Le mystère
du modèle grec d’ Apulée élucidé
On a depuis longtemps soulevé à propos du livre
d’Apulée, Onze livres de métamorphoses,
le problème de son modèle grec. On avait
un texte attribué au Pseudo- Lucien; O
Onos, L’Ane, qui est un court roman qu’Apulée suit parfois à la lettre,
-aujourd’hui on parlerait de plagiat.
Tentons d’abord de congédier le problème du titre donné par Saint Augustin à l’œuvre d’Apulée, Asinus aureus, L’Ane d’or, alors que rien dans les deux
romans que nous venons de citer ne
justifie cette appellation. René Martin a suggéré un sens rare de roux pour
aureus. Lucius avait les yeux bleus et les cheveux blonds ou roux,
donc, peut-on supposer, l’âne a conservé
la couleur rousse. Or, en Egypte, Hérodote nous raconte que les Egyptiens
mettaient à mort toutes les personnes rousses. Isis, à la fin du roman (la Pléiade, p. 358), fait allusion à la couleur rousse de l’âne en ces
termes : « dépouille-toi, dit-elle à Lucius , de ce cuir bestial
qui te recouvre et qui me fait depuis longtemps horreur »,
commenté par Pierre Grimal de la façon sui vante : « Nous savons par
Plutarque que l’âne était un animal détesté par Isis, parce que, prétendait-on,
la couleur rousse de son poil rappelait Typhon, l’ennemi d’Isis. » Plutarque,
dans Du culte d’Isis et d’Osiris,,
363 B a écrit : » La ressemblance
avec Typhon dont, on l’a dit, souffre l’âne, les Egyptiens la fondent …sur la couleur de
son pelage. » A croire que tous les ânes anciens d’Egypte étaient roux et
non blancs comme de nos jours en Egypte
ou bruns comme aux alentours. La
variété Ragusano est la plus rousse
que j’ai trouvée sur le net. Celle de Malte a les pattes blanches, celle
d’Egypte est toute blanche. Méchant comme un âne roux ou rouge,
dit-on aujourd’hui encore.
Ne peut-on
supposer que quatre mille ans avant J. –C., à l’époque d’Osiris, certains survivants de l’Homme de
Néanderthal, dont on pense aujourd’hui qu’il avait les cheveux roux, survivaient
encore en Méditerranée et que ce sont eux, sous le nom de Seth (hébreu Satan) ou grec Typhô, de tuphos, apathie, torpeur, qui sont en cause ? Chez les Grecs c’est
Philoctète, dont le nom signifie curieux, qui
semble bien en être l’emblème. Cet archer, compagnon d’Héraklès, ne
parle guère : s’il connaît le secret de l’emplacement du bûcher d’Héraklès
et a reçu la demande solennelle de ne pas en dire le lieu, il viole sa promesse sans parler en frappant la terre du pied à l’endroit où
s’était dressé le bûcher. Philoctète, dit la légende, fut abandonné à Lemnos à
cause d’une blessure au pied qui dégageait une odeur insoutenable et le crime
des Lemniennes, qui tuèrent tous les hommes de l’île, même leurs maris, sauf Thoas, à cause de leur odeur, comparable à celle de
la blessure de Philoctète, serait la preuve de ce métissage en même temps que la transposition mythique
des conflits avec les néandertaliens qui auraient été roux. Les Egyptiens,
plutôt blonds à l’époque, ont-ils eu peur que leurs caractères récessifs ne s’étendent pour prendre une mesure si
cruelle ?En tout cas ils ont pris des mesures énergiques concernant
l’hybridation des ânes, puisqu’aujourd’hui ceux-ci sont blancs en Egypte.
Nous avons encore une mention énigmatique d’un
roman au titre quisemble identique chez le patriarche byzantin Photios, ayant vécu au
IX e siècle, auteur d’une Bibliothèque, où il nous a laissé un prétendu
« résumé », disonsplutît une
simple mention, d’un livre intitulé Métamorphoses
dont, semble-t-il, l’auteur serait
un Lukios
de Patras pour Patara, on le verra, et alors que Lukios ,
Lucius en latin, est non pas l’auteur , mais le
protagoniste du roman . Voilà qui
semble indiquer que ce bon patriarche
n’avait pas lu ce roman à la réputation d’érotisme et de magie.
Enfin le fait de prêter le court roman à Lucien vient
peut-être du nom du personnage principal, Lucius.
Mais voilà le
nouveau que mon blog prétend apporter et comment il dit
avoir élucidé le mystère des modèles de ces deux romans.
Grâce à un
affranchi grec peu connu, ayant vécu de
150 à 180 ap. J. C. , le mythographe Antoninus Liberalis et grâce à ses Congeries Transformationum
(Recueil de métamorphoses), nous
connaissons l’histoire (chapitres 20 et 90) de Lycios (en latin Lucius) de Patara en
Lycie (et non de Patras en Grèce). Il est le fils
de Clinis, un Babylonien. La Chimère vit à Patara où existe aussi un célèbre oracle d’Apollon, fondé par Icadios, fils d’Apollon et de la
nymphe Lycia et né à Patara. Lycios est
une épithète d’Apollon qui , dit-on, fait allusion à la Lycie ou aux loups,
mais à l’origine lug-ia, est apparenté au radical de daktulos, doigt, tentacule de calmar , savoir daktu-
donnant
duk , puis luk. Lycios désira
contre la volonté d’Apollon Lukogenès (né en Lycie ? plutôt que né d’un loup, mais ce peut
être né d’un calmar), sacrifier un
âne sur l’autel d’Apollon, comme c’était la coutume chez
les Hyperboréens où il avait souvent accompagné son père avec ses frères Ortygios (Délos , chère à Apollon et où il naquit ainsi que sa sœur Artémis, s’appelait
à l’origine Ortygios en l’honneur de la
déesse Artio , identifiée à Asrtarté, puis à Artémis ) , Harpasos et sa soeur Artémichè, (de Artio, Artémis).Les deux frères Lycios
et Harpasos, au lieu d’obéir au dieu comme leur père, vinrent à l’autel avec
l’âne. Mais Apollon rendit l’animal enragé .Il se jeta sur les deux frères
et les démembra comme un loup (lukos) ou comme la Chimère et lorsque les autres
membres de la famille accourent au vacarme, il leur réserve le même sort. Mais
Apollon, à l’instigation d’Artémis,
finit par avoir pitié et les métamorphosa tous en oiseaux . Clinis fut transformé en hypaietos :
le mot est un hapasx légoménon et
on l’a rattaché à aiétos pris au sens
d’aigle ; mais, selon moi, aietos
doit se prendre au sens de fronton d’un
temple et
l’oiseau ainsi appelé vit sous (hypo)
les frontons des temples, comme les corneilles, coronis en grec , étant
ajouté que Coronis ressemble à Clinis
et joue un rôle dans la légende. Coronis fut
aimée par Apollon et en conçut Asclépios, mais a lors qu’elle en était enceinte, elle épousa à l’insu d’Apollon,
Ischys . celui-ci fut prévenu par l’indiscrétion d’un blanc qui devint tout
noir pour le punir de son indiscrétion. Harpasos (de arpax ravisseur ) fut
métamorphosé en rapace , en faucon, dit-on (ierax
en grec). Ortygios fut transformé en caille (ortyx signifie caille en grec) ou en mésange, sa sœur Artémiché en colombe (mis en babylonien signifiant colombe, cf. les noms de Sémiramis et d’Artémis identifiée à Astarté qui avait la colombe pour attributs) et Lycios en corbeau blanc (transformé en corbeau noir à cause de son
indiscrétion). La logique voudrait qu’Apollon, par un juste retour des choses,
l’ait métamorphosé en âne.
Selon Antoninus, l’histoire avait inspiré deux poètes
héllénistiques, Boïeos ( Le second livre) et Simmias de
Rhodes ( Apollo).Dans
le roman grec conservé, nous avons (55) Lucius qui déclare : « Je suis un
auteur d'histoires et de récits en prose ; lui est un poète élégiaque et
un bon devin. Notre patrie est Patras, en Achaïe. » L’auteur de
récits en prose, c’est cet auteur inconnu que nous appelons Lucien. La confusion avec Patara en Lycie vient
peut-être de là, étant ajouté que l’auteur cite un sophiste de Patras, Decrios, dont
il apporte une lettre au début du roman.
I Pour nous,le premier roman qui relate ce mythe
s’intitule Les Métamorphoses de Lycios de
Patara : c’est peut-être l’œuvre de Boïeos, mais ce peut être celle de Simmias de Rhodes. Dans le
texte prêté à Lucien, la crise de l’âne est brièvement traitée. Voici le
texte : « 40. Quant à moi, prévoyant ce qui allait arriver, je songe
que le plus important est d'échapper au couteau. Rompant la corde qui me tenait
attaché, je bondis et cours dans la maison, où les débauchés dînaient avec le
maître des lieux. Aussitôt entré, je renverse tout, lampe et tables, à force de ruades. Je pensais
avoir trouvé là un moyen subtil de me sauver : le maître allait aussitôt
ordonner de m'enfermer, comme âne indomptable, et me mettre sous bonne garde.
Mais cette subtilité me fit courir un danger extrême. Me croyant enragé, ils
brandissent contre moi sabres et lances, et se mettent en devoir de me tuer.
Voyant la gravité du danger, je cours à l'endroit où mes maîtres devaient
dormir. À cette vue, ils ferment soigneusement les portes de l’extérieur. »
Dans notre texte d’Apulée, le passage livre IX,
chapitres1 et2 sqq, ,la
Pléiade , p. 301, l’âne se sauve
dans la salle à manger d’un prêtre de la
Déesse syrienne et où il brise la
vaisselle, les tables et les flambeaux , mais un
chien enragé s’attaque à des hommes et des bêtes et les habitants de la maisonnée croient que l
’âne est enragé lui aussi : c’est là le reste de ce premier roman, que le patriarche
byzantin Photios, devait avoir dans sa
bibliothèque, mais sans l’avoir lu. .
2 Le roman grec prêté à Lucien, L’Ane, (O Onos) suit ce premier roman et garde
la trace de la métamorphose en oiseau, notamment de Harpasos en faucon Voici (12) comment est évoquée la
transformation de la maîtresse de Palaestra : « et soudain des ailes lui poussent, le
nez devient de corne et crochu. Elle avait désormais tous les attributs et les
marques d'un oiseau, et n'était plus rien d'autre qu'un rapace nocturne. Quand
elle se vit pourvue d'ailes, elle émit un terrible ululement, comme les rapaces
en question, se leva et s'envola par la fenêtre ».De même, chez Apulée, la
Pléiade, p. 195, livre,chapitre 21, la
maîtresse de Photis se mue en hibou.
3 Nos Métamorphoses
de Lucius
Apulée allongent le
texte grec précédent, où figure déjà, dans les chapitres 51 et 52, l’épisode
des frères mendiants tandis qu’il
figure dans les chapitres 40-48 et 46-53 aux livre IX et X d’Apulée. Les prêtres de la déesse syrienne, logés dans le temple d’Isis
(Apulée ne nous dit pas le nom de la déesse) y volent un canthare
d’or qui est, La Pléiade,p. 361, livre
.XI, 9, l’amphore portée par le sixième le prêtre d’Isis dans la cérémonie
d’initiation. Le vol de cet objet sacré d’Isis figue déjà dans le texte grec prêté à Lucien, mais Apulée le relie à l’histoire d’Isis. A
remarquer que chez Apulée on trouve
encore une curieuse mention de ce canthare
en or, p. 340, livre X, chapitre 16: l’âne a été acheté par deux frères
esclaves, l’un pâtissier, l’autre cuisinier, de situation aisée,à qui il dérobe
chaque jour de leurs victuailles. Ces derniers s’accusent mutuellement du vol,
ne pouvant soupçonner l’âne, mais leur surveillance finit par démasquer le
coupable. Leurs rires amènent leur maître qui passait par là et s’appelait Thiasus (ce nom, différent de Ménéclès, nom que porte le
maître dans l’Ane du pseudo- Lucien, indique le
cortège d’un initié aux mystères de la déesse syrienne, selon moi) à désirer faire boire du vin à l’âne :
« Rince soigneusement le canthare d’or que voici, remplis-le de vin
miellé dans la bonne proportion et offre-le à mon parasite », dit le
maître à un esclave. Que contenait auparavant le canthare qu’il faille le rincer soigneusement ? Pourquoi un
canthare en or ? Ceci est une
précision d’Apulée, car l’auteur grec de
L’Ane dit seulement (47) que le
maître fait boire du vin à l’âne.
Ainsi, jusqu’à
la fin du IIe siècle après J.-C , il y a eu au moins quatre livres sur le même
thème de la métamorphose d’un dénommé Lucius en âne. Coïncidence :
Apulée porte le même praenomen , Lucius, que le héros du roman. On ne
connaît d’ailleurs de lui que deux nomen,
alors que les Romains en portaient trois ; dans L’Ane, le manuscrit a une lacune (volontaire ?) au moment où
le héros déclare : « je suis
Lucius ». On sépare de notre Apulée un Lucius (praenomen) Caecilius (gentilice) Minutianus (agnomen , premier surnom cognomen
héréditaire , signifiant tout petit de
taille) Apuleius (cognomen, second
surnom personnel ) qui est l’auteur d’un traité sur l’orthographe. Outre ses Florida, 23 morceaux choisis de ses
déclamations, Apulée est déjà l’auteur
de trois ouvrages sur le monde infernal, sur Platon, sur le dieu de Socrate, et de divers ouvrages sur
la magie et sur la médecine dont on lui dénie la paternité : Hermès Trismegiste
ou Esculape, d’une Apologia ou sur la
magie, sur les plantes médicinales, et
surtout pour nous d’un ouvrage de philologie, au sujet de l’interprétation (Herménéïa) , qu’on lui dénie. Il est
tentant de lui rendre la paternité de tous ces ouvrages, et d’attribuer ces
deux ouvrages de grammaire à un seul auteur, le nôtre. Ceci nous fournit peut-être
le nomen gentilicium qui nous manque : Caecilius ?
Les « inadvertances » d’Apulée : l’indice d’un modèle
autre que celui consulté par le pseudo-Lucien ?
P. Grimal la Pléiade, p. 207, livre IV, chap. 11 et
12, parle d’inadvertance lorsque le héros se trouve à Thèbes , loin de
la mer par conséquent, et que les brigands ensevelissent deux de Alcimus
(Alcinoos) leurs compagnons,leur chef
Lamachos et Alcimus (Alcimos) dans la mer : cela doit , en réalité,
être la trace du roman primitif, Les
métamorphoses de Lucius de Patara, qui est près de la mer .De même, p.
301, livre IX, chap.1, Lucius est enfermé en lieu sûr et en
2, les portes sont cette fois verrouillées et fermées sur lui à nouveau. Ce pourrait être le signe que certains épisodes dont on a pensé qu’ils
les avait pris au roman prêté à Lucien existaient déjà dans le roman précédent qu’il avait consulté, non seulement celui sur
la rage, mais aussi d’autres , comme
celui de la caverne des brigands et de Thélyphron
.
Toutes les religions orientales apparaissent
dans l’œuvre d’Apulée : celle de la Déesse
syrienne, le christianisme, enfin la religion d’Isis dont Apulée est l’adepte.
Les prêtres de la déesse syrienne dans le roman
Ce sont des mènagurtai, agurtai signifiant mendiants et Mènè
, féminin de Men, étant cette déesse dont le nom ne se prononce pas.
Plutarque, dans Sulla, n’avait pas
prononcé le nom de cette déesse de Coma na
en Cappadoce , autorisée par Sulla, et
qu’on identifie, précise-t-il, soit à la Lune, soit à Enyo, soit à
Athéna (voir mon blog sur la Déesse syrienne). Apulée n’en fait pars un tableau
idyllique, pas plus qu’il ne le fera de la Chrétienne. Ces prêtres sont
présentés comme des voleurs et sacrilèges, qui n’hésitent pas à voler un canthare d’or
sacré dans le temple d’Isis.
La religion d’Isis
Le Grec Plutarque de Chéronée, qui était initié à la
religion d’Isis, a
écrit un traité du culte d’Isis et
d’Osiris. Or, Apulée, autre initié à cette religion, livre I, chapitre 2, le cite en ces termes dès le début du
roman ( livre I, chapitre 2) : « J’allais en Thessalie, - car
c’est de là que notre famille maternelle se flatte de tirer son origine, à partir du célèbre Plutarque et
de son neveu le philosophe Sextus. » Sextus de
Chéronée est effectivement un neveu de Plutarque de Chéronée, un philosophe du IIe siècle, qui fut le
maître de Marc Aurèle. Pierre Grimal, de l’Académie française, commente
(La Pléiade, p. 1437) : « Ce détail ne semble pas pouvoir
s’appliquer à Apulée lui-même, Africain de Madaure [en Algérie, aujourd’hui
M’daourouch]. Peut-être vient-il du texte de Lucius de Patras (sic !), - à moins que cela ne soit une plaisanterie
pure et simple, la parenté avec Plutarque étant donnée comme un titre de gloire
et servant de garant à un conte fantastique. »
C’est en tant qu’initié lui-même à la religion d’Isis qu ’Apulée invoque
une parenté avec Plutarque, car Plutarque (et peut-être aussi son neveu le
philosophe Sextus de Chéronée ) était aussi initié à Isis et il est l’auteur d’un traité sur
le culte d’Isis et d’Osiris. Apulée
avait lu l’œuvre de Plutarque. Tout le XIe livre est d’ailleurs consacré à
l’initiation à la religion d’Isis et à l’intronisation de Lucius comme prêtre
d’Isis.
Apulée a semé dans son roman divers indices qui
ramènent à Isis. Ainsi, trouve-t-on une curieuse mention de ce canthare en or, p. 340, livre X,
chapitre 16: l’âne a été acheté par deux frères esclaves, l’un pâtissier,
l’autre cuisinier, de situation aisée,à qui il dérobe chaque jour de leurs
victuailles. Ces derniers s’accusent mutuellement du vol, ne pouvant soupçonner
l’âne, mais leur surveillance finit par démasquer le coupable. Leurs rires
amènent leur maître qui passait par là et s’appelait Thiasus (ce nom, différent de Ménéclès, nom que porte le maître dans l’Ane du pseudo- Lucien, indique le
cortège d’un initié aux mystères de la déesse syrienne, selon moi) à désirer faire boire du vin à l’âne :
« Rince soigneusement le canthare d’or que voici, remplis-le de vin
miellé dans la bonne proportion et offre-le à mon parasite », dit le
maître à un esclave. Que contenait auparavant le canthare qu’il faille le rincer soigneusement ? Pourquoi un canthare
en or ? Ceci est une précision d’Apulée, car l’auteur grec de L’Ane dit seulement (47) que le maître
fait boire du vin à l’âne.
-Les religions à mystères de Lucius.
De plus, p 191, livre III, chap. 15, dans la Pléiade, Photis
parle à Lucius du fait qu’il été initié à un grand nombre de religions. Lesquelles ?
1Celle des Kabires est importante dans le Maghreb,
chez les Kabyles d’origine berbère comme peut-être Apulée qui en ont tiré leur nom : peut-être la belle histoire de Cupidon et de
Psychè vient- elle de cette religion : Cupidon est un
dieu qui, à l’origine, ressemble à
Pluton et à sa femme Perséphone, mais alors que celle-ci
quitte la terre pour les Enfers durant
les six mois de saison froide, le dieu quitte sa femme toutes les nuits. Le nom de Cupidon est à rapprocher de sèpédon, vipère àl a morsure
mortelle , venant lui-même de persephon,
pessinon et nous le retrouvons dans le nom d’Erôs, parent du latin Eruk-, venant (avec dissimilation de labio-vélaires) de l’un
des trois idiomes siciliens, perukw-.
Mais avant de devenir un serpent, Le monstre était un calmar colossal ;
ses tentacules ont survécu dans son nom,
(kê ) ruk, qu’on retrouve dans Lyk-ios , dans luk, nom des sabres
indonésiens ondulants , luk, ou dans
le sceptre chinois fait de deux tentacules enlacées, ru, dans le nom du caducée,
kèrukeïon, sanskrit Kâruh. De plus,
Erôs apparaît subtilement , la Pléiade, p. 291, livre VIII, chap. 18-21, comme
un dragon affreux , dévorant le berger
au cœur tendre, qui s’était laissé tromper par l’apparence que ce dragon avait prise d’un vieillard appelant à l’aide
(ils avaient été mis en garde par un chevrier , -avatar du dragon,- qui les
avait prévenus. L’oracle d’Apollon avait aussi parlé de monstre serpentin.
Le nom de Psychè, papillon, à rapprocher du nom du mari de Didon Sichée et de Sainte –Marie -Siché
en Corse, pourrait venir d’une labio-vélaire à explosion sifflante phs et de phsich-.
L’évolution sémantique du radical est : fraîcheur, puis éventail (de
liège), papillon, enfin comme en Corse, à cause des stries de l’éventail, un mégalithe,
polissoir à l’origine.
Frazer interprète les nombreuses
légendes répandues dans le monde entier où l’homme détruit quelque chose qui appartient à l’épouse (queue de serpent ,
chez Mélusine, par exemple, voir F. Nodot sur les Lusignan du Poitou) , ou
l’inverse, comme le symbole de la révolution entraînée par le mariage de la société exogamique et de la
rupture que ce mariage entraîne. Il s’agit alors, soit de
sociétés patriarcales où la femme entre dans la famille de son mari et doit abandonner tout ce qui la relie à sa
famille d’origine, comme Mélusine à queue de serpent avec le tabou consistant
dans l’interdiction de la voir le samedi
si elle veut pénétrer dans la famille de Lusignan, soit de sociétés matriarcales où le mari est
entraîné dans la famille de la femme comme, de façon plus subtile, avec Eros, qui congédie son apparence secrète afin de
pouvoir épouser Psychè (il y a un mariage en bonne et due forme à la fin de
l’épisode). Le mythe d’Orphée, lié à des mystères féminins où Eurydice ne meurt pas, réalise l’inverse :
Eurydice doit abandonner son apparence secrète pour pouvoir suivre Orphée.
2 Autres religions aux mystères
desquelles Apulée aurait pu être initié : celle de Sabazios (proche de celle de Dionysos pour les femmes) et de Zalmoxis (de dia, divin, et de ogmis, cf ogmios, nom de l’Hercule gaulois,
proche de celle d’Eleusis de el ogsis, réservée aux
femmes et de celle d’Attis (où la formule d’exorcisme est Attès gès ; Attis avec
2 t est une forme attique) et de Cybèle.
p. 179, livre II chapitre 28, le jeune prêtre d’Isis Zatcchlas
l’Egyptien , vêtu de lin blanc, à la
tête entièrement rasée, avec des sandales en écorce de palmier,comparable à Kalasiris d’Héliodore, et les
invocations rituelles de ce prêtre initié à Isis, citant les elementa (astres célestes, divinités de
l’Enfer, Nature, temple de Coptos ( situé en Egypte temple dédié à Min, ou Men,
assimilée à la Déesse syrienne ,avec selon Plutarque le tombeau d’Osiris avec
un des 13 morceaux, la tête qui flotte
d’abord pendant sept jours à Byblos, événement qui se reproduit tous les
ans ; à remarquer que selon le Bailly le mot Koptos, existerait dans l’œuvre de Lucien , et dans
celle de Plutarque sous la forme Koptô) crues du Nil, secrets de Memphis et sistres de
Pharos). Tacite, dans ses Annales (15,
44 quos vulgus appellabat chrestianos , ceux que le
peuple appelait les chrétiens) , et
Suétone ( 16,22 : « on frappa de supplice les chrétiens [chrestianos], une espèce d’hommes adonnés
à une superstition nouvelle et nuisible ») , nous ont laissé les deux premières apparitions du mot chrétien, mais
là où on attendrait christianos avec
un i long , les disciples de Jésus l’oint,
christos, du Seigneur , on a , sur
certains manuscrits anciens de
Tacite, chrestianos, avec un è.
Cette forme vient de l’adjectif chrèstos,
épithète d’Osiris, le bon, le juste. la secourable, la bienfaisante.
Les Coptes ou premiers chrétiens d’Egypte
tirent leur nom du sanctuaire d’Isis à Koptos en Egypte, où, selon Plutarque,
se trouvait un tombeau d’Osiris, avec
l’un des treize morceaux du cadavre, savoir la tête, même si ensuite le
démotique ou copte dut son nom à l’altération du mot Aeguptos. Tout ceci
démontre la confusion qu’il y avait entre les disciples d’Isis et les futurs Chrétiens
La chrétienne d’Apulée.
Le modèle grec d’Apulée , déjà, avait traité de l’épisode d’un boulanger , mais sans avoir parlé de sa femme « chrétienne »,
alors qu’Apulée au livre IX, p. 309, chap. 14,
nous présente la femme du boulanger , absente du modèle grec, comme une chrétienne : « méprisant et
foulant aux pieds les puissances divines, au lieu d’une religion déterminée,
elle faisait profession mensongère et sacrilège de servir un dieu qu’elle prétendait unique, et, sous prétexte de
pratiques, d’ailleurs fictives, elle
trompait tout le monde. » Pourquoi Apulée ne l’a –t-il pas nommée chrétienne ? Parce que le mot chrestiana, dérivé du grec chrestos, secourable, bienveillant (on l’a vu avec Suétone et
Tacite) , désignait encore les partisans d’Isis, sur la terre d’Afrique et
d’Egypte où l’on parlait grec plus que latin au
témoignage même d’Apulée.
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