vendredi 27 août 2021

Les colons libres ou colons Feillet en Calédonie.

 

Les colons libres ou colons Feillet en Calédonie.

Madame Christiane Douyère –de Meuleneyre qui a fait sa thèse sur les colons libres dit Feillet a fait la seule liste des colons Feillet que je connaisse. Elle a paru dans un Dimanche  Matin de 1998, puis dans  Sagas calédoniennes publié à Nouméa par Dimanche Matin, sous le titre Les 1000 colons  Feillet, p.216-229. La voici sans tous les détails qu’on y trouvera.

La  liste dressée par S. Douyère comprend tous les passagers libres arrivés en Calédonie à l’époque Feuillet, même s’ils ne sont pas des colons, par exemple le pharmacien corse Tomasini (3.01.1897) avec  sa femme, ou bien Jules et Emile Jauneau, avec  femmes et enfants chacun,  partis le 29.01.1999 d’abord comme engagés par le colon  Prévet à  Ouaco avant de devenir colons à Oué Hava près de  mes grands-parents. Il vaudrait mieux parler de colons libres.  Il faut ajouter les colons libres attirés par le gouverneur Pardon, devancier de Feillet, savoir sur Hienghène :  Robert, Berthomier et sur Ponérihouen la famille Lacroix,qui a donné  le plus grand poète calédonien, ainsi que sur Koné Henriot qui était une famille de gauche attirée en Calédonie par un Henriot communard . Il faut ajouter aussi les personnes  qui arrivèrent peu après la fin de l’ère Feillet, comme Pennel installé  à Pouébo, mais qui était venu en Calédonie en tant que directeur du pénitencier de Bourail.

J’ai bien connu Gobalou , le conducteur de la pétrolette des Laborderie qui avait reçu un lot à Hienghène et dont certains « historiens » ont fait un colon Feillet . Il me disait : « Moi pas Français, moi Indien ». C’était un pauvre gosse des Indes monté à bord d’un paquebot lors d’une escale pour le fret et qui, fatigué,  s’ était endormi  dans la soute.  Passager clandestin sans l’avoir voulu, il s’était retrouvé finalement en Calédonie, -une « victime de l’histoire ».en quelque sorte !

 

Afchain, Alibe , Alphonsi, Amiet,, Anquetin, Avelot, Ayraud, Banguil, Bardou, Barrals, Barrols, Bastien , Béalet, , ,Beaulieu, Beauregard, Béghin,, Belguise, Belluscci, Berger, bergès-Casamayor, Bernard, Bétemps, Billard (Couiox-Billaerd), Billiçen, , Blancher, Blandeau, Boguil, Blivet, Bloc 2 frères dont l’un revient en métropole, Bocabarteille, Boldin, Boissay, Boissin Boisson , Bongourd, , bonnard, , Bonnaviat, Bonnome, Boquet-marchand, , Bouchenoire, Boué, Boulet, , Bournoure, Bourlon, Bourrèche,, Bourret,  Bourretière-Guillou, Bousquenoit,Bouthaux, Bouvaist, Bouvier , Bouzereau,  Brangier, Brenet, , Bridon, Broche, Broquet, Browaeys, Brugel, Brun, Brunet,Busot, Caffe (René Cyprien Marie, né le 20 janvier 1901, acte 1 Hienghène,fils de Charles Emmanuel et de Marie Mathieu,  témoin madame Wilson à Tiouandé, propriété à la Vallée du Génie en déshérence), Cantel, Canu, Capdevielle, Capdun, Capolun, , Caritey,  , Carlod, Celery, Cellier, Cerisier, Cez, Chapeau, Charrier, Chollier, Christian, Claisse, Clarisse, claudel,, Clavez, Cochet-Balmey,  Coguelat, Coilard, Colin,, colin debla Cropix, , Collard, Gombaud, Cornet-  Cernaud Cosnier, Cottin, Couderc, Coulomb, courcier, Courrioux, Cousinier, Couvert, Creoizet, Cuvillier, Dagrand,Daguet,   Damas,Daubrossedavid, de aranda,  de Gombert, De Hélouvrier, de Lagenhagen, de Montgrand, Barbiere de préville, , Debée, Decan de Chatouville, Dechavanne, Dehaen, Delage, Delarbre, Delauyère, Delbore, Delécluze, Deloupy, Delpit, Delport, Deluc, Demay, Demortière, Deneuville, Denis, Denos,Deruelle  ,Deschamps, Deshoulières, Dsruisseaux, Destoop,Devillers, Dézuginge , dhérine, dossxat, Doulouze, Drouhard,  Dubois, Duclos, Ducouzon, Duperron, Durand, Duruffet, Dussel, Dutilh, Etienne, Etvant, Even, Faury, Ferand, Féré, Ferniot, Fleuriot, Fleury,  Floricourt, Flory,Foucrier, Fournier ,François,Franzetti, Garridou,

Garrier, Gaston, Gauchet, Gaude,Gaudry, Gausset,

Gauthier,Gautrieu, Gautriot, Gerbet, Germain,Ghillet, Ginguené, Girard, Girold, Giudicelli Paul, colon Feillet installé à Negropo rive gauche, où il rejoint son parent ci-dessous, vend en 1913, 30ha20,

Giudicelli Jean Baptiste, commis de l’administration pénitentiaire, fils de Sébastien Giudicelli et de Marie Carli , tous deux domiciliés à Zonza, né le 10.09.1849 à Zonza.  Marié le 19.03. 1881 à Nouméa avec Eulalie Philomène Meurice Lèques, née le 19.12. 1844 à Ajaccio, veuve de Eugène Mignot, décédé le 3. 03.1874 à Nouméa, fille de Guillaume Lèques et de Lisette Elvira Livietta, morte en 1889 à Nouméa (nom francisé en Elivière Levicte) Piazza.  Cette dernière viendra à Nouméa avec 5 enfants : François, Louis (né en 1890), Eugénie (née en 1854), Joséphine (née en 1840), épouse Rivière, et Eulalie,  épouse Mignot.

Giudicelli Jean Baptiste et son épouse, colon Feillet , 43 ha,Negropo,  vend en 1911

Gobert, Gogelat, Goisavost, Gosselin,Gouibet,Gouge,  Gourdin,Gousset, Grassin (capital 100000francs), parti le28.01 ;1900Grière, Groiset, , Gros, Guérin,Guidicelli Paul, colon Feillet installé à Negropo rive gauche, où il rejoint son parent ci-dessous, vend en 1913, 30ha20,

Guidicelli Joseph, marié à Julie Garnossi. Naissance enfant sans vie à Bourail le 4.06. 1901, Guillaume, Guillemot, Guillermin,Guillote , Guilloux , Guinard (marié à une Lifou, sœur de Madame Lenormand, directrice de la France australe, père d’un enfant, Jean François,  colon à Oubatche ) Guisti, Guitel (Adrien, Henri,né le 26 février 1870 à Maintenon, mort à Nouméa, acte 186,le 13.11. 1904, colon à Poindimié , marié à une Marlier, qui épousera une fois veuve  Paul Bloc dont elle aura 3 filles, l’aînée  s’appelant Adrienne (Mycèle) Guitel, don,t un enfant décédé, ayant pour père le capitaine edt baron  Maxime d’André, Jean-François Guitel)  Guitton, Gustave,Haemmerlin, Haurat, Hautcoeur, Hebert, Heiz, Hennequin, Henry, Herbeaux,Heudelot, Holtzer, Hoquard, Hubin,Hugonard-Roche,  Hugot Mme, Huguet, Jacob, Jacobé de Haut, Jacques,Jacquet,Jamain, Jamin, Janisel, Janvier, Jaouen, Jaquet, Jean Mme, Jeannin, Janselkme,Jouneau,, Jouvent,Kollen, Lachaud Marcel (reste , après son départ de la colonie,  le nom du  creek Lachaud à Sarraméa ), Lacombe et,Mme  Lafargue et Mme , repartis immédiatement, Laforgue,Lagrésille,Lallut,Langerbuch, Lapetite, Laplanche, Laporte, Laret,Laroche,Laurent, Lavoigne, Lawless, Le François, Legoupils, Le Guiner, Le Pochard  Leblanc ;Lechartier M. et Mme, Leclerc, Legrand Lehaussois, Lejeune, Lemière, Lenez, Lenoir,  Léonetti,  Lesaine,  Lescurat, Létard, Letendre, Letocart Léon et Marie,

Lévêque, L’Hôpital, Libaud, Limousin, , Loubatier, Ludeau ,Maclou , Magnin Mahoux, Maillefert, Mainguet, Mazirot, Malassigné, Malherbe,

Malinovski, Mallefond, Manauté,Mansot, Marcelis , Marjery,  Marot, Martin, ,Marx, Massakovski, Mathieu, Mattéria, Maurivard, Maury,

Mayet,, Mazoudier, Mérat, Mérian, Meuret,  Michaud, Michel-Villaz, Michelet, , Michelle, Micholet,Millot, Milot, Mireau, Mitan, Mitride, Moreau, Morin, Mougenot, Moulédous, Moureauy,Moury,  Muston,Neroy Neveu, Nicolas,  Normandin, Novis, Nurdin, Obry, Offret, Olliéric, Oppenheim, Palasca, Panné, Papin, (6000 Francs de capital ),parti le 31/12/1899,  Parent, Pasquier, Passaguin, Paturel, Paul, Peigné, Pelletier,  Pennetrat, Perrault,  Perronnet Persan, Pesnel Arthur , 1846-1904, (Canala, Nakéty) avec un capital de 154000 francs, parti de Loire Atlantique le 1.3.1896, achète ses terres à Freeman et madame,née  Beauregard de Morbihan repartie, avec 3 enfants Berthe (1892-1965, épouse Adrien Féré , puis divorce), Raymond (1884- ?), Madeleine (1885, épouse Charles Jacques)) et Henri (1885 ?Nouvelles –Hébrides ) Petit, Pétrel,  Pia,, Picard  , Pieltant, Pierre, Pierron, Person,Piette,Pineau,Planchenault,,Poincheval,Poircuitte, Pollet,  Poncin, Porcher, Pougnault, Poupard, Pourain, Proust, Prunières, , Quinard,  Rafalli, Raffaitin , Raoul, Ratineaud, Reboul,  Reboulet, Reignier, Renaud, Reverchon, Rigoulet, ,Rime, Rivallin, Rob illard, Roche, Roffidal, Roger, Rolland, Rommeur, Ronsin, Roques, Rosier, Roth, Roumy, Roussel, Routier de Granval, Roux, Royer, Sadoux, Saint-Paul (18.08.96)à Amoa,mari, femme et enfant né  »n 1892, partis le 16.08.1892  pour rejoindre sa famille ? ; Sanders, Sauvageot, Savay, Scorbiac, Sérène, Séruguet, Sigismond, Simon, Sommier, , Sossoz, , Souron, Soury-Lavergne,, Suberviue, Suire, Sundberg, Talbot, Talon, , Tardivel,  Tavernière, , Testard, Testud, Thébaud, Theuret, Thonon,Tixier, Tolmé,  Trornézy, Tortel, Tourniaire,  Trolé, , Troquet, Turgetto, ,Ubin, Vaison,Variganet, Varigot, Veiten, Verger,Vichot, iVgneronb, Vincent, , Vinot, Vitalès, Vivier, Wierth

A quoi correspond la « chrysoprase de Nouvelle-Calédonie » des joailliers métropolitains ?

 

A quoi correspond la « chrysoprase de Nouvelle-Calédonie » des joailliers métropolitains ?

Les joailliers et bijoutiers métropolitains parlent souvent de « chrysoprase de Nouvelle-Calédonie». A quoi correspond cette appellation ? J’avais questionné un « petit mineur » expert,  le défunt sénateur H. Lafleur,  sur cette chrysoprase calédonienne. Il m’avait dit s’être interrogé lui aussi et avoir conclu qu’elle provenait  de l’ île Ouen et qu’il s’agissait en ce cas des plus beaux morceaux de ce que les Calédoniens appellent «  jade de l’île Ouen », même si c’est dans le sud de la grande Terre qu’on trouve également  ce minerai,  de couleur plus claire, avec des traînées blanches.

 Or, le jade est difficile à identifier précisément. Généralement on l’identifie à la jadéite que les Chinois apprécient depuis très longtemps. Mais la néphrite, de moindre valeur et plus tendre,  est aussi appelée jade. La gemmologie est science bien incertaine et les Calédoniens croient souvent que le minerai de l’île Ouen est de la néphrite, donc du jade quand même. Mais  est-ce vrai ?

En Australie, dans le Queensland, existe une mine de chrysoprase, qui est une des plus importantes du monde et qui offre les plus beaux échantillons. Les Australiens parlent aussi de « jade australien », ce qui est aussi inexact que pour le « jade calédonien ». Or, ce minerai est de la chrysoprase, c’est-à-dire une calcédoine colorée en vert par le nickel. On peut la confondre avec la serpentine, minerai de nickel vert dont sont faites la plupart des haches –ostensoirs et des herminettes,bien qu’il ait existé à l’île Ouen une carrière de chrysoprase où puisaient les mélanésiens pour les haches d’apparat . Il existe des serpentines noir foncé, d’autres marron jaune, mais le plus souvent elles sont d’un vert sombre et veiné. Toutes les haches- ostensoirs que j’ai vues, malgré l’appellation  de  jade, de  jadéite, de néphrite (toutes prétendues de l’île Ouen), étaient en réalité de serpentine. Je n’ai jamais vu qu’une seule  hache en chrysoprase. Elle appartenait au chef de l’île Ouen, feu  Jean Wédé , et c’était la plus belle que j’ai jamais vue. Ces haches en chrysoprase sont fort rares.

La seule concession de carrière  qui fut accordée sur le territoire « sous réserve des droits coutumiers antérieurs » se trouve située à l’île Ouen.

La chrysolithe et la chrysoprase  dans l’Antiquité.

La chrysolithe, en grec pierre jaune comme l’or,  désigne d’abord la topaze verte, puis la topaze jaune. Tandis que  l’émeraude n’apparaît qu’avec Néron, le mot chrysoprase,  qui vient du grec prason, poireau, et de  chrysos, (avec des paillettes d’or)  désigne d’abord le péridot avant de désigner la calcédoine verte que nous connaissons aujourd’hui. La calcédoine tire son nom de la ville de Khalkèdôn.  Dans l’Apocalypse (21, 19), le troisième   fondement des murs de la Nouvelle Jérusalem est de calcédoine (notre chrysoprase), le quatrième d’émeraude, le septième de chrysolithe (de topaze verte), le neuvième de topaze (jaune), le dixième  de chrysoprase (de péridot), comme la pierre qui ornait le plastron des prêtres juifs. Pline l’Ancien (37, 77 et 113) fait provenir la chrysoprase des Indes, c’est-à-dire d’un gisement de péridot exploité  au Cachemire, sur la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan Le péridot ou olivine, dont la couleur vert- jaune vient à la fois  du chrome et du nickel, tire son nom de l’arabe farid, pierre précieuse , et les Juifs l’importaient des carrières de l’île volcanique de Zabargad (île de Saint John) dans la mer Rouge, moins éloignée que le Pakistan qui, lui, ne rebuta pas les Grecs et les Romains. Aujourd’hui, on trouve encore  du péridot au Pakistan.

La chrysoprase de nos jours

On  la trouve au Brésil (Minas Gérais), lieu dont viennent la plupart des chrysoprases vendues sur le Net,  ainsi qu’ au Queensland, avec les mines de Candala, connues sous le nom de mines de Marlborough qui doivent ce nom à la ville voisine de Marlborough, à 87 kilomètres au nord-ouest  de Rockhampton. La production à commencé vers 1960 et a dès lors détrôné la production calédonienne. Les propriétés avoisinantes ont été vidées complètement du minerai, si bien que la mine proprement dite est encore pratiquement vierge. Les veines de chrysoprase sont dans une garniérite et contiennent au moins 2, 6% de nickel, d’où leur couleur jaune ou verte selon le taux de nickel. La production calédonienne, elle, est devenue anecdotique. 

Ainsi, la chrysoprase de Calédonie est-elle ce que les Calédoniens appellent à tort le jade de l’île Ouen.

L’origine du tiki maori et l’existence de deux animaux fossiles peu connus du Pacifique et de Nouvelle-Calédonie : le teganpaïk, une sorte d’otarie qui pond des oeufs et qui est vivipare , représenté sur le tiki, et le chevrotain aquatique ou doubé .

  

 L’origine du tiki maori et l’existence de deux animaux fossiles peu connus du Pacifique et de Nouvelle-Calédonie : le teganpaïk, une sorte d’otarie qui pond des oeufs et qui est vivipare  , représenté sur le tiki, et le chevrotain aquatique ou doubé .

  I) L’origine de l’animal fossile représenté sur le  tiki : un mammifère marin mystérieux disparu  , le teganpaïk, présent en Calédonie,   une sorte d’otarie  à long cou, parente de l’ornithorynque, Megalotaria longicollis Heuvelmans 1965.

 

Selon  B. Heuvelmans, dans Sur la piste  des bêtes ignorées, p.133, tome 1, ce mammifère marin   a été entendu pour la première fois en 1801 en Australie.  

 « En juin 1801, le minéralogiste Charles Bailly et ses compagnons de l’expédition de Nicolas Baudin s’enfonçaient dans l’intérieur des terres après avoir donné le nom de leur bâtiment, le Géographe, à la baie de la côte occidentale.  Et soudain les voilà glacés de terreur par un rugissement terrible, plus bruyant qu’un beuglement de taureau, et qui semble sortir des roseaux de la rivière des Cygnes. Terrorisés, nos hommes ne demandent pas leur reste et s’éloignent à toutes jambes. Mais il ne fait pas de doute à leurs yeux qu’une bête aquatique formidable hante le nouveau continent. » Or, dans le nord de la Nouvelle-Calédonie,  Edouard Normandon a raconté avoir  entendu s’élever des marécages de l’embouchure du Diahot l’effrayant rugissement d’un animal, et les Mélanésiens ont confirmé ses dires, tandis que  des métropolitains incrédules se gaussaient et cherchaient à expliquer le phénomène  par le cri d’un lion évadé d’un cirque du temps des Américains ! Le  nom  de ce mammifère marin subsiste dans le nom de la tribu littorale de Touho teganpaïk (de tegan, serpent de mer, et de païk, « long-cou » du type du  héron des récifs (Ardea sacra albolineata). Cela correspond en Australie au katenpaï (métathèse religieuse de tekan-, paï) ou tunatapan (de  tutan, de tukan pan).Terenba en Nouvelle-Calédonie a la même origine : la palatale g devient souvent r.

 Ce mammifère marin (Heuvelmans,  op. cit. p.125, tome 2, et  Peter Costello, dans A la recherche des monstres lacustres,  p. 233) pondrait des œufs mais allaiterait ses petits comme l’ornithorynque et ressemblerait à  une otarie à long cou, avec trois bosses, caractérisée par une crinière blanche, et des rugissements rappelant ceux d’un lion.

Maoris et  Polynésiens  semblent avoir été frappés par  l’allaitement maternel  des petits d’ « otaries » à la surface de la mer, les pores des bosses diffusant le lait  comme des mamelles.

 Rien d’étonnant dès lors si les tiki  (autrefois gravés par trois dans des dents d’otarie aux Touamotou) en gardent le souvenir, car on peut être tenté de  voir dans ces figures inexpliquées que constituent les tikis porte-bonheur de Nouvelle-Zélande la représentation d’un embryon d’otarie à long cou, dans lequel  les Polynésiens voyaient le début de toute vie. Pour eux, le fait,  à partir de  l’œuf  cosmique, de passer à l’allaitement emblématique des vivipares représente l’histoire de la vie,  de  son origine à notre époque. Le mot tiki désigne étymologiquement une statuette, le plus souvent en cire, à but magique et c’est l’adaptation du mot ibère dagus , dagudos qui se retrouve en grec.

2) Le doubé préhistorique .

Dans le bulletin n°63 du premier trimestre 1985 de la Société Historique de Nouvelle-Calédonie, j’avais écrit un article sur l’existence présumée d’un animal pré européen ressemblant à une biche plutôt qu’à un  cerf (sans cornes) en Nouvelle-Calédonie, -mammifère marin en vérité car  à part les roussettes et les hommes,  il n’y a pas de mammifère terrestre en Calédonie. On l’appelait doubé, nom qui a passé tout naturellement au cerf lorsque celui-ci fut introduit par les Européens.

 Or, au cours d’une passionnante émission de la 5 (31 octobre 2019) consacrée à l’histoire de l’évolution (Grand format de la science) ,  dans la lignée évolutive complexe de la baleine, mammifère marin  également , j’ai pu voir, fût-ce très furtivement,  un mammifère aquatique , ou en tout cas semi aquatique,   nageant avec ses pattes comme une chèvre,  appelé chevrotain (et non chevrotin , petit de la chèvre),  ressemblant à une biche et appelé biche ou  biche-cochon (à cause de ses pieds qui ressemblent à ceux du cochon), nom savant Hyemoschus aquaticus , Ogilby ,1841, du grec hys, hyos,  cochon, et moschos , petit d’un animal, gazelle qui donne le musc ,  de l’ordre des Artiodactyla , famille des Tragulidae, seule espèce du genre Hyemoschus.

 Nous apprenons par Wikipedia que son « pelage est lisse, brun rougeâtre (doubè désigne justement cette couleur), avec des rayures et taches blanches longitudinales et il serait aussi impliqué dans la flottabilité. »

 

  Un parent du chevrotain de Calédonie existe encore  dans les forêts côtières de Côte d’ivoire, jusqu’au Liberia aujourd’hui les individus sont rares hors des réserves et même dans les aires protégées. L’habitat est limité aux vallées fluviales, aux zones marécageuses et aux bas fonds de certaines forêts subtropicales africaines de plaine.  C’est une espèce plutôt nocturne,  qui est herbivore et se nourrit de jeunes pousses, de figues, de noix de palmiers, d’arbres à pain, etc., et de bourgeons. Elle mange plus rarement des crustacés. 

 Sa description est la suivante : « D’une taille à l’âge adulte de 60 à 110 cm de longueur totale (dont la queue très courte dépassant rarement 15 cm de long).Le poids varie entre 6 et 17 kg. avec des individus mâles plus légers. En effet ils font en moyenne une dizaine de kg. contre douze pour les femelles. La hauteur au garrot est de 30 à40 cm. Le corps est compact, porté par des pattes fines et élancées ; l’encolure est courte, la tête petite et étroite et les yeux grands. L’animal possède un nez caoutchouteux, avec des narines fendues. Le menton, la gorge et la poitrine sont couverts de poils rudes et marqués d’un « V » inversé blanc. Les canines forment des défenses, assez peu visibles chez les femelles, mais pouvant dépasser les lèvres chez les mâles. Ses pattes non palmées, mais avec des doigts vraiment développés lui permettent une nage asse efficace. »

Il s’agit selon moi d’un fossile vivant et il est dommage que son statut de conservation UICN soit qualifié de préoccupation mineure, ce qui serait dû à un besoin de donnés scientifiques sourcées récentes.

 Est-il possible qu’un parent de ce  chevrotain aquatique africain ait hanté les côtes calédoniennes à date ancienne, comme semble l’indiquer les traditions

mélanésiennes ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les quelque 200 ou 300 tumuli de l‘Ile des Pins et les débuts de l’agriculture préhistorique.

 

      Les quelque 200 ou 300 tumuli de l‘Ile des Pins et les débuts de l’agriculture préhistorique.

1 La  découverte de leur intérêt par le professeur de géologie Paul Avias en 1949.

C’est dans « Contribution à la préhistoire de l’Océanie : les tumuli des plateaux de fer en Nouvelle-Calédonie », Journal de la Société des Océanistes, Tome 5, n°5, 1949, que Paul Avias  attira l’attention sur ces tumuli jusqu’alors méconnus ; sa  description est toujours valable : au centre une colonne de débris calcaires de coquillages, parfois existent au sommet des trous.

 

2 Les diverses hypothèses : origine géologique, origine animale, origine humaine

a) L’origine naturelle

  Les deux hypothèses d’une origine naturelle, géologique ou animale,  des tumuli.

1) En Australie, on a trouvé des stromatolithes, c’est-à-dire des colonnes calcaires fossiles formées par l’activité de bactéries. Pascal Philippot, au CNRS, Institut de physique du globe, Paris, a étudié ces bactéries très nombreuses d’il y a 2,72 milliards d’années, vivant dans des lacs  hypersalés et peu profonds  et capables de se nourrir d’arsenic,  malgré la toxicité de cet élément. Le seul fait d’avoir déposé des détritus de coquillages sur le plateau de l’île des Pins, comme sur l’îlot Koniene, pourrait  avoir stimulé l’activité bactérienne. On pourrait supposer que les courants ou  les vents ont accumulé des terres latéritiques autour de ces colonnes.

Discussion.

Les trous de poteau signalés par Luc Chevalier , au sommet des tertres , incitent, selon moi, à préférer une origine humaine.

2 L’origine animale.

Des  mégapodes pourraient, selon les partisans de cette hypothèse,  être  le  bâtisseur du cylindre et du tumulus.

1Worthy, Trevor H. (2000). "The fossil megapodes (Aves: Megapodiidae) of Fiji with descriptions of a new genus and two new species.". Journal of the Royal Society of New Zealand 30 (4): 337–364. doi:10.1080/03014223.2000.9517627. 

2 ,Worthy, T., Mitri, M., Handley, W., Lee, M., Anderson, A., Sand, C. 2016. Osteology supports a steam-galliform affinity for the giant extinct flightless birds Sylviornis neocaledoniae (Sylviornithidae, Galloanseres). PLOS ONE. doi: 10.1371/journal.pone.0150871

3"Object: Fiji Scrubfowl, Megapodius amissus; holotype". Collections on line. Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa. Retrieved 2012-08-18.

Des spécialistes du Jardin des Plantes ont relié une tradition de l’île des Pins que j’avais rapportée dans le bulletin de la SEHNC , Société d’Etude Historique de la Nouvelle-Calédonie (« Deux oiseaux fossiles de Nouvelle-Calédonie, bulletin n° 29, 2e tr. 1976, savoir un oiseau noir aptère ,le du, et une sorte de dindon) sur un oiseau fossile,   à l’existence d’un grand mégapode présent dans la partie indonésienne de la Nouvelle-Guinée sur l’île Waigeo, localité de Jeimon (Aegypodius brujnii ou talégalle de Bruijin). Celui-ci constitue la seule espèce d’oiseaux qui ne couve pas ses œufs mais, au lieu d’un nid, construit un monticule d’incubation haut de 2 mètres avec toutes sortes de débris,  si bien que, au centre, se forme un cylindre organique sur lequel le mégapode dépose ses œufs et les recouvre de terre. Le mâle porte trois caroncules rouges et une crête noire. Les mégapodes, en voie d’extinction, étaient largement répandus aux Philippines, en Indonésie, en  Australie, aux Fiji,  et existaient   à l’île des Pins, si l’on se fie à  la tradition locale que j’ai rapportée.

  Mais d’autres zoologistes penchent aujourd’hui plutôt pour un rattachement au Mégapode noble de Fiji, Megavitiornois altirostris,  éteint, qui ne pouvait bâtir de telles colonnes et de tels monticules, étant donné la configuration de ses pattes. Il couvait ses œufs comme les poules qui lui sont apparentées. Cette hypothèse semblerait donc  devoir être également rejetée.

 

 

Note sur  le talégalle de Latham en Calédonie,  Megapodius mollistructor Balouet 1989.

On trouve ce talégale   en Australie dans le nord du Queensland et dans la  Nouvelle- Galles du sud jusqu’à Illawara. Or, ce dindon existait à  l’île des Pins et sur la grande Terre. Il y avait été aperçu  par William Anderson (Notes manuscrites) lors du second voyage de Cook  et celui-ci le nomma Tetrao australis, trouvant qu’il ressemblait aux tétras d’Ecosse, précisant qu’il était noir,  sans plumes sur les pattes, à la différence du coq de bruyère ou grouse.  Ce mégapode   fut encore aperçu en 1860 par Verreaux et des Murs qui le décrivent comme un dindon des broussailles (les insulaires de  Morari [Boulari] , au Mont-Dore, l’appelaient ndino). Balouet, qui en a trouvé des ossements fossiles, l’appelle Megapodius mollistructor, nouvelle espèce.

Le Sylviornis neocaledoniae Poplin 1980, dont le statut est très débattu,  pourrait n’en être qu’une variété (Mourer- Chauviré et Balouet, monographie de 2005)

  Il ne faut pas confondre ces dindons de grande taille avec le du des Kounié , une sorte de poule noire aptère Megapodius eremita, analogue à des volatiles voisins aux Salomon (Megapodius eremita, Mégapode mélanésien), au Vanuatu (Megapodius layardi)  et en Papouasie (Megapodius decollatus).

Roheim, Héros phalliques… , p.131, nous apprend qu’un pulapa (danse des hommes) pitjentara correspond au mythe du totem du dindon australien apparenté au Megapodius mollistructor, nouvelle espèce.

 

c) L’origine artificielle

On la trouvera exposée dans l’article de J. Exbroyat : « Les tumuli de l’île des Pins, un système d’irrigation ? », bulletin de la SEHNC  n°146, 1er tr. 2006.

 

4 Mon hypothèse.

a) Les menhirs et pierres à ignames en Nouvelle-Calédonie

La fonction première du menhir : un catalyseur magique de la percée végétative.

James George Frazer, dans Le Rameau d’or,  Balder le Magnifique, Ed. Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .4,   p. 98,  en donne un exemple : « Dans plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de  lin dépendrait de celle des sauts des jeunes gens. » Au Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul (mot signifiant plongeoir),  toujours pratiqué malgré les accidents mortels et consistant  à sauter du point le plus haut, est censé faire pousser les ignames  d’autant plus profondément  que le saut aura été accompli du plus haut plongeoir . En Nouvelle-Calédonie existaient de très précieuse pierres à ignames, sur lesquelles les sorciers  faisaient encore, il n’y a pas si longtemps, leurs  conjurations secrètes pou faire croître celles-ci. Ces pierres à ignames étaient les équivalents en miniature des pierres  pour l’orge, le  sésame ou le blé qu’étaient  les petits menhirs en France.

 Dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, à Arama,   il existe même une quarantaine de petits menhirs dépassant du sol de 60 cm environ : eux aussi, comme les plongeoirs de l’île Pentecôte,  sont censés favoriser magiquement la croissance en profondeur des tubercules  souterrains  des ignames.

Il existe aussi  des sortes de menhirs à Cradji près de  Poya (connu des préhistoriens pour la curieuse  hache préhistorique dite de Poya) et à Païta,où l’on note la présence de  trois tumuli.   On trouve aussi dans la vallée de la Tchamba des tumuli qui présentent,  par rapport à ceux de l’île des Pins ou de Païta,  la particularité d’être clos d’une enceinte de pierres circulaire.

 A  l’île des Pins,  notons les toponymes N’Ga et Gadgi (ces deux derniers  se retrouvant à Païta et e nom de Gadgi évoque celui de Cradji près de Poya).  

Le nom de Gadgi à Païta évoque celui de Cradji près de Poya , et   Cradgi semble  bien être un  nom   de ces monticules préhistoriques  de coquillages  appelés kaizuka au Japon et sambaqui au Brésil.

 D’où viennent les mots gadji ou cradji. ? Ils sont apparentés à l’aïnou kai, coquillage, avec un suffixe  de collectif  ainou en –ki. Au singulier, sans le suffixe de collectif  –ki,  on a la forme N’ga (venant de kai), le pic de 250 m  de l’île des Pins , à rapprocher de  celui de Païta du même nom ,  tous les deux ayant été comparés à un  coquillage pointu.

b) La culture de l’igname, le rôle de la perche à igname ou tuteur .

L’igname a été introduite à partir du Japon par les Aïnous (cf. Avias) ou Djomons. C‘est une plante qui aime la chaleur et peut mesurer jusqu’à 5 mètres au-dessus du sol, aussi est-on en droit de déduire que le tertre et son tuteur devaient originellement mesurer quelque 5 mètres. On réputait que plus la plante croîtrait haut, plus le tubercule souterrain serait gros et long. Mais les tiges sont flexibles et fragiles, si bien quelles doivent être tutorées pour résister au vent. De là les trous, au sommet des buttes, où était plantée une perche dont parle la tradition. La perche était aussi le symbole magique de l’igname.

Nos épis de faîtage au nom symbolique reposaient sur la même croyance que, grâce à ces talismans placés en hauteur   les récoltes croîtraient aussi haut que  ces ornements. L’érection d’un menhir avait ainsi  pour but de mimer analogiquement la pousse  de l’orge ou de

l‘igname,  de la stimuler et de la favoriser par magie imitative. Frazer, op. cit, vol.  III, Esprits des blés et des bois, p. 26,  écrit du « Dionysos de l’arbre » que « son image n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras  », imitant très grossièrement  l’arbre fruitier , ici le cep de vigne, qu’il s’agissait de faire pousser par sympathie. 

 

c) La mort préalable à la renaissance de la semence végétale

Le grand secret des menhirs, ou  la problématique fondamentale de la représentation du blé ancien et du blé nouveau dans les  menhirs  et ses diverses solutions.

Voltaire a raillé ce qu’il appelait l’ignorance botanique du Christ lorsque celui-ci déclare dans Jean  12, 24: « si le grain  de blé qui est  tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Pourtant,  le Christ se faisait là l’écho d’une croyance populaire universelle : le grain ne pouvait germer que s’il mourait d’abord !

Il faut donc que la mort du grain, condition de tout,  soit symbolisée, d’une façon ou d’une autre, dans le menhir qui représente la germination du grain. La solution pratiquée à Göbekli en Turquie (-10000), à Minorque aux Baléares , en Ethiopie, a consisté en l’adjonction au sommet du menhir d’une dalle horizontale figurant le grain mort. Ici, les tas de coquillages morts symbolisent cette  mort préalable et ont contribué à l’édification de la concrétion calcaire en forme de colonne au centre du tertre avant qu’elle ne soit enterrée avec de la terre des proches environs. On peut se demander d’où vient cette étrange idée de la mort précédant la  renaissance ; peut-être est-ce la considération du germe du cocotier, issu d’une noix verte et vivante qui doit se dessécher pour que le germe jaillisse de cette pourriture du coco sec.

 On connaît la solution de Göbekli en Turquie (-10000) ou des Baléares: placer sur le fût du menhir une dalle symbolisant le blé mort. La solution de l’île des Pins semble avoir consisté dans la stèle centrale du tertre, faite de coquillages morts compactés et fermentés grâce à l’action des bactéries.

1 Ilot Koniene cf. Kunie, le nom de l’île des Pins : les deux toponymes signifiant l’île des coquillages morts.

a)Les monticules de coquillages de l’îlot Koniene.

J’emprunte à Max Shekleton (Bulletin de la SEHNC, n°158, 1er tr. 2009, « « Walkabout du 14 juillet 1941, sur l’îlot Koniene en Nouvelle-Calédonie, par Wilfred G. Burchett ») la description suivante :

« Alors que nous traversions l’île vers la côte faisant face au récif, nous avons rencontré des hectares et des hectares de coquilles en tout genre y compris des huîtres, des bénitiers, des conques et bien d’autres coquillages qui me sont inconnus, des monticules entiers formés de masses compactées de ces coquillages. Mon guide [originaire de Lifou] m’indiqua qu’on les trouvait jusqu’à une profondeur de deux mètres. Deux mille tonnes ont déjà été prélevées  pour en faire de la chaux et l’impact sur la ressource est insignifiant ; mon hôte [Jules Calimbre] est convaincu qu’elles représentent des siècles d’accumulation alors que l’île était un lieu de festins pour les indigènes se rendant au récif à marée basse, récupérant les coquillages par pirogues entières et  revenant sur l’île pour un festin et un pilou- pilou… « Mais ce n’était pas seulement un lieu pour festoyer », mon hôte interrompit ainsi mes pensée. «  Venez par ici ! ». Et,  en me retournant, je remarquai un grand banyan. Nous nous en approchâmes lentement, les coquillages s’écrasant en poudre sous nos pas. A l’ombre, sous les racines du banyan, se trouvait une possibilité d’explication horrible pour ces festins.   Des os blanchis y étaient éparpillés et, scrutant la pénombre, je pouvais voir les orbites vides de crânes humains. Lisses, gris et polis, il y en avait à tous les stades de conservation, certains dont les dents étaient intactes. Il y avait des os de bras et de jambes, certains avec des traces de fractures. En certains endroits, les racines et les branches avaient entouré les ossements humains, -bien implantés dans le bois de l’arbre, -laissant supposer que les corps avaient pu être placés sur l’arbre même. « Il y avait des centaines de crânes quand je suis arrivé, mais les Javanais les ont dispersés et jetés. Pas les indigènes. » Le guide de  Lifou  apprend au journaliste  qu’il ne s’agissait pas de cannibalisme, mais de tombes parmi ce cimetière de  coquillages morts .

b) Au Japon dont viennent selon Avias les constructeurs de ces tertres :   des dépôts de coquillages sont n également associés aux tombes.

Chez les Djomons ou Aïnous  du Japon, c’est sous le tumulus que se trouvent les ossements.

On peut d’abord songer aux kanjo dori qui sont des tumuli abritant des sépultures collectives, d’une hauteur allant jusqu’à 5 mètres et d’un diamètre de 30 à 75 mètres ;  le montant de terre est estimé à 300 m² : il a fallu 25 personnes travaillant  pendant 123 jours pour remuer cette terre en provenance du puits funéraire voisin, un homme remuant 1 mètre cube par jour .Ces tumuli sont associés à des dépôts coquilliers du Djomon final. Il y  a 14  kanjo dori  contenant de 1 à 21 puits funéraires à Kiusu près de Chitose.

Au Japon préhistorique,  à Terano– Higashi, on compte 127 dépôts coquilliers (et 804 dans la région entière), nombre qui serait plus proche du nôtre : 200 ou 300 tumuli à l’île des Pins. Il y a 1108 dépôts djomons au Japon: d’autres avancent le chiffre de 4 000 mais en comptant des dépôts de période plus tardive.

 Les archéologues japonais pensent qu’il s’agit au départ de détritus d’ordures qu’on aurait transformés, au fil du temps,  en  tumuli funéraires.  

c) A l’île des Pins, c’est à Vatcha,  qu’on a  trouvé des poteries lapita. Or, ce toponyme évoque le catcha de Lifou, c’est-à-dire ces débris coralliens qui ont donné à Gaitcha (Lifou) son nom,  et il est intéressant de voir associées  poteries lapita (servant comme urnes cinéraires ?) et  débris coquilliers.

 Il faut décomposer les mots Vatcha, Gaitcha ou catcha en un mot signifiant coquillage en langage aïnou, kai, et  un suffixe de collectif  en –ka : on a kaika, puis  Gaitcha.   d) L’évolution de la culture des ignames. 

Les cultivateurs d’ignames s’aperçurent rapidement que, avant la récolte du tubercule et comme indice de sa maturité invisible, la partie aérienne de la plante jaunissait, se flétrissait, c’est-à-dire, en quelque sorte,  mourait. Il pouvait donc être inutile de construire, pour renvoyer à la mort préalable, ces colonnes de coquillages morts. De là l’avènement des pétroglyphes qui sont des menhirs sans le renvoi à la mort préalable, comme les pétroglyphes du pic N’Ga à l’île des Pins.

 

 

 

 

 

Les pétroglyphes de Calédonie et leur signification

 Les  pétroglyphes de Calédonie et leur signification

Bibliographie :

Il y a  l’excellent  CD de Fernand Jammes, malheureusement épuisé, et les ouvrages magistraux  de MONNIN Jean et SAND Christophe, 2002. Kibo, le serment gravé. Pétroglyphes de Nouvelle-Calédonie. Nouméa : Les Cahiers de l’Archéologie en Nouvelle-Calédonie, et de Christophe Sand en 2016 Kibô, Pétroglyphes du pays kanak / Petroglyphs of the Kanak Country

Archeologia Pasifika, Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique (IANCP), 2016

qui,  après celui publié en 1988 par  la SEHNC , de  Buchalsky et Perron ,  Les pétroglyphes , un siècle d’occultation scientifique ,  a dressé un inventaire quasi exhaustif des pétroglyphes calédoniens. D’autre part, C. Haddon a publié  en 1894, The decorative Art of British New Guinea , de plus de 300 pages, avec de nombreuses illustrations,   réimpression numérique de nos jours ,

Mais nous  restons  toujours leur notre faim concernant leur signification.

La surprenante agriculture préhistorique à base d’empierrement ,   la chaleur, les tertres à ignames de l’île des Pins

Voici une technique agricole préhistorique méconnue, utilisée sur des terres latéritiques peu fertiles comme le plateau de l’île des Pins et qui se retrouve aussi bien à l’île de Pâques qu’au Pérou, celle des jardins empierrés .Voici ce qu’en a écrit Jared Diamond à propos de l’île de Pâques et de sa technique des jardins de pierres dans Effondrement ou Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, Paris, 2005, p.  132  : « les zones d’agriculture extensive étaient partiellement recouvertes de pierres placées en surface à proximité les unes des autres afin que les cultures puissent pousser entre les pierres ; d’autres vastes zones furent modifiées par ce qu’on appelle des « mulchs lithiques », c’est-à-dire que l’on ajoutait au sol , sur une profondeur d’environ trente centimètres,  des pierres qui étaient, soit prélevées sur des affleurements rocheux environnants , soit obtenues en creusant jusqu’au substratum rocheux pour briser les roches qui le composaient. ».[On appelle mulch en anglais un paillis, une couche protectrice faite d’éteules  et de déchets de moisson , d’herbes séchées laissées à la surface du sol pour le protéger avant et pendant la mise en culture.]

 «  Dans les fermes du nord-est des Etats-Unis, […] les agriculteurs se donnaient beaucoup de mal pour évacuer les pierres de leurs champs et ils auraient été horrifiés à l’idée d’y apporter délibérément des pierres .On retrouve […] l’agriculture de mulchs lithiques dans de nombreuses parties du globe, comme dans le désert du Néguev en Israël, dans les régions sèches du Pérou, de la Chine, de l’Italie antique et en Nouvelle-Zélande maorie. Les pierres rendent le sol humide en le recouvrant, réduisent l’évaporation d’eau due au soleil et au vent et empêchent la formation à la surface du sol d’une croûte dure qui favorise  le ruissellement des eaux de pluie [en  ne laissant pas l’eau de pluie pénétrer en profondeur]. Les pierres réduisent les fluctuations diurnes dans la température du sol en absorbant la chaleur du soleil au cours de la journée et en l’évacuant pendant la nuit ; elles protègent  le sol contre l’érosion car les gouttes de pluie viennent s’écraser à leur surface ; des pierres sombres sur un sol plus clair réchauffent le sol en absorbant une plus grande quantité de chaleur solaire ; et elles peuvent également servir de pilules fertilisantes à diffusion lente […],  car elles contiennent des minéraux indispensables qui pénètrent progressivement dans le sol .

Des chercheurs américains comme Christopher Sevenson ont expérimenté ce système agricole dans le sud-ouest américain et prouvé que la quantité d’humidité était ainsi doublée et  les températures maximales des sols au cours de la journée abaissées,  tandis que les températures minimales durant  la nuit étaient augmentées ; le rendement  était de quatre à cinquante fois supérieur selon les espèces. »

Au départ, à l’île des Pins, telle fut la technique agricole pratiquée sur le plateau latéritique pour cultiver les ignames. Celles –ci avaient besoin de  chaleur et les pierres la leur procuraient.

b L’évolution de la culture des ignames et l’origine de l’apparition des pétroglyphes en Calédonie, vers -1500 .

Les cultivateurs d’ignames s’aperçurent rapidement que, avant la récolte du tubercule et comme indice de sa maturité invisible, la partie aérienne de la plante jaunissait, se flétrissait, c’est-à-dire, en quelque sorte,  mourait. Il pouvait donc être inutile de construire, pour renvoyer à la mort préalable (voir mon blog sur les quelques 200 ou 300 tumuli..), ces colonnes de coquillages morts. De là l’avènement des pétroglyphes qui sont des menhirs sans le renvoi à la mort préalable, comme les pétroglyphes du pic N’Ga à l’île des Pins.

c) Les figures identifiées, toutes relatives à l’alimentation végétale ou marine.

 L’igname  est symbolisée sur les pétroglyphes par les  hannetons qui sont des parasites du tubercule. Cette référence métonymique et allusive s’explique pour des raisons religieuses apotropaïques.

Les insectes à métamorphose comme les chenilles ou les libellules ,  ou à mue comme les hannetons, les criquets, les charançons ou les sauterelles, qui perdent leur peau, dépouilles ou exuvies, ont un grand rôle à l’époque préhistorique parce qu’ils sont l’objet d’une mort apparente suivie de renaissance..

La chenille de sagoutier et de  bancoulier .

 La chenille de bancoulier calédonienne aujourd’hui est une grosse chenille de couleur blanche ,  très appréciée des aborigènes australiens comme du Sud-est asiatique en général.  Aux dires du préfacier de l’édition française  de Héros phalliques… de Roheim,  les femmes la  détectent avec un flair infaillible. Elle est consommée crue ou à peine grillée, son goût rappelant celui du rôti de porc,  d’être humain ou des œufs frits. Ce sont les larves d’un lépidoptère, Endoxyla leucomochia. En tant qu’aliment  (ce sont pourtant des charançons !), elles sont  les héritières  des vers de sagoutiers de Papouasie, que l’on consomme,  aujourd’hui encore, partout en Asie du sud, parfois aussi sous forme de farine. Le sagou est une farine jaune issue d’un arbre, sagoutier, qui fut longtemps , la nourriture principale à l’époque préhistorique (et comme la poudre râpée au pied du bananier dit d’Egypte ou le fruit de l’arbre à pain).

 Sur les pétroglyphes reproduits par Luc  Chevalier, dans « Nouveaux pétroglyphes du Nord », Etudes Mélanésiennes n° 12-13 de décembre 1959, consultable sur le net,   pour Ouégoa et Tiari,  certains d’entre eux  pourrait être des représentations du totem des  chenilles, à côté d’une croix enveloppée à droite  (les bananiers plantains dits d’Egypte) et de deux cercles concentriques (le germe du cocotier)   A Sarraméa, les chenilles sont encore aujourd’hui très appréciées des Mélanésiens.  

La croix enveloppée est l’emblème du bananier dit d’Egypte, dont on mange cuites  les très grosses bananes appelées encore  plantain ,ou à la Réunion  banane-cochon . L’emblème finira par évoluer en France en …la fleur de lis !

Le fruit du cocotier est symbolisé par des cercles concentriques représentant la noix, la crème et le germe.Le cocotier, nouvellement importé, était très précieux et faisait l’objet de plantations attentives. Le prédateur est parfois représenté : il s’agit du rhinocéros des cocotiers (voir mon blog sur le sujet ). La magie imitative de la gravure  du coco  se rajoutait à la vertu du  menhir et la menace du  rhinocéros  était conjurée

Le riz de montagne, qui existe en Calédonie à l’état naturel, cultivé en terrasses (appelées pirogues à Païta ou tarodières)  est peut-être symbolisé par des feuillages.

Les œufs de seiche sont  représentés par  un ovale avec un trait pour favoriser magiquement la croissance  des seiches. Mais en Bretagne  c’est une autre représentation des capsules des œufs qui a été utilisée, mais qui, faute de compréhension à été appelée le motif de la « hache-charrue ». !

La représentation d’iguanes (caraïbe iguanana), gecko (mot néerlandais , du malais gékok, saurien)  , margouillats ou lézards préhistoriques, très appréciés comme aliments, est aussi fréquente, en particulier un gecko constellé de taches noires apparenté au Hecadactylus oskrobapreinorum qui ne survit qu’aux Petites  Antilles, à Saint-Martin. Cf. aussi le margouillat, Gekko mabouia Moreau de Jonnès, 1818, mabouya désignant un mauvais esprit en Afrique et ayant été altéré en margouillat .

 

Thecadactylus oskrobapreinorum

Description de l'image Thecadactylus oskrobapreinorum - ZooKeys-118-097-g004-c.jpg.

A remarquer que ni les taros ni les oualeï ne semblent représentés sur les pétroglyphes calédoniens.

 Ils doivent être postérieurs à l’ère des pétroglyphes et a         avoir été introduits par les  Polynésiens , à Ouvéa d’abord.

 

 

 

 

 

                                 

 

                   

 

 

 

 

 

Essai sur les énigmes des flèches faîtières calédoniennes.

 

  Essai sur les énigmes des  flèches faîtières calédoniennes.

 

 

Les théories psychologiques primitivistes ont tenté d’expliquer,  par  l’étalement de la face et de la nuque   sur un plan horizontal unique, les formes énigmatiques   des flèches faîtières de Calédonie. Ainsi, Leenhardt, dans Notes d’ethnologie calédonienne, écrivait en 1930 : « j’ai longtemps interrogé pour connaître le détail de ces figures grotesques…La large plaque en bas est le ventre, au-dessus la cravate et le menton, puis les oreilles, le front, la frondeLa large plaque finale d’où s’élève la flèche  représente la nuque [arrière du visage], allongée sur le même plan que la face. C’est, en effet, la vision qui préside au dessin d’enfant où les parties invisibles  [l’arrière du crâne]sont surajoutées sur le plan des parties visibles. » Le pasteur avait utilisé des travaux sur la Papouasie britannique : de là le nom de cassse- tête à bec d’oiseau , impropre pour la Calédonie,  emprunté à Alfred Cort Haddon, The decorative Art of British new Guinea :a study  in Papuan Ethnography, 1894, réimprimé (p. 181, clubs with bird’s  head -and -neck  pattern ) et surtout pour ce qui nous concerne ici  la théorie exposée , p.137 de l’ouvrage de Haddon ,  à propos des dessins « géométriques ».Pour Leenhardt , « il n’y a aucun doute que ces motifs [géométriques] sont dérivés de visages humains  qui ont été comprimés latéralement et développés verticalement en raison des exigences d’un espace restreint et de la difficulté de sculptures plus réalistes sur de telles étroites baguettes (les flèches). »

Eliane Metais résume très honnêtement dans L’art néo-calédonien le problème de cette flèche faîtière  qu’elle qualifie d’emblée de géométrique.  Il s’agit « essentiellement de dessins géométriques en forme de losanges étriqués   : on ne peut en retrouver les éléments, les indigènes réinterprétant  par analogie les figures qui  la constituent, car toute sculpture change d’âme au cours des années… Personne ne peut en donner la traduction… Toutes les suppositions sont possibles, aucune certitude n’est permise, car les porteurs de cette culture ont disparu. »

 Il ne faut pas avoir peur de dire que, même à l’époque de Leenhardt, les insulaires ne pouvaient plus comprendre  cet art dont les modèles dans la nature avaient disparu. Les sculpteurs, en recopiant un modèle, le rectifiaient sans vergogne au nom de la vraisemblance, car ils n’avaient pas vu par eux-mêmes le monstre en cause ; ainsi , ne sachant pas que les  céphalopodes avaient des yeux latéraux , et non frontaux comme les nôtres  (et c’est effectivement  bien étonnant), ils transformèrent les yeux de leur  modèle en oreilles placées de chaque côté de la tête  et rajoutèrent deux yeux au milieu de la face ! L’hypothèse que j’ai exposée en 1982 dans le bulletin n°53, 1er trimestre1982,  de la Société d’Etudes Historiques de Nouvelle-Calédonie (Le symbolisme de la flèche faîtière) se rapportait  à une ré- interprétation moderne de la flèche, comme chez l’écrivain calédonien Jean Mariotti,  tandis que ce qui va suivre tente d’en exposer  le sens originel, grâce aux découvertes récentes de la zoologie marine. Au surplus, le premier schéma  de la  flèche n’a pas obligatoirement été dressé en Calédonie, mais date peut-être d’avant les  migrations qui aboutirent à la Grande Ile.

  Il faut préciser que les motifs des flèches varient dans le temps et dans la géographie et qu’aucune explication ne vaudra pour toutes. Mais, en tout cas, ce qui frappe l’observateur des flèches conservées au musée de Nouméa, c’est une   symétrie binaire,  qui fait songer à une représentation du  règne animal. Je diviserai en trois parties

géographiques  ces mystérieuses représentations : une première partie   représentant le calmar géant, Architeuthis dux, à Bourail par exemple, une   deuxième   représentant le  calmar colossal, Mesonychoteuthis hamiltoni , pour la région de Ponerihouen , de Canala, et de Païta ;  une  3e pour la région de Hienghène et d’Ouvéa (représentation d’un crocodile disparu , Trilophosuchus rackhami Willis).

 

1) Le calmar géant,,  que les caméras d’une équipe scientifique japonaise ont réussi à saisir pour la première fois en 2005 dans le Pacifique Nord, a pu inspirer des représentations : les caractéristiques de celles-ci  sont une sorte de « crinière » de huit tentacules  au-dessus de la tête , deux yeux latéraux et non frontaux qui ont été percés secondairement pour ressembler à des oreilles , mais ce qui le distingue surtout  du calmar colossal  , c’est l’absence des  deux  ventres  rebondis à   peu près égaux en superficie et l’existence d’  un seul ovale ou poche au noir,  très important,   avec un orifice d’expulsion de la sépia ou encre , et au-dessous un arc de cercle figurant la queue .

Photographie d’une flèche de la région de Bourail  dont le nom doit s’interpréter la crinière du poulpe (bou) par opposition à la flèche proprement dite, montrant  six tentacules intacts sur les 8  du calmar géant. Au-dessous des ces 6 tentacules, on voit  les zigzags des deux bras  du calmar géant (tentacules diversifiés au cours de l’évolution, plus longs que les autres)  qui   représentent les rotations de ces fouets  entortillés. Au-dessous de cette ligne  en forme de treillis on peut discerner ce qui est  les nageoires, puis le visage avec les yeux latéraux, (et non frontaux) , le pancréas en arc de cercle, sécrétant la mélanine qui compose la sépia , celle-ci s’accumulant dans l’énorme poche au noir ou ventre , enfin le  début du « glaive » osseux ou « plume » du calmar (l’ « os de seiche ») se prolongeant en un arc de cercle  qui figure la queue du calmar.

 Ci-dessous, photographie des tentacules qui sont représentés dans la « crinière » de la flèche.

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Autre photographie montrant 5 flèches faîtières de la région de Ponérihouen appelées pwa-ma-baï, ce qui signifie le ventre du calmar. La 3e montre 7 tentacules sur les 8,  formant par leurs replis une sorte de treillis plus ou moins losangé, appelé maru.

 

 

 

 

 

La 5e permet de les  comparer à la flèche représentant le calmar colossal avec ses deux ovales caractéristiques.

Les  couleurs du calmar.

Nous allons tenter de vérifier la couleur de ce grand calmar grâce au livre passionnant de Bernard Heuvelmans sur les calmars, Dans le sillage des monstres marins, Le kraken et le poulpe colossal, tome second, p. 298.  Etant rappelé  que ces monstres peuvent mesurer 20 m de long et peser 700 kg, voici ce que le cryptozoologue écrit à propos de la couleur  qu’un observateur antérieur avait décrite comme un manteau d’écarlate    :

« Cette teinte écarlate  est familière à la plupart des calmars d’une taille exceptionnelle.  En réalité,  il est impossible de définir la couleur des céphalopodes, car ceux-ci, grâce au jeu des chromatophores qui garnissent leur peau, en changent avec une facilité surprenante. Ainsi les poulpes, qui, à l’état de repos, sont d’une couleur gris verdâtre, marqués de taches ou de mouchetures rousses, ont le corps parcouru de vagues multicolores quand ils sont excités : toutes les nuances du rouge, du pourpre, du violet et du bleu déferlent sur eux en un éclair et se fixent parfois en des marbrures très contrastées...  Parlant d’un calmar -flèche de la Méditerranée, Jean-Baptiste Vérany écrivait : « Dans l’état de vie, ce céphalopode est d’un blanc livide peu transparent, se nuançant de bleu, de verdâtre et de rose irisé par des reflets argentés…Quand il a perdu toute vitalité, et que le jeu des points chromatophores a cessé, sa couleur est d’un  rouge brique uniforme. » Il n’est pas étonnant que les calmars géants trouvés moribonds sur une plage ou à la surface de la mer, -ou même leurs restes mutilés [par leurs prédateurs, calmars colossaux,  cachalots ou crocodile ont été décrits comme d’un rouge plus ou moins éclatant.  » Les Mélanésiens avaient été dans ce cas et la flèche a pu être peinte en vert ou en rouge, sauf lorsqu’ils voulaient indiquer que le calmar magique de bois était toujours en vie en le peignant en blanc; ainsi, dans la tribu de Méchin,  près de Kouaoua (c’est le nom du calmar), on voyait sur la case du chef un fût circulaire très simple avec une tête (collection preivée),et au sommet  les deux conques de triton qui  étaient accrochées au fût  symbolisant par leurs décorations en forme de stries (maru) les deux  bras du calmar géant . a ceux qui douteraient de la peinture , rappelons que les temples de l’Antiquité étaient peints de couleurs vives et que dans le Morbihan, des traces de polychromie sur les mégalithes  ont été révélées à lumière blanche grâce aux travaux de Philippe Gouézin qui disait : « Pourquoi ,y aurait-il des traces de peinture en Espagne et au Portugal  et pas en Bretagne ? »

 

 

 

La hache dite ostensoir

 

 Le  disque, vert le plus souvent, de ce qu’on appelle hache mais qui est plutôt une main de justice, un sceptre indice du pouvoir suprême, est en principe pourvu de  huit cordelettes , comme il y a 8 tentacules.  On l’appelle, dans la  parlure de Canala  na-kweta, à rapprocher de Nakéty,  na est l’article, et où kweta semble venir de la racine austronésienne kwigwa, calmar (cf. Kouawa),  ou  encore dans d’autres parlures d’un  nom apparenté, bwet  ou i-bwet, ou encore kono , euphémisme signifiant la verte à cause de la couleur de la serpentine, ou encore toki , de tigwo, (cf. le nom de Tiga)  de la même  racine  kwigwa signifiant calmar, littéralement ensemble de tentacules, cf .  le japonais jomon –doki , doki ayant le sens de cordelette et qui est à rapprocher du toponyme  de (Koutio)-Kweta.

 Le nom de la carangue, celui de l’encornet  et celui de la hache- ostensoir  sont identiques dans de nombreux dialectes. Toki, le nom de la carangue (traduction variable de Leenhardt selon ses informateurs ; d’autres fois : mulet)  n’est pas une homonymie ;  s’agit-il de la carangue iridescente , ainsi nommée  à cause de sa couleur rappelant les reflets nacrés  du calmar ? En tout cas, son nom apparaît expressément rapporté à certaines flèches ; mais à mon avis c’est plutôt le poisson –perroquet, Scarus vetula,  une métonymie due au  bec de ce poisson et à l’analogie  entre la sépia et le mucus excrété par les poissons perroquets. Cette matière visqueuse est libérée la nuit et crée  couche protectrice sur le corps du poisson. Un poisson-perroquet, nous dit Wikipedia, met en moyenne 30 minutes pour synthétiser cette couche et pour l’éjecter. Le mucus sécrété ayant  une odeur et un goût nauséabonds, on peut supposer qu’il s’agit d’un mécanisme anti-prédateur comme l’encre noire de la seiche. A noter ce fait surprenant, -s’il est exact,- que le nuage d’encre projeté épouserait, dit-on,  la forme du calmar, pour achever de terroriser l’ennemi.  

La base renflée du manche de la hache ostensoir symbolise la queue du calmar.

Les casse-têtes à bec de calmar géant.

Le nom des  casse-tête dits  à bec d’oiseau renvoie en réalité au bec des calmars,  et ils seraient mieux appelés « casse -têtes à bec de calmar géant   » En langue paici (langue de la région de Ponerihouen) ils sont appelés goporo puwa rawerewa . On reconnaît dans puwa  le nom du  calmar en paici,  qu’il s’agisse d’un calmar géant ou d’un calmar  colossal.

 

2) Les flèches de Canala , Ponerihouen et de Païta représentant le calmar  colossal  à Nakety et à  Koutio-Kweta .

Otto Dempwolff  établit pour la racine austronésienne du nom du calmar la forme kwigwa, qui donne puwa en paîci , à Ponerihouen, na-kweti (Nakéty),  à Canala , kweti en kapone (dialectes du sud , Kouthio -Kwetha ou Kouetha)..

   L’existence du calmar colossal (Mesonychoteuthis hamiltoni)  ,  n’est connue de nous  que depuis 2003.

 

Historique de la découverte néo-zélandaise d’un calmar colossal.

Le 17 septembre 2014,  120 000 personnes  de 180 pays  ont suivi sur le Net  l’autopsie d’un  calmar colossal  (elle a duré 3 h 37), réalisée au Te Papa Tongareva (Muséum d’histoire naturelle de Nouvelle-Zélande) de Wellington.

 En 2003, un bateau de pêche en mer de Ross, près du continent Antarctique,  avait  capturé un  premier spécimen de 150 kilos, une femelle, mais ce spécimen était  très endommagé. En 2007, un palangrier néo-zélandais,  à la recherche de légines australes,  remonte une autre femelle, de 495 kilos, mais aussi en très mauvais état. Elle fut cependant réfrigérée, autopsiée et naturalisée au Musée.  

 

 

 

 

Les plus gros spécimens de calmar colossal peuvent mesurer 10 mètres et peser plus d’une tonne ; ils vivent à des profondeurs de 1000 mètres, là où l’obscurité est permanente et, le plus souvent,  dans les eaux de l’Antarctique. Les chercheurs en connaissaient l’existence grâce aux résidus retrouvés dans l’estomac des cachalots, qui sont  les uniques prédateurs du calmar  colossal. Le calmar colossal  se nourrit de légines antarctiques ou australes (Dissostichus mawsoni),  de  gros poissons  dentus de 2 mètres.

 Enfin, en 2013, une autre femelle, de 350 kilos, faisant 1  mètre de circonférence et 4,2 mètres de longueur,  est remontée, pratiquement intacte cette fois.

« Ce céphalopode a trois cœurs, deux pour le fonctionnement des  branchies et un pour celui du  corps entier, un bec à la mâchoire inférieure dépassant la mandibule supérieure et longue de 5 cm, des tentacules armés de griffes, composés de chitine et dotés de la particularité de pouvoir effectuer des rotations afin d’agripper les proies. Les yeux sont énormes  et situés de chaque côté de la tête [comme sur les flèches faîtières] : ils mesurent 27 cm de diamètre, soit la taille d’une citrouille. Son corps est doté de deux ailerons d’un mètre de long sur un de large, de deux longs bras et de 8 tentacules pourvus  de photophores : ce sont des structures bio luminescentes  situées en bordure de rétine et qui, telles des lampes torches, émettent une lumière suffisante pour éclairer à  100 mètres devant l’animal et pour suppléer à la déficience de la vue bilatérale du calmar. Pour partir en chasse, le calmar place ses bras au-dessus de sa tête. ».

 Ce monstre,- et c’est ce qui nous intéresse, - a inspiré plusieurs formes d’art océanien.

Voici le schéma qu’aujourd’hui les biologistes dressent du calmar colossal (Sciences et  Avenir et sur le Net), évocateur  de certaines flèches faîtières, car on y distingue les deux ovales si mystérieux. Quant aux huit  tentacules, ils sont très rarement représentés par de fines baguettes qui n’ont pas résisté au temps. La « plume » ou glaive  des calmars,

constituée de carbonate de calcium, est l’équivalent de l’ « os de seiche » des plages calédoniennes :   le pseudo- squelette de cet invertébré ressemble d’ailleurs vraiment à une plume.

Le calmar colossal semble avoir été représenté par les sculpteurs la tête et les tentacules vers le bas  et le glaive en haut.

 

 

 

 

  

                                              

 

 

Ailerons latéraux  soudés par-dessus la plume qui se prolonge en flèche  et composant un premier  « ventre »  rebondi, avec au-dessous à droite un  tentacule (il  y en avait un autre à gauche , qui a été complètement cassé) et deux bras de chaque côté avec des guillemets ouverts à gauche et fermés à droite qui symbolisent les crochets des deux bras,  bras bien plus longs que les 8 tentacules ; les deux bras ou plutôt la double série de crochets acérés  qui arment le bout des deux bras  sont représentés ici par des guillemets ouverts et fermés. Les « guillemets » sont appelés maru.  

 

Puis encore un tentacule, le 3e   orienté vers le bas (il y en avait  un  autre, le 4e, à gauche ,  qui a été  cassé ) ;

puis,  la tête du calmar avec les yeux latéraux dont l’un cassé en partie ;

la radula ou langue dentée; 

ensuite la poche au noir défensive du calmar ;  

un 5e  tentacules à gauche et un 6e   à droite dirigés vers le bas;

 le ventre ou poche au noir :un  quadrilatère  avec double trait  encastré dans le pancréas ;

 enfin, ce sont les deux derniers tentacules , le 7e à gauche ,   et  le 8e.  

3) Hienghène et Ouvéa : la représentation d’un crocodile marin ,  Trilophosuchus rackhami Willis1993 :

 

Examinons d’abord  les chambranles,  gardiens de la porte d’entrée  qui défendaient ou ornaient  la case du grand chef de Hienghène. Le  corps du chambranle est orné de dessins en forme de losanges : pour moi, il s’agit là d’une imitation de la peau d’un crocodile avec ses écailles qui s’imbriquent  comme des tuiles. De plus on aperçoit une langue tirée -, la radula râpeuse et pourvue de dents chitineuses du Trilophosuchus rackhami Willis1993 . Trilophosuchus (« crocodile à trois crêtes ou aigrettes »),  est un genre éteint de crocodiles de la sous-famille  des Mekosuchinae, qui a vécu en Australie, où ses fossiles ont été trouvés à Riversleigh, dans le nord-ouest du Queensland.

A-t-on aperçu en Calédonie ce crocodile fossile caractérisé par trois aigrettes et une crinière ?

 

 J’emprunte au livre de J. J. Barloy , Serpent de mer et monstres aquatiques  , 1979, p.215, ce témoignage : le serpent de mer, « … en Nouvelle-Calédonie, est signalé dès 1878 ; un spécimen montre, cette année-là, sa tête et sa crinière aux officiers du navire de guerre français la  Seudre. [Il s’agit peut-être du crocodile avec ses crinières dont les matelots n’en aperçoivent qu’une] .« En 1923, se situent plusieurs observations dont le combat des cachalots avec l’Architeuthis » [Architeuthis dux, calmar géant]. Extrait  des Echos d’Altaïr, article consacré à l’apparition d’un « Grand Serpent de mer » repéré en Nouvelle-Calédonie à plusieurs reprises durant l’année 1923.  « Le 22 novembre  de cette année-là, deux Néo-Calédoniennes [autochtones] se trouvent près de la pointe Abel, quand elles entendent une détonation semblable à un coup de fusil. A 60 mètres de distance, elles aperçoivent un curieux animal de couleur brun acajou avec une sorte de crête sur le dos [le crocodile]. Il pousse un long sifflement et rejette « un jet de fumée, puis une gerbe d’eau [ce qui fait penser à un  cachalot pousuivi par le crocodile]».

« Un gendarme à la  retraite, M.  Millot [ le père de Alexandre Mllot, décédé récemment},  gardien de la quarantaine de l’îlot Freycinet, confirma à son tour  le témoignage de la femme kanak Fels. Voici ce qu’il déclara à  La France Australe : « Le 22 septembre 1923 vers 16 heures, étant dans mon jardin, j’ai vu un jet d’eau dans la direction de la Pointe aux Lantanas. Ce jet me semblait avoir la hauteur de la colline qui domine cette pointe ; puis,  un autre jet,  moins élevé, plus à  l’ouest.Par trois fois, en quelques minutes, il m’a semblé voir plusieurs gros animaux, plus forts que des marsouins ; puis, avec regret, j’avais perdu de vue ces apparitions, quand un bruit sec, formidable, suivi d’un autre,  plus prolongé, me fit reprendre ma veille.  [Le bruit en question était peut-être dû au choc provoqué par l’animal quand il retombait dans l’eau.] Je vis plusieurs « morceaux » plus gros chacun qu’un cachalot, puis une masse noire : la queue présentait un écran de 2 mètres de hauteur sur 3 mètres de large, environ. Le bruit et les apparitions devinrent plus fréquents et plus nets, la couleur noire persistant. L’animal est venu entre Freycinet, l’île aux Chèvres et la presqu’île Ducos. Le plus beau tableau que j’en ai vu représentait trois dômes successifs de plusieurs mètres de haut, qui m’ont paru tenir plus de place que mon habitation. J’en étais à 1500 mètres ; ces trois morceaux me semblaient trois baleines à la suite les unes des autres. Je ne puis rendre plus exactement ce monstre, qui m’a paru plus poisson que serpent. La longueur est difficile à estimer ; les trois parties que j’ai vues,  se touchant presque, mesuraient plus de 20 mètres, et on devinait sous l’eau un prolongement de l’animal (à moins d’admettre une famille à la queue leu- leu). Je n’ai pas vu la tête ; mais à chaque apparition, j’ai entendu ce bruit formidable semblable au barrissement de l’éléphant, suivi du bruit du remous comparable à celui que ferait la chute de nombreuses feuilles de tôle. Il faisait calme plat. »

Il s’agit peut-être du crocodile à trois crêtes, mais l’apparition suivante n’est pas la même, c’est vraisemblablement celle du calmar colossal.

 « A nouveau, le dimanche 30 septembre, le monstre apparut. Cette fois, ce fut à 3 kilomètres du port de Nouméa, entre l’îlot Maître et l’îlot Tabou, que M. et Mme Bailly, accompagnés d’un Kanak nommé Emile, le virent distinctement alors qu’ils allaient pêcher en pétrolette. D’après M. Bailly, l’animal « avait érigé son corps verticalement comme un mât. »

 Parfois,  il y avait deux branches dressées  à la fois, comme la tête et la queue d’un même animal. Ces deux branches s’abattaient en sens contraire, et dans le prolongement l’une de l’autre, avec grand bruit.  Mme Bailly précisa que la créature « jetait fréquemment un jet de fumée. » Extrait du livre du cryptozoologue Bernard Heuvelmans, Le Grand Serpent -de- mer, 1975.Les deux branches dressées pourraient être les deux bras appartenant au calmar colossal qui les dresse ou se dresse lui-même quand il est attaqué peut-être par des cachalots émettant des jets de fumée,  ou qu’il part en chasse

Ce reptile océanique a laissé son nom à  Gosana  (Ouvéa aux Loyauté) : le mot gosana est parent du  nom caraïbe d’un gros lézard,  l’iguana, de govana,  et du goana ou goarge australien. La cordelette est peut-être la représentation de la radula, sorte de langue du crocodile très râpeuse et munie de dents chitineuses en forme de crochets ressemblant à des guillemets. Ce qui surprend sur certains de ces  talés, c’est une sorte de nez en bec d’aigle, très peu mélanésien : en réalité, c’est  le bec du crocodile avec sa mandibule inférieure proéminente, dépassant la mâchoire supérieure  et longue de 5 à 10 cm.

Conclusion : Ce qui précède est un essai, une hypothèse, qui ne se veut aucunement dogmatique, surtout dans l’identification des détails anatomiques, et qui reste ouverte à toutes les corrections. Mais ce qui est certain à mes yeux, c’est le rôle protecteur que ces figures terrifiantes devaient assurer contre les ennemis du chef.