vendredi 29 juin 2018

ESSAI D’EXPLICATION DES TUMULI DE L’ILE DES PINS


ESSAI D’EXPLICATION DES  TUMULI DE L’ILE DES PINS

Origine naturelle
  Les deux hypothèses d’une origine naturelle, géologique ou animale des tumuli.
1) En Australie, on a trouvé des stromatolithes, c’est-à-dire des colonnes calcaires fossiles formées par l’activité de bactéries. Pascal Philippot, au CNRS, Institut de physique du globe, Paris, a étudié ces bactéries , très nombreuses d’il y a 2,72 milliards d’années, vivant dans des lacs  hypersalés et peu profonds  et capables de se nourrir d’arsenic,  malgré la toxicité de cet élément. Le seul fait d’avoir déposé des détritus de coquillages sur le plateau de l’île des Pins, comme sur l’îlot Koniene, pourrait  avoir stimulé l’activité bactérienne. On pourrait supposer que les courants ou  les vents ont accumulé des terres latéritiques autour de ces colonnes.
2) Un  mégapode pourrait, selon ses partisans,  être  le  bâtisseur du cylindre et du tumulus.
1Worthy, Trevor H. (2000). "The fossil megapodes (Aves: Megapodiidae) of Fiji with descriptions of a new genus and two new species.". Journal of the Royal Society of New Zealand 30 (4): 337–364. doi:10.1080/03014223.2000.9517627. 
2 Worthy, T., Mitri, M., Handley, W., Lee, M., Anderson, A., Sand, C. 2016. Osteology supports a steam-galliform affinity for the giant extinct flightless birds Sylviornis neocaledoniae (Sylviornithidae, Galloanseres). PLOS ONE. doi: 10.1371/journal.pone.0150871
3"Object: Fiji Scrubfowl, Megapodius amissus; holotype". Collections on line. Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa. Retrieved 2012-08-18.
Bien que je ne souscrive pas à cette  hypothèse, je tiens à la rappeler : des spécialistes du Jardin des Plantes,- même si d’autres  ont plus tard contesté l’ identification avec ceux d’un mégapode, qu’ils ont faite des ossements, découverts par leurs soins,  ont relié une tradition de l’île des Pins que j’avais rapportée dans le bulletin de la SEHNC , Société d’Etude Historique de la Nouvelle-Calédonie (« Deux oiseaux fossiles de Nouvelle-Calédonie, bulletin n° 29, 2e tr. 1976, savoir : un oiseau noir aptère appelé du et une sorte de dindon)  à l’existence d’un grand mégapode présent dans la partie indonésienne de la Nouvelle-Guinée sur l’île Waigeo, localité de Jeimon (Aegypodius brujnii ou talégalle de Bruijin). Celui-ci constitue la seule espèce d’oiseaux qui ne couve pas ses œufs mais, au lieu d’un nid, construit un monticule d’incubation haut de 2 mètres avec toutes sortes de débris,  si bien que, au centre, se forme un cylindre organique sur lequel le mégapode dépose ses œufs et les recouvre de terre. Le mâle porte trois caroncules rouges et une crête noire. Les mégapodes, en voie d’extinction, étaient largement répandus aux Philippines, en Indonésie, en  Australie, aux Fiji,  et existaient   à l’île des Pins, si l’on se fie à  la tradition locale que j’ai rapportée.
Mais les zoologistes penchent aujourd’hui plutôt pour un rattachement au Mégapode noble de Fiji, Megavitiornois altirostris,  éteint, qui ne pouvait bâtir de telles colonnes et de tels monticules, étant donné la configuration de ses pattes. Il couvait ses œufs comme les poules qui lui sont apparentées. Cette hypothèse semble donc  devoir être également rejetée.
Discussion.
Les trous de poteau signalés par Luc Chevalier, au sommet ou à côté des tertres, incitent, selon moi, à préférer une origine humaine.

L’origine humaine. Citons l’article du docteur  J. Exbroyat :  « Les tumuli de l’île des Pins, un système d’irrigation ? », bulletin de la SEHNC  n°146, 1er tr. 2006.
C’est le professeur de géologie Paul Avias qui, le premier, attira l’attention sur ces tumuli.  On connaît sa théorie des Aïnous comme occupants  de la Calédonie et de l’île des Pins.  
Introduction : Les monticules de coquillages de l’îlot Koniene, en face de Koné. 
J’emprunte à Max Shekleton (Bulletin de la SEHNC, n°158, 1er tr. 2009, « « Walkabout du 14 juillet 1941, sur l’îlot Koniene en Nouvelle-Calédonie, par Wilfred G. Burchett ») la description suivante :
« Alors que nous traversions l’île vers la côte faisant face au récif, nous avons rencontré des hectares et des hectares de coquilles en tout genre y compris des huîtres, des bénitiers, des conques et bien d’autres coquillages qui me sont inconnus, des monticules entiers formés de masses compactées de ces coquillages. Mon guide [originaire de Lifou] m’indiqua qu’on les trouvait jusqu’à une profondeur de deux mètres. Deux mille tonnes ont déjà été prélevées  pour en faire de la chaux et l’impact sur la ressource est insignifiant ; mon hôte [Jules Calimbre] est convaincu qu’elles représentent des siècles d’accumulation alors que l’île était un lieu de festins pour les indigènes se rendant au récif à marée basse, récupérant les coquillages par pirogues entières et  revenant sur l’île pour un festin et un pilou- pilou… « Mais ce n’était pas seulement un lieu pour festoyer », mon hôte interrompit ainsi mes pensée. «  Venez par ici ! ». Et,  en me retournant, je remarquai un grand banyan. Nous nous en approchâmes lentement, les coquillages s’écrasant en poudre sous nos pas. A l’ombre, sous les racines du banyan, se trouvait une possibilité d’explication horrible pour ces festins.   Des os blanchis y étaient éparpillés et, scrutant la pénombre, je pouvais voir les orbites vides de crânes humains. Lisses, gris et polis, il y en avait à tous les stades de conservation, certains dont les dents étaient intactes. Il y avait des os de bras et de jambes, certains avec des traces de fractures. En certains endroits, les racines et les branches avaient entouré les ossements humains, -bien implantés dans le bois de l’arbre, -laissant supposer que les corps avaient pu être placés sur l’arbre même. « Il y avait des centaines de crânes quand je suis arrivé, mais les Javanais les ont dispersés et jetés. Pas les indigènes. » Le guide de  Lifou  apprend au journaliste  qu’il ne s’agissait pas de cannibalisme, mais de tombes.
  Il est gênant que les populations noires appelées Tuas par G. Païta aient ravagé le site gorouna dont les monticules de coquillages compactés  sont le seul  souvenir. En revanche, les squelettes à même le tapis de coquillages ou déposés sur des arbres qui ont poussé par la suite sont récents et sont l’œuvre de ces Tuas.
Au Japon :   les dépôts de coquillages associés aux tombes.
Chez les Djomons du Japon, c’est sous le tumulus que se trouvent les ossements.
On peut songer aux kanjo dori qui sont des sépultures collective, d’une hauteur de 0, 50 à 5 mètres et d’un diamètre de 30 à 75 mètres ;  le montant de terre est estimé à 300 m² : il faudrait 25 personnes travaillant  pendant 123 jours pour remuer cette terre en provenance du puits funéraire voisin, un homme remuant 1 mètre cube par jour .Ces tumuli sont associés à des dépôts coquilliers du Djomon final. Il y  a 14  kanjo dori  contenant de 1 à 21 puits funéraires à Kiusu près de Chitose.
Au Japon préhistorique,  à Terano– Higashi, on compte 127 dépôts coquilliers (et 804 dans la région entière), nombre qui serait plus proche du nôtre : 300 tumuli  à l’île des Pins. Il y a 1108 dépôts djomons au Japon ; d’autres avancent le chiffre de 4 000 mais en comptant des dépôts de période plus tardive .Les archéologues japonais pensent qu’il s’agit au départ de détritus d’ordures qu’on aurait transformés, au fil du temps,  en  tumuli funéraires.  
  A l’île des Pins, c’est à Vatcha,  qu’on a  trouvé des poteries lapita. Or, ce toponyme évoque le catcha de Lifou, c’est-à-dire ces débris coralliens qui ont donné à Gaitcha (Lifou) son nom,  et il est intéressant de voir associées  poteries lapita et  débris coquilliers. Il faut décomposer les mots Vatcha, Gaitcha ou catcha en un mot signifiant coquillage en djomon, kai, et  un suffixe de collectif  en
 –ka : on a kaika, puis  Gaitcha.
L’habitation de l’île des Pins, est construite sur le modèle du catamaran monda aux Indes avec double plancher, c’est-à-dire un plancher à claire-voie qui reproduit  le plancher surélevé où l’on mettait passagers et marchandises à l’abri des embruns, autant que faire se pouvait, et un plancher inférieur, en contact avec la mer dans le cas du catamaran.  Ce type d’habitation  est répété dans le catamaran ou dans le  praoh djomon (aînou), car  pour les Gorounas,  habitation, embarcation et tombe doivent être bâtis sur le même modèle. La pirogue, personnelle,  est sacrée et son propriétaire veut s’y faire enterrer comme le guerrier gaulois dans son char.   C’est le plancher inférieur, en contact avec  la terre dans la  réalité, mais  pour les Gorounas avec la « mer» à travers des coquillages encore vivants offerts en sacrifice, qui  va recevoir le cadavre pour sa putréfaction. Le praoh aïnou (pirogue) devenu tombe  est renversé ou posé verticalement et démâté,  ou bien avec un mât qui s’enfonce dans la terre en signe de mort, l’utilisateur n’en ayant plus l’emploi .
 L’explication des tumuli avec deux trous à leur sommet et de leur cylindre central  de chaux.
Voici le scénario,  tel qu’on peut vraisemblablement le reconstituer pour expliquer les quelque 200 ou 300 tumuli de l’île des Pins :
1) une  maison sur pilotis funéraire est bâtie à l’occasion du décès,  où cohabitent,  pour le  temps du deuil,  les parents du défunt et le cadavre ; la maison a deux planchers à claire-voie  et  le cadavre est mis à pourrir sur le plancher inférieur,  à ras du sol, au-dessous du  second plancher,   avec ,  sur le cadavre   des coquillages encore vivants ;
2) au bout d’un certain temps, une fois les chairs décomposées, les parents  recueillent  le crâne et le squelette, ils les placent dans une jarre lapita pour ce qu’on appelle  une inhumation secondaire. Ils construisent ensuite un mât, sous la maison, avec des blocs de coraux et des coquillages, puis  brûlent à grand feu  l’habitation sur pilotis et les coquillages amassés. Ils édifient  autour du mât, formé de coquillages spathifiés, concassés et compactés, transformés en chaux  sous l’action de la chaleur,  un tumulus qui imite la forme d’une pirogue   renversée. C’est le cylindre de coquillages transformés en chaux qui constitue le mât de la pirogue,  renversée en signe de mort. Ils mettent  la jarre avec les reliques  au pied du tumulus ;
3) plus tard, intervient  la levée de deuil  avec  transport de  l’urne funéraire au bord de la mer, dispersion des restes dans l’océan et bris de la jarre sur la plage ; 
4) éventuellement, un substitut du mort en une matière quelconque :   nacre, argile, pierre etc., le remplace  sous la forme d’une « tête de monnaie » conservée par les parents.
 Si le conservateur du musée de Nouméa Luc Chevalier a trouvé deux pieux de soutien dans l’un  des quatre tumuli éventrés par ses soins,  ce sont des quatre pilotis qui  appartiennent à  une maison mortuaire sur pilotis.
Les tumuli récents, œuvre des Tibawés.
 Les quelque 200 ou 300 tumuli de l’île des Pins ne relèvent peut-être pas tous des mêmes rites funéraires et certains, plus récents, peuvent être l’œuvre, non des Gorounas, mais de leurs premiers successeurs, les  Tibawés, comme l’indique aussi  la présence de pétroglyphes à l’île des Pins sur le pic N’Ga, pétroglyphes qui, selon G. Païta,  sont l’œuvre des Tibawés et non des Gorounas. Les Tibawés , -gorounas métissés,- se sont installés assez souvent dans le voisinage de leurs parents et devanciers, les Gorounas : ainsi ont-ils fait à Koné avec les tribus de Tiaoué et de Cradji ou , sur la côte est , avec celles de Tchamba. On trouve dans la vallée de Tchamba des tumuli qui présentent,  par rapport à ceux de l’île des Pins ou de Païta,  la particularité d’être clos d’une enceinte de pierres circulaire. Les Tibawés avaient occupé aussi l’île des Pins, où les toponymes N’Ga et Gadgi (ces deux derniers se retrouvant à Païta) en témoigneraient selon G. Païta. Il y a d’ailleurs trois tumuli et des menhirs  à Païta.  Le nom de Gadgi évoque celui de Cradji près de Poya.  Cradgi semble  bien être le  nom  tibawé  de ces monticules préhistoriques  de coquillages  appelés kaizuka au Japon et sambaqui au Brésil.
 D’où viennent les mots gadji ou cradji. ? Ils sont apparentés à l’aïnou kai, coquillage, avec un suffixe  de pluriel  ainou en –ki. Au singulier, sans le suffixe de pluriel –ki,  on a la forme N’ga (de kai), le pic de 250 m  de l’île des Pins ou celui de Païta étant comparés à un  coquillage pointu. A noter qu’il existe aussi  des sortes de menhirs à Cradji.
  Un trou figurait aussi au sommet de certains tumuli récents, selon une indication orale recueillie par Luc Chevalier. Ce trou aurait pu servir à  planter au sommet de ces tumuli récents, au demeurant très peu élevés,   une perche ou rame,  aujourd’hui disparue,  dont le bout variait selon le sexe de l’individu ;  c’est ce qu’on retrouve dans les cimetières  ainous actuels observés par Ruffié et  dans les cimetières ouigours fouillés par les archéologues chinois dans le bassin du Tarim et  dans les cimetières  ainous actuels observés par Ruffié
  Au nord du Tibet, dans l’immense désert de Taklamakan , des archéologues chinois ont eu l’étonnement de découvrir une nécropole, avec des momies aux traits européens (ce sont des ouigours ou ibères) aux cheveux châtains et au nez long, datant d’il y a 4 000 ans et enterrés dans des bateaux retournés recouverts de peaux de vache , avec un mât de bois situé à la proue , de 4 mètres de haut et dont la sculpture varie selon le sexe : pour les hommes , le sommet est effilé, symbolisant,selon les archéologues chinois, des phallus,  tandis que , pour les femmes, le sommet serait plat et  peint en noir et rouge, évoquant des vulves. On peut toutefois se demander si le mât renversé des Djomons n’a pas cédé la place, chez les Tibawés, pour les hommes, à la rame  (à la proue du bâtiment) permettant de se diriger  dans les eaux de l’au-delà et pour les femmes à la navette ou la quenouille, attributs de leur sexe que les Chinois n’ont pas compris. O’Connell ; en Micronésie décrit cette habitude en précisant qu’il s’agit de fuseau (spindle) ou de quenouille (distaff). Les couleurs noire et rouge  rappelleraient les maternels et les couleurs blanche et rouge  les paternels.


  D’autre part,  le fondateur de l’hématologie, Jacques Ruffié,  alla observer, en 1978, les derniers Ainous d’Hokkaido, ces parents des Gorounas. Il  note qu’à Nibutani les tombes sont surmontées « d’un curieux poteau de bois dont la partie supérieure sculptée varie avec le sexe du mort ».

mercredi 13 juin 2018

Les enceintes quadrangulaires de Lanneray et les pratiques de l’agriculture gauloise en Eure-et-Loir.



Les enceintes quadrangulaires de Lanneray et les pratiques de l’agriculture gauloise en Eure-et-Loir.



Les champs de Mars  gaulois, dédiés à l’équivalent gaulois de Mars,  Rudiobus ou Rudianos  et les enceintes de Dahmona ,la déesse  correspondant à Cérès.
 La Nasa a publié en 2015 des clichés  de géoglyphes découverts dans les steppes du nord du Kazakhstan en Asie centrale,  qui datent du début de l’âge du fer  en Asie, de –800 par conséquent. Que sont devenus en Europe   ces mystérieux  géoglyphes vus également à Malte où ils sont appelés Carl rut (carl en tokharien, langue indo-européenne, signifie grain d’orge et rut  sillon), ces sillons sacrés pour orge, présents aussi en Sicile, et   qui ont une longueur de  plusieurs kilomètres? On a trouvé en Touraine de très longs  ensembles (plusieurs centaines de mètres en ligne droite) de fossés et de talus multiples, en nombre variable,  c’est-à-dire de sillons, d’une largeur de 8 à 12 mètres, en particulier en Forêt d’Amboise (2 endroits), dans la Forêt Bélier (commune de  Monnaie, dont le nom est une  altération de la déesse gauloise  Dahmona) et dans un bois situé à l’ouest du champ de courses de Chambray. Jean -Mary Couderc ,  l’auteur de l’article qui les mentionne, « Les enceintes quadrangulaires de Touraine », in Acres du 9 ème colloque de l’association française pour l’étude de l ’âge de fer, Châteaudun, 16-19 mai 1985, Editions Errance, Paris, 1989, p.76 , évoque à leur propos le lacis de fossés et de talus devant la porte des fossés de César à  Nouzilly près de Tours et cite son article de 1984 sur le sujet (« Les enceintes en terre de Touraine (II) »,  Bull. Soc. Archéol. de Touraine, XL, p. 735-787, 11 figures, 21 photogr.) Parlant de l’enceinte du Chatelier (commune des Hayes, Loir –et- Cher), il  indique que le sillon «  qui  fait le tour de l’enceinte  continue au lieu de s’arrêter au point de raccordement et forme comme une antenne enserrant le grand talus, puis se subdivise de façon complexe à proximité du chemin. »  Lorsque des archéologues parlent d’antenne, il s’agit souvent du  même phénomène : à l’origine de ces enceintes, il y avait les sillons droits et on a utilisé leur tracé pour constituer un côté d’une deuxième  enceinte.
  Ces enceintes, trop négligées,  sont souvent appelées Camp romain ou Fossé  de César  et elles sont très nombreuses   dans toute l’Europe celtique : Espagne, Allemagne du sud, Lorraine,  Calvados près de Coutances, à Lithaire (le Camp romain , Lithaire venant  de ridh de  Rudiobus tir (terre, cf . latin terra) ial [découvert],  Touraine ,  nord sénonais,  Eure-et-Loir , à Lanneray et dans au moins six autres communes, comme Langey (Raimbourg  , de Rudiabus , et la Mauguinière,métathèse  de Gdahmona).
Bernard Robreau, dans « Les dieux des Carnutes : Mars, Jupiter, Apollon » in Mémoire XXXIV-2, numéro 90, octobre novembre, décembre 1990,  p.  48, s’interroge très justement  : « Ne faudrait-il pas interpréter les viereckeschanzen [en allemand, enceintes à quatre coins,  nom donné en Allemagne du sud à ce type de géoglyphe défini , peut-être top étroitement , comme des « enceintes quadrilatérales à fonction cultuelle de la Tène finale »], nombreux en pays carnute, comme des sanctuaires de campagne dédiés au Mars gaulois ? Cela expliquerait […] leur fréquente association par deux en forêt de Marchenoir, en forêt de Rambouillet (nom dérivé de Rudiobus) ou même à Lanneray dans le Perche dunois. » Et il renvoie pour Lanneray à son étude, B.  Robreau et A. Leroy, « Les deux enceintes quadrilatérales du Bois des Goislardières à Lanneray (Eure-et-Loir) », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique (=Actes du IX è Colloque AFEAF tenu à Châteaudun, en 1985), 1989) ainsi qu’aux articles concernant Marchenoir  dans le Loir- et- Cher, plus exactement Briou et  son lieu-dit Moncelon, et Rambouillet.
Examinons les diverses  enceintes de Lanneray :
1) Les deux enceintes au nord de Lanneray.
A) La première enceinte, la plus  au nord, celle, selon moi  de Rudiobus et de la mort préalable de l’orge ou de quelque autre céréale.
 Le Bois du Chapitre de la carte de Cassini en1760  a repris son nom ancien : il s’appelait  le bois de la Goislardière, attesté en 1609 comme le bois de la Guaschardière, en latin Gouherderia en 1217. Goislardière un nom commun qui se retrouve dans la commune de Langey dans deux  noms  de lieux-dits  (la Pièce de la Goislardière et la Goislardière) et désigne la  jachère, la friche.   Le mot est d’origine gauloise et  vient du gaulois  gascarria , avec influence sur l’initiale du latin vastum , lieu désert,  inculte , vastare, dévaster , où l’on reconnaît  le suffixe gaulois (tir)-iar ou ial [terrain découvert], donnant –ari + morphème a. Gaskarria signifie  débranchage (cf .  gaulois gansk-o, branches) signifie débroussaillage.
Etymologie du gaulois  goislardière dans le bois de la Goislardière et du suffixe gaulois –dière .   
D’où vient le d dans Goilardière? Nous avons Gouaschardière en 1609 qui s’explique aisément à partir du gaulois,  gaskar + suffixe –dière venant par sonorisation du t en d de tir-ialo, dirialo, diaro. La forme latine de 1217, Gouher-deria vient de gous(k)ar  -deria.
Quant à Goualardière en 1650 il s’explique à partir de ga(sk)+ suffixe gaulois –(ia)lo donnant al, gou-al ,  + resuffixation en –ari donnant ar+ diera,   goualardière . La double  suffixation s’explique parce que la première était si bien intégrée au radical gask+al, gaskar,  qu’elle  n’était plus comprise comme telle ;.  On  trouve mentionné ce nom en 1417 dans le registre des fiefs sous la forme La Goislardière, en 1525 dans  la Charte du Chapitre de Chartres sous la forme Les Goaslardières, en 1609 sous la forme La Gouaschardière, en 1650 sous la forme La Gouaslardière, en 1686 sous la forme les Goueslardières .
Etymologies de noms voisins : Gohory, Gohier, Goislard
Le gaulois gauharia signifie  taillis, branches coupées, d’où peut-être le nom de Gohory. Les régions de  Goëlle [prononcer guoual ] et de  Gohelle , de gauhari , cf . pour le finale  le gaulois (tir-) ial ou iar , clairière, et les patronymes de Gohier et de Goislard, qui tous deux désignent au Moyen Age l'habitant de la Goëlle  un  pays du nord de Paris , ainsi qu’une région naturelle du Nord de la France, autour de Lens, qui s'appelle la Gohelle (de là le nom des  Champs –Picard,dans la commune de Châtillon-en-Dunois,  tenus par un Goislard considéré comme un Picard).

La jachère était une friche. Le   mot friche, au sens premier, est employé pour désigner un  endroit qui a subi un gros travail de déforestation, car ces  géoglyphes sont l’aboutissement d’ un processus  complexe de défrichage de la forêt primaire  et de « triple labour » en profondeur ,- dont témoigne le nom d’un  site préhistorique voisin , appelé  Montgasteau  (Saint-Denis –les- Ponts) où gasteau renvoie au mot latin vastum , désert ,  donnant,  avec un suffixe gaulois (tir,cf .  latin terra) –(i)alo  , terrain  découvert, et donnant –ellum , d’où gast-el  et signifiant jachère , au sens premier d’extraction des racines et des branchages, d’adjonction de cendre et de fumier, etc. , étant précisé que , depuis,  la forêt a repoussé et que, comme par hasard , c’est dans des forêts qui furent jadis défrichées que l’on trouve le plus souvent nos mystérieuses buttes ou  sillons .
Un hameau faisant partie  du hameau des Goislardières qui prolonge le bois de la Goislardière s’appelait Barougerie, métathèse de Rudiabus , burudi-aria  + suffixe gaulois en
 –aria indiquant un terrain découvert; et il y avait aussi une ferme dans la même commune de Lanneray,  près du Coudray,  mentionnée comme la Rougerie, attestée en 1618 et  le lieu-dit la Marre en 1396 (du gaulois mar, jument), donc Dahmona  à côté de  la Rongerye  attesté en 1673, de Rudianos + suffixe gaulois (tir)-iar(os), donnant -aria, terrain découvert, avec prolepse du n, rungerie, ce qui suggère deux enceintes.

De même, à Saint-Denis- les- Ponts, près  de l’emplacement actuel de l’église, existait un lieu-dit appelé Barougerie, de Rudiobus, correspondant peut-être à la jachère de Montgasteau .  L’une des enceintes de Montgasteau devait à l’origine porter ce nom de Barougerie.
Notons aussi les Ridrets entre Lanneray et Saint-Pellerin, mentionnés comme Radereium en 1154, de Rudereium, de Rudianos+suffixe gaulois en aro,  rudiaarrei+ um.
La jachère était, selon les croyances de l’époque, le lieu où les graines mouraient pour  pouvoir renaître .Voltaire a raillé ce qu’il appelait l’ignorance botanique du Christ lorsque celui-ci déclare dans Jean  12, 24: « si le grain  de blé qui est  tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Pourtant,  le Christ se faisait là l’écho d’une croyance populaire universelle et millénaire: le grain ne pouvait germer que s’il mourait d’abord !
Il faut donc que la mort du grain, condition de sa renaissance,  soit symbolisée, d’une façon ou d’une autre, pour les prédécesseurs des Gaulois,à côté de  la pierre dressée,  ou, pour les Gaulois eux-mêmes ,  dans son équivalent en  terre  (les crêtes des sillons) qui représente la germination du grain.
Or, le  bois des Goislardières  comprend une  enceinte au nord  très bien étudiée par B. Robreau, d’environ un hectare. Nous pouvons  déduire du nom de goislardière qui signifie en gaulois la friche, la jachère, que cette enceinte nord était dédiée à Rudiobus et à la mort provisoire de l’orge à travers la jachère ou l’assolement triennal où l’orge semblait dormir ,  être mort.. On peut en déduire qu’un  moulin n’était pas loin et, effectivement, nous avons au voisinage la Haloyère.
La   Haloyère est écrit la Haslougère en 1398,   la Hallougère en 1630 et encore prononcé localement la Halogère, de halogersta, littéralement sillon (grec halow, elkos, ôlax et aulax, latin sulcus)  à orge (gère, à rapprocher du vieux haut allemand gersta). Le mot qui signifie sillon  est proche du mot qui signifie meule,  grec aleuron, farine, aleiar, aleô, moudre, arménien aram.  Sirona est la déesse du grain broyé et grillé, mort avant pour renaître. On a peut-être retrouvé à Libouville les deux meules du moulin, la grande portant d’ailleurs  des sillons.  Il y a un  fond de cabane gaulois derrière la Poterie, c’est-à-dire à la Haloyère,  et, la prospection aérienne de A. Lelong ayant détecté la présence d’une ferme « indigène » voisine, on est en droit de penser que les deux enceintes méridionales  ainsi que le moulin étaient le sanctuaire de cette ferme carnute cultivant de l’orge. 

B) La seconde enceinte consacrée à Dahmona, la jument, avatar de Cérès et de Dahmona, et à la renaissance de l’orge.

La déesse gauloise correspondant à la divinité  latine Cérès est  Dahmona ou Dahrmona , de dahm-ona , ona signifiant peut-être divin. 
C’est l ‘équivalent  de Dèmètèr ,  hypocoristique Dèô en grec, + mètèr, la terre –mère, déesse de l’orge germante, où dahm signifie la terre. Le gaulois gdam , gam, ou dahm- , terre,  est à rapprocher du sanskrit ksam , terre, du phrygien gdan (grec chtôn) de l’irlandais du(n) (accusatif don), d’où en grec  le dorienet dans les autres dialectes grecs, de gdâ, le latin humus, l’  avestique zam, le phrygien zémélô , correspondant au grec kamèlos ou khthamalos, le latin humilis.
J’ai insisté sur l’étymologie de Dahmona et de Dâmètèr, parce que dahm  renvoie à la terre, à la glèbe et que  les pièces plus ou moins rectangulaires qui nous occupent sont entourées d’un amoncellement de terre infiniment  plus gros que la crête d’un sillon « normal ».Mon hypothèse est que ce « sillon », au printemps, était planté d’orge ou de quelque autre céréale ainsi que le champ qu’il ceignait. La butte de terre était un talisman, comme le menhir pour les prédécesseurs des Gaulois, car , plus l’orge qui y était planté grandirait haut, plus les céréales plantées dans le champ situé plus bas voudraient l’égaler en hauteur, par imitation magique . Ainsi l’une  des deux enceintes de circulaires était-elle dédiée à  Dahmona et à la culture des céréales.
L’enceinte Sud dédiée à Dahmona et à la mort de l’orge  a  été  appelée localement, comme souvent, le  Camp romain, que  la carte IGN aurait  mal situé.  Mais, selon moi,  il y avait un autre « Camp romain », nous le verrons, là où la carte IGN l’a situé.
Villétain, mentionné en 1586,  est à interpréter comme la ferme (villa) de la Jument sacrée (gaulois eta , correspondant au latin equa, jument , avec un suffixe gaulois de féminin, -ain. Le nom de cette jument, avatar de Cérès ou Dahmona, et la Guignarderie, sont les reliques  de la destination de la seconde enceinte, consacrée  à Dahmona et à la renaissance de l’orge.  
  Ces  noms désignaient, non pas deux  fermes  précises, mais toute la région les environnant.
La Guignarderie , citée en 1417comme  la Guignardière, doit être rapprochée du nom d’un lieu-dit qu’on trouve à Langey,   la Mauguinière , métathèse comme la Guignarderie , de gdahmona, à partir de mogana + suffixe gaulois –(t)er ialo donnant aria .
Quels étaient  les noms des différents éléments de la butte qui entoure les enceintes ?
1) Le mot gouffre  utilisé dans le titre de la Section G1 du cadastre  de Lanneray, dite du Gouffre, ne signifie pas un abîme,  un gouffre au sens usuel (c’est en vain qu’on en  chercherait un).  C’est  un  mot  qui désigne  le sein de la terre, puis une vallée profonde ou le creux derrière un sillon, au pied d’une butte. Il est  parent du  grec kolpos, pli, qui nous a donné en français les mots golfe et gouffre,  du radical indo-européen kswolkw , gonfler, qui donne aussi luk , sillon. La section du Gouffre signifie donc la section du « sillon », du fossé qui entoure  la butte si l’on préfère.
2) Autre problème de lexicographie d’ancien français : le mot araignée, latin aranea, correspondant au grec  phalanx  (commune de Châtillon –en-Dunois, Libouville, vallée de l’Araignée ; araignée désigne, semble-t-il, le billon , la crête au sommet de la butte et par suite la butte elle-même.
3) Château , même localisation  que ci-dessus, n’a rien à voir avec château , du latin castellum, au sens courant , mais  désigne l’ensemble constitué par la butte elle-même et le fossé qui résulte de l’extraction de terre pour la constituer  et vient de l’ibère catella , sillons pour orge .
 H. Leplège dans  Lanneray .Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits. Sa préhistoire, Amicale des Anciens Elèves de l’Ecole de Lanneray, Châteaudun, 1991,  p.  46, écrit à propos du bois des Buttes de Lanneray : « Ce mot butte, naturellement, faisait penser à la présence possible  de tumulus ou d’une autre structure archéologique  A l’endroit de ce champtier, il n’y a plus, depuis un bon nombre d’années, ni bois ni butte, tout est nivelé et en cultures, sans vestige apparent quand le sol est nu. »
En réalité, le nom du  bois des Buttes de la commune de Lanneray  est une altération de (Ru)diobus , nom du dieu gaulois correspondant à Mars .  En latin, Mars est l’héritier d’un archaïque   Mavort-is bien attesté, comme en grec nous avons Arès, en éolien Areus. Ma signifie grand ; quant à awortis , il est issu d’une  métathèse religieuse de arow-dhyos  , arow se retrouvant dans l’éolien areus et dhyos de divos signifiant divin. Le gaulois Rudiobus s’explique aussi par métathèse à partir de arowdhivos (avec dhivos , divin ). En breton,  le  nom du roi Artus ou Arthur ou vient, quant à lui, d’une métathèse de arowth , arthow-s.
Rudiobus ou Mars, le dieu de l’assolement gaulois.
Rudiobus a laissé en ancien français le mot réage ou roiage, de ru(d)iabe . Roiage , selon le Lexique d’ancien français de Godefroy, désigne une pièce de terre isolée des autres par deux [ou quatre ] profonds sillons pour être assolée ou  l’assolement en général. Il s’agissait d’une pièce de terre  identique à la précédente, mais qui restait en jachère,

B) Plusieurs autres enceintes, indépendantes des deux premières,  existent à Lanneray.
1 Une première enceinte,  disparue, mais qu’on peut restituer grâce à son nom, La Monnetière, nom qui vient de Dahmona , se trouvait  au cœur du bourg de Lanneray . A côté,  on a la vallée des Serins, serin étant l’altération du nom de la déesse gauloise  Sirona, à rapprocher des noms du  pain en grec, sitos (venant de sidos, de sei-,  graine, cf .la déesse latine des semailles  Seia , et  de dza, orge, grec zeia ), et du mot silo, seiros chez Varron, 1, 57 ou en grec classique  siros, grange à orge .  Cette enceinte disparue de la Monnetière  était dédiée à Dahmona, à  la vie,  à la renaissance du grain dans le sillon et à l’orge germant.
2) La seconde enceinte, plus au Sud, est  dédiée à Mars-Rudiobus et  appelée  la Friche des Bois de la Butte dans la Section G1 du cadastre de Lanneray, dite du Gouffre. Le mot gouffre désigne le fossé entourant cette enceinte au-dehors de celle-ci. Le mot friche confirme   que ce devait être l’enceinte consacrée à la jachère, à la mort provisoire de l’orge,  donc à Rudiobus. Le nom de Rudiobus se retrouve dans le nom de bois des Buttes, des butte étant l’altération de  (Ru)di(o)bu(s))
 La prospection aérienne a permis  à Alain Lelong  de  dresser en partie le plan de ces deux enceintes : il s’agit, aux « Chemins de la Touche »,  de deux enceintes contiguës, dont l’une est trapézoïdale, non loin probablement d’un site appelé Le Moulin à vent.  A cause des homonymes, je précise que le nom entier du chemin est chemin de Lanneray à la Touche. La Touche veut dire un bosquet, aujourd’hui totalement défriché, et elle  figure dans la section I dite de l’Eglise  et dans la section O dite précisément de la Touche (champtier de la Touche), où se trouve justement  le champtier du Moulin à vent.
Nous rejoignons les conclusions de A. Lelong lorsqu’il écrit, p. 68, dans son article  « Le problème des grandes enceintes du sud de l’Eure-et-Loir », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique, op. cit : « Il s’agit vraisemblablement d’un ensemble agraire ».
 Il y  évoque la présence d’autres  enceintes à Conie -Molitard, à Alluyes, à Neuvy- en- Dunois (Aux  pièces de Raimbert, cf. Rambeuil, de rubial, de Ru (dio) bus + mots gaulois tir ial, terrain découvert), à Villiers- Saint- Orien (Saint-Orien étant la christianisation de Ur(d)ianus, de  Rudianus), à La Chapelle -du Noyer et à Trizay -lès- Bonneval. Notons qu’à Trizay il y a la trace de trois moulins comme à .Conie- Molitard (molitor désignant en latin le meunier d’un moulin à bras).


  Autres enceintes.
A remarquer, dans la section H dite de Touchémont , le nom du  champtier de la Rouzannerie, qui garde  le souvenir de Rudianos, le dieu gaulois, + un suffixe gaulois tir-ialo, terre (tir, cf .latin terra) défrichée, donnant  –aria, -erie, ainsi que le  champ voisin des Rougeaux, de rougel, de Rudi(anos)  + gaulois -ialo, clairière, à rapprocher, par exemple, du nom de Ruillé- sur- Loir près du Mans et d’un lieu dans la commune d’Ymeray avec un menhir, lieu appelé la Mère-aux –cailles ,altération de   mark-(i) alo, la clairière de la Jument sacrée.
Pour tenter de déchiffrer les mystères de ces nombreuses enceintes,  il nous faut étudier quelques données de la toponymie.
Rambouillet, de Rambouil + suffixe diminutif -et, dissimule un  champ de Mars- Rudiobus, de Ru (di) obus +suffixe  gaulois –ialo, du gaulois tir ial, terrain découvert.   Marianne Mulon, Noms de lieux d’Ile- de- France, introduction à la toponymie, Editions Bonneton,Paris,1997, p. 16, indique que le diminutif Rambouillet désignait  un petit Rambeuil, qui est attesté comme fief en 1244 et qui est englobé aujourd’hui dans le territoire de Rambouillet. « L’enfant a dévoré le père ! », conclut avec humour  la philologue.
Comme Rambouillet, il nous faut citer les communes de Ruan , de Rudianos, de   (de Rudiobus, cf .  le bois des Buttes , où l’on trouve la même altération du nom de la divinité), où justement existe un fanum dédié à Rudiobus et fouillé depuis peu, Rueil-la-Gadelière (de Rudiobus) , etc.
Comme A. Lelong, Alain Duval ,  le conservateur du Musée des Antiquités nationales à Saint- Germain-en- Laye,  avait fort bien vu la  destination agraire des enceintes quadrangulaires d’Europe  dans « Monde des morts, monde des vivants : qu’appelle-t-on « sanctuaire » à l’époque de la Tène ? », op.
cit. ,  p. 164. Selon lui,  les trouvailles de Felbach –Schmiden en Allemagne, qui ont révélé des restes d’une statuette en bois interprétée comme celle d’une divinité  et surtout la présence de graines, invitent à considérer certains  enclos, non comme funéraires, mais  comme des sanctuaires des vivants dédiés «  aux semailles, aux richesses » « et s’adresseraient davantage à ceux qui travaillent le sol.  ». Tel pourrait être le cas également, selon moi, des Viereckeschanzen de  Lanneray.
A propos de la statuette de divinité évoquée, on peut supposer que c’était la figuration de  Belena ou Bellona de (ko )balain, à rapprocher du latin  caballus, cheval, du grec kobalos,  + suffixe gaulois de féminin –aïn, la Jument sacrée qui est un avatar de Dahmona.   Or, au Boulay, de (ko) balaïn pour (ko)Belena , la Jument sacrée,  du gaulois   cobalos, cheval, non loin du Bois des Buttes, se trouve un simulacrum de pierre qui peut  être celui de Belena .
Les visages de Belena.
On trouve le même fruste visage :
Valainville (de Belena+suffixe féminisant –aïn  et de villa , ferme, dans la commune de Moléans) , sur la façade de la chapelle ;
- à  Bellenville ,de Belena + suffixe féminisant –aïn et de villa, ferme ,la ferme de Belena , dans la commune de Saint-Denis d’Authou , sur le fronton de la chapelle de Saint- Hilaire- des- Noyers (nouveau nom de  Bellenville) . Dans cette commune existait aussi un manoir de Blainville,  de Belena + suffixe féminisant –aïn+ villa. Près de  la commune de Cormainville,  le  nom de Bal des Dames de Blainville  désigne, nous apprend Albert Sidoisne, dans Bonneval sur le Loir,  p. 59), un « vaste terrain semé de roches aux formes bizarres, parmi lesquelles se trouvent plusieurs polissoirs, dont un dit le Bénitier -du –Diable .


Simulacrum de  Belena au Boulay (Lanneray)   
( cliché de Madame Yvonne Cochard).
  Le grand Boulay est situé près du Petit Boulay , anciennement appelé  Crenne, nom gaulois qui désigne des écuries  et vient de equirina, dérivé de equiria, qui désignait une  course de chevaux rituelle instituée en l’honneur de Mars-Quirinus.
Boulay,   attesté boolai en 1209, même s’il a subi l’attraction de betulacum, , lieu planté de bouleaux  qui donne également  boulaie , vient du gaulois   kobalos avec suffixe féminisant –aïn,  de  (ko) balaïn  , la Jument sacrée,  (ko)bolai. Le nom de la déesse gauloise Belena, de ( ko)balina, jument, se retrouve dans le nom de Bellême ou le nom même de la Beauce , de belsama, toutes les deux.
Ajoutons que le Tchèque  J. Waldhauser a découvert (op. .  cit.,   p.49) un four avec des graines de millet incinérées  dans
l’ enclos de Markvartice en Bohème celtique, le pays des émigrants Boïens de César,  vartice désignant le sillon à céréales en langue celtique , souvent le sillon à orge, ici le sillon à  millet , comme dans un autre enclos appelé Vazice en Tchéquie   (op. cit.,  p. .45) cf.  Varize en Eure-et-Loir.  En grec,  ortux, attesté par Hésychius  avec digamma, vortux,   comparable phonétiquement au  vartice de Bohême, de
wortuk-, confirmé par le sanskrit vartakah, par   le grec  ortugia , ou ôtugia, désigne la caille, c’est-à-dire, étymologiquement,  l’oiseau qui  picore les grains d’orge (orge ,en indo-européen yew- qui   donne en grec ug dans ortugia ) des sillons (vorth). Mark,  dans Markvartice, renvoie  à la Jument sacrée (avatar de Dahmona) chargée de céréales, ici le millet. .