La
Canterie, le pays de l’orge :
Préhistoire
de Libouville
Avant les Gaulois, les Ibères.
Les premières populations d’Eure
-et- Loir n’étaient pas indo-européennes, mais apparentées aux Basques.
Deux tribus ibères l’ont
peuplée : les Austriconi et
les Cunésiens. On retrouve les Austriconi en Corse dans le nom Ostriconi et dans le nom des
sauvages Laistrigones de l’Odyssée (non pas -1000 comme on le dit
souvent, mais -11000 avant notre ère selon Bâl Gangâdhar Tilak) , que les
Anciens mettaient déjà en rapport avec
un peuple dans la région de Formies au sud du Latium, à la limite de la
Campanie. C’est aussi le nom d‘un peuple de Sicile au pied de l‘Etna,
ainsi qu’en Mauritanie (Austoriani) et surtout dans la région
chartraine peuplée d’Ibères , plus
exactement d’Ostricones avant les Carnutes gaulois car l’ancien
nom de Chartres était Austricum .
Une
autre tribu des Ibères s’appelle les Cantabres (même mot que Celtibères)
que Sénèque qui les connaissait à cause de son origine espagnole identifia à
certains Corses lors de son exil dans l’île: « La Corse fut possédée successivement par les Ligures et
par une colonie d’Ibères; la
conformité des usages ne permet pas d’en douter: on retrouve ici les ornements
de tête et les chaussures des Cantabres d’aujourd ‘hui , et quelques
mots de leur langue, vu que le commerce des Grecs et des Liguriens a
entièrement dénaturé le langage primitif ». Ajoutons que les peintures
d’Altamuria datant entre -9000 et - 14000 nous montrent leur antiquité.
Ces Ibères ont laissé leur nom à Austricum devenu Chartres, Carnutarum urbs, à Logron, à rapprocher de Logroño au nord de l’Espagne sur l’Ebre et au lieu-dit
le Coni, près d’Illiers. On peut en rapprocher le nom
du cap
Cuneus au Portugal. Le mot latin cuniculum qui veut dire lapin, connil en
ancien français, ne peut s’appliquer ici, le lapin ayant été introduit
d’Espagne en Gaule beaucoup plus tard.
Pline l’Ancien cite les îles Cuniculariae entre Bonifacio en Corse et
la Sardaigne, « les îles des Kunéens ».
Ce sont aujourd’hui les îles Lavazzi ,
dont le nom est l’ altération de Laas Trugonée qu’on retrouve en
Sardaigne près de la Punta delle Vacche
(pointe des Basques ) , laas étant compris comme la pierre mais provenant en réalité de Lais ( trugones), grec homérique
Laistrygones. Le nom des îles Cuniculariae
(de kun-ik-oidai-ria, avec 3
suffixes dont un suffixe ethnique, -ikos, un
suffixe ibère d’appartenance -oida, un autre signifiant pays en basque, –herria, veut dire,
non pas îles aux lapins, mais îles
appartenant aux Kunii.
A partir
de Ostricones, par aphérèse, on a le nom de Kunésiens, de Kunii et leurs multiples variantes,
comme Coni près d’Illiers. .Le lapin
a en latin le nom de cuniculus, que
le grec a emprunté et qui vient du nom de cette tribu ibère, les Cunii .
D’où vient ce nom de tribu ibère, Laistrugones?
Il est l’altération de Cantigours,
les Ouigours du Serpent (kant), les Keltrigours ou Celtibères (nord
de l’Espagne), dont le nom ne révèle pas un métissage entre Celtes(Gaulois)
et Ibères , ou encore les Cantabres.
Nous retrouvons le dieu serpent dans le nom de Nermont, ancien dolmen vraisemblablement, qui signifie l’entrée des
enfers (mound) gardée par le Serpent,
niger, mot qui avait le sens de serpent
avant de prendre en latin la signification de noir et de nous donner les mots nègre ,négro et noir. En toponymie,
le mot noir (Forêt noire, Marchenoir dans le Loir-et-Cher, de marca, mégalithe, et
nigra, ligure) ou nègre (Cap nègre) renvoient toujours au peuple
ibère. Le nom des Ligures est l’altération de Ibères, avec attraction
sémantique de nigures, le peuple du
Serpent. Nermont signifie probablement le mundus
ou dolmen créé par les Ligures.
Un autre nom d’origine basco- ibère dans la
commune de Châtillon -en- Dunois est le lieu-dit la Canterie, qui signifie le pays (-ria de herria , pays en basque) et cant,
orge. Il a hérité d’un nom qui
désignait toute la région.
Comme Illiers qui vient
d’Ilhari, Hilaire, les lieux connus aujourd’huis comme consacrés à
Saint-Hilaire (des noyers) remontent à une christianisation de Basi Mari. De même qu’en Gironde La Chapelle- Basse- Mer
est une christianisation de basi Mari altéré
en
Basse- Mer, basi
signifiant roi, majesté, et étant
parent du grec basileus, roi, le mot ibère Mari qui
désignait la grande déesse- mère a suscité la verve analogique des prêtres
chrétiens pour lui trouver un écho en
latin : à Mari , succèdent kari signifiant noyer ,à rapprocher du
grec karya, ou bien lari dans hilarius, hilare, avec les nombreux
Saint-Hilaire –aux –Noyers qui associe les deux analogies.
La jachère de Montgasteau.
Les populations préhistoriques nous ont laissé le site du bois des
Montgasteau à Saint- Denis-les- Ponts, mais ce n’est que des galgals dus au défrichage. Il y a cinq
buttes rondes .Les opérations de défrichage exécutées par les Ibères entre -2900 et
-2600 sont prouvées par le nom de Mont gasteau, gasteau venant du mot gaulois pour jachère, gaskwaria, -un composé de gansko,
branches, qui a donné gastalarie, gastel. On en a ouvert deux pour y trouver au
centre un tas de pierres ramassées sur place.
Les mégalithes ibères.
Les alignements de la Marque (commune de Lanneray)
réservés à l’initiation des jeunes, comme plus tard les
dolmens de Douy et les menhirs du
Bussard et du château de Thoreau dans la commune de Saint- Denis- les- Ponts et
destinés à contribuer magiquement à la bonne pousse des céréales sont la trace
des œuvres accomplies par les premiers habitants.
Les doubles alignements de
pierres ou allées totalement
découvertes, comme celle du lieu-dit Les
Marques, au sortir du hameau des Goislardières en allant de Lanneray
à Marboué (Eure-et-Loir) et les premières cérémonies d’initiation, avant celles
qui furent par la suite réalisées dans les dolmens.
On peut
apercevoir, en bordure immédiate d’un petit cours d’eau et parallèlement à
celui-ci, un double alignement de blocs de pierre verticaux qui ne dépassent pas le sol de plus de 70 cm, double alignement qui se termine en un berceau fermé sans toit.
Il n’est pas possible, à cause de la contiguïté du ruisseau, d’enterrer cette
allée qui, comme le dolmen de Péronville, n’a donc jamais été couverte de terre. Le nom La Marque ou Les Marques (en gaulois, mar, pierre,
avec marque du pluriel k, cf. . Marchenoir,
désigne les pierres verticales qui composent cette allée.
A la Forêt (Saint- Denis-les- Ponts), près
d’un puits qui émettait un souffle sonore terrifiant, sorte de bull- roarers (littéralement taureaux
rugissants, instruments destinés à
écarter les démons présents dans les néophytes
et qu’il fallait à tout prix chasser
), il y avait le même type de monument, fréquent dans le voisinage, comme au lieu-dit
Saint- Ladres ( le pluriel Ladres après le singulier saint est à remarquer), entre Châtillon- en- Dunois
et Brou, ou le dolmen du Puy aux Ladres
à Villiers- Saint- Orien. Puy a le sens de fête, de cérémonie,
d’assemblée. Le mot ladre est la corruption de jadre,
c’est-à-dire de jeunes non encore initiés (cf. le nom gindre, du latin junior,
signifiant en ancien français trop jeune et conservé dans les patronymes :
c’était le plus jeune apprenti boulanger chargé de broyer très finement et de
pétrir la farine).
Aux Marques,
le berceau de l’allée est le lieu
d’initiation finale des néophytes. Le vocable mortier, l’auge taillée dans une seule pierre où l’on écrase le grain , où on le fait
« mourir », vient du latin mortarium , dérivé du latin mors,
la mort. La résurrection des néophytes,
leur renaissance, est destinée à mimer la renaissance de l’orge, après sa « mort » hivernale. De même
que l’orge était coupée, liée, battue, broyée dans le mortier, et enfin
dévorée, sauf une précieuse part mise en réserve pour assurer sa survie et sa renaissance au
printemps de l’année suivante, de même le passage des néophytes entre des
pierres qui rappellent celles du mortier, ainsi que les blessures symboliques
qui leur sont infligées, ont pour
mission d’assurer leur résurrection finale en tant que vrais hommes
accomplis de la tribu. Ainsi, on faisait
semblant d’enterrer, comme si c’était des grains d’orge, les jeunes garçons dans un sillon de roche fermé aux deux bouts,
où ils devaient pénétrer par le haut et
où, lorsqu’ils s’y étaient mis à quatre pattes,
on leur lançait des mottes de terre et des branchages. Enfin, on leur
mettait la tête dans un chaudron plein d’eau comme pour les asphyxier, ou plus
humainement on les aspergeait avec de
l’eau puisée tout à côté dans le ruisseau,
par une sorte de rite baptismal. Les blocs des parois de ces allées
découvertes laissaient entre eux des interstices à travers lesquels les
infortunés voyaient s’abattre sur eux un déluge de terre et d’eau, au bruit
démoniaque des instruments appelés bull-
roarers.
Les lieux d’inhumation des Ibères
On a repéré,
près du polissoir d’Arrou, un ossuaire qu’on n’a pas étudié.
Les pierres paléolithiques (pierres taillées) et
les pierres néolithiques (pierres polies) et les meules des Ibères.
La meilleure étude, à mon
avis, sur les pierres taillées et
surtout polies de la région est celle de
Henri Leplège, Lanneray .Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits, sa préhistoire,
1991, 52 p.
J’ai trouvé, dans la
ferme, un petit biface paléolithique,
datant de l’acheuléen ancien, entre -400000
et—40000, longueur 12 cm, largeur 7 cm, épaisseur 3 cm, lourd, avec un tranchant sinueux, avec patine partielle, analogue à un biface trouvé
à Saint- Denis-les- Ponts représenté dans Leplège, op. cit., p. 35, fig.2.
J’extrais de la
collection de Robert Ardoin- LeBas quelques pierres paléolithiques et néolithiques fort belles trouvées à Libouville,
dans
sa propriété, les deux plus grosses entre
la maison et le hangar, et la plus petite, toute blanche, dans le potager
derrière le hangar.
La première, d’époque paléolithique,acheuléen
ancien , datant entre -400000 et-40000 ,
est un biface en silex multicolore de
600 g, longueur 15, 54 cm, largeur 8 cm, épaisseur environ 5 cm. C’est un biface
entièrement patiné.
La seconde, du néolithique,
entre 2900 et 2600 av ; J. –C., est
la plus belle : c’est une pierre
polie blanche avec une tache bleue, de 320 g, longueur 12 cm, largeur 5, 5 /6
cm, épaisseur 3,5 cms. Il s’agit d’une hache néolithique semblable à celle qui
fut trouvée par M. Georges Fleury avec
trois autres fort endommagées à
Touchémont (site préhistorique de Lanneray) et qui est reproduite par H. Lelège
, op. cit ;, p. 39, fig.6. Le
matériau est identique à divers silex des ballastières Paul Marolle de la
vallée du Loir, à Saint-Denis- les- Ponts et à Douy.
Enfin une pierre blanche de 190 g, longueur
9 cm, largeur 5,5 cm, épaisseur environ 2,5 cm. Ce pourrait être un petit
biface paléolithique de tradition acheuléenne, datant due l’acheuléen
supérieur, donc de -40000.
Nous avons trouvé à Libouville trois meules de type paléolithique, ce qui est très
rare, probablement parce qu’on n’y fait guère attention Il s’agit de simples
pierres dont le trou central, suffisamment large,
constitue le mortier, où le grain était écrasé à l’aide d’une molette de forme assez étroite pour
pouvoir y pénétrer.
Nous en avons vu une autre de type néolithique au Musée de l’agriculture de Chartres. La
meule néolithique que j’ai trouvée à Libouville
lui est comparable : il s’agit d’une pierre presque plate, une
sorte de cuvette très peu profonde, sans trou, sur laquelle n’importe quel pilon fait l’affaire,
mais nous en avons trouvé un assez sophistiqué à côté.
La période gauloise.
Le royaume gaulois de
Cotuetos .
Le chef carnute Cotuetos
avait installé sa capitale près de Logron,
à Thuy dont le nom provient
de son nom, comme son père, qui portait le même nom, nous a laissé le
toponyme de Douy. Son haras était à Crenne, qui signifie écurie (voir mon
article « Jules
César et le centre où se réunissaient les druides chez les Carnutes : deux
contresens sur la langue gauloise »).
Encore en 1756, dans un acte de vente, on trouve la mention étable qui signifie à cette époque stalles pour
chevaux.
Crenne
ou le haras de Cotuetos et la déesse Eponina.
Le nom
de Crenne vient du gaulois (Epo)carrina, bâti comme le neutre pluriel latin equirla,
du mot composé equi curria, course de
chars, carrus étant la forme gauloise
correspondant au latin currus , char, et désignant un chariot à
quatre roues. Un suffixe locatif en -na
est ajouté au radical carri-, remise
pour les chars de course. Le toponyme
Crenne
est assez fréquent en Gaule ; il désigne ici le haras de
Cotuetos ; les mangeoires pleines
d’orge étaient placées sous la protection de la déesse des chevaux et de
l’orge, savoir Epona ou Eponina. Les Gaulois, nous apprend
César, ne connaissaient pas les statues à proprement parler, mais seulement ce
qu’il appelle des simulacra . La chance a fait que, dans la région de Crenne, je sois tombé sur un simulacrum de la déesse des chevaux Eponina (voir photo ci-dessous ), qui
est un autre nom de la déesse de l’orge,
Belsima, de Beltsima, laquelle donne son nom à la Beauce. Ce n’est pas un
hasard si, à Saint-Maur ou plutôt à Valainville , on a, sur la façade de la
chapelle, le même visage de la déesse
qui présidait à de cruels sacrifices, -comme d’ailleurs à la chapelle de
Saint-Hilaire des Noyers, aujourd’hui
Saint-Denis d’Authou.).
Simulacrum de Eponina à Crenne (Lanneray), haras de Cotuetos
La jachère de Montgasteau.
Les populations préhistoriques nous ont laissé le site du bois des
Montgasteau à Saint- Denis-les- Ponts, mais ce n’est que des galgals dus au défrichage. Il y a cinq
buttes rondes .Les opérations de défrichage exécutées par les Ibères entre -2900 et
-2600 sont prouvées par le nom de Montgasteau, gasteau venant du mot gaulois pour jachère, gaskwaria, -un composé de gansko,
branches, qui a donné gastalarie, gastel. On en a ouvert deux pour y trouver au
centre un tas de pierres ramassées sur place.
Les champs de Mars et de Bellone
gaulois, héritiers des géoglyphes
maltais et siciliens, appelés Carl rut, sillons pour orge, qui sont à leur origine.
La Nasa
a publié des clichés en 2015 de géoglyphes découverts dans les steppes du nord
du Kazakhstan en Asie centrale, datant du
début de l âge du fer en Asie, de
–800. Que
sont devenus en Europe ces mystérieux géoglyphes maltais et siciliens de plusieurs
kilomètres, représentant des sillons et qui étaient appelés à Malte Carl (mot ibère pour grain d’orge) Rut (sillon)? On a trouvé en Touraine de
très longs ensembles ( plusieurs
centaines de mètres en ligne droite ) de fossés et de talus multiples , en
nombre variable, c’est-à-dire de
sillons, d’une largeur de 8 à 12 mètres, en particulier en Forêt d’Amboise (2
endroits), dans la Forêt Bélier (commune de
Monnaie) et dans un bois situé à l’ouest du champ de courses de
Chambray. L’auteur de l’article qui les mentionne, Jean-Mary Couderc , dans
« Les enceintes quadrangulaires de Touraine », in Acres du 9eme colloque de l’association
française pour l’étude del ’âge de fer, Châteaudun, 16-19 mai 1985,
Editions Errance, Paris, 1989, p.76 , évoque à leur propos le lacis de
fossés et de talus devant la porte des fossés César à Nouzilly près de Tours et cite son article de
1984 sur le sujet (« Les enceintes en terre de Touraine (II) », Bull. Soc.
Archéol. De Touraine, XL, p. 735-787, 11 figures, 21 photogr.) Parlant de
l’enceinte du Chatelier (commune des Hayes, Loir –et- Cher), il indique que le sillon « qui a fait le
tour de l’enceinte, continue au lieu de
s’arrêter au point de raccordement et forme comme une antenne enserrant le grand talus, puis se subdivise de façon
complexe à proximité du chemin. »
Chaque fois que les archéologues parlent d’antenne, il s’agit du même
phénomène : à l’origine de ces enceintes, il y avait les sillons dont on a
utilisé le tracé pour constituer un côté de l’enceinte.
Ces enceintes, trop négligées, sont souvent appelées Camp romain ou Fosés de César
et elles sont très nombreuses dans toute l’Europe celtique : Espagne,
Allemagne du sud, Lorraine, Calvados à Lithaire , de ridh tir(ial) , Rudiana tir (terrain) ial [découvert] (Montcastre) près de Coutances, en Touraine
, nord Sénonais, Eure-et-Loir , à Lanneray et dans six autres
communes..
Bernard Robreau, dans « Les dieux des Carnutes : Mars, Jupiter, Apollon »
in Mémoire XXXIV-2, numéro 90, octobre novembre, décembre 1990, p. 48,
s’interroge : « Ne faudrait-il pas interpréter les viereckeschanzen [en allemand, enceintes
à quatre coins, quadrilatérales, nom donné en Allemagne du sud à ce type de
géoglyphe défini , peut-être top étroitement , comme des « enceintes
quadrilatérales à fonction cultuelle de la Tène finale »], nombreux en
pays carnute, comme des sanctuaires de campagne dédiés au Mars gaulois ?
Cela expliquerait […] leur fréquente association par deux en forêt de
Marchenoir, en forêt de Rambouillet ou même à Lanneray dans le Perche dunois.
Cependant […] ces enceintes semblent surtout caractérisées par leur pauvreté en
vestiges archéologiques.» Et il renvoie pour Lanneray à son étude, B.
Robreau et A. LEROY,
« Les deux enceintes quadrilatérales du Bois des Goislardières à Lanneray
(Eure-et-Loir) », in Les
Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique (=Actes
du IX è Colloque AFEAF tenu à Châteaudun, en 1985), 1989) ainsi
qu’aux articles concernant Marchenoir
dans le Loir- et- Cher, plus exactement Briou et son lieu-dit Moncelon, et Rambouillet.
Examinons
les quatre enceintes de Lanneray.
1) La
moins connue est la Friche des Bois de la Butte, dans la Ssction G1 du cadastre de
Lanneray, dite du Gouffre. H. Leplège
dans Lanneray
.Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits. Sa préhistoire, Amicale des
Anciens Elèves de l’Ecole de Lanneray, Châteaudun, 1991, p. 46,
écrit à son propos : « Ce mot butte [féminin de but, du francique but, souche, puis cible de flèche], naturellement, faisait penser à
la présence possible de tumulus ou d’une
autre structure archéologique A
l’endroit de ce champtier, il n’y a plus, depuis un bon nombre d’années, ni bois
ni butte, tout est nivelé et en cultures, sans vestige apparent quand le sol
est nu . » Le Littré
donne pour butter le sens d’
« ameublir la terre en pyramide autour du pied d’une plante » et pour butte
le sens de « petit tertre ». Mais ici butte vient en réalité du gaulois vut, sillon, de la racine indo- européenne wolkw, gonfler, et c’est par incompréhension que le mot butte a été
utilisé comme signifiant tertre.
Quant au
mot friche
, au sens premier , il est employé pour désigner un endroit qui a subi un gros travail de
déforestation, car ces géoglyphes
ont participé à un processus complexe de défrichage de la forêt primaire et de « triple labour » en
profondeur ,- dont témoigne le nom du site préhistorique voisin de Montgasteau, (Saint-Denis –les- Ponts) où gasteau renvoie à un mot d’origine
gauloise jachère , au sens premier,
extraction des racines et des branchages, adjonction de cendre et de fumier,
etc , étant précisé que , depuis,, la
forêt a repoussé et que, comme par hasard , c’est dans des forêts qui furent
défrichées que l’on trouve le plus souvent nos mystérieux sillons .
Le mot gouffre utilisé dans le titre de la Section G1 du
cadastre de Lanneray, dite du Gouffre
renvoie, non à un gouffre (il n’y en a pas), mais au mot ibère kolpos signifiant sillon, parent du grec
kolpos, pli, qui nous a donné en français les mots golfe et gouffre, du radical indo-européen kswolkw , gonfler, qui donne aussi luk , sillon.
La
prospection aérienne a permis à Alain
Lelong d’en dresser le plan : il
s’agit , aux « Chemins de la Touche [touche signifiant bois en gaulois, de tukia,abréviation de Leukotekia -Tteutatès (ta) , l’équivalent
gaulois de Bellone à Rome ou de Sirona ]
de deux enceintes contiguës, dont l’une est trapézoïdale. « Il s’agit
vraisemblablement d’un ensemble agraire », conclut-il, p. 68, dans son
article « Le problème des grandes
enceintes du sud de l’Eure-et-Loir », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique,
op. cit. où il évoque la présence d’autres enceintes à Conie -Molitard, à Alluyes, à
Neuvy - en- Dunois (Aux pièces de
Raimbert, cf. Rambeuil, de Ru (dio)bus + mots gaulois tir ial, terrain découvert), à Villiers- Saint- Orien (de Rudianus), à La Chapelle -du Noyer et à
Trizay -lès- Bonneval. Notons qu’à Trizay il y a la trace de trois moulins
comme à .Conie- Molitard (molitor signifiant
le meunier d’un moulin à bras en latin).
2) Le second toponyme est Le Bois des Buttes, ou bois des Gioislardières
(il s’agit aujourd’hui d’un seul bois). Il
comprend deux enceintes d’environ un hectare, chacune, l’une au Nord, et
l’autre au Sud. Elles ont aussi été défrichées, mais la forêt a repoussé
aujourd’hui dans ce qui constituait des
clairières. L’enceinte Sud a été appelée
localement , comme souvent, le Camp
romain, et placée inexactement sur la carte IGN. Pour tenter de déchiffrer
le mystère, il nous faut étudier les données de la toponymie.
Moncelon,
à Briou, dans le Loir-et-Cher, cache
un Sirona (Mon –serona), tandis que Rambouillet dissimule un champ
de Mars- Rudiobus, de Ru (di) abus +
mot gaulois –ialo, clairière, champ,
espace découvert, ainsi que le confirme le gallois tir ial, terrain découvert. Marianne Mulon, Noms de lieux d’Ile- de- France, introduction à la toponymie, Editions
Bonneton,Paris,1997, p. 16, indique que le diminutif Rambouillet désignait un petit
Rambeuil,.qui est attesté comme fief en 1244 et qui est englobé aujourd’hui
dans le territoire de Rambouillet. « L’enfant a dévoré le
père ! », conclut avec humour la philologue.
Passons
maintenant à la toponymie du Bois des Buttes et aux hameaux voisins : Villestain, Guignarderie, la vallée des
Serins. .
Villestain, mentionné en 1586, se
décompose en une finale–esta(in) ,
orge, cf. vieux haut allemand gersta,
et en vil , de vut , sillon, donc sillon pour orge. .
Dans Guignarderie, mentionné en 1417 comme La Guignardière et qui désigne, non pas
une ferme précise , mais un lieu, celui de l’enceinte Nord , on
identifie une métathèse de Sirona, savoir sinaro et un suffixe
originel en –herria, qui signifie région.
Tout
près se trouve une Vallée des Serins,
où l’oiseau chanteur des Canaries prend la place, par un trait d’humour, et
grâce à une Haloyère homonymie, du nom de l’orge d’origine ibère devenu chante , cf. les nombreux noms en chante- : Chantemesle, etc.
Autre écart voisin : la , prononcé localement la Halogère, de halogersta, littéralement sillon (grec halow, elkos, ôlax et aulax, latin sulcus) à orge (gçre, à rapprocher du vieux haut
allemand gersta). Le mot qui signifie
sillon est proche du mot qui signifie
meule, grec aleuron, farine, aleiar, aleô , moudre, arménien aram. On peut en déduire que le moulin n’était pas
loin et que Sirona est la déesse du grain broyé ou ailleurs grillé, mort avant
de renaître. On a retrouvé à Libouville les deux meules, la grande portant
d’ailleurs des sillons. Il y a un
fond de cabane gaulois derrière la Poterie., c’est-à-dire à la Haloyèr, et , la prospection aérienne de A. Lelong
ayant détecté la présence d’une ferme « indigène » voisine, on est en
droit de penser que ces deux enceintes étaient le sanctuaire de cette ferme.
En nous
fondant sur la toponymie, les deux divinités Rudiobus ou Teutatès et Sirona sont concernées par ces
quatre enceintes. En définitive, les quatre
enceintes de Lanneray sont des champs
de Mars et de Bellona, délimités par
les fameux sillons, et ce sont, pour
leur donner leurs noms gaulois, le champ
de Rudiobus ou Teutatès (enceinte sud dont
le nom Teutatès (ta) survit dans Villestain
et dans chante avec l’allusion
serins ) et le champ de Belena , déesse liée à Apollon
Belenos ou Sirona (enceinte nord
dont le nom survit dans la Guignarderie),
à rapprocher des noms du pain en grec, sitos, de
sidos, de sei-, graine, cf .la
déesse latine des semailles Seia , et
de dza, orge, grec zeia , et du mot silo, seiros chez Varron, 1, 57 ou en grec classique siros
) que sont dédiées les deux enceintes du Bois des Buttes, l’une,
l’enceinte Sud pour la vie et la
croissance du grain dans le sillon, pour Mars, l’autre pour le fait de broyer le grain au moulin, pour Sirona.
Alain Duval, le conservateur du Musée des
Antiquités nationales à Saint- Germain-en- Laye, remarque, dans « Monde
des morts, monde des vivants : qu’appelle-t-on « sanctuaire »àl’époque
de la Tène ? « , op. cit. , p. 164, que les trouvailles de Felbach en
Allemagne, qui ont révélé des graines, invitent à considérer les enclos
funéraires comme des sanctuaires des vivants dédiés aux semailles, aux
richesses, aux divinités protectrices. .Tel pourrait bien être le cas de
Lanneray.
.Ajoutons que le Tchèque J. Waldhauser
a découvert (op . cit. , p.49) un four avec des graines de
millet incinéré dans l’ enclos de Markvartice
en Bohème celtique, le pays des émigrés Boïens de César, vartice signifiant sillon à
céréale, souvent l’orge, ici le millet en langue celtique, comme dans un autre
enclos de Vazice en Tchéquie (op.
cit., p. .45). En grec ortux, attesté par Hésychius avec digamma gortux, comme le vartice
de Bohême, c’est-à-dire wortux,
confirmé par le sanskrit vartakah, le grec ortugia. , ou ôtugia, désigne la caille, c’est-à-dire,
étymologiquement, l’oiseau qui picore les grains d’orge (orge en indo-européen yew-, donnant en grec ug) des
sillons (vorth). Mark pourrait renvoyer dans Markvartice
au four en pierre, mark signifiant
pierre.
Les polissoirs.
Pour féconder leurs champs
d’orge, les Gaulois avaient au moins trois gros
pseudo « polissoirs »: celui de Chantemesle, celui de l’Echarbot (du latin scamnum, escabeau, à cause des marches
qui font songer aux stries du polissoir), et celui d’Arrou, les Griffes du Diable. Mais surtout ils avaient les géoglyphes.
Les Gaulois de Libouville, leur moulin et leurs meules.
A Libouville
, j’ai trouvé une petite meule
gauloise , en grès de Trizay -lès- Bonneval., le nom de Trizay
venant du gaulois triticac, de tritica, meules , et du suffixe gaulois –ac (cf. latin triticum, froment,
broyé, et trius, broyé). La petite
meule gauloise qui figure dans la cour du musée de Châteaudun est analogue à
cette petite meule de Libouville.
De la paire initiale, la grande meule a quitté vers 1990 Grand’ Maison et été transportée dans le
voisinage, à la ferme dépendant de la Poterie (Lanneray) où elle est devenue
d’abord une table de jardin, le trou
central , cimenté, servant glorieusement pour y planter un parasol..
L’ensemble est aujourd’hui heureusement démonté
et se trouve derrière cette ferme. J’ai
pu admirer cette meule gauloise présentant
des sillons à orge gravés, mais avec malheureusement le trou central
maçonné.
Les deux meules, la grande et la petite, étaient installées non loin, à la Haloyère, nom que les gens du cru
prononcent halogère, ce qui reflète
un ancien halogière, du gaulois halokaria, moulin, à rapprocher des mots
grecs aleuron et alear froment, arménien alam,
etc .On a trouvé précisément un fond de cabane gauloise derrière la ferme de la
Poterie, précisément à la Haloyère. . Est-ce trop m’avancer si je dis que
la petite meule gauloise aujourd’hui à Grand’ Maison est une meule à orge du
temps de Cotuetos, vers- 52, surtout étant donné que le trou central ne garde
la trace d’aucun aménagement moderne pour accueillir une manivelle de
fer ?
Les Romains : les villas gallo-romaines de
Marboué et d’Arrou.
On a trouvé des traces de
villas gallo-romaines à Marboué, de mar,
pierre, et de bocca donnant bove ou Voves, cavernes, grottes, savoir les anciennes champignonnières, et à Arrou.
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