mercredi 13 juin 2018

LES « PALETS DE GARGANTUA » d’EURE-ET-LOIR ET DU CENTRE : LES TRACES D 'UNE TRÈS ANCIENNE DIVINITÉ.


LES « PALETS DE GARGANTUA » d’EURE-ET-LOIR ET DU CENTRE : LES  TRACES D’UNE TRES ANCIENNE DIVINITE.
Illustrations : 1) carte postale  de la  taula des Baléares  de Torralba ;Alayor cf. grec homérique haleiar et La Haloyère , commune de Châtillon -en-Dunois, lieu où l’on cultive, puis où l’on moud  le froment
2) carte postale de la taula de Taliti , trilithe ;
3) photo du  « palet de Gargantua » de Nottonville , dilithe ;
4) carte postale  la taula trencada,
5)  menhir du Chamizay en Indre- et -Loir trilithe ?;
6) carte postale  du trilithe de la Grand- Jument de Saint-Nazaire ;  
7) statue de Gargamelle à Guernesey : la Gran'mère (la Grand-Jument, mere en celtique) du Chimquière.
8)le visage de Belena , la Grand-Jument (cliché de Madame Yvonne Cochard) au Boulay  .
 

  Nous connaissons Gargantua à travers l’œuvre de  François Rabelais, le protégé de Guillaume du Bellay, sieur de Langey en Eure- et Loir, où existe encore une maison dite de Rabelais à cause du médaillon dont elle est ornée, mais Rabelais  n’est pas le créateur du nom du  personnage, car , en août  1532, à Lyon,  avaient paru anonymement les Grandes et inestimables cronicques du grant et énorme géant Gargantua, republiées en 1988 dans Chroniques gargantuines,  où le géant était  rattaché à la légende celtique  du roi Arthur , de Merlin et de la reine Guenièvre  .
Un peu de mythologie d’abord  :  Démèter en grec ou Cérès en latin,  sa fille Perséphone en grec ou Proserpine en latin  et la Grand- Jument blanche (qui est l’avatar de l’une ou l’autre de ces déesses).
  Selon la tradition,  Mars, en grec  Arès, poursuivit Cérès de ses importunités. Celle-ci se métamorphosa en une grande jument blanche pour lui échapper,  mais Mars se transforma de son côté en cheval de labour   et il  naquit de cette union deux enfants à l’aspect  de pouliche  ou de poulain :
-une fille  dont il était interdit de prononcer  le nom  véritable  et qu’on appelait seulement la Jeune Fille, la Dame ou la Maîtresse, savoir l’épouse  du dieu des morts ,   Perséphone (ce nom, venant  de Phorkus –épon  et  signifiant  la jument, éponè, d’Orcus, le dieu des enfers ,  ou Phorkos ;
-et un fils nommé Aréion qui tire son  nom de son père Arès (Mars en latin), dieu grec de la guerre  .
Toutefois,  l’engloutissement du sanctuaire  de la Jument, Gebelg- ol Bahar, à deux kilomètres  de l’île de Malte, près de  l’île de Gozo,  ayant été interprété comme une   manifestation  du mécontentement de Neptune ou  Poseidon, le dieu de la mer et des mouvements sismiques,   vint modifier cette croyance : on retira à Arès la paternité d’Aréion et de Perséphone  pour en faire honneur à Poseidon, dans l’espoir de l’apaiser et on interdit de surcroît de prononcer le nom de la fille de Mars,  Perséphone.
  Cet engloutissement  témoigne de la montée des eaux et du recul de la côte  lors du dernier maximum glaciaire, à la fin du pléistocène, vers 9350, à 200 années près, av. J. C. Il est contemporain de la submersion  de l’île de Pantelleria Vecchia, à 60 kilomètres au large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un menhir de 12 mètres de haut, l’un des  pus anciens qu’on ait pu dater, datant de 9350, à 200 années près, av. J.-C.
L’historien grec du VIe siècle Hérodote (IV, 94)   nous a conservé  le nom d’une déesse appelée Gebeleïdzis, au nom parent de Göbekli en Turquie et  Gebelg-ol  sur l’îlot englouti près de Malte ,tous ces noms signifiant    le sanctuaire de la Jument divine, savoir un avatar de Cérès :  göbelkl est la  forme féminine du grec kobalos, en latin cavallus de kabalkos, qui nous a laissé m le français cheval. Or, phénomène de conservation très remarquable, c’est le même nom que nous retrouvons dans le nom d’un menhir en marteau appelé taula (stèle) de Minorque aux Baléares :Cala (grande) Cavalleria, soit la Grand-Jument. . La jument  ou plutôt la déesse Cérès, est associée aux céréales et aux menhirs, si bien qu’ on retrouve ce même radical caballos désignant Cérès  dans des noms de lieux préhistoriques riches en mégalithes  comme Gavarni , de kabalni, ou  l’îlot Gavrinis , de kabarni, en Bretagne.  La déesse gauloise Epona, au nom  correspondant au du latin equina, jument,  dont, selon Juvénal (Satires, VIII, v. 155),  on peignait l’image dans les écuries devant des mangeoires emplies d’orge est un avatar de la déesse  Göbekli ou de  sa fille.  
 Les « menhirs »
A) L’évolution  historique et typologique des menhirs : les faits.  
 Du nouveau sur les menhirs grâce aux fouilles de l’archéologue Klaus Schmidt à Göbekli en Turquie et à son livre,  Le premier temple (2015).
De 1995  à sa mort en 2014,  l’Allemand Klaus Schmidt  a exécuté les fouilles de Göbek-li en Turquie et il a fourni  le récit de ses recherches dans Le premier temple, CNRS Editions, Paris, 2015, 420 pages et illustrations. Il s’agit , selon lui ,du  plus ancien temple de l’humanité, et il le date d’environ -10000 ans ; pour nous, c’est l’apparition de curieux menhirs en marteau , que K. Schmidt appelle menhirs en tau,  taillés dans un seul bloc de calcaire blanc lissé , et qui portent à leur sommet une dalle horizontale dépassant des deux côtés  que nous retrouverons aux Baléares, mais les menhirs de Minorque appelés taulas (stèles , du latin stipula , tige du blé ou del’orge , [à rapprocher du latin stela]  sont taillés en deux blocs séparés cette fois.
 De plus,  grâce à l’ADN végétal, on a pu  remonter à l’origine des céréales d’Europe et à leur domestication  il y a  aussi quelque 10 000 ans :  une sorte d’engrain (de un grain,  tandis que l’escourgeon  a deux grains et l’orge   quatre)  y  poussait à l’état sauvage  et cette céréale primitive est ,  encore aujourd’hui , présente à l’état spontané dans la province de Sanliurfa , là où se trouve le sanctuaire de Göbekli Tepe (tepe, de tepe,en tokharien, étant l’équivalent du  latin templum , sanctuaire ).  Or, l’ADN  nous révèle  que cette plante sauvage, est l’ancêtre de 68 céréales contemporaines ! J’ajouterai volontiers : comme les menhirs en marteau du lieu sont les ancêtres des autres menhirs des Baléares et d’Eure-et-Loir (à Langey , en Eure-et-loir, le nom de Goespierre ,la  pierre en forme de gouge, vient du nom d’un instrument ,en latin ,  gubia , gouge, sorte de burin avec une extrémité renflée)  et contribuent à les expliquer.  Un menhir de granit de 25 sur 5 mètres nommé « la Grand'Jument », à Montgothier, dans la Manche, commune d’Isigny -le -Bruat, a été exploité de 1800 à 1803 par un carrier du nom de Ernest Poulnln, qui détruisit en outre un autre bloc de granit à légendes du voisinage. D’autre part,  le nom de Cérès nous a encore laissé,  en Turquie, le nom du  site néolithique de Gurcu-tepe, le Temple  de la Grande-Jument, nom qui provient du nom de la déesse Gorgo(bina).Le nom  de la commune corse  de Sarrola-Carcopino doit aussi être rattaché à Gorgobina.
 Nous avons aussi , en Lozère , avec métathèse Cocurès de gorgo-, gogor-b(i)no, gogoreno,gogoreso et en Corse le nom d’un   site préhistorique fameux, Cucuruzzu, nom  qui est lié pareillement à gorgo, gogor-b(i)no, donnant  gogoruno, gogoruso,  à rapprocher pour le s du nom de Carcassonne, de gorgobina , gorgosina, korkosona , de sa voisine Trèbes , de gor(go)bina , g(o)re[ne]ve et du nom de la ville italienne Gorgonzola, de gorgonsola.  

La ville ancienne de Corbilo ,de Gor(go) bino ,  aujourd’hui Saint –Nazaire en Loire Atlantique, doit son nom à cette déesse des moissons, et ce n’est pas un hasard si c’est dans cette ville qu’on trouve encore de nos jours un curieux « menhir ».  C’est , avec le trilithe du voisinage, à Saint-André- des- Eaux, dit le dolmen d’Avrillac , de (g) avrinak (de [k]abarni , avec métathèse religieuse du k initial et r voyelle , abrinak,  à rapprocher de Gavrini) ,les seuls mégalithes identiques à ceux de Minorque
(carte postale de la  taula minorcaine de Torralba ,du latin turris, tour, alba,de alibata  cf .grec  aliphata  et alphiton sur le thème de  alphi, farine d’orge , donc tour à farine , moulin,  à Alayor cf. grec homérique haleiar et La Haloyère , commune de Châtillon -en-Dunois, lieu où l’on cultive, puis où l’on moud  le froment,  et carte postale de Saint-Nazaire  )
que j’ai trouvés en France, mais il peut en subsister d’autres , par exemple à Bonneval, on trouve  dans la brochure d’Albert Sidoisne ,  Bonneval sur le Loir, Bonneval, Edition du Syndicat d’initiative, 1965,  p. 50 : à côté de Lormorice,  « un très beau polissoir, auprès duquel  trois énormes  dalles donnent l’impression d’un dolmen effondré » (disons plutôt d’un trilithe).
A noter que le nom de la ville de Binas dans le Loir-et-Cher signifie aussi la Grand-Jument , venant de equina  + suffixe augmentatif –sa, donnant pinas(a)  , puis binas(a) , cf. Gorgobina.
 D’où vient le  nom de Gorgobina, la déesse des Boïens citée par César ?
Si le second élément se déchiffre sans trop de difficulté, comme venant de equina,  jument en latin,  donnant bina, en revanche pour gorgo -,il faut recourir à un  radical signifie géant, avec un redoublement expressif, l’ensemble voulant dire la Grand-Jument. Ce radical car-nt se retrouve dans le latin grandis, grand , ou le génitif grec gigantos, géant .
D’où vient le nom de Gargantua ?
Le mot tua  désigne la  jument  et se rattache au latin equa , jument, avec ensemble labio-vélaire où le kw est traité phonologiquement en t  et amuïssement de la laryngale initiale, cf. , pour le traitement du kw en t, le nom de femme gaulois Etain, de equanina et le surnom latin  de Epponina.


 Quant à Gargan- tua , gargan ,  en tout état cause, signifie grand, il correspond à une métathèse , dhargan,    du sanskrit gandhar-va , centaure(sse),  grande- jument, à rapprocher du latin grandis, grand, de gandhar-is,avec prolepse du r et  sans redoublement initial , et du grec  gigant-, géant,  grand, avec redoublement augmentatif :  gagant -,  de gargan(t).  Pour  –va,  cf. latin  equa ou gaulois tua, jument, comme le u infixé après prolepse  du grec centauros, centaure (sse), seul reste de tua . Le  grec Centauros correspond au sanskrit et se décompose en gandhar-u -os.  
Le doublet originel  et totalement non latin a été conservé  dans le nom de la mère de Gargantua à savoir  Gargamelle, -melle vient du basco- celtique  mere qui signifie jument, l’ensemble signifiant la grand-jument .
A Guernesey ,dont le nom dérive de Gorgobina,   il y  a une statue qui représente Gargamelle avec sa crinière , appelée la Gran'mère du Chimquière, où grand-mer signifie la grand –jument (mer) .
 Simulacrum de Gargamelle (Guernesey : la grand-mer, ou grand-jument )




Antérieurement, en Eure-et-Loir, existaient des simulacra de la déesse locale correspondante,  na, qui seretrouve dans le nom de la Beauce et de Bellême, de belsema, dont le nom  vient par apocope de (ka)belksina, la Jument ,  par exemple dans la commune de Moléans à Valainville (de Belena et  villa , la ferme  de Belena) , sur la façade de la chapelle, comme dans la commune de Saint-Denis d’Authou (anciennement de Bellenville,  de Belena, à rapprocher du nom du manoir de Blainville, de Belena et de villa). à la chapelle de Saint- Hilaire- des- Noyers .On peut aussi  voir le même fruste visage  dans la commune de Lanneray  entre  Crenne, qui désigne des écuries  et vient de equirina, dérivé de equiria ,qui désignait une  course de chevaux rituelle instituée en l’honneur de Mars-Quirinus,   et Boulay , de Velay, de ( ka) belenaï(n), la jument ; dans le voisinage, le nom de la vallée des Serins a été altéré à partir du nom de la déesse gauloise de l’orge, Sirona (ci-dessous, cliché due à  Madame Yvonne Cochard, tête trouvée au Boulay).  

Simulacrum de Belena , déesse de la Beauce (de Belsama)au le Boulay, commune de Lanneray.
LES NOMS DE LA JUMENT  EN BASQUE ET EN LANGUE CELTIQUE.
  Le mot mare, jument, se trouve déjà sous la forme mel dans le nom du « polissoir » cité par K. Schmidt, op . cit., p.298, près de Göbekli,  en Turquie actuelle,  Tell (stèle) Qaramel (kara, grand , cf. latin grandis, la Grand- Jument, à rapprocher du nom du  Mont Carmel) . Il est semble-t-il, d’origine basque et  a été très tôt emprunté par les langues celtiques. On trouve ce nom  près de Nantes dans La Chapelle-Basse-Mer , où Basse-Mer est l’altération du basque basi-mari, la grand-jument, à Mer, dans le Loir-et-Cher , ainsi que dans le nom de la grande divinité basque Mari,avec les prénoms dérivé Marine ou Marin.

Ce mot se retrouve en irlandais (marc) et en gallois (mark), avec la même signification de cheval.  L’anglo-saxon mere, jument,  parent du hollandais merrie, même sens,  du norvégien merr, du  finnois märä, du haut allemand médiéval meriche et mare et du  haut allemand moderne mahr (orthographié à tort aujourd’hui mähre) sont  la forme féminine de mearh, cheval ; au masculin, on a l’islandais et le haut allemand ancien mar , le haut allemand médiéval march. Marboué signifie les grottes de la Jument (les champignonnières  de naguère).
On doit rapprocher de mar, jument, le nom du sanctuaire gaulois, mallus,  lieu consacré à la Grand- Jument.   Doublet de Boisthibault, dans l’Eure-et-Loir, Verdière, Paris, 1836, réédition des Editions de la Tour Gile, 1992, Dreux, p. 59, nous  indique deux mallus  : « Le monument qui paraît le mieux conservé est un mallus, c’est-à-dire un sanctuaire ou lieu préféré par la Divinité, qui se trouve dans la commune de Vers -lès- Chartres, près du bois des Rigoles au-dessus de la vallée de la Houdouane, près de l’ancien étang de Vers. On voit encore un mallus à peu de distance du premier, le long des ruisseaux des vallées, entre Morancez et Corancez, en remontant vers Berchères –les- Pierres. »
   
Albert Sidoisne, dans sa brochure Bonneval sur le Loir, Editions du syndicat d’initiatives, Bonneval, 1965, 64 pages, p. 59.
Les noms latin et grec  de la jument, equa et coballa
Du latin equus , on a, avec le suffixe –ona, qui signifie divine, le gaulois Epona  , déesse des chevaux dont l’image se trouvait devant leur râteliers pleins d’orge, attestée par Juvénal VI,II, 157,. Il faut en rapprocher le grec hippos, cf Hippo, Hipponis,  nom de ville en Algérie, Bonne aujourd’hui,  et   à partir de caballa,   de Cavaillon,  de Caballodunum,  puis Cabellio , Châlon-sur-Saône  de Cabillo . On retrouve l’étrusque epona  dans  Persephona, de Phorcus epona , la jument (étrusque epona) de Phorkus , c’est-à-dire Proserpine, avec deux doublets dialectaux : Bellona , altération de Perséphona, de pels-(ep)ona , et le latin Bellerophon qui se décompose en pers éphona  devenant Pelséphona, puis, par rhotacisme du s intervocalique,  Bellerephon, Bellerophon . 
Avec le suffixe –ina, qu’on retrouve dans le nom de Chevaline,en  Haute-Savoie près d’Annecy,on a ,  à partir du mot latin equa, jument , le gallo-romain  bina , la jument, qui vient de equina , donnant quina , puis vina et  pina . On le retrouve dans Gorgo-bina, la jument d’Orcus  le dieu des morts, comme   dans Proserpina  .  bina,   + augmentatif -se, la grand- jument,  nous a laissé le nom de la ville de Binas dans le Loir-et-Cher :  la grand- jument.
 En somme, selon nous, la forme originelle des menhirs comprenait, il y a quelque 10 000 ans av. J. –C, un « chapeau », d’une seule pièce avec le fût, comme à Göbek-li, en Turquie, puis comme à Minorque des variantes en deux pièces, enfin en Normandie ou en Bretagne des menhirs dérivés, le tout étant dédié à la Grand- Jument.
B) D’abord, un peu de  lexicographie : menhir, dolmen, demi- dolmen, trilithe ou lichaven .
Dans son Dictionnaire (1846 -1872), Littré définit le dolmen comme  un « monument formé d’une grande pierre plate posée sur deux pierres dressées verticalement, qu’on attribue aux premiers habitants de la Gaule » et il définit le lichaven (de ven, pierre en breton, cf. peña en espagnol,  et de licha, triple) comme un « monument celtique formé de trois pierres, l’une plate superposée sur les deux autres qui lui servent de support. »
 A partir de la première définition, le demi- dolmen est   défini comme un « dolmen  dont la table repose à terre par l'une de ses extrémités ».
 Avec ces définitions officielles, on ne s’étonnera plus  de voir appeler « dolmens » les deux mégalithes de Saint- Nazaire  ou de  Saint- André –des –Eaux, alors, pour nous, que un dolmen est, formé d’une grande dalle plate posée sur une série de pierres dressées qui le ferment  totalement sauf, éventuellement, l’entrée et que, génétiquement, il s’agit de menhirs (à deux pieds).
Ces définitions sont, on le voit, trop floues pour être d’usage scientifique .Je proposerai donc d’appeler trilithes (ou en breton, lichavens) les mégalithes composés de trois pierres: la dalle horizontale  évoquant l’orge ancien mort, les deux dalle de soutien les deux pousses souhaitées d’orge.
 En ce qui concerne les demi- dolmens, négligés à tort par les archéologues qui imaginent qu’il ne s’agit  plus là que du  reste d’un ensemble de pierres abîmées par le temps et par les hommes, je les appellerai des dilithes (mégalithes composés de deux pierres),  dont l’une est inclinée , représentant  l’orge penchée sous le poids des épis ou plutôt des grains d’escourgeon ou d’engrain (éventuellement figurés ,comme à Minorque,à la taula de Taliti (voir carte postale)  par une pierre ronde figurant un grain) et  repose sur l’autre , peu visible et écrasée sous son poids . Parfois, une pierre au sol rappelle encore  le grain mort.

C) Les hypothèses et tentatives d’interprétation des « palets de Gargantua ».  
Supra, ce sont des faits, qu’on ne peut récuser. Mais maintenant commencent les interprétations.
A quoi, d’abord, répondent  les menhirs? La fonction première du menhir : un catalyseur magique de la percée végétative.
James George Frazer, dans Le Rameau d’or,  Balder le Magnifique, Ed. Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .4,   p. 98, donne cet exemple : « Dans plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de  lin dépendrait de celle des sauts des jeunes gens. » A Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul (mot qui signifie plongeoir),  qui est toujours pratiqué malgré les accidents mortels et qui consiste  à sauter du point le plus haut, est censé faire pousser les tubercules des ignames  d’autant plus profondément  que le saut aura été accompli du plongeoir le plus haut. En Nouvelle-Calédonie existaient aussi  de précieuse pierres à ignames et pierres à taros, sur lesquelles les sorciers canaques faisaient encore, il n’y a pas si longtemps, leurs  conjurations secrètes. Ces pierres à ignames ou à taros étaient les équivalents en miniature de ces  pierres  pour l’orge, le  sésame ou le blé qu’étaient  les petits menhirs. Dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, à Arama,   il existe même une quarantaine de petits menhirs dépassant du sol de 60 cm environ : comme les plongeoirs de l’île Pentecôte,  ils sont censés favoriser magiquement la croissance  des cocotiers. . 
  On retrouve en France des  restes analogues  de  superstition.  Nos épis de faîtage au nom symbolique reposaient sur la même croyance que, grâce à ces talismans placés en hauteur   les récoltes croîtraient aussi haut que  ces ornements. L’érection d’un menhir avait ainsi  pour but de mimer analogiquement la pousse  de l’orge ou de quelque  autre céréale,  de la stimuler et de la favoriser par magie imitative. Frazer, op. cit, vol.  III, Esprits des blés et des bois, p. 26,  écrit du « Dionysos de l’arbre » que « son image n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras  », imitant très grossièrement  l’arbre fruitier , ici le cep de vigne, qu’il s’agissait de faire pousser par sympathie. 
Le nom des menhirs est souvent d’ailleurs révélateur de cette  destination agraire. Ainsi, grâce à  l’auteur latin  d’un Traité d’agriculture, Res rusticae (I, 48,3).   Varron au Ier siècle avant  J.- C, nous avons conservé le nom, indéclinable, de la pointe de l’épi sans sa balle, qui est  frit. La Pierre Frite, avec ou sans  le suffixe –ske  marquant le commencement, était  la pierre en forme
d’ épi naissant , et elle a donné en Eure-et-Loir :
-les noms de  la Pierre –Xi--Frite (Xi ,  de axis,  pieu , et de  frit , soit la pierre- pieu en forme d’épi),  nom d’un  menhir ,  transféré par la suite à un dolmen de Boulay- Thierry près de Nogent-le-Roi ,
-ainsi que  Saint -Jean- Pierre- Fixte (métathèse de  fit-ske ,, fikste)  près de Nogent-le-Rotrou ;
- la  Pierre Fiche, de  fit + suffixe -ske à Alluyes  . Ailleurs , on  a la  Pierre -Fixte,  la Pierre Fite, Peyrefitte. On trouve aussi ce nom en Alsace dans le nom du  menhir de Breitstein, de frit -stone, la pierre -épi, ou en Moselle,  à Marty,   dans  le nom de Frescaty, de frit-sk, -sk étant un suffixe de commencement , -aty provenant du  suffixe de ressemblance  ada, –eida ou –eita, soit la pierre qui ressemble à une pointe d’ épi .Nous avons le même nom à Toulouse, à l’hôtel Assézat (Musée Saint- Raymond) avec  le menhir de Frescaty qui  y a été déplacé depuis Lacaune.
 Songeons aussi  au nom de  l’Afrique (le latin Africa  désigne la seule Tunisie actuelle, qui est précisément  riche  en mégalithes), de fritsk-a, avec coup,de glotte initial rendu par un a . Le nom est christianisé   au masculin   à Saint- Affrique  près de Millau,  ou encore à  Saint-Affrique -du- Causse à Gabriac dans l’Aveyron, et, dans le Tarn, à Saint-Affrique –les- Montagnes. Pour la Corse, il n’est que d’invoquer le site préhistorique de Filitosa (de  frit-osa, lieu riche en menhirs), qui donne aussi  Frileuse en Eure-et-Loir, dans la commune de  Péronville ou dans celle  d’Orgères-en-Beauce ;   pour la Sardaigne, Filigosa , de fri(ts)k -osa  ; pour la Corse encore, la   Petra Frisgada (de frit- sk--ada) , la pierre qui ressemble à une pointe d’ épi, dans la commune de Cambia ; pour les Pays-Bas,  le toponyme de  Frisia (de frit-sk-ia),ou Frise .Dans l’Antiquité,  le nom de la  Phrygie, de frit-skya en a gardé le souvenir.
Citons enfin le mot basque signifiant roche qu’on retrouve dans le nom d’un   menhir peut-être disparu de Péronville,  Puerthe, de pugertha, pu étant à rapprocher de l’espagnol peña, rocher, et du celtique ven, de ben , cf .  dun, de dven,  roche, et de (g)ertha, grains d’orge .

D’où vient la dalle qui surmonte les plus anciens menhirs ?
Ce qui suit  est évidemment très  discuté, mais je me rallie à l’interprétation qui suit.  
. Le grand secret des menhirs, ou  la problématique fondamentale de la représentation du blé ancien et du blé nouveau dans les  menhirs  et ses diverses solutions.
Voltaire a raillé ce qu’il appelait l’ignorance botanique du Christ lorsque celui-ci déclare dans Jean  12, 24: « si le grain  de blé qui est  tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Pourtant,  le Christ se faisait là l’écho d’une croyance populaire universelle et millénaire: le grain ne pouvait germer que s’il mourait d’abord !
Il faut donc que la mort du grain, condition de tout,  soit à l’origine symbolisée, d’une façon ou d’une autre, dans le menhir qui représente la germination du grain.
 Frazer (op. cit, vol.  III, Esprits des blés et des bois,  p. 143) a distingué deux sortes de blé : selon lui, « Isis et son compagnon Osiris [sont] deux personnifications du blé …. Isis serait l’ancien esprit du blé [le blé mort ) ,  Osiris le nouveau [le blé germant] » . Les Grecs identifiaient Isis à Dèmèter et les Romains l’identifiaient  à Cérès. Frazer, dans op. cit. , vol .2,  Atys et Osiris,  p. 471, cite Diodore de Sicile (I, 14, I) qui, résumant les travaux aujourd’hui perdus de l’historien égyptien Manéthon, attribue à Isis la découverte du blé et de l’orge. « On portait en procession à ses fêtes des tiges de ces céréales pour commémorer le don qu’elle avait fait aux hommes. Les Egyptiens, quand ils coupaient les premières tiges, les posaient sur le sol et se frappaient la poitrine en se lamentant et en invoquant Isis. On a déjà expliqué cet usage, continue Frazer, comme une lamentation en l’honneur de l’esprit [ancien] du blé, tombé sous la faucille, » savoir Isis.
Les solutions au problème de la  figuration sculpturale de la mort préalable du blé ou de l’orge.  
On connaît la solution utilisée à Gobekli en Turquie  ou à Minorque, aux Baléares: placer sur le fût du menhir une dalle qui symbolise le blé mort.
Essai sommaire de typologie des menhirs  ou comment augmenter le rendement de céréales espéré.
Dès l’origine, à Göbek-li en Turquie, l’efficacité des menhirs laissait peut-être à désirer.  Pour tenter d’augmenter le rendement des récoltes attendues, les chamans imaginèrent de faire reproduire dans le calcaire deux  pousses d’orge, imitant les deux grains propres à l’escourgeon ou orge sauvage , au lieu du grain unique de l’engrain . Avec la représentation de  ces deux pousses au lieu d’une seule, donc de deux pieds  pour le menhir,  on espérait de la magie imitative qu’elle aboutirait à la germination de plusieurs touffes. C’est ainsi que s’expliquent de nombreux menhirs d’Eure-et-Loir, en particulier les « palets de Gargantua ». Même avec beaucoup d’imagination, on ne peut concevoir comment les fûts droits  de tels menhirs, de forme plutôt conique ,  pourraient être des  palets , c’est-à-dire des   pierres circulaires et plates, destinées à être  envoyée près d’un but.  Palet recouvre  bien évidemment quelque chose d’autre.

Etymologie du mot palet .
 La balance à deux plateaux, dont l’un plus bas que l’autre, se dit plastika en grec, lanx en latin ,  et le mot balance  vient de palancia , qui aurait donné en latin populaire bilancia, compris comme à deux (bi) plateaux (lanx) .Mais plastika vient de plastigka, phalantx, génitif phalangtos,comme lanx vient, par apocope, de (pha)lanx . Pour ce qui nous concerne ici, le mot palet , qui ne peut désigner une pierre plate et ronde à jeter le plus près du but, vient de p°la(s)t(ika), qui donne pelat, puis par métathèse vocalique  palet. Citons aussi, dans le Tarn, le Palet du Diable à Alban.    .
Ici insérer la carte postale du trilithe de Saint-Nazaire et celle de la  taula Trencada de Minorque (dont le nom est l’évolution phonétique du  grec trutanè, latin trutina , désignant une balance à deux plateaux, par allusion aux deux pieds du menhir et   donnant par métathèse trunata,   puis  corrompue par étymologie populaire en truncada, tronquée).
Le lien entre les menhirs français et les taulas de Minorque est ici avéré : une seconde dalle verticale,  un second pied qui symbolise une 2e pousse d’orge vient assurer la stabilité de la dalle horizontale. Cet apport de stabilité est peut-être la raison pour laquelle le procédé a tendu à se répandre, supplantant la taula à pied unique.
.Je proposerai donc d’appeler trilithes les mégalithes composés de trois pierres: la dalle horizontale  évoquant le blé ancien, les deux dalle de soutien représentant  les deux pousses d’orge , et dilithes (deux dalles seulement ) les « palets de Gargantua » d’Eure-et-Loir, qui sont composés de deux dalles,  dont l’une , inclinée , représente  l’orge penchée sous le poids des épis ou plutôt des tiges porteuses de  grains d’escourgeon (eux-mêmes étant éventuellement  figurés par une pierre ronde,  comme à Minorque dans le cas du menhir de Talati ) et  repose sur l’autre restée droite , peu visible et écrasée sous son poids . Parfois, une troisième pierre au sol rappelle le grain mort , comme sur la photo ci-dessous du «  palet de  Gargantua » de  Chamizay en Indre -et- Loire.  
Image illustrative de l'article Palets de Gargantua 
Le palet de  Gargantua à Chamizay en Indre -et- loir.
Sachant que ces  prétendus « demi- dolmens » doivent, selon moi, être rangés parmi  les menhirs, les palets de Gargantua du Centre sont des trilithes ou, très souvent, des dilithes.
.La magie imitative explique ce nouvel arrangement : en représentant des tiges de blé ployées sous le poids des épis, on croyait augmenter les probabilités d’une récolte abondante. En France,  nombreux sont les pseudo- « demi- dolmens » qui rentrent en réalité dans cette catégorie. Alors que, trop souvent,  on parle d’effondrement, en réalité la dalle a été inclinée dès l’origine. 
Dans la région de Bonneval, je relève,  parmi les  demi- dolmens signalés comme tels, l’un, p . 55, près d’Alluyes, appelé le palet de Gargantua, un autre,  p. 57 près de Dangeau (la pierre dite du Breuil).  J’ajouterai à Nottonville un autre  « demi –dolmen » qui est un dilithe , une forme simplifiée du trilithe de Minorque (Taliti) appelé aussi Palet de Gargantua (voir photo).


LE LIEN ENTRE LES SOUTERRAINS, LES  DOLMENS,  GARGANTUA OU GARGAMELLE ET LA GRAND-JUMENT .
. Voir le Bulletin de la Société dunoise n° 299 et 300, années 2009 et  2010, « Les souterrains de Beauce : entre mythologie et histoire », par Michel Aubouin, p.60-68 et surtout p. 19-31 (2e partie, avec bibliographie). S’agissant de mentalités primitives ou archaïques, il serait normal, me semble-t-il , pour l’interprétation des formes particulières  des souterrains en liaison avec la circoncision, de faire appel aux livres de Geza Roheim, Héros phalliques et symboles maternels dans la mythologie australienne (où il se trouve certaines reproductions  inspirantes) et de Bruno Bettelheim, Les blessures symboliques. La fécondité était le moteur de l’idéologie préhistorique et qu’elle inspire les cérémonies d’initiation et de circoncision  destinées à faire des adolescents de « vrais hommes » capables de perpétuer la tribu, de la nourrir et de la défendre.  Les dolmens et les souterrains qui soustraient au soleil momentanément les jeunes  ont cette fonction mystique, avec le dieu ou la déesse à la fois de la mort, des enfers au sens païen  et de la renaissance ; il faut rappeler ici  que la mort est, pour la mentalité néolithique,  la condition préalable de la renaissance végétale. Ce dieu ou cette déesse survivent dans le nom  de Gargantua. En Beauce, où le souvenir de Gargantua, toujours monté sur sa grand- jument dont  les coups de queue son terribles, a survécu, jusqu’à nos jours, les souterrains sont appelés des fosses (La Fosse à  Saint- Christophe) ou des croths (de grotte, du grec du Nouveau Testament, cryptè, voûte souterraine, endroit caché) ; par exemple  la fosse à Gargantua près de Vierville (à rapprocher de Bavaria, le pays des   Avars ou Boïens). « En général, le nom de Gargantua, nous dit Aubouin , article cité.,p. 28, est associé   à la présence d’un dolmen ou d’un menhir ». A   Prunay -le- Gillon {Prunay vient  de Proserpinè, provo(r)vinè ) se trouve un dolmen  qui porte le nom de « pierre couverte ». A Noël, cette pierre se tourne et laisse entrevoir l’entrée d’un souterrain. Les plus hardis peuvent alors s’emparer du trésor qu’il renferme, mais gare aux amateurs dépourvus de montre, car l’opportunité n’est offerte que pendant le chant de la Généalogie de la messe de minuit. Passée cette heure, la pierre se referme et enferme en son sein les curieux. » De même, à Pézy (Mont- Chenu) près de Chartres; à Moléans (la Pierre- Coquelée) , à Montlandon ; ainsi que dans l’Eure, sur la commune de Fains (de fanum, sanctuaire de Proserpine)  à Martainville, au lieu-dit le « champtier duTrésor » etb dans le Loir –et- Cher à Viévy -le- Rayé (Trou- du –Diable ) .  
D’autre part, la référence au cheval, ou plutôt à la jument sacrée, avatar de Perséphone,  est constante, écrit Aubouin. , citant l’abbé Nollent qui avait trouvé  de nombreuses fois, en fouillant les souterrains, des têtes entières ou des mâchoires d’équidés qui y avaient peut-être pénétré pour des raisons rituelles. A Aunay -sous-Auneau , près de l’église,  un couloir creusé dans le roc permet d’accéder par un escalier à une fontaine dédiée  aux chevaux  .  Il s’agit d’une cave en colimaçon, dont la longueur ne dépasse pas quelques mètres. Mais l’accès en est interdit par une grille fermée , car elle est sacrée.
Citons encore les souterrains de la Chapelle-Saint- Amador (aux confins de la Sarthe et du Vendômois, commune de Sougé),   et à  Dennezé-sous-Doué dans le Maine-et-Loir. .


CERTAINS DOLMENS SONT LIES AUX SOUTERRAINS.  
On affirme souvent  que les dolmens seraient des tombes collectives. Mais dans certains cas il est impossible, semble-t-il, que ce soit une tombe de chef ou même une tombe tout court et qu’elle ait été recouverte de terre; tel est le cas des dolmens installés dans le lit de certaines rivières, comme celui du  dolmen installé en plein  milieu du lit de la Conie(une résurgence selon les  géologues), à Peronville. Le nom de Peronville  signifie la ferme (latin villa) du perron, de la grosse pierre, entendons ici  le dolmen, et ce nom date au moins du XIIe siècle. Voici la description (d’ailleurs inexacte) qu’en donne, Max Gilbert  dans Pierres mégalithiques (menhirs et dolmens) en Normandie, Guernsey Press, Guernesey,  1956, p.  128 : «  trois  dolmens,  sous l’un desquels [il s’agit  du  dolmen immergé ]   jaillit une source ». Les deux autres dolmens semblent  avoir été détruits. Peut-être étaient ils situés au lieu-dit Frileuse. On l’appelle encore Pierre Saint -Marc, christianisation du mot  gaulois mar   qui signifie jument. A noter q’une petite allée découverte sur un terrain escarpé à ras  d’un ruisseau ,situé entre les Goislardières (commune de Lanneray) et la route de  Brou à Châteaudun, s’appelle aussi la Marque en l’honneur de la Grand- Jument. Le mégalithe de Péronville est analogue à deux autres dolmens immergés ou quasi immergés. 
Le dolmen immergé de la boire de Champtocé- sur- Loire (près d’Angers, Maine-et-Loire)
La boire est le nom dialectal donné à ce  faux bras de la Loire. Le mot est à l’origine le nom du dolmen immergé lui-même, mot gaulois désignant la jument et qui n’était plus compris , savoir  la mare, puis la mware, enfin la boire. On a identifié sept blocs de grès, dépassant de quelques 12 à 40 cm au-dessus de l’eau, et qui étaient inaccessibles sans entrer dans l’eau ou sans utiliser de barque ; ils étaient situés à une quinzaine de mètres de la berge. .
Le dolmen immergé ou allée couverte de l’étang de  Vaubuisson près du ruisseau la Romme (Maine-et-Loire).
 Citons encore une  petite allée couverte voisine, celle de l’étang de  Vaubuisson plus qu’à moitié enterrée dans la vase, submergée à la moindre crue de la Loire,  et accessible à pied sec seulement en plein cœur de l’été.
 Le site mégalithique  du Baignon (où l’on reconnaît le mot bain, avec suffixe –on, la petite baignade,  du latin balneum) dans la commune de Saint-Maur - sur-le -Loir en Eure-et-Loir, dont 4 dolmens sont encore visibles, au bord du Loir. A Meuves, « dans les prés ou buissons qui séparent la route du Loir et notamment à côté des ruines du Baignon, nombreuses pierres druidiques, dolmens et menhir », ;écrit Sidoisne, op. cit, p.52. 
Quatre noms de dolmens euréliens renvoyant à l’initiation.
1Le nom de La puce qui renifle  à   Fontenay –sur- Conie  vient de puticellus  , diminutif de putus, non initié, néophyte, jeune garçon de moins de 17 ans,  terrorisé et qui pleurniche devant l’inconnu. tCe nom constitue une référence à la vocation de certains  dolmens : l’initiation  des jeunes gens. 
2 Le nom du  domen du Corbeau, près de Doué-la-Fontaine, commune de Louresse -Rochemenier, dans le Maine -et-  Loire,  est de même nature. Le nominatif  singulier korakos , qui vient   de kworakos,  est dérivé d’un mot parent du  grec  kouros, diminutif  korb-ellus , jeune homme, et on retrouve le même nom dans
l’ Odyssée, XII, 407,  la pierre du « corbeau », korakos lithos, à Ithaque : c’est le plus ancien nom de   dolmen qui nous soit parvenu. Lincompréhension populaire a fait passer du dolmen des Jeunes hommes, des  futurs initiés, au dolmen du Corbeau.
3 Le nom du Puy aux Ladres est intéressant parce qu’il révèle le souvenir que le dolmen s’adressait à des jeunes qui n’étaient pas encore initiés. Son nom est, en effet, l’altération de puy (podium, au sens de tribune, estrade) aux jadres (du latin juniores, trop jeunes, les candidats à l’initiation, cf gindre, le plus jeune ouvrier boulanger qui pétrit la pâte ) . Ce nom est celui d’un dolmen dont Sidoisne ,  op. cit., p. 58, décrit ainsi la situation : « Conie.. .A la sortie nord du village, prendre le chemin d’intérêt commun  111 7 qui traverse, puis longe la Conie, dans un site très pittoresque et très caractéristique de cette étrange rivière ; à 1 km 500, Fleuvarville ; on tourne à droite à 800 m ; s’engager dans un chemin vert qui, à droite, suit le bord du plateau ; à 550 m, sentier à droite conduisant (100 m.) à une clairière sur la lisière est  de laquelle se dresse un dolmen dit le Puits –aux- Ladres. ». Dans la commune de Châtillon –en- Dunois subsiste, christianisé, le nom de Saint -Ladres (avec un curieux et ancien  pluriel) qui fait référence à un dolmen disparu. .
Les données de l’anthropologie d’inspiration psychanalytique des sociétés sans écriture, proches de celles qui ont construit les mégalithes. .
Bruno Bettelheim, dans Les blessures symboliques, Tel, Gallimard, Paris, 1962, p.141, décrit un rituel australien d’initiation et de circoncision qui lui paraît « significatif quant à son simulacre d’existence intra-utérine et d’émergence à la naissance :  quand les garçons (des Nandi, au Kenya) sont remis (de la circoncision), on célèbre la cérémonie kapikiyai. Au moyen d’un barrage, un plan d’eau est délimité sur la rivière ; une petite hutte est édifiée (au milieu de la rivière). Tous les garçons se déshabillent et, précédés par le plus ancien (l’initiateur), ils rampent les uns derrière les autres et traversent la hutte par quatre fois ; ils sont alors complètement submergés par l’eau. »
Après cette dernière cérémonie d’initiation, « il est permis  aux garçons de sortir et de voir des gens, mais ils doivent encore porter des vêtements de femmes» (A. C  Holls The Nandi : Their langage and folklore, The Clarendon Press, Oxford, 1909, p. 56). “La submersion, continue Bettelheim, est, bien entendu, un cérémonial initiatique très courant, analogue à notre baptême. Mais, dans le rituel nandi, l’immersion qui, si souvent, symbolise le retour à la matrice ou la sortie de celle-ci se combine  avec un autre symbole de l’utérus, la hutte[ou le souterrain]. De plus,  les garçons sont tenus de ramper, ce qui signifie qu’ils se rapprochent de la position foetale. Habituellement, la hutte qui apparaît dans de nombreuses cérémonies initiatiques peut, en tant que symbole maternel, être laissée de côté ; après tout, les initiés sont bien obligés de passer leur retraite quelque part, et la hutte est une habitation d’un usage commun.  Dans le cas présent, cependant, elle est véritablement dans l’eau, donc reliée directement à l’immersion [privation  de jour et de soleil] et à la reptation. On peut voir dans cette association comme une tentative de recréer l’existence intra-utérine où l’enfant est confiné dans un lieu sombre et exigu, entouré de liquide. Dans les tribus australiennes, on voit, dans de nombreux détails, les hommes traiter les initiés comme s’ils étaient des bébés qui viendraient de naître. Par exemple, ils portent les garçons sur leurs épaules comme les femmes portent leurs bébés. »
 Il suffit de remplacer la hutte par la pierre du  dolmen entouré d’eau ou par la terre du souterrain et l’analogie est parfaite. 
On peut aussi songer à l’épisode du pont sous l’eau (encore appelé le  pont de l’épée), où Lancelot, pour rejoindre la reine Guenièvre (dont le nom est une évolution de Gorgobina), doit  franchir un pont submergé par des eaux menaçantes avec au bout un lion et de surcroît ,  en lieu de  pont et  sous l’eau,  une lame effilée.  On peut aussi songer  au pont de Belhaven en Ecosse  qui ne mène nulle part sauf à l’Océan et qui, à marée haute, est complètement submergé. Dans Le  Chevalier à la charrette, d’après Chrrétien de Troyes, par Claude Duneton et Monique Baille, Editions Albin Michel, Paris , 1985, p .  107 : « Enfin ils voient dans les ténèbres se profiler l’ombre effrayante du pont….Vois l’eau perfide se dérouler en longs flots noirs qui grondent avec fracas. Vois les cailloux rouler et jaillir dans toute cette boue, et la force du torrent, et la fureur des ondes qui semblent vouloir briser leur brune prison de terre. . ; la même image leur est  venue du fleuve infernal dont on leur a parlé, du fleuve des morts, gardé, dit-on, par des dragons [le lion , à l’arrivée du pont] »  et, p.  152, « ils sont enfin arrivés au bord de l’eau grondante,  là où le pont était planté. Mais qui donc avait eu l’idée de construire pareille chimère ? Car le pont était sous l’eau, et celui qui voulait passer devait entrer jusqu’à mi-corps dans le torrent écumant et glacé. »
On est tenté d’adapter ce que dit Bettelheim de la  hutte au milieu des flots aux souterrains beaucerons.
Tout ceci confirme à nos yeux le rôle, tant du dolmen que du souterrain,  comme lieu d’initiation, c’est-à-dire comme lieu où l’initié, grâce à son initiateur, devient un homme.


   La civilisation de la déesse Gorgobina liée aux dolmens, aux menhirs et aux souterrains  répandue sur toute l’Europe par les Boïens.  
A l’époque de César, les Boii se situent entre l’Elaver (Allier) et la Liger (Loire), et leur territoire répond à une partie du Bourbonnais. Ils tiennent leur lieu d’installation  du fait que la tribu des Boïens, qui avait  accompagné la migration des Helvètes battus par César en -58,  et au nombre de 32 000 guerriers, a été confiée  aux Eduens (en Bourgogne) qui les installent dans cette région.« À la demande des Héduens, les Boïens reçurent, à cause de leur grande réputation de valeur [souvenir du roi Boiorix, un roi des Cimbres], la permission de s'établir sur leur propre territoire ; on leur donna des terres, et ils partagèrent plus tard les droits et la liberté des Héduens eux-mêmes » (Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules, Livre I, 28). César,op.  cit.,  livre VII, 9,6, cite la ville des Boïens appelée Gorgobina, nom qui signifie  la jument d’Orcus. C'est sur ce territoire qu'est située la ville de Gorgobina, cité qui, d’après  Jules César, résista à Vercingétorix pendant la Guerre des Gaules Localisée dans la partie de la Gaule située entre la puissante tribu celtique des Bituriges et celle des Éduens, la colline de Sancerre surplombant l'un des rares endroits guéables de la Loire aurait intéressé Jules César qui y sédentarisa ce peuple originaire de Bohême et qui laissa à celle-ci son nom, les Boïens. On retrouve leurs souterrains annulaires dans la vallée du Danube, à Pfaffensclag, Kleinzwettl, Watzendorf, et en Basse-Autriche, à Gross- Eberhards, au nord-est de Linz, dans le sud de la Bavière  et en Moravie

La  ville de Gordona, nom dérivé de Gorgobina,   « cité capitale » de ce peuple, occupe aujourd'hui ce qui est devenu le quartier hors les murs de Saint- Romble de Sancerre. []
 Enfin, citons les Boïates d'Aquitaine, au pays de Buch
(de Boii)  en Gascogne, et de  Boueysseix (de
Boiodes ) en Dordogne, où il y a un souterrain annulaire   qui doivent être une autre branche , arrivée avec la migration des Cimbres et des  Teutons de -110 .
Le mot boïen , en latin Boii, vient de bovani, bavani, de Avar, autre nom de ce peuple provenant du nom  des Ibères ou Avars,  et se retrouve dans le nom de la Bohême, Bohiemum, ou Boiohaemum (d’où le français Boïen, en ajoutant que les Bohémiens au sens de Romanichels sont censés en provenir), dans le nom de la  Bavière, qui signifiait d’abord  la patrie des Boïens, de bavaria , Ce sont toutes régions où l’on trouve des souterrains annulaires, dans la vallée du Danube, à Pfaffensclag, Kleinzwettl, Watzendorf, et en Basse-Autriche, à Gross- Eberhards, au nord-est de Linz, dans le sud de la Bavière et en Moravie, etc. A noter que, en Aquitaine, ils ont laissé une ville, Boii, où règne le peuple des Tarbelles, métathèse de avar-elli, var(a)velli. .   Par ailleurs, des fouilles réalisées à la fin du XIXè siècle, au sein d'un complexe funéraire sur le site de Certosa en Lombardie, ont permis d'attester l'établissement des Boïens dans cette autre région. Le corpus de sépultures, d'une remarquable richesse numéraire et matérielle, a délivré des artéfacts archéologiques témoignant de l'origine ethnique boïenne des défunts. La nécropole de Certosa est datée aux environs de la fin du VI è siècle av. J. C. /début du
V e siècle av. J.-C.[, démontrant ainsi une évolution, simultanément géographique et chronologique, de l'implantation boïenne en Italie du Nord[]
Citons comme autres noms de villes ou de pays dédiés à la déesse  Gergovie  de gorgobi(n)a, Genabum,d’une métathèse de (gor) gobina , gonabum,  Gênes, Genua,  de (gor)gebina , gevina, puis avec métathèse genavia, Genève , latin  Genava  ,  Mont-Genèvre , de grenève ,  La Trebie (de nagre[no]bi) , Trèves (de gre[ne]ve ), Iéna, de (gorg)o(b)ina, le nom grec féminin  de la Corse, Kurnos, de   gor(gobi)nos, le nom latin de la Corse,insula  Corsicana, métathèse de gorgasina, etc. 
« Comment expliquer que deux paysans séparés par fleuves et montagnes entreprennent le même ouvrage, l’un dans la vallée du Danube, l’autre dans le haut Bocage vendéen [allusion aux souterrains annulaires de la Combe et du Pin]? »,  se demandent  des spécialistes des souterrains européens, Jérôme et Laurent Triolet, respectivement docteur et agrégé,  dans Souterrains et croyances, Mythologie,folklore, cultes,sorcellerie, rites initiatiques, Editions Ouest-France, Rennes , 2002 , 130 pages, p.65-88),  p. 82.. Ils continuent en ces termes: « Un lien de filiation pouvait les unir. La répartition du phénomène souterrain annulaire  en trois groupes [80 souterrains annulaires d’un développé moyen de 16 mètres, en Moravie, en  France avec le groupe occidental dans le sud du massif armoricain au Grand Bocage vendéen près de Bressuire, et le groupe central, localisé dans le Massif central dans le Bourbonnais, notamment, à Arfeuille, à Aurouër  , à La Font-Chenard, et à Marcillat dans l’Allier]  suivrait alors la trace d’une migration partie depuis le bassin du Danube. Les peuples migrants n’auraient creusé des ouvrages que dans leurs régions d’installation, d’où des discontinuités dans la répartition. ». 
  Ce que Aubouin a écrit des souterrains vaut aussi pour les dolmens : « Si les souterrains  de Beauce, dont l’inventaire reste à faire, ont conservé leur aura de mystère, ce n’est pas seulement à cause  des évocations qu’engendre le monde de l’obscurité, mais c’est aussi parce que l’archéologie n’a pas réussi à en saisir complètement l’objet.  Les Beaucerons, qui sont des gens rationnels et économes de leurs efforts, n’ont pas pu creuser autant de caves et de cavités sans que cela ait eu pour eux une utilité.  C’est le sens de cette utilité qui nous échappe en partie. »









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