En plein été, alors que ce n’est pas la saison des figues,
et parce qu’il a envie d’en cueillir une dans le désert, le Christ maudit le
figuier,ce qui est surprenant.
1 Evangile selon Marc,
le plus ancien 11, 13-14 : « Le lendemain,
après qu’ils furent sortis de Béthanie, Jésus eut faim. Apercevant de loin un
figuier qui avait des feuilles, il alla voir s’il y trouverait quelque
chose ; et, s’en étant approché, il ne trouva que des feuilles, car ce
n’était pas la saison des figues. Prenant alors la parole, il lui dit : Que personne ne mange de ton fruit !
Et ses disciples l’entendirent. »
2 Evangile selon
Matthieu, 21, 18 : «Le matin, en retournant à la ville de Béthanie, il
eut faim. Voyant un figuier sur le
chemin de Béthanie, il s’en approcha ;
mais il ne trouva que des feuilles, et il lui dit : Que jamais fruit ne naisse de toi ! Et à l’instant le figuier se
dessécha. Les disciples, qui virent cela, furent étonnés, et dirent :
Comment ce figuier est-il devenu sec en un instant ? Jésus leur
répondit : Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi, et que vous
ne doutiez point, non seulement vous feriez ce qui a été fait à ce figuier,
mais quand vous diriez à cette montagne : Ote-toi de là et jette –toi dans
la mer, cela se ferait. »
3 Evangile selon Luc,
13, 6-9 : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint
pour y chercher un fruit et il n’en trouva point. Alors il dit au
vigneron : Voilà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et
je n’en trouve point. Coupe-le : pourquoi occupe-t-il la terre inutilement ?
Le vigneron lui répondit : Seigneur, laisse-le encore cette année ;
je creuserai tout autour, et j’y mettrai du fumier. Peut-être à l’avenir
donnera-t- il du fruit ; sinon, tu le couperas. «
Aucune mention dans l’Evangile
selon Jean, qui a consulté le
texte original de Marc, sans l’interpolation du figuier.
On voit tout de suite que l’évangile de Luc est postérieur,
puisqu’il ne s’agit plus du Christ en personne. L’évangile selon Marc est le
plus ancien et semble la source des évangiles selon Matthieu et selon Jean, et
même selon Luc.
Or, à Rome, existait un figuier, le ficus ruminalis, qui avait selon la légende allaité Rémus et
Romulus, avant que la louve ne le remplace
dans cette fonction mythique. Les noms
de Roma et de Romulus comme de Rémus viennent
de rumen, ruminis, le sein, de srev-men,
srev ou (s) ru signifiant
l’instrument qui sert à épancher , à faire couler (grec rhéô, couler) le lait.
Si l’on suit la méthode de Frazer, on s’aperçoit que, selon certaines légendes proches de
populations primitives, l’Arbre du monde, -le figuier en est le symbole à
Rome,-bloque dans ses racines un bébé qui flotte, -ici dans le cours du Tibre,-
et l’allaite miraculeusement : Ruminia
est la déesse qui préside à l’allaitement. L’enfant a été dédoublé à
l’image des seins nourriciers : les jumeaux Rémus et Romulus. La légende
du figuier allaitant a été remplacée par celle de la louve, mais le figuier Ruminalis
est resté sacré. On croyait qu’il datait
de la fondation de Rome en -753 et son destin était associé à celui de Rome.
Sous Auguste, le figuier avait dépéri et Auguste en replanta un, en aménageant
une grotte où une statue de la louve (voir
mon blog sur la louve de Rome et le sillon) fut installée. On l’a retrouvée
récemment. Mais, -mauvais présage pour les armées,- ce figuier se dessécha dans
les années 60.
Pour les résistants à
l’occupation de la Palestine, l’occasion était rêvée. Ils introduisirent une
prophétie après coup dans la bouche du Christ en personne. Jamais celui-ci
n’eût prononcé pareille imprécation contre une plante. Cette allégorie voilée
de la fin souhaitée de Rome a été interpolée dans l’évangile de Marc, qui fut
dès l’origine écrit en grec. On peut
s’en servir pour tenter, -avec prudence,-de dater l’interpolation du figuier de
la révolte, en 66-70, de Jacques le
Juste , frère de Jésus, dont l’historien d’origine juive Flavius Josephe, dans
ses Antiquités juives, nous a laissé une mention, quelque 20 ou 30
ans après la fin du Christ. On doit donc supposer que l’évangile était plus
ancien.
Essayons d’élucider maintenant
l’inscription INRI : Jesus netzer
rex judaicorum , où netzer
est souvent traduit par originaire de Nazareth, lieu d’origine présumé de
Jésus, mais la ville n’existait pas au
moment de sa naissance. On a supposé que d’après le témoignage rapporté par Eusèbe de
Césarée d’un historien Julius Africanus, né en Judée au IIe siècle, que la présence à Kokhaba en
Batanée , « à gauche de Damas » , d’ébionites (les pauvres, car
« Jésus de riche se fit pauvre ») qui se présentaient comme les
« desposunoi » (en grec,
parents du maître Jésus), indiquaient le lieu d’origine de la famille.
Les « desposunoi ».
Ces « desposunoi « présentaient des copies de leurs livres généalogiques :
les originaux avaient été brûlés en 66 à
Jérusalem dans l’incendie du temple. Quelle était la famille de Jésus ? Ce sont des soeurs
mariées et mères de famille et quatre
frères : Jacques, chef de l’église
de Jérusalem, marié et père d’un Jude ou Judas, selon Hégésippe cité par
Eusèbe de Césarée (Histoire
ecclésiastique, 2003, éditions du Cerf, 3, 19-1 et 20-27) , José ou
Joseph, Simon ou Siméon, Jude ou Judas, également marié et père de famille ; deux des petits-fils de Jude , frère du seigneur , savoir Zôcker et Jacob, vivaient au début du règne de l’empereur
Domitien en Batanée, où ils exploitaient ensemble 4 hectares de terre et
dirigeaient une petite église locale. Ils ne furent pas jugés dangereux et l’empereur
ne les persécuta pas. L’Histoire
ecclésiastique de Eusèbe de Césarée dresse la liste des évêques de
Jérusalem : Jacques, puis à
partir de 70 un de ses cousins germains (ou de ses frères ?), Siméon ou Simon, auquel succéda Jude ou Judas, fils de Jacques, le frère du Seigneur.
Tous ces descendants forment les « desposunoi ».
Le netzer.
Le sens du terme netzer est très discuté : selon certains
chercheurs, le mot hébreu netzer,
surgeon, a été utilisé au sein du premier groupe de disciples, les Ebionites, c’est-à-dire les juifs
chrétiens, pour justifier la messianité de Jésus, en
s'appuyant sur le verset d'Isaïe []qui évoque un
« surgeon » – netzer en hébreu – qui doit surgir « de la
souche de Jessé », le père de David, d’où le titre de roi des Juifs[].
Isaïe, 11, 1 et
11, 11 : « Un rameau sortira du tronc d’Isaïe et un rejeton (netzer) naîtra de ses racines. L’esprit
de l’Eternel reposera sur lui… », 4, 2 : « en ce temps-là, le germe de Dieu [le Christ, germe venu de
Dieu, c’est -dire fils de Dieu, plutôt que germe du nouvel Israël] aura de la
magnificence et de la gloire. » et 4 , 4: « Après que le
Seigneur aura lavé les ordures des filles de Sion, et purifié , par le souffle
de la justice et par le souffle de la destruction , Jérusalem du sang qui est au milieu d’elle (le sang
impur des victimes vendues par les marchands du temple nouvellement installés
pour qu’ils rapportent de l’argent aux prêtres), l’Eternel établira sur toute l’étendue de la
montagne de Sion et sur les lieux d‘assemblées, une nuée fumante pendant le
jour et un feu de flammes éclatantes pendant la nuit ; car tout ce qui est
glorieux sera mis à couvert. » La non- réalisation des prodiges attendus,
excepté l’éclipse pendant la crucifixion et le déchirement du voile du temple, explique le cri désespéré du Christ :
« Eloi, eloi, lamma sabachtani ?
Mon dieu, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Les premiers
disciples étaient ainsi probablement des juifs de stricte observance attendant
le retour, à la fin du monde, de Jésus en tant que Messie. Voir, dans Isaïe : 11, 9 sqq., la prophétie de la fin du monde et du retour du
Christ : « la terre sera remplie de la connaissance de l’Eternel…En ce
jour (de fin du monde), le rejeton d’Isaïe sera là comme une bannière pour tous
les peuples. »
Certains musulmans utilisent la 16e station du
chemin de croix, où Simon le lépreux vient en aide à Jésus et porte un moment sa
croix ou, plus exactement, la barre transversale de celle-ci, pour affirmer
qu’il y eut substitution et que le Christ ne fut pas crucifié. Ils rappellent
que la lèpre était souvent confondue avec le vitiligo. A l’appui, ils citent
Jean, 19, 34 : « Un des soldats lui perça le côté avec une lance, et
aussitôt il en sortit du sang et de
l’eau. « Pourquoi de l’eau ? Pour eux, ce serait dû au vitiligo.
Mais Marc ne donne pas ces détails.
Je n’y crois pas. En revanche, le texte original de l’Evangile
de Marc, rédigé en grec par un secrétaire de Pierre, est plus intéressant.
Il s’arrêtait, en effet, en 15, avant ou après le verset 47, sans allusion à la
Résurrection :
« Le soir étant venu, comme c’était la veille du
sabbat, arriva Joseph d’Arimathie, conseiller de distinction qui lui-même
attendait le royaume de Dieu [la fin du monde et le retour du prophète].Il osa
se rendre vers Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate s’étonna qu’il
fût mort si tôt [grâce à la boisson d’extrait d’amandes amères qui lui fut
donnée], fit venir le centenier, et lui demanda s’il était mort depuis
longtemps. S’en étant assuré par le centenier, il donna le corps à Joseph. Et
Joseph, ayant acheté un linceul, descendit Jésus de la croix, l’enveloppa du
linceul, et le déposa dans un tombeau taillé dans le roc. Puis il roula [seul]
une pierre à l’entrée du sépulcre. [Marie
de Magdala et Marie, mère de Jésus, regardaient où on le mettait.] »
Telle est la fin du texte authentique.
Parmi les premiers chrétiens, citons –en deux, et
d’abord l’eunuque anonyme qui était le
trésorier d’une candace (reine) de Nubie (Soudan). Pline, VI, p. 35, rapporte
qu'une femme appelée « candace » et régnant dans l'île de Méroé de la
terre des Éthiopiens envoya son officier auprès de saint Philippe en Samarie.
Il revint en Éthiopie avec le témoignage
de la connaissance du Dieu de l’univers. Cet eunuque s’appelait vraisemblablement quelque chose
comme Philippe, servant de la déesse Parthénoupis , ou Atargatis , pour laquelle il
s’était castré. Il fut baptisé, -comme par hasard, -par un diacre du
nom de Philippe, qui pourrait n’être qu’un dédoublement. Il s’agit du
fondateur des Judéo- Chrétiens d’Ethiopie, que
Israël s’est occupé de rapatrier.
Citons le
deuxième : le grec Pérégrinos,
cher à Nerval et à Henry de Montherlant et dont nous parlent Aulu Gelle et
Lucien, qui fut adepte des ébionites, mais exclu par eux pour avoir mangé de la
viande durant le carême. Il se suicida
en public à Olympie sur un bûcher.
Il partageait le point de vue de Judas exprimé dans l’évangile apocryphe selon
Judas, manuscrit copte trouvé en 1970. Selon ce dernier, « le corps est la
partie matérielle qui habille l’esprit et l’âme intérieure. Lorsque l’esprit
quitte le corps, le corps meurt et cesse d’exister. Pour ceux qui appartiennent
uniquement au royaume humain, c’est aussi bien l’âme qui meurt. Pour qui n’a
pas en lui une étincelle divine, la vie ne se poursuivra pas. Ainsi que le dit
Jésus…, il est impossible de semer du grain sur un rocher et d’en récolter le
fruit. »… … Mais pour ceux qui appartiennent au royaume d’en haut [comme Jésus, Judas, Jacques le frère de Jésus le Messie,
comme dit Flavius Josephe , chef de la
communauté de croyants de Jérusalem et rebelle contre la classe sacerdotale des
prêtres, mort en 70, Peregrinos ,Jean le Baptiste, le diacre Philippe et
l’eunuque de la candace de Méroè], l’âme continue de vivre après la mort et
elle est élevée jusqu’à sa demeure céleste. » (Bart D. Ehrtman, « le
christianisme mis sens dessus dessous : l’Evangile de Judas, une autre
vision » dans L’Evangile de Judas, p.134.
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