samedi 5 juin 2021

Ma Grammaire contrastive du Houaïlou , de la langue à la pensée archaique, retrouvée .

 

Ma Grammaire contrastive du Houaïlou , de la langue à la pensée archaique, retrouvée .



J'’avais, à la demande du vice-recteur, M. Bruel, dans les années 1970,  composé dans un souci pédagogique et linguistique,  une grammaire contrastive du Houaïlou de 104 pages que j’avais montrée à Madame de La Fontinelle. « Ce sera le tube du siècle ! » m’avait dit ironiquement le Secrétaire Général. M. le vice-recteur m’avait nommé directeur du groupe d’études  des langues mélanésiennes au C. T. R. D. P., où un instituteur , Claude Lercari ,futur beau-frère de madame de La Fontinelle, professeur de houaïlou au collège des  langues orientales,  étudiait une langue morte (1 seul locuteur, Marcel Mousse  ), celle de Moindou. J’avais fait taper trois exemplaires de ma grammaire, dont je remis l’un au vice-rectorat (avec un sommaire de vulgarisation demandé par le vice-recteur)   où il s’est perdu , un autre pour la bibliothèque Bernheim (entre les mains de madame Colombani, où il s’est également perdu, semble-t-il, comme la copie dactylographiée que j’avais fait faire du texte de Delfaut publié par Laubreaux dans le Messager) et un 3e à  Bernard Brou de la S. E. H. N. C. en vue d’une éventuelle publication(mais la Société a préféré publier un texte de G. Païta et d’un Japonais sur le Kapone).

Je n’en ai pas gardé un seul et lorsque j’ai voulu en rechercher une copie, je ne pus y réussir.  Heureusement, en 2015, Christophe Dervieux  à qui j’avais parlé de ma grammaire perdue,  m’a d’abord informé que la boîte contenant mon don à Bernard Corre ne comprenait que les dictionnaires Belep (48 pages) et Canala (Harantsu-Français , 265 p. et lexique français –harantsu , 213 p. ) du père Neyret que j’avais fait dactylographier et l’évangile de saint Mathieu

 (Levanchil de Santo Mateo . Santo Mateo onan Schon Na) et un  Catéchisme  corrigé du vicariat apostolique de Nouvelle-Calédonie. En 2021 lorsqu’il inventoria le don de  Brou aux Archives, il se souvint de ma grammaire du Houaïlou et me fit part de sa découverte ainsi que du fait qu’il avait fait numériser mon œuvre.

En linguistique, je suis  un élève de Damourette et Pichon et de leur fameux et magistral Essai sur la langue française,de la langue à la pensée,  en 6 tomes, et de leur successeur, Gougenheim  avec son Système grammatical de la langue française. ; je voulais mette en exergue une phrase célèbre de Damourette et Pichon, que voici :

« Dans la langue d’aujourd’hui, les répartitoires de rection et de supportement se combinent de trois façons  qui constituent les trois modes de complémentation.

Dans le premier mode, appelé diaplérose, qui correspond à la souplesse la plus grande du circonstancement, les deux notions de rection et de supportement restent indépendantes l’une de l’autre : le diaplérome est d’une part le diadmète d’un premier terme qui est son diacrate ,  d’autre part,le diadumène d’un autre terme qui est sa diarrize, ex. :

Le petit chat est mort

(Molière, L’Ecole des femmes, II, 5)

Mort est le diadmète de est, diacrate, et le diadumène de chat, diarrhize.

Dans le second mode de complémentation, appelé épiplérose, il y a un support-régent ou épidecte et un apport -régime ou épiplérome, exemple :

Le fils du roi vint à passer…

Roi est l’épiplérome de fils, épîdecte.

Dans le troisième mode de complémentation appelé antiplérose, il y a un support- régime : le soutien, qu’on pourrait aussi bien appeler antirhrize

qu’antidmète, et un apport- régent, l’anticrate, qu’on pourrait aussi bien appeler antidumène. Ex. :

Le roi boit.

Roi est l’antirrhize (soutien) de boit, anticrate . »

Je lisais avidement dans ma turne de l’Ecole normale Supérieure le chef d’oeuvre de Damourette et Pichono , six volumes qui me servaient à caler l’antenne de ma télévision,  continués par Gougenheim pour les struments ou prépositions.  J’avais lu l’Etude métaphysique sur les langues mélanésiennes de Julien Bernier, curieux et non scientifique, et je disposais   des photocopies du texte d’Otto Dempwolff, le seul à avoir dressé un dictionnaire des racines austronésiennes, à partir de l’indonésien surtout, ouvrage repris par des Suédois qui n’ont apporté que leur ordinateur et des détails. Comme l’avait fait le groupe suédois, sous l’autorité de M. Bruel, je tentai de mettre les racines houaïloues sur ordinateur avec l’aide d’un collègue du Lycée, professeur de mathématiques et ferré en informatique,  mais les événements balayèrent ce projet imité des Suédois.  

 

 

« [lE HURON .] Car la langue huronne est une bien belle langue en vérité.

MADAME DE KERMADEC :  -J’avais toujours cru pourtant que le français était la plus belle des langue , après  le bas- breton. »  Voltaire,  Le Huron . 

 

Mes études philologiques et grammaticales des langues kanakes.

Ma curiosité fut d’abord éveillée par le  livre, Primal Law, du calédonien Lord  Atkinson , livre qui inspira Totem et tabou de Freud et dont je projetai un moment la traduction. J’avais pris contact avec son descendant qui me montra des photographies du génial observateur du cheptel calédonien et de sa soeur , fort belle et à laquelle la source de Freud , qui avait aussi lu Robertson Smith,  était très attachée.   Puis je recueillis des mythes à Fayawé (Ouvéa), publiés par la SEHNC. Enfin le vice-recteur de l’époque, M. Bruel, le seul intelligent qu’ait jamais eu la Calédonie, me chargea de superviser le bureau des langues mélanésienne. Ce dernier  ne comptait alors qu’un instituteur métropolitain protégé d’abord, puis devenu beau-frère de Madame J. Brunet  de La Fontinelle (disciple  de G. Martinet, professeur de houaïlou aux Langues orientales), savoir Claude Lercari, niçois spécialiste du moindou, langue morte (1 locuteur, défunt aujourd’hui, le chef Marcel Mousse). Ce bureau, que je dirigeais , était rattaché au centre territorial de recherche de documentation  pédagogique (C. T. R. D. P.) et fut l’origine de l’actuel Bureau des langues mélanésiennes. 

 Linguistiquement, j’étais comparatiste, ce qui est mal vu, et disciple acharné de Damourette  et Pichon, Je composai alors une Grammaire contrastive du Houaïlou,Des mots à la pensée canaque, 104 pages , avec deux parties : l’une consacrée à une étude des répartitoires du Houaïlou qui utilisait l’ouvrage de J .De La Fontinelle (je lui fis lire mon texte) et les repensait en fonction de Damourette et Pichon , en vue d’une utilisation éventuelle pour l’apprentissage du français (le plus intéressant était les noms de parenté du Lifou et leur variation suivant le sexe du locuteur, par exemple père signifie géniteur du même sexe que celui qui parle ou à qui on parle : comme le disent Damourette et Pichon à propos du français et des langues indo-européennes :par suite d’une évolution,  « les choses semblables à un locuteur mâle seront précisément les dissemblables d’un locuteur femelle »,  définition du genre masculin utile pour comprendre  noms de parenté et  struments oncinatifs en Lifou) ; et une partie philologique , -de phonétique historique, -dont je n’ai vu nulle part l’équivalent qui appliquait Dempwolff , lequel n’avait rien fait sur les langues mélanésiennes),-au houaïlou.

J’ ai remis un exemplaire de mon travail  au  vice-recteur, M. Bruel, avec un résumé plus lisible par des profanes  ;mais  qu’est-il devenu ?

 

 

 

 

Je me suis intéressé cde longue date aux langues de Calédonie. Mon oncle, Roger Grassin, parlait vers 1910 le pinjé et fut appelé  comme interprète devant les tribunaux en 1917.Après un séjour aux Belep, où officiait le Père Neyret, ce dernier me confia ses dictionnaires manuscrits  de Belep et de Canala , où il avait été en poste auparavant, après avoir résidé longtemps aux Salomon.  Je les ai fait dactylographier et j’ ai remis aux archives territoriales les tapuscrits. Je me suis aussi passionné pour le Lifou, avec entre autres les grammaires du Père A.  Coulomb,  ainsi que pour la langue mélanésienne d’Ouvéa (avec pour informatrice Madame Jeanne Luekote, épouse Ovide Bon).Je ne me suis pas intéressé aux travaux phonologiques  de Rivièrre , ni de sa femme née Ozanne , ni de Daniel Miroux  sur la langue mélanésienne d’Ouvéa  (bonne idée de la part de celui qui fut nommé   grand commandeur de l’ordre de la francophonie ! en même temps que fut nommée telle femme africaine du  Burkina qui  ne parle  même pas français, -ce qui est une garantie, n’est-ce pas ?- et qui est anglophone !), ni de Lenormand (thèse) sur le lifou, ni d’un Japonais sur le kapone (langue du sud ; informateur Gabriel Païta. Ni la phonologie, ni les propositions de graphie, ni la phonétique ne m‘ont vraiment intéressé,mais   seulement la philologie historique et les catégories grammaticales.

 

Depuis lors  je me suis passionné  pour l’origine de la migration qui amena à Houaïlou les premiers habitants et aujourd’hui je ne parlerais plus de langue austronésienne  comme à l’époque, même si le travail de Dempwolff sur l’indonésien et ce qu’il nomme austronésien avec dégagement de racines est le seul et donc très précieux , mais de langue austroasiatique , bien que,  pour les langues austroasiatiques (de Birmanie , etc.) l’équivalent de Dempwolff , c’est-à-dire le dégagement de racines valables pour le polynésien, les langues dites mélanésiennes : calédoniennes et fijiennes,ainsi que   le malgache , reste et restera longtemps  à faire.

 La parlure de Houaïlou, l’ (a) jie (‘a de fa ou fwa) signifiant langue) est à rapprocher du sie d’Erromango au Vanuatu. Elle fait partie d’un groupe de langues mon-khmer dites she parlées en Malaisie par des populations dont la  langue est appelée   le kensieu, le kensiu ou le kensiw (de kanasia, de (i) kan métathèse de anaik, au sens de frère, et  azika, au sens de tribu, c’est-à-dire les  frères de la  tribu).

L’odyssée des Tibawés, origine selon Gabriel Païta des Houaïlous (voir mon blog sur les migrations préhistoriques).

A) De la  Nouvelle-Bretagne jusqu’ aux Fidji et aux Touamotous.  

 De Talepakamale (de tibawé, pakéa et male, birman) aux  îles Mussau (Nouvelle-Bretagne), près de Ouatom, les Tibawés sont chassés par l’éruption volcanique du Witori en Nouvelle-Bretagne en 1350 avant J.C.  et colonisent  aux  Salomon Pakéa (de bau karen)  , puis Ticopia.

Les Tibawés  sont des « magiciens » qui, selon J. Guillou,  faisaient appel,  à Tikopia, « à un esprit mythique surnaturel qui, la nuit, se chargeait de la mise en place de ces énormes pavés ».  Une tradition hawaïenne, rapportée par G. Coquilhat, nous confirme que  les Tibawés « avaient une réputation d’habiles artisans de la pierre, capables d’édifier un temple [ahu] en une seule nuit grâce à des  procédés magiques qui leur  permettaient de se passer de la main à la main de gros blocs de rocher. » Ils ont ainsi inventé le travail à la chaîne sous les yeux  des natifs médusés ! « Une curiosité remarquable de l’île, écrit Jean Guillou dans Peter Dillon, capitaine des mers du sud, p. 186, consiste en une longue route pavée de blocs de basalte qui ceinture le cratère.Ce travail colossal serait l’œuvre d’une population pré-lapita (entendons pré-polynésienne, blanche) qui, selon les habitants de l’île, faisait appel à un esprit mythique surnaturel qui, la nuit, se chargeait de la mise en place de ces énormes pavés. Un cyclone aurait anéanti cette civilisation. » Selon moi, ces blocs de basalte sont des ahu funéraires analogues à ceux de l’île de Pâques et des iles Touamotous.

  Les  Tibawés quittent Ticopia, que ce soit à cause d’un cyclone ,  d’une éruption volcanique ou d’un  tsunami et  émigrent  alors  à  Tongaroa (de bau karen) au Vanuatu, d’où ils   partent à nouveau  et atteignent  Galwa aux Fidji.

Vers -1000, à la suite de l’éruption volcanique du Nabukulevu, les  Tibawés  abandonnent   l’île de Galwa pour les  Touamotous, où l’on trouve l’île Pakaroa, de bau (birman) karen, dont le nom est à comparer avec Galwa (Cf.  Pa Gara, nom des premiers occupants  à Houaïlou). Les premiers habitants blancs de  l’atoll

d’ Anaa  sont  appelés papaa, tandis que les blancs sont appelés popaa à Tahiti et  papa’ à l’île de Pâques.

B)  C’est  vers 900 ou 700 avant notre ère que  des îles fidjiennes de Motirikii et de Naïgani (île du naga ou dragon), -qui furent des centres de poterie ouatom ou lapita très  anciens, en provenance de Papouasie,- eurent lieu des migrations vers Ouvéa, Houaïlou et Païta, et vers Maré, 

 « C’était un temps où les ressources étaient si rares et les noix de coco étaient si précieuses »,  nous dit le mythe, que deux cousins, Laiginiwasa et Rajkivono », commirent le sacrilège par excellence pour ces fondateurs de l’agriculture du Pacifique qu’étaient lesTibawés et «  arrachèrent  de jeunes noix de coco afin de manger leur chair à un endroit nommé Niucavu [la grotte du cocotier] », Nunn. (2001)  « Naigani Island and its historical connection with Ovalu and Motoriki Islands ; convergence between legends and facts », Domodomo, 13, pp. 19-28. Bannis, ils quittent Motoriki (de Hmong Li)  et débarquent à Ouvéa, où ils laissent  dans la toponymie les noms de Fayawé, de fa ou fwa , signifiant langue cf. ‘a,   et de yawe (de bawé), de Lékine (de  legur, serpent) et de Gosana, le calmar. Leur langue à Ouvéa est le iaai, de ti yawe et ils coloniseront la côte est  depuis le nord avec  Ouayaguette et   Ouaième (de bawé), où ils introduisent le  yawe, avec Hienghène et Ouaré (de Bawé) où ils laissent une langue, le fwa aai, de fwa, langage, et de yawe.

Ils fondent  Houaïlou, altération du nom de l’île d’Ovalu aux Fidji d’où la mère de  l’un des cousins était originaire : c’était les  Pa Gara (de bau,  birman, et  Gara, de Karen), nom des premiers habitants à Houaïlou (même mot que Pakaroa, nom d’un atoll des  Touamotous, Pakéa,  etc).  Le nom des premiers habitants de Houaïlou  est Pa Gara.

A Canala, ils laissent au moins une tête de pont, le clan Bakéa, tandis que sur la côte ouest  ils fondent Tiaré (de tibawé) et  Naïeni  (de Naïgani, aux Fidji) ,  avec son   tumulus isolé et son toponyme Mwanungo (déformé en Marengo), signifiant  la maison à double corne . Ils laissent encore leur  nom de Pakéa  qui restera pour désigner les gens de Païta.

J’ai choisi le houaïlou plutôt que le lifou , par exemple,  parce que deux études existaient, celle de Leenhardt et surtout celle de J.  Brunet de la Fontinelle , mariée à un homme de Houaïlou appelé Hippolyte Kasarherhu (Emmanuel Kasarheru , directeur du musée des Arts Premiers, est leur fils)  et élève du structuraliste  Martinet. Ce dernier disait que Jacqueline de La Fontinelle était la seule qui l’avait compris et avait appliqué ses théories. En effet, elle n’utilise pas les catégories grammaticales des langues indo-européennes, si inappropriées,  mais des lettres qui ne présupposent rien  d’idéologique.

L’étude des langues dites mélanésiennes permet de mieux comprendre l’origine des catégories grammaticales des langues indo-européennes, comme le genre masculin et féminin grâce à l’altérité et l’identité sexuelle (la prétendue « langue des femmes » , aux Canaries par exemple,n’est que le résultat de l’incompréhension de cette particularité) , la langue de respect, le voussoiement,  le nombre singulier et pluriel, grâce à l’inclusive, le substantif grâce aux « pronoms possessifs » qui blasonnent pour ainsi dire certains éléments personnels.

 Par exemple, que signifie dans nos langues le voussoiement, pluriel dit de majesté utilisé pour une seule personne ? Cela signifie, adressé par une femme à un homme : toi et ton épouse, et adressé par un homme : toi et ton père. Il reste une trace en italien (lei) ou en français : Sa Majesté, de la part d’un inférieur ou serviteur, et en français   populaire (Eure-et-Loir,  et Athis-mons par exemple ) : Qu’est-ce qu’il veut ? au lieu de qu’est-ce que vous voulez ?Le plan allocutoire, selon les termes de Damourette et Pichon (interrogation,  2e personne) est jugé trop direct et même offensant. Mon ,  ma ou mes  dans Monseigneur , Mes sieurs,  Madame.  Mon général ou Madame,  ne marquent  pas l’appartenance (le général qui m’appartient,  la dame qui m’appartient), mais une forme inclusive : le général auquel j’ai l’honneur de parler.

 

 

 

 

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