Jack l’Eventreur et le Docteur Thomas Neill Cream ne font-ils
qu’un ? Ou que vaut l’alibi du Docteur Neill prétendant purger en 1888 sa
peine au pénitencier de l’Illinois ?
Comme le Docteur Neill , condamné à la pendaison, se tenait
debout, attaché, le visage couvert, un quart de seconde avant sa chute dans la
trappe, « le bourreau, M. Billington, l’entendit dire derrière son
masque :
« Je suis Jack
l’… », rapporte Elisabeth Jenkins dans « Un gentleman empoisonneur », la meilleure biographie du mystérieux
criminel (du moins en ce qui concerne la partie « empoisonneur »,
mais sans jonction avec les massacres de Jack l’Eventreur) publiée dans le
tome 2 d’une sélection du Reader’s Digest, 1962, « Scotland
mène l’enquête ».
Il avait , de sa
prison, réussi à faire parvenir
moyennant une belle somme la lettre suivante, bien dans son caractère , au juge
, M. Braxton Hicks (les caractères gras sont de moi) :
« Cher
Monsieur,
L’homme que vous tenez, le Docteur Neill, est aussi
innocent que vous .Le connaissant de vue,
je me suis déguisé pour lui ressembler et j’ai fait la connaissance des filles
qu’on a empoisonnées. Je leur ai
donné des pilules pour les guérir de toutes les misères du
monde, et elles en sont mortes. Miss L. Harris a plus de bon sens que je ne l’aurai cru,
mais je l’aurai tout de même…Si j’étais vous, je relâcherais le docteur Neill,
autrement vous pourriez avoir des ennuis. Son innocence sera proclamée tôt ou
tard, et lorsqu’il sera libre, il vous poursuivra peut-être pour dommages et
intérêts.
Respectueusement vôtre, JUAN POLLEN,
alias JACK L’EVENTREUR
Que chacun se le tienne pour dit, je ne préviens qu’une
seule fois. »
Rappelons que la prostituée L. Harris avait jeté au sol les
pilules de strychnine que lui avaient données le docteur Neill, sans qu’il s’en
soit aperçu, et avait ainsi échappé à la mort. Le pseudonyme Juan Pollen est intéressant car c’est
l’anagramme (J =i) qui nous livre le véritable nom de l’empoisonneur : Paul O’Neill. Un autre pseudonyme, Malone (anagramme de (P)A (UL) O’Nel), employé
dans une lettre de chantage expédiée le
28 novembre 1891 par Neill au docteur Broadbent , confirme cette identité. D’autre part, Jack the Ripper est l’anagramme de Tho (m) as Crea(m) le second nom usurpé de Paul O’Neill :
ces
deux pseudonymes établissent la concordance entre l’empoisonneur Paul
Neill et le docteur Thomas Cream, alias Jack l’Eventreur.
Jack est le surnom d’un certain nombre de criminels
célèbres d’autrefois, Jack Shepphard,
Spring- Heeled Jack, Sixteen -Stringed Jack, Three -Fingered Jack, Slippery Jack et Cannibal Jack par exemple. De plus, les High Rips (de to rip,
éventrer) étaient des bandes qui
détroussaient les prostituées ou « relevaient les compteurs » et les
rackettaient. D’autre part, Jack the
Saucy (Jack le [maquereau] bien habillé), employé aussi par lui, contient encore, mais plus prudemment, Thau (m) as C(r)ea(m) Autre
anagramme :le 14 juin 1888, le Charing Cross Hotel a passé une annonce
dans le Times pour retrouver les
propriétaires d’objets oubliés dans ses murs par des clients distraits, dont un
dénommé Mebrac, anagramme de C(l)ear et allusion à (Florie) Maybrick.
Parmi ces objets figure un sac de cuir
noir sur lequel nous reviendrons. Dernière anagramme : Alfred (ou Thomas) Brierley, l’amant de Florie Maybrick, est l’anagramme de Thomas (C) ream. Fred, qui
renvoie à Alfred Brierley, est le nom
qu’il se donne vis-à-vis de prostituées
qu’il empoisonnera.
Le signalement de Jack par un laitier.
L’homme connu sous le
nom de Thomas Neill Cream était atteint
de strabisme divergent, il louchait et portait des lunettes la plupart du temps :
sans elles, il voyait très mal, étant hypermyope. Or, à 23 heures, le samedi 1 er septembre 1888, dans
Turner Street, non loin de l’endroit du meurtre de Mary Ann Nichols, un laitier décrivit à la police un homme venu lui
acheter pour un penny de lait qu’il but d’une traite. Il s’agissait d’un homme
d’environ 28 ans, au teint rougeaud, avec une barbe de 3 jours, des cheveux
bruns, de grands yeux écarquillés et
ayant l’allure d’un « employé de bureau » ou d’un étudiant. Les
grands yeux écarquillés paraissent naturels chez quelqu’un qui louche et qui a retiré ses lunettes. Nous reverrons
ce laitier observateur à propos du sac noir brillant que portait l’individu.
Le signalement de l’assassin d’une fillette de 8 ans, Caroline Winter.
Le signalement de l’assassin d’une fillette de 8 ans, Caroline Winter.
Caroline avait parlé avec un homme aux cheveux noirs, avec une
moustache noire et un costume gris miteux. Cela ressemble à la photographie
du
« Docteur » Neill.
L’état civil du Canadien Paul O’Neill (1854 ? Québec-1891,Londres),
représentant en produits pharmaceutiques,
son usurpation d’identité et sa
captation d’héritage à l’encontre du docteur Thomas Cream , dont la riche famille
était aussi installée au Canada, et qui
exerçait à Chicago.
Scotland Yard nourrissait des doutes légitimes sur le nom véritable de Neill qui, voyant les implications
possibles de la révélation de ses divers pseudonymes, n’avait pas voulu
déclarer son identité quand il fut arrêté. Scotland Yard s’arrêta à faux certificat de
baptême au nom de Thomas Neill Cream que Jack l’Eventreur avait fabriqué. Il doit être précisé que le Canada est
probablement le pays où les actes d’identité sont délivrés avec le moins de
contrôles. Neill avait confié à sa crédule fiancée, Laura Sabbatini,cette demi-vérité qu’il
se faisait appeler Thomas Neill à
cause d’un problème juridique compliqué concernant un héritage, mais que son « véritable » nom était Thomas Neill Cream.
La famille de Neill était une famille nombreuse : 8
enfants, -c’étaient les propriétaires
d’une scierie dans la ville de Québec. Mais deux frères refusèrent d’adopter la
profession paternelle de scieur, l’aîné Thomas, né le 27 mai 1850 à Québec, et son cadet Paul
dont nous n’avons pas la date de naissance, peut-être 1854 :
par admiration pour son aîné qui faisait de brillantes études médicales, Paul
usurpa le prénom et la profession de son frère aîné. Thomas s’était inscrit
à l’Université de Montréal, la Mac Gill University, à la faculté de médecine et de chirurgie,
s’intéressant à la gynécologie et à l’obstétrique. Il avait soutenu une thèse sur le chloroforme. L’Université, le confondant avec Paul, lui
retirera par la suite le droit d’exercer au Canada, mais il était déjà mort. .
Son jeune frère Paul, le futur empoisonneur, s’inscrivit à l’école
de musique de la même Université. Au cours de ses aventures, il fit la
connaissance à Chicago, Illinois, d’un Docteur Thomas Cream, né à Glasgow,
qui avait fait des études de médecin et de chirurgien à l’Université d’Edimbourg
et appartenait à une riche famille installée à Québec. En 1881, à Chicago,
« la jeune et jolie épouse d’un épileptique d’un certain âge, Julia Scott,
arriva au cabinet de Neill pour lui demander un remède qu’il recommandait
contre l’épilepsie. Neil séduisit la jeune femme et donna à l’époux une
drogue comportant une dose de strychnine telle que le malade mourut en vingt
minutes. Le décès fut attribué à une crise d’épilepsie. ». Sous
la signature de son très riche ami, le
Docteur Cream, il écrivit alors à la
police en accusant de négligence le pharmacien qui avait délivré l’ordonnance.
On fit exhumer le corps et l’on trouva alors 2, 56 grammes dans l’estomac de la
victime. .
Le tour était
joué : le malheureux docteur Cream, innocent pourtant, fut condamné à la réclusion perpétuelle
incompressible au pénitencier de l’Etat de l’Illinois.et, lorsque, peu
après, le père du vrai Thomas Cream mourut au Canada, c’est le faux docteur Neil baptisé Cream pour l’occasion
qui postula pour l’important héritage, géré par des gens qui n’avaient jamais
vu le vrai docteur Cream. Notre empoisonneur et massacreur sadique s’appellera
désormais Thomas Neill Cream.
La législation de
l’Illinois prévoyait, en cas de meurtre avec
préméditation, -ce qui étai le cas,- une
peine de réclusion à perpétuité sans
possibilité de réduction de peine au-dessous de 25 années.
Quant à ceux qui demanderaient des nouvelles de Julia Scott,
l’amie de Neill, comme elle était dangereuse pour Neill, il lui fit goûter
d’une pilule qui l’en débarrassa pour toujours, les décès dus à la strychnine
passant pour occasionnés par la tuberculose.
Lorsqu’il se retrouva à Londres, le docteur Thomas Neill Cream,
comme il se faisait désormais appeler, peut vivre sans exercer , grâce aux
rentes versées par les mandataires du vrai docteur Cream. Pour expliquer à Scotland Yard comment, bien
que condamné à la réclusion perpétuelle, il est en liberté à Londres, il forge
l’histoire suivante : « une campagne en sa faveur (qui pouvait croire
à son innocence ?) avait abouti à une réduction de peine de 17 ans de
réclusion ( 17-25-=8 ans à purger effectivement ), laquelle peine de 8 ans , ajoutée à une rémission de peine pour bonne
conduite (afin que cela tombe
juste !), lui valut finalement d’être libéré en juillet 1891 » et de débarquer à Liverpool sur le Teutonic le 1er octobre 1891, en provenance du Canada, à Liverpool. Mais la législation américaine de
l’Illinois interdisait formellement ce genre d’accommodement avec le ciel et le
véritable docteur Cream resta en prison jusqu’au bout, tandis que le coupable put
continuer à assassiner en toute liberté.
Voici donc l’histoire qui a abusé Scotland Yard et
presque tous les chercheurs : Neill
ne pouvait être l’Etrangleur en 1888 puisqu’il aurait été à cette date reclus à
perpétuité au pénitencier de Chicago et qu’on ne constatait son arrivée en
Angleterre, sous le nom de Thomas Neill Cream, que le 1er octobre
1891. De plus, il semble qu’en Angleterre Paul Neil n’ait jamais exercé le
métier de médecin ou de chirurgien, dont il n’avait pas les diplômes, mais de
représentant commercial en produits pharmaceutiques : arsenic, chloroforme,
cocaïne, morphine, strychnine, cachou (médicament à l’époque), etc., en
provenance notamment d’une firme new- yorkaise., la Compagnie Harvey, de
Saratoga Springs .
La signature : le ricanement sardonique
de ses lettres.
Les billets de Jack l’Eventreur incluent curieusement des
éclats de rire sardoniques fréquents et incongrus. Or, sous l’effet de la
drogue, haschich et datura notamment à en croire J. Jacques Moreau de Tours ,
dans Le haschich et l’aliénation mentale,
1845), un tel phénomène est fréquent.
La vie de Neill à ses
débuts, de 1876 à 1887 (Canada, Angleterre, Etats-Unis).
Neill s’est fait faire plusieurs fois sa photographie à
Londres : il porte une paire de
moustaches brunes qu’il n’hésite peut-être pas à teindre en roux, châtain ou
blond, des lunettes. Nous savons qu’il souffrait de violents maux de tête dus à
une hypertension oculaire contre lesquels il prenait de très fortes doses de
drogue, soit un mélange de morphine contre la douleur, de cocaïne et de strychnine.
Sa taille est moyenne (1, 70 m environ, 5 pieds 7 pouces), il est légèrement corpulent.
C’est un esprit
criminel qui commet des meurtres de jouissance : il faut qu’il voie sa
victime souffrir, qu’il l’ait empoisonnée à la strychnine ou assassinée à
l’arme blanche, c’est pourquoi il ne la tue pas du premier coup en la frappant
au corps, si bien qu’on trouve presque toujours du sang sous ses victimes .Peu lui importe le sexe, la
profession, l’âge. C’est un pur sadique,
magnifique illustration de la désintrication des pulsions, sadique oral à
travers son, cannibalisme certes, mais sans jamais se rendre coupable de viols.
Il aime dénoncer des innocents en leur
faisant porter le poids de ses crimes, faire du chantage sur eux. Pourquoi s’en
prend-il le plus souvent à des
prostituées ? Simplement parce que cela lui est plus facile. Mais il
propose son « aide » aux femmes enceintes désireuses d’avorter, ce
qui est illégal à l’époque, et il leur fournit des capsules de strychnine qui
les font souffrir, puis mourir.
Ainsi le prétexte
pour aborder une prostituée est-il celui
de la prémunir contre une
conception et contre des maladies vénériennes..
En voici un « indice » : près du cadavre
dépecé de Annie Chapman, la police mit
la main sur deux pilules à base de strychnine,
abortives, perdues par le docteur Neill, alias Jack l’Eventreur
De même, les cachous
emballés dans du papier de soie comme
les pastilles de strychnine (pas les cachous Lajaunie que nous connaissons,
mais les cachous anglais ou kasu dits
de Ceylan ou de Colombo et provenant
réellement de l’Areka katechu blanco),
trouvés dans la main gauche de Elizabeth Stride, étaient à l’époque un
médicament vendu en pharmacie contre les maladies vénériennes et Jack l’Eventreur a dû les lui offrir. Il est
amusant de noter que l’habile faussaire auteur du Journal de Jack l’Eventreur,
p.99, évoque le meurtre de cette prostituée en ces termes :
« J’ai essayé de détacher la tête
Le cheval [du
charretier qui découvre le corps] s’est cabré
Bon sang ai-je crié
Mais je sentais encore son haleine sucrée [par le cachou] ».
Pour ajouter une touche finale, l’auteur de ce Journal a laissé du charbon animal dans
le bas du journal pour évoquer le cachou que l’Etrangleur était censé mâcher :
le cachou Lajaunie doit, en effet, sa couleur noire au charbon de peuplier noir.
Mais il est peu probable que le cachou Lajaunie, créé en 1880, ait été déjà
connu à Londres en 1888, ce qui montre une faille dans la virtuosité de la
faussaire.
En 1876, au Canada, Neill séduit Flora Elisa Brooks, la
rend enceinte et la fait avorter. Le père de la jeune fille l’obligea, arme au
poing, à l’épouser. Mais Neill l’abandonne et lui envoie d’Angleterre des
pilules qui la font trépasser, ainsi que
son père. En Angleterre il s’inscrit à l’école d’application du Royal
London Hospital, situé près du West End, mais il fréquente les prostituées bon
marché de ce quartier, plutôt que les cours, et il échoue à ses examens. Cela
explique sa parfaite connaissance de ce quartier.
De retour au Canada,
il exerce dans l’Ontario à London , une ville du Canada, et se fait une
spécialité de l’épilepsie et surtout de l’avortement. Mais ce faiseur d’anges
fait mourir ses patientes désirant avorter Le décès de Kate Gardener à la suite
d’ un avortement l’oblige à quitter le Canada pour les Etats-Unis.
En 1880, Neill s’installe à Chicago et Julia Faulkner décède
encore par suite d’avortement ou plutôt d’empoisonnement. A partir de 1881, il
prend le nom de Cream et ce sont les aventures dont nous avons parlé. Il se
rend en Angleterre à nouveau, disparaît et reparaît à Londres en 1887.
Les 8 premières
( ?) assassinées, dont 4 du 31 août au 9 novembre 1888, ainsi qu’une
fillette et 3 garçonnets
Leur nombre est sujet à controverse, les trois premières
sont contestées, savoir le 25 décembre
1887, Fairy Fay, qui est dépecée ;
le 13 avril1888, Emma Smith, puis Martha
Tabram, qui souffre de 39 perforations à la pointe du poignard. Nous avons
ensuite les 5 meurtres les plus célèbres :
4 a Mary Ann Nichols,
le 1er septembre 1888
4 b un énorme incendie criminel près des docks se déclara la
nuit de l’assassinat de Mary Ann Nichols, le 1er septembre 1888, il
était son oeuvre.
5 Ann Chapman, le 7 septembre 1888
6 Elisabeth Stride, le 29 septembre 1888
7 Catherine Eddoves, le 29 septembre 1888 ? On accuse
parfois Kosminsk de ce meurtre..
8 Mary Jeanne Kelly, le 30 octobre 1888, - toutes
prostituées.
Les mutilations sont affreuses : intestins autour du
cou, etc.
Fin
1888
9 Le 26 novembre1888, un garçon de 8 ans, Percy Knight Searle,
est sauvagement assassiné près de Portsmouth, la gorge tranchée à 4
endroits. Le 14 novembre 1888, Jack
L’Eventreur avait expédié une lettre où il écrivait : « Je vais
commettre 3 autres assassinats, 2 filles [[ce sera Rose Mylett et une inconnue,
cf. 15 ?], et un garçon d’environ 7
ans [Percy Knight Searle] cette fois. J’aime beaucoup éventrer, surtout les
femmes, car elles ne font pas énormément de bruit. »
10 Le 20 décembre
1888 on trouve le cadavre d’une nouvelle prostituée, Rose Mylett , atrocement assassinée .
11 Le jeudi 27 décembre 1888, le cadavre de John Gill, 8 ans, assassiné à Bradford, est retrouvé entre le
mur et la porte d’une écurie : les 2 oreilles ont été tranchées, les jambes
sectionnées, le ventre grand ouvert, le
coeur arraché de la poitrine et coincé sous le menton, les organes sexuels coupés et posés sur le sol avec des mutilations des
parties génitales « trop écoeurantes pour être décrites » On avait ôté
ses chaussures pour les fourrer dans la cavité abdominale. Le 19 décembre 1888,
Jack L’Eventreur avait écrit de
Liverpool : « « Je me suis rendu à Liverpool et vous entendrez
bientôt parler de moi [le meurtre de John Gill] ». Le 26 novembre 1888: « je
commettrai un autre meurtre sur une jeune personne, comme ces garçons qui
travaillent dans les imprimeries à la City. Je vous ai déjà écrit une fois,
mais je crois que vous n’avez pas compris. Je leur ferai pire qu’aux femmes, je
leur prendrai le coeur et je les éventrerai de la même façon. Je les attaquerai
quand ils rentrent chez eux. N’importe quel jeune que je vois, [ce sera dans
les faits le malheureux John Gill], je
le tuerai mais vous ne m’attraperez jamais, mettez ça dans votre poche et votre
mouchoir dessus. »Dans une lettre non datée, l’Eventreur écrivit à la
police Métropolitaine : « J’ai éventré un petit garçon à
Bradford », et, le 16 janvier 1889, il parle de son « voyage à
Bradford ».
1889
12 et 13 Entre le 16
janvier 1889 et juin 1889, l’Eventreur
disparaît, peut-être séjourne-t-il en France, à Pont-à-Mousson, connue pour ses
fabrications de couteaux et d’opinels (société rachetée par Saint-Gobain
aujourd’hui) : selon Patricia Cornwell, une veuve, Madame François, est décapitée ; dans le même secteur, au
même moment, une autre femme est
retrouvée, la tête quasiment séparée du corps. Neill, québécois, devait parler
français.
14 Ici intervient une affaire qui annonce les empoisonnements à la strychnine. En mai 1889, meurt à Liverpool James Maybrick, négociant en coton, empoisonné
par la strychnine et l’arsenic dont il faisait un fréquent usage. Sa femme Florie
Chandler était d’origine américaine et elle le trompait. Il avait cherché un
fournisseur pour sa strychnine et l’avait trouvé
dans Thomas Neill Cream alias Alfred Thomas
Briarley (anagramme de [c] ream) qui séduisit son épouse et lui prodigua des conseils pour empoisonner son mari. Curieusement, elle réserve une chambre pour une semaine à l’hôtel
Flatman dans Henrietta Street à Londres,
au nom de « M. [son amant, Thomas Briarley] et Madame Thomas Maybrick, de Manchester ». Elle écrit à son amant : « Chéri,
N’aie aucune crainte d’être découvert,
que ce soit maintenant ou dans le futur… Tu n’as donc pas besoin de partir à l’étranger
[au Canada] pour cette raison ». La découverte porte sur la
strychnine et non sur l’adultère. Pour
des raisons d’héritage, les frères de Maybrick fabriquent un faux testament qui
déshérite son épouse et surtout ils ourdissent
une machination contre elle : lors d’un procès retentissant, celle-ci fut condamnée à mort, mais graciée.
Le Journal de Jack l’Eventreur, « découvert »
en 1991 par Mike Barrett, est censé avoir été rédigé en mai 1889 par James Maybrick
sous l’influence de ses drogues : il nous raconte comment il devient Jack
l’Eventreur et les assassinats qu’il commet à Whitechapel par haine de sa femme
adultère . Quoi qu’il en soit, c’est une magnifique œuvre poétique évoquant Une saison en enfer de Rimbaud ou Misérable
miracle (1956) de Michaux. , cette dernoière œuvre écrit sous la dépendance
de la mescaline. Cette habile
mystification littéraire est sans doute l’œuvre d’une femme de Liverpool , nourrie
de Lord Jim de Conrad (1900) en qui
elle voit des traits qui lui rappellent son mari,
un ancien de la marine comme Lord Jim : la mystificatrice
pourrait-elle être Ann Barrett ?
15 En juin 1889 les restes d’une femme démembrée furent
découverts à Londres.
16 Le 16 juillet 1889,
le cadavre d’Alice Mac Kenzie, une prostituée, fut découvert à Whitechapel, le ventre mutilé,
la gorge tranchée. « Mon opinion, est que ce meurtre a été exécuté part la
même personne qui a commis la précédente série des meurtres à Whitechapel »,
déclara le Docteur Thomas qui fut chargé de l’autopsie.
17 Le 6 août 1889, le cadavre d’une fillette de 8 ans,
Caroline Winter est découvert près de Newcastle -upon- Tyner, le crâne
fracassé, le corps portant « d’autres blessures épouvantables ».On
l’avait jetée dans une mare à proximité d’un égout . Caroline avait parlé avec
un homme aux cheveux noirs, avec une moustache noire et un costume gris miteux.
« Il avait offert un shilling à Caroline pour qu’elle l’accompagne
et elle l’avait suivi. »
18 Le 10 septembre1889, un torse de femme atteste d’un meurtre.
Le 20 juillet 1889, Jack
annonçait : « J’ai l’intention de finir mon travail à la fin août,
lorsque je mettrai les voiles pour l’étranger [Canada] ».Le . 2 septembre
1889, on trouve une bouteille à la mer près de
Folkerstone : « Navire S. S. Northumbria
Castle Left. Suis de nouveau en chasse. Jack l’Eventreur. « Un homme
habillé en soldat (à savoir lui-même) avait
annoncé devant les locaux du Herald,
, le 8 septembre 1888, l’endroit où l’on trouverait le torse féminin,
avant de s’enfuir.
19 Le 15 septembre
1889, on découvrit le corps en décomposition d’un garçon dans une maison
abandonnée de Southport « Je commettrai le meurtre dans une maison
vide » , avait écrit l’Eventreur .
20 Le 13 décembre 1889, des restes humains en décomposition
sont découverts, parmi lesquels une main droite de femme au petit doigt de
laquelle il manquait deux phalanges. Or, le 4 décembre 1889, Jack l’Eventreur
avait écrit : « je m’exerce à couper les jointures, et si j’y
parviens, je vous enverrai un doigt. » Est-ce son dernier meurtre
sauvage ?
Les empoisonnements
Le FBI, dans son étude sur les tueurs en série, montre que
le serial killer est un opportuniste
et n’est pas fixé à un modus operandi
déterminé : ainsi, le tueur cannibale Ottis Toole abattit ses victimes
avec un fusil ou un révolver, mais aussi en les poignardant, en leur fracassant
le crâne à coups de pierre, en les étranglant, voire en les pendant et même en
les crucifiant. Cette réflexion est destinée à ceux qui trouveraient étonnant
qu’un meurtrier sadique devienne un empoisonneur.
Il n’a jamais été gênant pour ses partisans qu’un autre
criminel, le juif polonais Severin Klosovski, dit Chapman du nom d’une de ses
épouses, soit censé avoir le même parcours criminel, passant des meurtres à
l’empoisonnement : il a été
soupçonné par l’inspecteur Abberline d’être Jack l’Eventreur. Klosovski était arrivé de Pologne où il avait fait cinq ans d’études médicales, avant le
début des meurtres qui s’arrêteront après son départ en Amérique.Il
empoisonnera successivement trois de ses épouses et sera pendu en 1903.à
Londres .L’inspecteur Abberline, chaud partisan de Klosovski comme suspect
d’être Jack l’Eventreur, expliquera le changement de méthodes de Klosovski
par « la différence de classe de ces nouvelles victimes qui exige,
évidemment, une nouvelle façon de tuer ».
Neil disparaît ensuite au Canada, s’y fait oublier, puis
revient à Londres où il sévit à nouveau et passe à l’empoisonnement, en 1891, mais toujours à la strychnine et sur des
prostituées : 4 empoisonnements réussis (il en rate un 5e) : 21 Ellen
Donworth , 22 Alice March, 23 Emma Schirvel, 24 Mathilde Clover . Pris,
il est pendu.
Les divers couteaux de Jack l’Eventreur: un Toronto
afghan knife, puis un kukri , à
nouveau un Toronto et enfin un dirk écossais.
Patricia Cornwell, dans
Jack l’Eventreur, affaire classée,
portait d’un tueur, P. 53, écrit : « les Britanniques qui se
rendaient en Asie rapportaient chez eux toutes sortes de souvenirs, certains plus adaptés que d’autres pour poignarder
ou découper. Ainsi, le pesh balz
indien est l’exemple même d’une arme pouvant provoquer des blessures de
plusieurs largeurs, en fonction de la profondeur. La solide lame en acier de ce
« poignard », comme on l’appelait, pouvait infliger une variété de
blessures capable de laisser perplexe n’importe quel légiste, aujourd’hui encore.
La lame incurvée mesure presque 3 cm de large au niveau du manche en ivoire et,
aux deux tiers, elle devient à double tranchant, à l’endroit où elle commence à
s’affiner pour finir par ressembler à une aiguille. Celui que j’ai acheté chez
un antiquaire a été fabriqué en 1830 et il tenait aisément (y compris sa gaine)
dans la ceinture du pantalon, dans une botte, dans les grandes poches d’un
manteau ou dans une manche. La lame
incurvée du poignard oriental baptisé jambya
(vers 1840) laisse, elle aussi, des
plaies de largeur différente, même si toute la longueur est à double tranchant.
» Pour être plus précis, je pense que Neill a acheté un jambya, ou kyber, à Toronto, savoir un Toronto afghan knife, à lame fabriquée
aux Etats-Unis, mais de marque canadienne (marque « Toronto », aujourd’hui encore).
Le 19 octobre 1888,
Jack l’Eventreur écrit qu’il se sent « abattu, à cause de mon couteau que
j’ai perdu en venant ici et il m’en faut un ce soir. ». Le 21 octobre, un
agent de police découvre un kukri ensanglanté
dans des fourrés. Or, le kukri est un
couteau indien avec une lame incurvée, très robuste, utilisé pour égorger et
pour trancher les membres. Mais, faute d’avoir retrouvé son kukri,le 30 octobre 1888,
l’Eventreur a dû se contenter d’un Toronto
pour tuer Mary Kelly « La peau et les chairs de l’abdomen ont
été ôtées de manière importante en trois endroits, la cuisse droite était dépecée
jusqu’à l’os, la partie inférieure du poumon droit était endommagée et
arrachée, le péricarde était ouvert au dessous et le cœur absent ainsi
que l’utérus et des morceaux de ses
parties génitales » (rapport d’autopsie de Mary Jane Kelly).
Une de ses lettres,
écrite de Glasgow témoigne de son amour pour ce kukri :
« Je crois que je vais abandonner mon joli couteau tranchant. Trop bon pour des putains. Suis
venu ici pour acheter un dirk (poignard) écossais. Ha !
Ha !ça leur chatouillera les ovaires », p. 193
Le sac noir servant à transporter de quoi
protéger ses vêtements et le paquet pour transporter ceux qui étaient ensanglantés.
Le 10 octobre
1888, 10 jours après les meurtres de
Elizabeth Stride et de Catharine Eddowes, le Daily Post a rapporté que la police
avait pris possession d’un sac noir oublié au Charing Cross Hotel avec « certains
documents, articles d’habillements, carnets de chèques, gravures à caractère
obscène ». Les documents suggèrent que le propriétaire du sac s’était
souvent rendu en Amérique. Les gravures obscènes rappellent celles que
Neill est si fier de montrer, dans
la ville, Québec à Mac Culloch et qui choquent ce dernier, comme les articles
d’habillement rappellent les perruques montrées au même voyageur par Neill. La police interrogea, dans le cadre de
l’enquête sur Jack l’Eventreur, le
propriétaire du sac qui fréquentait les
bas quartiers de l’East End de Londres et se disait résident à Liverpool. Scotland Yard a donc eu entre les mains notre meurtrier, qui, à ce
moment, a dû avoir chaud. De là son impression d’invulnérabilité et son
sentiment que tous les policiers sont
des imbéciles.
Le 30 octobre 1888, quelques heures avant le meurtre de Mary Ann Nichols, un laitier raconta à la police qu’un
homme avec un sac noir brillant (que Jack l’Eventreur avait récupéré entre les
mains de la police) lui avait demandé, -il était 23 heures, -l’autorisation de
se changer dans sa remise. Le laitier surprit l’inconnu en train de protéger
son pantalon avec « une cotte blanche comme celles que portent les
mécaniciens ». L’inconnu se saisit ensuite d’une veste blanche, qu’il
enfila rapidement par-dessus sa jaquette, et il dit : « Effroyable,
ce meurtre, hein ? [le meurtre d’Ann Chapman]». Il récupéra sa sacoche et se précipita dans la rue en
s’exclamant : « Je crois que j’ai un indice [les
pilules ?]».
Le lendemain du double assassinats d’Elizabeth Stride et de
Catherine Eddows, le lundi 1er octobre 1888, à 9 heures, M. Chinn,
propriétaire de Nelson Tavern à Kentish Town,
découvrit dans sa remise, enveloppé dans du papier journal, un
paquet analogue à celui que portait le
meurtrier d’Elizabeth Stride une demi-heure avant sa mort (on l’a vu avec ce
paquet) A l’intérieur du paquet, la
police trouva un pantalon sombre imbibé
de sang et des cheveux collés au sang coagulé sur le papier journal. Le meurtre
d’Elisabeth Stride est donc à attribuer à Jack l’Eventreur, même si celui de
Catherine Eddowe peut être imputé au juif polonais Kosminski.
Les déguisements
Neill aimait se déguiser : nous en avons la preuve dans
le témoignage de Mc Culloch avec qui Neill se lia d’amitié à Québec. Il
lui montra une cantine, en sortit une paire de faux favoris, longs et
touffus : « Je m’en sers pour
éviter d’être reconnu quand j’opère », lui dit-il. Il n’hésitait pas à
revêtir des uniformes militaires. Dans l’affaire du meurtre d’Annie Chapman,
Scotland Yard trouva un bout d’enveloppe taché de sang qui était frappé de
l’insigne d’un régiment du Sussex et
portait le cachet de la poste : « Londres, 20 août », ainsi
qu’un début de suscription : « M[aster
Thomas Neil Cream] », Master
étant le titre des chirurgiens. Celui qui lui écrivait était peut-être son ancien
complice dans le meurtre de Martha Tabram, ce caporal qui avait passé la nuit
avec Pearly Poll, l’amie de la victime. On ne put identifier aucun de ces deux militaires dont l’un était Neill,
revêtu d’un uniforme qui le rendait méconnaissable.
Les lettres de Jack l’Eventreur.
Le problème de la nombreuse correspondance avec la police (plus
de 200 lettres et cartes) signée Jack l’Eventreur
est que de nombreux plaisantions ont profité
des publications dans la presse et se sont déchaînés, sans qu’il soit facile de
discerner l’authentique du faux. Voici
quelques lettres qui semblent authentiques (avec ces américanismes qui rappellent
les séjours de Neill aux USA). Voici la première, en date du 12 septembre 1888,
écrite à l’encre rouge :
« Cher boss,
Je n’arrête pas d’entendre dire que la police
m’a pris, mais elle ne m’arrêtera pas de sitôt, ça me fait bien rire qu’ils
aient l’air si malin et qu’ils racontent qu’ils sont sur ma piste. La farce de
Tablier -de- Cuir m’a fait rire aux larmes.
J’en ai après les putains et je n’arrêterai de les découdre que quand je serai bouclé. Superbe,
mon dernier boulot. Je n’ai pas laissé à
la dame le temps de couiner. Comment peuvent-ils me capturer maintenant ?
J’aime mon travail et je veux recommencer. Vous entendrez bientôt parler de moi
et de mes joyeux petits divertissements.
Après mon dernier
boulot, j’avais mis de côté dans une bouteille de ginger beer [soda] le vrai
liquide rouge pour écrire avec mais il est devenu épais comme de la colle et je
ne peux m’en servir. J’espère que l’encre rouge suffira. Ha ! Ha !
Le prochain boulot que
je ferai je couperai les oreilles de la dame et je les enverrai à la police
pour rigoler, n’est-ce pas ? Conservez cette lettre jusqu’à ce que j’aie
fait encore un peu de boulot et puis rendez-la publique aussitôt. Mon couteau
est si joli et si tranchant que je veux me remettre au travail tout de suite si
je trouve l’occasion. Bonne chance.
Sincèrement
vôtre.
JACK L’EVENTREUR.
Pas d’inconvénient à donner
ma marque de fabrique [mon pseudonyme de Jack l’Eventreur].Il faut que j’enlève
toute cette encre rouge de mes mains avant de mettre cette lettre à la poste.
Malédiction ! Pas
eu de chance encore. Maintenant ils disent que je suis un docteur. Ha ! Ha ! »
Voici d’autres exemples, comme une carte postale avec l’empreinte d’un pouce
sanglant (Scotland Yard n’utilisait pas encore les empreintes digitales) :
« Je ne vous
racontais pas de blagues, cher vieux Boss, quand je vous ai donné le tuyau.
Vous entendrez parler demain du travail de Saucy Jack (Jack le gandin). Cette fois,
coup double. Numéro Un a un peu couiné. Pas pu la finir d’un seul coup. N’ai
pas eu le temps de récupérer les oreilles pour la police. Merci d’avoir gardé
cette lettre en attente jusqu’à ce que je me remette au travail. Jack
l’Eventreur. »
« Cher M. Lusk [le Président du comité de
vigilance de Whitechapel], je vous envoie le rein que j’ai prélevé sur une
femme et que j’ai conservé pour vous ;
l’autre morceau, je l’ai fait frire et je l’ai mangé ; c’était très bon.
Je peux vous expédier le couteau ensanglanté qui l’a détaché si seulement vous
attendez un peu. Attrapez-moi si vous pouvez, M. Lusk.»
« Old boss [le
major Smith qui analysait aussi le rein], est-ce que vous avez vu le diable [le
Docteur Openshaw, chef du service de pathologie du London Hospital, chargé
d’analyser le rein] examinant avec son microscope et son scalpel un rein ?...
Dites donc, Boss, vous avez l’air d’avoir rudement peur. J’aimerais bien vous
donner une crise, mais je ne peux pas
attendre de laisser les flics faire
joujou avec ma boîte de jeux [le rein]. Mais j’espère vous voir quand je ne serai
pas trop pressé. Au revoir, Boss. »
La correspondance
apocryphe.
Un journaliste, une jeune ouvrière de 21 ans originaire de
Bradford nommée Maria Coroner et surtout le peintre Sickert en sont les principaux auteurs identifiés. Les
lettres de Walter Sickert sont parfois signées discrètement de l’abréviation de
son nom, St, enrichies de dessins faits
avec un mélange de diverses encres pour faire croire à du sang et écrites sur
du papier filigrané.
Nous faisons un sort
spécial au peintre Sickert parce que Patricia
Cornwell a voulu voir l’Etrangleur dans Jack
L’Eventreur, affaire classée, portait d’un tueur. Sickert avait loué un studio au 6 Mornington Crescent, et sa logeuse lui avait raconté qu’il avait été occupé par un jeune étudiant polonais
qui était Jack L’Eventreur (p.81). Un des
tableaux de Sickert, La chambre de Jack l’Eventreur,
reproduit cette chambre : Sickert était convaincu que Jack
l’Eventreur était bien cet étudiant polonais, mais il avait oublié son nom, Il s’agissait d’Aaron Kominsky,
juif polonais schizophrène qui fut interné à plusieurs reprises (aujourd’hui. Neill
ou Kominski avaient saisi l’occasion du meurtre qu’ils venaient de commettre,
celui de Catherine Eddowes, pour se faire l’écho de la rumeur incriminant un
juif en inscrivant sur le mur qui se trouvait près du cadavre de
Catherine Eddowes : « Les juifs sont
des hommes qui ne seront pas accusés
sans raison ». Est-ce un aveu de culpabilité émanant du juif
Kosminkiet répondant à la rumeur antisémite ? S’il faut en croire Russell Edwards (Naming Jack the ripper, 2014), le meurtre de Catherine Eddowes serait, en effet, l’œuvre du coiffeur juif polonais Aaron
Kosminski, qui a laissé son ADN sur un châle trouvé à côté du cadavre de
Catherine Eddowes. Cependant, on a fait remarquer que le procès-verbal ne mentionnait pas ce châle dans les effets
trouvés à côté de Catherine Eddowes et que,
lors d’une Conférence en 2007, le châle avait été manipulé par des
descendants de Kosminski et avait pu être contaminé, involontairement ou non,
par eux.
Les adresses de Jack
l’Eventreur à Liverpool et à Londres.
Liverepool était le port de débarquement et d’embarquement
des passagers en provenance du Canada (6 jours en vapeur par New York). Sir
Arthur Conan Doyle disait qu’il faudrait chercher le meurtrier du côté de l’Amérique,
à cause des américanismes dont ses lettres étaient émaillées et il avait
raison. Jack l’Eventreur nous livre une de ses adresses dans ce port de
Liverpool lorsque, le 29 septembre 1888,
il
nous donne le lieu des Minories, à côté de Mitre Square et la date à un
jour près de son prochain meurtre :
« De Liverpool,
Prince William Street . Attention :
je travaillerai le 1er septembre et le 2 aux Minories, à minuit. Je donne une
chance sérieuse aux autorités, mais il n’y a jamais de policier près des lieux
où je travaille. Jack l’Eventreur
« Que les
policiers sont idiots ! Je leur donne même le nom de la rue où j’habite [|à
Liverpool, Prince William Street]. »
Le major Smith
poursuivit l’Etrangleur(mais ce peut êtreKosminki) après son meurtre de Mitre
Square : quittant le théâtre de son crime, celui-ci avait coupé par
Houndsditch et Middlesex street pour rejoindre Goulston Street où il avait
abandonné un chiffon ensanglanté qui fut
identifié ensuite comme le tablier de Catherine Eddowes, lacéré à coups de
couteau. « Puis il (il s’agit
peut-être cette fois de O’Neill, le vrai éventreur) obliqua vers le
nord, se dirigeant vers Dorset Street où il se lava les mains à une fontaine
publique invisible depuis la rue et qui se trouvait dans un renfoncement de 5 à
6 mètres. Quand le major Smith arriva, il restait encore de l’eau rougie de
sang dans le bassin. » De là il continua sa route vers son hôtel londonien,
Charing
Cross Hotel.
A Deptford, il éveilla
les soupçons, tellement il se montra
avide d’avoir un numéro du Evening Standard. Le marchand déclara à
la police qu’il avait alertée : « (il m’a) arraché le journal
des mains, m’a lancé un penny et s’est précipité hors de la boutique. Sans
attendre d’être rentré chez lui, il lut avidement et fébrilement, à la lumière
d’une vitrine, le compte rendu du drame… » Mais quand la police arriva, le
particulier s’était « éclipsé ».
Free Encyclopédie
du Canada nous apprend que Neill était aussi un incendiaire (l’incendie des
docks près des quais) et un voleur.Ce tueur en série rapportait chez lui, en
guise de trophées (qu’il mangeait parfois) les organes qu’il découpait sur ses
victimes.
Une hypothèse absurde, celle de John Montague Druitt.
John Montague Druitt, au moment de son suicide dans la
Tamise, le 3 décembre 1888, était un jeune homme de 28 ans, ébranlé par la
folie de sa mère (elle sera internée quelque temps après le suicide de son
fils) et surtout dépressif. Après avoir exercé comme avocat , ce membre de la bourgeoisie était devenu l’un des trois maîtres résidents (maître
d’internat) dans une boîte à bachot de Blackheath pour riches élèves, avec 42 pensionnaires. Il encourut la haine et la
jalousie de ses collègues d’origine sociale inférieure et qui n’avaient pas son
niveau d’études. Ceux-ci, menés par le directeur, un dénommé George Valentine, ourdirent
contre lui un complot qui s’appuyait sur
l’attachement homosexuel, réel ou supposé, de l’ordre du fantasme ou des faits,
qu’il ressentait pour l’un de ses jeunes
élèves mineurs dont on ignore le nom (l’un des 42 internes) , Scotland
Yard n’ayant pas fait d’enquête. On peut supposer qu’un élève complice de M.
Valentine lui fit des offres et qu’il se compromit plus ou moins avec lui:
les comploteurs lui arrachèrent sa
démission et cherchèrent à le faire chanter en prétendant que la famille du
garçon voulait porter plainte devant les tribunaux contre lui pour détournement
de mineur, mais que, par l’intermédiaire de ce bon M. Valentine, le meneur du complot, elle accepterait
une transaction financière de 66 livres
dont 16 en or. Druitt recueillit l’argent (on trouva sur son cadavre un chèque de 50 livres et 16 livres en or). Mais écrasé par un sens du péché et par une
culpabilité pathologiques, en proie à une intense dépression nerveuse, l’infortuné
Druitt, alors qu’il avait pourtant réuni la somme exigée par le maître
-chanteur, préféra se suicider dans la Tamise avec sur lui l’argent exigé et une lettre à Valentine qu’on aimerait bien
connaître. J’imagine qu’il devait y protester de son innocence, renvoyer
Valentine à sa responsabilité criminelle et lui dire qu’au moins il n’aurait pas l’argent qu’il
convoitait Un suicide n’est pas un aveu de culpabilité
(de quoi d’ailleurs ? Certainement pas des meurtres sauvages de Jack
l’Eventreur).Il s’était suicidé, aurait-il dit, parce qu’il ne voulait pas
finir dément comme sa mère. Scotland Yard qui chercha à faire peser sur lui le soupçon
qu’il était Jack l’Eventreur en personne
( !), se montra très peu curieux, ne demandant ni à lire ni à publier la lettre adressée à M.
Valentine, ni à voir au nom de qui était
établi le chèque de 50 livres et n’inquiétant aucunement le dénommé Valentine. En tout cas, amitiés particulières ou non, l’innocent Druitt, qui était victime d’une cabale
d’enseignants jaloux, de sa propre naïveté, ainsi que de son côté névrotique, n’a
rien à voir avec Jack l’Eventreur, mais on n’hésita pas à le qualifier de « maniaque sexuel » ( !)
et on fut trop heureux, à Scotland Yard, de trouver en lui un bouc
émissaire. Les meurtres continuèrent d’ailleurs bien après la découverte du
cadavre du noyé le 31 décembre 1888. .
Certains ont voulu
voir dans le sadique que fut Jack l’Eventreur un génie indépendant qui a réussi
une réforme sociale et urbanistique, celle du East End londonien. Ce qu’il y a
de certain, c’est que , de son point de vue, Jack l’Eventreur a gagné en ce
sens qu’il a déjoué les enquêtes de Scotland Yard et qu’il a créé une énigme et
un mythe.
Paul GriscelliOu que vaut l’alibi du Docteur Neill prétendant purger en 1888 sa
peine au pénitencier de l’Illinois ?
Comme le Docteur Neill , condamné à la pendaison, se tenait
debout, attaché, le visage couvert, un quart de seconde avant sa chute dans la
trappe, « le bourreau, M. Billington, l’entendit dire derrière son
masque :
« Je suis Jack
l’… », rapporte Elisabeth Jenkins dans « Un gentleman empoisonneur », la meilleure biographie du mystérieux
criminel (du moins en ce qui concerne la partie « empoisonneur »,
mais sans jonction avec les massacres de Jack l’Eventreur) publiée dans le
tome 2 d’une sélection du Reader’s Digest, 1962, « Scotland
mène l’enquête ».
Il avait , de sa
prison, réussi à faire parvenir
moyennant une belle somme la lettre suivante, bien dans son caractère , au juge
, M. Braxton Hicks (les caractères gras sont de moi) :
« Cher
Monsieur,
L’homme que vous tenez, le Docteur Neill, est aussi
innocent que vous .Le connaissant de vue,
je me suis déguisé pour lui ressembler et j’ai fait la connaissance des filles
qu’on a empoisonnées. Je leur ai
donné des pilules pour les guérir de toutes les misères du
monde, et elles en sont mortes. Miss L. Harris a plus de bon sens que je ne l’aurai cru,
mais je l’aurai tout de même…Si j’étais vous, je relâcherais le docteur Neill,
autrement vous pourriez avoir des ennuis. Son innocence sera proclamée tôt ou
tard, et lorsqu’il sera libre, il vous poursuivra peut-être pour dommages et
intérêts.
Respectueusement vôtre, JUAN POLLEN,
alias JACK L’EVENTREUR
Que chacun se le tienne pour dit, je ne préviens qu’une
seule fois. »
Rappelons que la prostituée L. Harris avait jeté au sol les
pilules de strychnine que lui avaient données le docteur Neill, sans qu’il s’en
soit aperçu, et avait ainsi échappé à la mort. Le pseudonyme Juan Pollen est intéressant car c’est
l’anagramme (J =i) qui nous livre le véritable nom de l’empoisonneur : Paul O’Neill. Un autre pseudonyme, Malone (anagramme de (P)A (UL) O’Nel), employé
dans une lettre de chantage expédiée le
28 novembre 1891 par Neill au docteur Broadbent , confirme cette identité. D’autre part, Jack the Ripper est l’anagramme de Tho (m) as Crea(m) le second nom usurpé de Paul O’Neill :
ces
deux pseudonymes établissent la concordance entre l’empoisonneur Paul
Neill et le docteur Thomas Cream, alias Jack l’Eventreur.
Jack est le surnom d’un certain nombre de criminels
célèbres d’autrefois, Jack Shepphard,
Spring- Heeled Jack, Sixteen -Stringed Jack, Three -Fingered Jack, Slippery Jack et Cannibal Jack par exemple. De plus, les High Rips (de to rip,
éventrer) étaient des bandes qui
détroussaient les prostituées ou « relevaient les compteurs » et les
rackettaient. D’autre part, Jack the
Saucy (Jack le [maquereau] bien habillé), employé aussi par lui, contient encore, mais plus prudemment, Thau (m) as C(r)ea(m) Autre
anagramme :le 14 juin 1888, le Charing Cross Hotel a passé une annonce
dans le Times pour retrouver les
propriétaires d’objets oubliés dans ses murs par des clients distraits, dont un
dénommé Mebrac, anagramme de C(l)ear et allusion à (Florie) Maybrick.
Parmi ces objets figure un sac de cuir
noir sur lequel nous reviendrons. Dernière anagramme : Alfred (ou Thomas) Brierley, l’amant de Florie Maybrick, est l’anagramme de Thomas (C) ream. Fred, qui
renvoie à Alfred Brierley, est le nom
qu’il se donne vis-à-vis de prostituées
qu’il empoisonnera.
Le signalement de Jack par un laitier.
L’homme connu sous le
nom de Thomas Neill Cream était atteint
de strabisme divergent, il louchait et portait des lunettes la plupart du temps :
sans elles, il voyait très mal, étant hypermyope. Or, à 23 heures, le samedi 1 er septembre 1888, dans
Turner Street, non loin de l’endroit du meurtre de Mary Ann Nichols, un laitier décrivit à la police un homme venu lui
acheter pour un penny de lait qu’il but d’une traite. Il s’agissait d’un homme
d’environ 28 ans, au teint rougeaud, avec une barbe de 3 jours, des cheveux
bruns, de grands yeux écarquillés et
ayant l’allure d’un « employé de bureau » ou d’un étudiant. Les
grands yeux écarquillés paraissent naturels chez quelqu’un qui louche et qui a retiré ses lunettes. Nous reverrons
ce laitier observateur à propos du sac noir brillant que portait l’individu.
Le signalement de l’assassin d’une fillette de 8 ans, Caroline Winter.
Le signalement de l’assassin d’une fillette de 8 ans, Caroline Winter.
Caroline avait parlé avec un homme aux cheveux noirs, avec une
moustache noire et un costume gris miteux. Cela ressemble à la photographie
du
« Docteur » Neill.
L’état civil du Canadien Paul O’Neill (1854 ? Québec-1891,Londres),
représentant en produits pharmaceutiques,
son usurpation d’identité et sa
captation d’héritage à l’encontre du docteur Thomas Cream , dont la riche famille
était aussi installée au Canada, et qui
exerçait à Chicago.
Scotland Yard nourrissait des doutes légitimes sur le nom véritable de Neill qui, voyant les implications
possibles de la révélation de ses divers pseudonymes, n’avait pas voulu
déclarer son identité quand il fut arrêté. Scotland Yard s’arrêta à faux certificat de
baptême au nom de Thomas Neill Cream que Jack l’Eventreur avait fabriqué. Il doit être précisé que le Canada est
probablement le pays où les actes d’identité sont délivrés avec le moins de
contrôles. Neill avait confié à sa crédule fiancée, Laura Sabbatini,cette demi-vérité qu’il
se faisait appeler Thomas Neill à
cause d’un problème juridique compliqué concernant un héritage, mais que son « véritable » nom était Thomas Neill Cream.
La famille de Neill était une famille nombreuse : 8
enfants, -c’étaient les propriétaires
d’une scierie dans la ville de Québec. Mais deux frères refusèrent d’adopter la
profession paternelle de scieur, l’aîné Thomas, né le 27 mai 1850 à Québec, et son cadet Paul
dont nous n’avons pas la date de naissance, peut-être 1854 :
par admiration pour son aîné qui faisait de brillantes études médicales, Paul
usurpa le prénom et la profession de son frère aîné. Thomas s’était inscrit
à l’Université de Montréal, la Mac Gill University, à la faculté de médecine et de chirurgie,
s’intéressant à la gynécologie et à l’obstétrique. Il avait soutenu une thèse sur le chloroforme. L’Université, le confondant avec Paul, lui
retirera par la suite le droit d’exercer au Canada, mais il était déjà mort. .
Son jeune frère Paul, le futur empoisonneur, s’inscrivit à l’école
de musique de la même Université. Au cours de ses aventures, il fit la
connaissance à Chicago, Illinois, d’un Docteur Thomas Cream, né à Glasgow,
qui avait fait des études de médecin et de chirurgien à l’Université d’Edimbourg
et appartenait à une riche famille installée à Québec. En 1881, à Chicago,
« la jeune et jolie épouse d’un épileptique d’un certain âge, Julia Scott,
arriva au cabinet de Neill pour lui demander un remède qu’il recommandait
contre l’épilepsie. Neil séduisit la jeune femme et donna à l’époux une
drogue comportant une dose de strychnine telle que le malade mourut en vingt
minutes. Le décès fut attribué à une crise d’épilepsie. ». Sous
la signature de son très riche ami, le
Docteur Cream, il écrivit alors à la
police en accusant de négligence le pharmacien qui avait délivré l’ordonnance.
On fit exhumer le corps et l’on trouva alors 2, 56 grammes dans l’estomac de la
victime. .
Le tour était
joué : le malheureux docteur Cream, innocent pourtant, fut condamné à la réclusion perpétuelle
incompressible au pénitencier de l’Etat de l’Illinois.et, lorsque, peu
après, le père du vrai Thomas Cream mourut au Canada, c’est le faux docteur Neil baptisé Cream pour l’occasion
qui postula pour l’important héritage, géré par des gens qui n’avaient jamais
vu le vrai docteur Cream. Notre empoisonneur et massacreur sadique s’appellera
désormais Thomas Neill Cream.
La législation de
l’Illinois prévoyait, en cas de meurtre avec
préméditation, -ce qui étai le cas,- une
peine de réclusion à perpétuité sans
possibilité de réduction de peine au-dessous de 25 années.
Quant à ceux qui demanderaient des nouvelles de Julia Scott,
l’amie de Neill, comme elle était dangereuse pour Neill, il lui fit goûter
d’une pilule qui l’en débarrassa pour toujours, les décès dus à la strychnine
passant pour occasionnés par la tuberculose.
Lorsqu’il se retrouva à Londres, le docteur Thomas Neill Cream,
comme il se faisait désormais appeler, peut vivre sans exercer , grâce aux
rentes versées par les mandataires du vrai docteur Cream. Pour expliquer à Scotland Yard comment, bien
que condamné à la réclusion perpétuelle, il est en liberté à Londres, il forge
l’histoire suivante : « une campagne en sa faveur (qui pouvait croire
à son innocence ?) avait abouti à une réduction de peine de 17 ans de
réclusion ( 17-25-=8 ans à purger effectivement ), laquelle peine de 8 ans , ajoutée à une rémission de peine pour bonne
conduite (afin que cela tombe
juste !), lui valut finalement d’être libéré en juillet 1891 » et de débarquer à Liverpool sur le Teutonic le 1er octobre 1891, en provenance du Canada, à Liverpool. Mais la législation américaine de
l’Illinois interdisait formellement ce genre d’accommodement avec le ciel et le
véritable docteur Cream resta en prison jusqu’au bout, tandis que le coupable put
continuer à assassiner en toute liberté.
Voici donc l’histoire qui a abusé Scotland Yard et
presque tous les chercheurs : Neill
ne pouvait être l’Etrangleur en 1888 puisqu’il aurait été à cette date reclus à
perpétuité au pénitencier de Chicago et qu’on ne constatait son arrivée en
Angleterre, sous le nom de Thomas Neill Cream, que le 1er octobre
1891. De plus, il semble qu’en Angleterre Paul Neil n’ait jamais exercé le
métier de médecin ou de chirurgien, dont il n’avait pas les diplômes, mais de
représentant commercial en produits pharmaceutiques : arsenic, chloroforme,
cocaïne, morphine, strychnine, cachou (médicament à l’époque), etc., en
provenance notamment d’une firme new- yorkaise., la Compagnie Harvey, de
Saratoga Springs .
La signature : le ricanement sardonique
de ses lettres.
Les billets de Jack l’Eventreur incluent curieusement des
éclats de rire sardoniques fréquents et incongrus. Or, sous l’effet de la
drogue, haschich et datura notamment à en croire J. Jacques Moreau de Tours ,
dans Le haschich et l’aliénation mentale,
1845), un tel phénomène est fréquent.
La vie de Neill à ses
débuts, de 1876 à 1887 (Canada, Angleterre, Etats-Unis).
Neill s’est fait faire plusieurs fois sa photographie à
Londres : il porte une paire de
moustaches brunes qu’il n’hésite peut-être pas à teindre en roux, châtain ou
blond, des lunettes. Nous savons qu’il souffrait de violents maux de tête dus à
une hypertension oculaire contre lesquels il prenait de très fortes doses de
drogue, soit un mélange de morphine contre la douleur, de cocaïne et de strychnine.
Sa taille est moyenne (1, 70 m environ, 5 pieds 7 pouces), il est légèrement corpulent.
C’est un esprit
criminel qui commet des meurtres de jouissance : il faut qu’il voie sa
victime souffrir, qu’il l’ait empoisonnée à la strychnine ou assassinée à
l’arme blanche, c’est pourquoi il ne la tue pas du premier coup en la frappant
au corps, si bien qu’on trouve presque toujours du sang sous ses victimes .Peu lui importe le sexe, la
profession, l’âge. C’est un pur sadique,
magnifique illustration de la désintrication des pulsions, sadique oral à
travers son, cannibalisme certes, mais sans jamais se rendre coupable de viols.
Il aime dénoncer des innocents en leur
faisant porter le poids de ses crimes, faire du chantage sur eux. Pourquoi s’en
prend-il le plus souvent à des
prostituées ? Simplement parce que cela lui est plus facile. Mais il
propose son « aide » aux femmes enceintes désireuses d’avorter, ce
qui est illégal à l’époque, et il leur fournit des capsules de strychnine qui
les font souffrir, puis mourir.
Ainsi le prétexte
pour aborder une prostituée est-il celui
de la prémunir contre une
conception et contre des maladies vénériennes..
En voici un « indice » : près du cadavre
dépecé de Annie Chapman, la police mit
la main sur deux pilules à base de strychnine,
abortives, perdues par le docteur Neill, alias Jack l’Eventreur
De même, les cachous
emballés dans du papier de soie comme
les pastilles de strychnine (pas les cachous Lajaunie que nous connaissons,
mais les cachous anglais ou kasu dits
de Ceylan ou de Colombo et provenant
réellement de l’Areka katechu blanco),
trouvés dans la main gauche de Elizabeth Stride, étaient à l’époque un
médicament vendu en pharmacie contre les maladies vénériennes et Jack l’Eventreur a dû les lui offrir. Il est
amusant de noter que l’habile faussaire auteur du Journal de Jack l’Eventreur,
p.99, évoque le meurtre de cette prostituée en ces termes :
« J’ai essayé de détacher la tête
Le cheval [du
charretier qui découvre le corps] s’est cabré
Bon sang ai-je crié
Mais je sentais encore son haleine sucrée [par le cachou] ».
Pour ajouter une touche finale, l’auteur de ce Journal a laissé du charbon animal dans
le bas du journal pour évoquer le cachou que l’Etrangleur était censé mâcher :
le cachou Lajaunie doit, en effet, sa couleur noire au charbon de peuplier noir.
Mais il est peu probable que le cachou Lajaunie, créé en 1880, ait été déjà
connu à Londres en 1888, ce qui montre une faille dans la virtuosité de la
faussaire.
En 1876, au Canada, Neill séduit Flora Elisa Brooks, la
rend enceinte et la fait avorter. Le père de la jeune fille l’obligea, arme au
poing, à l’épouser. Mais Neill l’abandonne et lui envoie d’Angleterre des
pilules qui la font trépasser, ainsi que
son père. En Angleterre il s’inscrit à l’école d’application du Royal
London Hospital, situé près du West End, mais il fréquente les prostituées bon
marché de ce quartier, plutôt que les cours, et il échoue à ses examens. Cela
explique sa parfaite connaissance de ce quartier.
De retour au Canada,
il exerce dans l’Ontario à London , une ville du Canada, et se fait une
spécialité de l’épilepsie et surtout de l’avortement. Mais ce faiseur d’anges
fait mourir ses patientes désirant avorter Le décès de Kate Gardener à la suite
d’ un avortement l’oblige à quitter le Canada pour les Etats-Unis.
En 1880, Neill s’installe à Chicago et Julia Faulkner décède
encore par suite d’avortement ou plutôt d’empoisonnement. A partir de 1881, il
prend le nom de Cream et ce sont les aventures dont nous avons parlé. Il se
rend en Angleterre à nouveau, disparaît et reparaît à Londres en 1887.
Les 8 premières
( ?) assassinées, dont 4 du 31 août au 9 novembre 1888, ainsi qu’une
fillette et 3 garçonnets
Leur nombre est sujet à controverse, les trois premières
sont contestées, savoir le 25 décembre
1887, Fairy Fay, qui est dépecée ;
le 13 avril1888, Emma Smith, puis Martha
Tabram, qui souffre de 39 perforations à la pointe du poignard. Nous avons
ensuite les 5 meurtres les plus célèbres :
4 a Mary Ann Nichols,
le 1er septembre 1888
4 b un énorme incendie criminel près des docks se déclara la
nuit de l’assassinat de Mary Ann Nichols, le 1er septembre 1888, il
était son oeuvre.
5 Ann Chapman, le 7 septembre 1888
6 Elisabeth Stride, le 29 septembre 1888
7 Catherine Eddoves, le 29 septembre 1888 ? On accuse
parfois Kosminsk de ce meurtre..
8 Mary Jeanne Kelly, le 30 octobre 1888, - toutes
prostituées.
Les mutilations sont affreuses : intestins autour du
cou, etc.
Fin
1888
9 Le 26 novembre1888, un garçon de 8 ans, Percy Knight Searle,
est sauvagement assassiné près de Portsmouth, la gorge tranchée à 4
endroits. Le 14 novembre 1888, Jack
L’Eventreur avait expédié une lettre où il écrivait : « Je vais
commettre 3 autres assassinats, 2 filles [[ce sera Rose Mylett et une inconnue,
cf. 15 ?], et un garçon d’environ 7
ans [Percy Knight Searle] cette fois. J’aime beaucoup éventrer, surtout les
femmes, car elles ne font pas énormément de bruit. »
10 Le 20 décembre
1888 on trouve le cadavre d’une nouvelle prostituée, Rose Mylett , atrocement assassinée .
11 Le jeudi 27 décembre 1888, le cadavre de John Gill, 8 ans, assassiné à Bradford, est retrouvé entre le
mur et la porte d’une écurie : les 2 oreilles ont été tranchées, les jambes
sectionnées, le ventre grand ouvert, le
coeur arraché de la poitrine et coincé sous le menton, les organes sexuels coupés et posés sur le sol avec des mutilations des
parties génitales « trop écoeurantes pour être décrites » On avait ôté
ses chaussures pour les fourrer dans la cavité abdominale. Le 19 décembre 1888,
Jack L’Eventreur avait écrit de
Liverpool : « « Je me suis rendu à Liverpool et vous entendrez
bientôt parler de moi [le meurtre de John Gill] ». Le 26 novembre 1888: « je
commettrai un autre meurtre sur une jeune personne, comme ces garçons qui
travaillent dans les imprimeries à la City. Je vous ai déjà écrit une fois,
mais je crois que vous n’avez pas compris. Je leur ferai pire qu’aux femmes, je
leur prendrai le coeur et je les éventrerai de la même façon. Je les attaquerai
quand ils rentrent chez eux. N’importe quel jeune que je vois, [ce sera dans
les faits le malheureux John Gill], je
le tuerai mais vous ne m’attraperez jamais, mettez ça dans votre poche et votre
mouchoir dessus. »Dans une lettre non datée, l’Eventreur écrivit à la
police Métropolitaine : « J’ai éventré un petit garçon à
Bradford », et, le 16 janvier 1889, il parle de son « voyage à
Bradford ».
1889
12 et 13 Entre le 16
janvier 1889 et juin 1889, l’Eventreur
disparaît, peut-être séjourne-t-il en France, à Pont-à-Mousson, connue pour ses
fabrications de couteaux et d’opinels (société rachetée par Saint-Gobain
aujourd’hui) : selon Patricia Cornwell, une veuve, Madame François, est décapitée ; dans le même secteur, au
même moment, une autre femme est
retrouvée, la tête quasiment séparée du corps. Neill, québécois, devait parler
français.
14 Ici intervient une affaire qui annonce les empoisonnements à la strychnine. En mai 1889, meurt à Liverpool James Maybrick, négociant en coton, empoisonné
par la strychnine et l’arsenic dont il faisait un fréquent usage. Sa femme Florie
Chandler était d’origine américaine et elle le trompait. Il avait cherché un
fournisseur pour sa strychnine et l’avait trouvé
dans Thomas Neill Cream alias Alfred Thomas
Briarley (anagramme de [c] ream) qui séduisit son épouse et lui prodigua des conseils pour empoisonner son mari. Curieusement, elle réserve une chambre pour une semaine à l’hôtel
Flatman dans Henrietta Street à Londres,
au nom de « M. [son amant, Thomas Briarley] et Madame Thomas Maybrick, de Manchester ». Elle écrit à son amant : « Chéri,
N’aie aucune crainte d’être découvert,
que ce soit maintenant ou dans le futur… Tu n’as donc pas besoin de partir à l’étranger
[au Canada] pour cette raison ». La découverte porte sur la
strychnine et non sur l’adultère. Pour
des raisons d’héritage, les frères de Maybrick fabriquent un faux testament qui
déshérite son épouse et surtout ils ourdissent
une machination contre elle : lors d’un procès retentissant, celle-ci fut condamnée à mort, mais graciée.
Le Journal de Jack l’Eventreur, « découvert »
en 1991 par Mike Barrett, est censé avoir été rédigé en mai 1889 par James Maybrick
sous l’influence de ses drogues : il nous raconte comment il devient Jack
l’Eventreur et les assassinats qu’il commet à Whitechapel par haine de sa femme
adultère . Quoi qu’il en soit, c’est une magnifique œuvre poétique évoquant Une saison en enfer de Rimbaud ou Misérable
miracle (1956) de Michaux. , cette dernoière œuvre écrit sous la dépendance
de la mescaline. Cette habile
mystification littéraire est sans doute l’œuvre d’une femme de Liverpool , nourrie
de Lord Jim de Conrad (1900) en qui
elle voit des traits qui lui rappellent son mari,
un ancien de la marine comme Lord Jim : la mystificatrice
pourrait-elle être Ann Barrett ?
15 En juin 1889 les restes d’une femme démembrée furent
découverts à Londres.
16 Le 16 juillet 1889,
le cadavre d’Alice Mac Kenzie, une prostituée, fut découvert à Whitechapel, le ventre mutilé,
la gorge tranchée. « Mon opinion, est que ce meurtre a été exécuté part la
même personne qui a commis la précédente série des meurtres à Whitechapel »,
déclara le Docteur Thomas qui fut chargé de l’autopsie.
17 Le 6 août 1889, le cadavre d’une fillette de 8 ans,
Caroline Winter est découvert près de Newcastle -upon- Tyner, le crâne
fracassé, le corps portant « d’autres blessures épouvantables ».On
l’avait jetée dans une mare à proximité d’un égout . Caroline avait parlé avec
un homme aux cheveux noirs, avec une moustache noire et un costume gris miteux.
« Il avait offert un shilling à Caroline pour qu’elle l’accompagne
et elle l’avait suivi. »
18 Le 10 septembre1889, un torse de femme atteste d’un meurtre.
Le 20 juillet 1889, Jack
annonçait : « J’ai l’intention de finir mon travail à la fin août,
lorsque je mettrai les voiles pour l’étranger [Canada] ».Le . 2 septembre
1889, on trouve une bouteille à la mer près de
Folkerstone : « Navire S. S. Northumbria
Castle Left. Suis de nouveau en chasse. Jack l’Eventreur. « Un homme
habillé en soldat (à savoir lui-même) avait
annoncé devant les locaux du Herald,
, le 8 septembre 1888, l’endroit où l’on trouverait le torse féminin,
avant de s’enfuir.
19 Le 15 septembre
1889, on découvrit le corps en décomposition d’un garçon dans une maison
abandonnée de Southport « Je commettrai le meurtre dans une maison
vide » , avait écrit l’Eventreur .
20 Le 13 décembre 1889, des restes humains en décomposition
sont découverts, parmi lesquels une main droite de femme au petit doigt de
laquelle il manquait deux phalanges. Or, le 4 décembre 1889, Jack l’Eventreur
avait écrit : « je m’exerce à couper les jointures, et si j’y
parviens, je vous enverrai un doigt. » Est-ce son dernier meurtre
sauvage ?
Les empoisonnements
Le FBI, dans son étude sur les tueurs en série, montre que
le serial killer est un opportuniste
et n’est pas fixé à un modus operandi
déterminé : ainsi, le tueur cannibale Ottis Toole abattit ses victimes
avec un fusil ou un révolver, mais aussi en les poignardant, en leur fracassant
le crâne à coups de pierre, en les étranglant, voire en les pendant et même en
les crucifiant. Cette réflexion est destinée à ceux qui trouveraient étonnant
qu’un meurtrier sadique devienne un empoisonneur.
Il n’a jamais été gênant pour ses partisans qu’un autre
criminel, le juif polonais Severin Klosovski, dit Chapman du nom d’une de ses
épouses, soit censé avoir le même parcours criminel, passant des meurtres à
l’empoisonnement : il a été
soupçonné par l’inspecteur Abberline d’être Jack l’Eventreur. Klosovski était arrivé de Pologne où il avait fait cinq ans d’études médicales, avant le
début des meurtres qui s’arrêteront après son départ en Amérique.Il
empoisonnera successivement trois de ses épouses et sera pendu en 1903.à
Londres .L’inspecteur Abberline, chaud partisan de Klosovski comme suspect
d’être Jack l’Eventreur, expliquera le changement de méthodes de Klosovski
par « la différence de classe de ces nouvelles victimes qui exige,
évidemment, une nouvelle façon de tuer ».
Neil disparaît ensuite au Canada, s’y fait oublier, puis
revient à Londres où il sévit à nouveau et passe à l’empoisonnement, en 1891, mais toujours à la strychnine et sur des
prostituées : 4 empoisonnements réussis (il en rate un 5e) : 21 Ellen
Donworth , 22 Alice March, 23 Emma Schirvel, 24 Mathilde Clover . Pris,
il est pendu.
Les divers couteaux de Jack l’Eventreur: un Toronto
afghan knife, puis un kukri , à
nouveau un Toronto et enfin un dirk écossais.
Patricia Cornwell, dans
Jack l’Eventreur, affaire classée,
portait d’un tueur, P. 53, écrit : « les Britanniques qui se
rendaient en Asie rapportaient chez eux toutes sortes de souvenirs, certains plus adaptés que d’autres pour poignarder
ou découper. Ainsi, le pesh balz
indien est l’exemple même d’une arme pouvant provoquer des blessures de
plusieurs largeurs, en fonction de la profondeur. La solide lame en acier de ce
« poignard », comme on l’appelait, pouvait infliger une variété de
blessures capable de laisser perplexe n’importe quel légiste, aujourd’hui encore.
La lame incurvée mesure presque 3 cm de large au niveau du manche en ivoire et,
aux deux tiers, elle devient à double tranchant, à l’endroit où elle commence à
s’affiner pour finir par ressembler à une aiguille. Celui que j’ai acheté chez
un antiquaire a été fabriqué en 1830 et il tenait aisément (y compris sa gaine)
dans la ceinture du pantalon, dans une botte, dans les grandes poches d’un
manteau ou dans une manche. La lame
incurvée du poignard oriental baptisé jambya
(vers 1840) laisse, elle aussi, des
plaies de largeur différente, même si toute la longueur est à double tranchant.
» Pour être plus précis, je pense que Neill a acheté un jambya, ou kyber, à Toronto, savoir un Toronto afghan knife, à lame fabriquée
aux Etats-Unis, mais de marque canadienne (marque « Toronto », aujourd’hui encore).
Le 19 octobre 1888,
Jack l’Eventreur écrit qu’il se sent « abattu, à cause de mon couteau que
j’ai perdu en venant ici et il m’en faut un ce soir. ». Le 21 octobre, un
agent de police découvre un kukri ensanglanté
dans des fourrés. Or, le kukri est un
couteau indien avec une lame incurvée, très robuste, utilisé pour égorger et
pour trancher les membres. Mais, faute d’avoir retrouvé son kukri,le 30 octobre 1888,
l’Eventreur a dû se contenter d’un Toronto
pour tuer Mary Kelly « La peau et les chairs de l’abdomen ont
été ôtées de manière importante en trois endroits, la cuisse droite était dépecée
jusqu’à l’os, la partie inférieure du poumon droit était endommagée et
arrachée, le péricarde était ouvert au dessous et le cœur absent ainsi
que l’utérus et des morceaux de ses
parties génitales » (rapport d’autopsie de Mary Jane Kelly).
Une de ses lettres,
écrite de Glasgow témoigne de son amour pour ce kukri :
« Je crois que je vais abandonner mon joli couteau tranchant. Trop bon pour des putains. Suis
venu ici pour acheter un dirk (poignard) écossais. Ha !
Ha !ça leur chatouillera les ovaires », p. 193
Le sac noir servant à transporter de quoi
protéger ses vêtements et le paquet pour transporter ceux qui étaient ensanglantés.
Le 10 octobre
1888, 10 jours après les meurtres de
Elizabeth Stride et de Catharine Eddowes, le Daily Post a rapporté que la police
avait pris possession d’un sac noir oublié au Charing Cross Hotel avec « certains
documents, articles d’habillements, carnets de chèques, gravures à caractère
obscène ». Les documents suggèrent que le propriétaire du sac s’était
souvent rendu en Amérique. Les gravures obscènes rappellent celles que
Neill est si fier de montrer, dans
la ville, Québec à Mac Culloch et qui choquent ce dernier, comme les articles
d’habillement rappellent les perruques montrées au même voyageur par Neill. La police interrogea, dans le cadre de
l’enquête sur Jack l’Eventreur, le
propriétaire du sac qui fréquentait les
bas quartiers de l’East End de Londres et se disait résident à Liverpool. Scotland Yard a donc eu entre les mains notre meurtrier, qui, à ce
moment, a dû avoir chaud. De là son impression d’invulnérabilité et son
sentiment que tous les policiers sont
des imbéciles.
Le 30 octobre 1888, quelques heures avant le meurtre de Mary Ann Nichols, un laitier raconta à la police qu’un
homme avec un sac noir brillant (que Jack l’Eventreur avait récupéré entre les
mains de la police) lui avait demandé, -il était 23 heures, -l’autorisation de
se changer dans sa remise. Le laitier surprit l’inconnu en train de protéger
son pantalon avec « une cotte blanche comme celles que portent les
mécaniciens ». L’inconnu se saisit ensuite d’une veste blanche, qu’il
enfila rapidement par-dessus sa jaquette, et il dit : « Effroyable,
ce meurtre, hein ? [le meurtre d’Ann Chapman]». Il récupéra sa sacoche et se précipita dans la rue en
s’exclamant : « Je crois que j’ai un indice [les
pilules ?]».
Le lendemain du double assassinats d’Elizabeth Stride et de
Catherine Eddows, le lundi 1er octobre 1888, à 9 heures, M. Chinn,
propriétaire de Nelson Tavern à Kentish Town,
découvrit dans sa remise, enveloppé dans du papier journal, un
paquet analogue à celui que portait le
meurtrier d’Elizabeth Stride une demi-heure avant sa mort (on l’a vu avec ce
paquet) A l’intérieur du paquet, la
police trouva un pantalon sombre imbibé
de sang et des cheveux collés au sang coagulé sur le papier journal. Le meurtre
d’Elisabeth Stride est donc à attribuer à Jack l’Eventreur, même si celui de
Catherine Eddowe peut être imputé au juif polonais Kosminski.
Les déguisements
Neill aimait se déguiser : nous en avons la preuve dans
le témoignage de Mc Culloch avec qui Neill se lia d’amitié à Québec. Il
lui montra une cantine, en sortit une paire de faux favoris, longs et
touffus : « Je m’en sers pour
éviter d’être reconnu quand j’opère », lui dit-il. Il n’hésitait pas à
revêtir des uniformes militaires. Dans l’affaire du meurtre d’Annie Chapman,
Scotland Yard trouva un bout d’enveloppe taché de sang qui était frappé de
l’insigne d’un régiment du Sussex et
portait le cachet de la poste : « Londres, 20 août », ainsi
qu’un début de suscription : « M[aster
Thomas Neil Cream] », Master
étant le titre des chirurgiens. Celui qui lui écrivait était peut-être son ancien
complice dans le meurtre de Martha Tabram, ce caporal qui avait passé la nuit
avec Pearly Poll, l’amie de la victime. On ne put identifier aucun de ces deux militaires dont l’un était Neill,
revêtu d’un uniforme qui le rendait méconnaissable.
Les lettres de Jack l’Eventreur.
Le problème de la nombreuse correspondance avec la police (plus
de 200 lettres et cartes) signée Jack l’Eventreur
est que de nombreux plaisantions ont profité
des publications dans la presse et se sont déchaînés, sans qu’il soit facile de
discerner l’authentique du faux. Voici
quelques lettres qui semblent authentiques (avec ces américanismes qui rappellent
les séjours de Neill aux USA). Voici la première, en date du 12 septembre 1888,
écrite à l’encre rouge :
« Cher boss,
Je n’arrête pas d’entendre dire que la police
m’a pris, mais elle ne m’arrêtera pas de sitôt, ça me fait bien rire qu’ils
aient l’air si malin et qu’ils racontent qu’ils sont sur ma piste. La farce de
Tablier -de- Cuir m’a fait rire aux larmes.
J’en ai après les putains et je n’arrêterai de les découdre que quand je serai bouclé. Superbe,
mon dernier boulot. Je n’ai pas laissé à
la dame le temps de couiner. Comment peuvent-ils me capturer maintenant ?
J’aime mon travail et je veux recommencer. Vous entendrez bientôt parler de moi
et de mes joyeux petits divertissements.
Après mon dernier
boulot, j’avais mis de côté dans une bouteille de ginger beer [soda] le vrai
liquide rouge pour écrire avec mais il est devenu épais comme de la colle et je
ne peux m’en servir. J’espère que l’encre rouge suffira. Ha ! Ha !
Le prochain boulot que
je ferai je couperai les oreilles de la dame et je les enverrai à la police
pour rigoler, n’est-ce pas ? Conservez cette lettre jusqu’à ce que j’aie
fait encore un peu de boulot et puis rendez-la publique aussitôt. Mon couteau
est si joli et si tranchant que je veux me remettre au travail tout de suite si
je trouve l’occasion. Bonne chance.
Sincèrement
vôtre.
JACK L’EVENTREUR.
Pas d’inconvénient à donner
ma marque de fabrique [mon pseudonyme de Jack l’Eventreur].Il faut que j’enlève
toute cette encre rouge de mes mains avant de mettre cette lettre à la poste.
Malédiction ! Pas
eu de chance encore. Maintenant ils disent que je suis un docteur. Ha ! Ha ! »
Voici d’autres exemples, comme une carte postale avec l’empreinte d’un pouce
sanglant (Scotland Yard n’utilisait pas encore les empreintes digitales) :
« Je ne vous
racontais pas de blagues, cher vieux Boss, quand je vous ai donné le tuyau.
Vous entendrez parler demain du travail de Saucy Jack (Jack le gandin). Cette fois,
coup double. Numéro Un a un peu couiné. Pas pu la finir d’un seul coup. N’ai
pas eu le temps de récupérer les oreilles pour la police. Merci d’avoir gardé
cette lettre en attente jusqu’à ce que je me remette au travail. Jack
l’Eventreur. »
« Cher M. Lusk [le Président du comité de
vigilance de Whitechapel], je vous envoie le rein que j’ai prélevé sur une
femme et que j’ai conservé pour vous ;
l’autre morceau, je l’ai fait frire et je l’ai mangé ; c’était très bon.
Je peux vous expédier le couteau ensanglanté qui l’a détaché si seulement vous
attendez un peu. Attrapez-moi si vous pouvez, M. Lusk.»
« Old boss [le
major Smith qui analysait aussi le rein], est-ce que vous avez vu le diable [le
Docteur Openshaw, chef du service de pathologie du London Hospital, chargé
d’analyser le rein] examinant avec son microscope et son scalpel un rein ?...
Dites donc, Boss, vous avez l’air d’avoir rudement peur. J’aimerais bien vous
donner une crise, mais je ne peux pas
attendre de laisser les flics faire
joujou avec ma boîte de jeux [le rein]. Mais j’espère vous voir quand je ne serai
pas trop pressé. Au revoir, Boss. »
La correspondance
apocryphe.
Un journaliste, une jeune ouvrière de 21 ans originaire de
Bradford nommée Maria Coroner et surtout le peintre Sickert en sont les principaux auteurs identifiés. Les
lettres de Walter Sickert sont parfois signées discrètement de l’abréviation de
son nom, St, enrichies de dessins faits
avec un mélange de diverses encres pour faire croire à du sang et écrites sur
du papier filigrané.
Nous faisons un sort
spécial au peintre Sickert parce que Patricia
Cornwell a voulu voir l’Etrangleur dans Jack
L’Eventreur, affaire classée, portait d’un tueur. Sickert avait loué un studio au 6 Mornington Crescent, et sa logeuse lui avait raconté qu’il avait été occupé par un jeune étudiant polonais
qui était Jack L’Eventreur (p.81). Un des
tableaux de Sickert, La chambre de Jack l’Eventreur,
reproduit cette chambre : Sickert était convaincu que Jack
l’Eventreur était bien cet étudiant polonais, mais il avait oublié son nom, Il s’agissait d’Aaron Kominsky,
juif polonais schizophrène qui fut interné à plusieurs reprises (aujourd’hui. Neill
ou Kominski avaient saisi l’occasion du meurtre qu’ils venaient de commettre,
celui de Catherine Eddowes, pour se faire l’écho de la rumeur incriminant un
juif en inscrivant sur le mur qui se trouvait près du cadavre de
Catherine Eddowes : « Les juifs sont
des hommes qui ne seront pas accusés
sans raison ». Est-ce un aveu de culpabilité émanant du juif
Kosminkiet répondant à la rumeur antisémite ? S’il faut en croire Russell Edwards (Naming Jack the ripper, 2014), le meurtre de Catherine Eddowes serait, en effet, l’œuvre du coiffeur juif polonais Aaron
Kosminski, qui a laissé son ADN sur un châle trouvé à côté du cadavre de
Catherine Eddowes. Cependant, on a fait remarquer que le procès-verbal ne mentionnait pas ce châle dans les effets
trouvés à côté de Catherine Eddowes et que,
lors d’une Conférence en 2007, le châle avait été manipulé par des
descendants de Kosminski et avait pu être contaminé, involontairement ou non,
par eux.
Les adresses de Jack
l’Eventreur à Liverpool et à Londres.
Liverepool était le port de débarquement et d’embarquement
des passagers en provenance du Canada (6 jours en vapeur par New York). Sir
Arthur Conan Doyle disait qu’il faudrait chercher le meurtrier du côté de l’Amérique,
à cause des américanismes dont ses lettres étaient émaillées et il avait
raison. Jack l’Eventreur nous livre une de ses adresses dans ce port de
Liverpool lorsque, le 29 septembre 1888,
il
nous donne le lieu des Minories, à côté de Mitre Square et la date à un
jour près de son prochain meurtre :
« De Liverpool,
Prince William Street . Attention :
je travaillerai le 1er septembre et le 2 aux Minories, à minuit. Je donne une
chance sérieuse aux autorités, mais il n’y a jamais de policier près des lieux
où je travaille. Jack l’Eventreur
« Que les
policiers sont idiots ! Je leur donne même le nom de la rue où j’habite [|à
Liverpool, Prince William Street]. »
Le major Smith
poursuivit l’Etrangleur(mais ce peut êtreKosminki) après son meurtre de Mitre
Square : quittant le théâtre de son crime, celui-ci avait coupé par
Houndsditch et Middlesex street pour rejoindre Goulston Street où il avait
abandonné un chiffon ensanglanté qui fut
identifié ensuite comme le tablier de Catherine Eddowes, lacéré à coups de
couteau. « Puis il (il s’agit
peut-être cette fois de O’Neill, le vrai éventreur) obliqua vers le
nord, se dirigeant vers Dorset Street où il se lava les mains à une fontaine
publique invisible depuis la rue et qui se trouvait dans un renfoncement de 5 à
6 mètres. Quand le major Smith arriva, il restait encore de l’eau rougie de
sang dans le bassin. » De là il continua sa route vers son hôtel londonien,
Charing
Cross Hotel.
A Deptford, il éveilla
les soupçons, tellement il se montra
avide d’avoir un numéro du Evening Standard. Le marchand déclara à
la police qu’il avait alertée : « (il m’a) arraché le journal
des mains, m’a lancé un penny et s’est précipité hors de la boutique. Sans
attendre d’être rentré chez lui, il lut avidement et fébrilement, à la lumière
d’une vitrine, le compte rendu du drame… » Mais quand la police arriva, le
particulier s’était « éclipsé ».
Free Encyclopédie
du Canada nous apprend que Neill était aussi un incendiaire (l’incendie des
docks près des quais) et un voleur.Ce tueur en série rapportait chez lui, en
guise de trophées (qu’il mangeait parfois) les organes qu’il découpait sur ses
victimes.
Une hypothèse absurde, celle de John Montague Druitt.
John Montague Druitt, au moment de son suicide dans la
Tamise, le 3 décembre 1888, était un jeune homme de 28 ans, ébranlé par la
folie de sa mère (elle sera internée quelque temps après le suicide de son
fils) et surtout dépressif. Après avoir exercé comme avocat , ce membre de la bourgeoisie était devenu l’un des trois maîtres résidents (maître
d’internat) dans une boîte à bachot de Blackheath pour riches élèves, avec 42 pensionnaires. Il encourut la haine et la
jalousie de ses collègues d’origine sociale inférieure et qui n’avaient pas son
niveau d’études. Ceux-ci, menés par le directeur, un dénommé George Valentine, ourdirent
contre lui un complot qui s’appuyait sur
l’attachement homosexuel, réel ou supposé, de l’ordre du fantasme ou des faits,
qu’il ressentait pour l’un de ses jeunes
élèves mineurs dont on ignore le nom (l’un des 42 internes) , Scotland
Yard n’ayant pas fait d’enquête. On peut supposer qu’un élève complice de M.
Valentine lui fit des offres et qu’il se compromit plus ou moins avec lui:
les comploteurs lui arrachèrent sa
démission et cherchèrent à le faire chanter en prétendant que la famille du
garçon voulait porter plainte devant les tribunaux contre lui pour détournement
de mineur, mais que, par l’intermédiaire de ce bon M. Valentine, le meneur du complot, elle accepterait
une transaction financière de 66 livres
dont 16 en or. Druitt recueillit l’argent (on trouva sur son cadavre un chèque de 50 livres et 16 livres en or). Mais écrasé par un sens du péché et par une
culpabilité pathologiques, en proie à une intense dépression nerveuse, l’infortuné
Druitt, alors qu’il avait pourtant réuni la somme exigée par le maître
-chanteur, préféra se suicider dans la Tamise avec sur lui l’argent exigé et une lettre à Valentine qu’on aimerait bien
connaître. J’imagine qu’il devait y protester de son innocence, renvoyer
Valentine à sa responsabilité criminelle et lui dire qu’au moins il n’aurait pas l’argent qu’il
convoitait Un suicide n’est pas un aveu de culpabilité
(de quoi d’ailleurs ? Certainement pas des meurtres sauvages de Jack
l’Eventreur).Il s’était suicidé, aurait-il dit, parce qu’il ne voulait pas
finir dément comme sa mère. Scotland Yard qui chercha à faire peser sur lui le soupçon
qu’il était Jack l’Eventreur en personne
( !), se montra très peu curieux, ne demandant ni à lire ni à publier la lettre adressée à M.
Valentine, ni à voir au nom de qui était
établi le chèque de 50 livres et n’inquiétant aucunement le dénommé Valentine. En tout cas, amitiés particulières ou non, l’innocent Druitt, qui était victime d’une cabale
d’enseignants jaloux, de sa propre naïveté, ainsi que de son côté névrotique, n’a
rien à voir avec Jack l’Eventreur, mais on n’hésita pas à le qualifier de « maniaque sexuel » ( !)
et on fut trop heureux, à Scotland Yard, de trouver en lui un bouc
émissaire. Les meurtres continuèrent d’ailleurs bien après la découverte du
cadavre du noyé le 31 décembre 1888. .
Certains ont voulu
voir dans le sadique que fut Jack l’Eventreur un génie indépendant qui a réussi
une réforme sociale et urbanistique, celle du East End londonien. Ce qu’il y a
de certain, c’est que , de son point de vue, Jack l’Eventreur a gagné en ce
sens qu’il a déjoué les enquêtes de Scotland Yard et qu’il a créé une énigme et
un mythe.
Paul Griscelli
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire