lundi 3 août 2020

Pour une identification nouvelle du môlu, Odyssée,

                                   Molu

Pour une identification   nouvelle du  môlu, Odyssée, 10, 305.

Moi aussi , j’en ai mangé , mais , comme beaucoup d’autres , sans le savoir !

« Hermès  tirait du sol  une herbe , qu’il m’apprit à connaître, avant de me la donner : la racine en est noire et la fleur , blanc de lait, « môlu » disent les dieux ; ce n’est pas sans effort  que les mortels l’arrachent ; mais les dieux peuvent tout.  » Il s’agit d’une plante à effet de contre- envoûtement, afin d’empêcher la magicienne Circé de transformer Ulysse en cochon impur, puis en pierres  –menhirs, comme déjà elle l’a fait pour ses compagnons.

Tous les hellénistes dignes de ce nom se sont penchés, -en vain, -sur cette plante énigmatique. La plante, selon moi,  est appelée au Maroc mloukhia,  nom très proche de môlu, de môloskw. Il s’agit de Abelmoschus esculentus (L.) Moench, 1794, savoir le gombo.

Le gombo, appelé okra en Louisiane et plus généralement dans le sud des États-Unis, est une espèce de plante tropicale à fleur blanc de lait comme le dit Homère, appartenant à la famille des Malvaceae.

Son fruit est une capsule de forme pyramidale récoltée verte et employée comme légume et  comme condiment.  Cette plante était cultivée par les Égyptiens, puis a été importée en Europe par les Maures espagnols au XIIe siècle. Elle fut introduite au XVIIe siècle en Amérique par les esclaves. Les esclaves et maîtres parlant le créole utilisaient ce mot mloukhia   pour parler des plantes en général. On  trouve cette épice dans la soupe vietnamienne aux crevettes ou dans certains mélanges d’épices comme le  Raz el Hanout, mais souvent le mloukhia  y est remplacé par  la cardamome, grec cardamômon , littéralement cresson (carda) amômon. C’est un genre de plantes de la famille des Zingibéracées, qui comprend le gingembre (cf. Zanzibar, latin zingiberi, grec ziggiberis, où l’on reconnaît le mot ibère)  des contrées chaudes de l’Asie, souvent dotées d’une saveur piquante et aromatique, et dont une espèce (Amomum subulatum) fournit la grande cardamome ou cardamome brune, une épice parfois substituée à la cardamome véritable, cf . a prothétique +mômon, de môlu ? La cardamome véritable est la 3e épice la plus chère du monde, après le safran et la vanille, il s’agit de  Elettaria cardamomum.

La cardamome est connue et utilisée en Inde depuis des temps très reculés ; les plus anciennes mentions, sous son nom sanskrit de एला (Ela) (tamoul Elettari, qui signifie « graine de cardamome »[ ]et a donné son nom au genre Elletari) datent de la période védique, vers -3000  av. J.-C.[17]. Elle est exportée, probablement par la route, puisqu’elle est connue et utilisée par les médecins en Assyrie, et même cultivée dans les jardins du roi de Babylone Merodach-Baladan II, au VIIIe siècle av. J.-C

Il  ne faut pas s’étonner si le nom désigne une autre épice et surtout  un plat ailleurs qu’au Maroc, dans le reste du Maghreb, mais la plante a des fleurs jaunes. Il s’agit de  Corchorus olitorius L. ou corète potagère.

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dont les  feuilles sont utilisées  dans de nombreux pays  du Moyen-Orient, à la base du plat du même nom (mloukhiya) dans la cuisine égyptienne. Le mloukhiya  rappelle le

morètum ou morètârium, ,cité par Ovide dans les Fastes, 4, 367, mets composé d‘ail doré (Alium moly, néerlandais muur,désignant le mouron rouge) , de fromage et de vin  ainsi que d’herbes dont Abelmoschus esculentus. A noter qu’en grec môlu a été dérivé en môluza qui signifie « tête » d’ail et en réalité racine d’ail , de môlu riza (éolien briza, grec (w)riza, latin et grec (w)râdix, racine). Quiconque a pris un taxi en Grèce a vu pendre au rétroviseur les bulbes d’ail destinés à éloigner le mauvais œil. La plante et ses feuilles sont appelées moloūkhia  (ملوخية) en arabe. Les feuilles séchées et moulues sont utilisées comme épices.

  La m°loukhiya , Abelmoschus esculentus (L. èelios, brûlant a hérité, en même temps que son nom, des traditions attachées au môlou homérique, le . Il  est, dans certains pays, selon les traditions, préparé  « par superstition » dit le Net,  pour célébrer le premier jour du calendrier musulman afin que la nouvelle année soit « verte »,comme son fruit,  c'est-à-dire prospère et pleine de bonheur[]. Tel a dû être le cas d’Ulysse chez Circé  aux Orkhades (voir mon blog sur le palais de Circé) : le bonheur était pour lui d’échapper à l’envoûtement et de réaliser  son prochain retour à Ithaque.. Dans certaines régions de Tunisie, elle est aussi préparée à la fin d'un deuil et le premier jour de l'Aïd el-Fitr. Cela montre les vertus magiques que le môlu homérique a conservées jusqu’à aujourd’hui.

  Vinci, The Baltic origins, cite, p. 67,  le mot sanskrit  mûla ,  qui signifie racine et mûla karman (karman , de ksrwdyom, étant peut-être apparenté au grec skorodion, de ksrwdyom,   ail, donc gousse d’ail),  qui désigne l’emploi d ’une racine à des fins magiques. Homère écrivait : « môlu » disent les dieux ; ce n’est pas sans effort  que les mortels l’arrachent ; mais les dieux peuvent tout » ; or, les racines de Abelmoschus ou des aulx  s’arrachent facilement ; pourquoi le poète  a-t-il glissé ce clin d’œil ? Parce qu’il a voulu montrer que môlu venait du sanskrit , mot qui signifie « langue parfaite », «  langue des dieux », des Arya,   dit le poète (il doit en être un), et qu’il était apparenté au sanskrit mûla qui veut dire racine  ,  en particulier lorsqu’elle est utilisée à des fins d’envoûtement. .

 

 


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