jeudi 19 janvier 2017

Au pays de l'orge : la préhistoire de Libouville

                                               La Canterie, le pays de l’orge :
                                               Préhistoire de Libouville
Avant les Gaulois, les Ibères.
Les premières populations d’Eure -et- Loir n’étaient pas indo-européennes, mais apparentées  aux Basques.  Deux  tribus ibères l’ont peuplée : les Austriconi et les  Cunésiens. On  retrouve les Austriconi en Corse dans le nom Ostriconi et dans le nom des sauvages Laistrigones  de l’Odyssée (non pas -1000 comme on le dit souvent, mais -11000 avant notre ère selon Bâl Gangâdhar Tilak) , que les Anciens mettaient déjà  en rapport avec un peuple dans la région de Formies au sud du Latium, à la limite de la Campanie.  C’est aussi le  nom d‘un peuple de Sicile au pied de l‘Etna, ainsi qu’en Mauritanie (Austoriani) et surtout dans la région chartraine  peuplée d’Ibères , plus exactement d’Ostricones avant les Carnutes gaulois car l’ancien nom de Chartres était Austricum .
  Une autre tribu des Ibères s’appelle les Cantabres (même mot que Celtibères) que Sénèque qui les connaissait à cause de son origine espagnole identifia à certains Corses lors de son exil dans l’île: «  La Corse fut  possédée successivement par les Ligures et par une colonie d’Ibères;  la conformité des usages ne permet pas d’en douter: on retrouve ici les ornements de tête et les chaussures des Cantabres d’aujourd ‘hui , et quelques mots de leur langue, vu que le commerce des Grecs et des Liguriens a entièrement dénaturé le langage primitif ». Ajoutons que les peintures d’Altamuria datant entre -9000 et - 14000 nous montrent leur antiquité.
Ces Ibères  ont laissé leur nom à Austricum  devenu Chartres, Carnutarum urbs,  à Logron, à rapprocher de Logroño  au nord de l’Espagne sur l’Ebre et au lieu-dit le Coni, près d’Illiers. On peut en rapprocher le nom du  cap Cuneus au Portugal. Le mot latin  cuniculum qui veut dire lapin, connil en ancien français, ne peut s’appliquer ici, le lapin ayant été introduit d’Espagne en Gaule beaucoup plus tard.  Pline l’Ancien cite les îles  Cuniculariae entre Bonifacio en Corse et la Sardaigne, «  les îles des Kunéens ». Ce sont  aujourd’hui les îles Lavazzi , dont le nom est l’ altération  de Laas Trugonée qu’on retrouve en Sardaigne près de la Punta delle Vacche (pointe des  Basques ) , laas étant compris comme la pierre  mais provenant en réalité de Lais ( trugones), grec homérique  Laistrygones. Le nom des îles Cuniculariae (de kun-ik-oidai-ria, avec 3 suffixes dont un suffixe ethnique, -ikos, un suffixe ibère d’appartenance -oida,   un autre signifiant pays en basque,  –herria,   veut  dire,  non pas îles aux lapins,  mais îles appartenant aux  Kunii.
A partir de Ostricones, par  aphérèse, on a le nom de Kunésiens, de Kunii et leurs multiples variantes, comme Coni près d’Illiers. .Le lapin a en latin le nom de cuniculus, que le grec a emprunté et qui vient du nom de cette tribu ibère, les Cunii .
D’où vient ce nom de tribu ibère,  Laistrugones? Il est l’altération de Cantigours, les Ouigours du Serpent (kant), les Keltrigours ou Celtibères (nord de l’Espagne),  dont le nom ne  révèle pas un métissage entre Celtes(Gaulois) et Ibères , ou encore les Cantabres. Nous retrouvons le dieu serpent dans le nom de Nermont, ancien dolmen vraisemblablement, qui signifie l’entrée des enfers (mound) gardée par le Serpent, niger, mot  qui avait le sens de serpent avant de prendre en latin la signification de noir et de nous donner les mots nègre ,négro et noir. En toponymie,  le mot noir (Forêt noire, Marchenoir dans le Loir-et-Cher, de marca, mégalithe, et nigra, ligure) ou nègre (Cap nègre) renvoient toujours au peuple ibère.  Le nom des Ligures est  l’altération de Ibères, avec attraction sémantique de nigures, le peuple du Serpent. Nermont signifie probablement le mundus ou  dolmen créé par les Ligures.
Un autre nom d’origine basco- ibère dans la commune de Châtillon -en- Dunois est le lieu-dit  la Canterie, qui signifie le pays (-ria de herria , pays en basque) et cant, orge. Il a hérité d’un nom qui désignait toute la région.
Comme Illiers qui vient d’Ilhari, Hilaire, les lieux connus aujourd’huis comme consacrés à Saint-Hilaire (des noyers) remontent à une christianisation de Basi Mari.  De même qu’en Gironde La Chapelle- Basse- Mer est une christianisation de basi Mari altéré en   Basse- Mer, basi signifiant  roi, majesté, et étant parent  du grec basileus, roi, le mot ibère Mari qui désignait la grande déesse- mère  a suscité la verve analogique des prêtres chrétiens  pour lui trouver un écho en latin  : à Mari , succèdent kari signifiant noyer ,à rapprocher du grec karya, ou bien  lari dans hilarius, hilare, avec les nombreux Saint-Hilaire –aux –Noyers qui associe les deux analogies.
La jachère de Montgasteau.
 Les populations préhistoriques  nous ont laissé le site du bois des Montgasteau à  Saint- Denis-les- Ponts, mais ce n’est que des galgals dus au défrichage. Il y a cinq buttes rondes .Les opérations de défrichage exécutées par les Ibères entre  -2900 et  -2600 sont prouvées par le nom de Mont gasteau, gasteau venant du mot gaulois pour jachère, gaskwaria, -un composé de gansko, branches, qui  a donné gastalarie, gastel.   On en a ouvert deux  pour y trouver au centre un tas de pierres ramassées sur place.
Les mégalithes ibères.
Les alignements de la Marque (commune de Lanneray) réservés à l’initiation des jeunes, comme plus tard  les  dolmens de Douy et les menhirs  du Bussard et du château de Thoreau dans la commune de Saint- Denis- les- Ponts et destinés à contribuer magiquement à la bonne pousse des céréales sont la trace des œuvres accomplies par les premiers habitants.
Les doubles alignements de pierres  ou allées totalement découvertes, comme  celle du lieu-dit Les  Marques, au sortir du hameau des Goislardières en allant de Lanneray à Marboué (Eure-et-Loir) et les premières cérémonies d’initiation, avant celles qui furent par la suite réalisées dans les dolmens.
On peut apercevoir, en bordure immédiate d’un petit cours d’eau et parallèlement à celui-ci, un double alignement de blocs de pierre verticaux qui  ne dépassent pas le  sol de plus de 70 cm, double alignement  qui se termine en un berceau fermé sans toit. Il n’est pas possible, à cause de la contiguïté du ruisseau, d’enterrer cette allée qui, comme le dolmen de Péronville, n’a donc jamais été  couverte de terre. Le nom La Marque ou  Les Marques (en gaulois, mar,  pierre, avec marque du pluriel k, cf. . Marchenoir, désigne les pierres verticales qui composent cette allée.
A la Forêt (Saint- Denis-les- Ponts), près d’un puits qui émettait un souffle sonore terrifiant, sorte de bull- roarers (littéralement taureaux rugissants, instruments  destinés à écarter les démons présents dans les néophytes  et qu’il fallait  à tout prix chasser ), il y avait le même type de monument, fréquent dans le voisinage, comme  au lieu-dit  Saint- Ladres ( le pluriel  Ladres après le singulier saint  est à remarquer), entre Châtillon- en- Dunois et Brou, ou le dolmen du Puy aux Ladres à  Villiers- Saint- Orien. Puy a le sens de fête, de cérémonie, d’assemblée. Le mot  ladre est la corruption de jadre, c’est-à-dire de jeunes non encore initiés (cf. le nom gindre, du latin junior, signifiant en ancien français trop jeune et conservé dans les patronymes : c’était le plus jeune apprenti boulanger chargé de broyer très finement et de pétrir la farine).
Aux Marques, le berceau  de l’allée est le lieu d’initiation finale des néophytes. Le vocable mortier, l’auge taillée dans une seule pierre  où l’on écrase le grain , où on le fait «  mourir »,   vient du latin  mortarium , dérivé du latin  mors, la mort.  La résurrection des néophytes, leur renaissance, est destinée à mimer la renaissance de l’orge, après sa  «  mort » hivernale. De même que l’orge était coupée, liée, battue, broyée dans le mortier, et enfin dévorée, sauf une précieuse part mise en réserve  pour assurer sa survie et sa renaissance au printemps de l’année suivante, de même le passage des néophytes entre des pierres qui rappellent celles du mortier, ainsi que les blessures symboliques qui leur sont infligées,  ont pour mission d’assurer leur résurrection finale en tant que vrais hommes accomplis  de la tribu. Ainsi, on faisait semblant d’enterrer, comme si c’était des  grains d’orge, les jeunes garçons  dans un sillon de roche fermé aux deux bouts, où ils devaient pénétrer par le haut  et où, lorsqu’ils s’y étaient mis à quatre pattes,  on leur lançait des mottes de terre et des branchages. Enfin, on leur mettait la tête dans un chaudron plein d’eau comme pour les asphyxier, ou plus humainement on les  aspergeait avec de l’eau puisée tout à côté dans le ruisseau,  par une sorte de rite baptismal. Les blocs des parois de ces allées découvertes laissaient entre eux des interstices à travers lesquels les infortunés  voyaient s’abattre sur  eux un déluge de terre et d’eau, au bruit démoniaque des instruments appelés bull- roarers.

Les lieux d’inhumation des Ibères
 On a repéré,  près du polissoir d’Arrou, un ossuaire qu’on n’a pas étudié.
Les  pierres paléolithiques (pierres taillées) et les pierres néolithiques (pierres polies)   et les meules des  Ibères.
La meilleure étude, à mon avis,  sur les pierres taillées et surtout  polies de la région est celle de Henri Leplège,  Lanneray .Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits, sa préhistoire, 1991, 52 p.
J’ai trouvé, dans la ferme,  un petit biface paléolithique, datant de l’acheuléen ancien,  entre -400000 et—40000, longueur 12 cm, largeur 7 cm, épaisseur 3 cm,  lourd, avec un tranchant sinueux,  avec patine partielle, analogue à un biface trouvé à Saint- Denis-les- Ponts représenté dans Leplège, op. cit., p. 35, fig.2.
J’extrais de la collection de Robert Ardoin- LeBas quelques pierres paléolithiques et  néolithiques fort belles trouvées à Libouville,  dans sa propriété, les deux plus grosses entre la maison et le hangar, et la plus petite, toute blanche, dans le potager derrière le hangar.
  La première, d’époque paléolithique,acheuléen ancien , datant  entre -400000 et-40000 , est un  biface en silex multicolore de 600 g, longueur 15, 54 cm, largeur 8 cm, épaisseur environ 5 cm. C’est un biface entièrement patiné.  

La seconde, du néolithique, entre 2900 et 2600 av ; J. –C.,  est la plus belle : c’est  une pierre polie blanche avec une tache bleue, de 320 g, longueur 12 cm, largeur 5, 5 /6 cm, épaisseur 3,5 cms. Il s’agit d’une hache néolithique semblable à celle qui fut trouvée par M. Georges Fleury  avec trois autres  fort endommagées à Touchémont (site préhistorique de Lanneray) et qui est reproduite par H. Lelège , op. cit ;, p. 39, fig.6. Le matériau est identique à divers silex des ballastières Paul Marolle de la vallée du Loir, à Saint-Denis- les- Ponts et à Douy.
   Enfin une pierre blanche de 190 g, longueur 9 cm, largeur 5,5 cm, épaisseur environ 2,5 cm. Ce pourrait être un petit biface paléolithique de tradition acheuléenne, datant due l’acheuléen supérieur, donc de -40000.
Nous avons trouvé à Libouville trois  meules de type paléolithique, ce qui est très rare, probablement parce qu’on n’y fait guère attention Il s’agit de simples pierres dont le  trou central, suffisamment  large,  constitue le mortier, où le grain était écrasé à l’aide  d’une molette de forme assez étroite pour pouvoir y pénétrer.
Nous en avons vu une autre   de type néolithique  au Musée de l’agriculture de Chartres. La meule néolithique que j’ai trouvée à Libouville  lui est comparable : il s’agit d’une pierre presque plate, une sorte de cuvette très peu profonde, sans trou, sur  laquelle n’importe quel pilon fait l’affaire, mais nous en avons trouvé un assez sophistiqué à côté.
La période  gauloise.
Le royaume gaulois de  Cotuetos .
Le chef carnute Cotuetos avait installé sa capitale près de Logron,   à Thuy  dont le nom  provient  de son nom, comme son père, qui portait le même nom, nous a laissé le toponyme de Douy. Son haras était à Crenne, qui signifie écurie (voir mon article « Jules César et le centre où se réunissaient les druides chez les Carnutes : deux contresens sur la langue gauloise »). Encore en 1756, dans un acte de vente, on trouve la mention  étable  qui signifie à cette époque stalles pour chevaux.
Crenne ou le haras de Cotuetos  et la déesse  Eponina.
Le nom de Crenne vient du gaulois  (Epo)carrina, bâti comme le neutre pluriel latin equirla, du mot composé  equi curria,   course de chars, carrus étant la forme gauloise correspondant au  latin  currus , char, et désignant un chariot à quatre roues. Un suffixe locatif en -na est ajouté au radical carri-, remise pour les chars de course. Le toponyme  Crenne est assez fréquent en Gaule ; il désigne ici le haras de Cotuetos ;  les mangeoires pleines d’orge étaient placées sous la protection de la déesse des chevaux et de l’orge, savoir Epona ou Eponina. Les Gaulois, nous apprend César, ne connaissaient pas les statues à proprement parler, mais seulement ce qu’il appelle des simulacra .  La chance a fait que, dans la  région de Crenne, je sois tombé sur un simulacrum de la déesse des chevaux Eponina (voir photo ci-dessous ), qui est un autre nom de  la déesse de l’orge, Belsima, de Beltsima, laquelle donne son nom à la Beauce. Ce n’est pas un hasard si, à Saint-Maur ou plutôt à Valainville , on a, sur la façade de la chapelle,  le même visage de la déesse qui présidait à de cruels sacrifices, -comme d’ailleurs à la chapelle de Saint-Hilaire des Noyers,  aujourd’hui Saint-Denis d’Authou.).














Simulacrum de Eponina à  Crenne (Lanneray), haras de Cotuetos
La jachère de Montgasteau.
 Les populations préhistoriques  nous ont laissé le site du bois des Montgasteau à  Saint- Denis-les- Ponts, mais ce n’est que des galgals dus au défrichage. Il y a cinq buttes rondes .Les opérations de défrichage exécutées par les Ibères entre  -2900 et  -2600 sont prouvées par le nom de Montgasteau, gasteau venant du mot gaulois pour jachère, gaskwaria, -un composé de gansko, branches, qui  a donné gastalarie, gastel.   On en a ouvert deux  pour y trouver au centre un tas de pierres ramassées sur place.
Les champs de Mars et de Bellone gaulois, héritiers des  géoglyphes maltais et siciliens,  appelés Carl rut, sillons pour orge, qui sont à leur origine.
La Nasa a publié des clichés en 2015 de géoglyphes découverts dans les steppes du nord du Kazakhstan en Asie centrale,  datant du début de l âge du fer  en Asie, de
–800. Que sont devenus en Europe   ces mystérieux  géoglyphes maltais et siciliens de plusieurs kilomètres, représentant des sillons et qui étaient appelés à Malte  Carl (mot ibère pour grain d’orge) Rut (sillon)? On a trouvé en Touraine de très longs  ensembles ( plusieurs centaines de mètres en ligne droite ) de fossés et de talus multiples , en nombre variable,  c’est-à-dire de sillons, d’une largeur de 8 à 12 mètres, en particulier en Forêt d’Amboise (2 endroits), dans la Forêt Bélier (commune de  Monnaie) et dans un bois situé à l’ouest du champ de courses de Chambray. L’auteur de l’article qui les mentionne, Jean-Mary Couderc , dans « Les enceintes quadrangulaires de Touraine », in Acres du 9eme colloque de l’association française pour l’étude del ’âge de fer, Châteaudun, 16-19 mai 1985, Editions Errance, Paris, 1989, p.76 , évoque à leur propos le lacis de fossés et de talus devant la porte des fossés César à  Nouzilly près de Tours et cite son article de 1984 sur le sujet (« Les enceintes en terre de Touraine (II) »,  Bull. Soc. Archéol. De Touraine, XL, p. 735-787, 11 figures, 21 photogr.) Parlant de l’enceinte du Chatelier (commune des Hayes, Loir –et- Cher), il  indique que le sillon «  qui a fait le tour de l’enceinte,  continue au lieu de s’arrêter au point de raccordement et forme comme une antenne enserrant le grand talus, puis se subdivise de façon complexe à proximité du chemin. »  Chaque fois que les archéologues parlent d’antenne, il s’agit du  même phénomène : à l’origine de ces enceintes, il y avait les sillons dont on a utilisé le tracé pour constituer un côté de l’enceinte.
  Ces enceintes, trop négligées,  sont souvent appelées Camp romain ou Fosés de César  et elles sont très nombreuses   dans toute l’Europe celtique : Espagne, Allemagne du sud, Lorraine,  Calvados à Lithaire , de ridh tir(ial) , Rudiana tir (terrain) ial [découvert] (Montcastre) près de Coutances, en Touraine ,  nord Sénonais,  Eure-et-Loir , à Lanneray et dans six autres communes..
Bernard Robreau, dans « Les dieux des Carnutes : Mars, Jupiter, Apollon » in Mémoire XXXIV-2, numéro 90, octobre novembre, décembre 1990,  p.  48, s’interroge : « Ne faudrait-il pas interpréter les viereckeschanzen [en allemand, enceintes à quatre coins, quadrilatérales, nom donné en Allemagne du sud à ce type de géoglyphe défini , peut-être top étroitement , comme des « enceintes quadrilatérales à fonction cultuelle de la Tène finale »], nombreux en pays carnute, comme des sanctuaires de campagne dédiés au Mars gaulois ? Cela expliquerait […] leur fréquente association par deux en forêt de Marchenoir, en forêt de Rambouillet ou même à Lanneray dans le Perche dunois. Cependant […] ces enceintes semblent surtout caractérisées par leur pauvreté en vestiges archéologiques.» Et il renvoie pour Lanneray à son étude, B.  Robreau et A. LEROY, « Les deux enceintes quadrilatérales du Bois des Goislardières à Lanneray (Eure-et-Loir) », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique (=Actes du IX è Colloque AFEAF tenu à Châteaudun, en 1985), 1989) ainsi qu’aux articles concernant Marchenoir  dans le Loir- et- Cher, plus exactement Briou et  son lieu-dit Moncelon, et Rambouillet.
Examinons les quatre enceintes de Lanneray.
1) La moins connue est  la Friche des Bois de la Butte, dans la Ssction G1 du cadastre de Lanneray, dite du Gouffre.  H. Leplège dans  Lanneray .Ses Châteaux, ses hameaux et lieux- dits. Sa préhistoire, Amicale des Anciens Elèves de l’Ecole de Lanneray, Châteaudun, 1991,  p.  46, écrit à son propos : « Ce mot butte [féminin de but, du francique but, souche, puis cible de flèche], naturellement, faisait penser à la présence possible  de tumulus ou d’une autre structure archéologique  A l’endroit de ce champtier, il n’y a plus, depuis un bon nombre d’années, ni bois ni butte, tout est nivelé et en cultures, sans vestige apparent quand le sol est nu . » Le Littré donne pour butter le sens d’ « ameublir la terre en pyramide autour du pied d’une plante »  et pour butte le sens de «  petit tertre ».  Mais ici butte vient en réalité du gaulois vut, sillon, de la racine indo- européenne wolkw, gonfler, et c’est par incompréhension que le mot butte a été utilisé comme signifiant tertre. 
Quant au  mot friche , au sens premier  , il est employé pour désigner un  endroit qui a subi un gros travail de déforestation, car ces  géoglyphes ont  participé à un processus  complexe de défrichage de la forêt primaire  et de « triple labour » en profondeur ,- dont témoigne le nom du site préhistorique voisin de  Montgasteau, (Saint-Denis –les- Ponts) où gasteau renvoie à un mot d’origine gauloise jachère , au sens premier, extraction des racines et des branchages, adjonction de cendre et de fumier, etc , étant précisé que , depuis,,   la forêt a repoussé et que, comme par hasard , c’est dans des forêts qui furent défrichées que l’on trouve le plus souvent nos mystérieux sillons .
 Le mot gouffre  utilisé dans le titre de la Section G1 du cadastre  de Lanneray, dite du Gouffre renvoie, non à un gouffre (il n’y en a pas), mais au mot ibère kolpos signifiant sillon, parent du  grec kolpos, pli, qui nous a donné en français les mots golfe et gouffre,  du radical indo-européen kswolkw , gonfler, qui donne aussi luk , sillon.
La prospection aérienne a permis  à Alain Lelong  d’en dresser le plan : il s’agit , aux « Chemins de la Touche [touche signifiant bois en gaulois, de tukia,abréviation de Leukotekia -Tteutatès (ta) , l’équivalent gaulois de Bellone à Rome ou de Sirona ] de deux enceintes contiguës, dont l’une est trapézoïdale. « Il s’agit vraisemblablement d’un ensemble agraire », conclut-il, p. 68, dans son article  « Le problème des grandes enceintes du sud de l’Eure-et-Loir », in Les Viereckschanzen et les enceintes quadrilatérales en Europe celtique, op. cit.  où il évoque la présence d’autres  enceintes à Conie -Molitard, à Alluyes, à Neuvy - en- Dunois (Aux  pièces de Raimbert, cf. Rambeuil, de Ru (dio)bus + mots gaulois tir ial, terrain découvert), à Villiers- Saint- Orien (de Rudianus), à La Chapelle -du Noyer et à Trizay -lès- Bonneval. Notons qu’à Trizay il y a la trace de trois moulins comme à .Conie- Molitard (molitor signifiant le meunier d’un moulin à bras en latin).
 2) Le second toponyme est Le Bois des Buttes, ou bois des Gioislardières (il s’agit aujourd’hui d’un seul bois). Il  comprend deux enceintes d’environ un hectare, chacune, l’une au Nord, et l’autre au Sud. Elles ont aussi été défrichées, mais la forêt a repoussé aujourd’hui dans ce qui constituait des  clairières.  L’enceinte Sud a été  appelée localement  , comme souvent, le  Camp romain, et placée inexactement sur la carte IGN. Pour tenter de déchiffrer le mystère, il nous faut étudier les données de la toponymie.
 Moncelon, à  Briou,  dans le Loir-et-Cher, cache un Sirona (Mon –serona),  tandis que Rambouillet dissimule un  champ de Mars- Rudiobus, de Ru (di) abus + mot gaulois –ialo, clairière, champ, espace découvert, ainsi que le confirme le gallois tir ial, terrain découvert.   Marianne Mulon, Noms de lieux d’Ile- de- France, introduction à la toponymie, Editions Bonneton,Paris,1997, p. 16, indique que le diminutif Rambouillet désignait  un petit Rambeuil,.qui est attesté comme fief en 1244 et qui est englobé aujourd’hui dans le territoire de Rambouillet. « L’enfant a dévoré le père ! », conclut avec humour  la philologue.
Passons maintenant à la toponymie du Bois des Buttes et aux hameaux voisins : Villestain, Guignarderie, la vallée des Serins. .
Villestain, mentionné en 1586,  se décompose en une finale–esta(in) , orge, cf. vieux haut allemand gersta, et en vil , de vut , sillon, donc sillon pour orge. .
Dans Guignarderie, mentionné en 1417 comme La Guignardière et qui désigne, non pas une ferme précise , mais un lieu, celui de l’enceinte Nord ,  on identifie une métathèse de Sirona, savoir  sinaro et un suffixe originel en –herria,  qui signifie région.
Tout près se trouve une Vallée des Serins, où l’oiseau chanteur des Canaries prend la place, par un trait d’humour, et grâce à une Haloyère homonymie,  du nom de l’orge d’origine ibère devenu chante , cf. les nombreux noms en chante- : Chantemesle, etc.
  Autre écart voisin : la   , prononcé localement la Halogère, de halogersta, littéralement sillon (grec halow, elkos, ôlax et aulax, latin sulcus)  à orge (gçre, à rapprocher du vieux haut allemand gersta). Le mot qui signifie sillon  est proche du mot qui signifie meule,  grec aleuron, farine, aleiar, aleô , moudre, arménien aram.  On peut en déduire que le moulin n’était pas loin et que Sirona est la déesse du grain broyé ou ailleurs grillé, mort avant de renaître. On a retrouvé à Libouville les deux meules, la grande portant d’ailleurs  des sillons.  Il y a un  fond de cabane gaulois derrière la Poterie., c’est-à-dire à la Haloyèr,  et , la prospection aérienne de A. Lelong ayant détecté la présence d’une ferme « indigène » voisine, on est en droit de penser que ces deux enceintes étaient le sanctuaire de cette ferme.
En nous fondant sur la toponymie, les deux divinités Rudiobus ou  Teutatès et Sirona sont concernées par ces quatre  enceintes. En définitive, les quatre enceintes de Lanneray sont  des  champs de Mars et de Bellona,  délimités par les fameux sillons, et ce sont,  pour leur donner leurs noms gaulois, le champ de Rudiobus  ou Teutatès  (enceinte sud dont le nom  Teutatès (ta) survit dans Villestain et dans chante avec  l’allusion  serins ) et le champ de Belena , déesse liée à Apollon Belenos ou Sirona (enceinte nord dont le nom survit dans la Guignarderie), à rapprocher des noms du  pain en grec, sitos, de sidos, de sei-,  graine, cf .la déesse latine des semailles  Seia  , et de dza, orge, grec zeia , et du mot silo, seiros chez Varron, 1, 57 ou en grec classique  siros ) que sont dédiées  les deux enceintes du Bois des Buttes, l’une, l’enceinte Sud  pour la vie et la croissance du grain dans le sillon, pour  Mars,  l’autre pour le fait de broyer le  grain au moulin, pour Sirona.
Alain Duval, le conservateur du Musée des Antiquités nationales à Saint- Germain-en- Laye, remarque, dans « Monde des morts, monde des vivants : qu’appelle-t-on « sanctuaire »àl’époque de la Tène ? « , op. cit. ,  p. 164, que les trouvailles de Felbach en Allemagne, qui ont révélé des graines, invitent à considérer les enclos funéraires comme des sanctuaires des vivants dédiés aux semailles, aux richesses, aux divinités protectrices. .Tel pourrait bien être le cas de Lanneray.
 .Ajoutons que le Tchèque  J. Waldhauser a découvert (op .  cit. , p.49) un four avec des graines de millet incinéré dans l’ enclos de Markvartice en Bohème celtique, le pays des émigrés Boïens de César,  vartice signifiant sillon à céréale, souvent l’orge, ici le millet en langue celtique, comme dans un autre enclos de Vazice en Tchéquie   (op. cit.,  p. .45). En grec ortux, attesté par Hésychius  avec digamma gortux,   comme le vartice de Bohême, c’est-à-dire wortux, confirmé par le sanskrit vartakah,  le grec  ortugia. , ou ôtugia, désigne la caille, c’est-à-dire, étymologiquement,  l’oiseau qui  picore les grains d’orge (orge en indo-européen yew-,  donnant en grec ug) des sillons (vorth). Mark pourrait renvoyer dans Markvartice au four en pierre, mark signifiant pierre.  


Les polissoirs.
Pour féconder leurs champs d’orge, les Gaulois avaient au moins trois gros pseudo « polissoirs »: celui  de Chantemesle, celui de l’Echarbot (du latin scamnum, escabeau, à cause des marches qui font songer aux stries du polissoir),  et celui d’Arrou, les Griffes du Diable. Mais surtout ils avaient les géoglyphes.
Les Gaulois de Libouville, leur moulin et  leurs meules.
 A Libouville , j’ai trouvé une petite  meule gauloise  , en grès  de Trizay -lès- Bonneval., le nom de Trizay venant du gaulois  triticac, de tritica, meules , et du suffixe gaulois –ac (cf. latin triticum, froment, broyé, et trius, broyé). La petite meule gauloise qui figure dans la cour du musée de Châteaudun est analogue à cette petite  meule de Libouville.
De la paire initiale, la grande meule  a quitté vers 1990  Grand’ Maison et été transportée dans le voisinage, à la ferme dépendant  de la  Poterie (Lanneray) où elle est devenue d’abord  une table de jardin, le trou central , cimenté, servant glorieusement pour y planter un parasol.. L’ensemble  est aujourd’hui heureusement démonté et se trouve derrière cette  ferme. J’ai pu admirer cette meule gauloise présentant  des sillons à orge gravés, mais avec malheureusement le trou central maçonné.
Les deux meules, la grande et la  petite, étaient installées non loin, à la Haloyère, nom que les gens du cru prononcent halogère, ce qui reflète un ancien halogière, du gaulois halokaria, moulin, à rapprocher des mots grecs  aleuron et alear froment, arménien alam, etc .On a trouvé précisément un fond de cabane gauloise derrière la ferme de la Poterie, précisément à la Haloyère.  . Est-ce trop m’avancer si je dis que la petite meule gauloise aujourd’hui à Grand’ Maison est une meule à orge du temps de Cotuetos, vers- 52, surtout étant donné que le trou central ne garde la trace d’aucun aménagement moderne pour accueillir une manivelle de fer ?
Les Romains : les villas gallo-romaines de Marboué et d’Arrou.
On a trouvé des traces de villas gallo-romaines à Marboué, de mar, pierre, et de bocca donnant bove ou Voves, cavernes, grottes, savoir les anciennes champignonnières,   et à Arrou.  




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire