LE SECRET DE L’ILE DE PAQUES : LA
SIGNIFICATION DE LA PIERRE QUI SURMONTE LES « STATUES » DE L’ILE DE PAQUES,
INCANTATION A LA FECONDITE POUR
UNE ILE DEVENUE STERILE.
Jeune aspirant à bord de la
Flore, navire amiral de plus de cent hommes, Julien Viaud, qui devait plus
tard choisir le pseudonyme de Pierre
Loti, passa à l’île de Pâques le
3 janvier 1872.Il y raconte comment, sur
ordre de l’amiral, il assista au
sciage, au « massacre »
dit Pierre Loti, de la tête d’une des
célèbres statues que la France
voulait rapporter à Paris. « Autre
mystère, écrit-il dans Reflets
sur la sombre route, 1899, p.
318 sqq. : Des vois dallées,
comme étaient les voies romaines, descendent
se perdre dans la mer…Ce pays est-il un lambeau de quelque continent submergé
jadis comme celui des Atlantes ? Ces routes plongeant dans les eaux
sembleraient l’indiquer ; mais les légendes maories ne font pas mention de
cela, et […], ici, autour de l’île de
Pâques, tout de suite, les profondeurs insondables commencent… » Thor
Heyerdahl, dans Aku-Aku, p. 175, lui
fait écho : « En différents côtés
de l’île nous avions vu de larges
chemins pavés qui disparaissaient droit dans la mer. J’eus recours aux
indigènes. Aucun ne put se rappeler à
quoi avaient servi ces larges chemins pavés descendant à la mer, mais ils
avaient un nom : apapa. Apapa
signifie « décharger » […] C’étaient des lieux de déchargement
ou de débarquement pour les grandes embarcations qui venaient de la pleine
mer. »
« L’opinion admise, nous dit encore Pierre Loti, p. 293,
« est que les statues de l’île de Pâques n’ont pas été faites par les
Maoris, mais qu’elles sont l’œuvre d’une race antérieure, inconnue et
aujourd’hui éteinte. Cela est vrai, peut-être, pour les grandes statues de Rano [mot signifiant lac de cratère] Raraku […] Mais les innombrables statues
qui garnissaient jadis, au bord des plages,
les maraï, appartiennent bien à la race maorie … » Et,
p. 324, vraisemblablement, les personnages représentés par les statues du
Rano Raraku « ne sont point
l’oeuvre des Maori, ceux-là. D’après la tradition que les vieillards
conservent, ils auraient précédé l’arrivée des ancêtres ; les migrateurs de Polynésie, en débarquant
de leurs pirogues il y a un millier d’années, auraient trouvé l’île depuis
longtemps déserte, gardée seulement par ces monstrueux visages. Quelle
race, aujourd’hui disparue sans laisser d’autres souvenirs dans l’histoire
humaine, aurait donc vécu ici jadis, et comment se serait-elle
éteinte ?... » C’est à ces questions que nous allons tenté de répondre.
Le nom des moai et le nom des ahu ou plates-formes.
Le nom de moai pour désigner les statues correspond à l’ainou (la race blanche qui a
occupé le Japon) mui, divin , par
exemple dans ka mui Akkoro, le divin calmar écarlate géant, akkoro de liguro pour
désigner le calmar enroulé. On trouve chez les Aïnous des pierres dressées du
type menhir (voir photo, p.184, de celle de Nonkado sur le site d’’Oyu, près d’Akita,
dans Ancient Jomon of Japan, de
Madame Junko Habu).
Les ahu tirent
leur nom de cette déesse Akkoro ; le nom se retrouve dans le tahitien toupap- ahou, mots qui signifient le
sorcier (toupap) revenant (ahu) ; on a , en Calédonie, à Canala par exemple,
la crainte des ahou , des fantômes , et
des doghis, sorciers ,
revenants : le mot ahou est donc
quasi pan -océanien, puisqu’on le retrouve en Mélanésie. Ces génies liés à la mort qui ont les
plates-formes pour autels représentent l’ancien culte anakénien , bien avant
l’installation des statues sur ces
plates-formes, qui étaient le lieu où les poulets sacrés étaient castrés pour
stimuler de leur sang la fécondité générale (cf le culte de Cybèle ou le sang
d’Atys, le dieu- pin, - et nous retrouverons ci-après l’arbre pour faire des
pirogues) . Il y
avait quelque 300 ahu ou plateformes, dont 113,
peut-être celles des prêtres, servirent plus tard de base à des moai.
Nous avons la bonne
fortune d’avoir ces plates-formes colossales sans les statues. Jean Guillou les
a visitées à Ticopia, où elles représentent le dieu céphalopode Akkoro, figuration
de l’île. Les Tibawés, nom de ces migrants, sont des « magiciens »
qui, selon J. Guillou, faisaient
appel, à Tikopia, « à un
esprit mythique surnaturel qui, la nuit, se chargeait de la mise en place de
ces énormes pavés ». Une tradition
hawaïenne, rapportée par G. Coquilhat, nous confirme que les Tibawés « avaient une réputation
d’habiles artisans de la pierre, capables d’édifier un temple (on traduit de
nos jours par plate-forme, ahu] en
une seule nuit grâce à des procédés
magiques qui leur permettaient de se passer de la main à la main de gros
blocs de rocher. » Ils ont ainsi inventé le travail à la chaîne sous
les yeux de natifs médusés !
« Une curiosité remarquable de l’île, écrit Jean Guillou dans Peter Dillon, capitaine des mers du sud,
p. 186, consiste en une longue route
pavée de blocs de basalte qui
ceinture le cratère [le lac central]. Ce travail colossal serait l’œuvre
d’une population pré -lapita [il s’agit des futurs anakéniens ] qui, selon les habitants de
l’île, faisait appel à un esprit mythique surnaturel qui, la nuit, se chargeait
de la mise en place de ces énormes pavés. Un cyclone aurait anéanti cette
civilisation. » Ces blocs de basalte sont des ahu funéraires analogues à ceux de l’île de Pâques et des
Touamotous.
Les Tibawés quittent Ticopia, que ce soit à cause
d’un cyclone ou d’un tsunami et
émigrent alors à Tongaroa (de bau karen) au Vanuatu,
d’où ils partent à nouveau et atteignent
Galwa aux Fidji, enfin à l’île de Pâques.
Les vrais noms de
l’île de Pâques et leurs vraies significations.
1 Les noms chrétiens.
Son nom européen lui fut
donné par le Hollandais Jacob Roggeveen parce qu’il la découvrit le jour de
Pâques, le 1er avril 1722,
Il venait du Chili avec un second vaisseau. Traduit en mangarévien –pascuan,
cela donnera l’île de la Semaine sainte, semaine se disant tapito en mangarévien-pascuan, d’ où henua (=fenua , pays) o te Tapito,
altéré
en Te Pato (le nombril, par mauvaise
compréhension et par allusion au cratère en forme de nombril de Rano Raraku) o te Henua.
L’Espagnol Don Felippe Gonzalès lui donna en 1770 le nom du patron du roi
d’Espagne et elle devint l’île de San Carlos.
2 Le nom récent.
Ce n’est que depuis 1864 qu’une
certaine mode veut qu’on appelle cette
île Rapa nui, car, devant la
faiblesse d’une population décimée par les raids esclavagistes et par les
épidémies de variole introduites par ces
raids , un colon français fit venir comme main d’œuvre des Polynésiens des îles
Australes en Polynésie française, plus précisément de Rapa ou Rapaiti , la petite Rapa, ou Ogaro (40,57 km²) et ces
immigrés s’ appelèrent enata Rapa nui, le peuple de la colonie de Rapa ,la plus grande Rapa,
comme on disait la plus grande France pour désigner l’empire colonial, mal
traduit par la grande Rapa. Il n’y a
plus aucun descendant de ces Mangaréviens qui s’installèrent à l’île de Pâques vers l’an 800, puisqu’ils
ont été remplacés par des Polynésiens de Rapa depuis 1864. Ces importés de
fraîche date, un millier environ, se partagent aujourd’hui l’île avec un millier
d’Espagnols du Chili. La langue de
l’île, de 800 à 1854 environ, était le
mangarévien ancien, langue aujourd’hui éteinte. Aujourd’hui, la langue de Rapa
survit péniblement.
3 Les noms polynésiens anciens.
a) le
nom premier transmis par les Mangaréviens (Caillot) : Mataki Te Ragi, qu’on
traduit souvent à tort par les yeux qui regardent le ciel (le ciel se disant rangi). Thor Heyerdahl, dans Aku
Aku, p. 25, écrit que les indigènes ont appelé l’île l’œil
qui voit le ciel et la frontière du
ciel. C’est là, sans aucun doute, une référence au même nom, mal traduit. Le
vrai nom a été recueilli à Mangareva aux
îles Gambier par Eugène Caillot, Matakiteragi , dans Mythes , légendes et traditions des Polynésiens,
textes recueillis, publiés , traduits en
français et commentés, 1914, réédition en 2010, cité par Rivet,Les origines de l’homme américain, p.161
sqq.
Ce nom obscur et énigmatique de Mataki-te-ragi signifie en réalité quelque chose comme (l’île)
où poussent les mûriers à papier (Broussonetia
papyrifera) transplantés par les blancs, te (des) ragi, des blancs de
l’île de Pâques. S’agit- il d’une interprétation des
Polynésiens de Mangareva relative au « chapeau » improprement
nommé surmontant les statues ? Certes,
les Polynésiens se servaient de l’écorce de ces mûriers afin de faire les chapeaux de leurs chefs et de faire
, plus généralement, des tapas (le mot tapa vient justement d’un nom de la même plante, te-haka,
cf taki au pluriel) . Mataki est le nom donné par les premiers habitants à la plante en question, appelée ma -hagua en Amérique par les migrants
australiens : ma – étant un préfixe végétal, avec l’infixe –te- élidé, et le pluriel (h)aki
correspondant au singulier australien et amérindien hagua ou haguo (avec , cette fois, une marque, -o, de collectif végétal), désignant la plante dont on tire les fibres spéciale
pour les chefs. Ainsi, le nom en vieux -mangarévien de l’île signifie-t-il le
lieu où poussent les plantes à fibres pour les blancs.
b) Un autre nom polynésien, selon Pierre Loti qui disposait d’une carte
ayant appartenu à l’évêque de Tahiti, Te
kaouhan goaru, c’est-à-dire te étant un déterminant, kaouhan désignant les cacatoès de l’île,
ou leurs aigrettes, par suite les couvre-chef, et goaru, la couleur du sang, allusion à l’ocre des « turbans » surmontant les
statues, donc quelque chose comme l’île des perroquets rouges. Les Polynésiens ignoraient comme
nous la signification de ce qu’ils ont pris pour des turbans et ils ont imaginé qu’ils représentaient une coiffe de plumes rouges ,
très prisée dans toute la Polynésie et
réservée aux chefs .Il y a là allusion à
la cruelle coutume amérindienne ( qu’on retrouve en Mélanésie) appelée tapirage et qui consiste à déplumer des perroquets vivants , à enduire leur corps d’onguents divers de façon
à faire repousser des plumes d’une couleur différente de la couleur originelle,
savoir ici d’obtenir des plumes d’une
couleur rouge . Il y avait deux espèces de
perroquets dans l’île, mais ces deux espèces furent vite éteintes, peut-être en
raison du tapirage.
c Hawaïki
Tel est le nom donné vers 800 par le
grand Métua, le fondateur mangarévien de la dynastie polynésienne de l’île, qui durera jusqu’en 1864. Le nom fait
référence à l’île idéale que fut l’île dont les Polynésiens sont partis, Formose, la belle en latin,Taïwan, de takwa+- ne , marque de collectif végétal, l’île des mûriers à papier , mais il correspond aujourd’hui à la plage
d’Heiki, non loin, d’Anakena, où le métua accosta d’abord. Hawaï vient
aussi du nom des mûriers à papier, de hakwa
avec marque de pluriel i.
4 Un nom ancien,
supplémentaire par rapport à : Mataki Te
Ragi.
Un autre nom pré –polynésien nous a
été conservé dans le nom d’une plage, Anakena. Jared Diamond , Effondrement , p. 127, écrit que la
baie d’Anakena « est de loin le meilleur endroit de l’île pour
accoster en pirogue, le site sur lequel il est le plus évident que les premiers
colons durent s’établir. » Anakena ou Anashena a subi l’attraction
sémantique de shen, qui signifie les
blancs ; mais Anakena était peut-être originellement une métathèse de karena (nakare, nakera,nakena) et vient du nom d’une ethnie de
Birmanie, les Karen. Le plus clair des noms qui viennent de
karen-ni, ou Karen de petite taille (ni), est encore celui de l’île N’Gameini
aux Salomon (Ouaménie en
Calédonie), île où l’on trouve la poterie
ouatom ou lapita. La structure d’Anatom au Vanuatu est identique à celle
d’Anakena, et Akena à Mangareva, dernière étape avant
l’île de Pâques, reflète aussi le nom de l’ethnie karen. On peut rapprocher, en Nouvelle-Calédonie, les
noms de Koné, avec la tribu lapita, où l’on a trouvé des tessons de
poterie dite ouatom ou justement lapita , l’îlot Koniene , Kunie
(l’île des Pins).
L’adaptation mangarevienne ancienne
de Anakena telle que caillot nous l’a conservée est Ninachum-bi, ninachum transcrivant
la prononciation pascuane de Anakena (k étant
devenu la chuintante ch ). Je me suis
déjà penché naguère sur le passage de Caillot où il cite ce nom et je me suis trompé.
Je me rectifie ici.
La syllabe finale –bi provient,
par apocope, de lambi, homonyme de lamgi ou ragi, le ciel, lambi
ou rangi désignant les
blancs et datant du début du XVIe siècle,
après le passage des Espagnols.
En effet, le mot signifiant blanc, ou espagnol, -les
premiers blancs qu’ils aient vus étaient
les Espagnols, -par suite esprit, fantôme, être suprême, est dérivé par métathèse de hispanioli, donnant paloni, palagni , avec
pour résultat en Nouvelle-Calédonie popalagni, interprété
comme signifiant la planche du ciel (ciel se disant en mélanésien lagni), ‘popalé, popaleï, tahitien
popaa . Le mot se retrouve, non seulement aux Salomons , à Vanikoro où il s’agit des rescapés de
l’expédition Lapérouse , sous les formes Ambi,
Ngambéy, etc, voir
mes blog sur Lapérouse), mais dans toute
l’Afrique du sud , à l’ouest , chez les Bantous en particulier : voir la
note de Frazer, p.709, volume 2 du Rameau
d’or, collection Bouquins, Atys et
Osiris . Chez les tribus du
Loango, du Congo, de l’Angola et du Bengouela, l’esprit se dit Ambi, Njambi,
Zambi, Nsambi, Ngambé, Njane, O- njame, tandis que dans le Cameroun c’est Nzambi, etc. Dans John H. Weeks, Among
Congo Cannibals, London, 1913, p.246 sqq., on peut lire :” Sur le Bas-
Congo, on appelle l’esprit Nzambi, ou, par son titre le plus
complet, Nzambi a mpungu ; on n’a encore pas trouvé de racine satisfaisante
pour Nzambi [et pour
cause !]…Sur le Haut- Congo, chez le peuple Bobangi, le mot qui désigne
l’Etre suprême est Nyambé ; chez
les Lulangas, Nzakomba ; chez
les Bolokis, Njambé ; chez les
Bopotos, Libanza… Il est intéressant
de noter que le nom le plus commun pour Etre suprême [entendez blanc, esprit]
sur le Congo est aussi connu, sous une
forme ou sous une autre, sur une vaste
surface de l’Afrique, depuis le 6 e degré au nord de l’équateur jusqu’à
l’extrême sud de l’Afrique ; par exemple, chez les Ashantis, c’est Onyam ; au Gabon, c’est Anyambie, et, à 3000 kilomètres de là , chez les Barotses, c’est Niambé [et cf. le nom de Niamey au Niger ou le nom même de la Guinée]… Ils jugent aussi que l’Etre
suprême (Nzambi) est trop bon et trop
bienveillant pour qu’il soit nécessaire de l’apaiser par des rites, des
cérémonies ou des sacrifices. » De nombreux mots du Pacifique en dérivent,
comme Animan en Micronésie. Le mot
zombi, mort-vivant, utilisé en
Afrique et aux Antilles, en dérive aussi.
Le nom de Nanachumbi pour
l’île de Pâques est intéressant car lui aussi nous indique que Anakena était une colonie de
race blanche, que nous appellerons les Anakéniens. Celle-ci
avait asservi les premiers occupants, des Mundas ou Australiens,
installés à Puna Marengo, la pierre, pu,
aux, na, Marengo, de Munda , population première de l’Inde, population le
plus souvent appelée Menehune , de mererungo, par les autres Polynésiens. menehune se retrouve
dans Marino (de marehuno), qui est le nom d’une langue à Maëwo (Vanuatu), dans Farino (de marehino) en Nouvelle-Calédonie ou dans la caste supérieure des Mérina [de merehuna] à
Madagascar. Marengo signifie homme et, selon qu’on ajoute l’épithète blanc (shen, sha) ou noir (tua), on désigne telle ou telle population. Sur l’île de Rapaiti, la petite Rapa, aux Australes, on a un village fortifié
appelé Morengo Uta, de Morengo tua (cf le nom des Toua- motou, les îles, motou, des
noirs, tua), prospecté par Thor
Heyerdahl .Les Australiens appelés Marengo s’y étaient défendus pour
résister au siège que les Anakéniens leur imposèrent et ces derniers, après
l’avoir remporté, emmenèrent avec eux comme esclaves les Marengo à l’îe de
Pâques. En revanche,
il y a eu des Mélanésiens des îles Salomon, de Taumako en
particulier, à l’île de Pâques, que les
Mangaréviens avaient fait prisonniers. L’expression ipu maengo désigne une poterie faite sans tour sur l’île de Pâques
par ces Mélanésiens, appelés du même nom, maëngo
ou marengo,sous-entendu tua , que les Australiens à causer de leur couleur
de peau. Ceci engendre des confusions. C’est à ces Mélanésiens que renvoie cette
phrase de Rivet, dans Les origines de
l’homme américain p. 121 : « La présence d’un substrat
mélanésien dans une grande partie de la Polynésie [à Mangareva notamment],
jusques et y compris l’île de Pâques, est actuellement [en 1957] admise par
beaucoup d’anthropologues. » Et
Rivet de renvoyer pour la bibliographie aux articles sur la craniologie pascuane
de Henckel et de Imbelloni.
La couleur blanche
des Anakéniens.
Pour le Hollandais Roggeveen , selon Heyerdahl, op. cit., p. 26 sqq, la population ,
métissée déjà, ne fit pas l’impression d’être complètement pure, car au milieu
de ces gens il y en avait un certain nombre qui se distinguaient par une peau
plus foncée, tandis que d’autres étaient « complètement
blancs », comme des Européens…. Beaucoup portaient la barbe [et l’on
sait que tel n’est normalement pas le cas chez les Polynésiens]».
Gonzalès , le second explorateur européen, lui, note un teint clair, des cheveux noirs,et parfois châtains ou couleur cannelle ou roux. Lapérouse , en
1786, note que certains indigènes avaient les cheveux blonds.
Rivet a étudié l’élément blanc dans la composante de
l’ethnie américaine, op. cit, p.
131 :« Une fresque du Temple des Guerriers ,à Chichen- Itza, au
Mexique, représente une lutte entre les indigènes et des assaillants venus par mer, qui ont la peau blanche et des cheveux
blonds ; sur deux vases de Chimbote et de Trujillo (Pérou), des
guerriers à peau noire s’affrontent avec des guerriers peau
claire . Sur deux vases provenant respectivement de Puño et de
Santiago de Cao, près de Trujillo, au Pérou, des maçons à peau noire et à peau blanche
travaillent ensemble aux constructions.»
De même, en Micronésie, O’Connell remarque, dans A residence of eleven years in New Holland
and the Caroline Islands, being the adventures of James F. O’Connell, 1836,
réédition américaine, p. 193,
l’existence d’une femme parfaitement
blanche, réalisant un type récessif, à qui les natifs d’autres îles micronésiennes
que celle où elle résidait rendaient souvent visite, tant sa
renommées « s’étendait au loin. A côté du teint de nombreuses
Européennes, son teint, nous
dit-il, aurait encore paru clair ».
Au total, quelque 7 noms : Matakiteragi , Anakena ou Nanachombi , puis Hawaiki
ou Heiki, Tekaouhangoaru, Pâques depuis
1722 ou Henua o te Tepito, San
Carlos en 1772, Rapanui depuis
1864.
Trois îles du « voisinage ».
1 L’île Pitcairn ou Haguachum
–bi
Cette île fut
peut-être d’abord appelée Mataki ; elle était, vers 300, possédée par les Pascuans qui la laissèrent pour
Pâques. Puis des Indiens chimu du
Pérou, parents des Indiens de l’Ecuador et qui avaient colonisé les Galapagos
s’y installèrent et traduisirent dans
leur langue le premier élément
par Hagua (la plante s’appelle, en Ecuador, huamaga, hua pour hau ,hau correspondant au ha de hagua, ma étant utilisé comme
infixe végétal ,cf.ma-ho-t, de
ma-hau-te à Surinam ) et en utilisant shen, ,
signifiant blanc , pour rappeler l’existence des premiers habitants. L’île devint alors Haguashem. Hagua désigne
un arbre parent du Hibiscus tillaceus
à fibres textiles précieuses pour la navigation (voiles et cordages) et doit
être rapproché en Colombie et dans le haut Amazone, de da-mahagua, damaagua, damaxagua. .
Ensuite ce furent les Mangaréviens qui l’occupèrent et
l’île devint d’abord Haguachum.
Au XVI e siècle, elle devint Haguachumbi pour les Mangaréviens, qui ajoutèrent à son nom –bi pour lambi, nom qui date d’après le XVIe siècle, et qui nous prouve que
les Mangaréviens ne connaissaient pas le sens de shen, blanc en chimu, puisqu’ils
ont éprouvé le besoin de confirmer dans leur langue la couleur de peau des
premiers occupants. En tout cas, shen
et –bi confirment la présence, selon
la tradition, des blancs Anakéniens sur cette île Pitcairn à une époque ancienne.
Au XVIIIe siècle,
l’île fut rendue célèbre sous le nom de Pitcairn par les mutins du Bounty.
Hagua désigne un
arbre parent du Hibiscus tillaceus à
fibres textiles précieuses et doit être rapproché en Colombie et dans le haut Amazone,
de da-mahagua, damaagua,
damaxagua ou en
Equateur huamaga.
Pitcairn est la terre
la plus proche de l’île de Pâques. On y a trouvé trois plates-formes et une
statue de pierre évoquant celles de l’ïle de Pâques. Les traditions de
Mangareva nous apportent quelques éclaircissements sur cette île appelée Haguachumbi,
l‘île des plantes à fibres appelées Hagua
Grâce à Eugène Caillot, qui a recueilli les traditions de Mangareva, suivons Atua Metua , le « Metua »,
c’est- à - dire le Père, né à Mangareva,qui est, vers 800,
le conquérant polynésien de l’île
de Pâques ; il est appelé
aussi Hotu Matu’a, « le Grand Parent ». En provenance de
Pitcairn, dont il se proclama roi, il débarqua
à Pâques avec deux pirogues et sa famille, qui
donnera plus tard les 12 clans de Pâques. Il se nomme lui-même roi de l’île de Päques. Puis il
conquiert sa terre originelle, Mangareva, et se proclame aussi roi de
Mangareva.
Qui trouva-t-il à l’île de Pâques qu’il nomma Hawaiki, aujourd’hui la plage où il
débarqua, appelée Heiki? Il semble
n’y avoir plus rencontré, grand monde, à cette date de 800; les constructeurs
des statues avaient déjà laissé l’île désolée,
appauvrie, complètement déboisée, en particulier sans bois pour les pirogues,
et avaient gagné le sud de l’Amérique, Valdivia
au Chili. La main d’œuvre australienne les
y avait accompagnés.
Hotu Matua était un
grand navigateur. Il alla jusqu’au sud
de l’Amérique et même jusqu’aux Salomon, aux îles Taumako
(Taikoko) dont il se proclama roi et Vanikoro (Ragiriri). Il y fit des échanges (cuivre, chalcopyrite,
qu’il négociait sur la côte américaine à des peuples qui savaient travailler le métal) et il y prit des esclaves
mélanésiens. Ce sont ces esclaves mélanésiens qui pratiquaient une mutilation sacrificielle de
l’oreille, dont le lobe, à l’origine ouvert pour porter un bijou de coquillage,
pendait et qui ont été représentés plus tard par les Mangaréviens sur les statues dites aux « Longues Oreilles ». L’homme barbu et moustachu et la
femme représentés par le dessinateur de Cook en 1774, métis d’Anakénien , de Polynésien
et de Mélanésienne, ont tous deux ces
oreilles au lobe distendu.
C’est des îles des Salomon , Taumako et Vanikoro, que les
Polynésiens ont aussi rapporté des sculptures trouvées dans les grottes par
Thor Heyerdahl comme celles qui ressemblent à des chambranles mélanésiens
ou qui figurent des chiens , absents de l’île de Pâques ,
mais alors présents à Ticopia ou à Vanikoro.
2 L’île Henderson, autre île voisine dont le nom polynésien est
inconnu.
On y a trouvé des crânes et des taros de marais géants (Cytosperma chamissonnis) qui ont été étudiés
par Hather et Weisler, ainsi que par V.
Stefan, S. Collins et Weisler.
3 Les Galapagos et les îles Juan Fernandez.
Diverses sculptures d’animaux absents sur l’île de Pâques et
présents aux Galapagos sont des indices révélateurs, comme les otaries et les
iguanes. Il est possible que l'otarie
des îles Juan Fernandez (Arctocephalus
philippii) soit en cause, comme la chèvre rapportée par les Mangaréviens. Toutes ces otaries ont bien des oreilles,
comme celles qui sont représentés par les Pascuans. Toutefois, il est possible
qu’elles viennent des îles Kerguelen, aperçues sur le chemin des Salomon. Les
îles Galapagos étaient jadis habitées
par des Indiens chimu du Pérou, parents des indiens de l’Ecuador, ainsi que le
prouvent les tessons de poterie et les foyers anciens étudiés par Alfred Métraux et par Heyerdahl
en 1973.
Quoi qu’en disent la plupart des archéologues, le « splendide isolement » de l’île de
Pâques n’a jamais existé.
1Dans le nom de Mangareva
, aux îles Gambier, de manga,
blanc, et de areva, de tarevaka, pirogue, cf le cratère
de Terevaka sur l’île de Pâques , comme dans celui de Erro-mango , de terava (aka)
au Vanuatu, nous trouvons la trace de ces populations blanches pascuanes, car manga signifie à l’origine rouge, c’est -à dire, pour les insulaires, blanc, et la présence des
anakéniens à Mangareva y est aussi
confirmée par le nom d’un lieu-dit Akena, de Anakena. D’autres pirogues mangaréviennes que celles de Hotu Metua arrivèrent par la suite à l’île de Pâques , comme le
soutient l’archéologue Roger Green , se fondant sur les similarités qui
existent entre certains outils utilisés sur l’île et les outils utilisés à Mangareva
plusieurs siècles après la colonisation
de Pâques en 800 .
2 Les anciens
contacts avec l’Amérique, en particulier les îles Chiloé, et le Chili , et l’exportation au Chili du palmier à vin préhistorique et endémique à l’île de Pâques.
Les îles isolées
sont en principe favorables au développement et à la conservation de certaines
plantes endémiques. Citons , par
exemple, le cas d’ un autre palmier
endémique sur l’île de Juan Fernandez (l’île
de Robinson) et , dans l’archipel de
Hawaï,un grand palmier endémique
sur l’ îlot de Nihoa, le seul
arbre demeuré sur cette île, un palmier -éventail, Pritchardia remota. Or, on a trouvé à l’île de Pâques des noix de
palmier fossiles et des grains de pollen provenant du palmier à vin, ainsi que
des troncs enfouis dans les coulées de lave du Terevaka où travaillaient aux statues , pour les Mangaréviens, les Mélanésiens ramenés des îles Salomon. Le nom de Terevaka a été altéré par
les Polynésiens de Rapa ou de Mangaréva, mais il est à rapprocher du nom mélanésien de la pirogue,
trebo kwa (ce mot trebo se retrouve dans praoh, le nom aïnou de l’embarcation qui
a évolué en Amérique pour nous donner notre mot pirogue).
Un paquet de racines
indique que ce palmier pouvait atteindre un diamètre énorme, supérieur à 2
mètres ! Il était alors le plus grand
palmier du monde, surpassant son descendant, le palmier du Chili. Le tronc
produisait une sève sucrée qui pouvait, soit être fermentée pour donner du vin,
soit cuite pour obtenir du miel ou du
sucre. Les noix de ce type de palmier sont encore aujourd’hui très appréciées
des indigènes, tandis que les feuilles servent à couvrir les habitations, à
fabriquer des paniers, des nattes, et surtout des voiles de bateau. Les troncs ont
pu servir à transporter et à ériger les moaï, comme à fabriquer des pirogues.
On peut supposer que, au cours d’un voyage dans ce qui est
de nos jours le Chili , les Anakéniens aient introduit il y a très longtemps de
telles noix et qu’elles y aient poussé, tandis que les palmiers pascuans
périssaient par surexploitation et par suite d’un climat devenu défavorable à
une repousse rapide.
3 Le second voyage
des Incas, le prince Tupac Yupangui, vers Pâques et vers Mangareva , entre 1471 et 1493, et l’introduction dans ces deux îles de la
patate douce américaine et de son nom inca kumara, ainsi que du jonc endémique au
lac Titikaka, Scirpus totora, appelé Totora par les pré incas.
Rivet, op. Cit, p.
163, écrit qu’ « une tradition dont l’authenticité paraît
incontestable, rapporte qu’un roi du Pérou, Tupac- Inca- Yupanqui, l’avant-dernier
des Inka, grand-père d’Atahualpa, sur la foi des récits des trafiquants de la
côte, organisa une expédition pour atteindre ces îles » (cf le récit
de Pedro Sarmiento de Gamboa , cité par Rivet).Pareillement, selon Christian,
également cité par Rivet, op. cit. ,
p.165, « les Mangaréviens ont
une tradition d’un chef appelé Tupa,
un homme rouge [il a été pris pour un Anakénien], qui vint de l’est [de
l’Amérique en réalité, de Pâques pour les Mangaréviens ] avec une flotte
d’embarcations de type non polynésien, en forme de radeaux [de balsa] » et
non de pirogue.
L’importation de la patate douce dans les deux îles de
Mangareva et de Pâques,où le nom incas de la patate douce, kumara ,expression qui signifie le tubercule rouge(il s’agissait de
ce que les créoles du Pacifique appellent patate
curry, la meilleure au goût) existe comme à Mangareva et sous la même forme
phonétiquement non altérée ; ce fut un événement capital dans le Pacifique.
La patate douce, que les Polynésiens et les
Espagnols introduisirent partout,
était destinée à se répandre dans toutes les îles au fil des échanges
coutumiers. le Pacifique. Pour nous, il est important de
remarquer que cette importation atteste d’un réseau d’échanges entre Mangareva et l’île de Pâques avec l’Amérique du sud.
De même, dans le cratère du volcan Rano Kao près d’Orongo,
au sud de l’île, Thor Heyerdahl , dans Aku
Aku, p. 170, raconte comment il a
découvert des joncs d’eau douce importés
du,lac Titikaka par les pré- incas et appelé totora par eux ; il servait à faire des bateaux de jonc
pour 4 personnes éventuellement et avec
des voiles. Qui, sinon l’Inca, a pu importer d’Amérique ce précieux
matériau ?
4) Mais il nous faut
maintenant nous pencher sur le premier voyage des Incas vers Pâques et vers Mangareva.
La première expédition inca , nous dit Rivet, p. 164, aurait
compris 20 000 hommes , une flotte
de 400 bateaux de balsa, et dura un an .Eugène Caillot , dans Mythes , légendes et traditions des
Polynésiens, textes recueillis, publiés ,
traduits en français et commentés, 1914, réédition en 2010, cité par Rivet,dans Les origines de l’homme américain, p.161 sqq ,nous apprend que les
Mangaréviens « d’après leurs
traditions, seraient même allés en Amérique, à Taikoko et à Ragiriri,
qui, si l’on en croit les indigènes actuels des îles Gambier,seraient la mer
avoisinant le cap Horn et le détroit de Le Maire ou peut-être celui de Magellan . » Commence
alors un texte , confus , mais sans
équivalent et capital pour
nous : « Ces deux endroits [Taikoko et Ragiri ] auraient été
autrefois , tous les deux, très bien connus de leurs ancêtres, mais non
découverts par eux ; car ce serait un chef d’Havaiki, nommé Anua Motua
, devenu plus tard roi de Magareva,
qui y aurait d’abord passé le premier, ; et ensuite, émigrant avec eux et
ayant été plus loin qu’il ne le voulait, les leur aurait fait apercevoir un
jour , et ainsi leur en aurait indiqué la route, qu’ils auraient plus tard
plusieurs fois reprise. On ne voit pas bien, en effet, quelle aurait été pour
eux l’impossibilité de se rendre au Cap Horn et au détroit de Le Maire ou à
celui de Magellan, puisqu’il n’y a guère plus de distance entre l’île Matakiteragi (l’île de Pâques) et la côte américaine, qu’entre
l’île Mangareva et l’île Matakiteragi, à laquelle ils ont été souvent, comme
leurs traditions le racontent. »Rivet continue : « Le récit de
voyage d’Anua Motua à Taikoko et à Ragiriri contient des détails sur le climat,
l’état de la mer, la hauteur du soleil qui ne permettent aucun doute sur la légitimité
de l’identification proposée par Caillot. »
1 Le pôle sud sur la route des Salomon.
Il n’est pas exclu
que les Mangaréviens soient bien allés dans le sud de l’Amérique, notamment
chez les Araukans et dans l’île de Chiloé , à Llanquihue, à Arajo
et au Pérou ,où l’ on trouve l’usage de ce four polynésien enterré si caractéristique . En mapuche,
chez les Araucans, on retrouve le mot pascuan curando sous la forme
curanto ou curantu pour désigner le grand repas religieux
accompli grâce à ce four polynésien en pierres enterrées,
ordinairement appelé umu par les Polynésiens, y compris les
Pascuans (mais le mot umu ne semble
pas exister chez les mapuches). Le mot curando
est attesté par Thor Heyerdahl dans Aku Aku, p. 216. Pareillement, en araukan
(langue aussi appelée langue des mapuches
au sud de la côte chilienne, on a
le nom de la hache en pierre donnée au chef,
toki, emprunté aux langages de
Mangareva et de Pâques où le nom se retrouve identiquement : toki. Les sculptures polynésiennes trouvées
par Thor Heyerdahl dans des grottes et représentant des pingouins et des
otaries dont regorgent les îles
Kerguelen , rencontrées sur la route des Salomon , apportent aussi un indice
en faveur de ces voyages lointains.
2 Les Salomon et les
deux îles.
Il est probable que les Mangaréviens soient allés aussi ailleurs qu’en Amérique
du sud,
jusqu’à Santa Cruz (Ndeni) dans
les îles Salomon,
et que Taikoko soit Taumako
tandis que Ragiriri, de rakiliiri
, serait Malikolo (prononciation polynésienne),
de makilili , c’est-à-dire peut-être
Ticopia. cette île que nous appelons
aujourd’hui Vanikoro (prononciation
mélanésienne) , c’est-à-dire peut-être Ticopia.
Le nom de Vanikoro,
ancien nom de Ticopia, île voisine.
Le nom de Ticopia vient de ce qu’elle avait autrefois la
forme d’un entonnoir avec un lac central, puis progressivement une partie de la
côte qui l’entourait a cédé et, à date historique, peut-être au XVIIe siècle, le
lac saumâtre a disparu pour le plus
grand dam des pêcheurs. Les naturels donnaient à ce type d’atoll le nom d’un serpent sacré
lové pour recueillir l’eau et capturer les oiseaux assoiffés après la pluie, li-goro. De li-goro, on passe régulièrement, soit à togaroa, l’anguille noire qui est le dieu des îles voisines Anouda
et Taumako, soit à Vanikoro, mais Vanikoro
ne mérite pas ce nom et il faut sous-entendre la colonie de Vanikoro, c’est-à-dire de Ticopia dont c’était
l’ancien nom avant évolution phonétique, à partir de ti-govau, ti-kopiau, ti-copia et attraction sémantique de Togaroa,de ti gorau , l’anguille géante divinisée.. Aussi l’île de Ragiriri des Mangaréviens, vu la date, savoir le XVIe siècle,
peut-elle être l’actuelle Ticopia, d’ailleurs voisine, à partir de ligorau, puis lagiri.
L’expédition avait
rapporté des Salomon à Anakena, d’où
l’Inca les apporta à Cuzco, des trophées
qui y furent conservés jusqu’au temps des Espagnols : 1 une grande
quantité d’or et d’argent, un trône en laiton
ou en cuivre ; 2 une peau et
des mandibules d’un animal semblable à un cheval ; 3 des prisonniers à face noire». D’où venaient
ces curieux trésors ?
1 On rencontrait, aux
Salomon, à Taumako en particulier, selon Pedro Fernandez de Quiros (Histoire de la découverte des régions
australes) des extrémités de
casse-tête composées d’un gros morceau
imitant l’or, de la chalcopyrite en réalité appelée artimonia (ou artibonite
dans les rivières d’Haïti, un sulfure de cuivre) par les indigène. Selon Quiros,
op. Cit., p. 147, les indigènes, au
XVe siècle, portaient à Taumako à leurs
oreilles de grands anneaux ressemblant à de l’or et aux
chevilles des bracelets de laiton doré
qui, note Quiros, ont trompé quelques-uns de nos hommes (qui ont cru qu’il
s’agissait d’or). Et, op. cit. p.243 : « ils fabriquent (ces
boules d’artimonia) sur place (à
Taumako), pour les fixer à l’extrémité de leurs bâtons et s’en servent ainsi de
casse-tête. »
La métallurgie
amérindienne.
Rivet a beaucoup étudié la métallurgie amérindienne, voir Métallurgie précolombienne, de Paul
Rivet, avec Arsandaux, et op . cit. , p. 174 : « Les métallurgistes du haut plateau bolivien
et péruvien ont découvert le cuivre et le bronze [alliage de cuivre, d’étain
et de zinc] ; les métallurgistes de la côte péruvienne, l’argent et
ses alliages. En Colombie, le travail de l’or
et de ses alliages a réalisé des œuvres d’une complexité de technique
surprenante. Placage, mise en couleur, soudure autogène, laminage, tréfilage,
coulage à la cire perdue n’avaient pas de secrets pour les artisans
précolombiens ;le platine et le plomb entraient pour une part dans
l’arsenal métallurgique de certains peuples. » Le trône en laiton (aliage de cuivre et de zinc)
a pu être fabriqué pour les Mangaréviens aux
Salomon mêmes. L’or (du cuivre doré) et l’argent attestent d’échanges entre l’Amérique du sud,
les Salomon et Mangareva .
La rumeur sur l’argent
de la Sierra de la Plata (la montagne d’argent).
« La légende voudrait que le naufrage d'un navire
espagnol (parti en expédition au Pérou)
eut lieu au large de l'île de Sainte-Catherine au Brésil actuel : 18 hommes sont alors naufragés.
L'un d'entre eux, Alexio Garcia, se lie d'amitié avec un peuple local du Pérou,
qui va lui dévoiler l’existence d'une montagne qui abriterait en son cœur des
tonnes de métaux précieux. Garcia va donc abandonner son expédition et partir
avec ses hommes et quelques indigènes à la recherche de cette montagne qu'il
appelle déjà la Sierra de la Plata.
Ils atteignent finalement l'Altiplano au cœur de la Cordillère des Andes, où
ils vont faire la rencontre du chef de la montagne, "le roi blanc", dont le
trône immense serait entièrement recouvert d'argent. Les hommes prennent
alors quelques pièces de grande valeur et repartent vers la côte brésilienne.
Mais, sur la route, l'expédition est massacrée par un peuple rival. Seuls
quelques indigènes arrivent à survivre en s’enfuyant dans les forêts
tropicales. Ils arrivent à rentrer chez eux et racontent l'histoire avec pour preuves les pièces
qu'ils ont rapportés. » L’argent de Mangareva, Pâques et Cuzco provient-il
du haut plateau péruvien ? En tout cas, le « roi blanc », ainsi que son trône plaqué d’argent évoquent le blanc barbu des
incas appelé Viraco
-cha (cf shen , blanc) , ainsi que le trône en laiton (alliage de cuivre et
de zinc) ou en cuivre rapporté par les Mangaréviens.
La rumeur sur l’or des
Salomon.
En février 1568,
l’Espagnol Mendana, parti du Pérou, avait
débarqué aux Salomon, à Santa Isabel, et recueilli à Malaita quelques objets en
pseudo -or. Il avait exploré les parages
durant six mois sans trouver d’or, avant de quitter, déçu, l’archipel des
Salomon.
La rumeur de
l’existence d’un Eldorado découvert par les Espagnols, même si le lieu en était
gardé secret, concernait les îles Salomon (de là leur nom : les richesses
du roi Salomon sont légendaires) et Santa Cruz ; de là les esclaves à peu
noire rapportés de Manga reva par l’Inca lors de la première
expédition de découverte, expédition que, au XVe siècle, Tupac Yupangui voulut
rééditer sans y parvenir.
2 L’animal dont la mandibule et la peau ressemblaient à
celles d’un cheval était en réalité une chèvre
introduite par les Espagnols aux Salomon. . Dans Histoire de la découverte des régions australes de Pedro Fernandez
de Quiros, p. 285, on peut lire : « Les chaloupes partirent
aussitôt avec, à leur bord, un bouquet (jeune bouc), une chèvre qu’on laissait aux Indiens (les
Mélanésiens de Santo au Vanuatu) pour
qu’ils fassent souche. Les nôtres remirent le bouc et la chèvre aux Indiens,
qui les examinèrent avec attention et en échangeant force commentaires à mi
–voix [ces animaux sont pour eux des dieux]… (A leur retour, les nôtres) ne
virent que le bouc et la chèvre qu’on avait attachés… ». A Taumako, op. cit. , p.240, « un jour, les Indiens virent les nôtres en train de
manger des morceaux de viande, et demandèrent timidement [ils craignaient que
ce ne fût de la chair humaine] quelle
viande c’était : pour le leur faire comprendre, on leur montra un bout de
cuir avec ses poils, et, dès qu’ils le virent, l’un d’eux se mit les mains sur la tête et fit d’autres
signes fort clairs, pour nous faire comprendre que, sur ces grandes terres, il
y avait des vaches ou des buffles [ou des chèvres]. P. 218, op. cit, « (Aux
Touamotou, la vieille Indienne) regarda les chèvres comme si elle en avait déjà
vu d’autres. » A noter que les « Indiens » de ces régions de
Polynésie, nous dit-on, travaillaient or
( ?) et argent et en fabriquaient des
boucles d’oreille et des lames de
couteau.
La flore.
Le cocotier a été
disséminé sur le passage des Ouigours (Ibères) depuis la Turquie actuelle. En
effet,le nom du cocotier ressemble curieusement à celui du Mont Karacadag en Turquie actuelle , près de
Gobekli , le premier temple de l’humanité, il y a au moins dix mille ans. On nous dit qu’il pousse mal sur l’île
de Pâques et qu’il y en a très peu
aujourd’hui. Peut-être fallut-il aux Anakéniens faire des rites magiques pour
en favoriser la croissance, nous le verrons ci-après.
Le mayoré (de mah-uru,
d’un préfixe végétal et de –uru: uru est le nom d’un cultivar d’arbre
à pain, sans graines, et le mot est apparenté à wara ou tara, qui désigne le taro
ou l’ igname.
Les fosses carrées et profondes de quelque 1 mètre50 qu’on a
retrouvées à Pâques ont été attribuées au taro, mais ce pourrait être le moyen
de conserver fort longtemps la pâte fermentée de l’uru, bien après la récolte .
Les caractéristiques
de « la vieille race blanche du Pacifique » dont parlait Paul Rivet.
D’abord, à la différence des Polynésiens, ils pratiquent,
pour leurs morts, la crémation, ce qui a dû les amener à faire brûler beaucoup de bois. Leurs maisons sont en pierre, comme leurs poulaillers, et elles
ont la forme de pirogues renversées ou à double pointe.
Les 1233 poulaillers
de l’île de Pâques.
On ne parle pas assez des somptueux poulaillers en pierre (hare moa) de l’île de Pâques. Les premiers habitants avaient apporté
d’Indonésie et de Papouasie avec eux le coq de Bankhiva , mais, alors qu’ils
ont exterminé les deux espèces de râles proches du poulet pour les manger, ils ne
consommaient guère de la chair du poulet, qui semble bien avoir été
sacré pour eux et qui était la marque extérieure d’un
statut social plutôt qu’un élevage à fins alimentaires : ils se
contentaient peut-être de manger les œufs , ce qui représente l’amorce du
concours tardivement institué par les successeurs polynésiens pour déterminer celui qui
capturerait le premier œuf d’oiseau de mer sur un îlot distant de la côte.
Jared Diamond, dans Effondrement, comment les sociétés décident de leur
disparition ou de leur survie, p.131, écrit que ces poulaillers
préhistoriques , « pour la plupart, mesurent jusqu’à six mètres de long
(plus quelques exceptions pouvant atteindre les 21 mètres de long), 3 mètres de
large et 2 mètres de haut, qu’ils sont équipés d’une petite entrée près du sol
permettant aux poulets d’entrer et de sortir et sont pourvus d’une petite cour
adjacente entourée d’un mur de pierre empêchant les précieux poulets de
s’enfuir ou d’être dérobés . Si les nombreux et imposants hare moa de pierre n’étaient éclipsés
par les statues de pierre, plus
imposantes encore, les touristes se souviendraient de Pâques comme de l’île aux poulaillers de
pierre. Ils dominent la quasi-totalité du paysage près de la côte, car
aujourd’hui les poulaillers de pierre préhistoriques –on en compte 1233- sont
bien plus visibles que les maisons habitées par les hommes préhistoriques, dont
les fondations ou les terrasses étaient en pierre, mais pas les murs. »
Le chant du coq le matin devait être un spectacle sublime.
Lorsque leurs propriétaires ont quitté cette île pour
l’Amérique du sud, peut-être pour Tihuanaco et son architecture dont Thor
Heyerdahl a relevé les affinités avec les célèbres statues et leurs
plates-formes, que sont devenus les milliers de poules, si elles n’étaient pas
déjà mortes de quelque grippe aviaire, vu leur nombre qui en faisait quasi une
installation industrielle ? La quantité
de nourriture de ces volailles enfermées, menacées par des rats introduits,
devait être très importante. En quoi consistait-elle ? Probablement en graines de tournesols
(la scalsa est une plante
oléagineuse originaire d’Amérique), en noix de cocos et en noix de palmiers,en ignames, en pommes
canaques trop mûres (Sizigium malaccensis) ainsi qu’en une pâte fermentée du fruit de l’arbre à pain. Il
est aussi possible que, avant le taro géant de marais cultivé par les
Polynésiens, les premiers insulaires aient planté du riz, car on a trouvé deux
barrages de pierres construits sur un cours d’eau aujourd’hui intermittent, qui
draine le bassin sud-est du volcan Terevaka
jadis boisé : leur rôle était de détourner l’eau sur de larges plates-formes de
pierre, puis de la diriger vers des
sillons de nos jours disparus. Par la suite, ce système de détournement de
l’eau sera utilisé pour la culture du taro d’eau par les Polynésiens. Le nom du
riz, en grec oruza, et du seigle briza,
est proche de celui du taro, tara, et
de l’igname, wara.
Ces poulets servaient aux prêtres Anakéniens aux
sacrifices ; mais lorsque la situation de l’île fut désespérée, ils
castrèrent les coqs et en versèrent le sang dans les trous qu’ils avaient fait
et où ils avaient déposé les plants de grands arbres pour construire leurs les pirogues.
La stèle- menhir vint ensuite, en désespoir de cause.
L’alimentation des
premiers insulaires.
Les fouilles montrent
que les Akéniens étaient des pêcheurs de
haute mer et qu’ils se nourrissaient surtout de marsouins, de tortues de mer, de
phoques et de thons. Lorsqu’ils n’eurent plus les moyens de
pêcher en haute mer, faute de bois pour leurs
pirogues, ils préférèrent quitter
cette terre devenue inhospitalière pour l’Amérique du sud où ils emmenèrent
leurs esclaves salomonais.
Le trajet des
ancêtres ouigours des Anakéniens jusqu’à l’île de Pâques : « reflets sur la sombre route ».
Les Chinois ont
retrouvé une trace de ces ancêtres dans
leurs fouilles des cimetières ouigours situés dans le bassin du Tarim : au
nord du Tibet, dans l’immense désert de Taklamakan , des archéologues
chinois ont eu l’étonnement de découvrir une nécropole, avec des momies aux
traits européens, aux cheveux
châtains et au nez long, datant d’il y a 4
000 ans et enterrés dans des bateaux retournés recouverts de peaux de vache
, avec un mât de bois situé à la
proue , de 4 mètres de haut et dont la sculpture varie selon le sexe :
pour les hommes , le sommet est effilé, symbolisant,selon les archéologues
chinois, des vulves, tandis que , pour les femmes, le sommet serait plat
et peint en noir et rouge, évoquant des
phallus. On peut toutefois se demander s’il s’agit bien d’un mât renversé et s’il
ne s’agirait pas plutôt de la godille (à la proue du bâtiment et
caractéristique des blancs d’e Pâques ) , qui permettait , pensait-on , de se
diriger dans les eaux de l’au-delà,
correspondant pour les femmes à la navette ou la quenouille, attributs de leur
sexe que les Chinois n’ont pas compris. O’Connell, en Micronésie, décrit cette
habitude en précisant qu’il s’agit de fuseau (spindle) ou de quenouille (distaffe).
Pour les chercheurs chinois, l’ADN viendrait de Sibérie.
Il y a parenté de
culture avec celle des blancs aïnous :
le fondateur de l’hématologie, Jacques Ruffié, qui alla observer, en 1978, les derniers Ainous
d’Hokkaido, a noté qu’à Nibutani les tombes sont surmontées « d’un curieux
poteau de bois dont la partie supérieure sculptée varie avec le sexe du
mort »
Tous les hommes analysés présentent un chromosome Y présent
aujourd’hui surtout en Europe de l’est, en Asie centrale et en Sibérie, mais
rarement en Chine. L’ADN mitochondrial,
transmis par les femmes, se compose, lui, d’une souche provenant de Sibérie et
de deux autres souches qui sont communes en Europe .Comme le chromosome Y
et les lignées d’ADN mitochondrial sont anciens, le Dr Zhou , généticien, en a
conclu ( revue en ligne BMC Biology, de
mars 2006) que les populations
européennes et sibériennes s’étaient unies avant leur arrivée dans le bassin du
Tarim, il y a environ 4000 ans, en Chine, dans ce qui est aujourd’hui un désert
mais devait être une région fertile il y a 4000 ans. Le généticien Li Jin , en
2007, déclara que l’ADN de la « Belle de Loulan », une momie
trouvée non loin, indiquait une origine
en Asie de l’Est (en Sibérie ) et en Asie méridionale (Thaïlande).Pour nous, ce
site de momies « européennes » en Chine datant de 4000 ans confirme la migration des
Ibères- Ouigours à partir de la Sibérie.
Dans le Pacifique,
de curieux mégalithes:
Les Iles Palaos et l’ île Tinian aux Marianne abritent de curieux
mégalithes.
Un site
extraordinaire à rapprocher des statues pascuanes : la Venise du
Pacifique. Le complexe de Nan-Mahdol (de nyaman-dol, la cité des Nyaman ou Animan, des blancs) en Micronésie (datant des débuts de l’ère
chrétienne ?).
Les ruines situées sur l’’île de Temwen, comparées souvent à celles de
Lelou (de deleur) sur une autre île micronésienne,
Kosran , ont été décrites par Jacques de Rosamel qui les visita en 1840 (Pohnpeï
Micronésie, 1840, p. 102) :il y affirme que sur l’atoll de Ant , ainsi que sur
les îles entourant le récif de Ponhapéï , on trouve le même type de murailles en pierres de taille , mais la
description la plus éclairante du site
me semble avoir été donnée par un visiteur de peu antérieur , James F. O’Connell, op. cit, p.207 - 210, que je traduis librement ci-après : p.
207 :
A l’entrée, il y avait des murs
de pierre de taille, en pierre bleue ; « par dessus le sommet de ces
murs, des cocotiers et, de temps en temps, un arbre à pain, étalaient leurs
branches…..La muraille extérieure ferme
un espace d’environ un mille [2 kilomètres] de circonférence. Cette aire n’est
pas vide, mais à environ vingt pieds [6
mètres] de distance du mur extérieur, il y a un autre mur , exactement parallèle au
premier ; ensuite, à la même distance, un autre, et encore un autre, au nombre de
cinq ou six [cinq en réalité]. Le mur
de l’enceinte centrale ne renferme qu’un espace d’environ quarante pieds [12
mètres] de côté et il est parfaitement
carré … Sur le mur extérieur, quatre
piliers carrés, partie autrefois
d’un portique ou d’un élément d’architecture comparable [double portique, à comparer avec le
portique en pierre de Tonga], traversent le fossé plein d’eau [seulement à
marée haute]. L’entrée, ou l’ouverture pratiquée dans le mur, était d’environ
quatre pieds [1, 20 mètre] de haut. Lorsqu’on
entre, aucune ouverture ne se présente dans le mur suivant, mais, après
avoir remué des broussailles, nous avons découvert une entrée au coin du mur, à
droite de la première entrée. Après l’avoir empruntée, nous avons trouvé une ouverture dans le mur suivant,
mais à gauche cette fois ; et ainsi de suite : nous avons trouvé les
portes alternativement à droite et à gauche avant de pénétrer dans l’enceinte
centrale. En pénétrant à l’intérieur de cette enceinte, nous avons découvert,
grâce à la chute accidentelle d’une pièce de bois, une crypte. » L’ensemble est
tabou et a été créé par Animan [le nom
des blancs devenu le nom de l’esprit divin,
mot proche de Anita aux îles Marianne
et du nom de l’île Anuta près de Vanikoro] « Les bras de mer [actuels] étaient
autrefois des passages secs, que
l’eau a envahis, en raison de la
proximité de l’île par rapport au récif de terre… Dans l’un des arroyos sur cette île des Ruines, se trouve une énorme pierre carrée ». Le carré s’oppose aux cercles concentriques
et aux voûtes.
Que représente cette « pierre carrée », au milieu de la
figuration d’un céphalopode géant qui représente la vie ? Je crois qu’elle est analogue au linteau des menhirs de Gobek- li et qu’elle
symbolise la mort provisoire de la plante que ces mégalithes ont pour fonction
magique de faire pousser magiquement, qu’il s’agisse comme ici du cocotier ou
de l’arbre à pain, ou encore du palmier
à vin ou des arbres pour pirogues sur l’île de Pâques. L’enceinte centrale représente le corps de la
bête, les murs représentent les bras multiples et sacrés de la divinité ;
mais cette pierre carrée est située dans le passage qui se trouve entre les bras, seul endroit où
les prêtres ont le droit de marcher.
Le motif dit de « l’œil qui pleure» et le motif dit des « côtes
saillantes » visible sur les petits
moai kavakava (de pankatava, cf en Micronésie pancatava, Hadès, dieu de la mort, puis
caveau, tombe), prises pour un signe de famine, me semblent plutôt, du moins originellement, refléter le calmar lui-même pour le premier
motif et, pour le second, les bras du calmar super- géant pris pour
des côtes saillantes. Les lames ondulées, encore appelées lames flamboyantes des kriss balinais ou malais, sont des
représentations des bras ondulants du calmar,
comme les sceptres chinois appelés ru
yin.
Quel est le monstre représenté
par cet étonnant géoglyphe ? Pline l’Ancien (livre IX, 3, 1) parle d’un
céphalopode monstrueux appelé rota, la roue : « [Parmi les
géants des mers], il y a aussi les « roues » qui tirent leur nom de leur ressemblance avec la roue d’Ixion
et qui se distinguent par deux séries de
quatre rayons [en haut et en bas de la
« roue »] , deux yeux barrant le moyeu de la
« roue » de chaque côté
».B Heuvelmans, P. 153, tome I, Dans
le sillage des monstres marins, commente en ces termes : « la
description s’applique à un animal doté de 4 bras de chaque côté de la tête, où les yeux frappent sans doute par leur
grandeur .On n’a pas de peine à reconnaître dans cette description un
céphalopode aux huit bras toujours en
mouvement.» Heuvelmans n’a pas voulu préciser s’agissait d’un poulpe (3
bras +1 tentacule x 2) ou d’un calmar (4+1 x 2), mais pour nous ce sera dans le
Pacifique un calmar géant avec cinq « bras » de chaque côté. Li- guro,
serpent enroulé, renvoyait primitivement
à cette « roue », celle d’un monstrueux calmar, Architeuthis
dux, ou bien à Octopus giganteus Verrill
dans le cas du poulpe à 3 bras.
La crypte, à rapprocher des maraé.
La crypte est plus mystérieuse
encore. J. O’Connell y a trouvé un squelette de chef, mais très récent, et il ne pense pas que la crypte ait eu la moindre destination de conservatoire
de squelettes. Nous devons la comparer
avec d’autres cryptes de pierre, plutôt rares dans le Pacifique. Il en
existe cependant à l’île de Pâques où Thomson, dans Te Pito, te Henua, or Easter island , p. 81,
raconte qu’il découvrit « un immense dallage en ruines, de type non polynésien, qui comportait
des maisons de pierre à double pointe et qui s’étendait sur près de 2 kms, le long de la haute falaise de la côte nord- ouest.
Chaque demeure était pourvue d’une crypte
qui, parfois, était couverte d’une arche
soutenue par une belle pierre en clef de voûte et qui était destinée à abriter
les statuettes représentant les morts. Beaucoup de ces maisons ont malheureusement
été emportées par l’érosion et les tremblements de terre ».
En effet, « il est historiquement rapporté, écrit Thor
Heyerdahl, p. 239,
dans L’art de l’île de Pâques, que
l’érosion de la côte par la mer a précipité dans les eaux du Pacifique un
village de pierre présumé être le plus ancien de l île. On sait aussi qu’un
destin semblable frappa sur la côte Nord [vers le lieu cité par Thomson et vers
Anakena] toute la structure du plus beau
lieu de culte de la Période la plus ancienne, ainsi que sur la côte
Sud-Ouest le ahu [plateforme] doté du
plus grand nombre de statues. Tout cela témoigne de la perte irréparable de
vestiges archéologiques de première importance provoquée par des faits naturels. »
La crypte a une voûte à 3 ogives et 4 voussoirs pour reproduire sous le dallage la symétrie du calmar.
Je pense que le trésor monétaire
et sacré de la tribu y était entreposé. En effet, en Micronésie, dans l’île de
Yap, les observateurs ont été surpris
par l’existence d’une monnaie géante en pierre avec un trou au milieu, en
aragonite qui venait de l’île Palau. Rosamel, p.103, op. Cit, parle d’ « une grande quantité de cercles
en coquillages taillés probablement pour bracelet et des morceaux de nacre de
perle [en aragonite] imitant imparfaitement des poissons ».L’aragonite dont les
monnaies des indigènes sont faites
rappelle l’œil du calmar qui est fait lui aussi
d’aragonite, comme l’oeil d’un crustacé, le chiton, qui a 17 dents
faites de magnétite passant pour porter bonheur. Quant à leur forme circulaire,
elle évoque le globe de l’œil ou l’oursin.
Pourquoi ce trou médian ?
Parce que la nacre des
coquillages, lorsqu’elle est
trouée, possède l’étrange faculté
de se régénérer elle-même par des petits cristaux qui apparaissent dans le
trou. Ces cristaux évoquent ceux qui constituent les dents du chiton. Perle,
nacre, corail, cristaux du minerai d’aragonite sont des symboles de résurrection et renvoient à l’œil du super-
calmar divin.
On aura compris que, selon moi, il s’agit, dans ce site
remarquable, de la représentation de la déesse aïnoue Akkoro,devenue Aku- Aku, de akko(ro), à l’île de Pâques c’est-à-dire d’un monstrueux calmar avec ses
cinq bras (4 + 1 tentacule). C’est le symbole le plus ancien : le serpent
lové et contenant de l’eau est une adaptation ultérieure.
Nouvelle-Guinée Papouasie.
Rivet avait osé le premier
parler de blancs en Papouasie, s’attirant les quolibets incrédules
des orthodoxes. Pourtant, au XIX e siècle, le Capitaine Morrell apprit, chez les Garia de Papouasie, d’un certain chef Bivartoo, qu’une race, aujourd’hui éteinte,
avait bâti des cités sur les rives d’un fleuve
dans une grande vallée, la Vallée de Raimu . C’est la même race, les
Djomons du Japon, qui a emporté avec elle depuis le
Japon jusqu’à Valdivia au Chili à travers les îles du Pacifique les poteries lapita ou ouatom,
les poules sacrées et les cochons
d’Indonésie dans tout le Pacifique. Etrangement,
la randonnée de Morrell laissa dans la grande île le mythe du dieu Capo Moro (le capitaine Morrell !),
en particulier chez les Nuru. Ces derniers racontent que des visiteurs blancs
remontèrent la rivière Nuru, qu’ils étaient des esprits (des blancs), qu’ils
parlaient le langage des dieux et qu’ils leur laissèrent des cadeaux qui
venaient du monde des morts.
Anatom , Vao et
Mallikolo au Vanuatu présentent aussi des mégalithes, mais moins intéressants
pour nous que le somptueux portique de Tonga, qui nous transporte à Balbek en
Syrie ou dans l’antiquité gréco-
romaine.
L’extraordinaire
trilithon (3 dalles) de Tonga, à rapprocher de la taula de Talati à Minorque
aux Baléares.
La fonction du menhir : un catalyseur magique de
la percée et de la germination végétatives.
Le menhir ou toute stèle en général
a pour fonction magique d’imiter la croissance des plantes et de la favoriser
par magie imitative : plus la pierre ou le tronc monteront haut, plus la
plant montera haut. James George Frazer, dans Le Rameau d’or, Esprits des blés et des bois Ed. Robert Laffont,
collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .3, p. 26, écrit du « Dionysos de
l’arbre » que « son image n’était souvent qu’un poteau planté en
terre, sans bras », imitant l’arbre fruitier qu’il s’agissait de faire
pousser par sympathie, comme cela adû être le cas à l’île de Pâques pour les
grands arbres nécessaires à la navigation. »
Et,
vol. 4, dans Balder le Magnifique, p. 98 , écrit :
«
Dans plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges
de lin dépendrait de celle des sauts des
jeunes gens. » Au Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul
(mot signifiant plongeoir),
toujours pratiqué malgré les accidents mortels et qui consiste à sauter du point le plus haut, est censé
faire pousser les ignames d’autant plus
profondément que le saut aura été
accompli du plus haut plongeoir . En Nouvelle-Calédonie existaient de très
précieuse pierres à ignames et pierres à taros, sur lesquelles les sorciers
canaques faisaient encore, il n’y a pas si longtemps, leurs conjurations secrètes.
Mais
ce n’était pas tout. Pour comprendre le reste du secret, il faut se rappeler la phrase du Christ raillée par Voltaire, mais
qui représentait pourtant les connaissances en botanique de l’époque des débuts
de l’agriculture : « Si le
grain mis en terre ne meurt au préalable, il ne donne pas de fruit, mais s’il meurt, il
donne de nombreux fruits ». Pour les hommes de la préhistoire et pour les primitifs, il fallait au préalable
la mort avant la germination et c’est
l’horizontalité de la dalle ou traverse
posée en équilibre au sommet de la stèle
qui symbolise la mort du germe. .
Minorque
fait parte pour nous des Baléares (Baléares
minores) mais pour les Anciens elle faisait partie des îles Pityussae : on peut
même supposer que Pityussa au
singulier employé par Tite Live était le
nom de l’actuelle Minorque. L’origine de ce nom ibère est à chercher dans le
mot qui signifie orge en ibère, eta en
vieux –haut- allemand [cf. Gerte],
anglais oats, avoine et wheat,
froment, d’un radical wet, qui donne weti, bitu- pitu,
dans le nom de l’île pity- ussa.
Le
second élément de pity- ussia ,
pour nous plus intéressant encore, est -ussia, participe présent au féminin d’un
verbe signifiant dormir, grec auô, de yauô, dormir,être couché, sanskrit va-sati,
latin jaceo, gésir, être étendu. Le participe au féminin ya-o-ntya, dormante, attesté par le grec
pit-yunt-,
ou encore pity- o- essa, pity-oussa,
dorme ussa, L’ensemble signifie l’orge dormante et renvoie au linteau surmontant le menhir, qui
représente un mort, ici l’orge.
On
est intrigué devant la taula de Taliti . on reconnaît dans le
nom de Taliti -eta signifiant orge (vieux haut
allemand gersta) et tal ou
tol signifiant deux, mots cités par
Rivet, op . cit ., p.79 et 117 , et Georges Dumézil , Remarques sur les six premiers noms de nombres du turc et Remarques complémentaires sur les six premiers noms de nombres du turc et du
quetchua en Amérique du sud. On peut rapprocher le radical austronésien dusa , deux, dans certaines langues
mélanésiennes tolu, tul ou tol signifiant 2, dans les langues amérindiennes du groupe hoka dol pour signifier 4, 2 x 2 . Le nom taliti signifie les deux pieds d’orge, la dalle horizontale
représentant un plant d’orge et la dalle appuyée de nos jours obliquement contre le pied de la stèle en représentant un
autre , avec , au sommet
de cette dalle oblique, une grosse
pierre ronde évoquant un épi d’orge. Certaines
autres taula présentent d’ailleurs le portique intact, avec cette dalle aujourd’hui oblique encore droite et servant de 2e support
(photo sur la couverture du livre de A. Pardo, L’Espagne primitive).
Tel
est aussi le sens du portique de Tonga. Il s’agit de deux cocotiers qu’on
désire faire pousser magiquement, la traverse représentant les germes des cocotiers morts, comme la taula de Taliti à Minorque représentait deux pieds d’une orge « dormante »,
entendons morte. Il y a 10 000 ans, dans la
Turquie actuelle, à Gobëk-li , les
menhirs dits en t ou en tau (ou en marteau) avaient la même signification que les taula de Minorque … ou que le
portique de Micronésie, celui de Tonga
et les moai de l’île de Pâques. A noter qu’au fil des siècles et des
distances parcourues la dalle s’était transformée en ce qui ressemble plutôt à
un cylindre.
Le rôle des Mangaréviens dans l’ornementation des
statues conçues par leurs devanciers anakéniens
de l’île de Pâques.
Lorsque les Mangaréviens
arrivèrent vers 800 sur une île de Pâques que les Anakéniens avaient déjà
désertée pour l’Amérique en emmenant avec eux leurs esclaves australiens (marengo), les statues ou plus exactement
les stèles- menhirs sans aucune représentation humaine et surmontées d’une
« dalle » ou cylindre posé
sur le sommet plat, s’offraient aux regards étonnés des Polynésiens, sans que
leurs prêtres en comprissent la
signification. Cette centaine de ce qu’ils prirent pour des « chapeaux »
tressés, « turbans » ou « chignons » destinés à des chefs a intrigué les Polynésiens
qui ne purent en deviner l’utilité magique et qui les appelèrent en
conséquence pukao. pu signifie pierre , kao
est le nom mangarévien de la Thespesia
populnea Soland, plante à fibres
dont on fait les chapeaux tressés pour les chefs ,et qui est proche de l’Hibiscus tillaceus Linné , appelé bourao par les Calédoniens
blancs et purau
à Tahiti (de bu,tige , et de hau , plante à fibres). L’un d’eux pèse 12
tonnes ! De quoi défier les coups
de vent ! Quel « chapeau », ce pukao !
Ces pukao
ont été fabriqués avec du tuf rouge provenant de la seule carrière de Pu na
Kau, sur le territoire de Hanga Pokura. Dans le nom de la carrière des pukao, Pu na kau, on a pu, pierre, na,
pour, kau, plante à fibres et, par
métonymie, chapeau. Le nom du chantier
signifie quelque chose comme la pierre (pu)
des (plantes pour les) chapeaux. Certains pseudo- chapeaux de chefs étaient
inachevés, d’autre terminés et
attendaient d’être transportés.
Comment pouvait-on
transporter ces colosses, dira-t-on ? Thor Heyerdahl nous répond, op. Cit, p. 176 : Un apapa (mot déjà vu plus haut signifiant déchargement et
désignant une voie dallée se prolongeant
aujourd’hui bien avant sous la
mer) « conduisait à un bras de mer au pied d’une grande plate-forme de
temple sur la côte sud. Dans ce bras de mer, il y avait tant de galets que les
anciens marins [anakéniens] avaient dû déblayer un large chenal pour faire
monter les embarcations jusqu’au lieu de débarquement. Et au milieu de ce
chenal peu profond gisaient trois gigantesques chignons rouges [les
pseudo-« chapeaux » appelés pukao
par les Mangaréviens dans la suite].
Deux de ces colosses étaient si près l’un de l’autre dans l’étroit passage,
qu’ils avaient dû se trouver à bord du même bateau, -à moins que les anciens
bateaux n’eussent été assez larges pour qu’on pût y coucher ces cylindres de
pierre sur l’avant et sur l’arrière de deux bateaux placés avant contre arrière
[….] Les sculpteurs avaient transporté une partie de leurs lourdes charges par
mer le long de la côte [comme ils le firent , pense-t-on, à Stonehenge [….] Ils avaient réellement
possédé des embarcations pouvant porter une vingtaine de tonnes et, sans
cargaison, un équipage d’environ 200 personnes. Plus tard, nous acquîmes aussi
la preuve que certaines statues avaient
été transportés par mer et débarquées à des endroits où seulement un radeau de
bois ou de jonc pouvait toucher terre
avec une aussi lourde charge. »
Plus tard, lorsque les Polynésiens de
Mangareva s’aperçurent qu’ils avaient
pris possession d’une île où sévissaient la famine et la pénurie de bois pour faire des pirogues, ils se tournèrent vers ces ancêtres illustres qui avaient fait des
guerres lointaines aux Salomon, et en avaient rapporté des esclaves, et leur
demandèrent de l’aide.
Leurs ancêtres avaient utilisé
les esclaves mélanésiens comme main d’œuvre pour les champs, mais aussi
pour l’ornementation de statues qui n’étaient encore que de simples et frustes stèles
sans figuration anthropomorphe. En 1886,
des indigènes faisant partie des rares survivants des métis de
Salomonais et de polynésiens racontèrent à l’Américain Paymaster Thomson
que leurs aïeux étaient arrivés de l’est (en venant des Salomon) dans
d’immenses embarcations, en se dirigeant pendant 60 jours droit vers le coucher du soleil »
(l’ouest où se trouvait l’île de Pâques).
A l’origine, il y avait eu deux peuples différents dans l’île, des
« longues- oreilles » mélanésiens portant des boucles d’oreille et
des Mangaréviens dits « courtes oreilles », mais au XVI e siècle,
avant la découverte de l’île par les Européens, les « courtes
oreilles » avaient tué, fait cuire au four polynésien et dévoré presque tous leurs esclaves à la suite d’une révolte des Longues- oreilles, puis avaient
régné seuls. Entendons qu’une grève des ouvriers, crevant de faim à l’égal de
leurs maîtres, fut durement réprimée. La
cuisson des Longues -oreilles eut lieu
dans un fossé qui isole une presqu’île stérile,
la presqu’île Poike, fossé appelé le four (umu)
des Longues Oreiles (Hanau Eepe),
soit Ko-te-umu- o-te- Hanau Eepe ; ils furent cuits dans le
gigantesque four et mangés ; les
traditions sont nombreuses à ce sujet, rapportées tant par Thomson que par Routledge .
Les Mangaréviens avaient interprété la dalle ou le cylindre comme
le chapeau à plumes rouges de leurs propres chefs, et les rudimentaires colonnes des Anakéniens devinrent,
par ajout d’un nez ,d’un menton et
d’yeux de coquillages leurs ancêtres, tandis qu’ils représentaient aussi les esclaves mélanésiens aux oreilles étirées . Pierre Loti fait remarquer,
op. cit. , p.323 , que « d’accord avec ses
amis polynésiens, il trouvait les statues du cratère du Rano Raraku moins
« maories », d’aspect plus ancien mais en même temps plus raffiné : les personnages « ne
ressemblaient en rien à ceux qui dormaient , couchés par légions sur notre
passage. Bien qu’ils paraissent remonter à une époque plus reculée, ils sont
l’œuvre d’artistes moins enfantins ; on a su leur donner une expression, et ils font peur. Et puis ils
n’ont pas de corps, ils ne sont que des têtes colossales, sortant de terre au
bout de longs cous et se dressant comme pour scruter ces lointains toujours
immobiles et vides. De quelle race humaine représentent-ils le type, avec leur
nez à pointe relevée et leurs lèvres minces qui s’avancent en une moue de
dédain ou de moquerie ?...Leur taille varie de 5 à 8 mètres. » Peut-être
figurèrent-ils, avec leur barbe et
leur ceinture, exceptionnellement,
quelques prêtres anakéniens (Thor Heyerdahl, Aku Aku, photo d’un tel moai,
p. 80, et, p.
113, toujours avec une barbe, et, sur le torse, une embarcation à trois
mâts avec une rangée de voiles) .Sur
certains objets retirés par Thor Heyerdahl des grottes secrètes des métis Longues
–oreilles survivants objets qui ressemblent à des talé ou chambranles mélanésiens, on peut observer un nez épaté qui évoque bien les Mélanésiens des Salomon (Aku- Aku, sous le titre Un
gardien de trésor, p. 192, en haut).
Lorsqu’ils furent contraints d’admettre l’inanité
de leur appel désespéré à leurs ancêtres
divinisés, la famine continuant à sévir, la colère prit les Mangaréviens et ils abattirent comme ils purent,
progressivement, toutes les statues qu’ils avaient érigées, aussi bien celles que leurs devanciers avaient dressées
que celles qu’eux-mêmes avaient modifiées par humanisation.
L’échec de l’agriculture et
de la sylviculture primitives sur une île battue des vents et totalement déboisée,
et les moyens magiques d’y remédier.
En 1838, de malheureux Pascuans s’accrochèrent à
un bâtiment de passage en criant :
« Miru ! Miru « (Nous
n’avons plus du tout de bois d’œuvre
pour faire des pirogues !). L’équipage européen ne comprenait rien à leurs appels désespérés.
Pourtant, c’était bien là le fond du problème. La déforestation de l’île avait
été si complète qu’il n’y avait plus
d’arbre assez grand, ni pour faire des pirogues,
ni pour tirer les statues, ni pour
coudre des voiles ou tisser des cordes.
La forêt primaire leur permettait de
construire des pirogues , notamment grâce à deux des plus grands arbres dont on
retrouve les grains de pollen, l’Alphitonia
zizyphoïdes, qui peut atteindre 30
mètres de hauteur, et l’Elaeocarppus rarotongensis , qui peut en atteindre 15 , sans parler de ceux
qui permettent de fabriquer des
cordages,afin de remorquer les statues,comme
la Thespesia populnea , l’Hibiscus tiliacaeus Linné appelé purau à
Tahiti et bourao en Calédonie (de pu,arbrisseau, et de hau) . Pour les
harpons et les balanciers de pirogue, il fallait un tronc droit et flexible,
comme celui du Psydrax odorata, originaire dec Nouvelle-Guinée,
d’Australie et de Hawaï. Pour la
sculpture, la construction, la fabrication d’étoffes, c’est une autre malvacée
à fleurs jaunes, le Broussonetia
papyrifera, ou mûrier à papier, battu pour faire des étoffes, les tapas.
Citons encore deux plantes importées à date inconnue : la Triumfetta
semitriloba,appelée hauhau et importée d’Amérique (Floride , Antilles) ;une plante voisine, l’Hibiscus elatus, Sw, appelée mahoe ou mahot bleu en raison de la couleur de son bois lorsqu’il est poli, est
originaire de Jamaïque, et s’est propagée à Cuba, aux îles Vierges , à Porto Rico et ezn Guadeloupe (mahot bleu). . Comme elle repousse vite,
même sans forêt environnante, elle a pu également être introduite du Pérou, où
elle avait aussi été introduite, à l’île de Pâques, où elle a reçu le nom de (mau) moanua,
bleu océan, cf tahitien moana, bleu
océan. Signalons enfin
le nom d’un buisson, le mahute, de ma-hu-te, dont l’écorce servait à faire des cordages
pour lier les joncs totora : on
retrouve ce nom pascuan mahute sous
la forme mahot, maho, mahu, mahoe dans
les Antilles, en Guyane et à Surinam,
preuve des correspondances amérindiennes
et polynésiennes.
Aucun échange avec d’autres
terres n’était plus possible : ils étaient devenus isolés du reste du
monde.
L’alimentation changea, faute
de pirogue hauturière. C’en fut fini des
marsouins, des tortues, des thons, des tortues
et des poissons de haute mer qui composaient jadis l’essentiel de l’alimentation des Anakéniens ,
ainsi que le révèlent les fouilles de
détritus ménagers. Les oiseaux terrestres, comme le râle, avaient été exterminés,
les poulets étaient sacrés ; la
famine amena guerre et cannibalisme.
La forêt primaire permettait de construire des
Or, pour conjurer ce
désastre, les prêtres, qui, en tant que primitifs, pensaient que la graine doit
d’abord mourir pour pouvoir germer , eurent
recours, comme à Gobekli, à Minorque, à
Tonga, et à Nan Mahdol en Micronésie (pour l’arbre à pain et pour le cocotier), à des menhirs ou stèles magiques surmontés d’une dalle ou d’un
cylindre horizontal symbolisant le grain mort (voir mon blog à paraître sur Les véritables colonnes d’Hercule sont situées à Majorque et non à Gibraltar et mon blog
sur Les menhirs et la naissance de
l’agriculture en Beauce).Cette dalle horizontale , à Pâques, c’était ce que
les Mangaréviens , faute d’en comprendre la signification magique, ont appelé le
pukao . Les Anakéniens, dans leur désir de simuler magiquement la
repousse des arbres nécessaires pour fabriquer leurs pirogues hauturières avec l’érection de stèles, ont pu choisir un
endroit où ces arbres poussaient jadis et où ils avaient été coupés par eux , endroit qui se trouvait
au sein des cratères, à l’abri des vents
tempétueux de l’île et en terre fertile et humide.
Devant cet échec de la magie imitative, vers 600,qui avait été
précédé de sacrifices et de castration de poulets, les Australiens originels de Pâques employés dans les carrières
et leurs maîtres anakéniens n’eurent plus qu’à
abandonner les lieux pour l’Amérique du sud afin d’y retrouver les frères Incas (le mot inca, de eneka, est apparenté à
Anakena), avec à leur tête un blanc barbu ,
virako sha, sha, comme shen, voulant dire blanc et virako, de varango, signifiant homme, comme marengo
déjà rencontré.
P. Loti attribue, op. Cit. p.317, les autres statues à la main d’oeuvre importée
au XIXe siècle de Rapa aux Australes, et il les compare avec les plus petites statues
de même figure qui sont au bord de mer
de l’île Laïvavaï (archipel Tubuai aux Australes) et qui honorent Tii-Oué, l’esprit
des sables, et Tii-Papa, l’esprit des rochers, le dieu calmar, selon l’explication
de vieux chefs de l’île.
Chacun des 12 clans territoriaux de Pâques possédait entre 1 et 5 plates –formes ou ahu ; il y avait entre 1 et 15 statues par ahu.
La plupart de ces plates-formes se trouvent sur le bord de mer, mais toutes les statues regardent l’intérieur, les
terres où devaient repousser les arbres, et non l’océan. ll y avait,
pense-t-on, approximativement 887
statues, dont 97 le long des routes
et 393 dans la carrière de Rano Raraku , faites
du tuf de Rano Raraku, sans plates-formes; hors du cratère, les statues , plus
récentes, faites aussi dans le tuf de Rano Raraku, sont toutes érigées sur une
plate-forme ; on compte 53 statues sans ahu hors du cratère, sculptées
dans d’autres roches volcaniques .
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