samedi 18 septembre 2021

Essai sur les énigmes des flèches faîtières de Nouvelle-Calédonie (version corrigée)

 

  Essai sur les énigmes des  flèches faîtières de Nouvelle-Calédonie (version corrigée) .

 

Les théories psychologiques primitivistes ont tenté d’expliquer,  par  l’étalement de la face et de la nuque sur un plan horizontal unique, les formes énigmatiques   des flèches faîtières de Calédonie. Ainsi, Leenhardt, dans Notes d’ethnologie calédonienne, écrivait en 1930 : « j’ai longtemps interrogé pour connaître le détail de ces figures grotesques…La large plaque en bas est le ventre, au-dessus la cravate et le menton, puis les oreilles, le front, la frondeLa large plaque finale d’où s’élève la flèche  représente la nuque [arrière du visage], allongée sur le même plan que la face. C’est, en effet, la vision qui préside au dessin d’enfant où les parties invisibles [l’arrière du crâne sont surajoutées sur le plan des parties visibles. » Le pasteur avait utilisé des travaux sur la Papouasie britannique : de là le nom de cassse- tête à bec d’oiseau ( clubs with bird’s  head -and -neck  pattern), terminologie  impropre pour la Calédonie,  empruntée à Alfred Cort Haddon, The decorative Art of British new Guinea :a study  in Papuan Ethnography, 1894, réimprimé (p. 181, clubs with bird’s  head -and -neck

 pattern ), et surtout,  pour ce qui nous concerne ici,  la théorie exposée , p.137 de l’ouvrage de Haddon ,  à propos des dessins « géométriques » dérivés des humains. Pour Leenhardt,   « il n’y a aucun doute que ces motifs [géométriques] sont dérivés de visages humains  qui ont été comprimés latéralement et développés verticalement en raison des exigences d’un espace restreint et de la difficulté de sculptures plus réalistes sur de telles étroites baguettes » (les flèches faîtières ). 

Eliane Metais résume très honnêtement , dans L’art néo-calédonien , le problème de cette flèche faîtière  qu’elle qualifie d’emblée de géométrique.  Il s’agit « essentiellement de dessins géométriques en forme de losanges étriqués   : on ne peut en retrouver les éléments, les indigènes réinterprétant  par analogie les figures qui  la constituent, car toute sculpture change d’âme au cours des années… Personne ne peut en donner la traduction… Toutes les suppositions sont possibles, aucune certitude n’est permise, car les porteurs de cette culture ont disparu. » Oui,  si cette culture n’est pas celle des ancêtres immédiats des kanaks, mais de premiers colonisateurs de la Grande Ile.

 Il ne faut pas avoir peur de dire que, même à l’époque de Leenhardt, les insulaires ne pouvaient plus comprendre  cet art dont ils ne voyaient plus guère les modèles dans la nature. Les sculpteurs  recopiaient un modèle et  le rectifiaient sans vergogne au nom de la vraisemblance, car ils n’avaient pas vu par eux-mêmes les monstres en cause ; ainsi , ne sachant pas que les  céphalopodes avaient des yeux latéraux , et non frontaux comme les nôtres  (et c’est effectivement  bien étonnant), ils transformèrent les yeux de leurs  modèles en oreilles placées de chaque côté de la tête , les perçant même pour qu’on les identifie comme oreilles,  et rajoutèrent deux yeux superfétatoires au milieu de la face ! L’hypothèse que j’ai exposée en 1982 dans le bulletin n°53, 1er trimestre1982,  de la Société d’Etudes Historiques de Nouvelle-Calédonie (Le symbolisme de la flèche faîtière) se rapportait  à une ré- interprétation moderne de la flèche, comme chez celle du grand  écrivain calédonien Jean Mariotti,  tandis que ce qui va suivre tente d’en exposer  le sens originel, grâce aux découvertes récentes de la zoologie marine. Au surplus, le premier schéma  de la  flèche n’a pas obligatoirement été dressé en Calédonie, mais date peut-être d’avant les  migrations dans le nord du Pacifique qui aboutirent à la Grande Ile.

  Il faut le préciser :  les motifs des flèches varient dans le temps et dans la géographie et aucune explication ne vaudra pour toutes. Mais, en tout cas, ce qui frappe l’observateur des flèches conservées au Musée de Nouméa, c’est une   symétrie binaire,  qui fait songer à une représentation du  règne animal. Je diviserai en trois parties géographiques  ces mystérieuses représentations : une première partie   représentant le calmar géant, Architeuthis dux, à Bourail par exemple, une   deuxième   représentant le  calmar colossal, Mesonychoteuthis hamiltoni , pour la région de Ponerihouen , de Canala, et de Païta ;  une  3e pour la région de Hienghène et d’Ouvéa (représentation d’un crocodile disparu , Trilophosuchus rackhami Willis).

 

1) Le calmar géant,,  que les caméras d’une équipe scientifique japonaise ont réussi à saisir pour la première fois en 2005 dans le Pacifique Nord, a  inspiré des représentations : les caractéristiques de celles-ci  sont une sorte de « crinière » de huit tentacules  au-dessus de la tête , (l’animal est en chasse),  deux yeux latéraux et non frontaux qui ont été percés secondairement pour ressembler à des oreilles , mais ce qui  distingue surtout le calmar géant   du calmar colossal  , c’est l’absence des  deux  ventres  rebondis à   peu près égaux en superficie et l’existence d’ un seul ovale (la poche au noir),  très important,   avec un orifice d’expulsion de la sépia ou encre , et au-dessous un arc de cercle figurant la queue .

Photographie d’une flèche de la région de Bourail  dont le nom doit s’interpréter la crinière du calmar  (bou) par opposition à la flèche proprement dite, montrant  six tentacules intacts sur les 8  du calmar géant. Au-dessous des ces 6 tentacules restants, on voit  les zigzags des deux bras  du calmar géant (tentacules diversifiés au cours de l’évolution, et  plus longs que les autres)  , représentant les rotations de ces sortes de fouets  entortillés , comme on  appelle aussi les deux bras. Au-dessous de cette ligne  en forme de treillage,   on peut discerner ce qui constitue  les nageoires ou ailerons , puis le visage avec les yeux latéraux, (et non frontaux) , ensuite le pancréas en arc de cercle, sécrétant la mélanine qui compose la sépia , celle-ci s’accumulant dans l’énorme poche au noir ou ventre , enfin le  début du « glaive » osseux ou « plume » du calmar (l’ « os de seiche ») se prolongeant en un arc de cercle  qui figure la queue du calmar.

 Ci-dessous, photographie des tentacules qui sont représentés dans la « crinière » de la flèche.

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Autre photographie montrant 5 flèches faîtières de la région de Ponérihouen appelées pwa-ma-baï, ce qui signifie le ventre du calmar. La 3e montre 7 tentacules sur les 8,  formant par leurs replis une sorte de treillis plus ou moins losangé, appelé maru.

 

 

 

 

 

La 5e permet de les  comparer à la flèche représentant le calmar colossal avec ses deux ovales caractéristiques.

Les  couleurs du calmar.

Nous allons tenter de vérifier la couleur de ce calmar grâce géant grâce au livre passionnant de Bernard Heuvelmans sur les calmars, Dans le sillage des monstres marins, Le kraken et le poulpe colossal, tome second, p. 298.  Etant rappelé  que ces monstres peuvent mesurer 20 m de long et peser 700 kg, voici ce que le célèbre cryptozoologue écrit à propos de la couleur  qu’un observateur antérieur avait décrite comme un manteau d’écarlate    :

« Cette teinte écarlate  est familière à la plupart des calmars d’une taille exceptionnelle.  En réalité,  il est impossible de définir la couleur des céphalopodes, car ceux-ci, grâce au jeu des chromatophores qui garnissent leur peau, en changent avec une facilité surprenante. Ainsi les poulpes, qui, à l’état de repos, sont d’une couleur gris verdâtre, marqués de taches ou de mouchetures rousses, ont le corps parcouru de vagues multicolores quand ils sont excités : toutes les nuances du rouge, du pourpre, du violet et du bleu déferlent sur eux en un éclair et se fixent parfois en des marbrures très contrastées... »  « Parlant d’un calmar -flèche de la Méditerranée, Jean-Baptiste Vérany écrivait : « Dans l’état de vie, ce céphalopode est d’un blanc livide peu transparent, se nuançant de bleu, de verdâtre et de rose,  irisé par des reflets argentés…Quand il a perdu toute vitalité, et que le jeu des points chromatophores a cessé, sa couleur est d’un  rouge brique uniforme. » Il n’est pas étonnant que les calmars géants trouvés moribonds sur une plage ou à la surface de la mer, -ou même leurs restes mutilés [par leurs prédateurs, calmars colossaux,  cachalots ou crocodiles,  ont été décrits comme d’un rouge plus ou moins éclatant.  » Les Mélanésiens avaient été dans ce cas et la flèche a pu être peinte en vert ou en rouge, sauf lorsqu’ils voulaient indiquer que le calmar magique de bois était toujours en vie en le peignant en blanc; ainsi, dans la tribu de Méchin,  près de Kouaoua (c’est le nom du calmar), on voyait sur la case du chef un fût circulaire très simple avec une tête (collection privée),et au sommet  les deux conques de triton qui  étaient accrochées au fût  , symbolisant par leurs décorations en forme de stries (maru) les deux  bras du calmar géant avec leurs ventouses. .Pour ceux qui douteraient de la peinture , rappelons que les temples de l’Antiquité étaient peints de couleurs vives et que dans le Morbihan, des traces de polychromie sur les mégalithes  ont été révélées à lumière blanche grâce aux travaux de Philippe Gouézin qui disait : « Pourquoi ,y aurait-il des traces de peinture en Espagne et au Portugal  et pas en Bretagne ? »

 

 

 

La hache dite ostensoir

 

 Le  disque, vert le plus souvent, de ce qu’on appelle hache mais qui est plutôt une main de justice, un sceptre indice du pouvoir suprême, est en principe pourvu de  huit cordelettes , comme il y a 8 tentacules.  On l’appelle, dans la  parlure de Canala  na-kweta, à rapprocher de Nakéty,  na est l’article, et où kweta semble venir de la racine austronésienne kwigwa, calmar (cf. Kouawa),  ou  encore,  dans d’autres parlures,  d’un  nom apparenté, bwet  ou i-bwet, ou encore kono , euphémisme signifiant la verte à cause de la couleur de la serpentine, ou encore toki , de tigwo (cf. le nom de Tiga)  de la même  racine  kwigwa signifiant calmar, littéralement ensemble de tentacules, cf .  le japonais jomon –doki , doki ayant le sens de cordelette et qui est à rapprocher du toponyme  de (Koutio)-Kweta.

 Le nom de la carangue, celui de l’encornet  et celui de la hache- ostensoir  sont identique dans de nombreux dialectes. Toki, le nom de la carangue (traduction variable de Leenhardt selon ses informateurs ; d’autres fois : mulet)  n’est pas une homonymie ;  s’agit-il de la carangue iridescente , ainsi nommée  à cause de sa couleur rappelant les reflets nacrés  du calmar ? En tout cas, son nom apparaît expressément rapporté à certaines flèches ; mais à mon avis c’est plutôt le poisson –perroquet, Scarus vetula,  une métonymie due au  bec de ce poisson et à l’analogie  entre la sépia et le mucus excrété par les poissons- perroquets. Cette matière visqueuse est libérée la nuit et crée  une couche protectrice sur le corps du poisson. Un poisson-perroquet, nous dit Wikipedia, met en moyenne 30 minutes pour synthétiser cette couche et pour l’éjecter. Le mucus sécrété ayant  une odeur et un goût nauséabonds, on peut supposer qu’il s’agit d’un mécanisme anti-prédateur comme l’encre noire de la seiche. A noter ce fait surprenant, -s’il est exact,- que le nuage d’encre projeté par le calmar  épouserait, dit-on,  la forme du calmar, pour achever de terroriser l’ennemi. 

La base renflée du manche de la hache ostensoir symbolise la queue du calmar.

Les casse-têtes à bec de calmar géant.

Le nom des  casse-tête dits  à bec d’oiseau renvoie en réalité au bec des calmars,  et ils seraient mieux appelés « casse -têtes à bec de calmar géant   ».  En langue paici (langue de la région de Ponerihouen), ils sont appelés goporo puwa rawerewa . On reconnaît dans puwa  le nom du  calmar en paici,  qui ne distingue pas entre calmar géant et calmar  colossal.

 

2) Les flèches de Canala , Ponerihouen et de Païta représentant le calmar  colossal  à Nakety et à  Koutio-Kweta .

Otto Dempwolff  établit pour la racine austronésienne du nom du calmar la forme kwigwa, qui donne puwa en paîci , à Ponerihouen, na-kweti (Nakéty),  à Canala , kweti en kapone (dialectes du sud , Kouthio -Kwetha )…

   L’existence du calmar colossal (Mesonychoteuthis hamiltoni),  n’est connue de nous  que depuis 2003.

 

Historique de la découverte néo-zélandaise d’un calmar colossal.

Le 17 septembre 2014,  120 000 personnes  de 180 pays  ont suivi sur le Net  l’autopsie d’un  calmar colossal  (elle a duré 3 h 37), réalisée au Te Papa Tongareva (Muséum d’histoire naturelle de Nouvelle-Zélande) de Wellington.

 En 2003, un bateau de pêche en mer de Ross, près du continent Antarctique,  avait  capturé un  premier spécimen de 150 kilos, une femelle, mais ce spécimen était  très endommagé. En 2007, un palangrier néo-zélandais,  à la recherche de légines australes,  remonte une autre femelle, de 495 kilos, mais aussi en très mauvais état. Elle fut cependant réfrigérée, autopsiée et naturalisée au Musée.  

 

 

 

 

Les plus gros spécimens de calmar colossal peuvent mesurer 10 mètres et peser plus d’une tonne ; ils vivent à des profondeurs de 1000 mètres, là où l’obscurité est permanente et, le plus souvent,  dans les eaux de l’Antarctique. Les chercheurs en connaissaient l’existence grâce aux résidus retrouvés dans l’estomac des cachalots, qui sont  les uniques prédateurs du calmar  colossal. Le calmar colossal  se nourrit de légines antarctiques ou australes (Dissostichus mawsoni),  de  gros poissons  dentus de 2 mètres.

 Enfin, en 2013, une autre femelle, de 350 kilos, faisant 1  mètre de circonférence et 4,2 mètres de longueur,  est remontée, pratiquement intacte cette fois.

« Ce céphalopode a trois cœurs, deux pour le fonctionnement des  branchies et un pour celui du  corps entier, un bec à la mâchoire inférieure dépassant la mandibule supérieure et long de 5 cm, des tentacules armés de griffes, composés de chitine et dotés de la particularité de pouvoir effectuer des rotations afin d’agripper les proies. Les yeux sont énormes  et situés de chaque côté de la tête [comme à l’origine sur les flèches faîtières] : ils mesurent 27 cm de diamètre, soit la taille d’une citrouille. Son corps est doté de deux ailerons d’un mètre de long sur un de large, de deux longs bras et de 8 tentacules pourvus  de photophores : ce sont des structures bio luminescentes  situées en bordure de rétine et qui, telles des lampes torches, émettent une lumière suffisante pour éclairer à  100 mètres devant l’animal et pour suppléer à la déficience de la vue bilatérale du calmar. Pour partir en chasse, le calmar place ses bras au-dessus de sa tête. ».

 Ce monstre,- et c’est ce qui nous intéresse, - a inspiré plusieurs formes d’art océanien.

Voici le schéma qu’aujourd’hui les biologistes dressent du calmar colossal (Sciences et  Avenir et sur le Net), évocateur  de certaines flèches faîtières, car on y distingue les deux ovales si mystérieux. Quant aux huit  tentacules, ils sont très rarement représentés par de fines baguettes qui n’ont pas résisté au temps. La « plume » ou glaive  des calmars,

constituée de carbonate de calcium, est l’équivalent de l’ « os de seiche » des plages calédoniennes :   le pseudo- squelette de cet invertébré ressemble d’ailleurs vraiment à une plume.

Le calmar colossal semble avoir été représenté cette fois par les sculpteurs la tête et les tentacules vers le bas  et le glaive en haut.

 

 

 

 

  

                                              

 

 

Ailerons latéraux  soudés par-dessus la plume qui se prolonge en flèche  et composant un premier  « ventre »  rebondi, avec au-dessous à droite un  tentacule (il  y en avait un autre à gauche , qui a été complètement cassé) et deux bras de chaque côté avec des guillemets ouverts à gauche et fermés à droite qui symbolisent les crochets des deux bras,  bras bien plus longs que les 8 tentacules ; les deux bras ou plutôt la double série de crochets acérés  qui arment le bout des deux bras  sont représentés ici par des guillemets ouverts et fermés. Les « guillemets » sont appelés maru.  

 

Puis encore un tentacule, le 3e   orienté vers le bas (il y en avait  un  autre, le 4e, à gauche ,  qui a été  cassé ) ;

puis,  la tête du calmar avec les yeux latéraux dont l’un cassé en partie ;

la radula ou langue dentée; 

ensuite la poche au noir défensive du calmar ;  

un 5e  tentacules à gauche et un 6e   à droite dirigés vers le bas;

le ventre ou poche au noir :un  quadrilatère  avec double trait  encastré dans le pancréas ;

 enfin, ce sont les deux derniers tentacules , le 7e à gauche ,   et  le 8e.  

3) Hienghène et Ouvéa : la représentation d’un crocodile marin ,  Trilophosuchus rackhami Willis1993 .

 

Examinons d’abord  les chambranles,  gardiens de la porte d’entrée  qui défendaient  la case du grand chef de Hienghène. Le  corps du chambranle est orné de dessins en forme de losanges : pour moi, il s’agit là d’une imitation de la peau d’un crocodile avec ses écailles qui s’imbriquent  comme des tuiles. De plus on aperçoit une langue tirée -, la radula râpeuse et pourvue de dents chitineuses du Trilophosuchus rackhami Willis1993 . Trilophosuchus (« crocodile à trois crêtes ou aigrettes »),  est un genre éteint de crocodiles de la sous-famille  des Mekosuchinae, qui a vécu en Australie, où ses fossiles ont été trouvés à Riversleigh, dans le nord-ouest du Queensland.

A-t-on aperçu en Calédonie ce crocodile fossile caractérisé par trois aigrettes et une crinière ?

 

 J’emprunte au livre de J. J. Barloy , Serpent de mer et monstres aquatiques  , 1979, p.215, ce témoignage : le serpent de mer, « … en Nouvelle-Calédonie, est signalé dès 1878 ; un spécimen montre, cette année-là, sa tête et sa crinière aux officiers du navire de guerre français la  Seudre. [Il s’agit peut-être du crocodile avec ses crinières dont les matelots n’en aperçoivent qu’une]. « En 1923, se situent plusieurs observations dont le combat de cachalots avec l’Architeuthis » [Architeuthis dux, calmar géant]. Extrait  des Echos d’Altaïr, article consacré à l’apparition d’un « Grand Serpent de mer » repéré en Nouvelle-Calédonie à plusieurs reprises durant l’année 1923.  « Le 22 novembre  de cette année-là, deux Néo-Calédoniennes [femmes autochtones] se trouvent près de la pointe Abel, quand elles entendent une détonation semblable à un coup de fusil. A 60 mètres de distance, elles aperçoivent un curieux animal de couleur brun acajou avec une sorte de crête sur le dos [le crocodile]. Il pousse un long sifflement et rejette « un jet de fumée, puis une gerbe d’eau [ce qui fait penser à un  cachalot pousuivi par le crocodile]».

« Un gendarme à la  retraite, M.  Millot [ le père de Alexandre Mllot, décédé récemment},  gardien de la quarantaine de l’îlot Freycinet, confirma à son tour  le témoignage de la femme kanak Fels. Voici ce qu’il déclara à  La France Australe : « Le 22 septembre 1923 vers 16 heures, étant dans mon jardin, j’ai vu un jet d’eau dans la direction de la Pointe aux Lantanas. Ce jet me semblait avoir la hauteur de la colline qui domine cette pointe ; puis,  un autre jet,  moins élevé, plus à  l’ouest.Par trois fois, en quelques minutes, il m’a semblé voir plusieurs gros animaux, plus forts que des marsouins ; puis, avec regret j’avais perdu de vue ces apparitions, quand un bruit sec, formidable, suivi d’un autre,  plus prolongé, me fit reprendre ma veille.  [Le bruit en question était peut-être dû au choc provoqué par le cachalot quand il retombait dans l’eau.] Je vis plusieurs « morceaux » plus gros chacun qu’un cachalot, puis une masse noire : la queue présentait un écran de 2 mètres de hauteur sur 3 mètres de large, environ. Le bruit et les apparitions devinrent plus fréquents et plus nets, la couleur noire persistant. L’animal est venu entre Freycinet, l’île aux Chèvres et la presqu’île Ducos. Le plus beau tableau que j’en ai vu représentait trois dômes successifs de plusieurs mètres de haut, qui m’ont paru tenir plus de place que mon habitation. J’en étais à 1500 mètres ; ces trois morceaux me semblaient trois baleines à la suite les unes des autres. Je ne puis rendre plus exactement ce monstre, qui m’a paru plus poisson que serpent. La longueur est difficile à estimer ; les trois parties que j’ai vues,  se touchant presque, mesuraient plus de 20 mètres, et on devinait sous l’eau un prolongement de l’animal (à moins d’admettre une famille à la queue leu- leu). Je n’ai pas vu la tête ; mais à chaque apparition, j’ai entendu ce bruit formidable semblable au barrissement de l’éléphant, suivi du bruit du remous comparable à celui que ferait la chute de nombreuses feuilles de tôle. Il faisait calme plat. »

Il s’agit peut-être du crocodile à trois crêtes, mais l’apparition suivante n’est pas la même, c’est vraisemblablement celle du calmar colossal.

 « A nouveau, le dimanche 30 septembre, le monstre apparut. Cette fois, ce fut à 3 kilomètres du port de Nouméa, entre l’îlot Maître et l’îlot Tabou, que M. et Mme Bailly, accompagnés d’un Kanak nommé Emile, le virent distinctement alors qu’ils allaient pêcher en pétrolette. D’après M. Bailly, l’animal « avait érigé son corps verticalement comme un mât. » [Il était en chasse ou en fuite]

 « Parfois,  il y avait deux branches dressées  à la fois, comme la tête et la queue d’un même animal. Ces deux branches s’abattaient en sens contraire, et dans le prolongement l’une de l’autre, avec grand bruit.  Mme Bailly précisa que la créature « jetait fréquemment un jet de fumée. » Extrait du livre du cryptozoologue Bernard Heuvelmans, Le Grand Serpent -de- mer, 1975. Les deux branches dressées pourraient être les deux bras appartenant au calmar colossal qui les dresse ou se dresse lui-même quand il est attaqué peut-être par des cachalots émettant des jets de fumée. 

Ce reptile océanique a laissé son nom à  Gosana  (Ouvéa aux Loyauté) : le mot gosana est parent du  nom caraïbe d’un gros lézard,  l’iguana, de govana,  ainsi que du goana ou goarge australien. La cordelette est peut-être la représentation de la radula, sorte de langue du crocodile très râpeuse et munie de dents chitineuses en forme de crochets ressemblant à des guillemets. Ce qui surprend sur certains de ces  talés, c’est une sorte de nez en bec d’aigle, très peu mélanésien : en réalité, c’est  le bec du crocodile avec sa mandibule inférieure proéminente, dépassant la mâchoire supérieure  et longue de 5 à 10 cm.

Conclusion : Ce qui précède est un essai, une hypothèse, qui ne se veut aucunement dogmatique, surtout dans l’identification des détails anatomiques, et qui reste ouverte à toutes les corrections. Mais ce qui est certain à mes yeux, c’est le rôle protecteur que ces figures terrifiantes devaient assurer contre les ennemis des  chefs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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