DES VESTIGES DE L’EXPEDITION LAPEROUSE À VANIKORO
IDENTIFIES D’APRES LEURS ARMOIRIES, OU LES
DEUX CLOCHES DE LA BOUSSOLE, LES PIERRIERS ET LES POMPES.
LES DEUX CLOCHES DE LA BOUSSOLE
A La cloche signée « Pichard », cloche
du fronteau avant de la Boussole.
Une grande
cloche a été retrouvée à Vanikoro,
pesant 35 kilos, soit environ 69 livres, sans le battant qui ferait 4 kilo environ :
elle est signée PICHARD,
avec deux branches de houx et
l’avertissement en latin Ne objecta ! (Ne t’y frotte
pas ! Qui s’y frotte s’y pique !). Elle a été récupérée en mer par
Claude Magnier sur le site de la faille du récif, site selon moi du
bateau de secours des naufragés, et non de la Boussole comme en le croit souvent.. .Or, le houx est la marque d’Aigrefeuille d’Aunis, aigrefeuille
venant du pluriel latin acrifolia qui signifie feuilles piquantes, acrifolium désignant
le houx. Dans la paroisse d’Aigrefeuille se trouvait l’actuelle
commune des Forges
qui fabriquait les objets en bronze
pour l’arsenal de Rochefort et c’est à Rochefort que la gabarre le
Portefaix avait été armée le 26
avril 1785 avant de changer de nom à deux reprises, devenant d’abord l’Astrolabe, puis, à partir du
1er juin 1985, la Boussole. Le vice-amiral Duperrey, le 3
décembre 1829, répond au Ministre de la Marine : « Chacun des
bâtiments de cette expédition avait deux cloches, une grande et une
petite ;celles de la Boussole
provenaient de son précédent armement. ; et , quant à l’Astrolabe, la grosse cloche se trouvait à bord à l’époque
de son réarmement., et la petite fut délivrée en complément le 23 juin 1785….
Ce n’est donc qu’au port de
Rochefort qu’il est possible de s’assurer
si, à cette époque ou précédemment, la grosse cloche du bâtiment a pu être
livrée dans les magasins de l’arsenal par le sieur Bazin [Pichard pour
nous]. … Suivant l’usage, la grosse cloche [du fronteau avant] était
restée constamment à bord pendant le désarmement de ce bâtiment. ». Une
certitude : cette cloche PICHARD est donc la cloche du fronteau avant de
la Boussole.
Illustration, p. 38 in Bicentenaire du voyage de Lapérouse ,
1785-1788 , colloque Lapérouse
d’Albi, mars 1985, association Lapérouse-Albi France, 1522 p . Annexe,
p.1-55
B La cloche à trois fleurs de lis, deux en haut, une
en bas, cloche de fronteau arrière de la Boussole.
Dillon a trouvé à terre
une petite cloche de fronteau arrière, pesant 5 kgs
(sans battant), soit environ 9 livres, proche avec le battant du poids habituel des
cloches de fronteau arrière de 14 livres
et comptant trois fleurs de lis, deux en haut, une en bas: c’étaient aussi les armoiries de la ville d’Aigrefeuille près de Rochefort. Il s’agit donc de la cloche de fronteau
arrière de la Boussole, qui avait été
armée sous le nom de Portefaix dans
ce port de Rochefort.
En somme, les deux cloches de
la Boussole ont été retrouvées et elles
équipaient toutes les deux la Boussole. Manquent les deux de l’Astrolabe.
Illustration, p. 40, op.
cit.
C La cloche la plus énigmatique, la cloche signée
« Bazin ».
Illustration, p. 42, op. cit.
La plus célèbre des cloches de Vanikoro est
celle dont parle Jules Verne dans Vingt mille lieues sous les mers, « une
cloche en bronze, dit-il, portant
l’inscription : « Bazin
m’a fait », marque de la
fonderie de l’Arsenal de Brest vers 1785 » , ce qui est faux, même si
cela a été répété à l’envi. Mais cette
cloche n’a pas le poids requis pour être
ni une cloche de fronteau avant ni une
cloche de fronteau arrière, donc pour être une cloche de navire. C’est Dillon qui rapporta cette cloche , qu’il
avait récupérée à terre : il nous décrit la cloche comme présentant, d’un
côté saint Jean Baptiste, de l’autre côté
la Sainte Famille mais la description
doit être complétée ainsi : il
y a , d’un côté saint Jacques à la
gauche d’une croix et , à la droite, saint
Jean avec de l’autre côté la Sainte Famille (Joseph, Marie et Jésus).C’est
une allusion au curieux nom de la paroisse
nantaise de « Saint Jacques Saint Jean Sainte Famille » ,
où se trouvait le couvent franciscain de Nantes, Saint Jean étant l’évangéliste et non saint
Jean -Baptiste comme l’a cru Dillon.
Or, à bord, figurait ce qu’on
a retrouvé dans la faille du récif, une
cloche d’office, une clochette, un grelot (qui était peut-être une objet
d’échange destiné aux insulaires), une pierre d’autel (4 fragments dont
certains ont été trouvés sur l’épave de l’Astrolabe),
une boîte à huiles saintes, un crucifix avec 2 fleurs de lis et l’inscription INRI, un étui à missel en bois orné d’une fleur de
lis, une médaille religieuse. Le Père
Laurent Receveur, blessé à Tutuila
et enterré à Sydney où il mourut des blessures, qui lui furent infligées par
les insulaires samoans, était un franciscain et avait servi un temps au couvent franciscain de Nantes (couvent dit des cordeliers). On peut supposer que
cette cloche était un souvenir du couvent nantais et qu’elle lui appartenait. En effet, les Bazin étaient une famille de fondeurs nantais selon Champeaux, Dictionnaire des fondeurs de cloches, 1886, et ils étaient spécialisés dans les cloches d’églises
ou de couvents : selon Berthele, Enquêtes
campanaires, ils avaient fondu deux cloches
en 1754 pour le grand séminaire de Nantes (elles étaient pareillement signées Bazin ,sans prénom ) ; ils avaient
aussi fondu une autre cloche , en 1779 pour une église de Vendée (elle signée pareillement Bazin sans prénom ). Jean Bazin le père est l’auteur de la grande cloche de Saint-Martin,
paroisse de Châteauthébaud en 1753,
Les plus connus des Bazin sont Jean Bazin père et
Jean Bazin fils, qui figure sur
la liste de la milice bourgeoise de Nantes
de 1774 à 1778, avec l’indication « fondeur de la ville ». La cloche appartenait ainsi au
Père Laurent Receveur, qui avait dû servir à Nantes comme régent dans un
collège de la paroisse de « Saint Jacques Saint Jean
Sainte Famille ».
Le canon signée Jean Bazin Nantes : à l’origine en lest sur l’Astrolabe ?
On rencontre une autre fois
le nom de Bazin sur un pierrier
en bronze trouvé dans la faille du
récif, avec « Fc (fecit) J(ean)
Bazin à Nantes 1779 Dragon » .
Le Dragon est le nom d’un bateau
corsaire anglais capturé dans la Manche en 1781 et transformé en corvette par
la Marine royale. Il était percé pour 20 canons et 4 obusiers ou pierriers. En
1782, et le 11 décembre 1787, il est à Brest d’où il part pour Saint-Domingue
où les Anglais l’attaquent. Son épave a été fouillée par le Musée de la Marine
et François Gendron.
Le scénario qu’on peut imaginer est que Jean Bazin
fils fond le canon à Nantes en 1779
et que la Marine le lui
achète en 1781 pour le Dragon, mais , comme il n’y a de place à bord que pour quatre
obusiers, elle reprend son pierrier et le remise à Brest : le Comte d’Hector le fournit en
lest à Lapérouse.
Etant donné que c’est sur la
faille du récif, donc sur l’épave du bateau de secours principalement construit
avec des éléments de l’Astrolabe, que
le pierrier a été repêché, on doit en
déduire que le pierrier fut chargé sur
l’Astrolabe.
DEUX PIERRIERS DE LA BOUSSOLE.
Les deux pierriers d’une livre de la Boussole.
Sur les 3 pierriers d’une
livre que portait chaque bâtiment, on en a repêché deux dont l’un, rapporté par la Dunkerquoise, de la faille
du récif, donc venant du bateau de secours,
se trouve à l’entrée du bâtiment de la Marine nationale à la pointe
Chaleix Nouméa. Sur le tourillon droit figure le poids en livres, soit 149
½ ; sur le tourillon gauche, une marque de fondeur lue N231, mais qui se
compose en réalité des armoiries de Ruelle-sur-Touvre,
près d’Angoulême en Charente : deux canons de marine stylisés encadrant
une ancre de marine surmontée d’un organeau. Les fonderies de Ruelle
fournissaient Rochefort où fut armée
la Boussole.
L’autre pierrier, repêché en
1964 sur le même site par l’expédition Delauney, appartenait à Reece Discombe, avec le poids
de 152 (livres) et le même sigle.
LES CANONS
FLEURDELISES
Les canons en cuivre avec fleurs de lis.
La plupart des canons ont été fabriqués dans l’île d’Indre,
en Loire-Atlantique, commune d’Indret, près de Nantes, comme les ancres.
Un tel canon de 2 pouces avec
fleur de lis a été rapporté par Dillon ; un autre canon en cuivre avec fleur de
lis a été vu en Micronésie à Pohnapé .
LES POMPES
Sur la faille du récif, donc
en provenance de l’épave du bateau de secours avec des objets provenant
majoritairement de l’Astrolabe, l’expédition
Becker a retrouvé quatre corps de pompe,
dont deux portent « Poisson père
m’a fait à Rouen ». Or, la toile nous apprend que Poisson était le nom d’une
célèbre famille de fondeurs de Rouen, qui fournissait les arsenaux du Havre en
Seine maritime. C’est dans ce port du Havre
que fut armée en 1782 la gabarre l’Autruche destinée à devenir l’Astrolabe. C’est donc une réutilisation
sur le bateau de secours d’une pompe de l’Astrolabe.
Sur ce site du bateau de secours, l’expédition
Becker a repêché quatre corps de pompe dont l’un au moins mesure 86 cm. Or,
les dimensions caractéristiques des corps de pompe de la fonderie de Rochefort, en Charente maritime, où fut armée la gabarre le Portefaix destinée à devenir la Boussole, sont de
2 pieds 98 pouces, soit 86,7 cm. Ce
corps de pompe de la faille est donc une
récupération pour le bateau de secours d’un corps de pompe de la Boussole, armée à Rochefort.
Sur le site de l’Astrolabe, le commandant Benier en
1886 a repêché trois corps de pompe dont l’un
semble être de 96 cm, ce qui
correspond aux dimensions de
l’arsenal de Brest , comme du Havre
Ce sont les dimensions de
deux des trois pompes repêchées par le commandant Benier en 1886 sur le site de l’Astrolabe,dont l’une porte
l’inscription L 283 (livres) et la dimension de 2 pieds 98 pouces, soit 86,7 cm propre à l’arsenal de Rochefort. C’est
donc bien un corps de pompe de l’Astrolabe.
Toutefois, les dimensions d’un 3e semblent être de 96 cm, au lieu des 86 cm attendus,
mais cela pourrait correspondre aux dimensions
de l’arsenal de Brest qui aurait complété l’armement pour la mettre en
réserve.
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