L’opposition à Louis XIV,
ou Voltaire avait- il raison à propos de
l'Homme au Masque de Fer?
C'est Voltaire qui a
créé le mythe du Masque de Fer en 1751 dans Le Siècle de Louis XIV et, comme
la question avait piqué sa curiosité, il continua à s'interroger toute sa vie à
ce sujet : dans le Dictionnaire philosophique, à l'article Anecdotes,
en 1764, il discute diverses hypothèses
sur son identité, enfin dans ses Questions
sur l'Encyclopédie, 2e édition (1771), il révèle qu'il s'agissait, non d'un
jumeau, mais d'un frère aîné de Louis XIV
qui était le fils de la reine
Anne d'Autriche (espagnole malgré son nom), l’épouse de Louis XIII, et du
duc George Villiers de Buckingham , fils légitime en quelque sorte (is est pater quem nuptiae denuntiant)
né en 1626 , ce qui expliquait à la
fois sa ressemblance criante avec Louis XIV et le danger d'une contestation de
la légitimité de ce dernier en vertu du droit d'aînesse et en vertu du fait
qu'il était né dans les liens du mariage, -surtout si l'on pouvait de surcroît
accuser Louis XIV de ne pas être le fils de Louis XIII, mais de quelqu'un de
beaucoup plus basse extraction que le duc de Buckingham. L ‘assassinat de
Buckingham par Felton devrait beaucoup à Louis XIV, a fait observer Dufet de
l’Yonne, entendons qu’il a été inspiré par lui.
De qui Voltaire, sous
le sceau du secret, tenait-il ses informations? De Madame de Saint-Quentin, la maîtresse
du marquis de Barbezieux, fils de Louvois, qui avait succédé à son père comme
Ministre de la Guerre, l'un des derniers à connaître le secret puisqu'il gérait
le sort du prisonnier. En 1782, le
marquis de Luchet, dans le Journal des Gens du monde (tome IV, n°23,
page 282 et suiv.) “fit honneur à Buckingham de la paternité en litige. Il cita
en témoignage une demoiselle de Saint-Quentin, ancienne maîtresse du ministre
Barbezieux, morte à Chartres vers le milieu du dix-huitième siècle : selon
elle, Louis XIV avait condamné son frère aîné à une détention perpétuelle, et la parfaite ressemblance des deux
frères avait nécessité l’intervention d’un masque pour le prisonnier” .
Selon le bibliophile
Jacob, la première œuvre, anonyme, en
1745, à parler du prisonnier, les Mémoires de Perse, serait de Voltaire
qui s’était engagé auprès de son informatrice à ne jamais parler du Masque et qui s’est ainsi donné un prétexte pour pouvoir ensuite en parler sous sa
signature, la chose étant dès lors révélée.
Soulignons qu'aujourd'hui encore ce texte de Voltaire
est censuré, par exemple dans les Oeuvres historiques de Voltaire publiées
par René Pomeau dans la Pléiade, p. 1714, on lit le mensonge par
omission :"Voltaire a noté dans ses Notebooks (p. 124) que le
mystérieux prisonnier était "soupçonné d'être un frère aîné de Louis
XIV", sans la mention de Buckingham, son père.
En 1790, Charpentier,
président d'une commission révolutionnaire des- tinée à inventorier les
archives reprend la même tradition dans La Bastille Dévoilée avant que
la piste politiquement correcte de Mattioli ne devienne la vérité officielle.
La Reine a-t-elle eu
des rapports féconds avec cet homme qu'elle aimait?Le cardinal de Retz nous répond dans ses Mémoires : Madame
de Chevreuse avait confié à son ami le Cardinal à propos de la reine "que le seul homme qu'elle avait aimé
avec passion avait été le duc de Buckingham; qu'elle lui avait donné
rendez-vous, une nuit, dans le petit jardin du Louvre ; que Mme de Chevreuse,
qui était seule avec elle, s'étant un peu éloignée, elle entendit du bruit
comme de deux personnes qui se blutaient [le texte porte se lutter par
méconnaissance du vieux mot bluter, remuer le tamis, donner la
saccade, qu'on trouve chez Rabelais au
sens de faire l'amour]; que s'étant rapprochée de la Reine, elle la trouva fort
émue, et M. de Buckingham à genoux devant elle; que la Reine, qui s'était
contentée, ce soir, de lui dire, en remontant dans son appartement, que tous
les hommes étaient brutaux et insolents, lui avait commandé, le lendemain au
matin, de demander à M. de Buckingham s’il était bien assuré qu'elle ne fût pas
en danger d'être grosse ".Mais
Buckingham n’était pas homme à prendre de telles précautions. A côté de ces indiscrétions rapportées par le Cardinal,
mettons les paroles du Régent qui déclara que c'était un fils d'Anne
d'Autriche.
Mais quels sont les
textes que Voltaire a pu connaître?
D'abord, celui de
René, Auguste, Constantin de Renneville dans L'inquisition française,
ou l'histoire de la Bastille, par Mr. C. de R., Amsterdam-Leyde, 1724, 4
vol., avec un Supplément à l'histoire de l'inquisition française, 438 p.
Il fut prisonnier à la Bastille de 1702 à 1713, et y occupait une pièce juste sous celle du Masque
de fer avec qui il tenta de communiquer en frappant au plafond : il apprit de
lui qu'il était un "abbé italien", mais celui-ci refusa de lui dire son nom (p. 122, édition
1715, références données par Monsignor A. S. Barnes, The man of the mask, 1908).Selon nous, il s'agit bien
du pseudo -abbé Pregiani, avatar napolitain de Jacques Stuart de La Cloche du
Bourg de Jersais : donc du Masque de
fer.
La Princesse palatine, belle- sœur de Louis XIV, nous parle
de lui dès 1711 en disant qu'il
communiait masqué, qu'il était très dévot et lisait continuellement, et elle
ajoute plus tard n'avoir rien pu apprendre à son sujet, sinon qu'il s'agissait
d’ « un milord anglais qui avait été mêlé à l'affaire du duc
de Berwick contre le roi Guillaume. ".
Le milord anglais
fait allusion aussi à l’abbé Pregiani. . Quant au duc de Berwick, c’était un
fils naturel de Jacques II vivant à l'époque où la Palatine écrivit ces mots. Ce peut être une allusion au fait que l’abbé
Pregiani se soit présent é comme un fils naturel de Jacques II également. Mais
cette princesse trop curieuse a pu
confondre Berwick et Warwick. Pour savoir quelles analogies existaient entre le
Masque de fer et Warwick , interrogeons un ouvrage de Esprit Joseph Chaudon
(1776), Les imposteurs démasqués et les usurpateurs punis ou histoire de
plusieurs aventuriers qui, ayant pris la qualité d'Empereur, de Roi, de prince
... ont fini leur vie dans l'obscurité. Il s'inspire pour l'Angleterre du
Père Pierre Joseph d'Orléans et de son
Histoire des révolutions d'Angleterre, 1689.
Il s'agit du faux Edouard Plantagenet, duc de Warwick (p.314 et suivantes), en réalité
Lambert Sinnel, que son tuteur, le prêtre Richard Simondi, dressa à imiter parfaitement
le maintien du vrai duc qu'il n'avait pourtant jamais vu.
Sans entrer dans le détail de la révolution qu'il suscita
pour prendre le trône vers 1486,disons que son mentor et lui-même furent
finalement vaincus et que le roi vainqueur , Henri VII (et non Guillaume III), "ne
voulut point leur ôter la vie pour les faire servir plus longtemps d'exemple;
le prêtre fut confiné dans une prison
inconnue, où il passa le reste de ses jours , et le jeune homme dans une
cuisine du palais, où, par un jeu bizarre de la fortune, après avoir assez bien
fait un personnage pour lequel il n'était pas né, il s'acquitta de celui qui
était qui était conforme à sa naissance. On l'en tira quelque temps après pour
le faire fauconnier, et ce fut là que se terminèrent sa royauté et ses
honneurs. On dit qu'Henri se donna un jour le plaisir méchant de faire servir
des députés irlandais [qui avaient pris parti pour lui lors de ses complots],
dans un repas qu'il leur donnait, par ce roi imaginaire. Il punit peut- être
mieux par ce trait, dit le Père d'Orléans, la vanité de l'un et la crédulité
des autres, que par un châtiment éclatant".
On songe au Masque de
fer devenu le valet de Fouquet qui avait certainement connu le secret de son existence et dont Louis
XIV avait redouté qu'il ne prenne son parti. Comme le dit M. de Chamillart, l'homme Masqué (Voltaire,
Réponse à La Beaumelle) "connaissait tous les secrets de M.
Fouquet", entendons le secret de sa disgrâce s'il avait vraiment voulu
soutenir ses prétentions un jour. Rappelons son imprudente devise: Quo non ascendam? que Louis
XIV se fit traduire : Jusqu'où ne monterai-je pas? avec pour justification le
sens de son patronyme, fouquet signifiant écureuil. Fouquet savait tout,
avant même son incarcération , de l'existence de cet héritier de la couronne et
c'est peut-être l'une des causes, la
plus profonde en tout cas, de sa condamnation dont Louis XIV souhaitait qu'elle
soit la mort et qu'il aggrava par un
acte personnel. Les papiers dont le ministre déplorera auprès de son geôlier
Saint- Mars qu'il les ait laissé prendre à son fils après sa mort auraient pu
contenir des indications sur l'identité de notre prisonnier.
Autre indice donné à
regret par Louis XV à sa fille qui insistait, et qui écarte seulement une
fausse piste : son emprisonnement « n'a fait de tort qu'à lui- même »,
c'est- à- dire que ce n'est pas Mattioli , marié et père de famille, vivant avec
sa famille et la faisant vivre, au contraire de notre homme Masqué.
La question du valet
(servant en anglais) ou le pseudonyme de Matteo Battaglia au moment de
l'arrestation et la profession de valet (servant en anglais) de Portail,
secrétaire de Msgr Bellings.
"Comme ce n'est qu'un
valet..." a écrit Louvois à Saint- Mars
le 19 juillet 1669 à propos du Masque de fer. Cette phrase a fait couler
beaucoup d’encre, inspirant même une étude d'Andrew Lang, The Valet’s Tragedy,
où il avance l'ingénieuse hypothèse de Martin, le valet de Roux : mais
celui-ci semble bien être prudemment resté en Angleterre après le supplice du
protestant Roux de Marsilly, lequel connaissait l'identité du futur homme
masqué et entendait bien s'en servir dans sa conjuration internationale (Suède,
Suisse, Hollande, Angleterre, Espagne) pour déposer Louis XIV.
Une partie de la
réponse nous est donnée par Monsignor Arthur Stapylton Barnes dans son ouvrage The
Man of the Mask, a study of the by- ways of history, 1908, p.250, avec pour
références State Papers (Domestic) , 1668- 1669, p.312: le 6 mai 1669, un
passeport est émis directement par le roi d'Angleterre Jaques II, alors que les
passeports étaient normalement délivrés par le ministère des affaires
étrangères , au profit de Matteo Battaglia, , "the king's
servant", le valet du roi, afin de retourner en Italie pour trois ou
quatre mois et de revenir à Londres. En somme ,c'est sous ce nom d'emprunt ,
Battaglia, que s'embarque le faux abbé Pregnani (encore un pseudonyme), trahi
et dénoncé par le perfide Jacques II à
qui il se fiait, et c'est surtout avec
cette qualité de valet qu'il est arrêté à Dunkerque par le capitaine de Vauroy
sur ordre de Louis XIV du 28 juillet
1669.Or Battaglia existait bien, mais loin d'être le valet de qui que ce fût,
il était musicien ( peut -être faut-il voir là l'origine de la rumeur dont la
phrase de Voltaire est l'écho : "il jouait de la guitare") et maître
de chapelle de la reine à Saint James . Le vrai Battaglia n'alla pas en Italie
cette année- là.
D'autre part, il
existait dans l'entourage de Roux un autre valet que ce Martin, beaucoup
plus intéressant, quelqu'un qui avait
été valet en Angleterre (servant en anglais) et appelé Portal, puis Veiras
(Veiras est l’anagramme de Villiers de Marsilly, de Veirs.
Le pseudonyme donné au Masque après son arrestation par Louis
XIV: Eustache Dauger.
Lorsque, le 28 juillet 1669, Louis XIV dans une lettre
à Saint- Mars, évoque "le nommé"... (en blanc )" et que dans sa
réponse du 21 août à Louvois Saint-Mars parle du "nommé Eustache d'Auger",
il faut bien admettre que Eustache
Dauger , anagramme de George
Dautriche . George étant une
allusion au prénom de Buckingham ) était
le nom d'emprunt donné pour son prisonnier à Saint-Mars par Louis XIV , tandis que dans la lettre à Vauroy du 28
juillet Louis XIV indiquait le nom figurant sur le passeport qui lui avait été
communiqué par le roi d'Angleterre (qu'il rémunérait!), c'est -à- dire Matteo Battaglia, valet, comme lorsque précédemment, le 19 juillet
1669, Louvois avait parlé à Saint-Mars du "nommé ..."et évoqué sa
qualité de valet, celle qui était accolée au nom de Matteo Battaglia.
Nous avons une des lettres du véritable Eustache Dauger de Cavoye
à sa sœur, la marquise Henriettte de Fabrègues , alors qu’il était enfermé par
lettre de cachet royale à Saint-Lazare, lettre
où il se plaint d'être emprisonné depuis dix ans et de le devoir à la cupidité
de son frère puîné Louis Dauger marquis de Cavoye , grand ami de Louis XIV (M.
M. Mast, Le masque de fer, une
solution révolutionnaire, Tchou, 1974, p.229 ).
" Chère soeur, si vous saviez ce que je
souffre , je ne doute nullement que vous ne fissiez vos derniers efforts pour
me tirer de la cruelle persécution où je
suis détenu depuis plus de dix ans par
la tyrannie de M. de Cavoye, mon frère...
Je vous conjure, chère soeur, pour
l'amour de Jésus Christ, de ne pas
m'abandonner dans l'état où je suis, s'agissant de mon âme... Si vous me
refusez cette grâce, vous aurez à rendre
compte devant Dieu du salut de mon âme. »
Le choix du nom de Marchilly, après la naissance du futur Masque,
par les cardinaux qui protègent l’enfant.
Où naquit, en 1626, le
fils d’Anne d’Autriche, et quel
nom lui fut donné? Nous utiliserons l‘information de Voltaire selon laquelle
Richelieu s‘est occupé de faire élever l‘enfant et supposerons que l’enfant naquit
dans le fastueux château de Chilly
(le futur Chilly-Mazarin dans l‘Essonne), propriété alors du marquis d’Effiat
et de Cinq-Mars , château que Richelieu considérait comme sien selon Philippe
Erlanger (Le mignon du roi, p. 10) ; l’ état du nouveau-né donnant des
inquiétudes, il fut seulement ondoyé , dans l’attente de ce qu’il deviendrait, que ce
fût par décision politique ou naturellement.mais il faut rappeler que les
enfants naturels n’étaient pas baptisés et n’avaient droit à aucun sacrement… Tant
que sa mère Anne d’Autriche fut vivante, il fut protégé par ses soins; mais
lorsqu’elle mourut en 1668, il ne vécut pas libre longtemps et, moins d’un an
après, il fut enfermé.
Richelieu était l’amant, semble-t-il, de Madame de Cinq-Mars.
Le nom attribué à l’enfant fut d’abord celui de sa mère,
d’Autriche et le prénom celui de son père, Georges ; il s’appela donc George d’Autriche, à quoi on ajouta de
Mars-Chilly , Chilly étant le nom du lieu de sa naissance et Mars une
allusion à Madame de Saint- Mars, propriétaire du château .
Les différentes
graphies de Marchilly : un peu de linguistique.
Le nom de Marcilly, Marsilly ou Marcilhe se prononçait Marcille
(originellement avec l mouillé, puis avec le son y). Les noms de Marchiel (registre mortuaire
de Du Junca à la Bastille) et de Marchially que le roi aurait ordonné d'inscrire sur
l'acte de décès du Masque de fer
recouvrent certainement un Marchilly. Songeons à la conjuration
du protestant Roux de Marsilly l'année
même de l'arrestation du Masque : Marsilly était pour Roux un titre dit
de courtoisie qu'il ajouta imprudemment
à son patronyme Roux comme une menace de découverte de l'existence d'un
fils aîné d’Anne d’Autriche appelé Marsilly et de l’usurpation du roi, donc de
l'illégitimité du monarque de droit divin. Le marquis Louis Des Champs de
Marcilly interrogé au moment de l’arrestation de Roux indique que le nom du
protestant « était seulement Roux. »
Mazarin , qui protégea l’enfant à la mort de Richelieu , prononçait
à l’italienne , lorsqu’il informa Louis XIV de l’existence de ce frère, le nom de
Marchilly que Richelieu lui avait
choisi, savoir Marchilli avec le
son [ch] comme dans Mancini prononcé Manchine , avec d’autre part l
mouillé italien et non pas le y de la prononciation française, et
avec enfin une finale peu audible comme en corse où le i final
ne s’entend pas ; du coup le
nom, au décès, a été transmis sous une
forme incertaine :
1) de Marchiel pour de Marcilly traduisant une
prononciation italienne Martchel, la
graphie [chi] notant le tch italien et le l traduisant le l mouillé
à l’italienne (qui existait encore en français à l’époque, comme en. Le finale i ne s’entend guère. L’ensemble pourrait être noté Marceille ou
Marceilly.
Le latin Marcelliacu,
propriété de Marcel. donne en français Marcelli, forme
archaïque, puis Marcilly.
2) Marchialy figure dans un registre mortuaire aujourd’hui perdu et
reproduit par Topin en un fac-simile peu lisible, réimprimé ensuite par Funck-
Brentano dans ses Légendes de la Bastille , tandis que le registre du Junca et sa forme de Marchiel, eux, existent toujours. C’est une graphie pour Marchaly Le i après c est un sigle indiquant en italien la prononciation tch.
Quant au vocalisme a, il s’explique par l’influence du nom du château de Chilly ,
qui s’écrivait parfois de façon archaïque et surtout se prononçait Chailly encore au XVIIe siècle , du mot
prélatin calliacum, endroit pierreux. L’inscription mortuaire revêtirait
une prononciation de Marcilly comme Marchali avec [ tch] italien noté chi et l mouillé
Quelle que soit l’interprétation phonétique, il est certain
que la première graphie, Marchiel, recouvre un Marcilly prononcé Marchell(i)
et il est très probable que la seconde, Marchialy,
recouvre une graphie avec vocalisme a
influencé par Chilly- Mazzarin et finale notée,
L’enfance du futur
Masque : du château de Chilly au château de Cinq-Mars-la- Pile
George Dautriche a dû être transféré dans un autre château de
la famille Cinq- Mars. Peut-être est-il ce mystérieux frère aîné du futur marquis de
Cinq-Mars, le comploteur, dépouillé de ses prérogatives d’aînesse au profit de
son prétendu frère, au motif qu’il n’était pas très brillant et qu’il était
porté vers la religion, et devenir baron
de Cinq-Mars écrit correctement Saint-Mars.
Le titre de baron de San-Marzo, dont se vantera l’imposteur napolitain,
lequel a confié avoir eu en main ses papiers, titre qui a déjoué les recherches jusqu’à maintenant,
est selon moi un souvenir de Cinq-Mars,
nom de la commune de Cinq-Mars-la
Pile en Indre-et-Loire où l’on relève une double faute d’orthographe,
car le nom venant de saint Médard aurait dû s‘écrire Saint-Mard.
Le complot de
Cinq-Mars avait pour but de renverser Louis XIII, soit en l’empoisonnant (ce
qui a réussi après l‘échec du complot), soit d’une autre manière, puis d’instaurer
une Régence au profit d’Anne d’Autriche en attendant la majorité du futur Masque,
et de confier à Cinq-Mars les fonctions de premier ministre. L’existence d’un
hériter méconnu de la couronne est le grand secret de l’opposition sous Louis
XIII et sous Louis XIV, des complots de Cinq-Mars et de Roux en particulier.
Les protecteurs de
l’enfant le firent venir quelquefois de
Cinq- Mars-la- Pile à Chilly où il put
rencontrer sa mère.
La période des études à
Nîmes
Mais la politique
l’emporta et il fut confié à des amis protestants des Cinq-Mars, leur religion
devant écarter de lui toute tentation de disputer la royauté à son frère. Il fut alors envoyé à Effiat près de Riom où il
fut confié à des protestants, les Portal dont il prend le nom (il le reprendra
en Angleterre). Il ne faut pas oublier que le marquis d’Effiat
est originaire de cette bourgade
d’Effiat située en Auvergne et qu’il avait confié à l’architecte
Lemercier le soin de concevoir un projet de ville gigantesque que l’homme de
l’art réalisa en fait pour Richelieu près de Chinon, dans la ville appelée
Richelieu.
Il est ensuite confié à un gentilhomme d’Auvergne,
« vieux champion des précédentes guerres civiles » (P. de Vaissière, La
conjuration de Cinq-Mars, p.43, 47 ssq, 72), Josué d’Hondredieu de
Chavanhac et à son fils François, ainsi
qu’à ses deux beaux-frères François de Calvisson
et Agnès (prénom porté par un homme) de Calvisson de Saint-Auban.
Or, Calvisson, près de
Nîmes, est le lieu de naissance du chef
de la conjuration protestante Roux, comme des Arnauld (à la ferme d’impôts
desquels Roux participe) et des Mazel, tous protestants languedociens. Ce sont
eux qui trahiront Roux et le Masque : Louis XIV remerciera Pierre Mazel pour
son aide lors de l‘arrestation de Roux : « nous avons bien voulu lui commettre, écrit le roi, une affaire de la dernière importance et
qui regardait la sûreté de notre propre
personne ».
Le Masque est ainsi confié aux de Calvisson, et, protestant
dès lors, il vécut à Avignon, comté qui
ne dépendait pas de Louis XIV, avec des
séjours à Calvisson et à la ville voisine de Nîmes pour des études inachevées à la faculté de théologie : il lui
restera des marques importantes de cette formation.
Ses protecteurs furent
arrêtés, comme d’habitude, par une
violation du droit des gens, en terre
papale, à Avignon, comme Roux en Suisse.
Le fils de Chavanhac et ses deux beaux-frères Calvisson de
Saint- Auban rôdaient autour de Tarascon,
et ils étaient d’intelligence avec le beau-frère de de Thou, l’évêque de Toulon.
Après que Roux eut rencontré le futur Masque à Nîmes ou à Calvisson, il ajouta
de façon provocante Marcilly à son nom, tandis que notre Masque devient Veiras. Le nom de Veiras, pseudonyme qu’il reprendra
en Irlande et en Angleterre, est l’anagramme de Villiers (nom de son père
Villiers de Buckingham) de Marsilly.
Citons encore quelques
noms qui sont destinés à réapparaître dans la vie de notre héros lorsqu’il
prendra le nom de Jacques de Lacloche du Bourg de Jersays .
Penchons-nous d’abord sur
ce nom, pour nous ridicule, de Lacloche.
Il a été choisi comme traduction de Bellings, le nom de son
maître, qui est la traduction anglaise de l"irlandais cloca, le signal de
la messe catholique.
Dubourg est une allusion à Anne d’Autriche qui était une Habsbourg,
nom où Habs -, feint d’être pris pour la préposition latine abs
ou ab désignant la provenance, et est traduit par du.
Il faut reconnaître dans la baronnie de San Marzo le nom
du Masque, Marsilly, élevé avec le futur
marquis de Cinq-Mars, cher au coeur
du futur masque comme Henri de Rohan ; le marquis sera exécuté pour complot contre la vie du
roi , après avoir été le favori et
l’amant de la reine qui l’a abandonné pour sauver la vie de son fils adultérin
auprès de Richelieu..
Le nom de Jersays n’a
rien à voir avec l’île anglo-normande de Jersey ni même avec Jersey dans l’Eure, commune de Illiers
–l’Evêque, il
renvoie à un ami de
Cinq-Mars, le protestant Massu de Jerzays. M. de Jersays (avec cette orthographe) était l’amant en titre
de la fille de Sully, dame de Rohan. La fille de celle-ci, dite demoiselle
de Rohan avant qu’elle n’épouse un Chabot et ne fonde la famille des Rohan-
Chabot, fut la maîtresse du meilleur ami de Cinq-Mars, protestant au demeurant,
savoir Henri Massu, marquis de
Ruvigny . C’est ce nom de Ruvigny qui se cache sous la forme de ce
mystérieux marquisat de Juvigny, legs
imaginaire à ses héritiers du pseudo -Jacques de la Cloche de Jersays de
Rohan etc. On retrouve donc tous ces noms de
Jersay, Henri de Rohan (le chef des calvinistes français), Ruvigny, dans la vie de Jacques de La Cloche, et cela
confirme l’identité du catholique de La Cloche et du protestant Veiras.
Le futur Masque eut d’autres protecteurs à la mort de
Mazarin; les Fouquet, de
Chavanhac, Henri de Rohan, de Jerzays, Massu de Ruvigny , Gaston
d’Orléans, son demi-frère Buckingham
plus jeune que lui de deux ans, le grand-duc
de Toscane, le grand- prévôt de Franche Comté Borrey , Galaup de
Chasteuil, «le Très Grand auteur » de la société secrète des
alchimistes et empoisonneurs,
Vasconcelos, autre membre important de cette société, qui l’introduisit auprès de Richard Bellings
et du grand aumônier lord Stuart d’Aubigny grâce à la reine d’Angleterre
qui était née de Bragance. Aubigny –sur-Nere est situé dans le
Cher : en 1423, Charles VII avait donné Aubigny à un Ecossais, Jean
Stuart, son allié contre les Anglais. Il fréquenta surtout les régions indépendantes de
Louis XIV comme le Comtat Venaissin, le Languedoc, Nice, la Franche -Comté espagnole et francophone (le
Grand Prévôt Borrey), la Savoie, la Moselle actuelle, l’Irlande, les Flandres, la
Suisse, le Luxembourg, la Hollande à La
Haye (où il rencontre le chef des calvinistes Henri de Rohan), l’Irlande.
Iung et Duvivier ont cherché un lien entre
l’affaire des poisons et celle du masque de fer, mais c’est Funk
Brentano dans L e drame des Poisons qui va nous mettre sur la voie,
avec la société secrète européenne dite
de la Cabale des Philosophes ou des alchimistes
qui est le trait d’union.
D’abord, il s’agit pour eux
de faire de l’argent grâce à ce
que les alchimistes appellent l ‘orichalque, en fait de l’aluminium
argenté, et d ‘écouler leur
marchandise. Ils ont souvent des fonctions liées à l’argent comme le
banquier Cadelan ou comme Roux qui avait
pris une ferme d’impôts et dont la Gazette
d’Amsterdam écrit qu’il est accusé de faux- monnayage. Le banquier Cadelan
et des associés s’apprêtaient à prendre à ferme la Monnaie de Paris quand ils furent
arrêtés. Ils venaient de réussir un beau
coup qui démontre l’efficacité des formules secrètes de Chastel : un lingot
d’argent fondu par Vanens et porté par Bachimont à la Monnaie de Paris venait
d’y être reçu à onze deniers douze grains.
Sur le plan religieux
et social, cette société secrète exprime
une crise de conscience européenne devant la torture et les massacres du catholicisme il s’agit d ‘établir la
liberté de conscience, la tolérance (même pour l’homosexualité, de Christine de
Suède à Cinq-Mars et à son parent du même nom,
au chevalier de Lorraine ou à Vasconcelos).
Sur le plan politique,
il s’agit de tuer Louis XIV et de le remplacer par l’héritier légitime, savoir
notre héros, comme du temps de Cinq- Mars il s‘ était agi de tuer Louis
XIII et de le remplacer par son frère Gaston d‘Orléans. Le Portugal, l’Espagne,
la Suisse, la Hollande, le duc de Savoie leur sont plus ou moins acquis.
Pour tuer le roi, ils songent au poison donné par une proche,
comme la marquise de Montespan : le valet de Vanens , La Chaboissière, révèle à
Nicolas de La Reynie qu’en 1667 « Vanens s’était mêlé
de donner des conseils à la marquise de Montespan, qui fréquentait assidûment
la Voisins, fait qu‘il n‘a voulu être écrit dans son interrogatoire,
après en avoir entendu la lecture » .
Cette mise en cause est ce qui va gêner Louis XIV, le secret
d’Etat qui empoisonne son règne à travers la compromission de la mère de ses 7 enfants naturels légitimés. Il fera
brûler devant lui, après les avoir fait relire, tous les interrogatoires compromettant Madame
de Montespan qu’il avait fait réunir dans une cassette mais , grâce aux notes
de La Reynie, nous savons aujourd’hui
une partie de cette vérité qu’il a voulu cacher .
Quelques membres de cette société secrète.
Ce sont, en Angleterre, Buckingham, l’aumônier de la reine
lord d’Aubigny dont les conjurés chercheront en vain à faire un cardinal , en Irlande Bellings et d’Orreri,
la reine Christine de Suède, en France
le pasteur Roux , le chevalier de Lorraine,
Louis Vanens, Robert de Bachimont, qui avait épousé une cousine de Fouquet,
etc. Au Portugal, ce sont Louis de Vasconcelos y Sousa, Comte de Castelmayor
qui était le favori d’Alphonse VI et commanda pendant quelque six ans à sa
place : c’est lui qui intervenait en Angleterre grâce à la catholique Catherine
de Bragance, sœur d’Alphonse et femme de
Jacques II, que nous voyons s’entremettre auprès du cardinal Orsini en faveur
de la mission de Bellings, qui était l’employeur du Masque sous le pseudonyme de Portal. Il intervint auprès du duc de
Savoie jusqu’à la mort de celui-ci, le
12 juin 1675. Il passe ensuite en Angleterre où il gagne la faveur de Jacques II,
alchimiste et astrologue passionné comme lui. Il assista à la mort du monarque
anglais, et ce fut lui qui, accomplissant en partie le plan du Masque (convertir
l’Angleterre au catholicisme et à la liberté de conscience) sous le nom de l’abbé
Pregiani, amena le prêtre catholique qui lui administra l’extrême- onction.
Le caractère de George
de Marchilly.
Le futur masque
reçoit une bonne éducation en français et en latin (divers textes rédigés par
lui dans cette dernière langue le
prouvent) mais il ignore l'anglais et l'italien. Il ne semble pas doué pour les
exercices physiques tels que l’équitation. Il a le mal de mer. Il s'intéresse
surtout à la religion et à la chimie bien qu‘il ne soit pas un théologien averti
selon Msgr Barnes. Il est ambitieux et souffre de sa situation sociale. Il
déteste son demi--frère Louis XIV. . Son père anglais et anglican a été
assassiné, sa mère catholique a été forcée de l’abandonner et de le laisser dans
l’absence d’identité publique. Il a reçu une éducation calviniste qui lui a
imprimé une marque profonde de fatalisme et de croyance à la prédestination. Il
a pratiqué surtout les Evangiles en français, et cite, par exemple, l’Evangile selon
Matthieu, 18, 19 et 20: «Nous croyons fermement que c’est Dieu qui nous a
inspiré toutes les voies susdites pour nous faire venir secrètement notre très
honoré fils, pour ce qu’Il a dit en Sa parole que si deux d’entre vous
s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera
accordée par mon Père qui est aux cieux. Car là où deux ou trois sont assemblés
en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (fin de la lettre du 7 septembre
1668). C’est la croyance dans l’efficace de la prière et l’on est tout près du
jansénisme : son ami le grand- aumônier d’Aubigny était suspecté à bon droit de
jansénisme.
Il se résignera à son échec à cause de ce fatalisme. Sa haine du père,
malgré le bon accueil que lui réserva son demi- frère le duc de Buckingham,
englobe aussi l’Angleterre et le protestantisme. Elle se manifeste dans le désir d’aider à la conversion au catholicisme
secrètement désirée par Jacques II.
Il a rêvé d'être roi
de France, voire roi ’Angleterre , un
roi tolérant et accordant la liberté de conscience à tous les sujets, aux
protestants de son ami Roux en particulier : dans une lettre prêtée par lui à Jacques
II le 4 août 1668 et parlant de lui, il écrit:"étant jeune comme vous êtes, si
la liberté de conscience et si la religion catholique rentre en ce royaume (d’Angleterre), vous
pourriez avoir quelque espérance pour la couronne:car nous pouvons vous
assurer que si Dieu permet que nous et notre très honoré frère le duc d'Yorck
mourions sans enfants, les royaumes (de France et d’Angleterre) vous appartiennent et le
parlement (d’Angleterre) ne peut pas légitimement s'y opposer". A défaut,
il se contenterait bien volontiers du chapeau de cardinal : « nous
espérons que (le Pape) aura trop de bonne volonté envers nous pour lui refuser le chapeau de cardinal;
d’autant que les conditions qui le pourraient empêcher d’avoir cette dignité, pour l’honneur de nos personnes et de nos
royaumes, ne se rencontrent pas en lui, savoir, de demeurer en Angleterre,
puisque nous pourrons l’envoyer demeurer à Rome, comme nous prétendons avec la
magnificence royale due à sa naissance » (lettre du 7 septembre 1668).
Le plan du pseudo- Jacques de La Cloche
Les premiers
pseudonymes du Masque que nous
rencontrons : Henri Cromwell, le duc
Henri de Rohan, Borrey.
Les pseudonymes Henri Cromwell ( nom du fils puîné du fondateur de la république anglaise
et du responsable de la décapitation du roi) porté en Irlande , personnage qui disparaît
mystérieusement après 1659 ou plutôt auquel succède , toujours en Irlande, celui de Portal: la
rumeur rapportée par son futur geôlier Saint- Mars parle , à propos du Masque
de fer, d’un fils de Cromwell , l’aîné , Richard) et Henri de Rohan annoncent
la couleur car ce dernier ,”à nous très
connu et intime”, écrit Jacques de
Lacloche en signant du roi d’Angleterre, était le chef des calvinistes. Curieux choix de pseudo pour un nouveau
converti au catholicisme! En effet, en 1659, le marquis de Bonnesson,
protestant, avait en Normandie réveillé le feu allumé par les Va-nu-pieds, feu
que Henri de Rohan entretiendra. . Au moment
même de l’arrestation du Masque de fer, en 1669, éclate , toujours en
Normandie, le complot d’un marquis
protestant de Courboyer, amant de
Madame de Gudane, mère de Madame d’Aulnoy, l’auteur de Contes de fées. Le marquis mourut courageusement après avoir été torturé,
sans renier sa foi et en envoyant au diable les prêtres catholiques qu’on lui
avait imposés sur l’échafaud. Madame d’Aulnoy fut arrêtée , mais tandis que
deux interventions écrites du roi réclamaient la plus grande sévérité pour Courboyer
et son complice, Madame d’Aulnoy était vite libérée et tous les procès-verbaux
étaient remplacés par des feuillets blancs.
Le pseudonyme de Borrey, grand- prévôt de la Franche-
Comté espagnole, ami de Roux et l’accompagnant en Suisse, est mal relevé et transcrit par erreur Bovere (un Bover a été le transcripteur,
semble-t-il, de là l’erreur) dans l ‘état- civil du comparse
de Jacques de Lacloche, celui qui lui a volé des papiers.
Portal, puis surtout Veiras, alias le Masque, à Londres avec la
conjuration de Roux de Marcilly.
Dans une note annexée
à une lettre de Croissy, ambassadeur du roi de France, en date du 15 juin 1669,
une semaine avant l’arrestation du Masque, Croissy écrit qu'à l'annonce qui lui est faite de la
capture de Roux, Veiras (le futur Masque) répond: " que cela ne pouvait
être et qu'il en venait de recevoir une lettre qu'on croit être du 1er mai, par
laquelle il mandait qu'il était suivi, mais qu'il leur taillerait encore bien
de la besogne... » L’ambassadeur continue : « On est averti
qu'il y a depuis six ou sept mois à Londres un nommé Veiras qui est de Languedoc, et de la R. P. R. (Religion Prétendue
Réformée, calvinistes), lequel a de grandes habitudes avec le nommé Roux de
Marsilly, en sorte que l'un ne faisait rien sans la participation de l'autre et
étaient enfermés les nuits entières chiffrant conjointement ; ce Veiras se dit
envoyé de ceux de la RPR de France, il est protégé par le comte d'Orreri qui a l 'habitude de l'employer en Irlande, à cause
de la proposition que ledit Veiras lui a faite d'amener quantité de Français
audit pays .Il fréquente souvent chez le duc de Buckingham et milord Arlington et allait aussi chez
l'ambassadeur d'Espagne."
L'ambassadeur du roi
de France à Londres écrit encore:
"m'étant enquis de ce Veiras dont je vous ai écrit, j'ai su de plusieurs
endroits qu'il était le camarade (de Roux de) Marsilly, aussi méchant que lui,
employé dans les mêmes affaires, dont il a une entière connaissance et les
continue encore. Il est du même pays, était autrefois servant (valet, secrétaire, de Bellings en Irlande ) sous le nom de Portal
, depuis s'étant intrigué dans des cabales et ayant parlé contre le
roi d'Angleterre et le gouvernement, il fut condamné à un bannissement
perpétuel , nonobstant lequel il est revenu sous le nom de Veiras, s'est
associé avec Roux, a reçu des lettres de ce scélérat pendant qu'il était en
Suisse, a un chiffre avec lui, et depuis sa détention (celle de Roux)
continue ces mêmes pratiques; il a vu souvent l'ambassadeur d'Espagne et on
croit qu'il en a aussi tiré de l'argent.
« Le même homme
qui m'a donné cet avis, que je dois vous
dire , Monsieur, avoir été ami dudit Veiras, avoir gardé ses papiers et ne
s'être brouillé que sur des dettes et prétentions (d'être le roi
légitime de France), m ' a dit que le voulant faire arrêter, et ayant su que le
comte d'Orrery le protégeait auprès du
duc de Buckingham, il avait voulu en parler au duc, mais que l'un de ses
domestiques, qui est de ses amis, lui avait dit de n'en rien faire, que Veiras
était fort bien avec ledit duc [son demi- frère] , et que lorsqu'il ordonne à
ses gens de dire à ceux qui le viennent voir qu'il n'y est pas, il en exceptait
toujours celui- là avec lequel il était quelquefois des heures enfermé
(précaution pour éviter que sa ressemblance avec le roi de France et avec le
duc ne puisse être remarquée); ce donneur d'avis s'est même offert de faire arrêter ce Veiras
sous le prétexte de son premier bannissement et dit qu'il a un témoin qui est
le secrétaire d'un évêque qui lui soutiendra ce qu'il a dit , encore depuis peu
, de la personne du roi d'Angleterre et
de son gouvernement". De Lionne lui répond : "le roi ne veut pas non
plus que vous fassiez aucune instance au roi d’Angleterre, de quelque nature
qu'elle soit, sur le sujet de Veiras; abandonnant
cet homme à sa mauvaise conduite dont Dieu pourra fournir quelque jour les
moyens de ne pas la laisser impunie".Bel exemple de feinte clémence chez
un roi qui ne nous y a guère habitués.
Jacques de Lacloche,
lorsqu’il prendra ce pseudonyme, donnera une version édulcorée de son
bannissement par le roi en forgeant la lettre cens
prêtée à Jacques II du
8 août 1668 où il évoque l’interception de ses courriers et ses conséquences
: « nous fûmes obligés […] de consentir, aux occasions, à plusieurs
choses tournant au désavantage de
plusieurs catholiques de notre royaume d’Hybernie (l’Irlande) », savoir
son bannissement.
Dans un autre
rapport, on lit :"Le papier ci- joint
qui contient un projet de requête des religionnaires (protestants) de
France au Roy de la Grande-Bretagne a
été pris audit Veiras, et est écrit, à ce qu'on assure, de sa main, que
Marsilly reconnaîtra". Il serait intéressant de pouvoir comparer
l'écriture et les idées avec celles des textes de Jacques Stuart de Lacloche. Le Ministre de Lionne écrivit aussi à son
ambassadeur : "Roux ayant fait savoir au roi qu'il désirait la grâce de lui pouvoir parler pour lui révéler des
choses qu'il ne pouvait confier qu'à sa seule personne, Sa Majesté n'a
pas voulu le voir et m'a envoyé à la Bastille" à deux reprises ;
voulait-il lui révéler l'identité et les prétentions du demi- frère du roi, le
trahissant et révélant au roi de France qu‘il avait pris l‘identité
de Veiras? Le roi d’Angleterre n’avait- il plus, dès lors, qu’à indiquer à Louis XIV la date de son
départ et sa fausse identité de Matteo Battaglia, valet du roi? Que signifient
d'autre part les paroles « effroyables » qu'il prononce contre le roi
sur la roue et comment Louis XIV peut- il dire : "M. le lieutenant
criminel, nous voilà débarrassés d'un bien méchant homme" ?
Penchons-nous sur l'identité de l'indic de l'ambassadeur.
nous pensons qu'il s'agissait d'un protestant parlant français que le masque connaissait du Languedoc, qu'il
avait fait venir en Irlande chez d'Orrery et qui , comme lui , désira se
convertir chez les Jésuites de Rome pour quelque argent..
De qui ce Portal fut-il le servant, le valet,
disons plutôt le secrétaire particulier,
l'homme de confiance? Du noble Irlandais
Richard Bellings (né à Dublin 1600?
-1677), catholique, secrétaire de la Confédération irlandaise en 1642, secrétaire particulier de la reine- mère
Henriette-Marie à Somerset House (de qui
Bellings tint son secrétaire Portal) et
messager secret de Jacques II, envoyé fin 1962 par le roi d'Angleterre à
Rome avec Portal, pour négocier l'accession au cardinalat de lord
d'Aubigny ainsi que la conversion secrète, en prime en quelque sorte, du roi au
catholicisme, si le chapeau de cardinal était accordé à son parent. C'est à
Richard Bellings, pour qui il éprouva une grande admiration, que le Masque dut sa conversion au catholicisme. Quelles
furent les deux causes de la condamnation de Portal au bannissement perpétuel?
Première cause du bannissement du futur Masque : des vues trop hardies sur
la liberté de conscience .
Notre secrétaire
rédige des lettres au pape et il les signe du nom de Jacques II : surtout, il
va trop loin dans ce qu'il fait écrire au chef de l'Eglise anglicane, même en latin.
"(Le roi) déclare qu’il déteste le déplorable schisme et
l'enseignement hérétique introduit par Luther, Zwingli, Calvin, Menon [fondateur
des Menonites aux Pays-Bas], Socinius, Brown [Robert Brown , fondateur du
Congrégationnisme], et autres maudites créatures de cette sorte, car il sait
d'amère expérience, et mieux que personne dans ses trois royaumes de
Grande-Bretagne, d'Ecosse et d'Irlande, quels puissants démons ont été
introduits par la soi-disant Réformation, qui mériterait d'être appelée la
Déformation. Car cela a jeté bas tout gouvernement établi et a introduit une
confusion digne de la tour de Babel à la fois dans l'Eglise et dans
l'Etat". « Remarquable déclaration de foi", constate sereinement
le catholique Msgr. Barnes, p.155, 1908, à comparer avec les déclarations signées
de Jacques de La Cloche (lettre du 7
septembre 1668) : « la religion protestante, à laquelle nous faisons
semblant d‘être attaché plus que jamais, quoique devant dieu qui connaît les
cœurs nous l‘abhorrions comme très fausse et pernicieuse… » Suivent 24
notes très hardies, annonciatrices de la constitution civile du clergé sous la
Révolution française, en faveur d'une Réunion concordataire de la papauté et de
l'Angleterre, Barnes, P. 155-156, et Laloy, Enigmes du grand siècle, 1913,
p, 17 : "Les archevêques et évêques en fonction qui donneraient leur
adhésion à ce concordat devraient être confirmés par trois légats apostoliques
nommés pour cela uniquement. L'archevêque de Cantorbéry deviendrait le patriarche des trois royaumes
et le chef de l'administration ecclésiastique, sauf dans certaines matières
réservées à un légat ad hoc, qui devrait être de nationalité anglaise et
résider en Angleterre. Le reste du gouvernement de l'Eglise serait dirigé par
des synodes diocésains annuels et par un concile national se réunissant à des
dates fixes. Le roi nommerait les évêques et les biens de l'Eglise confisqués
seraient maintenus à leurs possesseurs actuels. Les prêtres mariés
conserveraient leur femme, mais ceux qui seraient ordonnés par la suite
observeraient le célibat. La messe serait célébrée en latin, mais accompagnée
de cantiques en anglais, et l'Eucharistie serait donnée sous les deux espèces à
ceux qui le souhaiteraient. La liberté de conscience serait accordée à tous, ni
Charles ni ses successeurs ne pourraient être obligés de traiter cruellement
les Protestants Quelques congrégations seraient autorisées, même les jésuites
dans l’enseignement, ainsi que d'autres pour les soins hospitaliers.".
Seconde cause du bannissement
: les menaces contre
le Pape
Bellings et le Masque ont rendu visite au cardinal de Retz à
Paris sur la route de Rome. Notre Masque,
sous le pseudonyme de Retz, va à Hambourg,
d’ où il menace le Pape d'expédier une
flotte de vingt navires devant Civita- Vecchia
s'il n'obtempère pas à la demande de cardinalat pour lord d’Aubigny.
Après sa condamnation
au bannissement, Portal change de pseudonyme et devient le protestant Veiras , anagramme de Villiers (de Buckingham) de Marcilly, et
entre dans la conjuration de Roux pour prendre le pouvoir en France. Il joue un
jeu difficile : en 1669, il est à la fois le catholique faux abbé Pregiani
auprès du roi et le protestant Veiras auprès de Roux, probablement républicain.
Avant l’épisode
anglais : la conversion à Rome au catholicisme : le novice jésuite
répondant au pseudonyme de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de Jersay.
Le futur masque n’a jamais connu sa date de naissance ni celle
de son ondoiement : il n’avait pas de certificat de baptême et ne pouvait aucunement prouver son
identité. Il lui en fallait un s’il voulait devenir novice. Qu’à cela ne
tienne ! Il rédige en latin un faux
certificat qu’il signe de l’ex-reine
Christine de Suède, convertie au catholicisme et vivant à Hambourg :
« Jacques Stuart,
incognito sous le nom de De la Cloche du Bourg, naquit dans l’île de Jersey et
il est le fils naturel de Jacques II, roi d’Angleterre. Sa Majesté britannique nous
a reconnu en privé qu’il était bien tel. Il fut élevé dans la secte calviniste,
mais il l’a aujourd’hui quittée pour se joindre à la Sainte Eglise Romaine à Hambourg le 29 juillet 1667. Nous avons
trouvé bon de confirmer et d’attester ceci de notre main, même si cela n’est
pas dans nos habitudes, afin que dans sa situation extraordinaire il puisse
être capable d’ouvrir son cœur à son directeur en confession et de chercher
conseil pour le salut de son âme.
(Cachet) Christina Alexandra »
Il se garde bien de nous indiquer ses parrain et marraine. Il
choisit aussi le nom sous lequel il
prétend s’être fait baptiser, Jacques de
Lacloche du Bourg de Jerzais, en souvenir de l‘ami protestant de Cinq-Mars . Pourtant,
rappelons-le, notre Jacques de Lacloche de Jersay n’a aucune ascendance dans
l’île anglo-normande de Jersey , il le reconnaît lui- même dans la lettre
prêtée à Jacques II du 7 septembre 1668 : « Votre Révérendissime Paternité
fera courir le bruit qu’il (Jacques de Lacloche) est allé à Jersé ou Hanton (le
port de Southampton) voir sa mère prétendue qui se veut faire
catholique, comme nous avons mis et dissimulé (cherché à faire croire) dans
cette autre lettre »[lettre du 3 août et surtout du 29 août 1668: « nous
lui avons ordonné d‘aller à Jersé et à Hanton (le port de Southampton) , …qu‘il
feigne à Votre Révérence qu‘il est fils
d‘un riche prédicant, lequel étant mort depuis quelque temps , sa mère
mue de quelque envie de se faire catholique et de lui donner le bien qui lui
appartient, lui a écrit et qu‘ainsi Votre Révérendissime paternité, désireuse
du salut de cette personne et de la faire catholique, voyant aussi qu’il peut
avoir son bien, lui permettra facilement d’aller (en Angleterre) ».] A
noter le lapsus calami freudien
révélateur: au lieu de la reine régnante (il s’agit de la femme du roi
d‘Angleterre, lettre du 3 août 1668), le futur masque écrit la reine régente.
Il récidive dans sa lettre du 29 août, tant l’idée lui tient à cœur.
L’imposteur et traître mort
à Naples.
Il nous faut
maintenant réfuter la thèse généralement adoptée aujourd'hui qui fait mourir Jacques de La Cloche à Naples le 7
septembre 1669 .Il s’agit manifestement , non de Jacques de la Cloche, mais de
l’ acolyte jésuite du Masque : nous ignorons son identité, même si nous
pouvons songer à un protestant nîmois du type d’un Mazel ou plus probablement d’un
Arnauld, que le masque connaissait du Languedoc, qu'il
avait fait venir en Irlande chez d'Orrery et qui , comme lui , désira se
convertir chez les Jésuites pour quelque argent. Sans argent, il quittera
Naples pour quémander de l’argent à
Londres auprès de son ami Jacques de La Cloche, mais, celui-ci étant désargenté,
il se retournera vers l’ambassadeur de France au moment de la conjuration de
Roux et n’hésitera pas à le trahir pour de l’argent. Tel est l’indic qui le
perdra.
Le départ de Rome pour
l’Angleterre ou exit Jacques de La Cloche et l’apparition de l’abbé Prégiani.
Ainsi, notre ancien membre de la Religion Prétendue Réformée,
Portal, puis Veiras, s’était converti au catholicisme et il était même devenu
novice à Rome chez les jésuites, sous le
nom de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de Jersay. Il forge diverses lettres
qu'il signe de Jacques II, roi d'Angleterre
,dont des actes de reconnaissance du roi Jacques II comme étant son fils
naturel, puis se fait rappeler à Londres par une fausse lettre de celui-ci au
général des jésuites .Une autre lettre du roi ( en réalité de notre Jacques), d'une
naïveté touchante , témoigne de l'ennui que cause au roi pour son fils bien- aimé cette obligation
faite aux jésuites de voyager accompagné par un acolyte , règle dont le
roi demande , en vain, l'exemption au
général des jésuites . Le roi (entendons Jacques de Lacloche) interdit à son
prétendu fils de le rejoindre en Angleterre avec un jésuite italien : même
si c’est un Français, celui-ci ne devra pas l’accompagner en Angleterre. C’est
ce que le général des jésuites acceptera
en partie en donnant au futur
faux abbé Prégiani un acolyte
francophone, l’imposteur mort à Naples
Au lieu de se rendre à Libourne pour gagner Paris et Londres, ils prennent
tous deux la direction inverse et arrivent à Naples, patrie du vrai abbé
Prigiani (un agent du grand-duc de
Toscane et affidé de la société secrète des alchimistes). A Naples résidait un abbé de San Aniello , des chanoines réguliers de Saint-Sauveur , et Jacques de La Cloche se fait confesser
par lui : "Jacques poursuivit avec une grande fréquence et ferveur
ses exercices de religion... Il ne donna sur lui - même à ce confesseur que des
renseignements équivoques et obscurs, disant que son père était un grand
seigneur anglais (le duc de Buckingham, protestant) et que sa mère, également de grande maison,
professait la vraie foi de
l’Eglise romaine
(l'espagnole et catholique Anne d’Autriche), il avait lui- même abjuré
l'hérésie et s'était converti, éclairé par d'excellents religieux (Bellings)."
Tandis qu'il se livre
à ses exercices religieux, son acolyte tombe amoureux de la logeuse d'une
l'auberge et, la mariée attendant un héritier, il doit se marier d'urgence le 10 février 1669,
sous le nom ronflant de dom Jacobus
Henricus de Boveri (Borrei, le prévôt de Franche-Comté) Roano (Henri de Rohan), anglicani ( calvinistes) et baron
de San Marzo . Dans son testament,
sur son lit se mort, il fait des dons fastueux, engageant un marquisat
imaginaire de Juvignis, valant 300 000 doublons et plus : selon nous, c’est
l’altération du nom du marquis de Ruvigny, le protestant qui
était l’ami de Cinq-Mars et l’amant de Mademoiselle de Rohan.
Avant la célébration
du mariage, Jacques
de Lacloche , sous le nom de
Jacques Stuart, le quitte en lui laissant une partie des doublons remis par le
général des jésuites, trop heureux de se retrouver libre et seul. On remarque que son acolyte en parle comme
d’un chevalier appartenant à l’Ordre de Malte. Or, le «Très Grand
Auteur » de la société secrète des alchimistes, François Galaup de Chasteuil, se faisait
appeler” le chevalier” et, en 1644, il était devenu chevalier de l'ordre
de Malte, car il avait rendu à l'ordre des services signalés : le grand-
maître en personne , Lascaris, avait attaché sur sa poitrine la croix
d'honneur. Jacques de Lacloche se rend à
Paris en passant justement par le château italien appartenant à Galaup de Chasteuil,
le château de Verceil, où il reçoit argent, mission et le pseudonyme d’abbé Pregiani.
Il rend aussi, probablement, visite au grand-duc
de Toscane qui lui confirme sa mission
et rend visite à Henriette d’Angleterre,
puis arrive à Londres où il rencontre Jacques II.
Le plan du pseudo- Jacques de La Cloche
Que prétendait faire
le frère aîné de Louis XIV en soutenant le complot de Roux de Marcilly d’une part et d’autre part en jouant
le convertisseur au catholicisme de Jacques II,
lui l’ancien calviniste? Pourquoi
ce plan, fou en apparence, l’amenant à
se dire le fils naturel de Jacques II, ce qu’il savait être faux?
Il voulait , d’une
part, en ramenant le royaume d’Angleterre dans le sein de l’Eglise , faire ce
que réussit à sa place Dom John Hudletone qui donna l’extrême onction
catholique à Jacques II, le convertissant
in extremis le 5 février 1685.
Mais, pour cela, il fallait que le futur Masque puisse approcher le roi sans
donner de soupçon à la cour que « le papisme et les sabots », voire
les jésuites , rôdaient : tel est le but du stratagème du faux abbé
soi-disant théatin (donc non- jésuite) Prégiani approchant le roi sous
couleur d’astrologie et d’expériences de chimie et celui de l’invention d’un fils naturel du roi.
Ignorant des
difficultés que la papauté lui opposerait nécessairement puisqu’on ne peut être
catholique en secret ni ordonné prêtre sans attester de son identité, naïf en
somme, il écrit sous la signature de son père supposé Jacques II (lettre du 3
avril 1668) :
« il y a longtemps que nous prions Dieu de nous faire
naître l’occasion de pouvoir trouver une seule personne dans nos royaumes de
qui nous pussions nous fier touchant l’affaire de notre salut sans donner
ombrage à notre cour que nous fussions catholique. La providence de Dieu a pourvu et secondé nos désirs,
nous faisant naître ( !) à la religion catholique un fils auquel seul nous
pouvons nous fier dans une affaire si délicate. Il sera toujours assez capable
pour nous administrer en secret les sacrements de la confession et de la
communion (la conversion au catholicisme) que nous désirons recevoir au plus
tôt. »
Le faux Jacques II continue : « Si notre cher et bien
aimé fils n’est prêtre , et s’il ne peut pas l’être sans faire savoir
publiquement son véritable nom et sa naissance (autres que Jacques de La Cloche
, né dans l’île de Jersey), ou pour autres circonstances (ce que nous disons
pour ne savoir pas votre manière d’agir en ces rencontres), en ce cas, qu’il ne se fasse plutôt point
prêtre à Rome que de rien dire aux évêques ou prêtres qui il est , mais qu’il passe par Paris… Le roi et Henriette
d’Angleterre trouveront et auront le pouvoir de le faire prêtre, sans que l’on
sache qui il est et avec tout le secret possible, comme nous nous persuadons. Si
ce n’est que, sans tant de détours, il aime mieux venir à nous sans être
prêtre, ce qui sera peut- être le mieux, puisque nous pourrons faire la même
chose par le moyen de la reine notre honorée mère ou de la reine régente
qui pourront avoir à leur volonté évêques, missionnaires ou autres, pour faire
la fonction, sans que l’on sache et s’aperçoive de quoi que ce soit. »
Sur le même point (lettre du 29 août 1668) : « S’il y a
quelque chose que l’évêque ordinaire (de Londres) ne puisse pas faire sans
permission de Sa Sainteté, que (Jacques
de La Cloche) ne manque pas de pourvoir
très secrètement (à son ordination), en telle sorte qu’on ne vienne point à
savoir qui il est ; ce qu’il fera, s’il
peut, auparavant que de partir de Rome. » Le 4 août, il semble se
résigner volontiers à ne pas devenir prêtre, prétextant que ses forces et sa
constitution étant trop faibles Et puis « On peut être bon catholique sans
être religieux.»Bref, il y avait trop de difficultés pour être ordonné (au
moins l’obstacle de l’identité), si bien que l’invention d’un abbé alchimiste
et astrologue se révèle indispensable. Exit Jacques de La Cloche!
Le faux abbé Prégiani
Nous employons l'orthographe Prégiani, distinction très relative,mais commode ,
pour différencier le
faux abbé du vrai dont nous
orthographions le patronyme Prigiani,
abbé napolitain qui a survécu à l'arrestation du Masque, - ce qui a amené à
tort Barnes et Laloy à revoir leur copie lorsqu'ils ont été persuadés que
l'abbé Pregiani et le Masque de fer ne pouvaient être le même homme. C'est ce
faux abbé Pregiani qui, sous le nom de Matteo Battaglia, valet (servant) du roi, sera arrêté
par le major de Vauroy aux alentours de Dunkerque deux jours après le départ
signalé de notre abbé pour l'Italie en
passant par Paris.
Le signe qu'il s'agit
bien de notre homme nous est donné par Jacques II dans une lettre chiffrée en anglais , du 20 janvier 1669, à sa
soeur Madame Henriette d’Angleterre, duchesse
d'Orléans , échange de correspondance Louis XIV détruira cet échange de correspondance après la date du 24
juin 1669, nous privant de ce qui concerne le secret du Masque de fer :
"j'en étais arrivé ici de ma lettre, quand je reçus la vôtre par
l'Italien dont vous ne connaissez pas le nom ni la qualité( !), et il me
la remit dans un passage où il faisait si noir que je ne reconnaîtrais pas sa
figure si je le voyais de nouveau (ceci se passe au palais de Whitehall!) Cet
homme réussira sans doute (ironie) puisque sa recommandation (il n’en aucune
puisque Henriette ne connaît, écrit-elle, ni son nom ni sa qualité) et sa
réception (dans le noir) s’harmonisent si bien. » Le roi est aussi prudent
que sa soeur : ils ne veulent pas avoir
aperçu la ressemblance criante entre le messager italien et Louis XIV.
Le même tabou d’évitement
se retrouve dans le comportement de Louis XIV vis- vis du faux abbé, tel que son ministre de Lionne en fait part à son ambassadeur à Londres
le 13 février 1669 :"Sa Majesté
défend (à l'abbé) de rien écrire
ici, tant qu'il sera en Angleterre, non pas même à moi, Sa Majesté ne voulant
rien connaître que par votre seul canal, comme il est juste; et que par
conséquent, quelque chose qu'on lui pût dire dont on lui demandât le secret à
votre égard, il doit vous le dire tout; et que s'il manquait à cela, et qu'il
le fît passer ici sans votre participation, Sa Majesté, quelque avantageuse que
lui pût être la chose, lui enverrait aussitôt ordre de s'en revenir".
Les trois missions secrètes
de l'abbé sont fort embrouillées :
1)La seule dont l'ambassadeur ait connaissance consiste dans
la négociation du traité secret de
Douvres par lequel la France, catholique,
s'unit à la protestante Angleterre contre la protestante Hollande, avec
en plus un salaire versé secrètement au
roi d'Angleterre. Sont au courant seulement le roi de France, l'ambassadeur à
Londres, le ministre de Lionne , le roi d'Angleterre et sa soeur Henriette ,
puis, rapidement, par les indiscrétions de l'ambassadeur,
l'abbé et son demi-frère le ministre protestant Buckingham.
2) Mais ce n'est là que l'aspect le plus clair de sa
mission : pour doubler l'ambassadeur dont c'est pourtant la fonction, le roi de
France consent à envoyer, sur la demande
de Jacques II un abbé en apparence
astrologue et chimiste sous le prétexte de la première mission, mais en réalité
destiné à enseigner secrètement à Jacques
II les éléments du catholicisme pour le préparer à sa conversion . Seuls Jacques II, sa soeur Henriette et l'abbé
sont au courant de son désir secret de se convertir : c’est ce que Charles
appelle le "grand secret" dont Msgr Barnes raconte très bien
les détails. On trouvera , après la mort de Jacques II, dans sa poche, avec des reliques liées également à quelqu'un qu'il a trahi, des papiers de controverse religieuse
rédigés par l'abbé en français (Barnes, op.
cit, . p.262), le texte français se trouvant dans les archives du Vatican, et
une autre version existant, traduite en
anglais, -tout ceci montrant que l'abbé
(précédemment le séminariste jésuite Jacques de La Cloche) s'est bien acquitté
de la mission voulue par Jacques II, mission dont Louis XIV se souciait comme d'une guigne,et qu'il ne lui avait
aucunement confiée, puisqu'il ignorait le désir de Jacques II de passer au
catholicisme secrètement et préfèrera trahir l'abbé plutôt que celui qui le
stipendie, le roi de France, lui indiquant la date où l'abbé quitte
l'Angleterre et sous quelle identité (celle du valet Battaglia).
3) Mais la mission la plus secrète et la plus invraisemblable,c’est
celle que Louis IV confia avec
hésitation au faux abbé Pregiani,
peut-être sur l’imprudente demande de ce
dernier auprès de la seule intermédiaire que le roi acceptait,
Henriette d’Angleterre :elle consistait à donner au roi de France des informations sur l'homme qui se faisait
passer pour l'héritier légitime de la couronne de France, Veiras, l’homme qui était le fer de lance et
l'arme secrète de la conjuration de Roux de Marsilly, -cet homme qui n'était autre que lui-même !
Pourtant, Louis XIV,
méfiant, n’acceptait, ni de rencontrer l’abbé, ni de
recevoir de missive de sa part. Lorsque plus tard le roi voudra s'enquérir auprès
de Fouquet si Eustache Dauger,
c’est-à-dire l’abbé Prigiani , avait révélé "ce à quoi il avait été employé (par le roi
Louis XIV-le passif impersonnel est révélateur!) avant son arrestation"
devant l'autre valet de Fouquet, Larivière, ce n'est que de la 3e mission
qu"il s'agit, celle qui révèle l'inquiétude du roi sur l’identité du prétendant. Et ceci démontre bien que Fouquet
savait tout avant son incarcération à Pignerol en 1661. De même, lorsque Jacques
II écrit à sa soeur le 7 mars 1669 : "J'ai constaté que l'abbé Pregnani
avait beaucoup d'esprit, mais vous pouvez être sûre que je n'entrerai pas en
liaison avec lui plus qu'il ne convient aux renseignements que vous m'en avez
donnés" "Your character" signifie, non pas comme Laloy le
traduit, p.74," à votre caractère", mais : à la description
de l'individu).
Richard Bellings est
l'homme -clé qui a dû mettre en relation notre futur Masque et Jacques II , lui
qui intervient à deux reprises comme
représentant personnel secret de Jacques II , une première fois vis- vis du
Saint-Siège, d'abord, puis une seconde fois
vis- vis de Henriette d’Angleterre. Malgré
le fait que le futur Masque ait été trop
loin la première fois et que, condamné
au bannissement, il ait dû changer de
pseudonyme, il est resté dans les meilleurs termes avec son maître.
La lettre du 8 août
1668, Barnes, op. cit., p.305 et 306)
fabriquée par Jacques de Lacloche annonce le plan qu'il mettra en oeuvre sous
le pseudonyme du faux abbé Pregiani :
approcher Charles pour lui expliquer la supériorité du catholicisme sans donner
de soupçons aux protestants, sous le prétexte qu'il serait son fils naturel,
avant que le roi ne songe au paravent de l'astrologie et des expériences de
chimie, dès lors qu'il aura obtenu pour le souverain le privilège d'être
catholique dans son for intérieur tout en demeurant provisoirement le chef de
l'Eglise anglicane :"Quoiqu'il y ait eu ici (à Londres) une multitude de
prêtres, tant au service de la reine dont une partie a habité dans nos palais
de Saint- James et de Sommerset -House,
que dispersés dans toute notre ville de Londres, toutefois nous ne pouvons nous
servir d'aucun, pour l'ombrage que nous pourrions donner à notre cour par la
conversation de telles gens qui, sous quelques déguisements d'habits qu'ils
puissent avoir, sont aussitôt reconnus pour ce qu'ils sont... Comme il (Jacques
de La Cloche ) n'est ici connu en aucune façon, ...nous pouvons en toute sûreté
converser avec lui et exercer en secret les mystères de la religion catholique,
sans donner ombrage à qui que ce soit de notre cour que nous soyons catholique,
ce que nous ne pouvons faire avec aucun
missionneur ( anglicisme ), tant aussi pour la confiance que nous avons de
lui ouvrir notre conscience avec toute liberté et sincérité, comme à une partie
de nous-même ...Dieu s'en veut servir pour notre salut".
La pierre d’achoppement,
ce sera son identité sulfureuse et son soutien au protestant Roux de Marsilly,
poussant le roi d’Angleterre à dénoncer son ami à celui qui le rémunère : Louis
XIV.
Les prisonniers dont le
Masque de fer a partagé la captivité.
Pour ce qui suit , je me
suis appuyé en particulier sur Iung (La vérité dur le Masque de fer Les empoisonneurs)
et Petitfils(
L’affaire des Poisons crimes et sorcellerie au temps du Roi Soleil), à ma
façon bien entendu en domaine si incertain.
1) Le moine jacobin fou (jacobin signifiant dominicain, 1676
-mort à Exiles le 4 janvier 1687)
De nombreux pseudonymes : Lapierre, abbé de Saint-Eustache, , prêtre de
Monmartre (la rue
Montmartre vers les Halles où se trouvait Saint-Eustache) , vicaire de
Saint-Sauveur, abbé du Colombier, Saint-Georges, marquis de Saint-Pierre,de
Saint-Maurice au service de l’archevêque
de Sens, le mylord anglais, Gomma. C’est le demi- frère
de Romani, le célèbre empoisonneur; c’est le confesseur et amant de Claude de Vin,
dite la Des Oeillets, maîtresse de Louis XIV. De son vrai (?)nom
Castanieri.
C’est le plus important des prisonniers après le Masque de
fer qu’il suivra à Exiles. Il a été plusieurs fois enfermé à Pignerol mais bénéficie de puissantes
protections.
Il sera atteint d'hydropisie, -nous dirions d' oedème du
poumon, - à Exiles et désira faire son
testament : il avait une femme à
Villefranche -sur- mer (on qualifie cet abbé de “faux prélat”) et il mourut à Exiles en 1687.
Il a été plusieurs fois emprisonné à Pignerol, puis libéré,
évadé et repris sous divers noms. Il était mal identifié. Il a d’abord été emprisonné avec Mattioli,
puis avec Dubreuil qui se plaint vivement de sa compagnie et selon lequel il
serait fou, avec un valet de Fouquet, Larivière probablement. C’est l’un des
prisonniers de la tour d’en bas, l’un des deux merles (au sens péjoratif de l’expression actuelle :
ces deux zozos, ces deux oiseaux) que Saint Mars emmène à
Exiles avec le masque de fer, l’un des deux aumôniers (avec Dubreuil que
nous verrons après) cités dans la
correspondance, à qui on autorise le bréviaire et des livres de prière. Agent
de la cabale des alchimistes contre la vie du roi, agent politique de l’Espagne
dont il touchait de l’argent, de Rome, de la Savoie (dont il touchait aussi de
l’argent) et de l’Allemagne, il ne sera
ni jugé ni mis à mort car il était seul à pouvoir témoigner de la culpabilité
de la demoiselle Des Oeillets , un temps servante de la marquise de Montespan
et elle-même maîtresse du roi, dans les
complots d’empoisonnement du roi, de la marquise de Montespan et d’une
autre maîtresse du roi, Angélique de
Fontange , comme dans les empoisonnements et messes noires de la marquise de
Montespan elle-même à Montlhéry notamment.
Ses aspects sont
multiples : c’est un grand séducteur des maîtresses du roi notamment ; la
marquise de Montespan , bien renseignée, dit de lui au roi pour tenter de
dégoûter celui- ci de sa maîtresse (Petitfils, P.288) : la princesse de
Wurtemberg “se prostitue à un moine jacobin qui prétendait avoir découvert
la pierre philosophale”.Il s’agit bien de notre homme qui est aussi bien alchimiste
et sataniste que militaire à l’occasion
Suivons maintenant quelques-unes de
ses arrestations.1) Le 4 octobre 1673, sous
le nom de Castanieri (Iung, p.219) Il était arrivé une nouvelle fois de
Villefranche-sur-Mer (résidence de sa femme) en passant par Vintimille et
s’installe à Turin, portant le titre de marquis de Saint-Pierre (il portait les
fois précédentes le nom de Saint-Georges qu’il avait pris à l’armée) et se dit
possesseur de secrets importants concernant le roi de France. Il loge
fastueusement dans une auberge de Turin et séduit le duc de Savoie et le président général Truchi. « Je
lui fis beaucoup de civilités pour le remercier du très grand service qu’il rendait au Roi,
quoique je le croie un coquin, dit l’ambassadeur de France à Turin qui a dans
sa poche l’ordre du roi pour l’emprisonner. Je le trouvai habillé tout de neuf
de drap de Hollande, boutons couverts d’argent, bas de soie, belle garniture
noire, baudriers de même étoffe et chapeau gris vigogne (laine de lama), la
plume blanche dessus, grands bais (rubans rouges à extrémités noires) à bottes,
bottes éperonnées, cravate neuve et manchettes de point de Gand, des gants à
bordure or et argent, un manteau violet et galonné d’argent, une valise et
quatre chemises dedans du même linge, une écharpe bleue, une épée d’argent et
des pistolets et fourreaux, le tout neuf. » »Si l’on ne le traitait
comme Son Altesse Royale (le duc de Savoie) le lui avait promis, il se
poignarderait : il ne souciait
point de sa vie, …ajoutant quelques jurements suivis jusqu’à l’emportement…
J’ai prié M. de Saint -Mars de faire prendre garde à lui, car il doit avoir
mauvais dessein, s’étant caché à Turin
un couteau dans son sein et une jambette (canif) qu’il avait dans sa
poche pour couper son…et un étui garni d’un poinçon et ciseaux…. Cet homme
serait ici très (re)connu dans peu comme je crois, m’ayant parlé de Pignerol avec connaissance ; par le
chemin hier je rencontrai le sieur Tite Yon. Ledit Yon m’a dit en son absence
qu’il l’avait vu sergent au régiment de Grandée ou dans Monpezat , qu’il ne
pouvait pas encore rappeler sa mémoire, qu’il y penserait et, à , son retour
dans trois jours, découvrirait dans quelle compagnie il était ; qu’il
croyait que c’était dans celle de Carrière ou Mourault. Le sieur de La Ponte,
premier sergent de M. Saint –Mars… le connaît aussi pour s’être vus aux guerres
de Guyenne, ou même, croit-il, à Pignerol il y a sept ou huit ans ; même
il croit qu’il se faisait cousin d’un caporal de la compagnie de Saint- Mars
qui n’y est plus. »Tout ceci fait songer à un complot pour libérer le
masque de fer et au moine du couvent jacobin de Pignerol répondant au pseudonyme
de Gonna, né à Turin et dont le père
vivait à Lyon , un moment inquiété par Louis XIV en janvier 1672 .
Saint- Mars écrit de lui :
« C’est un homme intéressé et rempli de vanité et de présomption, lequel
il y a même à se ménager, en lui donnant et en lui promettant quelque
emploi ; il ne serait pourtant bon de lui en donner, parce que je ne crois
pas son esprit être très solide ; il va extrêmement vite et de plus un
grand blasphémateur. » C’était, nous dit Iung, un Italien fort compromis
dans l’affaire de la Marquise de Brinvilliers et de Sainte- Croix, qui, protégé
par le banquier Pennautier, disparut à temps de la capitale : Pierre
Castanieri, demi-frère de Romani, dit Saint-Georges, dit Saint-Pierre, dit
surtout Lapierre. Il fut arrêté en juin 1673 à Paris, hôtel du Bouloy avec une
cassette sous le nom d’abbé du Colombier, ce qui déclenche colère et
intervention du pape, il est expédié à
Lyon (« un religieux jacobin qui prétend avoir des secrets
considérables »). Libéré, il est arrêté à nouveau le 4 novembre 1673, sous
le nom cette fois de Castanieri à Turin, puis libéré le 31 décembre 1673 sur nouvelle
intervention du banquier et de Colbert.
En 1674, il est arrêté à nouveau, à Saint-Omer, et on parle de lui comme d’un
« capucin » (franciscain) : il est embastillé , puis
envoyé à Pignerol où il devient définitivement le moine jacobin anonyme et est
touché par la folie .Reste à envisager maintenant ce qui en fait un gros gibier
qui intéresse la sécurité du roi . Cette fois, c’est le confesseur de la des
Œillets, maîtresse du roi, dame de confiance de la Montespan et mère d’enfants du roi dont il
s’agit .Prêtre de l église de Saint-Sauveur à Paris, il ne sera jamais
interrogé alors qu’il était le témoin capital pour établir de la culpabilité de
la Des Œillets et de la Montespan.
C’est chez lui que se réunissent
les conjurés, la demoiselle étant la trésorière de la conjuration : on
trouvera de grandes et étonnantes richesses à sa mort. « Un jour la
demoiselle des Œillets, note La Reynie, avec un étranger qu’on disait être
anglais (le moine jacobin), vinrent chez la Voisin, où Guibourg, après s’être
revêtu d’une aube, prit une étole et le manipule ; avait pris des
menstrues de la Des Œillets et de la semence de l’étranger dans le calice, du
sang d’un enfant égorgé par la Voisin, des poudres, du sang de chauve-souris,
de la farine pour donner du corps à la composition ; Guibourg dit une
messe, commencée au Te igitur, qu’il
appelle messe sèche, à laquelle il dit une conjuration où était le nom du roi .
Le dessein était de faire un charme contre le roi ; ce malheureux
(Guibourg) expliqua que c’était pour faire mourir le roi. Ce dessein était
commun à Des œillets et au mylord. Des Œillets parlait avec emportement,
faisait des plaintes contre le roi, témoigna être sortie de chez Mme de
Montespan ; l’Anglais l’adoucissait. Ils prétendaient qu’en mettant de la
composition sur les habits du roi, ou bien où il passerait, ce que Des Œillets
prétendait faire aisément, ayant été à la cour, cela ferait mourir le roi en
langueur. C’était un charme selon la méthode du livre de la Voisin. Des Œillets
emporta cette abominable composition. L’Anglais était le galant de Des Œillets
et promettait de l’épouser ».Des Œillets et le faux mylord promettent 100 000
écus et la sécurité en Angleterre. « Par d’autres pratiques, Des
Œillets recherchait la même chose par la Voisin, par Lesage, et par l’Auteur
(Dubreuil dont l’étude suit) et Vautier. » « C’était chez l’abbé
Lapierre, écrit Petitfils dans L’affaire des poisons , Crimes et sorcellerie
au temps du Roi Soleil, que, deux ou trois fois, « la fille de la
Voisin avait entendu parler « du
dessein à l’égard de Mlle de Fontanges. » Le dessein de faire entrer
la Vertemart chez Mme de Montespan, qui se négociait chez ce même abbé, peut
aussi être lié à ces affaires : pour faire bonne mesure, la Des Œillets
aurait tout simplement envisagé de se débarrasser de son ancienne
maîtresse », la Montespan.
Un lieu de rencontre avec l’abbé
Guibourg pour la fabrication des poisons et l’alchimie était l’imposante ferme-
manoir templière de Champagne (mot spécialisé en toponymie, dérivé du latin
populaire campania, signifiant plaine,- curieusement donné à un valet de Fouquet dans sa prison), non loin
de Montlhéry, car cette ferme appartenait à la Des Œillets, qui se faisait
appeler la marquise de Vin , et à son père Jean de Vin. La ferme est située sur
la commune de Savigny- sur- Orge.
Notons encore cette déclaration de
la fille de la Voisin : « sa mère lui a rapporté (fait rapporter)
diverses fois des poudres à Saint-Germain et à Clagny ( chez la Des Œillets), y a mené des prêtres, le plus
souvent le prieur ( Guibourg) et un
autre prêtre de Montmartre dont elle ne sait le nom (le moine jacobin ,
abbé de Saint-Eustache).Notre moine jacobin intervient encore sous le
pseudonyme d’un gentilhomme de l’archevêque de Sens, de Saint-Maurice, qui lui
avait promis 50 pistoles et un bénéfice de 2000 livres pour dire une série de
trois messes noires aux intentions de Madame de Montespan. Le dénommé Leroy (probablement
celui qui logeait la des œillets et son confesseur) était intervenu dans le même sens. L’abbé
Guibourg dit la première de ces messes dans la chapelle du château de
Villebouzin au Mesnil, près de Montlhéry où l’abbé Guibourg était au service des
Montgomery. Un petit enfant, payé un écu, fut égorgé et offert au diable .Son
cœur et ses entrailles , « à ce que lui dirent Leroy et le
gentilhomme , servirent pour faire des poudres pour le roi et pour Madame de
Montespan. »La messe « à rebours » fut dite sur le corps dénudé
d’une femme (la Montespan ?). « Astaroth, Asmodée, princes de
l’Amitié, je vous conjure d’accepter le sacrifice de cet enfant que je vous
présente pour les choses que je vous demande… »
2 L’homme des complots en faveur de
Fouquet : le masque de fer de Jung, Regnard, alias l’ abbé Dubreuil, dit Latour, pris pour le
masque de fer par Formanoir en raison du fait qu’il est le plus ancien
prisonnier de Pignerol ainsi que par Jung sous les pseudonymes de
Louis Oldendorff , de chevalier des Harmoises ( le nom de Des
Armoises , nom du sosie de Jeanne d’Arc, sinon de Jeanne elle-même puisque
son compagnon Gilles de Rais l’avait
reconnue et lui avait confié une arméemais t surtout anagramme de sosie et de Marsii), de chevalier de Kiffenbach,
Daniel Ferrand de Bordeaux, Samson à Bâle, Martin,
Louvigny, le valet Dubois, le prieur de Saint –Arnoult (en
–Yvelines) , Sertreville , Titreville; l’Auteur ou le Grand Auteur, de son vrai nom Regnard, originaire de
Bourgogne, amant de la Voisin, mort à Pignerol en janvier 1694 (sans que
Laprade , qui a succédé à Saint- Mars à Pignerol , sache son nom ; il doit pour
cela écrire à Saint- Mars à propos de son plus ancien prisonnier resté à Pignerol).
“
Il y a cent quarante –sept prisonniers à la Bastille et à Vincennes
; de ce nombre il n’y a pas un seul
contre lequel il n’y ait des charges considérables pour empoisonnement ou pour
commerce de poisons et des charges avec cela contre eux pour sacrilèges et
impiétés. La plus grande partie de ces scélérats tombe dans le cas de
l’impunité...Il y a encore une grande suite d’accusés considérables qui
trouvent l’impunité dans leurs crimes... Latour, Vautier, sa femme, chargés par
la Voisin et par d’autres d’être artistes (sic, sens de fabricants) et dangereux
sur le fait des poisons... resteront , non seulement impunis, mais, par les
considérations qui feront tenir leurs crimes secrets, leur procès ne pourra
être achevé d’instruire”.
La Reynie
On mettra en avant leurs délits d’espionnage pour ne pas révéler
leur participation à l’affaire des poisons;et homme cultivé et polyglotte (italien,
allemand, espagnol ...) (on a conservé une lettre de lui citée par Iung, p.238, et le roi l’autorise à se faire acheter des
livres, p. 327) fut arrêté , après avoir
voulu monnayer ses connaissances des mouvements de troupes aux deux
belligérants à la fois, à Bâle en 1676 et expédié à la prison de Pierre- Cise
près de Lyon puis à Pignerol où il est mis avec le jacobin devenu fou, puis
avec le valet de Lauzun et avec Matthioli, Il resta toujours à Pignerol où il
devint fou et mourut en 1694 : Laprade ne sait pas son nom et doit d’informer
auprès de Saint- Mars à Pignerol . Le surnom Latour rapporté par
Formanoir se rapporte à lui et non au Masque de fer. Il se donnait comme espion et trahissait tout le
monde. Il était fort avant dans le complot des alchimistes. Voici sa lettre à
Louvois :
”Au donjon de Pignerol, ce 28 juillet 1676.
Suivant la permission que vous me donnez de vous écrire, je
vous dirai que, bien que j’eusse véritablement désir de rendre quelque grand
service à Sa Majesté, je tombe d’accord d’avoir fait deux fautes considérables,
l’une de ne pas m’être venu jeter à la merci de Sa Majesté dès le commencement,
et l’autre d’avoir voulu des bienfaits avant d’avoir rendu le service...
Mon véritable dessein était de ménager avec M. De Lagrange
(l’intendant général de l’armée française ) le moyen de vous aller dire
véritablement tout ce que je savais, qui vous eût été utile contre les ennemis,
et en même temps de vous avertir des mauvais desseins de l’évêque d’Agde
( le frère de
Fouquet), tant contre votre personne que contre le service du Roi; mais mon malheur ayant voulu que j’aie été
arrêté, je me trouve réduit à vous mander sa conduite..., le moyen de pouvoir
arrêter M. de Maupeou (agent de Fouquet et empoisonneur , interrogatoire de Lesage
du 16 septembre 1680 à Vincennes : “Guibourg a fait des impiétés et des
conjurations pour Mlle de La Chaulme, de Bourgogne, qui demeurait alors dans la
rue des Bons- Enfants, chez M. de Maupeou, où les conjurations étaient pour
faire mourir la mère de La Chaulme”), et d’avoir des preuves contre ledit
évêque.
Après mon évasion de
Bordeaux (voir ci-après comment au sortir de la Bastille il se rend à Bordeaux
chez un complice sous le pseudonyme de Daniel Ferrand, Dubreuil passant prudemment sous silence son séjour avec la
Voisin à Paris, sauf en ce qui concerne sa dénonciation de l’empoisonneur de
Maupeou), je me rendis à Villefranche (-en –Rouergue, où résidait le frère de
Fouquet, l’évêque d’Agde) pour obtenir de l’évêque d’Agde quelques secours afin
de pousser mon chemin. D’abord je lui déguisai le véritable sujet de ma
disgrâce, feignant une affaire, mais de lui-même s’étant mis à parler de l’état
des affaires de la cour, je lui ouvris que je me trouvais embarrassé, quoique
bien intentionné. Enfin la conclusion fut qu’il me fit voir qu’il l’était peu
(bien intentionné), en me montrant de fâcheuses nouvelles dont il se réjouissait,
disant que si le Roi pouvait être bien battu par les ennemis, que tout en irait
mieux...Il me dit que vous (Louvois) étiez le plus cruel ennemi de sa famille
et de lui en particulier; qu’étant son allié, je devais plutôt songer à le
servir dans le dessein qu’il avait de vous perdre, me disant souvent que si
vous étiez mort tout rentrerait en faveur, et puis, quelque autre fois, qu’il
donnerait bien de l’argent pour que vous fussiez en l’autre monde, me faisant
pressentir qu’il eût bien voulu trouver des gens pour un si mauvais coup que de
vous assassiner...; de tâcher à engager les Espagnols à la liberté de son frère
(M; Fouquet), de pratiquer auprès du roi d’Angleterre la personne que je
jugerais la plus capable de le faire agir, avec promesse de vingt mille écus de
récompense à cette personne qui
obtiendrait la liberté de sondit frère, à envoyer à M. de Maupeou des mémoires
pour faire un manifeste...
J’espère,
Monseigneur, à la même charité que vous apportez à ne pas me perdre
entièrement, que vous voudrez bien recevoir la supplication que je vous
fais de me faire changer de lieu, car je suis ici avec un homme qui est fou au dernier
point (le moine jacobin) et fort incommodé, et qui a si fort infecté la chambre
qu’à peine peut- on y respirer. On sait qu’il y a huit jours que je ne bois ni
ne mange, et que je ne fais que languir en ce misérable lieu.”
Le 21 février 1677,
Louvois écrit au geôlier : “Pourvu que (le moine jacobin fou) soit autant en
sûreté avec le valet de M. de Lauzun qu’il l’est avec le sieur Dubreuil, le Roi
s’en remet à vous de le changer de prison (cachot) ou, en cas que vous
jugiez à propos de le laisser avec ledit
sieur Dubreuil, de le faire attacher de manière qu’il ne puisse lui faire du
mal. Mais souvenez- vous de prendre garde au sieur Dubreuil, qui est un des
plus artificieux fripons qui se puisse rencontrer.” L’infortuné sera mis dans
le cachot du valet de Lauzun, puis en 1679 aura Mattioli pour compagnon, mais à
l’époque il aura perdu sa santé mentale.
Cet amant de la Voisin
était natif d’Autun en Bourgogne .Ce “péroreur d’une quarantaine d’années,
assez froid, d’une “bonne taille, ayant
les épaules un peu hautes, assez épais et avec des cheveux noirs” selon
Petitfils, avait fait croire à la Voisin qu’il était prince italien et le plus
savant homme du monde ; comme le remarquait La Reynie, la profession de cet
étrange et sentencieux personnage qui affirmait avoir “la connaissance des
génies”résistait “à l’opinion que plusieurs accusés ont essayé de donner de son
esprit et de sa conduite”: il était tout bonnement tailleur de pierre! Hébergé
par le peintre et chimiste Denis Jean Vautier (il y travaille à des
distillations pour le compte de la Voisin), puis par la Voisin, ce rustre
prétentieux, continue Petitfils, n’avait en fait aucune demeure fixe à Paris. Comme
tous les chercheurs de pierre philosophale, il fuyait la police.”Après ce
portait il revient à chacun de juger si la culture dont témoigne la lettre citée,
ainsi que l’autorisation du roi de lui faire donner des livres à sa demande,
est compatible avec ce portrait à charge de Petitfils et avec sa formule : “un rustre prétentieux”,
comme avec la profession de tailleur de pierre. Pour nous, nous croyons qu’il a été réellement abbé et qu’il
s’agit d’un empoisonneur, agent de
Fouquet et comploteur contre le roi qui voyant tout perdu a trahi sa cause.
Craignant à juste titre d’être arrêté à Paris comme complice
du banquier Pennautier, de Sainte Croix et de la marquise de Brinvilliers, pour
qui il travaille, il passe en 1673 aux
Pays-bas ,en Allemagne à Allendorff et
réside à Bruxelles sous le nom de Louis de Ollendorff, se disant lorrain,
de Nimègue, se présentant comme un
ancien capitaine de cavalerie de Lorraine, qui “menait fort mauvaise vie,
grandes dépenses et n’avait rien, qu’il avait enlevé la femme d’un colonel de
Bohême”. Le nom de Des Armoises , nom
du sosie de Jeanne d’Arc, sinon de Jeanne elle-même puisque son compagnon
Gilles de Rais l’avait reconnue et lui
avait confie une armée , mais surtout anagramme de sosie et de Marsii . Les
comploteurs raffolaient des anagrammes, tel Ollendorf,
anagramme de F(idus ou fidèle à,ou plutôt initiale de Fouquet) LORRENE (le
chevalier de Lorraine) (et) ORLE( a)N(s) (le frère du roi).
Son banquier est à Amsterdam van Groët pour le compte de l’Espagne
et de M. de Lisola. Son coffre à Bruxelles est pris. Le roi et Louvois mettent
tout en oeuvre pour le capturer mais ils n’ont pas son signalement. Il change
souvent de pseudonyme mais il se fait arrêter à Péronne sous le nom de Daniel
Ferrand, originaire de Bordeaux. Il est conduit à la Bastille le 27
mars 1673, puis est libéré le 2 janvier 1674 faute d’avoir été reconnu et
identifié. Il est remis entre les mains du prévot Legrain à sa sortie de la
Bastille pour “le conduire en sûreté, jusqu’à dix lieues de ma bonne ville de
Paris, du côté de la ville de Bordeaux”.
Il se réfugie chez un amant de la
Voisin, le vicomte de Cousserans, qui
hébergeait dans son château du Bordelais divers empoisonneurs (comme l’abbé
Mariette en 1668), mais il se fait arrêter à nouveau, cette fois pour l’affaire
des poisons pour laquelle il ne sera jamais jugé étant donné qu’il peut
compromettre la Montespan et surtout la Des Oeillets, réussit à s’évader et offre ses services à la Voisin dont
il devient l’amant en titre.
La Voisin resta
environ un an avec lui ; lui et son ami
Vautier, qui importait des momies pour les broyer et les utiliser comme pigments,
se lancèrent, nous apprend Petitfils, dans la fabrication de poisons
violents.”Il mourut beaucoup de gens au faubourg Saint-Laurent, raconte Lesage;
les poisons auxquels on travaillait en ce temps-là chez Vautier furent cause de
la mortalité que l’on attribuait néanmoins à la puanteur des égouts; mais il y
avait bien des gens qui disaient que les méchantes odeurs qu’on sentait venaient
de chez Vautier.”Les conjurés distillaient notamment de petits serpents appelés
norevers qu’ils capturaient du côté de Ménilmontant.”
Au printemps de 1676, Latour (il emprunte vraisemblablement
ce pseudonyme au Latour du complot normand) quitte brusquement la Voisin, emportant toutes
ses économies, soit douze à quinze mille livres pour chercher à nouveau fortune
dans le renseignement à Bâle, et ceci pour
son malheur.
D’après les déclarations de deux bergers jetteurs de
sorts, Debray et Moreau, ce dernier
originaire de Moisy près d’Ozouer-le-Marché et ayant connu l’infortuné de La Moisière
qui fut exécuté en même temps que le marquis protestant de Courboyer, un homme de condition ,parent de
Fouquet, qui se faisait appeler
chevalier de La Brosse .était venu les voir vers 1674, accompagné de son valet
Dubois (l’abbé Latour?) pour leur demander de faire mourir Colbert et Louis XIV
par poison et sortilège, moyennant bonne récompense; Avec Guibourg et un prêtre
satanique de ses disciples, connu sous le nom de prieur de
Saint-Arnoult-en-Yvelines (l’abbé Latour), on récite mainte conjuration
sacrilège, mais en vain. Si bien qu’on s’adresse à un autre rebouteux dans un
cabaret de Choisel, près de Rambouillet, un nommé Barenton, qui remet à ce
parent de Fouquet une fiole contenant de l’arsenic, du sublimé et de l’extrait
de crapaud destiné au roi.
Selon Guibourg dans
son interrogatoire du 24 août 1681, le chevalier de La Brosse « avait
beaucoup de ressentiment contre la personne du roi de ce qu’il avait fait
emprisonner M. Fouquet. Pinon du Martroy (seigneur de Vitry-sur-Seine, cousin
de Fouquet ruiné lors du procès de 1661 contre Fouquet) lui dit qu’il avait
quelque accès à la Bouche (le service chargé des repas du roi) et qu’il y entrait librement.” Qui était ce chevalier
de La Brosse ? Soit, on l’a vu , Pinon du Martroy, soit le marquis de
Termes, neveu de la Montespan. Un auditeur de la cour des comptes, Maillard,
fut accusé d’avoir empoisonné le mari de sa maîtresse, veuve d’un procureur au
parlement, et d’être entré à cette fin en relation avec Sainte-Croix, l’amant de
la marquise de Brinvilliers. Il déclara qu’un de ses anciens jardiniers avait
fourni le poison à sa maîtresse et avoir
remis 4000 livres à Sainte-Croix via Dubreuil contre le roi. Il eut la tête tranchée “pour avoir su, connu
et non révélé les détestables projets formés contre la personne du roi”.
3 Fouquet et son
valet Larivière,compagnon du Masque de fer (emprisonné vers 1673-1674 , libéré
à Pignerol en 1684).
Le roi demanda
personnellement à Fouquet ce que son valet Larivière savait de son collègue
Eustache Dauger sous prétexte qu‘il songeait à le libérer: la réponse de
Fouquet sur les connaissances du secret de Dauger fut-elle négative et le roi
y a-t-il donné suite? C’est fort
possible. Fouquet n’ignorait rien du secret du frère de Louis XIV et celui-ci,
en donnant à Fouquet pour valet le
masque de fer , aurait-il voulu l'humilier en le faisant servir par celui dont
il voulait faire le souverain de la France?
Ainsi Madame
Bachimont était cousine du surintendant : sa mère était née Fouquet de Chalain,
tandis que son parent Jacques Pinon du Martroy,
seigneur de Vitry et de Villejuif, ami de Sainte-Croix, fit dire par l’abbé
Guibourg des conjurations pour faire mourir le roi. C’est à lui que le berger
Moreau, de La Ferté, près de Chevreuse,
avait promis la mort du roi et la libération du surintendant. De même le prieur
de Saint- Arnoult, “aussi méchant que Guibourg”, pseudonyme de Lapierre,
confesseur de Melle Des Oeilllets, prêtre de l’église Saint -Sauveur à Paris,
le frère de Romani, et que nous avons retrouvé sous le nom de Dubreuil avec le
Masque de fer fut mêlé à cette conspîration dite de Moreau visant à tuer le roi
et à libérer Fouquet. Le château de la Diablesse,
le nom de Marcilly (sur- Maulne) dont des parents de Fouquet étaient
propriétaires et les liens directs et familiaux de Fouquet avec les empoisonneurs,
citons encore l’évêque d’Agde, frère de Fouquet qui complotait, nous laissent
songeurs. Le chimiste Glaser, selon
Sainte-Croix et selon Madame de Brinvilliers (Ravaisson, Archives de la
Bastille, tome IX, p. 244, et 250), avait
été envoyé vers 1755 en Italie par le surintendant Fouquet pour en rapporter
des végétaux très toxiques qu’il fallait cueillir en mars et qui étaient
destinés à “l’accomplissement d’un grand dessein.” On devine lequel :
l’empoisonnement du roi au profit de son frère aîné. La devise de Fouquet, qui
intrigua Louis XIV et qu’il se fit traduire, était, rappelons-le, Quo
non ascendam? Jusqu’où ne monterai- je pas? L’écureuil ou fouquet en ancien
français qui figurait sur les armes du surintendant n’a pas dû suffire à
l’innocenter.
On a beaucoup glosé
sur le mot "drogues», ces
drogues qui étonnèrent le ministre
lorsque ses geôliers les trouvèrent dans
le cachot de Fouquet, cachées dans les poches du défunt, alors que tous ses
papiers, bien classés, avaient été emportés par son fils, -contenant peut-être
des mentions du secret du masque. Mais que signifie le mot drogue au
XVIIe siècle? Poison? Certes la langue du XVIIe siècle(lit pour cassette, par exemple)
est difficile pour nous et les drogues désignées ici peuvent très bien être le
matériel chimique nécessaire pour fabriquer de l’encre ou du papier , de même
que l’expression « mes deux merles » employée par Saint- Mars
pour désigner Dauger et Dubreuil doit s’entendre comme mes deux prisonniers solitaires dans
leur cage, conformément à l’étymologie latine (merula signifiant
solitaire : merula, quod mera, id est, sola volitat, Varron 5, 76). En
effet certaines espèces de merles ont des vols solitaires et non en bandes dans
le Sud et ce sont de celles à qui l’on apprend le plus facilement à parler (Cf.
Iung, p. 340 : “Dans le Languedoc, à Marseille, à Nice, le merle bleu, le merle de roche sont
appelés passa solitaris [passereau solitaire], solitaris, soulitaria “et Barnes, même
explication).
Notons enfin que le ministre
avait également demandé à son geôlier
Saint- Mars, le 16 avril 1684, alors que
celui-ci était à Exiles tandis que le valet était resté à Pignerol:
"Mandez-moi aussi ce que vous savez de la naissance du nommé la Rivière
et de l’aventure (ce qui advient par cas fortuit, par hasard) par
laquelle il fut mis au service de feu M. Fouquet" (par qui? Nouveau
passif impersonnel révélateur : ce n'est pas Larivière qui l'a demandé). Précisément on ignore tout de Larivière, de
son nom véritable comme de la date de sa prise de service auprès de Fouquet. Larivière
peut en effet dissimuler un dénommé Duchêne,
qui avait été laquais chez M. d’Aubray
(le marquis de Brinvilliers), chez M. Bontemps, puis chez « Madame de
Montespan qui l’affectionne beaucoup », « qui l’a fait officier
du gobelet et qui ne laisse pas de
servir toujours chez Mme de Montespan », selon La Reynie. C’est par lui,
selon l’abbé Guibourg (Petitfils, P. 229) que Pinon du Martroy, dit le
chevalier de La Brosse,cousin de Fouquet et financier lui-même, “avait quelque
accès à la Bouche (le service chargé des repas du roi) et qu’il y entrait librement”
en vue de l’empoisonner. Il fut soupçonné sans preuves d’empoisonnement du
marquis et du roi, de complicité avec la marquise. Louis XIV, le sachant
capable de compromettre sa maîtresse Madame de Montespan (il ne voulut faire juger
personne qui pût révéler des faits gênants pour ses maîtresses, tant la
Montespan que la Des Oeillets), ayant besoin d’un valet pour Fouquet, lui fit
donner 600 livres de salaire. Il ne
connaissait pas le secret du masque, si bien qu”on peut qu”on peut penser qu’un
temps suffisant après la mort de Fouquet
Louis XIV le libéra . Tel est le sens de la demande de Louvois du 16 avril
1684.
De quelques conséquences:
1°La mort trop rapide de Henriette d'Angleterre
La mort de Madame, à
son retour d'Angleterre , surprit la cour et le roi qui expédia son ministre
s'informer, sans résultats apparents, à Pignerol auprès du masque .Qu'en
penser?
L’autopsie conclut au choléra, ce qui laisse rêveur, d’autant
qu’on trouva un trou dans l’estomac et
qu’on le décréta l’œuvre du chirurgien, bien maladroit et complaisant…Les plus
sérieux des partisans de la mort naturelle invoquent, comme le Professeur
Bernard, la porphyrie héréditaire , ce qui est possible.
Mais le demi- frère
de ce dernier, le duc de Buckingham, protestant et ministre d'Etat, ignorant
sans doute que la trahison venait de son monarque, attribua la disparition du fils naturel du duc de Buckingham à cette
femme, qui ne l'aimait pas et qu'il accusait de l'avoir exclu de la négociation secrète du traité de
Douvres comme de la conversion du roi. Il savait tous les secrets du traité de
Douvres par les confidences de l'ambassadeur à l'abbé Prégiani (Veyras) , qui
les répétait fidèlement à son
demi-frère. Il a pu légitimement désirer se venger et empoisonner la coupable
Henriette au cours de son voyage en Angleterre. Il a manifesté, à la nouvelle
de cette mort, des excès de douleur surprenants pour un homme qui n'aimait pas
du tout cette princesse. De plus, dans notre internationale des poisons, dans cette
cabale des alchimistes, nous avons le chevalier de Lorraine , mignon du duc
d’Orléans exilé en Italie , et un autre giton du prince, le marquis d’Effiat
(pas celui de la conjuration, pas Cinq-Mars), qui était sur place pour
administrer la dose et que Saint-Simon accuse en ces termes ; “ Bernard, p135.Je
ne puis finir sur ce prince sans raconter une anecdote qui a été sue de bien
peu de gens sur la mort de Madame que personne n’a douté qui n’eût été
empoisonnée et même grossièrement. Ses galanteries donnaient de la jalousie à
Monsieur; le goût opposé de Monsieur indignait Madame’; les favoris qu’elle
haïssait semaient tant qu’ils pouvaient la division entre eux pour pouvoir
disposer de Monsieur tout à leur aise. Le Chevalier de Lorraine, dans le fort
de sa jeunesse et de ses agréments, étant né en 1643, possédait Monsieur avec
empire et le faisait sentir à Madame, comme à toute la maison. Madame, qui
n’avait qu’un an de moins que lui et qui était charmante, ne pouvait à plus
d’un titre souffrir cette domination: elle était au comble de la faveur et de la considération auprès du roi dont elle obtint
l’exil du Chevalier de Lorraine. A cette nouvelle, Monsieur s’évanouit puis
fondit en larmes et s’alla jeter aux pieds du Roi pour faire révoquer un ordre
qui le mettait au désespoir. Il ne put y réussir.
D’Effiat, homme d’un esprit hardi, premier écuyer de
Monsieur, et le Comte de Beuvron, homme liant et doux, mais qui voulait figurer
chez Monsieur dont il était capitaine des gardes, et surtout tirer de l’argent pour
se faire riche, en cadet de Normandie fort pauvre, étaient étroitement liés
avec le chevalier de Lorraine dont l’absence nuisait fort à leur affaire et leur
faisait appréhender que quelque mignon ne prît sa place duquel ils ne
s’accorderaient pas si bien. Pas uin des reois n’espérait la fin de cet exil à
la faveur où ils voyaient Madame qui commençait même à entrer dans les affaires
et à qui le roi venait de faire faire un voyage mystérieux en Angleterre où
elle avait parfaitement réussi et en venait de revenir plus triomphante que
jamais. Elle était de juin 1644 et d”une très bonne santé qui achevait de leur
faire perdre de vue le retour du Chevalier de Lorraine. Celui-ci était allé
promener son dépit en Italie et à Rome. Je ne sais lequel des trois y pensa le
premier, mais le chevalier de Lorraine envoya à ses deux amis un poison sûr et
prompt par un exprès qui ne savait peut-être pas lui-même ce qu’il portait.
Madame était à
Saint-Cloud, qui, pour se rafraîchir, prenait depuis quelque temps, sur les
sept heures du soir, un verre d’eau de chicorée. Un garçon de chambre avait
soin de la faire; il la mettait dans une armoire d’une des antichambres de Madame
avec son verre etc. Cette eau de chicorée était dans un pot de porcelaine ou de
faïence et il y avait toujours auprès d’autre eau commune au cas que Madame
trouvât celle de chicorée trop amère,
pour la mêler. Cette antichambre était le passage public pour aller chez Madame
où il ne se trouvait jamais personne parce qu’il y en avait plusieurs. Le marquis
d’Effiat avait épié tout cela. Le 29 juin 1670, passant par cette antichambre,
il trouva le moment qu’il cherchait. Personne dedans et il avait remarqué qu’il
n’était suivi de personne qui allât aussi chez Madame. Il se détourne, va à
l’armoire, l’ouvre, jette son boucan, puis entendant quelqu’un s’arme de
l’autre pot à eau commune et comme il le remettait, le garçon de la chambre,
qui avait soin de cette eau de chicorée, s’écrie, court à lui et lui demande
brusquement ce qu’il va faire à cette armoire. D’Effiat, sans s’embarrasser le
moins du monde, lui dit qu’il lui demande pardon, mais qu’il crevait de soif et
que sachant qu’il y avait de l’eau là-dedans, lui montrant le pot d’eau
commune, il n’a pas résisté d’en aller boire. Le garçon grommelait toujours et l’autre , toujours l’apaisant et
s’excusant, entre chez Madame et va causer comme les autres courtisans sans la
plus légère émotion.
Ce qui suivit, une heure après,
n’est pas de mon sujet et n’a que fait trop de bruit sur toute l’Europe.
Madame étant morte, le lendemain
matin 30 juin à trois heures, le Roi fut
pénétré de la plus grande douleur.”
2°La révocation de l'Edit de Nantes.
Louis XIV dut se souvenir amèrement de son frère qui
contestait sa légitimité et de son rôle dans la conjuration de Roux et son
ressentiment peut faire partie des mobiles qui l'amenèrent à prendre cette
funeste décision.
Bref, le secret du
masque de fer dénoncé par Voltaire
révèle les impostures du monarque de droit divin, et le
secret des complots malheureux tentés par Roux de Marsilly (on devine aisément
la nature des « propos épouvantables » tenus par lui contre le roi dont parle
l‘ambassadeur, et qu’il se refuse à répéter)
, ou par Louis de Rohan , voire
même la menace représentée par Fouquet
aux yeux du tyran aux lettres de cachet
arbitraires, despote qui dissimulait le
frère aîné de plus illustre extraction que sa mère lui avait donné. La prise de
la Bastille en sera le lointain aboutissement.
Sur Madamede La Bretesche :
Madame Barbe de
Labretesche née en 1635, fut mariée à Louis Danré de Blangy (1635-1722) dont
elle eut un fils, Charles Danré de Blangy, qui sera avocat au parlement de
Paris.Elle finira ses jours le 15 décembre 1725 à Epernay dans la Marne, à
l’abbaye d’Argensol dont elle était abbesse. On a confondu, volontairement ou non,
le nom de Blangy avec le nom de Denis
Poculot de Blessis en la disant mariée à ce dernier. Cette famille de
Labretesche est originaire de Soissons,
ce qui explique peut-être sa proximité avec Olympe Mancini, comtesse de
Soissons, née en 1635 comme elle , nièce du cardinal Mazarin qui devait par son
oncle être au courant de l’existence du Masque de Fer.
En 1680 elle fuit la
France et passe de Flandre en Espagne,
puis Londres et Bruxelles où elle meurt en 1708. Coîncidence : Madame de
La Bretesche aura parmi ses juges Augustin Robert Pomereux de Labretesche (de
Saint-Non). Elle vendra à Soissons son titre à un avocat nommé Renaud dont la
famille ira à Saint-Domingue.
Madame est dite dame
de La Bretesche (et non demoiselle) mais non de très grande noblesse (on eût
dit en ce cas madame).On trouve trace de
cette famille dans les nobiliaires du
Valois au XVIIe siècle ( Senlis,
Crépy-en-Valois), présents dans l’Oise et dans l’Aisne et indiqués comme de source
bretonne,tirant probablement leur
nom d’une bretèche en bois(détruite aujourd’hui) , de la
commune de Nivillac dont la forêt porte encore le nom de forêt de la Bretesche.
mais qui n”a rien à voir avec le château de la Bretesche voisin de Missillac) . Au XVIIe siècle c’étaient des verdiers, des
gardiens de forêts pour le compte des nobles seigneurs de La Roche-Bernard. Les
guerres de religion et leur conversion au protestantisme à la suite de leurs
protecteurs les amenèrent en Valois.
Voici ce que La Reynie dit de Madame de La Bretesche (p.176,
Petitfils): “Etoffes, gants (empoisonnés).-Il faut nécessairement que ce
que la fille de la Voisin a dit du dessein d’empoisonner madame de Fontanges
[maîtresse de Louis XIV] soit vrai et qu’on en ait parlé, parce que
Romani convient du moyen d’avoir cherché une entrée dans la maison de Madame
de Fontanges, d’avoir voulu passer pour marchand de soie étranger.
(Romani convient d’avoir) pensé et parlé comment on pourrait
avoir des étoffes:
(et Romani convient d’avoir )eu commerce sur cela (l’empoisonnement de madame de Fontanges)
avec la dame de la Bretesche, chargée par tout le procès (accusée
par tous les prévenus) du commerce des poisons et suspecte par ce qu’en dit
lui-même Blessis;
(Romani convient d’avoir) eu commerce avec la Dumesnil (servante
chez Madeleine Chappelain, l’épouse d’un contrôleur général des domaines et qui
était aussi trésorier des offrandes et aumônes du roi, servante qui incita la Filastre à entrer au service de Mlle de Fontanges) qui
a une véritable entrée chez madame de Fontanges;
ce que Bertrand dit confirme id.(la même chose), car
(il) demeure d’accord du fait (indiqué par la fille de la Voisin, savoir la
tentative d’empoisonnement de madame de Fontanges),-la fille de la Voisin ne le
peut avoir deviné.
Nota: ce qui mérite d’être observé et
suivi, Romani, en ce même temps (était) en commerce avec la Desoeillets “. La Des Oeillets était la suivante de Mme
de Montespan, mais surtout une ambitieuse maîtresse du roi, instigatrice
de l’empoisonnement de Madame de Fontanges. Petitfils raconte ainsi
l’affaire (p.177):” Romani était alors sans travail. Une de ses amies, Mme de
La Bretesche, lui avait cherché une
place dans les fermes du roi (recouvrement d’impôts) ou auprès de Mlle de Fontanges
qu’elle connaissait par relations. Mais, encore une fois, “cela s’était dit
entre mille autres choses”.Dans son lexique, Petitfils ajoute ces précisions
:”La Bretesche. Empoisonneuse. Amie de la Voisin, de la demoiselle de La Grange
, qui était veuve d’un receveur des
gabelles (droits de douanes) et des tailles d’Anjou, née en 1640 à Doué, complice du curé Léonard Nail, arrêtée en
1677, brûlée vive en 1679, de Romani et de Bertrand (apprenti marchand de soie
du Dauphiné), elle se proposait de faciliter leurs rencontres avec Mlle de
Fontanges ,qu’elle connaissait..”Denis Poculot, sieur de Blessis, était né à
Montbrison près de Lyon. Cet ancien lieutenant d’artillerie (p.96), amant de la Voisin, alchimiste, prétendait avoir trouvé le moyen de faire de
l’argent à partir du cuivre et excellait dans la préparation de parfums
mortels. Ami de Vautier, il intéressa le neveu de M. de Montespan, le marquis
de Termes, Roger de Pardailhan de Gondrin , qui, ruiné depuis le procès de
Fouquet, vivait discrètement dans son château de Fontenay-sous-Bois (Brie); il
y enleva Blessis en 1678 et le retint prisonnier jusqu’à ce qu’avec le peintre
Vautier il pût transmuter devant lui le plomb en or. En 1680 il participe à
l’abbaye de Chelles à une tentative d’empoisonnement de Melle de Fontanges qui
alarme le roi , probablement à l’inspiration de sa belle-soeur, la marquise de Montespan.
Deux autres amis de Madame de La Bretesche méritent qu’on s’y
attache.
D’abord, le chevalier de Saint-Renant, astrologue
et empoisonneur breton, amant de la Filastre en rapport avec la Chappelain .
Ensuite la vicomtesse
de Polignac, troisième épouse de Louis Armand de Polignac, gouverneur de
Puy-en-Velay (mort en 1692),savoir Jacqueline de Beauvoir de Grimoard du Roure,
accusée de tentative d’empoisonnement contre Melle de Lavallière. En 1679,
prévenue à temps et plus chanceuse que Madame de La Bretesche , elle échappa de
peu aux soldats venus l’arrêter dans son château d’Auvergne et ne mourut qu’en
1721, à 84 ans. Sa parente , Claude Marie de Gast d’Artigny, comtesse du Roure
pour avoir épousé en 1666 Louis Pierre
Scipion de Grimoard , comte du Roure, lieutenant général en Languedoc, était fille d’honneur de Henriette
d’Angleterre et la Voisin l’accusa d’avoir tenté d’empoisonner Melle de La
Vallière, mais on peut songer aussi à l’empoisonnement de Henriette
d’Angleterre. Elle fut exilée en Languedoc par le roi. Selon Lesage, ”la
comtesse du Roure, la vicomtesse de Polignac cherchaient à faire des pactes
pour détrôner Melle de La Vallière hors d’auprès du roi”.
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