vendredi 10 août 2018

Les mégalithes de Changé (Saint-Piat)



DU NOUVEAU SUR LES MEGAITHES DE CHANGE : ESSAI D’INTERPRETATION DE LEURS FONCTIONS RESPECTIVES  ET DE LEURS NOMS, AINSI QUE DU ROLE DE GARGANTUA EN BEAUCE


Le nom d’un  dolmen de Changé (Saint-Piat), le Berceau, c’est-à-dire selon Littré « le lit des enfants  à la mamelle » et par suite le  lieu où l’on est « né », où l ’existence sociale  a commencé, nous interpelle sur la fonction de certains dolmens,réputés être des maisons pour nains , pour «  korrigans », c’est-à-dire des nains, en Bretagne,des hommes qui ne seront des hommes faits, des « vrais hommes » qu’après leur initiation secrète dans les dolmens . Vérifions si d’autres noms de dolmens en Eure-et-Loir  confirment notre interprétation du dolmen comme lieu d’initiation, étant précisé qu’après l’ère néolithique, à l’âge de bronze, une époque où l’initiation n’était plus pratiquée ,  le mégalithe  a pu être réutilisé comme sépulcre .
Illustration éventuelle du dolmen du Berceau.  
Les noms de certains  dolmens
1 Le nom de La puce qui renifle  à   Fontenay –sur- Conie,   vient , avec changement de genre par incompréhension, de puticellus, le pucel, le jeune garçon de moins de 17 ans,  qui pleure par peur avant de subir la terrifiante initiation  et ce nom constitue une référence à la vocation des dolmens : l’initiation  des jeunes gens. 
2 Le nom du  dolmen du Corbeau, près de Doué-la-Fontaine, commune de Louresse -Rochemenier, dans le Maine -et-  Loire ; est de même nature. Il vient d’un radical apparenté au  grec  kouros, adolescent , de korv_os, correspondant en latin au  diminutif corb-ellus, petit jeune homme. On retrouve le même nom dans l’Odyssée, XII, 407,  la pierre du « corbeau », korakos lithos, adjectif à rattacher à kouros, jeune homme, le dolmen des jeunes gens : c’est le plus ancien nom de   dolmen que nous connaissions grâce à Homère.
 3 Le nom du Puy aux Ladres est intéressant parce qu’il révèle le souvenir que ce type de monument s’adressait à des jeunes qui n’étaient pas encore initiés. Ce nom est, en effet, l’altération de puy (podium, au sens de tribune, estrade,lieu d’ apparition en public ) aux jadres (du latin juniores, garçons trop jeunes, candidats à l’initiation, cf le nom , en ancien français, de gindre, le plus jeune ouvrier boulanger qui pétrit la pâte). Il est celui d’un dolmen à Bonneval.
Dans la commune de Châtillon –en- Dunois subsiste, christianisé, le nom de Saint -Ladres (au pluriel) qui fait référence à un dolmen disparu
La fonction primitive de ces  dolmens : des lieux d’initiation à la date du solstice d’hiver comme les autres dolmens, et non des tombes collectives pour les chefs.
Le dolmen immergé de la Conie ne saurait avoir été un lieu d’inhumation , ni individuelle,  ni collective, puisqu’il est inondable. Il ne  pouvait naturellement pas  être enterré et ne possédait donc pas de tumulus, qu’il s’agisse de terre formant tertre ou de cailloux comme dans le cas des cairns  On peut supposer que le sol y avait été surhaussé, de façon à obliger les néophytes à se baisser en n’ayant que la tête hors de l’eau, leur  tête étant prise entre l’eau et la face inférieure de la dalle de couverture du dolmen. La date des fêtes nous est livrée par le nom  des nombreux dolmens appelés  Jolimont dans le nord de la France, composé de -mont,  du francique mound, ensemble de pierres,  et de Joli, du scandinave jôl, nouvelle année, solstice d’hiver du 21 décembre avec  les débordements qui l’accompagnaient.
La «  hauteur sous plafond » du dolmen immergé de la Conie, à Péronville, appelé   la pierre Saint-Marc.
Max Gilbert , dans Pierres mégalithiques (menhirs et dolmens) en Normandie, Guernsey Press, Guernesey,  1956, p 144),  fait  remarquer que l’entrée des dolmens normands est trop petite pour permettre le passage aisé d’un homme :  « Sous les dolmens de Martinvast et de Flamantville , [à supposer aux dolmens une fonction d’inhumation, ce que ne fait d’ailleurs pas Max  Gilbert ] on ne pourrait mettre qu’un homme enterré assis ou les jambes pliées […] Pour le   dolmen de Mortain,  seul un lapin pourrait maintenant se glisser sous la dalle inférieure ; sous les dolmens de la Grandière à Joué- les- Bois et du Faldouet à Jersey, un homme pourrait se tenir debout en inclinant la tête, mais ne pourrait y évoluer ni y vivre. Dans la plupart des allées couvertes, un enfant ne pourrait pas se tenir debout, mais seulement entrer à genoux ». Ainsi, il s’agissait  de contraindre  les candidats à l’initiation  à se baisser et à marcher à quatre pattes comme des bébés.

Penchons-nous maintenant sur les menhirs en général avant d’examiner le nom de celui de Changé, le But de Gargantua.
Illustration : le menhir du But de Gargantua.
A quelle intention , d’abord, répondaient  les menhirs? La fonction première du menhir : c’est un catalyseur magique de la percée végétative.
James George Frazer, dans Le Rameau d’or,  Balder le Magnifique, Ed. Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .4,   p. 98, donne cet exemple : « Dans plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de  lin dépendrait de celle des sauts des jeunes gens. » A Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul (mot qui signifie plongeoir, -une corde à grande  hauteur ),  qui est toujours pratiqué malgré les accidents mortels et qui consiste  à sauter du point le plus haut, est censé faire pousser les tubercules des ignames  d’autant plus profondément  que le saut aura été accompli du plongeoir le plus haut. En Nouvelle-Calédonie existaient aussi  de précieuse pierres à ignames , sur lesquelles les sorciers canaques faisaient leurs  conjurations secrètes. Ces pierres à ignames étaient les équivalents en miniature de ces  pierres  pour les céréales : orge, blé,  seigle ou sésame qu’étaient  les menhirs. Dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, à Arama,   il existe  une quarantaine de petits menhirs dépassant du sol de 60 cm environ : ils sont censés favoriser magiquement la croissance  des cocotiers.  
  On retrouve en France des  restes analogues  de cette  superstition.  Nos épis de faîtage au nom symbolique reposaient sur la même croyance que, grâce à ces talismans placés en hauteur   les récoltes croîtraient aussi haut que  ces ornements. L’érection d’un menhir avait ainsi  pour but de mimer analogiquement la pousse  de l’orge ou de quelque  autre céréale,  de la stimuler et de la favoriser par magie imitative. Frazer, op. cit, vol.  III, Esprits des blés et des bois, p. 26,  écrit du « Dionysos de l’arbre » que « son image n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras  », imitant très grossièrement  l’arbre fruitier , ici le cep de vigne, qu’il s’agissait de faire pousser par sympathie. 
Le nom des menhirs est d’ailleurs révélateur de cette  destination de fécondité agraire. Ainsi, grâce à  l’auteur latin  d’un Traité d’agriculture, Res rusticae (I, 48,3).   Varron au Ier siècle avant  J.- C, nous avons conservé le nom non latin , indéclinable, de l’épi sans sa balle,   frit. La Pierre Frite, avec ou sans  le suffixe –ske  marquant le commencement, était  la pierre en forme d’épi naissant, et elle a donné en Eure-et-Loir :
-les noms de  la Pierre –Xi--Frite (Xi ,  de axis,  pieu , et de  frit , soit la pierre- pieu en forme d’épi),  nom d’un  menhir ,  transféré par la suite à un dolmen de Boulay- Thierry près de Nogent-le-Roi ;  
-ainsi que  Saint -Jean- Pierre- Fixte (métathèse de  fit-ske, fikste)  près de Nogent-le-Rotrou ;
- la  Pierre Fiche, de  fit + suffixe -ske à Alluyes. Ailleurs, on  a  la Pierre Fite, Peyrefitte. On trouve aussi ce mot en Alsace dans le nom du  menhir de Breitstein, de frit -stone, la pierre -épi, ou en Moselle,  à Marty,   dans  le nom de Frescaty, de frit-sk, -aty provenant du  suffixe de ressemblance basque  ada, –eida ou –eita, soit la pierre qui ressemble à une pointe d’ épi .Nous avons le même nom à Toulouse, à l’hôtel Assézat (Musée Saint- Raymond) , avec  le menhir de Frescaty qui  y a été transféré depuis Lacaune.
 Songeons aussi  au nom de  l’Afrique (le latin Africa  désigne la seule Tunisie actuelle, qui est précisément une région riche  en mégalithes), de fritsk-a, avec coup de glotte initial rendu par un a. Le nom est christianisé   au masculin   à Saint- Affrique  près de Millau,  ou encore à  Saint-Affrique -du- Causse à Gabriac dans l’Aveyron, et, dans le Tarn, à Saint-Affrique –les- Montagnes. Pour la Corse, il n’est que d’invoquer le site préhistorique de Filitosa (du collectif  ibèro-basque  frit-oda, les pierres qui ressemblent à des épis), nom qui donne aussi  Frileuse en Eure-et-Loir, dans la commune de  Péronville ou dans celle  d’Orgères-en-Beauce ;   pour la Sardaigne, Filigosa , de fri(ts)k -oda; pour la Corse encore, la   Petra Frisgada (de frit- sk-ada) , la pierre qui ressemble à une pointe
d’ épi, dans la commune de Cambia ; pour les Pays-Bas,  le toponyme de  Frisia (de frit-sk-ia),ou Frise .Dans l’Antiquité,  le nom de la  Phrygie, de frit-skya en a gardé le souvenir.
  Mais les menhirs peuvent aussi porter fréquemment un nom de  mesure de capacité du grain, car  ces noms de mesure de capacité du grain de semence, précédés ou non de grand,  ont été souvent attribués aux menhirs pour l’abondante  récolte qu’on  escomptait de leur efficacité  magique: ce sont le grand Muid, du latin  modius, un boisseau plus grand, que le boisseau ordinaire,   à Villiers- Saint -Orien, le Boisseau (petit menhir du près de Ver- lès- Chartres),  le grand et le petit Bussard (au sens de tonneau,  - deux menhirs disparus à Saint-Denis- les- Ponts), la  Bure, au   sens d’aiguière à col allongé, nom de menhir  transféré à un dolmen de Corancez  ;et , comme pour le menhir de Changé ,  bot qui désigne grosse barrique à sommet plat utilisée  pour le  vin , avec ajout explicatif , pour insister sur sa taille , du nom du géant Gargantua .
Ce nom bot n’étant plus compris est altéré en but ou en quille, puis, à cause de l’homonymie avec bot au sens de crapaud, en  pierre aux bouts (au sens de crapauds), puis en pierre aux grenouilles à Alluyes  ou encore en La  Grenouille ou La  Grenouillère comme à Changé. Tel est le secret du nom du menhir de Changé, le But de Gargantua.
Du nouveau sur l’évolution historique de la forme des  menhirs grâce aux fouilles de l’archéologueallemand  Klaus Schmidt à Göbekli en Turquie et à son livre,  Le premier temple (2015).
De 1995  à sa mort en 2014,  l’Allemand Klaus Schmidt  a exécuté les fouilles de Göbek-li en Turquie et il a fourni  le récit de ses recherches dans Le premier temple, CNRS Editions, Paris, 2015, 420 pages et illustrations. Il s’agit , selon lui ,du  plus ancien temple de l’humanité, et il le date d’il y a  -12000 ans,soit 7000 ans avant les Pyramides, 5000 ans  avant les menhirs de Carnac ; pour nous, c’est l’apparition, il y a quelque douze  mille ans,  de curieux menhirs en marteau ,   taillés dans un seul bloc de calcaire blanc lissé , avec  à leur sommet une dalle horizontale dépassant des deux côtés  que nous retrouverons aux Baléares, mais les menhirs de Minorque appelés taulas (stèles , du latin stipula , tige du blé ) sont taillés en deux blocs séparés cette fois.
 Illustration : carte postale d’un menhir en marteau à Minorque.
Que signifie ce linteau au sommet du menhir ? Il symbolise le grain mort et enterré , condition nécessaire de sa renaissance pour ces premiers agriculteurs. 
Le grand secret des menhirs, ou  la problématique fondamentale de la représentation du blé ancien et du blé nouveau dans les  menhirs : la dalle au sommet.  
Voltaire a raillé ce qu’il appelait l’ignorance botanique du Christ lorsque celui-ci déclare dans Jean  12, 24: « si le grain  de blé qui est  tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ».Le Christ se faisait là l’écho d’une croyance populaire universelle et millénaire: le grain ne pouvait germer que s’il mourait d’abord !
Il faut donc que la mort du grain, condition de tout,  soit à l’origine symbolisée, d’une façon ou d’une autre, dans le menhir qui représente la germination du grain .
Il nous reste  à examiner le prétendu « dolmen »  de Changé nommé la Grenouillère.
Illustration : la Grenouillère.
Première question : est-ce bien un dolmen ?
Un peu de  lexicographie : menhir, dolmen, demi- dolmen, trilithe ou lichaven .
Dans son Dictionnaire (1846 -1872), Littré définit le dolmen comme  un « monument formé d’une grande pierre plate posée sur deux pierres dressées verticalement, qu’on attribue aux premiers habitants de la Gaule » et il définit le lichaven (de ven, pierre en breton, et de licha, trois) comme un « monument celtique formé de trois pierres, l’une plate superposée sur les deux autres qui lui servent de support. »
 A partir de la première définition, le demi- dolmen est   défini comme un « dolmen  dont la table repose à terre par l'une de ses extrémités ».Le prétendu « dolmen »  de Changé serait donc , selon Littré, un demi-dolmen.
Ces définitions sont pourtant trop floues pour être d’usage scientifique et il vaut mieux se servir de termes purement  descriptifs comme dilithe (deux pierres) ou trilithes (ou,  en breton, lichavens, trois pierres )  pour désigner ces mégalithes .
  Le cas,  fréquent dans le Centre, des   dilithes  appelés  palets de Gargantua.
Ces dilithes sont formés de deux pierres,  dont l’une est d’origine  inclinée , représentant  l’orge penchée sous le poids des épis ou plutôt des grains d’escourgeon ou d’engrain (parfois figurés,  comme dans  la taula de Taliti   à Minorque aux Baléares , par une pierre ronde figurant un grain énorme d’engrain qu’on pourrait prendre pour une simple cale ) et qui  s’appuie lourdement sur la dalle horizontale .
Illustration : Carte postale de Taliti, un trilithe.
Les « palets de Gargantua » du Centre sont composés de deux dalles seulement (la 3e dalle symbolisant la mort du grain a disparu , signe d’évolution des croyances) : l’une , inclinée , représente  l’orge penchée sous le poids des épis ou plutôt des tiges porteuses de  grains d’engrain ou d’escourgeon , et  repose sur l’autre restée plus ou moins droite , comme sur la photo ci-dessous du «  palet de  Gargantua » de  Chamizay en Indre -et- Loire.  
Image illustrative de l'article Palets de Gargantua 
Le « palet de  Gargantua » à Chamizay en Indre -et- Loir.
De même, le dilithe de Torcé-en-Vallée, dans la Sarthe, également appelé « Palet de Gargantua.
La magie imitative explique ce nouvel arrangement : en représentant des tiges de blé ployées sous le poids des épis, on croyait augmenter les probabilités d’une récolte abondante.
Je citerai encore, à Nottonville , un mégalithe appelé  Palet de Gargantua
 Illustration : le mégalithe de Nottonville
 
et deux autres dans la région de Bonneval, l’un  près d’Alluyes,le « Palet de Gargantua » , et  un autre près de Dangeau (la pierre dite du Breuil).  

Le cas rare et archaïque des trilithes.
A ma connaissance, on trouve aujourd’hui trois  trilithes bien conservés  d’un  type archaïque, voisin du type avec les deux pieds droits  qu’on retrouve aussi à Minorque (Taula Truncada, altération du latin trutina,+-ada, suffixe de ressemblance, qui ressemble à une balance,  le menhir à deux pieds étant comparé à une balance à deux plateaux)  : à Saint –Nazaire en Loire Atlantique, dans le  voisinage à Saint-André- des- Eaux et  à Brantôme en Dordogne. Ce dernier a nom la Peyre Levade,  appellation intéressante, car levade vient , non pas du latin  levata, (pierre)suspendue, levée, mais du grec labis,marteau, + suffixe en -ada, qui ressemble à un marteau. Ce nom confirme la parenté avec les menhirs en marteau de Göbekli et de Minorque.
 Les deux pieds du menhir symbolisent les deux pousses de céréales souhaitées. 
Cartes postales de la taula Truncada à Minorque, de  Saint-Nazaire en Loire Atlantique,  et de Brantôme, en Dordogne.


 Un mégalithe composé de trois pierres, dont la dalle supérieure s’est effondrée au fil des millénaires , comme celui de Changé appelé la Grenouillère, est  un trilithe,  les deux pierres  de soutien représentent les deux pousses souhaitées d’orge et où la pierre oblique était horizontale à l’origine et représentait la mort du grain préalablement à sa renaissance.
LES « PALETS DE GARGANTUA » d’EURE-ET-LOIR ET DU CENTRE, OU LES  TRACES D’UNE TRES ANCIENNE DIVINITE, GARGANTUA, AVATAR DE LA GRAND-JUMENT SACREE.
  Nous connaissons Gargantua à travers l’œuvre de  François Rabelais, le protégé de Guillaume du Bellay, sieur de Langey en Eure- et Loir, où existe encore une maison dite de Rabelais à cause du médaillon tardif dont elle est ornée, mais Rabelais  n’est pas le créateur du nom du  personnage, car , en août  1532, à Lyon,  avaient déjà paru anonymement les Grandes et inestimables cronicques du grant et énorme géant Gargantua, republiées en 1988 dans Chroniques gargantuines,  où le géant était  rattaché à la légende celtique  du roi Arthur , de Merlin et de la reine Guenièvre.
Un peu de mythologie classique d’abord  :  Démèter en grec ou Cérès en latin,  sa fille Perséphone en grec ou Proserpine en latin  et la Grand- Jument blanche (qui est l’avatar de l’une ou l’autre de ces deux  déesses).
 A en croire la tradition,  Mars, en grec  Arès, poursuivit Cérès, Dèmètèr en grec,  de ses importunités. Celle-ci se métamorphosa en une grande jument blanche pour lui échapper,delà vendrait son nom phrygien : la mère –jument , de davamètèr,dava-, da-, de l’indo-européen  gzwha , donnant en phrygien gdaa, puis daa,enfin dè-,  cf  latin  caballa, jument , et grec kobalos ; mais Mars se transforma de son côté en cheval de labour   et il  naquit de cette union deux enfants à l’aspect , l’un  de pouliche  , l’autre de poulain :
-une fille  dont il était interdit de prononcer  le nom  véritable  et qu’on appelait seulement la Jeune Fille, la Dame ou la Maîtresse, savoir l’épouse  du dieu des morts ,   Perséphone (ce nom, venant  de Phorkus –éponè  et  signifiant  la jument, étrusque éponè, d’Orcus,  ou Phorkos,  le dieu des enfers   ;
-et un fils nommé Aréion qui tire son  nom de son père Arès (Mars en latin).
Toutefois,  l’engloutissement du sanctuaire  de la Jument, Gebelg- ol Bahar,gebelg-ol venant de kebelk-ol, jument,cf .latin cavalc-a,   à deux kilomètres  de l’île de Malte, près de  l’île de Gozo,  ayant été interprété comme une   manifestation  du mécontentement de Neptune, en grec  Poseidon, le dieu de la mer et des tsunamis, amena à modifier cette croyance : on retira à Mars  la paternité d’Aréion et de Perséphone  pour en faire honneur à Neptune-Poseidon , dans l’espoir de l’apaiser et on interdit de surcroît de prononcer le nom de la fille de Mars, en se contentant de l’appeler  Perséphone.
  Cet engloutissement  témoigne de la montée des eaux et du recul de la côte  lors du dernier maximum glaciaire, à la fin du pléistocène, vers 9350, à 200 années près, av. J. C. Il est contemporain de la submersion  de l’île de Pantelleria Vecchia, à 60 kilomètres au large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un menhir de 12 mètres de haut, l’un des  pus anciens qu’on ait pu dater, datant de 9350, à 200 années près, av. J.-C.
L’historien grec du VIe siècle Hérodote (IV, 94)   nous a conservé  le nom d’une déesse appelée Gebeleïdzis, au nom parent de Göbekli en Turquie et de  Gebelg-ol  sur l’îlot englouti près de Malte, tous ces noms signifiant le sanctuaire de la Jument divine, savoir un avatar de Cérès : göbelkli est la  forme féminine du grec kobalos, en latin cavallus de kabalkos, qui nous a laissé  le français cheval. La Jument sacrée ,  ou plutôt la déesse Cérès, est associée aux céréales et aux menhirs, si bien qu’ on retrouve ce même radical caballos désignant Cérès  dans des noms de lieux préhistoriques riches en mégalithes  comme Gavarni , de kabalni, ou  l’îlot Gavrinis , de kabarni, en Bretagne.  La déesse gauloise Epona, au nom  correspondant au  latin equina, jument,  dont on peignait l’image dans les écuries devant des mangeoires emplies d’orge, est un avatar de la déesse Cérès.  
D’où vient le nom de Gargantua ?
 Tua  désigne la  jument  et se rattache au latin (e)qua , jument, avec ensemble labio-vélaire où le kw est traité phonologiquement en t  , cf.  pour le traitement gaulois du kw en t, le nom de femme gaulois Etain, de equanina.
Quant à gargan ,il  signifie grand et il est à rapprocher du latin grandis, grand, de gandhar-is, sans redoublement initial , et du grec  gigant-, géant,  avec redoublement augmentatif :
gagant -,  de gargan(t). Il est parent du  sanskrit gandhar-va , centaure(sse),  grande- jument, et du  grec Centauros qui se décompose en gandhar-u -os.   Pour  -u ou –va,  cf. le  latin  equa ou le  gaulois tua, jument.    Le doublet originel de Gandharva, centaure,   a été conservé  dans le nom gaulois  de la mère de Gargantua à savoir  Gargamelle, -melle vient du basco- celtique  mere qui signifie jument, l’ensemble signifiant la grand- jument.
Il existait en Eure-et-Loir des simulacra de la déesse locale correspondante, Bellena, avatar de la Grand-Jument de Cérès, qui se retrouve dans le nom de la Beauce et de Bellême, de belsema, dont le nom  vient par apocope de (ka)belksina, la Jument. On voit aujourd’hui encore le visage ancien de la déesse Belena sur la façade de la chapelle  de  la commune de Moléans à Valainville (de Belena + suffixe féminin gaulois  aïn et  villa, la ferme  de Belena) ,  comme à la chapelle de Saint- Hilaire- des- Noyers dans la commune de Saint-Denis d’Authou (anciennement commune de Bellenville,  de Belena, à rapprocher du nom du manoir de Blainville, de Belena + suffixe féminin gaulois  aïn et de villa). On peut aussi  voir le même fruste visage  dans la commune de Lanneray  entre  Crenne, toponyme  signifiant les écuries et venant  de equirina, dérivé de equiria qui désignait une  course de chevaux rituelle , et Boulay , de Velay, de ( ka) belenaï(n), la jument (ci-dessous, cliché due à  Madame Yvonne Cochard, tête trouvée au Boulay). 

Simulacrum de Belena, équivalent de Cérès, déesse de la Beauce, au  Boulay, commune de Lanneray.
Les « palets de Gargantua » dans le Centre.
Le mot palet est l’altération par in compréhension du nom de l’orge , et vient de pal +-eti, pal étant à rattacher au radical qu’on retrouve , par exemple, en latin, plures et désignant la multiplication magique,  le grand nombre de touffes d’orge souhaitées -eti désignant l’orge, cf.  le grec kri-tha , grain d’orge,  et le  vieux  haut allemand ger-sta, de  même sens. En somme, la Grenouillère de Changé est, non pas un dolmen, mais  un  trilithe qui s’appelait anciennement le palet de Gargantua dont le  nom,  incompris, .a été permuté avec celui du  menhir voisin  appelé auparavant le bot    et a été transformé par incompréhension en Grenouillère  sous l’influence de la forme du mégalithe et du nom du menhir pris pour bot désignant le crapaud, la grenouille. Le menhir est alors devenu le But de Gargantua.






Les menhirs funéraires en forme de rame et leur évolution jusqu’aux menhirs du Tarn et jusqu’à notre pierre tombale dressée à la tête de nos tombes.


Les menhirs funéraires en  forme de rame et leur  évolution jusqu’aux menhirs duTarn et jusqu’à  notre pierre tombale dressée à la tête de nos tombes.
La sépulture d’Elpénor dans l’Odyssée et la rame.  
Odyssée, XI ,57 : (c’est le mort Elpénor qui parle :)« Il faudra me brûler avec toutes mes armes et dresser mon tombeau sur la grève écumante, pour dire mon malheur jusque dans
l’avenir » et XII, 10 : (c’est Ulysse qui parle : ) «j’envoyai de mes gens au manoir de Circé pour rapporter le corps de défunt Elpénor, tandis que, sans tarder, nous jetions bas des arbres
 [ pour le bûcher funéraire]. Tristement, au plus haut du cap, nous le brûlons, pleurant à chaudes larmes., et quand la flamme a détruit son cadavre et ses armes, nous lui dressons un tertre, y plantons une stèle et nous plantons en haut sa rame bien polie. »
Nous pouvons voir aujourd’hui , grâce aux fouilles (voir mon blog sur les ruines du palais de Circé) , aux Orcades, sur Mainland , à Brodgar Ness, non seulement les ruines du palais ibère de Circé, mais ce qu’est  devenu ce genre de sépulture où le bois de la rame d’Elpénor a été remplacé par la pierre des menhirs (une douzaine), Les stèles de pierre ressemblant à des menhirs qu’on aperçoit dans le champ de fouilles sont  en réalité à des  stèles très minces et  triangulaires ornées à leur sommet d’une rame  dont on discerne la pale (c’est-à-dire l’extrémité plate ressemblant approximativement à une pelle).
 . A l’origine, vers -12000 --8000,   comme dans l’Odyssée, c’était le régime de la crémation qui prédominait,  et on dispersait  les cendres des navigateurs autour des stèles avec leurs rames. Plantées sur le lieu de dispersion ;
Puis, il  y eut ,  chez les Ibères ,  deux  stades de l’inhumation  : 1) on laisse d’abord aux  oiseaux de proie comme les éperviers ou les aigles les cadavres à déchirer à l’air libre  sur un terrain consacré (tombeau des aigles sur South Ronadsay aux Orcades),
puis 2) on se sert des deux étages  des logements à toit conique retrouvés par les fouilles, étages qui  correspondaient à une double «  inhumation », la première, au premier étage ,où les chairs restantes et les os  se dessèchent  avant qu’on ne recueille les ossements pour les remiser au second étage .
  La rame plantée au sommet du tertre est typiquement ibère ,  ouigour ou ligure, comme on voudra, ainsi que le montreront des exemples pris dans la vaste diaspora ibère  de par le monde. Selon les civilisations, la rame a été remplacée,  dans les rites funéraires, par les voiles et le mât qui les supporte, celui-ci symbolisant,  comme la rame, la navigation,  sur une
barque renversée,  dans les eaux de l’au-delà.
En Océanie,  au sommet des tumuli de l’île des Pins, qui sont au demeurant très peu élevés, était plantée une perche,  aujourd’hui disparue,  dont le bout variait selon le sexe de l’individu.  C’est ce qu’on retrouverait  dans les dans les cimetières ouigours (ligures) fouillés par les archéologues chinois dans le bassin du Tarim et dans les cimetières  ainous actuels.
  Le  nom du désert de Gobi atteste du passage des Ibères adorateurs de (Gor)gobi(na) . De plus , au nord du Tibet, dans l’immense désert de Taklamakan , des archéologues chinois ont eu l’étonnement de découvrir une nécropole, avec des momies ouigoures (c’est le même mot que ibère) aux traits européens, aux cheveux châtains et au nez long, datant d’il y a 4 000 ans et enterrés dans des bateaux retournés recouverts de peaux de vache , avec une rame située à la proue (ce n’est donc pas une godille qui serait à l’arrière) , de 4 mètres de haut et dont la sculpture varie selon le sexe : pour les hommes , le sommet est effilé, triangulaire,  symbolisant,selon les archéologues chinois, des phallus,  tandis que , pour les femmes, le sommet serait plat et  peint en noir et rouge, évoquant , selon eux, des vulves.
Toutefois, il est légitime de se demander si ce n’était pas en réalité une rame qui était mise sur le tombeau à l’origine, comme sur le tertre d’ Elpénor ou sur celui d’Achille en Troade, rame qui permettait de se diriger  dans les eaux de l’au-delà  et de faire mouvoir la barque comme avec des ailes, dit le poète;, tandis que ,  pour les femmes, la rame était remplacée par la navette ou la quenouille, attributs de leur sexe que les Chinois n’ont pas compris. O’Connell,  en Micronésie, décrit ce même rite funéraire en précisant qu’il s’agit pour les femmes qu’on enterre de fuseau (spindle) ou de quenouille (distaff). Les couleurs noire et rouge  rappelleraient les maternels et les couleurs blanche et rouge  les paternels.
  Ce type de tombeau existait dans l’Italie antique sous le nom de « tombeau de Palinure » et a été chanté par  Virgile, Palinure (prolepse du l voyelle, noté li ou el,  de lipanourus) est la forme étrusque d’Elpénor (Elpanor avec a long). 
Les noms en question sont l’altération de ligura , ligva, puis,  par prolepse du l, ilva, ilpa , elpa. On doit en rapprocher  le nom de  l’île d’Elbe [Ilva en latin, de ligva, ligure,] et le nom de   Ilpa en Bétique, citée par Pline l’Ancien, 3, 11. Quant au finale -ènor, qui a été,  à tort, considéré comme un suffixe patronymiqu
-ènor et rapproché de Evènor et de   l’ibère néro,  guerrier, cf.  le génitif grec andros, guerrier , il vient de la métathèse de de ( lig)urtania,  tania signifie la terre (cf. Aqui-tania, Bri-tania,terre des Ibères  etc.), la patrie, l’ensemble signifiant la patrie (ligure) et donnant - tènor. Pour aboutir à Palinurus, il faut partir de liburtania  avec ensuite   métathèse vocalique : libartunia, puis ,avec métathèse syllabique , barlitunia, qui donne parli(t)unia, enfin,  avec métathèse religieuse du n et du r,   palinurus, .
  D’autre part, le fondateur de l’hématologie, Jacques Ruffié,  alla observer au Japon , en 1978, les derniers Aïnous d’Hokkaido, ces parents des  créateurs de tumuli de l’île des Pins.  Il  note qu’à Nibutani (de ligu + tania) les tombes sont surmontées « d’un curieux poteau de bois [une rame ?] dont la partie supérieure sculptée varie avec le sexe du mort » (pour les hommes,  l’extrémité plate, la pale de l’aviron).

La fonction première du menhir non funéraire  et n’imitant pas une rame : c’est un catalyseur magique de la percée végétative.
James George Frazer, dans Le Rameau d’or,  Balder le Magnifique, Ed. Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .4,   p. 98,  en donne un exemple : « Dans plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de  lin dépendrait de celle des sauts des jeunes gens. » Au Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul (mot signifiant plongeoir),  toujours pratiqué malgré les accidents mortels qui surviennent à cette occasion ,  consistant  à sauter du point le plus haut, est censé faire pousser les ignames  d’autant plus profondément  que le saut aura été accompli du plus haut plongeoir. En Nouvelle-Calédonie existaient de très précieuse pierres à ignames et pierres à taros, sur lesquelles les sorciers canaques faisaient encore, il n’y a pas si longtemps, leurs  conjurations secrètes. Ces pierres à ignames ou à taros étaient les équivalents en miniature des pierres  pour l’orge, le  sésame ou le blé qu’étaient  les petits ou les grands menhirs. Dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, à Arama,   il existe même une quarantaine de petits menhirs dépassant du sol de 60 cm environ : eux aussi, comme les plongeoirs de l’île Pentecôte,  étaient censés favoriser magiquement la croissance en profondeur des tubercules  souterrains des taros et des ignames. 
 La mort préalable du grain d’orge à Göbekli et à Minorque.
Le grain passe pour mourir dans le sillon, non pas la tranchée proprement dite, mais plus exactement dans sa crête nommée le billon, c’est-à-dire les bords du sillon formés de la terre écartée,   avant qu’il ne puisse  pousser.  Cette croyance  avait excité les railleries de Voltaire quant à l’ignorance botanique du Christ. Celui-ci dit en effet (Evangile de Jean, 12, 24) : « Si le grain de blé qui est tombé à terre  ne meurt, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit», ou, autrement traduit, le grain de blé doit être mis en terre et y mourir pour rapporter. L’invention de l’agriculture liée aux semailles procède du fait de mettre en terre,  à une certaine profondeur, des grains de blé ou d’orge, comme on enterre les cadavres. La barre transversale au sommet des  menhirs de Göbekli Tepe en Turquie ou au sommet des taulas de Minorque aux Baléares  représentait  la mort de l’orge divin, la mort provisoire et nécessaire  de la déesse de la végétation, dans l’Antiquité gréco-latine Perséphone ou Proserpine, l’épouse de Pluton qui se retire sous terre  pendant la saison froide, avec pour avatar chez les Celtes  la Jument blanche.
 Le double sens de certaines  pierres dressées,  économisant  la pose de ce  linteau horizontal qui, au sommet des pierres en marteau  de Göbekli et de Minorque notamment, symbolisait la mort préalable du grain d’orge.
La mort du grain était un préalable nécessaire à sa germination et elle fut d’abord figurée par la barre transversale au sommet des mégalithes de Göbekli (menhirs d’une seule pièce) ou de Minorque (menhirs en deux éléments). La rencontre de ces menhirs en marteau  avec les menhirs funéraires en forme de rame pourvus d’une sorte de  pelle ou pale  à l’extrémité permit aux sculpteurs de faire l’économe de la barre transversale, puisque ce premier type de menhir symbolisait déjà religieusement, en lui-même , la mort d’un homme (ou, éventuellement,  du grain). Il suffisait de lui superposer une seconde signification, celle, magique, de la pousse souhaitée des céréales.   
Il y a deux types de ces nouveaux menhirs, présents tous les deux dans le Tarn en particulier, et qui ont souvent été considérés comme des  statues- menhirs anthropomorphes .Le premier type  présente  une diminution de volume au sommet imitant un cercle (la pelle, la pale de la rame originellement), par exemple, ce qu’on appelle la statue- menhir de Cantoul ( de cant, orge, et –ada, suffixe basque de ressemblance, la pierre qui ressemble à une pousse d’orge) , commune de Barre dans le Tarn ;   le second type  a simplement, sans amenuisement du fût,  l’extrémité supérieure en demi-cercle, ce  qui constitue également la pelle de la rame.
Les menhirs jumelés, par exemple  les Deux Sœurs à Lacabarède dans le Tarn.  
  « On trouve parfois, écrit F. Niel dans Dolmens et menhirs, 1977, P. U. F., collection  Que Sais-je ?  des menhirs jumelés, tels ceux de Penrhos Feilw  (île d’Anglesey, pays de Galles), de Cambrai, « Jean et Jeanne de Runello » à Belle-Isle, les « Causeurs » de l’île de Sein, ou les Pierres jumelles de Mont –Saint -Eloi (Pas-de-Calais) » . Dans le Tarn, on trouve à Lacabarède le jumelage d’un second menhir éloigné du premier de quelque trois mètres, l’ensemble étant appelé  Les deux sœurs. Ces deux menhirs ont été rangés  de  la catégorie disparate de ces  statues –menhirs, qui seraient une bonne trentaine dans le Tarn.
 De même, aux Baléares, à Minorque, il existe des taulas (stèles, du latin stipula, tige), à deux pieds, dont le 2e pied symbolise, non pas le blé mort (ici toujours représenté par la dalle horizontale), mais une deuxième pousse d’orge  inclinée parce que croulant sous le poids des grains , car,  comme le disait le Christ, si le grain ne meurt d’abord, il ne donne pas plusieurs fruit, mais s’il meurt, il donne plusieurs fruits. P Le nom de la taula Talati  de Dalt à Minorque évoque la balance à deux plateaux destinée à favoriser magiquement la croissance de deux pousses d’orge : talati est  l’altération du nom latin de la balance à deux plateaux, dont l’un plus bas comme le 2e pied du menhir,  trutina (grec trutanè)  (cf. la taulaTrencada de trunt-ada,  autre  altération de trutina+ --ada, suffixe ibère de ressemblance  )tandis que  dalt provient  de dua (ge)l(sta) . On a un 2e pied qui  est penché sous le poids d’un grain énorme figuré par une grosse pierre ronde.
Ainsi, dans le Tarn, à Lacabarède, Les deux sœurs représentent pareillement  le jumelage d’un second menhir éloigné de quelque trois mètres et  censé favoriser magiquement la germination de deux pousses d’orge ;
 L’évolution de ces mégalithes.
A l’âge  postérieur  du fer, ces menhirs furent gravés, souvent d’attributs guerriers comme une épée. Ils devinrent ainsi ce qu’on appelle au sens propre des statues-menhirs, c’est- dire des menhirs transformés en statues d’hommes . Mais on donne souvent indûment le nom de statues-menhirs à de simples menhirs à l’extrémité supérieure circulaire prise pour une tête humaine fruste.
Faute d’être reconnus et comme deux hommes pouvaient le soulever, ce type de menhir a souvent été utilisé comme élément de  clôture ,ou  comme chambranle , ou même , comme à  Libouville (Châtillon-en-Dunois, Eure-et-Loir) comme seuil et porte souvent la marque des verrous qui y furent anciennement installés .
Plus tard, retournant à sa fonction originelle de rame indiquant le souvenir d’un mort, ce type de menhir à l’extrémité arrondie  a servi de modèle à certaines de nos pierres tombales, celles qui  dressent verticalement  leur demi-cercle à la tête de la tombe.
 Un peu de mythologie pour expliquer l’identité de la Grand-Jument blanche  qui est liée aux menhirs. 
  Selon la tradition, Arès en grec  Mars en latin ,  poursuivit Dèmètèr en grec, Cérès en latin , de ses importunités .Le temple maltais est dédié à Tarksos, c’est-à -dire à Cérès, de kses,  racine de croître, latin  cres+ suffixe inchoatif co ,  sanskrit uksati, grec auxô ou awexô avec s désidératif, t+ r voyelle+ ksos en tokharien à Malte) . Cérès se métamorphosa en jument pour lui échapper,  mais Mars se transforma de son côté en cheval de labour   et il  naquit de cette union deux enfants à l’aspect respectivement de pouliche  et de poulain  : une fille  dont il était interdit de prononcer  le nom  véritable (peut-être Epona, la pouliche ) et qu’on appelait seulement la Jeune Fille, la Dame ou la Maîtresse, savoir la femme du dieu des morts Orcus,  Perséphone (le nom,  de Pherkus -éponè, signifie la jument , -epona, cf  latin  Epona ou equina, -du dieu des morts Orcus ou Phorkus),  et un cheval nommé Aréion qui tire son  nom de son père Arès.
Toutefois,  l’engloutissement du sanctuaire  de la Jument, Gebelg- ol Bahar, au large de l’île de Malte(Gebelg  est à rapprocher du grec kobalos, jument, et du latin cavallus), ayant été interprété comme la  manifestation  du mécontentement de Poseidon, le dieu de la mer et des mouvements telluriques,   vint modifier ces croyances : on retira à Arès la paternité d’Aréion et de Perséphone  pour en faire honneur à Poseidon, dans l’espoir de l’apaiser,  en interdisant de surcroît de prononcer le nom de Perséphone.  Cet engloutissement  témoigne de la montée des eaux et du recul de la côte  lors du dernier maximum glaciaire, à la fin du pleistocène, vers -8500. Il est contemporain de la submersion  de l’île de Pantelleria Vecchia, à 60 kilomètres au large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un menhir de 12 mètres de haut, l’un des  pus anciens qu’on ait pu dater, 9350, à 200 années près, av. J.-C.


Les noms de menhirs.
A) Frescaty à Lacaune désignant  l’épi sans sa balle, frit,  ainsi que,  dans le Tarn toujours, le nom de Saint (au masculin)-Affrique –les- Montagnes.  
Grâce à  l’auteur latin  d’un Traité d’agriculture, Res rusticae (I, 48,3).   Varron au Ier siècle avant  J.- C, nous avons conservé le nom, indéclinable, de la pointe de l’épi, frit. La Pierre Frite, avec ou sans  le suffixe –ske  marquant la naissance, était  la pierre en forme d’ épi naissant (suffixe) , et elle a donné en Eure-et-Loir le nom de la Pierre –Xi--Frite ( du latin  axis,  pieu , et de l’ibère   frit , soit la pierre- pieu en forme d’épi),  nom de menhir à l’origine, qui a passé au  dolmen du Boulay- Thierry près de Nogent-le-Roi , ainsi que  Saint -Jean- Pierre- Fixte (métathèse de  fit-ske ,  fikste)  près de Nogent-le-Rotrou, ou bien la  Pierre Fiche, de  fit + suffixe -ske à Alluyes  ; ailleurs , on  a la  Pierre -Fixte,  la Pierre Fite, Peyrefitte. On trouve aussi ce nom en Alsace dans le nom du  menhir de Breitstein, de frit -stone, la pierre -épi, ou en Moselle,  à Marty,   dans  le nom de Frescaty, de frist-sk, -ask étant un suffixe de commencement, -aty provenant du  suffixe basque de ressemblance  ada, –eida ou –eita, soit la pierre qui ressemble à une pointe d’épi. Nous avons le même nom  à Toulouse, à l’hôtel Assézat (Musée Saint-Raymond) avec  le menhir de Frescaty qui  y a été déplacé depuis Lacaune. Songeons aussi  au nom de  l’Afrique (le latin Africa  désigne la seule Tunisie actuelle, terre riche précisément en mégalithes), de fritsk-a, avec coup de glotte initial rendu par un a. Le nom est  au masculin   à Saint- Affrique  près de Millau,  ou à  Saint-Affrique -du- Causse à Gabriac dans l’Aveyron (de avar +on,  nom qui rappelle l’origine ibère ou avare, c’est le même mot), et, dans le Tarn, à Saint-Affrique –les- Montagnes. Pour la Corse, il n’est que d’invoquer le site préhistorique de Filitosa (de  frit-osa, lieu riche en menhirs, qui donne aussi  Frileuse , de frit-osa,en Eure-et-Loir, dans la commune de  Péronville ou dans celle  d’Orgères-en-Beauce) ;   pour la Sardaigne, Filigosa , de f°ri(ts)k -osa     ; pour la Corse encore, la   Petra Frisgada (de frit- sk--ada),  la pierre qui ressemble à une pointe d’ épi, dans la commune de Cambia ; pour les Pays-Bas,  le toponyme de  Frisia (de frit-sk-ia),ou Frise .Dans l’Antiquité,  le nom de la  Phrygie, de frit-skya en a aussi  gardé le souvenir.

Les noms des anciens menhirs en marteau transférés à des menhirs modernes, sans « marteau » au sommet .
Les noms de  nombreuses  Pierres levées (Peyre-Levade à Valderiès, Peyrelevade à Vaour ,noms transférés de deux  menhir à deux dolmens,et les menhirs   Pierre Lebade à Mont- de- Sainte- Carissime ,,  Peire Lebade à Vieux  dans le Tarn ) ne semblent  pas être ce que l’on croit et ne viennent pas du verbe latin levare signifiant soulager,lever dans les airs,  mais viennent du grec labè, manche de marteau  + suffixe de ressemblance -eida,-eda, la pierre qui ressemble à un manche de marteau ( cf. grec labis, génitif labidos ) donnant  labeda, puis lebada.
 Les Pierres Plantées  ou Peyre  plantade.
 
Le  nom du fléau de la balance a servi de métaphore  pour désigner le linteau horizontal surmontant jadis certains  menhirs, comme à Göbekli ou à Minorque  savoir phalanx, génitif phalagg(t)os en grec.  De là en Corse Palaggio, pour désigner un ensemble de menhirs, et paladini, de palagwin-, pour désigner les menhirs eux-mêmes, ou bien à  Alzon, dans le Gard, le  nom du menhir Peyre Plantade, ou la statue-menhir de la Pierre Plantée à Lacaune qui  remonte à  p (ha)lang-ada, la pierre qui ressemble (suffixe ibère –ada  de ressemblance) à un fléau de balance .
Les Pierres Planktes de l’Odyssée (XII, 59—67), Petrai planktai en grec, -un singulier ibère en –ai  pris pour un duel , -  permettent au passage de confirmer la  localisation de ce passage de l’Odyssée, puisqu’on a retrouvé  sous 60 mètres d‘eau le menhir en cause,- de 12 mètres de hauteur, - au large de la Sicile , lieu appelé Pantellaria Vecchia aujourd’hui (.de planktai herria , le basque herria signifiant  pays), soit   l’ancien  pays de la pierre qui ressemble à un fléau de balance. Cela amène à penser que les souvenirs rapportés à Homère dataient d’un  temps où l’élévation du  niveau de la mer avait laissé dépasser le menhir,  qui était encore debout .Lorsqu’il disparut de la surface, son nom, par incompréhension,  fut réinterprété en pierre errante. Et cela nous permet de dater le plus ancien menhir conservé.
  Les Pierres Plantées  sont devenues chez nous les Pierres Blanches, par exemple à Pléneuf dans les Côtes-du-Nord, ou à Pietrabianchata à Antisanti en Corse, alors qu’il n’y a pas la moindre pierre de couleur  blanche en ce lieu.  C’est un  ancien Petraplangada,  la  pierre qui ressemble à un fléau de balance. 
Autres noms de menhirs dérivés de la balance, les palets.
La balance à deux plateaux, dont l’un est souvent plus bas que l’autre, se dit plastika en grec, lanx en latin,  et le mot balance  vient de palancia, qui aurait donné en latin populaire bilancia, compris comme à deux (bi) plateaux (lanx) .Mais plastika vient de plastigka, de phalantk-s,  génitif phalangos, comme lanx vient, par apocope, de (pha)lanx . Pour ce qui nous concerne ici, le mot palet , qui ne peut désigner la pierre plate et ronde qu’on jette le plus près du but, vient de p°la(s)t(ika), qui donne pelat, puis par métathèse vocalique  palet. Citons le Palet du Diable , à Alban, dans le Tarn.  Le nom a aussi été transféré à un dolmen, celui de Palet de Notre Dame dans la même commune. Inversement, Peyre-Pause (altération pour Peyre-Pèse, pierre suspendue, du latin pensa, de pendo),  qui était à l’origine un nom de dolmen, désigne aujourd’hui  un menhir à Saint-Amans-Soult dans le Tarn.
Citons encore les Palets de Gargantua, si nombreux sans le Centre, qui désignent des mégalithes à deux pieds, dont l’un incliné sur l’autre .

Un  nom de menhir d’origine indo-européenne, de spica, l’épi.
Le nom indo-européen de l’épi, spica en latin, donne le nom du menhir  Picarel à Labastide-Leroux , de spica, l’épi , + suffixe ibère de ressemblance –ada donnant –ara + suffixe diminutif ;ou bien le nom du menhir de  Carelle, de (pi)carelle,  dans la commune de Bout du Pont de Larn,  ou encore  le nom christianisé du menhir de Sainte-Car-issime dans la commune de Vieux , aussi appelé Peire Lebade .
Spica donne en Eure-et-Loir , soit la Pierre –By[c] (entre Charray et Moisy),  soit la Pierre Pique,   réinterprétée dans ce dernier cas comme la Pierre Lance. Spicada, la pierre qui ressemble (suffixe –ada) à un épi, a donné phonétiquement  la Pierre Piquée, visible derrière une grille à Montjouvin (Illiers). Mais le mot épi était paronyme en ancien français du mot épieu ou pieu, qui vient  du  francique speut, ce dernier  ayant  donné le nom d’une céréale, l’épeautre, de spelta. .  Le diminutif  espiet,  épillet, épi naissant, s’est confondu avec espiet, petit épieu,  orthographié en Eure-et-Loir Epiais ou  Epieds –en -Beauce et   signifiant pareillement à l’origine la Pierre- épi naissant.
Le souvenir de la Jument sacrée.
Le nom du  menhir de Malvielle vient de mar,  jument,  et de viel  blanche, à Murat-sur-Vèbre , près du moulin de Louat. 
Le nom du menhir de Pailhemalbiau vient :
-pour pailhe, de palet, qui  vient de p°la(s)ti(ka), plati, balance,   qui donne peilat, puis , par métathèse vocalique,   paile(t ;
-mal vient de mar, la jument,
-et biau, de bel, vel, blanc. 
Le nom de Tell –Bas à Castelnau Brassac, vient de stèla , la stèle, basi (titre d’honneur), sous-entendu mari, ,la Jument sacrée en basque  ) , donc   la stèle de la Jument sacrée.
Les menhirs  du Rieuvel à Moulin –Mage (2 statues-menhirs).  Rieu est l’équivalent dialectal de l’ancien français liois, d’origine gauloise , cf.  grec lith-os,  donnant liais en français moderne,  qui est le nom d’une pierre blanche et dure différente du granit (cf. la statue-menhir de Granisse à Lacaune) , une sorte de calcaire se coupant avec une scie sans dents.  Vel , de bel, est l’altération par métathèse du latin alba, blanche, sous l’influence du francique blank. Comme vel qui implique une couleur blanche ferait pléonasme par rapport à rieu, il faut supposer que manque un  mot signifiant jument comme mari,  et qu’on avait Rieu-velmari, la pierre calcaire de la jument blanche. Ce nom est à rapprocher du menhir du Vacant (altération, peut-être de gascon, basque) de Rieu-vel(mari) à Mage.
Poumérou, de pou,  pierre, cf . le nom de commune Penne et l’espagnol peña , roche, en breton ven (lichaven, peulven) et men (menhir),  à Murat-sur-Vèbre.
Le nom du menhir  du Plos, de plew-is (–to), grec pleistos, très nombreux,- is- étant un morphème de comparatif, latin plenus, plein,  à Murat-sur-Vèbre. c’est  la pierre de multiplication. 
Le nom du  menhir de Plo del May, dans la commune d’Ecoussens,  celui du Plo de la Mate dans la commune de Barre,  celui du  dolmen du Plo de Laganthe, dans la commune de Labastide-Rouairoux, qui était à l’origine un nom de menhir, viennent  de pwelhw, sans morphème de comparatif, à rapprocher du grec pleos, de plewos, plein,et du latin plenus : c’est  la pierre de multiplication. Le radical ple-, signifiant multiplication magique, se retrouve dans le breton peul-ven, menhir, littéralement pierre (ven) favorisant la multiplication (métathèse religieuse de plew en peul). 

Le nom du menhir du Tribi ,  à Nages,  vient  de Gorgobina ,qui est le  nom de la Jument divine , de gorgo, grand,  et de bina, jument , du latin  equina,qui donne epina, cf. le nom de commune de Curvalle, de Corbilo , Gorvala,   gor(go)bana .
 Le nom du menhir de  Cantoul dans la commune de Barre,  de cant, grain d’orge + ouble, de alba ( donnant  vel, de bel, blanc , sous-entendu la Jument ), soit le menhir de l’orge de  la jument blanche   est à rapprocher du nom du menhir de Candoubre , de cant , orge, et de ouble , métathèse de ulbe,du latin  albus , blanc, dans la commune de Murat-sur-Vèbre,  et de celui du dolmen de Peyroulie nord , originellement nom de menhir transféré à un dolmen et signifiant  la pierre [peyre] blanche [oulie, de oulbie , de  albus ](cf., dans la commune de Lacaune,  le menhir de Laucate, grec  leucatè, blanche,sous-entendu mari, la pierre pour l’orge de la jument blanche, cf. le menhir du Laouzeto,pour laucato(s),  leucèto,   commune de Nages).

  • Bibliographie : Jean Lautier (Fédération Tarnaise de Spéléo Archéologie), Les Mégalithes du département du Tarn, Ferrières, Frèrerie de Ferrières, 1981.
  • mon blog , compte Google :coldcasefrance@gmail.com  /coldcase28.blogspot .fr /  concernant  Gargantua, les  dolmens, les menhirs, les polissoirs.