et impurs) est apparenté au latin craticula, grille  ou gril. Le graal a pour doublet profane, à l’origine, la grille avec ses barres parallèles.

   Du polissoir sacrificiel le mot graal s’est étendu au dolmen. Mais il y a eu confusion avec une autre origine : celle de   cratera, seau à puiser de l’eau, qui a  survécu dans le sud au sens de récipient, et celle de son collectif spécialisé, cratalis , urne destinée à recueillir les cendres d’une ou de  plusieurs personnes , mise sous la dalle du dolmen.

Il est remarquable qu’un bon nombre de polissoirs aient été transportés autour des églises et qu’ils aient ainsi été placés sous la protection divine, par exemple à Civry en Eure -et- Loir.

 

Le culte des cupules et l’origine indo-européenne du sacrifice : le mot sanskrit  graha .

Dans Orion ou Recherches sur l’antiquité des Védas,  Lokamanya Bâl Gangâdhar Tilak rappelle que graha est le nom d’un récipient sacrificiel utilisé le jour de la pleine lune du 24 décembre , et que chaque jour de la semaine avait sa propre coupe. Le culte des cupules (creux artificiels ou naturels dans le roc) remplies d’un liquide rouge est souvent associé aux polissoirs. La cratera de Joseph d’Arimathie peut avoir hérité du sens indo-européen de graha.(voir ci-dessous Les traditions indo-européennes)

 

Les noms des  dolmens.

Au Moyen Age, on ne pouvait encore se servir du mot dolmen, dénomination littéraire créée par Chateaubriand dans Les Martyrs en 1809 ; menhir n’apparaît qu’en 1834 dans le Dictionnaire de Boiste, l’adjectif druidique avec Voltaire en 1773 dans Questions sur l’Encyclopédie : seul le mot savant polissoir apparaît plus tôt, en1560, dans les Mémoires de Martin du Bellay.

 

Les noms des  dolmens du Passais et l’importance des urnes pleines de  cendres exposées dans les dolmens  au Moyen Age

Dans le Passais, on trouve un dolmen, classé monument historique, qui est appelé la Ciste du Champ pie des Chiens. Le mot ciste vient du latin cista, urne, corbeille, coffre en anglo-normand conservé dans l’anglais chest, coffre.  Le champ pie désigne le cimetière, pie ayant le sens : qui doit inspirer un respect religieux. Mais cette piété est tempérée, s’agissant de non -chrétiens  incinérés, et leur champ de repos est qualifié de cimetière  pour chiens, c’est-à-dire de cimetières  maudits, impurs. 

  Il existait  pour évoquer  les urnes cinéraires  et par métonymie les dolmens et les allées couvertes où elles étaient encore entreposées au Moyen Age, des mots, soient d’origine latine ou grecque pour les lettrés, soit  des mots d’origine normande pour les autres.   L’importance de la crémation pour les morts dolméniques  est encore attestée par les dérivés du latin bustum, tombeau, plus exactement cendres humaines issues de la combustion sur le bûcher,  le mot bust prononcé [but]  et écrit  but dans les buts de Gargantua, compris comme les quilles avec lesquelles joue le géant dans son enfance, le Grand Bussard  (détruit , comme le Petit Bussard) à Saint-Denis- les -Ponts (Eure- et- Loir) et altéré en loup par incompréhension dans la Pierre –au -loup de Seiches en Anjou, le Poirier (pierrier) le loup à Louvigny en Lorraine.

Citons encore  les dérivés du grec lakkos, laguna, vase, du latin lacus, lagoena , avec leur diminutif lacella, urne, aiguière qui donne, près de Bagnoles -de l’Orne, Lalacelle par agglutination de l’article féminin,  , au sens de dolmen contenant des urnes funéraires., Lassay, Lancelot .

 

Les menhirs

Ils empruntent leur nom à l’épi, au couteau, à l’aiguille, au tambour, à la bouture qu’on enfonce avec le pied ou le talon, aux mesures de quantité et aux éléments de jeu. .

 Les menhirs, issus de la révolution due à la sédentarisation agricole.

La société paléolithique pratiquait ce que Frazer dans Balder le Magnifique appelle  la magie imitative ; certains primitifs  à la saison des plantations d’ignames, sautent,  au péril de leur vie, de la  plus grande hauteur possible  comme à Vanuatu,  sur l’île Pentecôte, lors du fameux saut du gaul, toujours pratiqué (et sans filet ); plus grande sera la hauteur d’où ils se laisseront tomber, plus profondément s’enfoncera le tubercule dans la glèbe et plus gros il  sera. En Europe, plus haut les villageois sauteront  au-dessus du feu à certaines fêtes suivant l es semailles, plus haut le lin, le blé ou l’orge pousseront. Nos épis de faîtage, ou bien la joubarbe qui orne le faîtage des chaumières, reposent sur la même et durable croyance.

Ainsi l’érection d’un menhir –épi de pierre, ou plus généralement  celle de sillons de plusieurs menhirs (on compte 56 plongeoirs ou gauls à l’île de Pentecôte, nombre qui est celui des clans de l’île) a pour but de mimer analogiquement la croissance des plantations, de la stimuler magiquement. Comme dit le poète,

« C’est l’épi le plus dur qui soit jamais monté

« Vers un ciel de clémence et de sérénité.

La fin des menhirs avec l’âge des métaux.

Les menhirs ont continué d’être construits longtemps après la fin de l’âge de pierre, et certains d’entre eux  témoignent    de la connaissance des métaux : ainsi, en Corse, certains menhirs sont gravés d’une épée : c’est la fin de l’évolution.

Les dolmens.

 

Du dolmen du  lit de la Gione en Pasais normand  à la Joie de la cour de Chrétien  ou au Respas de Joie de Wolfram.

 

  Pour les mots ibères désignant les dolmens,  transmis par le germanique, nous rencontrons dans le Passais normand le dolmen du lit de la Gione, la Gione étantune fée maléfique, son lit périlleux ,  auquel  il est fait allusion dans le  Perceval de Chrestien,  étant l’équivalent du lit de Procruste dans l’antiquité. On a, en effet,  trouvé dans certaines  allées couvertes  des squelettes dont les pieds et la tête avaient été rituellement tranchés, par exemple dans le voisinage , à la Grotte aux fées, une allée couverte de 25 mètres de long ,  classée monument historique., ainsi qu’à celle de  la Bertinière. Ce qu’on croit être le sarcophage du chef Baudemagu,ou Bademagu, roi sarrazin  le roi de Gorre (le Pays des morts), dont le fils Meleagant estn le ravisseur de Guenièvre dans Lancelot, le chevalier à la charrette de Chrétien, savoir une pierre creusée dans la commune de Saint- Bômer (de Baudemagu)- des –Forges ,  était la place où on allongeait le roi déchu ou vaincu pour le démembrer et où on lui tranchait les extrémités .  Telle est peut-être l’origine de la mutilation de Amfortas., le  Roi méhaigné, au sens  de mutilé

 Intéressons-nous au  dolmen normand  nommé le lit de la Gione, où lit vient, non pas de lit où dormir, mais de  lit, de l’ibère lada, coffre, dolmen ou allée couverte, donnant souvent en français lande, lade ,  laye ou lit, ce dernier mot ayant disparu à cause de l’homonymie. . .

   Le mot lit au sens de coffre , différent de cassette, se retrouve  au XVIIe siècle : il a causé des problèmes à Marcel Pagnol dans Le secret du Masque de fer, p.163 et 217 , qui ne l’a pas  compris : « Vous me ferez plaisir, écrit Louvois à Duclos, de garder jusqu’à mon retour la cassette qui vous sera remise chez feu Nallot  (trésorier général de l’ordre de Saint –Lazare décédé le 16 juillet 1673 par empoisonnement, alors que le ministre se trouvait à Maastricht), et Carpatry vous fera encore porter un lit dont je vous prie de faire de même et de prendre soin qu’il ne se gâte. » Puis voici une  lettre de Carpatry : « Je vis hier Madame d’Aubray (la sœur de Nallot, qui avait intenté un procès dans l’affaire des poisons à la marquise de Brinvilliers), je lui parlé du lit qui vous appartient, lequel était en la possession de son frère. Elle m’a dit qu’elle ne l’avait point vu, mais qu’elle croyait qu’il était dans une armoire ; mais qu’à cause d’une consignation elle ne pouvait faire cette recherche, et que ce serait pour aujourd’hui .Je me suis rendu au temps marqué. Elle m’a fait dire qu’elle avait trouvé le lit. Je le retirerai dès demain et le donnerai dans le même instant à M. Duclos et je retirerai un récépissé de lui tant de ce lit que de la cassette. Madame d’Aubray m’est venue trouver pour (me dire d’) aller prendre votre lit chez elle. J’y ai été et je l’ai rapporté chez moi, où il est dans mon cabinet. Nous l’avons déployé, et nous y avons trouvé les pièces mentionnées dans le mémoire ci- joint. Cela s’est fait fort honnêtement de la part de madame d’Aubray. » Madame d’Aubray, dans une lettre, revient sur le sujet : « Je crois que M. de Carpatry vous aura assuré que je lui ai mis entre les mains votre lit blanc. Je payerai Madame Foucault lorsqu’elle me demandera de l’argent. Mon frère, avant de mourir, m’a informée de l’affaire, sachant bien que je sais me taire quand il faut.  »

 

Quant à la Gione,  les deux mots, avec déglutination de ce qui a été pris pour l’article, viennent de l’ibère lagione, du latin laguena, cruche, urne cinéraire, avec d’autres formes populaires bien attestées : laguena, laguina, lagona.

 Le nom de cette allée du lit de la Gione signifie donc le coffre  aux urnes (laguona) ,  comme dans la Lande-Pourrie (de landaine pourrie, qui signifie le coffre des cadavres en putréfaction) près de Ger en Normandie. . Dans la légende normande, la fée remue des cendres, humaines puisqu’elles parlent dans le bouillonnement des oeufs, annonciateur de la résurrection des hommes préhistoriques, comme les œufs de Pâques. On peut en rapprocher, à Louvigny en Lorraine, le poirier qu’on coule (qu’on fait bouillir) les œufs, poirier n’a rien à voir avec l’arbre, mais avec la pierre du dolmen (pierrier). En Lorraine, un autre lieu-dit, le poirier (pierrier) Jarione  est à rapprocher de la Gione.  

De dimidia-laguona, demi- amphore, on a, par fausse étymologie, le provençal damajano, le français  dame-jeanne et l’anglais demijohn, , Lancelot du Lac glosé par Lancelot du Lay Dayne (ou de  Diane, celle-ci devant devenir la fée Viviane, la Dame du lac). Lay Dayne signifie le coffre (lay) des urnes funéraires (dayne).

Dayne est altéré en andaine, par dissimilation de ce qui fut compris comme l’article initial, l’andaine,  de lande daine, , le dolmen aux urnes.  de lada,dolmen, et de dayne, urne, ce dernier mot venant de dimidia-laguoena (cf Bec d’Andaine, dans la commune de Genets près du Mont Saint-Michel, un  cap avec un dolmen (lada) et des  urnes funéraires (dayne)  et Brocéliande qui s’analyse en  Brochwël,  nom d’un guerrier gallois incinéré en 618 et landa, le coffre, donc  le dolmen aux urnes funéraires) : Brocéliande signifie le dolmen  où sont exposées les cendres de  Brochwell  (Annales de Cambrie, p.15), mort  dans une forêt du Paysq de Galles, dans le voisinage de Carduel , de cardaf (aujourd’hui Cardiff  .de car, forteresse, et de Taf ou Daf, nom de la rivière) et de Chester, du latin castra, camp.

Dans Erec et  Enide , trad. Mary,   p.110, nous lisons, -c’est l’épisode final de La Joie de La cour, -que , dans le verger ensorcelé, sous un pieu  avec une tête et un cor accrochés, dans Erec et  Enide , « était un lit d’argent, couvert d’un riche brocart, et sur ce lit assise une pucelle admirable de corps et de visage ». Lorsque Erec met fin à l’enchantement, « tous se mirent à chanter un lai [au sens germanique de lied  ou lay en anglais, chant, les lais ou petits poèmes narratifs en octosyllabes que les premiers jongleurs  gallois chantaient sur accompagnement de rote, un violon à 5 cordes] que les dames composèrent et qui fut appelé le Lai de la Joie. » Mais lit ou lay désignent un dolmen dans le poème gallois et les mots de la joie viennent en réalité, par incompréhension, de laguona, qui signifie urne. Le mot vermeil dans cet épisode nous rappelle que nous sommes au royaume de la mort, de

, non pas nom de couleur, mais de  Roge , Logres  , d Orcus, Ogre , le nom du d=dieu de la mort, cf. M-organe.

 

La résurrection diabolique des morts  des  dolmens et le terrifiant dieu des morts, Tepech en Roumanie (surnom de Dracula, le comte Vlad III).

 

L’allée couverte de la forêt de Carnelle dite Pierre Turquaise  à Saint-Martin- du- Tertre dans le Val d’Oise, est une très belle allée couverte qui présente une gravure de la déesse des morts et une dalle trouée avec un hublot circulaire s’emboîtant dans une rainure. L’initié devait sortir des « enfers », tout seul, par ce hublot

Qui est la « déesse des morts » ? C’est Phorkuia , la femme du dieu Phorkus, Phorcus ayant donné Orcus en étrusque et en latin au sens d’enfers et ogre en français.,  en grec olbos, au sens de riche ( cf. le Riche Roi Pêcheur , où riche , traduction du gallois, signifie trépassé   par antiphrase, comme , dans le midi , pauvre [ « ma pauvre mère »]) indique qu’on parle d’un mort). .  Ce radical kwelkwes  nous a donné également  Erèbe, les enfers , ainsi que ,par métathèse de   pkwerkwôn, , Ploutôn, latin Pluto, le dieu des morts et ploutos, riche. En Sardaigne on a  un lieu appelé Olbios avec dolmen et, pour un dolmen, le nom de  maison d’Orgia, pour Phorkuia, le correspondant féminin  de Phorcus. Perséphone, Proserpina en latin, le mot persona, au sens premier de masque, Prôteus,  Laistrugons dans  l’Odyssée, la ville de Logron, , aussi bien en Espagne qu’en Eure-et-Loir, amènent à poser pour la déesse des morts un radical  indo-européen  avec labio-vélaire à explosion sifflante  et un suffixe –on caractéristique des noms de dieux , soit kwserkws-on-è,  grec Perséphônâ pour Phersepona, latin Proserpina, Phorkus, de pwerkw-us, Logr-on  ou Lorges, de pwserkws-on.

   Dans certains lieux, on a, avec métathèse du r, Logres  pour  Lorges,  Le l initial peut provenir d’une agglutination de l’article mais plus probablement d’un v ou d’un  b venant lui-même du  ph de Phorkys,  comme dans Laistrugones. Le royaume de Logres  est celui où se trouvent  Cornenic et le château du Roi Pêcheur. et  le royaume de Gorre, est la métathèse de ogre.

De nos jours encore, le nom de Tepech, de khwserkws, terrifie les enfants en Roumanie. C’est le surnom de Dracula,  le comte Vlad III, L’Empaleur aux yeux des Turcs , qui n’ont pas compris que son nom complet était Tepechu-lad,  de lada , dolmen, cercueil , et signifiait  la maison du dieu des morts , et l’ont scindé en Vlad et en Tepech.  .

Dans le cycle du Graal, nous rencontrons chez Chrestien (vers 833-1301)  le Chevalier Rouge,  rencontré auparavant  dans Erec et Enide sous le nom de roi de Rouge -Cité, roi des enfers, glosé par le  chevalier  Vermeil,  un ressuscité  qui défie le roi Arthur  en jetant  le contenu de la coupe  de souveraineté à la face de la reine Guenièvre et en  dérobant cet objet sacré .  Rouge vient naturellement  de Orgia, nom de la déesse des morts, comme le nom d’Ogier le Danois, corruption de ogerlada, le dolmen (lada) de Oger, le dieu des morts. Perceval viendra à bout de cet envoyé de l’au-delà.  Sont apparentés  le nom de Roger dans le Roland furieux de l’Arioste,  le surnom du Diable en anglais, Old Roger (ce nom étant aussi celui d’un squelette grimaçant), ou  encore le nom du pavillon noir (et non pas rouge) des pirates à tête de mort   appelé le Jolly Roger.  Jolly,  joliv en ancien français, vient du nom de la fête scandinave du solstice d’hiver, la Noël, appelée Jôl, où avaient lieu tous les débordements. Jôl, de jôr, veut dire  solstice, et il faut en rapprocher le nom anglais  de l’année year, gothique jer, scandinave yel, avestique yaarë, latin   hornotinus avec ancien suffixe en –tinus, annuel,  grec ôra, Orion, ou Oarion, de yoarion,  et  Phorkus, donc  Orgyia, la déesse des morts. Lokamanya Bâl Gangâdhar Tilak, dans Orion, p. 218, a  tenté de le rapprocher  le sanskrit âgrahayana et le grec Orion.On peut leur joindre le nom de la coupe sacrificielle  utilisée pour le solstice d’hiver et pour le solstice  d’été., graha en sanskrit, autre nom pour le   Graal,. Nous reviendrons là-dessus à la fin de cet article.

   La  « divinité  des morts » nous apparaît chez Chrestien   comme  un chevalier peint sur une dalle peinte, au sens de dolmen : le  nom de celle-ci vient de pi(n)cta, peinte, par altération du véritable  nom  , celui de la pierre- épi,  spicata, confondu avec pincata , peinte. Le chevalier est susceptible de ressusciter et de se battre contre Perceval. On en trouve aussi mention dans la Première continuation en prose du Perceval (collection La Pléiade),  comme du jeu d’échecs enchanté.

  Puis nous rencontrons l’Orgueilleuse de la Lande,  donc  la reine  du royaume des morts,  une autre ressuscitée à cette vie terrestre,  pendant la période du 5 décembre au 5 janvier, depuis son dolmen. C’est Orgia, la reine de Logres (Orcus,  en latin les enfers) qui  est gravée sur la Pierre Turquaise. La Lande vient de  landa, dolmen, lade en allemand, cf. les Pierres Larges,  ou dolmens,  du latin  lata, confondu avec l’ibéro -germanique  lada,  large, par fausse étymologie).  et l’orgueilleuse, avec déglutination de l’article,  de lorg, la reine de Logres, Orgia,   +suffixe français de féminin –euse, signifiant  la morte, la ressuscitée (du dolmen.

Nous trouvons ensuite chez Chrestien  son  pendant masculin :   l’Orgueilleux de la Lande, déjà rencontré dans Erec et Enide, orgueilleux à l’époque se disant orgoilus et donnant chez  Wolfram   le chevalier Orilus  von Delalande (au lieu de von Lalande) .Mais c’est dans Le chevalier à la charrette , adaptation de Claude Duneton et Monique Baile, p.81, « Lancelot s’arrête enfin devant un une tombe de marbre qui l’emporte en beauté sur toutes les autres(nous sommes dans un cimetière, au royaume de Logres)…Cette tombe est la plus belle et l’on dit qu’à l’intérieur c’est encore plus beau. .M ais nous ne le verrons jamais parce qu’il faudrait au moins sept hommes pour soulever cette dalle. » Lancelot lit sur la dalle de marbre blanc rosé :

« Celui qui lèvera  cette lame

D’un seul élan de tout son corps

Libérera hommes et femmes

De la terre d’où nul ne sort.

Il ouvrira grand les frontières

Aux gentilshommes comme aux vila      ins,

Captifs dolents qui pour lors errent

Au pays d’où nul ne revient. »

Alors Lancelot s’empare à deux mains d’une extrémité de la dalle et commence à la soulever en bandant toutes les forces de son corps. Arc-bouté tel une arche de pont, il maintient à bout de bras la dalle levée qui flamboie sous les rais du soleil » et libère tous les morts. L’Orgueilleux de la lande intervient ensuite, p. 102.

 

Tout ceci  constitue,  à n’en pas douter, un épisode originel de la légende.  De plus,  ce ressuscité a nom, en italien,  Orlando,  de orgl + landa, le ressuscité du dolmen, exactement l’enfer du dolmen,  métathèse Rolando. 

Le mot tombe vient, par le latin tumba , du grec tumbos , corcyréen tumos, ou tulos et , chez Dion Cassius au IIe siècle , tulè, bosse, coffre, dolmen.  Tumba est apparenté au latin tumulus (mot introduit en français par Chateaubriand en 1811), au sens propre un gonflement de terre (latin tumeo, gonfler), sans nécessairement la  présence  de dolmen ou de tombeau. Tumbos   est  le mot employé  pour désigner la pierre qui bouche l’entrée du dolmen consacré à l’initiation et qu’il faut déplacer pour en sortir, pour ressusciter.  Dans l’Estoire del Graal, Kiot écrit :  « Nous appelons « tombe » la pierre qui fermait le sépulcre [du Christ] ». Quiot précise que la patène qu’on posera sur le vase »signifiera la pierre qui fut scellée après que (c’est le Christ qui donne cette explication  à Joseph) « tu m’eus déposé dans le sépulcre. »

 

Le difficile et incertain problème des sources : Wolfram et le Perceval en vers et perdu  de  Quiot de Boron, Chrestien de Troyes et le livre que lui remet le comte de Champagne,   savoir le Perceval en vers et perdu de Quiot , enfin Galaad dans la Queste del  Graal de Chrestien de Troyes.

Chrestien  n’est  pas seulement l’auteur de Perceval, mais de bien des suites dites continuations et attribuées sans preuve à des inconnus, ainsi que  l’a fait remarquer M. Wilmotte,   Si l’on admet que Wolfram pensait que Chrestien était l’auteur de  certaines continuations , comme La queste del saint Graal, où apparaît un  Galaad  à qui , cette fois, est promis le  royaume du Graal (ce n’est plus  Perceval à  qui est promis le royaume)   on comprend sa déception et sa colère contre Chrestien qui  abandonne Perceval pour Galaad  dans La Queste del saint Graal  ,-   histoire  qui reprend le fil précisément là où finissent les aventures de Perceval et où débutent celles de Gauvain , au vers 6438 (« le conte s’arrête ici de parler plus longuement de  Perceval » . Laissons la parole à Wolfram  à la fin du Parzival : « Maître Chrestien de Troyes [dans la Quête del saint Graal] a raconté cette histoire d’une façon infidèle et il y aurait de quoi de quoi éveiller la colère de Quiot [de

Boron] qui nous en avait donné, lui, la version authentique. L’homme originaire du village de   Boron  raconte véridiquement que [Perceval] le fils d’Herzéloïde hérita du Graal qui lui était destiné et dont son père Amfortas avait été déchu. C’est depuis  la ville de  Boron  que nous fut transmis, en région allemande, le récit authentique et la conclusion de cette aventure. Quant à moi, Wolfram d’Eschenbach, je n’en veux pas dire plus long que le maître [Quiot de Boron] n’en a dit. J’ai parlé du véritable Perceval, de son berceau et de ses illustres parents. Je l’ai conduit là où son destin le voulait. »

Un indice que le Perceval de Quiot de Boron est bien celui dont  s’inspirèrent tant Chrestien que Quiot de  Boron , est une  déclaration faite par  Quiot ,   déclaration que l’on passe généralement sous silence parce qu’elle jette bas beaucoup de systèmes,  à la fin  de l’Estoire del Graal : « je suis le premier à raconter l’histoire du Graal avant tout autre », et que ,  par conséquent,  il a précédé Chrestien : chez Chrétien,  le mot graal n’apparaît qu’au vers  3158 , mais ce n’est  pas la première apparition du mot dans la littérature française, puisque Quiot de Boron  en avait déjà fait usage, ne serait-ce que dans son titre : le Roman de l’estoire du Graal.  De même, c’est Boron qui, le premier, emploie l’expression « service du graal » que Chrestien reprendra. De même, avant Chrestien, Quiot de Boron, avec son Perceval en vers perdu, est l’introducteur de Perceval dans la littérature française.  Chrétien n’aura plus qu’à se servir du personnage, déjà connu des lecteurs, aussi bien dans Erec et Enide (1160) que dans Cligès, avant de des décider à lui consacrer un conte entier, Perceval et de l’abandonner au profit de Galaad dans La queste del Graal.    

 

La  source  de Wolfram  est   ainsi, de son propre  témoignage, Quiot de Boron, auteur de l’Estoire del Graal et surtout d’un Perceval en vers perdu.. Wolfram  est, comme son modèle  Quiot de Boron, le champion  de Perceval comme candidat à la  royauté du Graal.  

La source de Chrestien de Troyes est   également Quiot de Boron : ce dernier  a suivi dans son Perceval perdu  un manuscrit écrit en syriaque  trouvé à Tolède  et une   chronique d’Anjou en latin. Le comte de Champagne, protecteur de Chrestien, lui prêta  le livre de Quiot de Boron, Perceval. .

A) Pour Quiot de  Boron, jouant sur les deux sens du mot ,  le graal,  après avoir désigné un vase , devient  , comme chez Wolfram, un livre : « Je n’oserais vous dire tout cela, si je n’avais sous les yeux le livre où sont écrites par de grands clercs (homme qui étudie pour entrer dans l’état ecclésiastique) les histoires secrètes et qu’on nomme le graal » (929-936 ) . Ce  passage a été souvent mal interprété.   En effet, on peut en être surpris, mais le mot graal, graël en ancien français, comme l’italien gradale, désigne effectivement, soit un graduel, (les versets qui se chantaient à l’office sur les degrés, gradus, du jubé), soit un livre d’église contenant ce qui se chante au lutrin pendant la messe, soit,  comme ici,  un registre ou livre tout simplement.Il s’agit donc ici  de l’ Evangile de Nicodème, tout simplement, et non d’un livre- source  inconnu où il aurait puisé ses informations.

 Quant au  manuscrit de Flegetanis auquel Wolfram fera aussi  allusion, je ne crois pas à l’explication de René Nutel qui le fait venir du titre d’un livre arabe,  Felek-Thani , La deuxième sphère, c’est-à-dire le Ciel de Mercure,dont le pôle est Jésus. Pour moi, , le texte de Tolède  est l’œuvre  du chrétien du IVe siècle Epiphanios de Salamis (ville de Salamine sur l’île de Chypre, où habitent de nombreux Persans), et Flegetanis  est la corruption de Salamis. Salamis écrivait en syriaque ancien, dialecte araméen (la langue du Christ). Il  est l’auteur d’un traité sur les pierres précieuses  qu’il composa pour un prêtre persan à Constantinople ou à  Samaris sur l’île de Chypre. Une pierre précieuse est attribuée à chacun des douze signes zodiacaux.

 

C’était un astronome capable de prévoir les éclipses : « le physicien aperçut,  de ses yeux,  dans les constellations, des signes mystérieux dont il ne parla qu’avec crainte [ils annoncent,  selon  les millénaristes, la fin du monde pour 1200] ; il y a une constellation appelée en grec Kratèr, la Coupe, le Graal,  annonciatrice de fin du monde.)  et affirma l’existence d’une chose prodigieuse  dont le nom, le graha, lui apparut clairement dans le ciel. » Il s’agit de la coupe du rituel indo-européen du Ier janvier, le graha indo-européen destiné à devenir le graal). S’agit-il d’une pierre turquaise dolménique, que les anges s’apprêtent à transporter sur terre en présage de la fin du monde ? Cette présence des Anges gardiens du dolmen,  , les Anges restés neutres dans le conflit qui s ’éleva à propos de la chute de Lucifer, serait un trait manichéen. En tout cas, Flegetanis avait dû adopter une thèse astronomique pour expliquer la construction des dolmens, témoin la  phrase qui suit, seule citation que, grâce à Wolfram,  nous possédions de l’original de Flégetanis,  prêtée à Flagétanis par Quiot de Boron selon  Wolfram:

« Une légion d’anges déposa (le graal ou dolmen, trop lourd pour avoir été installé par des êtres humains) sur la terre, puis remonta au plus haut du firmament. Confié à un pécheur, le graal  disparaîtrait, car il n’admet en sa présence que ceux qui en sont dignes : il a donc fallu désormais, pour le garder, le rejeton baptisé d’une race pure (sans péché), [Galaad]. » Avec le  nom de Liddamus, -peut-être une mauvaise leçon pour Llywelyn,- donné par Quiot  à un personnage que Chrestien n’a pas cru bon de nommer, ce sont les seuls vestiges de l’original.

 

B) Quiot de Boron  parle aussi d’un livre ancien où il a puisé ses éléments historiques.  Certes, Quiot  n’a pas lu les Annales de Cambrie., mais faute de trouver les annales dont il s’est inspiré, il est intéressant d’examiner des annales comparables, par exemple les Annales Cambriae.

La Cambrie de ces Annales tire son nom de  premiers habitants ibères, qui ont précédé  les Gallois, savoir les Cimmériens et les  Cimbres, qu’on retrouve en Ecosse et en Espagne.  La Cambrie  est devenue   le  Pays de Galles et  elle regroupe  les deux Galles du nord et du sud,  Elles ont été écrites  en latin mais traduites du gallois : le gallois est une   langue celtique appelée cymraëg, en français le cymrique, et compte de très  nombreuses variétés dialectales. C’est  dans ces Annales que nous trouvons aujourd’hui pratiquement les seuls renseignements historiques dont  nous disposions  sur notre héros légendaire.

Le nom de la Galles, Walliae en latin, de walkiae, de walks+-i-, morphème de lieu + désinence latine -ae,    est issu du nom des  Welshes (son curieux s ne marque pas le pluriel, mais il fait partie de la racine), les Gallois , et du nom du dieu de la mort Pherkus qui donne Gallus, à la fois Gaulois et coq,  dans les langues celtiques. De même pour le   nom  Gallia, la Gaule, qui ne peut dériver phonétiquement   du latin Gallia, de galkia, comme pour ceux de  la Galicie, de galik- ,  de la Valachie, de valakh, du  pays gallo(k) et pour  la Bulgarie . Le coq  a reçu ce surnom en raison des combats de coq, je supposer ; je cite une superstition slave : lorsqu’on entend un coq chanter à minuit, cela annonce une mort violente. C’et bien, aujourd’hui encore,  le dieu de la mort ! De même , le slave oupir qui nous adonné vampire.

  Voici les éléments historiques  que, grâce à ces annales, nous possédons sur notre héros gallois, Peretur : c’était un dux Venetorum, un chef des Vénètes, du pays de Galles du Nord, originaire de la ville de Gwinedd, toponyme dérivé de Venet (orum).  Dans ces Annales de Cambrie , je lis p.12,  : « année 529 ;  Armterid [bataille d’Arderydd, Arderit, Erderit] inter filios Elifer et Gwendoleu filium Keidiau, in quo bello Gwendoleu cecidit »,    bataille d’ Armterid , guerre entre les fils d’Elifer [Perceval et  Peretur] et [les fils de ?] Gwendoleu, qui était lui-même le fils de Keidiau , guerre  dans laquelle  Gwendoleu est massacré …537, Guurci [Gwrgit, Giurgi] et Peretur, Elifer filii, moritur »,  Guurci et Peretur , fils d’Elifer , meurent en 537.

Or, dans les langues brittoniques,   c’est—dire en gallois comme en  breton de France et en cornique, les labio-vélaires indo-européennes passent toutes  à p, comme à l’initiale de   Peret-ur, de khwerewkhw, percer.  Gwurci n’est donc  pas une forme galloise, qui commencerait par un p,  mais une forme  irlandaise (les langues gaëliques comme l’irlandais ou l’écossais ne passent pas à p leurs labio-vélaires).On peut en déduire  que le copiste était  d’origine irlandaise  , comme l’écrit d’ailleurs ,   à propos du 3e manuscrit,  John Williams , dans sa préface aux Annales Cambriae , p.7,  et qu’il n’a pas donné la forme galloise avec p , qui serait  Perseddwlad (Pervewalt ), mais la forme irlandaise Gwurci, -i final  étant une marque de  vocatif, comme -is  est la marque du nominatif.  Je pense donc que ce n’est pas Peretur qui est notre Perceval, mais Gwuurci qui  est le nom de  notre Perceval sous une  forme irlandaise. C’est ailleurs que dans ces annales de Cambrie que Quiot de Boron a choisi  la forme  Perseval.

 Dans un autre passage des annales , p. 30,  l’auteur évoque le Gallois des Galles du  Nord  Lewelin, qui ,  en 1256,  se laissa émouvoir par des Gallois que les Anglais avaient chassés de chez eux  et se dirigea,  à leur demande , vers la  « terram de Pervewalt et eam infra unam hebdomadam,  praeter duo castra, scilitet Degantro  (aujourd’hui Disserth and Frecoed), viriliter occupavit », c’est-à-dire : il gagna  la terre appelée de Persewalt et l’occupa virilement  en moins d’une semaine sauf deux camps, à savoir   Degantrum et Disser Degantro,   (aujourd’hui Derwen  et Dissert, aujourd’hui  Disserth and Frecoed ).  La forme galloise portée depuis longtemps par une terre féodale confirme ce que nous disions : elle a porté le nom gallois  du frère de Peretur, Pervewald avec un w, , et non la forme irlandaise, Gwurci. .

 A l’époque, les lectures de patronymes étaient d’une grande désinvolture ; ainsi, Camelot, le château du roi Arthur, est l’altération de Cavaliot, lieu d’origine de Yvain. Quiot de Boron et  Wolfram ont puisé dans une autre chronique ,  celle d’Anjou (Chronicae Andecavia), des noms comparables à ceux que l’on reconnaît dans les annales de Cambrie :   le nom du  père de Perceval,  Gahmuret, provient d’une mauvaise lecture de Gaheriet ou Gaheret, nom de chevalier dans Erec et Enide, p. 54, Ampflize, reine de France (du nom d’une reine de France  Aelfled lu Amflede , contaminé par  le féminin  Edelisia) qui apparaît dans le Titurel de Wolfram (du Tityre virgilien des Bucoliques, Grec comme Cligès qui a donné le nom de Titurel ) ,  Kundrie la sorcière dans Parzival, du nom , mal lu, de la bataille de Konwy,  , utilisé aussi  pour la création fantaisiste de Kondwir-amours, la bataille d’amour, sur le modèle de Soramour de Cligès, et  surtout , pour Quiot de  Boron, puis pour Chrestien de Troyes le nom de Perceval et pour Wolfram celui  de Parzival. avec un s ou z tous les deux , adaptation de Persewald . Dans le texte des Annales de Cambrie, on trouve la  graphie Pervevalt, avec un w : « terram de Pervewalt », p.30, qui appartient au gallois insulaire. Les graphies avec s (cf. Perséphone) de notre Perseval , Perceval en français  ou Parzival en allemand,  proviennent du gallois continental.   

Les Gallois

Apparentés à une peuplade de Paphlagonie en Asie mineure, les Enètes ou Hénetes qui s’étaient  arrêtés à Venise  au cours de leur migration  et avaient laissé leur nom à la Vénétie près de l‘Adriatique, les Vénètes s’installent d’abord  vers le V e siècle avant Jésus Christ en Armorique dans le Morbihan autour de Vannes (locatif Venetis) et en Vendée, de veneti,  puis traversent la Manche et fondent les Galles avec la ville de Gwinedd, dont le nom , Veneti,  est celui du dieu de la mort. Enfin, au Vé siècle après Jésus Christ, ils migrent à nouveau sur le continent, retournant  chez leurs parents du Vannetais. César parle  des Unelli, membres de la confédération armoricaine, un autre nom des Veneti. Ils parlent une langue indo-européenne, de la branche celtique, qui se divise en trois rameaux : le gaëlique (irlandais, écossais,  le  dialecte de l’île de Manx), le gaulois continental à l’exclusion notamment  de la parlure du Morbihan, enfin les langues britoniques : cornique (Cornouailles), le gallois et  le « cambrien «  d’Ecosse »,  le breton, à l’exclusion de la parlure du Vannetais. Le gallois insulaire est la parlure du pays de Galles et le gallois continental, parfois appelé breton, du Vannetais, est sa proche parente.  La forme  Erec en gallois insulaire, le nom du héros du conte de Chrestien Erec et Enide (le nom de cette dernière venant du gallois continental Veneta, compris comme « la blanche », comme son doublet  Herzeloïde , de veneto-ide, -ide étant un suffixe de filiation) viendrait du gallois continental Weroc  qui fonde l’Etat breton du Vannetais vers 500 après J. C. Est-ce le père de Perceval ? En tout cas, son nom renvoie à celui du dieu de la mort.

Venetorum (civitas) a donné chez Chrestien le nom de Dinasdaron (Perceval,  vers 2672) ; l’auteur nous précise au vers 2693 que la ville se situait au pays de Galles et que le roi Arthur y tenait sa cour pleinière.Or, dans L’Etoire del Graal de Quiot de Boron, un manuscrit porte Avaron pour Dinasdaron, le  lieu de naissance du futur saint Patrick et a été corrigé sur d’autres en Val d’Avalon,.corruption de Dinsadaron.

Pour la difficile géographie de la Grande-Bretagne au XII e siècle, citons Cetoastre  ou Cotoasre , Cotovastre dans Perceval  au vers 3613 (« au  lac qui est soz  Cototatre  »,  le lac qui est près de Cotoatre, littéralement en dessous , au sud , un grand  lac et deux petits,  qui existent  réellement) , Glocestre (Erec et Enide) qui est Gloucester sur la Severn, au nord de Bristol. De ce détail, on peut déduire que la source de Erec et Enide est galloise.

 Dans « Le héros du Graal »  p. 96 (Lumière du Graal), Jean Marx écrit : « Certes, Peredur [Peretur] est cité dans les Annales Cambriae et donné comme étant mort en 580 [537 est en réalité la date des Annales] ; il engendre un fils appelé Mor, alors que Perceval, dans une version hollandaise, est donné comme ayant engendré un fils, Morien, né dans les Moors ou landes du Devon. Geoffroy de Monmouth cite un Peredur , dux Venetorum, c’est-à-dire seigneur de Gwynedd en  Nord Galles ( pays d’où paraît être originaire Perceval). .. Recherchant le prototype gallois qui avait pu servir de modèle au type de Perceval tel que le décrivent Chrestien, Robert de Boron et Wolfram (ou le modèle qu’il imite), un grand nombre d’érudits, d’Alfred Nutt à M. Loomis, ont cru retrouver dans Pryderi,  un des personnages des Mabinogion, la figure d’où serait sortie celle de PercevaL. Pryderi […] est le fils de  Pwill,  qui porte le titre de Roi de l’Autre Monde. Ces érudits ont remarqué que Pryderi passe une enfance secrète sous un faux nom (comme Perceval) sous le nom de Gwr [cf .  dans les Annales Guurci]».. Jean Marx parle encore des « traditions evhémérisées et localisées à York (Evrawc)  [ Eboraci en latin chez Eutrope, à la fin du IVe siècle ; en gallois (Cayr) Ebrauc, chez Chrétien Evroîc ] , nom de cette ville qui devient dans le Peredur gallois le nom du père du héros,ou avec des traditions  du pays de Galles où intervient un Peredur, personnage historique ou pseudo- historique  ».  Evrawrc est  un des pères  du  héros, car Perceval  n’a pas de père bien déterminé, et on lui en connaît au moins sept : Eliver ou Evrawrc, Erec, Erawe, Bliocadran, Alain le Gros, Pellinor, Gahmuret. Ebrauc porte le titre de roi de l’Autre Monde, sous sa forme anglaise, sans la labio-vélaire phw initiale, de Hwrewkus, avec e prothétique et métathèse du w,   de Phorkys, répondant au radical khwwelkwes . Pourtant les Annales citent un Peretur,  fils de Eliver, c’est-à-dire d’  Erawe .D’autres  noms du Roi de l’Autre Monde s’expliquent, étant donné la grande variété des dialectes, par le traitement des labio-vélaires : Pryderi; les noms d’un  barde gallois séjournant à Poitiers, Bliobleri,,  Bléheris,Bréri, Bliocadran ,  Kulhwch dans le roman gallois des Mabinogion,

Pour ma part, je ne crois pas à la dérivation de Perceval à partir de Peretur. Je dispose d’une mauvaise édition numérique des Annales et l’index contient, après Peretur, un nom qui m’a sauté aux yeux  comme proche de Perceval: Perveddwlad (Pervewalt),. Le s  s’explique philologiquement comme la relique d’une labio-vélaire avec explosion sifflante bien établie pour l’indo-européen par A. Cuny.  Le nom de Persevald  ou Persewalt a pu donner,  sans aucune contorsion phonétique, Parzival et Perceval.

               

 

  

L’étymologie de Persevald et de Parsival avec un s.  

La date de l’invasion que le chroniqueur a rapportée  et où il parle de la terre de

« Pervevalt » avec un w, que l’on a tendance à rapprocher de Perceval et de Parsival avec un s,  pose plusieurs problèmes.

D’abord,  la rédaction du manuscrit  rapporte des faits jusqu’au 2 avril 1288 et l’invasion de la terre de Perceval,   qui s’est passée en 1256, est  obligatoirement postérieure à la composition de leurs œuvres par Boron,  Chrestien et  Wolfram, vers 1200.

Ensuite le problème de phonétique indo-européenne posé par le nom Perceval est compliqué par le traitement du r voyelle et surtout  par l’existence dans le même mot  en indo-européen de deux labio-vélaires instables à explosion sifflante. Exemples de traitement du ghzw indo-européen en irlandais,  irlandais in , hier, grec chthes, latin heri ; irlandais du, accusatif don, terre, grec chthôn, terre, latin humus ;  irlandais art, ours (dans le nom du Roi Art-ur, avec suffixe ibère  de patronyme -ur) avec  le r voyelle donnant ar,  arménien arj, sanskrit r voyelle +ksa, avestique aresa-, latin ursus.

 Les données  d’abord.

 ll y a cinq  noms : Perceval (ou Parzival) , le nôtre, absent des Annales,  

 Peret-ur,  cité dans les Annales, p.12,  et glosé Peredur,

son frère  Guurci cité dans les Annales,eodem loco ,  glosé dans l’index Gwrgit, Giurgi ;  

la sœur de Perceval , Perevid-a dans La Queste del Graal de Chrétien, ou Provid-a dans  le codex de la bibliothèque communale de Sienne intitulé Libro delle storie della Tavola Ritonda ;

enfin , dans  les Annales de Cambrie, p.30,  la forme Perwev-alt , glosée dans l’index par Perveddw-lad.

1 Pour notre Perceval, avec s,  -le dieu de la mort du dolmen,-il faut partir du nominatif Guurci(s), ou Guurcys qui est proche du nom de celui que nous avons appelé le  dieu de la mort Phorkus., dont on retrouve le nom dans le sanskrit  Phâlguné, qui signifie les aïeux, et dans l’avestique  froben, de même sens. On lui a ajouté ensuite le mot lada , dolmen., qui se retrouve souvent avec Phorkus ou son pendant féminin, Orguia, ou Organe, comme en Sardaigne où on a  , pour un dolmen, le nom de  maison d’Orgia, Orgia pour Phorkuia,  féminin  de Phorcus.

2 Pour Peret-ur, qui signifie l’initié qui enlève seul le bouchon (d’un dolmen), on a   précisé, de façon identique, maispar la suite seulement, le mot lada signifiant dolmen, ce qui rend compte de Perwev-alt ,   avec un w. Le radical signifiant percer, est pèrewd, à chercher dans le grec trupaô, même sens ou le latin terebro, de khwse kwser Hw. Tandis que le premier w  est le reliquat de la 2e labio-vélaire du mot , le second w est  le reste d’un schwa3, une fricative dorsale sombre bien dégagée par G. Martinet.

3 Le nom de la soeur de Perceval et mère de Galaad , Perevid-a , a été tiré par Chrétien , dans la Queste del Graal , du nom du frère de Perceval, Peretur ; de là le v et le  d. de Perevid-

  Il y aurait donc deux Perceval et le nôtre, -si je puis dire, -avec un s, Perseval ou Parsival, viendrait d’un  radical  paronyme avec une labio-vélaire à explosion sifflante,  khwsew-lad, l’ensemble signifiant le dolmen (lada) de Phorkys.

Il faut surtout  mettre en rapport le premier élément Perce- avec le nom du  dieu des enfers, Phorkys, et avec le nom de Perséphone pour le s.

  Citons la série apparentée des ressuscités dolméniques : Perseus ou Persée avec sa serpe d’acier très dur et très tranchant  donnée par Hermès et rappelant certaine lance du cortège, Orpheus,  Roland et Roncevaux ou Roceval, de rogeval, de roge lada,  le  dieu de la mort (Orge, génitif Orci) du dolmen (lada). On retrouve son nom dans  la ville d’Orcival près de Clermont- Ferrand, etc.

Preuve que nous ne nous trompons pas dans l’identification du Kyot de Wolfram, Wolfram  nous parle, Op. cit. , p. 147, des Chroniques d’Anjou : « Quiot de Boron,  ce maître érudit, rechercha dans les livres latins où vivait un peuple enclin à l’innocence requise  pour servir le Graal. Après avoir vainement feuilleté les chroniques de Bretagne [le roi Arthur] et, ailleurs [que dans les chroniques de Bretagne, dans  les chroniques] de France [les fêtes processionnelles autour de dolmens  en Anjou, en  Val –d’Oise et en Normandie] et dans celles d’Irlande (d’après son modèle, savoir Quiot de Boron, Chrestien fera effectivement allusion au  Morholt dans son Perceval et se mettra à en rédiger un , malheureusement perdu), il rencontra des renseignements dans celle d’Anjou. Il y lut l’histoire authentique de Mazadan  et de toute sa lignée, racontée exactement, et, d’autre part, le transfert du Graal par Titurel à Frimutel son fils, et par ce dernier à Amfortas,  dont la sœur Hezéloïde avait conçu de Gahmuret  un enfant, dont on a raconté l’histoire ici », savoir Parsival.  Or, Quiot de Boron  appelle Anjou les trois royaumes de Cambrie, Galles du Nord,  Galles du sud et Anjou, mais je n’ai pu trouver ses Chroniques d’Anjou, différentes des Annales de Cambrie.

  Ce serait bien, selon Wolfram, Chrestien qui serait responsable de l’introduction de Galaad dans La quête du graal pour christianiser ou plutôt  judaïser ces traditions, ce qui, pour Wolfram, est une trahison..   Genèse, 31, 45 : « Jacob prit une pierre et la dressa comme un menhir. Et Jacob dit à ses frères : « Ramassez des pierres. »  Ils ramassèrent des pierres,  en firent un monceau, et ils mangèrent là sur le monceau. Laban le nomma Yegar Sahadûta (en araméen, le monceau du témoignage) et Jacob le nomma en hébreu Galaad (monceau  du témoignage). Laban dit : « Que ce monceau soit aujourd’hui un témoignage entre Jéhova  et moi » C’est pourquoi il le nomma Galaad et Miçpa, parce qu’il dit : « Que Yahvé soit un guetteur (Miçpa) entre toi.et moi, quand nous ne serons plus en vue l’un de l’autre. » 

 Dans Juges, 11, 29, il est mention d’une localité de Transjordanie, au sud du Yabboq,  appelée Miçpé Galaad, la guette de Galaad.

En tout état de cause Galaad est lié à l’érection d’une stèle ou maççebah, d’un menhir, et d’un  monceau de cailloux ou dolmen. .

La tradition ibère et  indo-européenne des banquets aux Mânes des ancêtres le soir du 24 décembre, origine de Noël et du Graal. .

Le 6 décembre dans un conte d’origine cornique : le début de la période consacrée aux morts, les Trente jours védiques..

Jankélévitch disait : « Le jour des Morts  a été inventé par les vivants pour ne plus penser aux morts les autres jours. » Dans Erec et Enide,  ce chef d’œuvre de Chrestien, Erec, dieu des morts, apprend la mort de son père Lac à Tintagel en Cornouaille insulaire et quitte Robais, mauvaise graphie pour Fobais (port de Fowey  aujourd’hui) avec le roi Arthur et l’Irlandais Givreit (ou Guiflet , Girflet, Giflet) pour lui succéder au bout d’un an et  aller se faire couronner roi  de Cornouaille  à  Carnant en  Cornouaille insulaire. Cette dernière devait s’étendre jusqu’au Pays de Galles du Nord et englober Anglesey.  Dans le récit de Chrétien, l’auteur champenois a  substitué à Carnant, aujourd’hui Cwm Cadnant , nommé d’après la rivière Afon Carnant, au Pays de Galles, le nom de « Nantes en Bretagne » (ville dont le nom vient de Car- nant), probablement parce qu’il a été sensible à la contradiction apparente entre Arthur qui est le roi (suzerain) de Tintagel et de Cornouaille et Lac, roi (vassal) de Tintagel et que Chrétien  n’a pas voulu faire sacrer roi  Erec à Carnant en Cornouaille. Le départ de l’île a lieu le 6 décembre, fête de saint Nicolas  et le couronnement le 24 décembre, date que nous retrouverons à propos du Graal.

Nous rencontrons le nom de  l’irlandais Givreit le Petit  dans le nom de Gereint, roi de Cornouaille insulaire,  qui  figure  dans le titre d’un conte gallois, Givreit et Enide, où Givreit remplace Erec, Erec étant Givreit le Grand. Ce sont des doublets  du nom du dieu des morts. La fête de Saint Nicolas, accompagné du Père Fouettard, marque l’ouverture des enfers pour un mois aux démons comme le Père Fouettard. Dans Erec et Enide, traduction André Mary, p. 91, « Erec vit le chevalier [Cadoc de Tabriol] nu et les pieds liés comme un larron. Les géants n’avaient ni épieux, ni écus, ni épées, mais seulement des massues et des écourgées [fouets], dont ils le battaient ignoblement ; les lanières lui avaient déchiré la peau du dos, et le sang lui ruisselait par les flancs, à ce point que le roncin en était tout couvert. » Cette ouverture  aux ancêtres du lieu infernal  à la Noël) se retrouve dans le Conte du Gaal (Lac, le père d’Erec, roi de Tintagel  situé sur la côte de la  Cornouaille insulaire, meurt et rejoint ses ancêtres  dans l’urne dolménique, -lagoena, -dont il porte le nom le 6  décembre, début de cette période).

Le Père Noël.

C’est manifestement un homme de l’Autre Monde, comme l’indique sa houppelande rouge, le rouge, de Orge, Phorkus, dieu des morts, indiquant son appartenance. Comme le graal satisfaisait les désirs de ceux qui le voyaient passer, le Père Noël satisfait les désirs des enfants. Quant à sa  hotte  est un mot qui vient du francique hotta (allemand dialectal hotze), berceau, coffre , apparenté au  latin capsa, coffre, dolmen . Il manifeste la générosité et la bienveillance des Mânes vis-à-vis de leurs descendants, les enfants en l’occurrence.

  La Manisola des Cathares.

Un banquet secret en l’honneur des Mânes  avait lieu pour les Cathares au Ier janvier. . Ils l’appelaient la manisola, de manium sol-suffixe , de manes, manium, dii mânes,dieux bons,  ombres des morts, et de sol, le soleil, soit le soleil des mânes. Les Mânes, mot où l’accent circonflexe est une fantaisie, vient de l’adjectif manus qui signifie bon et qui a donné d’une part mane, le bon matin du Ier janvier, d’autre part les Mânes, les bons par euphémisme. .

Dans Orion ou Recherches sur l’antiquité des Védas, Tilak nous explique comment, pour les Hindouistes,  le solstice d’hiver, dans la région polaire, avait lieu le jour de la pleine lune de Phâlguna, nom d’un des 12 mois lunaires correspondant à janvier et consacré aux Mânes des ancêtres. Le sanskrit Phâlguna doit être rapproché de l’irlandais  Fal (g), dans la pierre de Fal, menhir qui criait lorsqu’il se heurtait à un roi.Pour leurs cousins Parsis en Perse, les 5 jours de l’année qui commence sont appelés les jours Fravardigan, et le mois de janvier, mois où l’on célébrait aussi les mânes des ancêtres appelés frohar, est appelé Fravashinam  Les frohar (fravashi ou fravarti), c’est-à-dire les représentants spirituels des défunts incinérés, sont l’équivalent,  pour les Hindouistes des pitri, les mânes des pères.  Pour les Hindouistes,  les fêtes du Pitriyana peuvent s’étendre sur cinq jours seulement ou bien sur une quinzaine de jours (un mois pour les Occidentaux) pendant lesquels les âmes  des pitri  viennent dans les maisons de leurs parents  vivants.

 Le mot  âgrahâyana signifie en sanskrit  début de l’année et il  faut  estime justement Tilak, le  rapprocher du nom de la constellation  qui était, il y a  quelque 5000 ans,  le signe du  nouvel an, Ôrion ou Ôariôn. J’ajouterais aussi qu’il faut également  le rapprocher du nom de Phorkus, le dieu des Morts.

Or, le 24 décembre est  la nuit de la pleine lune  du solstice d’hiver et un sacrifice devait être offert,  avec une coupe appelée grahal  , à  la naissance du soleil : noêl vient du latin

[Dies] solis natalis invicti, [jour)] de la  naissance du Soleil invaincu (invincible). Il faut noter le mot réveillon à minuit,  réveil, au 31 décembre,  à minuit, matérialisant la levée du deuil des ancêtres avec  réveil pour le passage à la nouvelle année et festin  extraordinaire après un  repas normal à  20 heures. Le réveillon de la Noêl est analogique de celui du Nouvel An ,   la Messe de minuit , passage à l’an de grâce, étant l’équivalent du passage à la nouvelle année. Le breton Oguinané qu’on disait au soir du 31 décembre est la corruption de quelque chose comme  ogriyané et comparable au   sanskrit. âgrahâyana qui signifie en sanskrit  début de l’année

  Le réveillon continue la tradition indo-européenne des  banquets offerts aux mânes des morts. Georges Dumézil  dans Les festins d’immortalité,  puis Jacques Bonnet dans Les banquets célestes se sont  intéressés à ce type de réjouissance, mais sans insister sur la date. . Les repas du graal  sont de plantureux  banquets offerts aux défunts  incinérés, exposés depuis le Moyen Age au sein des urnes dans  les  dolmens. Perceval aurait dû poser la question : pour quel ancêtre  offre-t-on ce banquet, pour qui fait-on le service du Graal ? De même, la place vacante à la table,  le siège périlleux,   est celle du défunt qu’on veut honorer et s’y asseoir est un sacrilège. Il y a un vase devant les convives, qui est empli des cendres de celui auquel on fait cet honneur  et le vase contenant ces cendres a nom graal comme la coupe sacrificielle.

 Il y a trois mots à expliquer : graal et sanskrit graha, coupe, grec  Orion et sanskrit  âgra -hâ-yana, début d’année ,  sachant que les mots donnant les parents de  year veulent dire le 24 décembre ,  tandis que annus désigne  le 1er janvier et  âgrahayana.,le début de l’année.

 1Graal  signifie solstice, de gra,,  et de -al, de sanskrit  Phâlguna, d’avestique frohar,   les Mânes ; donc le solstice des Mânes. De même,  le sanskrit  graha, coupe rituelle  de la nuit  de la pleine lune du  24 décembre, de la nuit solsticiale, vient du même radical  que gra(h)al et a influencé la Noël et le graal. La Noël est la fête des ancêtres, de  phâlguna ou avestique frohar, les aïeux, et le grahal , coupe des ancêtres , est la coupe qui les honore.Le graal a pris sa succession.

2 Tilak propose justement de rapprocher le  grec Orion  du sanskrit âgrahâyana (pour le g de âgrahâyana issu de khws et s’amuïssant devant r, il suffit de songer au latin peregrinus qui devient pèlerin en français). Le nom de cette constellation qui apparaissait la première,   le  31 décembre, pour  annoncer l’année nouvelle ,  vient, pour le finale –iôn, ,  de hôn,qui signifile   front en hittite, et qui s’est transformé en une  préposition signifiant avant, du latin ab ante, devant (de ab ante) et correspondant au  latin ante,au grec anti  locatif du mot front . .  

Pour l’élément  précédent, ôri-, de ôgri-, de yaoghri,, il faut le rapprocher de  year en anglais,  de l’avestique yaarë, du latin  aera , ère,  grande année, du scandinave yel.  Le scandinave Jolly, qui a donné  joli en français, vient du nom de la fête scandinave du solstice d’hiver, la Noël, appelée Jôl et  où avaient lieu tous les débordements. Le Jolly Roger , le joli rouge , pavillon noir à tête de mort et tibias croisés des pirates, nous rappelle que le dieu de la mort est présent à cette date, puisque les âmes des morts  sorties  du tombeau  doivent y rentrer avant minuit.  Jôl,  de jôr,  veut dire  solstice. En ce qui concerne   horotinus en latin, annuel,  et hôra , moment de l’année, en grec, on peut se demander si le h initial ne vient pas  du khws indo-européen donnant g en sanskrit dans âgra.

Or-ion signifie l’astre qui marche devant, qui précède (-ion) le solstice de la nuit de Phâlguna (24 décembre). Elle est devenue cette étoile qui orne la pointe du sapin.

3 âgra -hâ-yana, signifiant le solstice (âgra) qui précède (ha) le 1er janvier (yana), le solstice d’hiver, se décompose en trois éléments :

âgra  signifie le solstice d’hiver, latin brûma, de  ghruma ;

hâ, avec a long, est peut-être à mettre en rapport avec le mot qui signifiait le front en hittite et  s’est transformé en préposition signifiant avant.(de ab ante),  devant (de ab ante) , qu’on trouve dans le latin  ante ;

yana est à rapprocher du latin  annus, année et de Janus,dieu à deux visages,l’un    regardant l’année passée et l’autre , la face avant, regardant l’année future :ce  dieu  qui a donné son nom au  mois de janvier ..

 

La lance et les chandeliers «  à dix chandelles a» (Chrétien), 10 pour les 10 mois de l’année primitive (décembre est le nom du dixième mois).

.La  lance est qualifiée en ces termes par Chrestien, vers 3129 sqq. : « Un jeune homme sortit d’une chambre, porteur d’une lance blanche qu’il tenait empoignée par le milieu [pour ne pas se brûler les mains à ce  contact incandescent]. Il passa  par l’endroit entre le feu et le lit où ils étaient assis, et tous ceux qui étaient là voyaient  la lance blanche et l’éclat blanc de son fer. Il sortait une goutte de sang du fer, à la pointe de la lance, et jusqu’à la main du jeune homme coulait cette goutte vermeille. »

C’ est la lance de Lug, rapportée depuis les  îles originelles  de Scandinavie jusqu’au Pays de Galles,  une lance de feu  qui jette des étincelles et dont les blessures sont mortelles : ainsi, Celtchar a-t--il été tué par une goutte de sang qui avait coulé du fût de cette  lance.Tenue par un héros irlandais, elle est comparée à un chandelier, dont la branche principale est l’axe solsticial et dont les dix  chandelles  renvoient aux dix  mois  de l’année primitive dans les régions du cercle arctique, vite éclipsés par la naissance du  soleil après un  long  temps d’obscurité . Vers 3164 : « Quand la porteuse du Graal fut entrée dans la pièce, avec le graal qu’elle tenait, il se fit une si grande clarté  que les chandelles en perdirent leur éclat, comme les étoiles au lever du Soleil ou de la Lune. »

 

 

 

 

Le tailloir d’argent

Ce tailloir  ou plat en argent est un symbole de la lune et, dans Chrestien, on y découpe un cerf, symbole de la lune et de l’année  finissante au 24 décembre. Vers 3218 sqq : « le premier mets fut d’une hanche d’un  cerf de haute graisse, épicé au poivre…Un jeune homme a devant eux découpé la hanche de cerf au poivre qu’il a d’abord tirée à lui sur le tailloir d’argent, puis il leur en présente les morceaux sur une large galette.  »

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