D’OU VIENT LE RIRE SARDONIQUE ?
En grec sardanios désigne un rire
convulsif, grimaçant et ce dès l’Odyssée.
Le verbe grec sairô, de saryô signifie grincer des dents. On l’a rapproché secondairement de sardonios, sarde, et du latin sardonia herba, la renoncule de
Sardaigne à laquelle on attribue propriétés convulsivantes et hilarantes.
Mais le rire sardonique si l’on en croit G.
Dumézil est un rire rituel, lié au
cannibalisme et au meurtre des parents âgés. L’enfant adulte passe derrière le
parent dont il veut se délivrer, pousse ce rire sardonique et le tue. Le rire
consiste à montrer ses crocs et le philosophe Bergson , dans Le rire, cite le fait que lorsqu’on voit
quelqu’un tomber, la première réaction est d’éclater de rire, c’est-à-dire de
se préparer à sauter sur la proie en position d’infériorité pour l’achever.
Nous chercherons à Rome des
exemples due ce rire sardonique rituel.
La vieille divinité étrusque Vulcain, originellement, le dieu des
sillons,de swelk,sillon en
indo-iranien,le dieu de la fécondité agricole, devenu à Rome le dieu du feu, fut aussi
appelé Soranus (qui désigne aussi Pluton, le dieu
des morts sous la terre ), qui a même étymologie que Vulcain et
provient de swolhw + -anus, la
labio-vélaire donnant soit k comme dans
Vulcain, soit disparaissant comme dans
Soranus. Sardonicus , sardonique, ou sardanus ont aussi la même étymologie,
le lrd venant de hw devenant dw (cf le
traitement en arménien de l’indo-européen duo,
deux, devenant erk). Si cette
étymologie est juste, le rire sardonique serait
lié au culte de Vulcain- Soranus. Il nous resteà le vérifier.
La mère de Vulcain, Maia,
celle qui nous a laissé le nom du mois de mai, se serait moquée à sa naissance de son pied
boiteux et aurait éclaté de rire à la vue de l’enfant). Le « mari
« de celle-ci était Picus,dontle
nom est à rapprocher de pecus, pecoris,
menu bétail, chèvre, devin habile,
fils de Saturne, autre dieu de la
fécondité agricole. L’hérédité de Picus qui se métamorphosait comme il voulait
explique l pied de chèvre de son enfant, car Picus a eu pour enfant Faunus (dont le nom correspond à Pan en grec), un Satyre ou Silène à
pieds de chèvre et à queue de cheval.
Quand Pan naquit, sa mère eut peur de cet enfant à l’aspect monstrueux de chèvre
et s’en moqua, éclatant de rire. Le meurtre de la mère est une vengeance qui répercute sur elle son
rire moqueur, mais en la tuant. . Faunus « chèvre-pied », comme dit
Ronsard, a fondé un culte, celui des
Luperques, où intervient le rire sardonique en tant que partie intégrante d’un
rite.
Avant la procession, qui
avait lieu le 15 février, le prêtre
immolait une chèvre, touchait le front des Luperques de son couteau sanglant,
en essuyait la trace avec un flocon de laine imbibé de lait et, à ce moment, chaque
Luperque devait lui répondre en faisant entendre un éclat de rire
rituel. On peut rapprocher leur confrérie de celle des Hirpi Sorani (les boucs de Soranus, un autre nom de Vulcain,
interprété ensuite comme les loups de Soranus) qui dansaient pieds nus sur des
charbons ardents en l’honneur de
Vulcain. Hirpi serait un mot sabin
qui signifierait loup, mais hircus
désigne en latin le bouc. La labio- vélaire
k a pu donner p en sabin, où l’on
aurait hirpi au sens de bouc et se
confondre avec le nom du loup ou du renard (vulpes
en latin), welkw, werkw, le w initial devenant dans hirpi une simple aspiration.
Vulcain était d’abord le dieu
de la viande crue ; ce n’est que
par la suite qu’il est devenu le dieu du feu et celui des aliments qu’on
fait cuire. Dans le culte des hirpi
sorani, on racontait que des loups étaient survenus au cours d’un sacrifice
et avaient arraché à la flamme impie des morceaux de chair des victimes. Lors
du rire sardonique, la chair des victimes devait être mangée crue.
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