vendredi 18 décembre 2020

Généalogie des Griscelli de Vezzani complétée + étude du baron de Rimini

 

 

LES MEMOIRES DE JACQUES GRISCELLI , BARON  DE RIMINI,AGENT SECRET DE PIE IX ET CHEF CATHOLIQUE DE CAUSA NOSTRA.

 

         I UN TEMOIN BIEN GENANT.

  Le mieux, quand on veut réduire à néant un témoignage « politiquement incorrect », c’est encore de prétendre que l’auteur du témoignage n’a jamais existé .En 1907, l’ « Intermédiaire des Chercheurs et Curieux » (N. 1140, 28/02/1907) ose affirmer que J-. F. Griscelli n’a jamais vécu et toute une polémique débute alors, qui est destinée à discréditer son témoignage et laissera des traces indélébiles chez les historiens. Lorsque j’eus l’occasion de déjeuner avec Alain Decaux, je lui ai demandé pourquoi, dans  la bibliographie de sa «  Castiglione » (seule partie que j‘avais lue à ce moment), il ne citait ni n’utilisait, même pour les  réfuter,  les Mémoires de mon lointain parent. Il m’a répondu que , sur la base des allégations de l ‘« Intermédiaire », il avait cru ces  Mémoires  apocryphes. De même, mon professeur d’ histoire en hypokhâgne au Lycée Louis -le- Grand,  Emile Tersen,  avait nourri des soupçons à son endroit .Certains mettent systématiquement en doute ses déclarations. Même celle-ci : « Le maire et le curé du village sont deux Griscelli de ma famille » (au début des Mémoires) a été contestée, mais à tort, on le verra dans la généalogie qui suit, puisqu'il évoque là ses cousins germains, particulièrement  le curé de Moïta.  Parmi d’autres témoins, Citons Victor Hugo ,  Karl Marx et Engels pour son action en Italie.

         D’autre part, J. -F. Griscelli a-t-il écrit ses œuvres lui-même? Il savait lire et écrire, parlait italien,  français et espagnol . Il a paraphé la page de garde de divers exemplaires de ses Mémoires et on ne lui connaît aucun nègre . Les derniers manuscrits ont été, malheureusement, détruits par le conseiller général et maire de Vezzani  André Griscelli qui, à la demande pressante du mandataire du gouvernement italien, le marquis A. Colocci,  sous le prétexte de détruire des pages  osées sur la vie privée de l’Impératrice Eugénie,anéantit tous les autres textes qu'il avait eu la curiosité de rassembler auprès des descendants directs du baron.   

 L’orthographe de J. -F. Griscelli était parfois phonétique, pour les noms propres en particulier . Ainsi parle-t-il (p. 54 de l’édition bruxelloise de ses Mémoires) de la rue de Trancy à Paris au lieu de la rue du Transit, aujourd’hui disparue.       

         Il ne faut jamais perdre de vue que toutes les polices politiques du monde persécutaient notre malheureux et indiscret parent, ni que des jugements français, belges , etc. n’attendaient que le hasard d'une arrestation pour être exécutés (par exemple, la formule « dit le baron de Rimini » tente d'éviter des actions judiciaires supplémentaires pour " port de titre non autorisé") .

         II-BIBLIOGRAPHIE  TRES SUCCINCTE.

a) Sur l’ homme:

         L’ouvrage de base est celui du  marquis sicilien cité plus haut qui vint enquêter et surtout faire détruire tous les manuscrits restants à Vezzani.Son point de vue, hostile, bien entendu,  à J-.F. Griscelli, reflète celui du gouvernement italien, gêné par les révélations de notre parent et celui des sociétés secrètes siciliennes, Causa nostra notamment, dont il fut le dernier dirigeant nommé par la papauté, -au temps où celle-ci avait encore des Etats : encore a-t-il le mérite d’être argumenté et assez bien informé . Il s’agit de:

         Adriano Colocci,  Griscelli e le sue Memorie , Ermanno Loescher, 1909, 288 pages. C’est la seule édition critique des Mémoires, en italien, avec une introduction historique de 60 pages.Ouvrage possédé par moi.

          Compte rendu dans  Archivio storico di Corsica , XIV-N° 3, juillet 1938-XVI, p. 447-450, par Pio Pecchiai.

         Marie Battistini, « Una mancata azione giudiziaria in Belgio per le Memorie di Griscelli(1867) », in  Archivio storico di Corsica , juillet 1933 .

b)L’Œuvre:

1        LETTRE D’UN BERGER CORSE A  S. M. L’EMPEREUR DES FRANCAIS, 1857, in-8, 15 p., Paris, Boucquin (éditeur de la Police). Possédé par moi.C’est sa  première œuvre, contre la loi du 22 juillet 1854 sur le parcours et la vaine pâture, appliquée à la Corse, loi qui interdisait tout simplement la transhumance au profit des propriétaires et au détriment ses bergers. Il s’y revendique comme ancien berger et prend courageusement position tout seul contre l’avis du Conseil général de Corse. L’ouvrage atteste son besoin de publier.Il signe à la fin « J.- F. Griscelli », alors que le tire mentionne simplement « par Griscelli ».

2 LES HOMMES ET LES CHOSES DU ROYAUME D’ITALIE PAR  UN AGENT SECRET DE CAVOUR  ,GENEVE.A été corrigé par Mgr. Mermillod, évêque de Genève.

3 LA VERITE SUR LES HOMMES ET LES CHOSES DU ROYAUME D’ITALIE REVELATIONS PAR J.A. ANCIEN AGENT SECRET DU COMTE DE CAVOUR.

Bruxelles, bureau de la REVUE BELGE ET ETRANGERE, 13, rue des  boiteux. Imprimerie J. Delièvre, 1861.Réédition  en 1862.Une traduction en anglais (1862), une autre en italien.

4 FRANCOIS II AU CONGRES DE NAPOLEON III.

5 LETTRE A NAPOLEON III.

6 LETTRE A VICTOR EMMANUEL .Fribourg.

 7 LETTRE A PALMERSTON, Wyss, Berne.

8 LETTRE A PIETRI.

9 A BAS LES MASQUES! Bruxelles, 1864, Vandereyt. Réédition des 2 opuscules 6 et 7 .

10 MEMOIRES.

1ère édition clandestine par Vigneron, anonyme et sans date,à Bruxelles,  rare.

1ère édition officielle, en 2 volumes, sous le tire: MEMOIRES DE GRISCELLI AGENT SECRET DE NAPOLEON III(1850-58), DE CAVOUR(1859-61), de ANTONELLI(1861-62), DE FRANCOIS II(1862-64), DE L’EMPEREUR D’AUTRICHE(1864-67), PAR L’AUTEUR DES REVELATIONS ET DE A BAS LES MASQUES. Bruxelles-Genève-Londres, 1867.In-16, 243 pages.

 L’édition la plus répandue porte le titre: MEMOIRES DE GRISCELLI DE VEZZANI DIT LE BARON DE RIMINI EX-AGENT SECRET DE NAPOLEON, CAVOUR, ANTONELLI,FRANCOIS II ET DE L’AUTRICHE, Bruxelles , imprimerie Ch. et A. Vanderauwera, rue de la Sablonnière, 8. Date de 1871.Consultable à la Bibliothèque Fesch à Ajaccio ou en photocopie la mairie de Vezzani. Possédé par moi ( avec son paraphe au crayon).

  Autre édition à Bruxelles en 1871 du Peuple belge à Bruxelles.

  Édition anglaise  en 1888 .

Edition américaine numérique récente à couverture bleue, vers 2007.

11 LES CRIMES DE NAPOPLEON III. Paris, Librairie centrale, 1873, autre version des Mémoires.

12 LES NUITS ET LE MARIAGE DE CESAR,AVEC UNE LETTRE DE BADINGUETTE A BADINGUET. Bruxelles, sous le pseudonyme de H. Magen.                                         

13 LES DEUX COURS  ET LES NUITS DE SAINT-CLOUD.MŒURS, DEBAUCHES ET CRIMES DE LA FAMILLE BADINGUET (sous le pseudonyme de H. Magen, Bruxelles).

14  L‘INGRATITUDE DE NAPOLEON III, PAR UNE DE SES VICTIMES, Bruxelles, 1871.

Il est indispensable de consulter les Memoires de Claude et l’historien F. Loliée (La Comtesse de Castiglione, Les femmes du Second Empire).

 J.-F. Griscelli est devenu un personnage romancé dans plus d’un feuilleton, film ou pièce consacré à la Castiglione.

III QUI ETAIT CE GRISCELLI?

         A  SES PRENOMS.

          Jacques- François constitue son prénom selon l’état-civil et c’est celui que connaît Victor Hugo. Il a pris aussi les prénoms de Joseph-François ou de Joseph-Arthur (J.-A.) ou d’ Arthur tout court . Sa famille,  à Vezzani, l’appelait   « MUTONE », ce qui signifie le bélier et fait allusion à ses moments de transe belliqueuse où, tel Achille, rien ne pouvait l’arrêter dans sa passion coléreuse: un éblouissement prémonitoire l’avertissait que du sang serait répandu le jour même .

          B-LE TITRE DE NOBLESSE .

         L’appellation « de Vezzani » (l’italien est d’ailleurs plus clair et distingue da Vezzani et di Vezzani)n’indique pas autre chose que le lieu d’origine et la fierté qu’elle implique, non la noblesse .Le titre de baron de Rimini lui fut conféré par François II, roi des Deux-Sicile, à un moment où la ville de Rimini avait échappé à son autorité. Il ne s’agit ni d’un pseudonyme littéraire ni d’un titre usurpé .Personne n’a pu prouver que le titre était faux , mais, en tant que titre étranger, son port était soumis en France à autorisation du gouvernement. « Le roi des Deux -Sicile, écrit le baron, de son exil de Rome, me créa baron et m’envoya, avec mes titres de noblesse, une lettre écrite de sa main…J’étais entré [chez le Cardinal Wiseman] simple berger, j’en sortis baron…Le diplôme que le roi m’a envoyé porte:« Griscelli, baron de Rimini ».

          C-L’ACTE DE DECES.

         Colocci n’a pas réussi à le trouver. Lors de mon enquête en 1958 à Vezzani auprès de  M. Grazietti,parent de la famille Bonaparte et héritier de Napoléon par les Ramolino (J.-F. Griscelli, alors très âgé, avait été son professeur d’escrime), celui-ci me raconta comment il avait assisté à ses obsèques à Marseille, où il se trouvait lui-même par hasard, pour une course d’automobiles, et comment il y avait très peu de monde devant la fosse commune: François Muraccioli, 32 ans, Pierre Sammattei, 28 ans, marin, et sa dernière épouse (la cinquième, semble-t-il) Marie Vincensini, vezzanaise également. L’acte de décès, en date du 13 mars 1905, est muet sur sa filiation : il l’appelle Joseph- François et le rajeunit en lui donnant 60 ans seulement. Il avait en réalité 94 ans et ainsi manifesté une très belle longévité, malgré une toux qui ne le quittait pas. Quant à la profession, il est indiqué «  journalier » :il est vrai que J.-F. Griscelli n’avait pas craint de se faire passer pour « négociant en bestiaux », aux yeux de la police (Cf. Colocci, op. cit., p. 58). Ses dernières années se sont ainsi passées  dans la misère entre Vezzani et Marseille, aussi discrètes que possible. J’appris en 1958 de M. Grazietti que le baron de Rimini avait fait don à l’Eglise de Vezzani dédiée à saint Quilicus  , qui figurait dans la chapelle à gauche en entrant, d’un tableau italien du XVIe siècle représentant Caïn tuant  Abel , mais je lis sur le net à Vezzani Wiki qu’il s’agit de l'église paroissiale de l'Annonciation (L'Annunziata). Elle a été fondée en 1666 par le père Profizio Grazietti comme mentionné sur une plaque apposée à l'intérieur. Elle est constituée d'une nef centrale avec six chapelles latérales. En 1997, la chapelle Notre- Dame- des- Grâces a été restaurée par la famille Don Georges Grazietti, derniers descendants du fondateur. Elle possède un autel en marbre et un tableau primitif italien représentant Caïn tuant Abel. Cette œuvre appartenait à la collection du cardinal Fesch.

Restaurée en 2009, l'édifice, d'une architecture classique, présente sur sa façade antérieure une porte latérale aux motifs sculptés étonnants : deux aigles impériaux . »

 

         IV  VICTOR HUGO ET J-F GRISCELLI

         Le poète connaissait  J.-F. Griscelli, il avait lu ses Mèmoires dans l’édition bruxelloise (il reprend à son compte « la rue de Trancy » sans corriger); il reste de marbre sur ce que révèle de lui notre parent , p.111 de ses Mémoires, qui doit donc être vrai.

         Dans  Histoire d’un crime (IV, 5), Victor Hugo cite un billet d’Alexandre Dumas, qui  le prévenait de rester chez lui , et le grand poète écrivait  :« Un Corse, né à Vezzani, nommé Jacques-François Griscelli, homme attaché au service personnel et secret de Louis Bonaparte, avait reçu de la bouche de Pietri l’offre de vingt-cinq mille francs « pour prendre ou tuer Victor Hugo ». Il avait accepté, et dit:-C’est bon, si je suis seul . Mais si nous sommes deux?…Pietri avait répondu:

-Ce sera cinquante mille francs. » Victor Hugo ajoute une note: « c’est ce même Griscelli qui, plus tard, rue de Trancy,  tua, par mission spéciale du préfet de police, un nommé Kelch, « soupçonné de tramer l’assassinat de l’empereur ».

         Dans « La Légende des Siècles », Victor Hugo a campé notre intrépide parent sous la Commune en grand danger de se faire lyncher par la foule des insurgés (Guerre civile) et sauvé par l'apparition attendrissante de son jeune fils:

« Tuons-le comme un loup!-Et l’homme dit, tranquille:
« C’est bien, je suis le loup, mais vous êtes les chiens!
…Tous criaient:-Fusillez le mouchard!Qu’on l’assomme!
…A mort!C’est un brigand!-Soudain on entendit
Une petite voix qui disait:-C’est mon père!
Et quelque chose fit l’effet d’une lumière.

         J.-F. Griscelli  a connu et apprécié le poème et en a parlé à sa famille: celle-ci a été sensible à l’alliance du sublime hugolien et du panache de ce personnage haut en couleur.

         V -UN «  BON CATHOLIQUE »: L’HOMME ET SES IDEES.

          Au physique, J.-F. Griscelli est remarquable par sa force  et par son habileté aux armes: sa longévité incroyable (94 ans!) nous prouve sa santé de fer.   

         Au moral, il est fragile et sensible:trop de sang versé, lors du fameux duel de corps de Lyon,le rend « fou » quelque temps.Il doute en permanence de la réalité lorsque,lui, simple berger, il se voit entouré du Pape,des grands de ce monde, empereurs, rois, princesses.Il est irascible et violent, fastueux et généreux: il distribue, au temps où il manie les fonds secrets, des pièces d’or aux enfants de Vezzani, offre une pendule à la mairie ou finance la reconstruction de la sacristie. Il aime les beaux habits, les stylets finement ciselés et les pistolets et épées de grand prix .D’autre part, il a un total mépris de la mort qui se retrouve chez d’autres membres de sa phratrie.                     

  C’est évidemment un homme à femmes. Il a beaucoup aimé la Comtesse de Gardonne, sur la tombe de laquelle il va se recueillir à Saint- Petersbourg: il s’agenouille et pleure longuement.

         L’unité de sa carrière politique est à chercher dans sa foi au pape .Très tôt, il est initié à une société secrète catholique et pontificale , Causa Nostra, dont les dérives  actuelles ne doivent pas faire oublier les intentions originellement  catholiques et pontificales .Il en gravit les échelons jusqu’à en devenir le chef et ne l'a jamais trahie. Ainsi s’explique la signature des exécutions décidées avec le vitriolage du visage du coupable .Dès le début de sa vie d’aventures, il est un agent secret du pape en tant que chef d’Etat, une sorte de James Bond de l’époque. S’il rompt avec Napoléon III, c’est aussi sur ordre à partir du moment où l’Empereur n’hésite plus et a opté pour l’unité italienne , et par conséquent entre en conflit avec la politique du Pape.

         VI COMMENT L’ESPRIT VIENT A UN BERGER CORSE.

    Jacques- François nous raconte comment, alors même qu’il était âgé de moins de 9 ans, il était si rebelle que personne ne pouvait le maîtriser et que son père dut le confier à son oncle maternel, Jean-Pierre Baldovini, berger à Pietrobianca. Il y garde des chèvres  jusqu’à l’âge de 15 ans, passant six mois sur la côte à Aléria et le reste de l’année sur la montagne de Galé (Kali). Son père le rappelle pour qu’il l’aide à cultiver le blé et à faire des légumes. Il a 18 ans quand, le 12 février 1829, il épouse Jeanne-Marie Griscelli, fille de Noël Griscelli et de Marie Vincensini :

    « Mon père, écrit-il,… me força,  EN QUELQUE SORTE, à épouser une de mes cousines… qui aurait pu faire notre bonheur, si elle n’eût pas écouté sa mère…Son unique occupation était (suivant les conseils de sa mère) de nous dépouiller pour enrichir sa famille [Vincensini] ».Précisons le sens du  « en quelque sorte »: un mois avant le mariage, Jeanne-Marie avit donné le jour au premier fils du futur baron, Jacques-Jean, et qui s’appelait déjà ,du nom de sa mère, Griscelli. Le baron continue:

         « Sans la méchanceté de mon épouse, je ne serais jamais sorti de mon village. »

         VII COMMENT UN BERGER CORSE DEVIENT MILLIONNAIRE EN FRANCS-OR ET SE RUINE.

  Le baron écrit avec humour:

         « La police secrète… est une institution que les tyrans seuls ont crée pour avoir le droit de percevoir,tous les ans, quelques millions de fonds secrets, pour héberger un tas de badauds qui ne sont occupés, dans leur service, qu’à s’espionner les uns les autres. »

 Il a essayé d’en profiter et c’est avec cynisme, cette fois, qu’il écrit:

         « Un agent intelligent peut être payé à la fois par Cavour, pr le Pape, par le roi de Naples, et voyager de Naples à Palerme aux frais du général Garibaldi,qu’il a pour mission d’assassiner: c’est, en effet, ce qui m’est arrivé. »

  Il réussit ainsi à amasser une fortune considérable, mais il perd 72000 francs-or dans le krach du comte de Glimes, espagnol soutenu par Eugénie de Montijo: l’insistance de Jacques-François à réclamer des poursuites contre le protégé de l’Impératrice est une des causes de la disgrâce de notre parent et de la haine qui s’installe entre eux.Toutefois, il lui reste encore beaucoup d’argent liquide, malgré les vols dont il est victime.Lorsqu’il est disgracié, en 1858, de retour à Vezzani, il peut écrire:

         « J’étais parti avec 25 frs. en poche et j’y retournais avec 130000 frs.Deux jours après, j’achetais les propriétés du juge de paix Vitali [l’actuelle propriété Grazietti] et je lui payais 40000 francs comptant. »

  A force de porter sur lui des sommes énormes en napoléons, ce qui devait arriver se produisit : à Vezzani, il fut volé de 90000 francs-or environ.

  Jusqu’en 1866, il gagnera encore beaucoup d’argent, mais s’empressera de le dilapider, si bien qu’il passera la fin de sa vie dans une quasi-misère.

  Dans les Mémoires de Claude (III,1), on peut lire, à propos de sa disgrâce lièe à l’attentat d’ Orsini (attentat sur lequel lui-même se refuse à parler):

         « Zampo fut tué par Griscelli à Londres lorsque, après l’affaire des bombes Orsini, Griscelli, disgracié par l’Empereur, fut traqué à Londres par ses propres agents, devenus ses pourchasseurs…Au moment de l’affaire des bombes Orsini, Griscelli fut joué par la contrepolice des Carbonari…Ils parvinrent à évincer le Corse du lieu de l’attentat et Griscelli, par cette faute, faillit à Londres être tué par son liutenant Zampo .Et ce fut pour ne pas être tué qu’il tua…On vit Griscelli n’échapper aux représailles impériales dont il avait été l’instrument, qu’en se sauvant, en se ralliant à l’Autriche, pour esquiver, lui, un Corse, la vendetta de ses anciens soldats. »

  L’incroyable persécution dont notre parent fut victime de la part du régime et de la police de Napoléon III, de 1859 à 1870, tient peut-être au fait que, par une erreur intéressée et dont les services parallèles sont coutumiers, on a cru ou feint de croire qu’il était complice de l’attentat d’Orsini et que telle était la raison pour laquelle il avait exécuté Zampo.De plus, par point d’honneur corse et pour ne pas impliquer ses nouveaux commanditaires, Jacques- François ne dit rien sur le sujet dans ses Memoires.Il se contente de relater froidement comment il tue Zampo à Londres, mais prête à cette exécution une raison fausse : le « suicide »  manipulé du prince de Cammerata.

         VII VALEUR HISTORIQUE DES MEMOIRES.UN EXEMPLE:LA COMTESSE DE CASIGLIONE.

  A. Decaux écrit dans La Castiglione:

         « Les Mémoires de Griscelli forment l’exemple le plus accompli d’une œuvre parfaitement apocryphe et romanesque. »

  En réalité, l’académicien n’a jamais lu les Mémoires en question et les cite de seconde main en les déformant. L’historien F. Loliée accorde, lui, plus de poids à la version du baron de Rimini: il s’interroge: « il y a du vrai  dans le récit de l’homme de police » .De plus, il avait rencontré ceux qui avaient fréquenté ou aimé  « la divine comtesse ». Dans Les femmes du second empire,il rappelle  «l’insistance avec laquelle le gouvernement italien a exigé la livraison des papiers de Madame de Castiglione [ à Paris en 1899 après sa mort] de manière à n’en laisser subsister aucune trace. » C’est aussi, comme par hasard, Adriano Colocci, le seul  « spécialiste » de J.- F. Griscelli, qui fut chargé d’une double mission, à La Spezia et à Vezzani: d'une part, trier les archives de la comtesse à La Spezia et détruire celles qui importaient ; d'autre part, obtenir à Vezzani la destruction des manuscrits de J. -F. Griscelli, détenus par le conseiller général et maire André Griscelli.

  L’historien F. Loliée cite, dans Les femmes du second empire , à propos de la tentative d’assassinat ourdie contre Napoléon III chez la comtesse de Castiglione par Zampo et déjouée par J.-F. Griscelli, une lettre du 20 mars 1904 que lui avait écrite le général et député Estancelin, amant de la comtesse:

         « Vous ai-je rappelé qu’un agent de police de service près de l’Empereur [l’Italien Zampo, et non pas le Corse Griscelli] était venu trouver quelqu’un que je sais [le duc d’Aumale, intime de la comtesse]  pour assassiner le grand chef [Napoléon III] et que cet individu [Zampo] était en rapport avec la comtesse?

  Vous ai- je renvoyé l’écho lointain de ces paroles dans une conversation à deux:

  [ZAMPO] Si je l’avais fait assassiner, qu’auriez-vous dit?

  [LE DUC D’AUMALE] Rien. Non, je ne m’étonne de rien. Mais ce n’eût pas été par « vengeance d’amour, ni par intérêt. C’est donc une raison politique. Laquelle?

    Oui, d’où venait la rupture entre Elle et Lui? Déception? Fatigue? Ou quoi?

         -Il reste beaucoup à approfondir dans les ténèbres de cette grande existence si agitée. Et, d’ailleurs, sait-on jamais la vérité de ce que dit une femme, et une femme politique surtout? »

  Essayons de répondre aux deux questions que se pose le duc d’Aumale.

  La première porte sur la raison politique et sur le commanditaire principal de l’attentat : le duc se rend comte qu’il doit s’agir de son neveu, le duc de Chartres, et que celui-ci n’a même pas daigné le consulter pour un attentat visant à rétablir les Orléans et qui, découvert, pouvait avoir de graves conséquences pour lui et ses partisans  .

  La seconde   « Ou quoi» porte sur  les mobiles de la rupture entre Napoléon III et la Castiglione, mobiles qui préexistent  à la tentative d’attentat chez la comtesse et expliquent son étonnante  participation à celle-ci.  « Mon Napoléon avait peur, écrira la comtesse, et je l’ai lâché ». En effet, Napoléon III  abandonne, à ce moment,  la cause de l’unité italienne que pourtant,  jadis, il avait fait le serment de réaliser lorsqu’il luttait avec les carbonari insurgés. De plus, il a peur du qu’en-dira-t-on à propos de leur liaison il refuse de s’afficher et Virginia se rend compte qu’elle ne pourra manœuvrer à sa guise l’Empereur. Quant à lui, il soupçonnera la comtesse de l’avoir trahi et d’avoir été complice de l’attentat, même s’il ne peut le dire ouvertement. Le préfet de police Carlier confiera à Madame Baroche: « Cette femme n’a ni cœur ni âme. Je la crois capable de tout, même d’assassiner... » Celle-ci rétorquera:  « Tout beau, M. le préfet. Comment l’entendez-vous? »  Rappelons le célèbre mot de la comtesse dont l‘idéal était Catherine de Médicis : «Plus je vois les hommes, et plus j’aime mes chiens... »

  Revenons sur l’attentat en lui-même et remarquons d’abord le lieu que lui assigne J.-F.Griscelli:l’Hôtel de Beauvau.Celui-ci devait, en 1860, devenir l’Hôtel de la police et de l’ intérieur, mais il était alors un hôtel meublé. Le mari de la comtesse et son fils habitant Avenue Montaigne, c’était à l’Hôtel de Beauvau qu’avaient lieu les rencontres, détail peu connu ,-et peu remarqué dans le récit de notre parent.

  Il semble bien qu’à l’insu de J.-F. Griscelli,  son collègue Zampo se soit abouché avec Madame Luisa Corsi, la fidèle servante italienne de la Comtesse de Castiglione, pour tramer l’assassinat. Notre parent ne percera à jour le rôle de  l'Italien Zampo qu’au moment de l’attentat d’ Orsini, moins d’un an plus tard : c’est à ce moment que notre parent le tuera, au sortir  des rendez-vous orléanistes de celui-ci chez le duc de Chartres et chez le duc d’Aumale à Londres, et qu’il lui vitriolera le visage, -signature de son exécution comme traître par une société secrète catholique bien connue : Zampo avait desservi la cause du Pape en trempant dans deux attentats destinés à provoquer une politique en faveur de l’unité italienne. Notre parent ne peut mentir, alors que, ce matin -là,  il a eu son  éblouissement prémonitoire qui lui annonce toujours du sang versé dans la journée même (signe auquel il croit fermement),et qu’il se rend, une heure avant le rendez-vous galant, dans le salon de service attenant au cabinet de l’Empereur pour tenter de dissuader l’Empereur de se rendre à l’Hôtel de Beauvau.

  La comtesse  n’en voulut pas à notre parent: à Florence ,elle l’invite à dîner  chez elle avec sa dame de compagnie Luisa Corsi afin d’apprendre de sa bouche ces nouvelles politiques dont elle était si friande.

  Ainsi, à propos d’un fait connu et controversé, on ne saurait balayer d’un trait de plume les affirmations de Jacques- François Griscelli dans ses sulfureux Mémoires.
                                                       

                                      GENEALOGIE

 

 

 

 

         LA  FAMLLE GRISCELLI

         Elle est installée à Vezzani dès le XVI e siècle, dans la maison « grisgellana » qui existe encore (renseignement communiqué par des généalogistes  génois à M. Grazietti). Le nom, du latin  « GRAECULI », signifie Grec. On retrouve dans cette famille un prénom masculin  d'origine grecque , Parthénopée,  altéré en « PARTHELOPE » , nom qui vient de Parthénopéïos, consacré à Parthénopée, la Vierge noire , de « PARTHENOS » (parqe/noj  ), Vierge,  et d’OUPIS » ou « OPIS » (Ou)=piV, )=WpiV) , nom de la grande Déesse Mère lorsqu’elle est brunie par le Soleil, on le verra .

  La Grande Déesse Parthénopis.

  Grâce à Frazer dans le Rameau d'Or, en particulier dans Le Roi magicien dans la société primitive, on peut interpréter « PARTHENOS » comme la femme non mariée toute-puissante  de l' époque du matriarcat. « OUPIS »  est  le nom de la  Grande Déesse Mère d'Ephèse et de Délos, plus tard  assimilée par les Grecs à Artémis , puis à  Diane par les Romains. Une trace du culte de la Grande Déesse mère Oupis se retrouve près d’Aleria dans le nom actuel de l’étang de Diane ou dans celui de la « pieve d’ Opino », ce denier nom nous étant attesté au IIe siècle par Ptolémée  dans son Traité de  Géographie   sous la forme Opeinon (de Opis ),peinon. Quelle est l’étymologie du nom Oupis? Une racine indo-européenne signifiant cuire, chauffer par le soleil est abondamment établie: opson, epso, pepso, pepto ou pesso , Parthenopis est ainsi la vierge cuite par le soleil, la vierge noire. Opoora, l’automne, ou plus exactement, la 3e des 7 saisons du calendrier grec, est la saison (hora) d’Oupis commençant à la Canicule, c’est- à- dire l’époque où Sirius du Grand Chien se lève et se couche avec le soleil, et elle commence au 15 août, date de l‘Assomption de la Vierge mais anciennement grande fête de la déesse Oupis . Quand Napoléon Bonaparte naquit un 15 août, sa mère Lætitia , née Ramolino et donc originaire de ces régions dont nous parlons, imposa le diminutif  de Parthenopé  Partholopé, savoir Napoleone  et lui- même imposa à Naples le nom de République Parthénopéenne, sachant que l’île en face de Naples s’appelait Parthenopée et que Naples s’appelait d’abord Parthénopéia devenue au fil du temps Néapolis , Napolis par étymologie populaire ’la nouvelle ville) . 

  Le géant de l’église de Vezzani.

  Oupis ,  assimilée à Artemis ou à Diane,   avait  un fils, un géant nommé Tityos . Or,  un géant est curieusement représenté sur la chaire de l’église de Vezzani où il est représenté enchaîné par le Christ. Selon la mythologie, c'est Zeus qui  foudroya le géant: Tityos resta fixé au sol, où deux aigles, symboles du soleil,  lui dévoraient le foie, qui renaissait selon les phases de la lune. Le géant est donc assimilé à la lune. Mais nous allons retrouver notre déesse sous la forme des armoiries corses.

  De  Parthenopis  (ou Artémis ou Diana ) à la Vierge noire et à la tête de maure

   La tête de maure, en héraldique, se rencontre assez fréquemment : en Irlande (familles O’Conry, Conroy, etc. au XVIe siècle), en  Normandie ,  en Italie,  en Allemagne(en particulier en Bavière), en Espagne où le roi d‘Aragon avait un sceau à 4 têtes de maure qu’il a légué à la Sardaigne et à la ville de Cagliari.

  Origine celtique du Maure de Freising la vierge noire de Chartres.

  Le pape Benoît XVI, originaire d’Allemagne, archevêque de Freising et de Munich en Bavière a tout naturellement  pris pour blason pontifical la tête de maure de Freising  au naturel (couleur brune) dont les lèvres, la couronne et le collier sont rouges: c’est l’antique emblème de l’archevêché de Freising, emblème attesté au VIIIe siècle. A l’origine de cet emblème le premier évêque de Freising, saint Corbinien, né à Chartres vers 680 et mort le 8 septembre 730, qui a introduit en Bavière la vierge noire des Carnutes, encore adorée aujourd’hui à Chartres. Première constatation:  il s’agit d’une femme . Deuxième source d’étonnement : le bandeau blanc corse (le « tortil argent » des héraldistes) se révèle être un diadème royal de couleur rouge flamme, la  pourpre, la couleur, on le verra,  du soleil levant ; la mauresque porte aussi un collier de pierres précieuses et des boucles d’oreille de perle sur ces oreilles percées. Il s’agit bien évidemment d’une reine : « je suis noire, et pourtant je suis belle »  , comme dit la Bien-Aimée ( est-ce Isis?) du Cantique des cantiques. Il s’agit ici  indiscutablement de  la représentation héraldique d‘une vierge noire.

   Or les vierges noires (L’énigme des vierges noires, par J. Huynen)  sont d’origine grecque. Elles sont des avatars de la déesse Oupis ,  de la vierge noire  d’Ephèse,  Parthenopis , qui était liée au culte héllène du soleil levant  et des déesses- terre  de couleur noire fécondées par le Soleil: « A Ephèse, écrit J. Huynen,  dans le Temple de Diane (Artémis), l’une des sept merveilles du monde, on vénérait une statue noire de la Grande Déesse, sœur de l’Apollon solaire, et il est frappant de relever que c’est à Ephèse que la Vierge Marie aurait vécu après la mort du Christ et qu’une tradition y place son Assomption, le lieu même de celle-ci étant appelé en turc karatchlti, c’est- à- dire exactement « la pierre noire » , noire parce que brûlée par le soleil-dieu.

   La maison de la Vierge Marie à Ephèse (Turquie aujourd’hui) attire encore les pèlerins  : on l’appelle Panaya Kapulu, la Maison de la Vierge , et on doit sa découverte à une vision de Catherine Emmerish, morte en 1824 . Elle en avait donné le signalement exact et sa vision correspondait à une réalité qu’elle ne pouvait connaître. Marie-Madeleine également est morte à Ephèse, selon la tradition. C’est dans cette ville qu’eut lieu enfin le concile qui, en 431, proclama le dogme de Marie mère de Dieu. On mesure la force du lien entre le culte marial et Ephèse.

  Citons d’autres exemples de cette couleur noire étrangement associée au culte du soleil. D’après E. Saillens (Nos Vierges noires, 1945), la plus ancienne idole du Hedjaz était une pierre noire, volcanique et météorique, dite la Kaaba : à la Mecque, la pierre noire a cette couleur parce qu’elle a été brûlée par le feu  du soleil .

   .Dans Philostrate, La vie d’Apollonios de Tyane, nous avons un récit par un témoin oculaire , vers 62,  du lien entre le culte du soleil levant et la pierre noire du colosse de Memnon à Thèbes en Egypte (VI, 4, p.1214, Romans grecs et latins, la Pléiade)): « La statue est tournée vers le levant : c’est celle d’un jeune homme qui n’a pas encore de barbe; elle est faite de pierre noire, ses deux pieds sont réunis comme dans le style des statues dédaliques (archaïques, comme celles des Cyclades), ses bras, tout droits, s’appuient sur le siège, car il est représenté au moment où il est en train de se lever (comme le soleil)…. Lorsque les rayons du soleil frappèrent la statue, ce qui arrivait au moment du lever de l’astre, les spectateurs ne purent maîtriser leur admiration, car la statue se mit à parler dès l’instant où le soleil effleura sa bouche, les yeux se mirent à briller et s’animèrent à la lumière, comme ceux des hommes qui aiment le soleil; ils comprirent alors que la statue est représentée dans l’acte de se lever, comme le font ceux qui adorent debout les puissances divines. Après avoir offert un sacrifice au Soleil Ethiopien et à Memnon de l’Aurore (les prêtres leur expliquèrent qu’ils devaient le faire, ajoutant que le nom du premier, éthiopien, venait des mots grecs aithi, voulant dire » brûler » , et  ops, voulant dire «  réchauffer ») … »  Cf. le nom d’Opis et le nom  latin et allemand de la tête de maure : caput æthiopicum, tête éthiopienne, brûlée par le soleil. L’épithète éthiopien est une épithète rituelle et non géographique.  Il s’agit d’une statue animée dite dédalique, d’un automate comme ceux dont parle Platon, Ménon, 97, 2 .

   L’érudit Callimaque appelle la déesse d’Ephèse  du nom d’Oupis ( Hymne à Artémis, 3, 204) et ce nom d’Oupis est celui sous lequel la Terre- Mère s’est d’abord installée à Ephèse. Or, elle y était représentée, nous l’avons dit,  par une statue de  vierge (Parthénos) noire. Les Phocéens, voisins d’Ephèse, ont introduit en Corse et notamment à Aléria le culte de la Vierge noire.

   C’est d’ailleurs à Aléria que la légende corse situe l’enlèvement d’une jeune fille appelée,  comme par hasard,  Diana , par un Maure, Mansour,   venu d’Espagne : son fiancé , Paolo,  part à sa recherche et coupe la tête du Maure, dont le bandeau était rouge (on retrouve le souvenir de la vraie couleur originelle de la couronne solaire),  la présentant sur un drap blanc : ce serait l’explication populaire du drapeau corse.

  Les historiens font remarquer que la 1ère apparition certaine de ce blason en Corse date de 1736 avec le roi de Corse allemand  Théodore de Neuhoff,  qui peut très bien avoir été inspiré par des armes comparables vues en Allemagne (il conserve la couronne royale  et les bijoux) et avoir pris ces armes à titre personnel. En effet, c’est à la Vierge Marie  que Paoli avait voué la Corse, le 30 janvier 1735, devant la consulte de Corte:

 « Nous élisons pour la protection de notre patrie et de tout le royaume l’Immaculée Conception Vierge Marie et nous décrétons de plus  que toutes les armes et drapeaux de notre dit royaume soient empreints de l’image de l’Immaculée Conception, que la veille et le jour de sa fête soient célébrées dans tout le royaume avec la plus parfaite dévotion et les démonstrations de foi les plus grandes ».

  En 1745, Gaffori reprend en le modifiant le blason de Théodore sur le drapeau de son armée : est-ce que les vieilles traditions vezzanaises et alérianes ont joué un rôle dans son choix? C’est très vraisemblable. En tout cas, son choix est officialisé par Paoli et ,  le 24 novembre 1762, soit 27 années après avoir consacré la Corse à la Vierge, il  semble changer  d’avis et consacre la Corse cette fois-ci à la Vierge noire ;  il reprend le blason du précédent roi et surtout de Gaffori,   transforme le diadème royal qui n’avait plus lieu d’être en bandeau blanc à l‘italienne et non plus pourpre comme en Allemagne et à l‘origine (la couleur du soleil levant), mais il garde un aspect féminin à la tête de maure:   à ses yeux , il s’agissait sans doute, non de la tête coupée d’un sarrasin à brandir comme une tête de Méduse, mais d’une des trois Marie qui avaient débarqué, assurait-on,  aux Saintes- Marie -de- la- Mer  , très honorées en Corse,  Marie  l’Egyptienne , la Mauresque confondue avec la sainte Sara des Tziganes et surtout avec Marie-Madeleine, son teint basané s‘expliquant par son origine. Le blanc du nouveau blason reprendrait l’ancienne Immaculée Conception.

  Le pallium (manteau)  ou plutôt l’omophorion (du grec omos, épaule, et phoreo, porter, cape qu’on jette sur l’épaule) en laine blanche d’agneau ou l’origine chrétienne du bandeau blanc corse.

  Le tortil qui orne la tête de maure corse est , selon la définition du Larousse, un « bourrelet en torsade à bouts pendants par derrière, qui ceint une tête de maure ». On peut penser que le tortil de la tête de maure a succédé au tortil au sens également attesté par le Larousse : « cercle d’or gemmé, rebordé plus fortement en haut qu’en bas et autour duquel est passé en spirale un collier de perles: c’est la couronne des barons », autrement dit à la couronne solaire dont les pointes symbolisent les rayons du soleil, pointes dorées qui sont parfois remplacées par des cornes de mouton;.Pour les légendes corses, le bandeau du maure était l’indice d’un grade. Or, dans le blason du pape, nous avons un pallium blanc, insigne liturgique typique du souverain Pontife, selon Mgr Andrea Cordero Lanza di Montezomolo, nonce apostolique, qui indique sa charge de pasteur du troupeau qui lui a été confiée par le Christ : « « au cours des premiers siècles, les papes utilisaient une véritable peau d’agneau posée sur l’épaule » : c’est le pallium ou plus exactement l’omophorion utilisé aujourd’hui encore par les patriarches orientaux. « Puis apparut l’usage d’un ruban de laine blanche, tissée en pure laine d’agneaux élevés dans cette intention. Le ruban portait plusieurs croix, qui lors des premiers siècles étaient noires ou parfois rouges. Au IVe siècle le pallium  était déjà un insigne liturgique spécifique et typique du pape. L’usage que le pape confère le pallium aux archevêques métropolitains commença  au VI1e siècle. » Le tortil blanc du blason corse  est donc un symbole de juridiction  épiscopale, l‘agneau signifiant le Christ, et ses représentants sur terre , du chef de la religion aux évêques. Quant aux nœuds à l’arrière de la tête de maure corse ou au-dessous de l‘écu de Benoît XVI, il ne s’agit pas de quelque frivole catogan, mais du reste de l’offendix ou offendimentum du souverain pontife des Romains, souvenir indo- europén qu’on retrouve sur les bustes de Bouddha en Inde et qui consiste dans les nœuds qui attachent les brides du bonnet pontifical ou tiare appelée en latin apex. 

  L’origine païenne du tortil corse : l’Agneau aux cornes d’or.

  La déesse Oupis et son héritière Artémis agréaient les offrandes d’agneaux blancs et on se souvient de la colère d’Artémis lorsqu’ Atrée hésita à lui sacrifier le plus bel agneau de son troupeau aux cornes d’or évoquant le soleil. L’ épithète rituelle, Karneïos (même racine que corne ou le nom de la peuplade gauloise près de Chartres, les Carnutes ou la divinité gauloise Cernunnus) , appliquée à son frère Apollon , indique cette référence à l’agneau blanc (Karnos attesté par Hésychius au sens de mouton).

 D’après le folklore, l ’agneau naît noir au solstice d’hiver, puis devient de plus en plus blanc jusqu’à devenir immaculé au 15 août et alors l’Agneau pur. C’est le symbole du Soleil levant, il a y a un « aspect solaire viril et lumineux de l’agneau ».

 En résumé, le tortil, qu’il soit rouge  ou blanc, a originellement  fait référence au Soleil, sous la forme  de la pourpre royale du Soleil levant ou sous celle  d’un Agneau immaculé renvoyant à la Vierge, qu’elle soit blanche ou noire et brûlée alors par la puissance des radiations solaires lors de son Assomption surnaturelle.

   Les 4 têtes de maure du roi d’Aragon et par suite de la Sardaigne et de sa capitale Cagliari s’expliquent par une allégorisation des trois Marie (Marie- Madeleine, Marie - Salomé, Marie, mère de Jacques) et de la Vierge. La Vierge noire est, comme pour Aléria et comme pour Cagliari en Sardaigne, on le verra, d’origine grecque : en effet, les Phocéens avaient fondé une colonie à Emporiai, dans la Tarraconaise, aujourd’hui Ampurias,   et de plus 3 autres vierges noires existaient en Aragon : celle de Valence, celle de la capitale du royaume Sarragosse, la plus célèbre enfin grâce à Richard Wagner, celle de l’abbaye de Montserrat près de Barcelone appelée la Morenata, la mauresque (de la Maurétanie, maure du grec amauros, brun, tania le pays Cf. Aquitania). Quant à Cagliari et à  la Sardaigne, Diodore de Sicile (V, 13, 3) nous apprend que les Phocéens avaient fondé une ville appelée Calaris, qu’il situe par erreur en Corse. Florus nomme Carala (II, 2), d’autres Caralis . En grec, Hésychius atteste le vocable phalos pour signifier blanc en phocéen, donc Phalaris qui a donné Cagliari signifie la lumineuse, la ville vouée à la lumière solaire et nous renvoie à la Vierge noire. Les statue devaient être en bois, car Hérodote (I, 165) nous dit que les Phocéens, devant la menace des armées de Cyrus,  « ne pouvant souffrir l’esclavage, lancèrent leurs navires en mer, y mirent leurs femmes, leurs enfants et leur mobilier, ainsi que les statues et les ex-voto  qui se trouvaient dans leurs temples, excepté les tableaux et les statues de bronze ou de pierre ».

  Le pape Pie VII Barnaba Gregorio Chiaramonti (1800-1823) , né à Césène, avait dans son blason pontifical 3 têtes de maure, donc une allusion à la Trinité et aux 3 Maries(Marie, la mère du Christ, Marie- Salomé, Marie- Madeleine) .La Vierge noire  dont il s’inspire pour son blason peut être celle de Loreto, d‘origine celtique comme celle de Offaly en Irlande, laquelle a inspiré les armes de la famille O‘Conry.

  Le pallium de cette dernière famille irlandaise peut être rattaché à l’archevêque de Tuam, Florence O’Conroy ou O’Conry (1561-1629) qui a composé un traité théologique important en gaëlique et a anglicisé son nom irlandais signifiant d’origine royale, savoir  O’Maolconaire.

 Le pallium (ou omphorion) souvent confondu avec le tortil blanc dont il a pris la suite signifie donc toujours en ce cas une dépendance épiscopale : évêque d’Aléria pour la Corse, évêque de Freising, évêque de Tuam pour la famille irlandaise. En revanche, pour l’Aragon et pour la Sardaigne, le bandeau blanc est exclusivement un tortil et non un pallium, semble-t-il.

 

 

 

 Le lièvre de Vezzani.

         Autre trace hellénique: le refus des Vezzanais, à date ancienne, de consommer du lièvre. Les Grecs d’Asie mineure, selon Aristote, apprivoisaient les lièvres qui étaient leurs animaux de compagnie et sacrés en même temps, l'équivalent des belettes à l'époque romaines, celles-ci étant relayées ensuite par les chats.

         Nous allons maintenant examiner les habitats successifs de la famille Griscelli.

         1°LA COLONIE PHOCEENNE (VIIe siècle avant J. C. ) : ALALIA.

  Phocée d’Ionie en Asie mineure (aujourd’hui Foki en Turquie) multiplie colonies et comptoirs, de 600 à 545 avant J.-C., jusque dans l’Occident le plus lointain, même au-delà des Colonnes d’Hercule (le détroit de Gibraltar), dans l’Océan Atlantique avec Tartessos: ils colonisent ainsi l’Etrurie (Ischia, Parthénopée ou Naples), la Sardaigne , la Corse, la côte ligure (Nikaia ou Nice,Agatha Tuché ou Agde, Massalia ou Marseille) et ibérique (Emporion), l’Andalousie :Mainaké, etc. Mais, lorsque Cyrus, le Grand Roi des Perses, eut vaincu le roi de Lydie Crésus, en 545, les Phocéens (Fogliani en corse) durent fuir devant l’avancée de leurs voisins perses et se replier sur Alalia qu’ils avaient fondée en Corse (l’Alalié d’Hérodote), puis, battus  en 564 par une coalition navale des Carthaginois et des Etrusques au large d‘Alalia, ils se concentrent sur Marseille.

  Donnons la parole à Sénèque, exilé par Méssaline sur la côte orientale de Corse, peut- être à l’emplacement très incertain d’ une de ces tours dites de Sénèque, pour adultère, de 41 à 48 avant J. C., dans sa Consolation à sa mère Helvia, écrite en Corse au cours de ces sept années:  «Le changement de lieu est si peu un mal que l’on s’est expatrié  même pour venir en ce pays - ci.[…  ]. J’ajouterai un seul exemple que j’ai sous les yeux. L’île où je suis a déjà changé plusieurs fois d’habitants. Sans parler de ces anciennes peuplades, dont le temps a effacé le souvenir, les Grecs fixés aujourd’hui à Marseille, après avoir quitté Phocée, commencèrent par s’établir dans cette île. Quel motif les en chassa? Fut-ce la rigueur du climat, ou la crainte de la puissance des Italiens, ou le désavantage d’une mer privée de port?On n’en sait rien: ce ne fut sûrement pas la férocité des naturels, parce qu’ils passèrent dans la partie de la Gaule, qui pour lors était la plus sauvage et la plus barbare. La Corse fut ensuite possédée successivement par les Liguriens et par une colonie d’Espagnols;  la conformité des usages ne permet pas d’en douter: on retrouve ici les ornements de tête et les chaussures des Cantabres d’aujourd’hui, et quelques mots de leur langue, vu que le commerce des Grecs et des Liguriens a entièrement dénaturé le langage primitif. Ensuite, deux colonies de citoyens romains y furent envoyées, l’une par Marius, l’autre par Sylla. Combien de fois une roche aride et escarpée a- t- elle vu renouveler ses habitants !»

  Pour revenir à  la ville fondée par les Phocéens, ALALIA, Alalia , son nom vient du grec,  du crétois abelios, soleil ou plutôt abeleia, la ville dédiée au culte du dieu soleil. C’est le même radical qu’on retrouve dans des noms de peuples : Hellènes,  Alains  ou dans lr nom de ville Adria (de Aleria);   *Abeleia a évolué en  alelia, puis en Alesia et Aléria en raison de  l’attraction exercée par le fait que toutes les Alixia ou Alesia gauloises ont été latinisées en  Aléria.

  Avec qui se mêlèrent ces nouveaux arrivants ?

1° Avec leurs prédécesseurs indigènes, les Libyens, ces grands constructeurs de ces mégalithes si méconnus de la Corse. Ils avaient déjà peuplé la Sardaigne et étaient divisés en trois tribus.  Ils étaient apparentés aux Cantabres d’Espagne, nous dit Sénèque dans sa  Consolation à sa mère Helvia ,  par leurs mœurs (rite de la couvade qui engendrera la réputation de paresse des Corses, mise à mort, par derrière et par leurs propres fils, de leurs vieux pères avec un rire rituel, qui sera qualifié plus tard de sardonique, anthropophagie), par leurs chaussures, par leur chapeau et surtout par leur langue. Or, Sénèque était  né en Espagne, à Cordoue, d’un père qui était lui -même né en Espagne. Le  grand philosophe est un témoin oculaire, et pas n’importe lequel. La langue des Corses indigènes  n’était pas indo-européenne, elle était  proche du basque pour simplifier, du méditerranéen des linguistes. Ils seraient venus à date préhistorique de Libye . Les noms de lieux qui en relèvent ont été par le prince Louis- Lucien Bonaparte qui, ayant séjourné en pays basque, a rapproché toponymes basques et corses (par exemple,  Ghisoni ou Ghisonaccia, où le radical ghi- signifie la pierre).On ne connaît pas leurs noms.   Peut-être s’appelaient-ils eux-mêmes les Laistrygons (Ostriconi aujourd’hui) dont Homére nous a conservé le nom dans un passage de l’Odyssée.

2° Avec des envahisseurs qui les avaient précédé de quatre siècles environ, tant en Italie qu’en Sardaigne et en Corse,  les Etrusques, venus de Lydie en Asie mineure après la chute de Troie en 1183 avant J.-C.,  quatre siècles avant eux et en plusieurs vagues dont la première était commandée par Enée .Ce dernier donne peut-être à la Sardaigne son plus ancien nom attesté, l’Enéenne : Iéhnooussa, l‘île du bronze(aenos en grec). Les Etrusques sont divisés en trois tribus : les balaroi (exilés ou fuyards cf. le nom des Baléares et celui de la Balagne), les ilésiens et les corses.  Les Sardes en Corse ont laissé leur nom à Sartène ( Sardinia, la colonie sarde). La mythologie a depuis longtemps remarqué l’identité de nom entre la Sardes de Lydie en Asie mineure et l’île voisine de la Corse. Ce nom de Sardaigne est, lui aussi, étrusque et signifie la guerrière, la combattante. Sarde est le même mot que Parthe et on le rapproche du sanskrit ksathrya, guerrier.  On sait aujourd’hui, depuis le déchiffrement d’une inscription lydienne, que l’étrusque est une langue indo européenne de la branche des Grecs, des Arméniens et des  Illyriens ou Albanais : les Troyens en sont les plus illustres représentants. Le nom des nuraghi sardes est à mettre en relation avec le nom de la citadelle de Troie, Pergame , et avec le nom grec des tours, purgos : le nom latin, turris, est aussi étrusque, de tursis, attesté en grec et signifiant citadelle. A remarquer que Phocéens et Etrusques viennent de lieux fort voisins d’Asie mineure et qu’ils vivaient tous dans un régime matriarcal.

  Les Phocéens appelaient leur île Tursenos devenu Turrhenos puis Turnos, enfin Kurnos, notre Cyrnos. L’ancienne forme de ce nom nous est conservée par Philostrate, La vie d’Apollonios de Tyane (V, 11, p. 1183 dans la traduction de Pierre Grimal parue dans la Pléiade) : au cours de ses voyages , Apollonios raconte dans des écrits rédigés en grec de Cappadoce proche du phocéen et  traduits par l’Athénien Philostrate comment il quitte l’Espagne pour la Sicile vers 62 de notre ère, passant par la Libye et par la Tyrrhénie, le pays des Tyrrhéniens. P. Grimal commente (p.1519) : «  Le pays des Tyrrhéniens étant l’Etrurie (Italie centrale), cet itinéraire est étrange. »   C’est la Corse qui, en réalité,  est évoquée  comme le pays des Tyrrhéniens , sous le nom libyen des corses. Platon dans le Timée  évoque aussi la Corse sous son nom grec de Tyrrhénie , antérieur à Cyrnos,  nom moderne et phocéen de la Corse , dont Platon nous révèle qu’elle était une colonie de l’Atlantide .Le nom des habitants de l’île est en latin Corsicus , différent à l’origine des Corsi, l’une de 3 classes des Etrusques de l’île, ce qui donne Corsica (insula), la Corse. Corsicus est à rapprocher du grec Turrhenikos, de Tursenikos. Le T est devenu K pareillement.

  Que voulait dire ce nom propre? Peut-être (l’île) qui a des citadelles préhistoriques, qui a des fortifications,  latin turris, grec tursis,  tour.Les Etrusques doivent leur nom à ces mêmes fortifications.

  Les Etrusques ont fondé,  vers 564 avant J.-C.,  après une victoire navale  remportée au large d’Alalia contre les Phocéens, avec pour alliés les Carthaginois,  une ville appelée Nikaia ou Enikoniai, la Victorieuse,  sur la côte, au nord d’Alalia, dont une colonie deviendra Venaco. La même racine indo-européenne signifiant combattre *vic avec une nasale préfixée ou infixée et qu’on retrouve dans le latin vincere et le grec nikaia donnant Nice ou Nicée a donné, à partir de  l’étrusque *Veniconiai,  Venaco,  nom de la colonie originelle côtière transféré , comme souvent,  à une bourgade de l’intérieur et des montagnes , tandis que la traduction grecque Nikaia nous laissait le nom d’une montagne située entre le Fiumalto et la Casaluna, le mont Nigéuno, plus près de l’établissement initial (voir, dans Archivio storico di Corsica, juillet-septembre 1939, an XIV, n° 2, et sqq , p.161-191 et p.331-393, l’artcle de Mario C. Ascari intitulé  «   La Corsica nella carte geografiche di Tolomeo » , notamment n°3, p. 372) .

  3°Avec les Ligures, signalés par Sénèque, alors qu‘il ne mentionne pas les Etrusques sous leur propre nom, mais les Ligures sont un peuple gaulois très tôt métissé avec leurs voisins étrusques et qui a pu venir en même temps qu’eux ou après eux. 

 Comme l’écrivait Sénèque il y a 2000ans, « vous trouverez à peine une seule terre cultivée par des indigènes. Toutes les nations sont mélangées et, pour ainsi dire, entées les unes sur les autres; elles se succèdent; un peuple désire ce qu’un autre dédaigne; celui-ci est chassé du pays d’où il avait chassé ses prédécesseurs. Le Destin n’a pas voulu que la fortune des choses humaines fût jamais fixée ».

   Les aléas de l’histoire refoulèrent les rescapés phocéens dans l’intérieur des terres au cours du temps.

 

         2° ANTISANTI.

         Les Phocéens d’ Alalia ont très tôt fondé des colonies dans l’intérieur: d’*ALALIA-NA (la petite *Alalia) on est passé à *ALISANA et à *ANISANA qui a donné Antisanti, .La tradition a gardé le souvenir de l'époque où Antisanti  n'avait pas ces deux T actuels et s'appelait *Anisana. Elle  raconte comment son curé, outré de n'avoir personne dans son église, dit à ses ouailles récalcitrantes qu'elles pouvaient être «  contre les saints » (Antisanti), pourvu qu'elles aillent à la messe. C'est une tentative populaire d'explication d'une évolution phonétique historique tout à fait réelle. Citons une autre colonie phocéenne, Figari, dont le nom , attesté par Ptolémée dans son Traité de Géographie du IIe siècle après J.-C.,  est Physari,Fusari  du grec PHYSARIA, Fusaria, petits soufflets, à cause de la ressemblance des polissoirs préhistoriques avec leurs impressionnantes rainures à des soufflets. Le nom complet était le soufflet qu’on n’entend pas, physaria anakousta, fusaria anakosta qui a donné la Syracuse de Sicile et  le golfe de Syracuse de Corse attesté par Diodore de Sicile : « Cyrnos a le plus beau port qui soit, nommé Syrakosion Surakosion »   , peut-être Porto Vecchio aujourd‘hui.

         3° PIETROBIANCA  OU PIETROBIANCALE .

         J. F. Griscelli écrit Pietro-Bionchi (p. 13 de ses Mémoires, édition bruxelloise).Rectifions à ce propos une petite erreur du marquis Adriano Colocci dans sa biographie de J. F. Griscelli (p. 67)qui se demande s‘il ne s’agit pas de Pietralba, près de Bastia , alors qu’il s’agit  d’un lieu-dit entre Antisanti et Vezzani. Le nom ne veut pas dire « pierre blanche » (on n’en voit d’ailleurs aucune sur place), mais il vient du grec  «* PETROPHALANX », petrofalagx, qui veut dire « multitude de cailloux ».

         4° VEZZANI .

           « Je suis né à Vezzani, petit village situé entre les montagnes de Tanno et de Cali »:telle est la première phrase des Mémoires   de  J. F. Griscelli, Cali signifiant en grec la belleμ Καλ’η (cf. Kallisté, Καλλιστ’η l’Ile de beauté)et Tanno, de Tana  ταναiοζ , la montagne de forme élancée. Vezzani est un nom étrusqueVolsen,  lié aux mines de cuivre.

         Il existe d’autres noms étrusques en Corse. Saint Grégoire (Lettres I, 77), en 591, cite  l’évêque de Tartessa (la forme varie malheureusement selon les manuscrits:Tainatis, Tainatensis, Tanitana,  Tainates, Tainate, Taina), après la destruction d’Aléria vers 552 après J. C. par les Goths de Totila. L’évêque d’Aléria , détruite par ces Goths,  a transféré son diocèse  à TARTES SOS , aujourd’hui Carghese.

 

        

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Passons à la généalogie particulière. L’ancêtre commun de tous les Griscelli semble être Paul- Mathieu qui, lors du recensement de 1770, a 70 ans, comme son épouse Julie- Françoise .Ils ont, en 1770, 5 fils vivants.                                               

                                      Paul Griscelli  

                                      Ancien élève de l’ Ecole normale supérieure 

                                      Agrégé des lettres classiques

                                      Docteur en littérature française

ESSAI DE GENEALOGIE DES CINQ BRANCHES DE LA FAMILLE GRISCELLI

ETABLIE PAR MADAME FRANCOISE GRISCELLI A ACTUALISER ET A COMPLETER.

  Nous allons traiter sommairement les cinq branches, par ordre de primogéniture, issues de l’ancêtre  commun à tous les Griscelli , attesté en 1770 lors du recensement, PAUL-MATHIEU et sa femme JULIE-FRANCOISE, tous les deux étant nés vers 1700. Les mariages consanguins, entre cousins notamment, expliquent la légende intéressée d'une origine multiple, alors que les Griscelli remontent tous au même ancêtre, mais il fallait  bien obtenir les dispenses du curé.

I° LA BRANCHE AINEE ISSUE DE JEAN-PIERRE ET DE JEROMINE.

Elle comprend notamment Jacques- François Griscelli, le baron de Rimini et l’auteur des Mémoires, les Griscelli d’Antisanti, la dentiste et la pharmacienne de Venaco.

II° LA BRANCHE PUINEE ISSUE DE FRANCOIS-ANTOINE.

Elle comprend au moins 4 rameaux:

         l’un issu de Mathieu comprenant le professeur de médecine Claude Griscelli, la famille Griscelli d’Alesani (médecins à Paris);

         un autre issu de Henri (Arrigho): les Griscelli de Bonifacio;

         un 3e issu de Ange Joseph, qui donne les Griscelli de Sète;

         un 4e enfin comprenant le maçon Mathieu Griscelli de Vezzani, la famille du percepteur de Bellegarde, les pharmaciennes d’Ajaccio et le mari de l’auteur de ces lignes,  petit-fils du maréchal-ferrant d’Ajaccio, ulmien, agrégé des lettres classiques et docteur en littérature française.

III° LA 3e BRANCHE ISSUE DE SYLVESTRE-MATHIEU.

Elle comprend la famille de Jacques Griscelli, ancien conseiller économique et social, celle de Jean Sylvestre à Ajaccio (le maître des écoles François Griscelli), Madame François, adjointe au maire actuel de Vezzani, un alpiniste estimé,  enfin Marie- Hélène Ferrandini, ulmienne, agrégée des lettres classiques, docteur en littérature française et maître de conférences à l’Université de Corte.

IV LA 4e BRANCHE ISSUE DE PIERRE-TOUSSAINT.

Elle comprend la famille du maire  précédent.

V LA 5e BRANCHE ISSUE DE PAUL-FRANCOIS.

Nous ne connaissons pas ses actuels descendants si elle en a, mais nous aurons à la citer au cours de cet essai (mariage avec d'autres branches ou « familles »).

   Il y a beaucoup de Griscelli que nous ne savons pas rattacher de façon précise, en particulier ceux 1 de Saint-Jean près de Toulouse, Haute Garonne), 2 ceux de Bordeaux,  3 ceux de Vaux-en- Velin (branche lyonnaise avec un médecin ? ), et  4 François Griscelli, membre du RAID et commandant du GIPN, auteur d’un livre  François Griscelli, interventions du RAID à la police judiciaire, en poste à Nouméa , en collaboration avec le journaliste Antoine Albertini, mais dont je respecte le désir prudent de ne pas être identifié,

I LA BRANCHE AINEE

L’ancêtre est Jean-Pierre né en 1720, marié à Jéromine, née en 1722, qui a 6 garçons et 1 fille, tous présents au recensement de 1770.

Le signe ° signifie né.

Antonia° 1745

Pierre°1751

         François°1754           

 Antoine°1758

Joseph°1765

Antoine Jacques°1766

François Félix°1769

         François, né en 1754, marié le 26-6-1776 avec Donia Palavicini, fille de Ange Paul d’où 6  enfants:

1 Ange Pierre °30-6-1777

2Marie °5-09-1778

3Ange Paul °28-11-1784

         4 Pierre Antoine°5-03-1787

5Pierre-Toussaint, °vers 1795,  curé d’Altiani, mort à 84 ans le 17-02-1879.

6Antoine-Louis,°le 12-11-1807, mort le3-11-1876à l’àge de 70 ans au domicile de ses parents, curé de Moïta : c’est à lui que  fait allusion le baron dans ses Mémoires.

         4 Pierre Antoine°5-03-1787 , x 27-9-1867 à 80 ans(x= décès).Premier mariage avec Julie Françoise Baldovini, d’où 2 garçons:

1 Jacques -François°15-2-1811 , futur baron de Rimini

2Ange Paul°1814

2e mariage le 20-6-1830 avec Dona-Alice Milleli d’où Donia Maria °29-6-1832, mariée le 27-12-1857 avec Xavier Marchioni

         1Jacques-François °15-2-1811, mort à Marseille le 13 mars 1905 à 94 ans, baron de Rimini:

1er mariage le 12-2-1829 à 18 ans avec Jeanne-Marie Griscelli x2-11-1838 . Jeanne-Marie est la fille de Noël Griscelli (fils de Joseph Mathieu et d’Angela Jeanne Baldovini, 3e branche) et de Maria Vicensini, elle a 17 ans au moment du mariage: d’où 2 enfants:

1 Jacques Jean°24-1-1829, marié le 1-11-1848 avec Angélique Françoise Baldovini;

2 Joseph Mathieu, °8-9-1832, décédé la même année.

2e mariage le 31-12-1838 , un mois après la mort de sa femme,  avec Julie Béchard;

3e mariage avec Louise Meunier à Lyon annulé « pour bigamie »dont 2 enfants: 

          une fille. L’impératrice Eugénie la place à ses frais, jusqu’à 18 ans, au Couvent d’Ivry, en remerciement pour le rôle joué par son père dans l’affaire Kelch, au début du règne. Elle se rendra à Vezzani visiter le village de son père, mais, mal accueillie, repartira;

         un garçon, né  alors que son père était en prison « pour bigamie » et dont la naissance coûte la vie à sa mère. Il est élevé à Lyon par son grand- père le capitaine Meunier, mais, lorsque celui-ci meurt du choléra, il émigre en Suisse à Lucene où il devient employé de librairie. Il fait de la politique en faveur de l’unité italienne :à l’occasion d’une manifestation contre le comte de Chambord à Lucerne, le « jeune blondin » manque d’être tué par son père qui ne le connaît pas.c’est dans ces circonstances mélodramatiques qu’il rencontre pour la première fois son pére:M. de Vezzani, baron de Rimini.

4e  « union » avec une Belge, Jeannette Catherine Duquesne dont un fils, celui de La Légende des siècles ( Guerre civile ).

5e mariage avec  une  petite  cousine vezzanaise, Marie Vincensini  .

  D’autres enfants du baron sont nés sur le continent:ils portent le patronyme de Vezzani ( mais voir aussi branche III pour d’autres Vezzani).

         Le grand amour de cet homme à femmes a été pour la comtesse de Gardonne, sur la tombe de laquelle  ira se recueillir à Saint- Petersbourg .Il s’y agenouille et pleure longuement.

         2Ange Paul, frère cadet du baron, né en 1814, x 26-08-1835 avec Marie Véronique Baldovini, d’où 4 enfants:

         1 César Pompée °23-08-1841, x le 4-11-1872 à Françoise Griscelli (fille de Paul Mathieu Griscelli et de Marie Vincensini) d’où Paul Mathieu, d’où 2 enfants:

1Françoise °30-05°1914, pharmacienne à Venaco.

2Jeanne °6-12-1916, dentiste, à Venaco.

         2 Pierre Toussaint °15-07--1847, x Donia Maria Vincensini le 30-04-1881 d’où Marie Laetitia Griscelli, d’où les Griscelli d’Antisanti à Pietrobianca

         3 Pascal°1854,x le 9-11-1884 avec Isabelle Baldovini

         4 Jacques François °2-08-1857 x le 30-10-1888 avec Pauline Cristofari, dite Eugénie, mère de Xavière Griscelli, laquelle épousera Parthenopée Griscelli (3e branche).

II LA BRANCHE PUINEE ISSUE DE FRANCOIS-ANTOINE.

Francois-Antoine, ° en 1724, marié à Paola, d’où 1 fille Rozanna et 4 garçons: Mathieu, Arrigo (Henri),  Ange Joseph, Antoine.

         I Mathieu °1756, x le 21-06-1884 avec Jéromine Milelli, d’où François Mathieu°13-12-1889, x Marie Faustine Vincensini, d’où 1 et 2.

1) Joseph Mathieu°18-10-1817, marié le 20-09-1841 avec Marie Davinia (Lavinia) Griscelli (fille de Jules Michel Griscelli et de Marie Françoise Bonelli, petite- fille d’Arrigo Griscelli et de Marie Davinia Vincensini), d’où Jules Michel x le 18-06-1864 marié avec Anne Marie Vincensini, ingénieur- géomètre à Casablanca au Maroc, d’où le père (né à Tunis) du professeur de pédiatrie Claude Griscelli (°1936) résidant  à Cervione, élève du professeur et hématologue Jean Bernard et de Robert Debré, président de l’Université de Corté, élu  conseiller de la Ville de de Paris,   avec deux enfants,  l’un professeur de médecine également, l’autre professeur de pharmacologie.

2Ange Joseph °2-10-1834, x le 27-11-1860 à Nonce Marie Bianconi, d’où les Griscelli d’Alesani (avec des filles qui sont médecins à Paris).

         II Arrigo (Henri) ° en 1758, x avec Maria Davinia (Baldavinia) Vicensini, d’où Jules Michel, °15-04-1791, x le 17-09-1820 avec Marie Catherine Luciani, d’où Jules Michel, °5-07- 1831, x le 25-04-1881 avec Angèle Félicité Bernardi, d’où Jean- Baptiste °30-05-1890 qui donne les Griscelli de Bonifacio.

         III Ange Joseph, né en 1764, marié à Rochetta Pettorelli, maire de Vezzani, médecin, qui donne les Griscelli de Sète (Joseph Olive).

         IV Antoine °1770, décédé le 17-10-1856, maré à Catharina Battesti en 1789, d’où 2 fils et 1 fille:

1Antoine François, x Marion Fabiani;

2Maria Paola, x le 8-07-1821 avec Xavier Baldovini;

3Mathieu, né le 15-02-1804, marié le 8-03-1837 à Pauline Catherine Marchioni, d’où 3 fils et 1 fille Rozanna:

         1 Jean Pierre °29-11-1839, d'où Jean-Pierre percepteur à Bellegarde (Ain) et Ange-Joseph,marié à France,  d'où  aujourd'hui Mathieu Griscelli , maçon   à Vezzani et  son frère Alexis.

         2François-Antoine °25-03-1841, marié à Claire-Françoise Fratani, un seul fils, Paul-François, °24-12-1874, marié à Marie Paolacci, née à Casevecchie le 6 novembre 1879:cette dernière refuse de vivre dans les montagnes perdues d'Olma, en indivision de plus, et part sur un âne pour Ajaccio en contraignant son futur à la suivre.Ils se marient à Ajaccio le 29 août 1899, d'où 3 filles et 4 garçons. Ils s'installent tous deux  sans argent rue Fesch et il ouvre une échoppe de maréchal-ferrant dans une rue qui deviendra, par mauvaise traduction, la rue des "charrons", alors que c'était la rue des maréchaux-ferrants.Il arrête à plusieurs reprises des chevaux emballés, comme le faisait aussi le baron de Rimini, ce qui lui vaudra, de la part du préfet, plusieurs certificats «de bonne action».

   Parmi  ses enfants,  nous citerons:

 Noël , champion du tour cycliste de Corse avant la guerre,qui s'engage par chagrin d'amour dans l'armée et sera tué au Laos.On peut lire quelques-uns de ses exploits militaires, d'une bravoure insensée finissant par la mort, dans les revues des combattants d'Indochine sous les  initiales N. G.  ;

 François-Antoine , dit Antoine,  l'aîné de la famille , né le 4 novembre 1901 à Ajaccio, qui entre à l' école normale d'Ajaccio, est nommé instituteur à  Bonifacio, puis à Ghisonnaccia: il s'y déplaît et demande à être envoyé outre-mer. Il obtient la Nouvelle- Calédonie où il se marie à Nouméa, le 20 janvier 1930, avec Marguerite Grassin, née à Tipindjé (Hienghène aujourd'hui) de parents qui étaient des colons libres venus  de Tours  en 1900 et qui furent massacrés par les kanaks insurgés .Il s'engage comme volontaire dans le Bataillon du Pacifique, est blessé et fait prisonnier à Bir- Hakeim.

  Un de ses compagnons de combat, le lieutenant H.-G.. Payonne, a raconté la scène lors de ses obsèques:

   «Aucun de ceux qui étaient présents le soir de son départ en mai 42 pour une patrouille de nuit dans les lignes allemandes, à Rotonda Segnali près de Bir-Hakeim, par un clair de lune d'une pureté incroyable comme en connaît seul le désert, aucun de ceux-là ne pourra jamais oublier avec quel courage,  digne de l'antique , il est parti avec ses hommes pour une mort qui paraissait tellement inévitable à tous que, lorsque moins d'une demi-heure plus tard, les crêtes se sont embrasées au rougeoiement sinistre des mitrailleuses ennemies, bien des camarades ont pleuré,  à 24 ans d'avance sur l'heure du destin commun de tous les hommes , la mort de leur

camarade Griscelli.» Dernière phrase qui s’explique: A. Griscelli étant porté disparu comme bien d’autres , ses amis tahitiens et calédoniens hésiteront à le reconnaître à Belfort deux ans après lorsqu’il les retrouvera,  en civil, émacié de plus et portant moustache afin de ne pas risquer d‘être identifié et le prendront pour un revenant!.

   Alors qu'il est inconscient et grièvement blessé à la suite de deux blessures, l'une à la tempe, l'autre à la cuisse, le général Rommel ,qui avait pourtant refusé d'exécuter  l'ordre donné par  Hitler de fusiller des Alsaciens de la Légion étrangère française faits prisonniers, livre le prisonnier agonisant  aux autorités  militaires italiennes, dans la persuasion, sur la base de sa gourmette militaire «Griscelli », qu'il s'agit d'un Italien passé à l'ennemi.  Les Italiens veulent le fusiller comme traître : à demi inconscient, il entend le chirurgien italien tenter de le sauver en affirmant aux autorités militaires que, de toute façon, il n'en avait plus pour longtemps à vivre et que cela ne valait pas la peine de le fusiller  Ce chirurgien lui avouera plus tard avoir été persuadé de sa nationalité italienne et avoir agi par humanité. Convalescent,   il est envoyé d'Afrique en Italie.

 Du camp de prisonniers de guerre italien, il s'évade et fait évader , grâce à sa connaissance de l'italien, d"autres prisonniers originaires d'outre-mer, les menant jusqu'en Suisse, puis, sous le nom de Henri Maloisel (nom de la mère de sa femme), se joint aux F.F.I. du Doubs.

   Sur son courage, j'extrais l'anecdote suivante du livre de François Broche, fils du colonel tué à Bir-Hackeim,  Le   Bataillon des Guitaristes , L'épopée inconnue des F.F.L. de Tahiti à Bir-Hakeim, 1940 -1942  (Paris, Fayard, 1970, 396 p.):

  « Payonne jouait aux cartes avec lui et deux Tahitiens, dans un trou. Soudain, les Tahitiens se mettent à crier: « Prutia! Prutia! »(« (Les Allemands! Les Allemands!» appelés Prussiens par les Tahitiens ) . Ils avaient entendu, avant les autres, un avion allemand. Les quatre joueurs perçurent le sifflement de la bombe, qui se rapprochait, qui s'amplifiait. Payonne fut le premier à crier :« C'est pour nous! »  Ils s'applatirent contre les parois du trou. La bombe tomba à quelques mètres. Une bourrasque de sable s'abattit violemment dans le trou.  Payonne et les deux Tahitiens étaient paralysés par la peur, ils ne bougeaient toujours pas.  Alors, Griscelli étendit les bras, secoua la couverture où se trouvaient encore les cartes et dit tranquillement , avec son  accent corse: « Eh bien, qu'est-ce que vous attendez?  A qui est-ce de faire? » Payonne le dévisageait, les yeux écarquillés. Griscelli reprit :« Eh quoi? Elle est tombée,cette bombe, elle ne tombera pas deux fois! »

 De retour à Nouméa, il y sera nommé  par la suite directeur des écoles autochtones nouvellement créées, puis sera élu en 1957  à l'assemblée territoriale dont il deviendra le président. Deux écoles, l'une à Népoui (Poya), l'école publique Antoine Griscelli , l'autre à Nouméa, l'école  publique François Griscelli et une rue Antoine Griscelli à Nouméa  ainsi qu’une rue à Boulari (Mont-Dore) portent son nom.

  Il y avait  une rue (aujourd’hui probablement débaptisée) au Maroc à Casablanca en l’honneur de Jules Michel Griscelli ,  ingénieur-géomètre responsable d’importants travaux (voir branche II)  , né à Vezzani le 18-06-1864,   l'arrière grand-père du professeur de médecine Claude Griscelli . Citons aussi une rue Olivier Griscelli à La Couronne (Martigues dans les Bouches du- Rhône) en l‘honneur d‘un membre de la branche des Griscelli de Sète (2e branche ,III Ange-Joseph).Il y a 2 légions d'honneur.:Antoine Louis , né à Vezzani, le23 05-1883 (branche II, père de Jules Michel) et mon père François Antoine.

  Son fils Paul-François dit Paul, né à Nouméa, entre à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, réussit à l'agrégation des lettres classiques,passe en Sorbonne un doctorat, avec comme patron de thèse un autre Corse d'outre-mer, Marc Fumaroli, professeur au Collège de France et membre de l'Académie française. Marié le 4 avril 1975 à Françoise Desprez, il est élu à l'assemblée territoriale pour deux mandats: sa femme est l'auteur de cette généalogie.

         3 Joseph-François ,°15-12-1844, marié le 31-10-1873 à Barbe Vincensini, d'où les pharmaciennes d'Ajaccio. Autre fils Ange Joseph Marc, fils de Joseph François Regulus Griscelli et de Marie Barbe Vincensini, né à Marseille en 1887 -1896 ?, 21 ans lors de sa condamnation aux Assises de Marseille en 1907, embarqué pour la Guyane, vers  Mana,  le 20 décembre 1907 par le Loire, évadé du bagne. Ma       femme n’a pas réussi à trouver son acte de naissance, ni à Vezzani entre 1884-1890, ni à Marseille en 1886-1887.

 

         Sur le plan foncier et à la suite de la suppression du droit d'aînesse, les terrains restent longtemps dans l'indivision, perdant toute valeur et engendrant des conflits familiaux: c'est  seulement seize ans après la mort de leur père Mathieu que ses quatre enfants se partagent des biens qui, de surcroît, sont sans titre, puisqu'ils sont antérieurs à 1768. Le 12 juin 1889, le partage a lieu de la façon suivante:

         1 Jean-Pierre reçoit Volpajolo (1 bâtiment rural et une olivette, moins 1 olivier donné à la soeur et vendu à François-Antoine), Violata (45 ares 40,parcelle C 34), moins la moitié attibuée dans le partage à la soeur et vendue ensuite par celle-ci à François-Antoine, enfin Traggetti.

         2 François-Antoine reçoit à Mituli les lots D 174,180 181,182, soit des maquis et des friches d'une superficie de 1 hectare 46 ares, Talafronajiu et la portion de maquis indivise avec César Griscelli et Pierre-Joseph Griscelli au lieu-dit Olma (B 208 et 210), friches de 1 hectare 92 ares appelées Valumbrosa .

         3 Joseph-François se voit attribuer Alzetto, le site du moulin de Cortino et d'autres terains à Olma.

         4  La sœur Rozanna (du grec Roxane, emprunté par les Phocéens au perse:la rose ARYANA déjà vu à propos d’ Alalya, c’est-à-dire ici lumineuse, blonde , cf. le peuple des Roxolani) reçoit pour sa part:

 A) une moitié de la parcelle C34, de 45 ares 40, à Violata,-une terre à blé,-qu’elle vend à son frère François-Antoine le 12-12-1894 ainsi que tout ce qui suit (l’acte est enregistré);

 B) un olivier(!) situé dans l’olivette de Jean-Pierre à Volpajola, D129 (ancien cadastre);

  C) sa part du clos Poggiolello A1111, 25 ares à Vezzani. Le fils unique de François-Antoine, Paul-François, forgeron à Ajaccio, devra, en 1930, revendre ce clos pour faire face aux dépenses occasionnées par le mariage de sa fille Claire- Françoise;

  D) sa part de Olma, avec sa part de la maisonnette et du pailler en pierre(B 208);

  E)sa part de Mituli: lots D 174,180,181, 182, de 1 hectare 46.

  Les héritiers de François-Antoine, ainsi devenus propriétaires de deux parts, sont, sauf pour Poggiolello, restés dans l’indivision jusqu’à aujourd’hui(2006).Ils sont au nombre de 6, y compris le mari de l’auteur de ces lignes : 2 seulement vivent en Corse, Robert-Toussaint Poggi à Ajaccio et son frère Marc Poggi, à Porticcio, fils de Claire-Françoise. En cas de  passage à la génération suivante, on passerait à 11 héritiers(!) dont certains au Vietnam , en Thaïlande ou en Nouvelle-Calédonie….

 Etant donné le coût des frais notariaux, les aléas des remembrements éventuels,on comprend que ces terrains sont pratiquement perdus  pour leurs héritiers et propriétaires légitimes. 

         III LA BRANCHE DE SYLVESTRE-MATHIEU

 Sylvestre-Mathieu, °1732, marié à Maria, a 5 garçons et 1 fille au moment du premier recensement en 1770:

         1 Joseph-Mathieu, °1755, deux fils:

-Noël qui épouse Angela Jeanne Baldovini, dont 1 fille, Jeanne-Marie, laquelle épouse le futur baron de Rimini en 1829, voir branche aînée;

-François-Antoine, dont Antoine-Louis,°8-07-1837, lequel quitte Vezzani pour Bastia en 1864.Il y devient commis-greffier et se marie le 22-12-1870 à Bastia à Josepha Santandrea. D’où Albert-Noël Antoine Griscelli,°15-12-1874.Albert épouse Lucie Lanfranchi, d’où Josephine Griscelli, née à Bastia le 26 mai 1893.C’est de la famille de celle-ci que descend Marie-Hélène Ferrandini, ulmienne, agrégée, docteur, maître de conférences à l’ Université de Corte.

  De cette branche bastiaise pourraient sortir les Vezzani de Bastia, dont César°8 août 1888, mort le 11 novembre 1951 à Marseille, le plus grand ténor corse, à la voix exceptionnelle (voir aussi  la branche aînée pour d’autres Vezzani, mais continentaux ceux-là).

         2 Jean-Sylvestre, °1756, qui a pour fils Joseph-Marie, marié le 22-07-1806 à Antonia Maria Marchioni, d’où Ange-Joseph, °6-11-1805, marié le 2-12-1827 à Donia Baldovini, d’où 2 fils:

         1)Jacques-François, °6-10-1846, marié le 11-10-1874 à Pauline Catherine Bustori, d’où Parthénopée, lequel a 4 enfants:Jacques- François, Ours-Joseph, Pierre-Xavier, Eugène. De Ours-Joseph,  Madame Marianne Griscelli, épouse François, adjointe au maire actuel de Vezzani.

         2)Jean-Sylvestre, ° 1836, maré le 27-09-1858 à Marie Dominique Taddeï, d’où:

         1Joseph-Mathieu,°1863, dit « Americano »,sans avoir jamais mis les pieds en Amérique, d’où Jean-Sylvestre et sa famille à Ajaccio (le maître des écoles François Griscelli entre autres);

         2Joseph-Marie, °1869, d’où Jean-Joseph;

         3Ange-Joseph,°31-01-1873, marié à Adèle Catherine Santoni, d’où Jacques,à Ajaccio, conseiller économique et social de Corse , et sa famille.

         IV LA BRANCHE DE PIERRE-SAINT.

  Pierre-Saint,°1734, mort le 3 brumaire an XII (25-10-1804) à 70 ans, marié à Marie Martina, °1742.Il a 36 ans au recensement de 1770 et sa femme en a 28.Il a 4 garçons et 3 filles:

1)Laude-Marie, ° 1760,mariée le 22-09-1777 à Ignace Biancardini;

2)Lucie, °1762, 8 ans en 1770 au recensement, mariée le 9-02-1783 à Marc-Saint Luciani;

3)Jules-Pierre, °1771,marié à une Luciani

4)Angelo-César, °30-07-1777, marié le 1-10-1805 à Maria Felicie Marchioni;

5)Ange,°25-03-1778;

6)Ange-Joseph, °entre 1781 et 1783, marié le 20-04-1818 à Antoinette Félicité Baldovini, °1790, fille de Pascal Baldovini et de son épouse Marie Véronique. Mort le 4 avril 1866. Présent aux recensements de 1818 et de 1848. D’où:

         Ange-Pierre, °13-09--1823, marié le 16-09-1841 à Marie Catherine Luciani, présent au recensement de 1848; remarié le 16-04-1866 à Angèle Mathée Luciani, fille de André Alexandre Luciani, juge de paix et de Pauline Catherine Tristani. Ange-Pierre est, lui aussi, juge de paix. Il a 1 garçon et 1 fille:

1 André Alexandre, °5-11-1866, juge de paix et l’un des nombreux Griscelli maires de Vezzani ( il faudrait dresser la liste des maires de Vezzani depuis 1789), conseiller général du canton, dépositaire des manuscrits du baron de Rimini et leur destructeur à la demande de Adriano Colocci, mandataire du gouvernement italien, mort le2-02-1957,  marié à Marie Dolinda Giorgi , °31-10-1900, morte le 11-10-1982, d’où le précédent maire de Vezzani Pierre Griscelli , maître des écoles et ses frères.

2 Antoinette Félicité, °20-04-1869, mariée le 27-08-1888 à Pierre-François Santandrea. A cette famille appartient  le lieutenant du 173e régiment Jean André Griscelli, classé disparu parce qu’évadé de l’hôpital camp de prisonniers de  Ingolstadt en  Bavière en 1917

 

7)Angela Catherine, °1784, mariée le 5-11-1803 à Ange-Louis Griscelli, fils de Paul-François (branche cadette ci-dessous) et de Julie Françoise.

 

         V LA BRANCHE CADETTE DE PAUL-FRANCOIS.

  Paul-François, le dernier enfant du patriarche Paul-Mathieu, est né vers 1748.Il est présent au recensement de 1770 et se marie avec Julie-Françoise.

  Nous ignorons sa descendance actuelle, mais nous avons rencontré au cours de cet essai son fils Ange-Louis, qui en 1803 épouse Angela Catherine Griscelli (voir ci-dessus, branche IV).

  N. B.  En 1770, le nom de Griscelli n’apparaît pas. Ne sont mentionnés que les prénoms, suivant l’usage général des Corses. Seuls les Génois (par exemple,Grazietti à Vezzani) portent leur patronyme.

  Il est à remarquer que les hommes de la famille Griscelli portent presque toujours deux prénoms, que l'état-civil relie généralement par un trait d'union et que l'on considère comme des prénoms composés. Mais il peut y avoir là une vieille tradition, comme dans les pays anglo-saxons et comme à Rome : le premier est un prénom chrétien (praenomen), le second correspond à ce qui devient le nom de famille pour la plupart des Corses (nomen), tandis que le nom suivant correspond à un surnom (cognomen, par exemple un ethnique comme GRISCELLI, le Grec).La tradition du prénom du grand-père porté par l'aîné est aussi resté vivante comme symbole de sa réincarnation.

  Ceci est un essai de synthèse, mais nous avons pu glaner, tant sur les filles Griscelli que sur les hommes,  divers renseignements supplémentaires, que nous avons écartés de cette généalogie. Outre l'indispensable recensement de 1770 consultable aux Archives nationales à Paris. C'est à Vezzani, bien évidemment, que nous avons pu consulter les archives, grâce à l'inépuisable obligeance de Madame A. Genasi : qu'elle veuille bien trouver ici l'expression de nos remerciements.

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