LE DOLMEN IMMERGE EN SAISON HUMIDE DE PERONVILLE  (EURE-ET –LOIR) : REFLEXION SUR LA
FONCTION DES DOLMENS.  
 On affirme souvent  que les dolmens seraient des tombes
collectives. Mais examinons le cas  du
dolmen installé en plein  milieu du lit de
la Conie, à Peronville. Le nom de Peronville  signifie la ferme (latin villa) du perron, de la grosse pierre, entendons ici  le dolmen, et ce nom date du XIIe siècle.
Voici la description (d’ailleurs inexacte) qu’en donne, Max Gilbert  dans Pierres
mégalithiques (menhirs et dolmens) en Normandie, Guernsey Press,
Guernesey,  1956, p.  128 : «  trois  dolmens,  sous l’un desquels [ il s’agit  le dolmen immergé ]   jaillit une source ». Les deux autres
dolmens semblent  avoir été détruits.
Peut-être étaient ils situés au lieu-dit Frileuse
(de frilosa, signifiant  riche en mégalithes appelés frit en ibère, cf le site corse de Filitosa). 
On
l’appelle encore Pierre Saint -Marc,
christianisation du nom mar, qui
signifie pierre et dont on retrouve le radical en français dans marelle, méreau, ainsi que dans le nom
du lieu-dit [Saint-Sauveur-]  Marville, signifiant la ferme (latin villa) de la pierre,  dans le
nom de Saint-Maur  et dans celui de La Marque, mégalithe de Lanneray au sortir des Goislardières en
allant vers la Départementale D 955. 
  Ce
mégalithe de Péronville est analogue à deux autres dolmens immergés ou quasi
immergés.  
Le dolmen immergé de la boire de
Champtocé- sur- Loire  (près d’Angers, Maine-et-Loire)
La boire est le nom dialectal donné
aujourd’hui à ce  faux bras de la Loire,  sans beaucoup d’eau, voire boueux, mais le mot
est à l’origine le nom du dolmen lui-même qui n’était plus compris : la mare, puis la mware, enfin la boire. On
a identifié sept blocs de grès, dépassant de quelques 12 à 40 cm au-dessus de
l’eau, et qui étaient inaccessibles sans entrer dans l’eau ou sans  bateau ; ils étaient situés à une
quinzaine de mètres de la berge du moment de la rédaction de l’article. 
L’allée couverte de l’étang de  Vaubuisson près du ruisseau la Romme (Maine-et-Loire)
 Citons encore la petite allée couverte
voisine, celle du Vaubuisson,  dont le
nom signifie vallée  du buxidion, nom d’origine latine,  donné originellement aux polissoirs et
signifiant peigne en buis à cause des dents du peigne qui évoquent les stries
du polissoir, plus qu’à moitié enterrée dans la vase, submergée à la moindre
crue de la Loire et accessible seulement en plein cœur de l’été.
Interprétation de la fonction
secondaire  de ces « perrons »
immergés : le rite de l’appel de la pluie. 
Ce type
de dolmen a  été réutilisé pour faire
pleuvoir, par magie imitative : on versait de l’eau sur la dalle
supérieure du dolmen, et la nature était censée imiter la chute de l’eau et
faisait pleuvoir.  De même nous avons  en Corse, sur la commune de Tizzano,  le dolmen de Fontaniccia, la fontaine maudite, c’est-à-dire la fontaine des
païens, au nom révélateur. Chrétien de
Troyes, vers 1170, a décrit  dans Le chevalier au lion (trad. André Mary, Gallimard)
Paris,  1944,  p 132,  la fontaine merveilleuse de Barenton :
« tu verras cette fontaine qui bouillonne et qui est plus froide que le marbre.
Le plus bel arbre de la nature la couvre de son ombre ; il est vert en
toute saison, et il y pend un bassin de fer par une longue chaîne qui tombe
jusque dans la fontaine. Auprès tu trouveras un perron (dolmen) ,[ me dit-il], comme
jamais   je n’en vis et 
 ne saurais te dire, et de l’autre
côté une chapelle , petite, mais très belle ; si tu prends de l’eau dans
le bassin et que tu la répandes sur le perron, il s’élèvera une si épouvantable
tempête que nul animal ne demeurera dans le bois, chevreuil, daim, cerf ni
porc ; les oiseaux même fuiront à tire- d’aile, car tu verras foudroyer,
venter, tonner et pleuvoir et les arbres fendus tomber sous les éclairs […] Si
fort qu’il plût, le pin ne laissait passer une seule goutte de la pluie qui coulait
toute par-dessus .Je vis pendu à l’arbre le bassin qui était non de fer,
mais de l’or le plus fin. Quant à la fontaine, vous pouvez croire qu’elle
bouillonnait comme eau chaude. Le perron était d’émeraude, avec quatre rubis
plus flamboyants que le soleil au matin quand il paraît à l’orient, et il était
percé comme un tonneau. Sur ma conscience, je ne vous mentirai en rien. Je fus
curieux de voir la merveille de la tempête, et ce fut folie de ma part, et je
m’en fusse désisté volontiers, si j’avais pu, aussitôt que j’eus arrosé le
perron de l’eau du bassin .J’en versai trop, je le crains, car je vis le
ciel tellement démonté que plus de quatorze éclairs à la fois frappaient mes
yeux, et que les nues jetaient pêle-mêle de la neige, de la pluie et de la grêle.
»
Cette
fontaine merveilleuse de  est mentionnée
par Wace, Jacques de Vitry, Thomas de Cantinpré, et Guillaume Le Breton. Le
dominicain T. de Cantinpré raconte
en ces termes la « merveille de Bretagne » : « le
prieur  arrive à une fontaine
admirablement limpide, sur laquelle se trouvait une pierre semblable à un autel
[un dolmen] avec des colonnes de marbre, et aussitôt le frère y  répandit l’eau. Incontinent le ciel s’obscurcit,
les nuages commencèrent à affluer, le tonnerre gronda, la pluie se mit à tomber
et la foudre à étinceler, et ce fut une telle inondation qu’il semblait que la
toute la terre allait s’abîmer à une lieue alentour. » 
Selon A.
Mary, le modèle de cette fontaine
se trouverait  dans la forêt de Paimpont,
près du château de Comper, où,  à six
kilomètres et demi, on trouve un dolmen. 
André Mary cite un autre exemple de ce rite
magique  pour provoquer la pluie, en Côte
-d’Or à Magny- Lambert, concernant la fontaine Crot Saint-Martin: « Pour
conjurer la sécheresse, neuf jeunes filles s’y rendaient pendant neuf jours de
suite ; l’une d’elles se plongeait jusqu’à la ceinture dans la fontaine
qu’elle épuisait à l’aide de seaux que prenaient tour à tour et vidaient ses compagnes. »
Cette cérémonie était entremêlée de prières pour demander au ciel la pluie et
se déroula jusque vers 1830.
 Les noms des dolmens.
Outre la
Grosse Pierre (nom qui, à l’origine,
désignait peut-être un polissoir), une près de Brou et une autre près des Gâts
à Châteaudun), l’homme médiéval disposait des mots  Pierre
-pèse ou pois (du latin pensile, suspendue, sur piliers), Pierrelaye, du gaulois  lada,
coffre,  Pierrelatte, par fausse étymologie et dérivation du latin lata, large,  au lieu 
du gaulois  lada, coffre, comme Pierre
plate et  Pierre large. 
 L’allée couverte seulement en partie s’appelait
, comme à Saint- Avit- les –Guespières (Eure-et-Loir) , Quincampoix , de guinguet
pois , c’est –à- dire la pierre suspendue sur des piliers (pensile), mais trop courte (adjectif guinguet) pour recouvrir complètement
l’allée.   
Un des
noms de dolmen  fréquents est un composé
de -mont,  du francique mound, ensemble de pierres: Beaumont,
à Trizay- lès- Bonneval, de Beau, venant
de Belsama, la divinité qui donne son
nom à la Beauce, Nermont, où le
premier élément, ner-, du latin  niger,
signifie noir, mais signifiait  originellement serpent, quin signifie donc
l’ensemble de pierres protégé par le  Serpent. 
La fonction primitive de ces  dolmens : des lieux d’initiation à la
date du solstice d’hiver comme les autres dolmens, et non des tombes
collectives pour les chefs. 
Le
dolmen immergé de la Conie ne saurait avoir été un lieu d’inhumation ni
individuelle ni collective, puisqu’il est inondable. Il ne  pouvait naturellement pas  être enterré et ne possédait donc pas de
tumulus, qu’il s’agisse de terre ou de cailloux.  On peut supposer que le sol y avait été
surhaussé, de façon à obliger les néophytes à n’avoir que la tête hors de
l’eau, leur  tête étant prise entre l’eau
et la face inférieure de la dalle de couverture du dolmen. La date des fêtes
nous est livrée par le nom  des nombreux
dolmens appelés  Jolimont dans le nord de la France,
composé de -mont,  du francique mound, ensemble de pierres et de Joli,, du scandinave jôl,
nouvelle année, solstice d’hiver du 21 décembre avec  les débordements qui l’accompagnaient.
La «  hauteur sous
plafond » de la pierre Saint-Marc à Péronville. 
Max Gilbert (op. cit. p 144) fait 
remarquer que l’entrée des dolmens normands est trop petite pour
permettre le passage aisé d’un homme. « Sous les dolmens de Martinvast et
de Flamantville, [à supposer aux dolmens une fonction d’inhumation, ce que ne
fait d’ailleurs pas Max  Gilbert], on ne pourrait mettre qu’un
homme enterré assis ou les jambes pliées […] Pour le   dolmen de Mortain seul un lapin pourrait
maintenant se glisser sous la dalle inférieure ; sous les dolmens de la
Grandière à Joué- les- Bois et du Faldouet à Jersey, un homme pourrait se tenir
debout en inclinant la tête, mais ne pourrait y évoluer ni y vivre. Dans la
plupart des allées couvertes, un enfant ne pourrait pas se tenir debout, mais
seulement entrer à genoux ». Ainsi, il s’agissait  de contraindre 
les candidats à l’initiation  à se
baisser et à marcher à quatre pattes comme des bébés qui n’ont pas encore appris
à marcher.
La sortie du dolmen 
Cette
sortie,  symbole de la  re-naissance,   s’effectuait pour l’initié en soulevant,
seul ou à plusieurs, et parfois même ,  comme
à Péronville,  dans l’eau, quelque énorme
pierre appelée spécifiquement tombe (le
« bouchon ») qu’on trouve encore souvent tout près du dolmen .
LES DONNEES DE L’ANTHROPOLOGIE 
D’INSPIRATION PSYCHANALYTIQUE DES
SOCIETES SANS ECRITURE.
Bruno Bettelheim, dans Les blessures symboliques, Tel 
Gallimard, Paris, 1962,
p.141, décrit un rituel australien qui lui paraît « significatif quant à
son simulacre d’existence intra-utérine et d’émergence à la naissance :
« quand les garçons (Nandi, au Kenya) sont remis (de la circoncision), on
célèbre la cérémonie kapikiyai. Au
moyen d’un barrage, un plan d’eau est délimité sur la rivière ; une petite
hutte est édifiée (au milieu de la rivière). Tous les garçons se déshabillent
et, précédés par le plus ancien (l’initiateur), ils rampent les uns derrière
les autres et traversent la hutte par quatre fois ; ils sont alors
complètement submergés par l’eau. »
Après cette dernière
cérémonie d’initiation, « il est permis 
aux garçons de sortir et de voir des gens, mas ils doivent encore porter
des vêtements de femmes. »(A. C  Holls,
The Nandi : Their langage and
folklore, The Clarendon Press, Oxford, 1909, p. 56). La submersion est, bien entendu, un cérémonial
initiatique très courant. Dans notre propre civilisation, nous avons le
baptême. Mais, dans le rituel nandi, l’immersion qui, si souvent, symbolise le
retour à la matrice ou la sortie de celle-ci, se combine ici avec un autre
symbole de l’utérus, la hutte. De plus, 
les garçons sont tenus de ramper, ce qui signifie qu’ils se rapprochent
de la position foetale. Habituellement, la hutte qui apparaît dans de
nombreuses cérémonies initiatiques peut, en tant que symbole maternel, être
laissée de côté ; après tout, les initiés sont bien obligés de passer leur
retraite quelque part, et la hutte est une habitation d’un usage
commun Dans le cas présent, cependant, elle est véritablement dans l’eau,
donc reliée directement à l’immersion et à la reptation. On peut voir dans
cette association comme une tentative de recréer l’existence intra-utérine où
l’enfant est confiné dans un lieu sombre et exigu, entouré de liquide. Dans les
tribus australiennes… on voit, dans de nombreux détails, les hommes traiter les
initiés comme s’ils étaient des bébés qu’ils viendraient d’enfanter. Par
exemple, ils portent les garçons sur leurs épaules comme les femmes portent
leurs bébés. »
 Il suffit de remplacer la hutte par le dolmen
entouré d’eau et l’analogie est parfaite. On peut rapprocher , dans une région
où il y a des dolmens comme la Corse , le rite de la couvade décrit pour la Corse par un auteur grec, Diodore de
Sicile, XI : « Á la naissance de leurs enfants, les Corses  observent une cérémonie tout à fait bizarre.
Ils n'ont aucun soin de leurs femmes pendant qu'elles sont en travail, mais le
mari se couche sur un lit et s'y tient pendant un certain nombre de jours comme
une accouchée. » 
Comme ce texte fut traduit en latin et donna lieu à une version latine assez
couramment donnée aux élèves, de là vient
la légende de la paresse corse, -à l’origine un mot d’esprit des professeurs de
latin sur le « travail » (l’accouchement)  des femmes corses, sur la paresse des hommes
corses qui , pendant que leurs épouses sont en travail, demeurent au lit et
présentent les syndromes de la couvade . 
Dans les îles Trobriand,
« dès que l’enfant est né, le père s’installe dans son hamac, s’abstient
de tout travail, s’abstient  de
viande  et de nourriture à l’exception
d’une bouillie claire. Il ne se lave 
pas, et surtout s’abstient de toucher toute arme ; les femmes de la
tribu prennent soin de lui et le nourrissent… Cet état se prolonge pendant des
jours, parfois pendant des semaines. » Comme l’écrit Malinovski, « la
fonction de la couvade représente l’établissement de la paternité sociale par
l’assimilation symbolique du père à la mère. »
Tout ceci confirme à nos yeux
le rôle du dolmen comme lieu d’initiation, c’est-à-dire comme lieu où l’initié
grâce à son initiateur devient un homme
Les dieux et déesses de
l’initiation et de l’enfance telles que le latin en a conservé les noms: Statanus,
Statulinus, Stata Mater,   Annotina, 
Mamoiada, Mamra, Mammisi. 
Les
dolmens furent initialement des lieux d’initiation, comme l’indiquent certains
noms bien interprétés. Par exemple, en Corse, on les appelle stantara, le lieu où on apprend à
marcher debout, altération de  Statanus, Statanus étant  le nom à Rome  du dieu  qui présidait aux premiers pas de l’enfance.
Son  nom est à mettre en rapport avec Stata Mater,  assimilée à la déesse du foyer Vesta.
L’hypocoristique affectueux Statulinus,
pour Statanus, .était aussi utilisé. Statanus est  le dieu  de l’initiation qui faisait que les
hommes  cessent de marcher à quatre
pattes et se lèvent comme l’homme de l’énigme du Sphinx. Les candidats à l’initiation
se trouvaient dans une «  maison pour nains » [pris au figuré :  qui n’ont pas atteint la taille des adultes],  comme les appellent les Bretons (Ti- ar -Boudiked, Ty- ar- Chorriket ou Ti- ar- Korriganed) et les Corses, ou
les Euréliens avec le Berceau de Gargantua,
comme à Changé (Saint - Piat), même s’il avait fallu des géants, peut-être
nains à leur tour  lorsqu’ils étaient
enfants,  pour  construire la demeure.  
 En Sardaigne, nous avons  Mamoiada
(celle qui ressemble à une mère, avec suffixe de ressemblance –ada) et au Portugal, Mamra, de mam-ada ,  à rapprocher de Mammisi, mot copte signifiant le lieu de
naissance et introduit par Champollion pour désigner la chapelle où se
déroulait chaque année une cérémonie anniversaire de la naissance de l’homme
véritable, entendons de la date de l’initiation et non de la date de la
naissance physique.. 
De même,
le  nom 
de Murumendi au Pays basque
renvoie à des gouffres où tous les sept ans se passait une procession avec
danse et  sacrifice en l’honneur de la
déesse Mari. Nous rencontrons aussi
en pays basque  le nom de la déesse Anta, altération  du  nom de
la déesse romaine Annotina, la déesse
qui protégeait les enfants d’un an, âge où l’on apprend normalement à marcher,
et les initiés. 
  Venons-en aux  rites de passage eux-mêmes tels qu’on peut les
reconstituer par l’imagination.  Evoquons
d’abord le cas des dolmens percés , dont la pierre de fermeture a un trou, avec
un bouchon,  que l’initié devait enlever
pour passer de l’autre côté et naître réellement. Le nom de Perceval, selon l’étymologie
populaire celui qui perce la dalle d’entrée,  désigne celui qui a réussi à sortir tout seul
du dolmen où, en tant que candidat à l’initiation, il avait été enfermé avec
ses compagnons. 
   La danse consistait à piétiner rythmiquement
le sol jonché d’ossements ancestraux, broyés menu, afin de s’assimiler leurs
vertus, ossements dont on trouve parfois trace. et qui ont pu donner à croire
qu’il s’agissait de sépulcres. 
  Ensuite, 
l’initié devait boire un verre de sang dans un biberon en cuir , ou en
osier tressé , appelé en grec kissubion
, où le lait était remplacé par du sang frais. En Corse, on a trouvé, près du
dolmen Fontaniccia,  des pigments rouges, destinés à imiter le
sang que l’initié était censé boire pour devenir un homme. .
  Le pavé
de saint Lazare en Indre –et- Loire à Crouzilles, 700 m avant l’entrée  de l’Ile-Bouchard, est teinté de rouge. En
1842, l’abbé Bourassé écrit à son
propos : « Des traditions terribles se sont conservées dans le
pays. Lorsque la table est mouillée par la pluie, elle prend une teinte foncée
d’un rouge ferrugineux ; on prétend que c’est la trace du sang des
victimes qu’on  a égorgées sur cet autel.
On montre encore une rigole peu profonde 
et une cavité irrégulière destinées à recevoir le sang qui coulait sous
le couteau de silex du druide [anachronisme dont il ne faut pas tenir compte] sacrificateur »  Le nom relativement moderne de pavé de saint
Lazare fait  allusion à  Lazare 
ressuscité par le Christ. Mais le ressuscité était celui qui avait bu du
sang dans la cupule du dolmen.   Pareillement,
 à Comper dans le Morbihan,  les menhirs sont faits de schiste pourpré,
comme en Angleterre le Chalice Well de Glastonbury, le puits du Calice,  d’où coule
une eau rougeâtre, comme  le menhir des  Pierres Rouges, à  Bridlington, dans le Yorkshire : on est en
droit de supposer que les dolmens du voisinage devaient être faits de la même
matière. 
 Dans les régions méditerranéennes,  lorsque les mystères de Dionysos ou de
Mithra  eurent remplacé  ceux de Déméter, le baptême eut lieu, comme
dans le culte de Mithra,  par aspersion
du sang d’un taureau sacrifié au-dessus du néophyte blotti dans un caveau (qui
n’est pas sans rappeler le sillon de roche que forment certains alignements de
pierres), ceci  afin d’évoquer  la couleur vermeille de la grappe coupée et
foulée aux pieds. 
Les dolmens et l’évolution de
leur utilité. 
 Les dolmens sont le résultat d’une longue
évolution qui a commencé il y a quelques 10000 ans en Europe après  la sédentarisation de leurs constructeurs et
l’invention de  l’agriculture en Asie mineure.
.Avant les dolmens comme celui de Péronville, il y a d’abord eu  ces parents pauvres des dolmens, dédaignés à
tort, qui leur sont antérieurs, les doubles alignements de pierres  en forme d’allées  totalement découvertes, puis les allées
couvertes qui leur  ont succédé. 
Les doubles alignements de pierres  ou allées totalement découvertes, comme  celle du lieu-dit Les  Marques, au sortir du
hameau des Goislardières en allant de Lanneray à Marboué (Eure-et-Loir) et les
premières cérémonies d’initiation, avant celles qui furent par la suite réalisées
dans les dolmens. 
On peut
apercevoir, en bordure immédiate d’un petit cours d’eau et parallèlement à
celui-ci, un double alignement de blocs de pierre verticaux qui  ne dépassent pas le  sol de plus de 70 cm, double alignement  qui se termine en un berceau fermé sans toit.
Il n’est pas possible, à cause de la contiguïté du ruisseau, d’enterrer cette
allée qui, comme le dolmen de Péronville, n’a donc jamais été  couverte de terre. Le nom Les Marques (en gaulois, mar,  pierre, avec marque du pluriel k) désigne les pierres verticales qui
composent cette allée.
A la Forêt (Saint- Denis-les- Ponts, Eure
–et- Loir), près d’un puits qui émettait un souffle sonore terrifiant, sorte de
bull- roarers (littéralement taureaux
rugissants, instruments  destinés à
écarter les démons présents dans les néophytes  et qu’il fallait  à tout prix chasser ), il y avait le même
type de monument, fréquent dans le voisinage, comme  au lieu-dit  Saint-
Ladres ( le pluriel  Ladres après le singulier saint  est à remarquer), entre Châtillon- en- Dunois
et Brou, ou le dolmen du Puy aux Ladres
à  Villiers- Saint- Orien. Puy a le sens de fête, de cérémonie,
d’assemblée. Le mot  ladre est la corruption de
jadre , c’est-à-dire de jeunes non encore initiés (cf. le nom gindre, du latin junior, signifiant en ancien français trop jeune et conservé dans
les patronymes : c’était le plus jeune apprenti boulanger chargé de broyer
très finement et de pétrir la farine).
Aux
Marques, le berceau  de l’allée est le
lieu d’initiation finale des néophytes. Le vocable mortier, l’auge taillée dans une seule pierre  où l’on écrase le grain , où on le fait
«  mourir »,   vient du latin  mortarium , dérivé du latin  mors,
la mort.  La résurrection des néophytes, leur
renaissance, est destinée à mimer la renaissance de l’orge, après sa  «  mort » hivernale. De même
que l’orge était coupée, liée, battue, broyée dans le mortier, et enfin
dévorée, sauf une précieuse part mise en réserve  pour assurer sa survie et sa renaissance au
printemps de l’année suivante, de même le passage des néophytes entre des
pierres qui rappellent celles du mortier, ainsi que les blessures symboliques
qui leur sont infligées,  ont pour
mission d’assurer leur résurrection finale en tant que vrais hommes
accomplis  de la tribu. Ainsi, on faisait
semblant d’enterrer, comme si c’était du grain, les jeunes garçons  dans un sillon de roche fermé aux deux bouts,
où ils devaient pénétrer par le haut  et
où, lorsqu’ils s’y étaient mis à quatre pattes, 
on leur lançait des mottes de terre et des branchages. Enfin, on les
aspergeait avec de l’eau puisée tout à côté dans le ruisseau,  par une sorte de rite baptismal. Les blocs
des parois de ces allées découvertes laissaient entre eux des interstices à travers
lesquels les infortunés  voyaient
s’abattre sur  eux un déluge de terre et
d’eau, au bruit démoniaque des instruments appelés bull- roarers. 
L’évolution du système dolménique.
  La
dépouille mortelle  du roi était si
précieuse qu’on  séparait les membres  du reste du 
corps, la tête en particulier, afin que la recherche de ces précieux
restes soit rendue beaucoup plus difficile.En effet, le but était de prévenir
la violation des sépultures royales, d’empêcher la profanation des ossements
sacrés dont la sauvegarde garantissait, croyait-on, le salut de la population,
et qui  étaient un gage de fécondité pour
la contrée tout entière. On est dérouté  devant tant de travaux de terrassement  inutiles à nos yeux, puisqu’ils n’étaient pas
destinés à  fortifier un  site, mais seulement  à égarer les recherches malveillantes.  Ces levées de terre serpentines et
labyrinthiques sont, à nos yeux, beaucoup plus longues qu’il ne serait
nécessaire, mais elles  dissimulaient la
sépulture des rois divins et  détournaient
 de 
l’envie de la rechercher. 
L’apparition de la crémation,
avec les Gaulois. 
Un
peuple qui utilisait la crémation, savoir les Gaulois, fit son apparition en Gaule,
pense-t-on, au plus tard vers le VIII è siècle. 
A son arrivée,  il trouva sur
place les allées et les dolmens en tant que lieux  d’initiation déjà installés, ainsi que des
levées de terre servant à inhumer les restes royaux. Ce peuple  ne pratiquait pas l’initiation de ses jeunes de
la même façon que ses prédécesseurs et il 
imagina une utilité nouvelle pour les dolmens, désormais sans emploi, en
y entreposant des urnes contenant les cendres de ses chefs   et en les recouvrant de terre, ainsi que pour
les  levées de terre qui abritaient les
restes des chefs ibères.  
 L’introduction en Gaule  du rite de la crémation et de l’incinération
est très importante, car elle a supprimé la longue nécessité de cacher les
restes royaux , le crâne notamment, grâce à ces colossaux travaux de
terrassement  destinés à rendre la tâche de profanation impossible (ce
pourrait être le cas de la  première
enceinte du Bois des Buttes ), en même temps qu’avait lieu,  pour la première fois, la séparation bien
nette dans les mentalités, du corps 
dispersé sous la  forme de cendres
impalpables ( ce serait le cas de la seconde enceinte) et de l’esprit. Alors
que jusqu’alors la préoccupation principale était d’empêcher l’ennemi,
l’étranger jaloux et qui avait  le
mauvais œil, de se saisir,  à des fins
maléfiques,  des restes royaux, il fallait
désormais, les cendres étant devenues introuvables, interdire à tout prix à
l’âme du défunt de revenir s’incarner à nouveau comme, croyait-on, elle en avait
 le désir et de retourner tourmenter les
vivants. Le verrouillage, à l’avant et à l’arrière du berceau dolménique, qui
fut d’abord destiné à l’initiation,  et
sa couverture par un ou plusieurs lourds blocs de pierre, purent offrir une
réponse à cette angoisse de voir l’âme du défunt incinéré revenir sur
terre.  
  Les nouveaux arrivants décidèrent de déposer
les urnes où ils conservaient  les cendres
de leurs chefs   dans les dolmens qui
n’avaient plus leur utilité première de chambre d’initiation. Mais le dolmen
était trop visible pour ne pas pouvoir  exciter un désir de profanation qui pouvait
s’exercer aisément. Aussi couvrirent-ils le dolmen de  terre (tertre) ou de cailloux (cairn), donnant
naissance au tumulus funéraire.    
Conclusion récapitulative sur les
dolmens et leur évolution.
La
fonction première des allées non couvertes et même des allées couvertes,   comme  des  dolmens,
 n’était aucunement d’être des
sépulcres : si leur but avait été de dissimuler les restes royaux afin
d’éviter que les ennemis ne les trouvent  et ne puissent 
s’en emparer, provoquant ainsi la ruine magique du royaume, il ne
fallait naturellement pas les enterrer dans un tombeau de pierres qui se
repérait sans peine. Ce fut d’abord des chambres d’initiation  pour néophytes. 
Une autre
réutilisation, là où la conservation des cendres pouvait se révéler dangereuse
comme à Péronville, consista  à les inclure
dans des rites magiques d’invocation à la pluie. 
 Quant aux 
cadavres des rois, ils  furent
d’abord  enterrés dans des levées de
terre très longues, où les trouver aurait demandé, soit  une tâche énorme, soit  un heureux hasard, comme dans la première
enceinte du bois des Goislardières (Saint- Denis- les- Ponts). Lorsque
l’incinération fut pratiquée, les levées de terre, par reprise de la
tradition,  continuèrent un temps à être
pratiquées et abritèrent la partie la plus précieuse du cadavre : la tête
(seconde enceinte et nom du bois des Buttes),  tandis que, par la suite,  les dolmens, recouverts ou non d’un tumulus,
servirent de lieu de dépôt pour les 
urnes pleines des  cendres royales.
NB :
Pour le sens des représentations énigmatiques datant de l’âge des métaux et qui
figurent sur les seuls mégalithes bretons, voir mon article Les représentations sur les dolmens et les
mégalithes bretons  http://coldcase28.blogspot.fr/
sur www.blogger.com/fr
 
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