dimanche 8 janvier 2017

LE SURVIVANT DU NAUFRAGE DE LAPEROUSE, SIMON LAVO, CHIRURGIEN DE L'ASTROLABE;

 L’Eure-et-Loir, la Calédonie et l’expédition Lapérouse : un survivant, Simon Lavo, chirurgien de l’Astrolabe.

On imagine que la ville d’Albi, où naquit Lapérouse,  est le seul centre d’intérêts en métropole  pour son expédition infortunée avec son Lycée Lapérouse, son musée, son association et son Journal de bord trimestriel. Mais l’Eure-et-Loir n’est pas en reste. En effet, elle a tenu  à honorer Pierre Chambry, armurier horloger sur la Boussole, allié à l’astronome Lepaute d’Agelet et né à Aunay- sous- Auneau, les deux fils du marquis de Laborde, officiers de l’Astrolabe, nés à la Ferté-Vidame et illustrés par une colonne en marbre  bleu  turquin ornée de deux rostres de navires en bronze doré aux têtes de sangliers, de chevaux marins et d’un globe de marbre doré édifiée à Méréville par leur père , et enfin Simon Lavo, chirurgien- major de l’Astrolabe, né à Germignonville , qui va nous occuper , puisqu’il a survécu à l’expédition, comme Laprise- Mouton et Marin (voir mon blog Le scénario du naufrage de l’expédition Lapérouse par les insulaires de Vanikoro),  Collignon (voir mon blog Le maïs préeuropéen de Tanna). Les textes qui, les premiers,  ont posé pournous  la question sont au nombre de trois :
Alain  Denizet, professeur agrégé d’histoire et de  géographie au Lycée Marceau de Chartres,  «  Simon Lavo, Germignonville, chirurgien major sur l’Astrolabe », p.33-50, bulletin n° 34, 2e tr. 2005  de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir (SAEL) et  « Simon Lavo, Germignonville, chirurgien –major de Suffren et de Lapérouse » , p. 103-161, dans Navigateurs d’Eure-et-Loir dans les grandes expéditions des XVIII et XIX e siècles, de la Boussole et de l’Astrolabe à la Méduse,  de l’expédition de Lapérouse (1785) à la mission au Sénégal (1816), SAEL, décembre 2006 ;
Jean Guillou, « Sur les pas de Simon Lavau, chirurgien de l’Astrolabe », p.165-177 et p. 407-506, dans Navigateurs d’Eure -et- Loir (SAEL) .
 Enfin a paru dans le Bulletin de la Société archéoloique d’Eure –et-Loir un  compte rendu de blog par moi-même. , C’est ce compte rendu intitulé Le nom d’une île de Papouasie, Lavongaïe, l’île de Lavo,  commémore  un Eurélien, Simon Lavo, chirurgien-  major survivant de l’expédition Lapérouse augmenté de certains informations de mon  blog que nous suivrons ci-après.

  Nous allons entreprendre de raconter la survivance de quelques membres de l’équipage de Lapérouse. Pour ceux qui parleraient d’invraisemblance, de littérature  et de roman, je rappellerai que  « Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable »; un ami de mon père , ancien volontaire qui avait participé à Bir Hackeim, s’était mis en tête de demander la médaille des évadés et fut fort dépité de recevoir du gouvernement  gaulliste un refus, au motif que ses évasions hors d’Italie  étaient trop  romanesques  et qu’il n’en avait pas de preuves écrites. Je le vois encore me disant : « Des preuves? Je n’allais pas demander aux gendarmes italiens  une attestation ! »
  Nous disposons d’un faisceau de preuves concordantes et nouvelles :
-la découverte,  par Jean Guillou (cité  dans l’ouvrage de J.-C. Galipaud et V. Jauneau, Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse (1,  p. 232), d’une lettre du gouvernement concernant le chirurgien de l’Astrolabe,  Lavo, en 1837  qui figure dans les archives de la Société de Géographie de Paris ;
-le livre ,découvert aussi par Jean Guillou,  de Thomas Jefferson  Jacobs , paru à New York en 1844 sous le titre Scenes , incidents and adventures  in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas, during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt. Benjamin Morrell,   où est confirmée  (p. 83) l’existence ( révélée en 1837 au gouvernement français) d’ un survivant du drame de Lapérouse, Simon Lavo, à l’île Riger , au nord de la Nouvelle-Irlande , à 2 250 km de Vanikoro;
-l’apposition, en 2011, en présence du député, du président du Conseil général, du maire, de  Jean Guillou,  de la Présidente de la Société Archéologique d’Eure-et-Loir Madame Juliette Clément, du représentant de l’Association Lapérouse d’Albi, M. Baudin,  et d’ Alain Denizet , ainsi que de nombreux parents de Simon Lavo arborant fièrement leur arbre généalogique, d’une plaque commémorative  à Germignonville en Eure-et-Loir en l’honneur de Simon Lavo, mentionnant son décès en Papouasie ;
 -surtout l’existence , dans l’archipel Bismarck ,en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Province de Nouvelle-Irlande (ex-îles Morrell), d’ une île appelée Lavongaï (parfois  nommée Nouveau- Hanovre), l’île de Lavo, correspondant en tous points,à l’île Riger de Jacobs : « This  island  is sometimes called  … the island of  Lavoo » ,  p. 103, «   cette île est parfois appelée l’île de Lavoo », Lavo -ngaï. ;
- la confession de Makataï, l’auteur du massacre de l’équipage;
-l’existence d’emprunts linguistiques au français, notamment au nom de  Lapérouse, attestée en 1837 ;
-l’existence de deux boulets  dont l’un tiré par  un rescapé de l’Astrolabe, savoir Richebecq , contre les habitants de Nyappa et transféré postérieurement,  lors d’une migration   , à Lavongaï  comme un nouveau  palladium. En tout état de cause, ces boulets anciens  attestent qu’il s’est bien passé quelque chose de nature à ébranler les sceptiques européens dans ces îles peu connues.
Les quatre uniques rescapés de la Boussole :
 Roux d’Arbaud , appelé Darco par les insulaires,qui suivra Lavo ;
 le « jardinier » ;   Nicolas Colignon , mort à Tanna (Vanuatu) où il avait suivi le chef  qui les avait accueillis à leur débarquement ,  devenu le dieu du johnfrumisme , appelé  Kerapenun , altération de Kolakenon  ,  lui qui  introduisit le maïs  à Tanna ;
 l’officier Laprise-Mouton , dont le nom, Mouton,  fut altéré en Matthew par les insulaires de Vanikoro   : c’est le redoutable chef Matthew   qui suivit  une migration polynésienne jusqu’en Miconésie sur l’îlot  Kapirngamarangi, l’îlot  du Français (marangi, cf  en tahitien Farani, français) à chapeau pointu (pinga), près duquel Jean Guillou a déniché la trace d’un canon fleurdelysé ;
 enfin Alain  Marin (lu Mazrin par erreur sur les listes de personnel) ,  compagnon de Laprise -Mouton, qui finira mangé à Vanikoro,  ou plus exactement au lieu-dit la tombe de Mara (Marin).
 Six personnes étaient chargées de la garde , pendant la nuit,  d’une chaloupe de secours de 20 tonneaux, près du bateau de secours en construction , savoir , outre Lavo, Blondela, son domestique Joseph Hereau, Roux d’Arbaud , Joseph Richebecq et Gaudebert t, ous rescapés de l’Astrolabe sauf Roux d’Arbaud.
 Lavo naquit le 17/02/1755 à  Germignonville. Jean Guillou a découvert une lettre datant du 24 juillet 1837 et informant le gouvernement français que le Capitaine Morrell a découvert  dans les îles de l’Amirauté les enfants Lavo. Mais le ministère refusa de  fréter un bâtiment pour les récupérer. En tout cas, l’existence d’un survivant, était déjà connue de la Marine avant la publication, en 1844,  de Thomas Jefferson Jacobs, découverte aussi par Jean Guillou, Scenes , incidents and aventures in tjhe Pacific Ocean , or The islands of the Australasian seas, during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt. Benjamin Morrell, Harper and Brothers, New York. .
Blondela  est mort en route à Amakata, île dont le nom signifie l’île où l’on a mangé (taï) du blanc (amaka) , cf le nom du guerrier Makataï. :. C’est là qu’on a retrouvé des morceaux de drap rouge et de drap bleu, les couleurs de l’uniforme des officiers français.
Première partie : Des témoignages sur  l’odyssée de Lavo et de ses compagnons.
On suit le trajet de Lavo et  de ses compagnons depuis Santa Cruz :
1)   En 1793, d’Entrecasteaux aperçoit  sur la côte nord, de Santa Cruz ,  au-delà de l’entrée de  la Baie Graciosa , des pendants d’oreille faits de verroterie, ainsi qu’une hache faite d’un morceau de cercle de barrique.  D’Entrecasteaux réputa que ces objets venaient du passage de Carteret  en 1766, mais Jean Guillou  pense à juste titre qu’il s’agit d’objets échangés par  l’embarcation  de secours qui réussit  à s’approvisionner en eau et en nourriture  auprès des naturels de l’île Santa Cruz et il parle d’ « occasion perdue » pour d’Entrecasteaux. A l’appui de son hypothèse, nous apprenons dans Dumont d’Urville   que les insulaires « savaient que trois bâtiments de cette nation [française] avaient passé devant les côtes de Nitendi [Santa Cruz] sans y toucher… L’Astrolabe [de d’Urville]  a été le quatrième navire [français] qu’ils aient vu », savoir l’embarcation de secours montée par lavo, ,  les deux  frégates de d’Entrecasteaux et l’Astrolabe de Dumont d’Urville. 
2) Un témoignage sur les indigènes d’ Amakata  et sur leur contact avec les Européens : celui du capitaine Hunter en mai 1791.
Dans l’édition  Milet- Mureau ,  p. XLVI, nous apprenons que Hunter ,   en mai 1791,   près de l’île du duc d’York (la petite York, Amakata),  à l’ouest de la Nouvelle- Irlande , aurait aperçu  une pirogue montée par des naturels qui lui avaient paru revêtus d’uniformes de la marine française. Selon Magon d’Epinay, plus précis, Hunter aurait en réalité aperçu deux piroguiers avec des baudriers européens en  drap rouge  et en drap bleu. L’uniforme de la marine royale de l’époque comprenait pour les lieutenants et les capitaines de vaisseau une veste bleue et une culotte, cuissard ou « baudrier » rouge dont les indigènes auraient pu se servir, en particulier pour se faire des ceintures d’apparat. Blondela de Taisy était lieutenant de vaisseau. Le collègue de Magon,  Préaudet,  ajoute la possession de rasoirs
 Robert Langdon a fait remarquer qu’il y a là un contresens sur l’expression anglaise « French habits » qui ne signifie pas habits français, mais habitudes françaises, manières françaises.  Georges Pisier écrivait dans le bulletin 22 de la SEHNC : « Il y a lieu de se reporter au Journal du capitaine Hunter. On sait [par Milet- Mureau] que Hunter, passager à bord du navire marchand hollandais Waaksambeyd,  aurait, après avoir passé le canal Saint- Georges [entre la Nouvelle-Bretagne et  la Nouvelle-Irlande], aperçu, en mai 1791 des indigènes des îles de l’Amirauté [en réalité, l’île Amakata] qui portaient des habits européens ayant l’apparence d’uniformes français. A Batavia (Djakarta) il aurait raconté le fait à deux capitaines de navires français, Magon de l’Epinay et Préaudet,  qui s’empressèrent d’en aviser M. de Saint- Félix, commandant la station navale de l’Océan Indien à l’île de France (île Maurice), afin qu’il avertisse  lui- même l’amiral d’Entrecasteaux , envoyé par la Convention à la recherche de La Pérouse en décembre 1791 , qu’il avait vu les débris du bâtiment de secours  (singulier à remarquer) de l’expédition  flottant sur les eaux et que les naturels connaissaient les Européens et l’usage du fer. Le commodore Hunter…a vu,  près des îles de l’Amirauté… des hommes couverts d’étoffes européennes et particulièrement d’habits qu’il a jugés uniformes français » (9 novembre 1791) .
« Un ou deux jours après avoir franchi le canal Saint-Georges,  [le commandant Hunter et ses officiers] ont vu de grand matin deux des îles de l’Amirauté et s’en sont trouvés très près… . On a remarqué que deux des hommes qui étaient dans ces pirogues avaient des ceinturons pareils à ceux que portent les officiers en Europe….Plusieurs d’entre eux avaient sur leurs habits des morceaux de drap rouge et bleu qui prouvent qu’ils ont eu connaissance avec des européens.. Comme ,  avant son départ de Botany Bay, le Capitaine Hunter,  commandant le Sirius, avait appris de M. de La Pérouse lui-même que son projet était de prendre le canal Saint-Georges, les officiers de cette frégate sont bien persuadés qu’il aura inopinément rencontré ces îles sur lesquelles il se sera perdu. Je soussigné certifie cette relation conforme à ce que j’ai recueilli de différentes conversations avec les officiers de la frégate le Sirius arrivée à Batavia après le naufrage de cette frégate, sur un petit vaisseau hollandais, avec lesquels je m’y suis trouvé dans la moitié d’octobre [1791].»
Dans son Journal, Hunter ajoute une précision :
« L’un de ces indigènes tenait quelque chose dans sa main avec quoi il se rasait souvent les joues et le menton ;  cela m’induisit à conjecturer que quelque Européen eût été récemment parmi eux et je pensais qu’il ne fût pas improbable que ce fût Monsieur de La Pérouse en route vers le nord depuis Botany Bay. » 
Le nom d’îles de l’Amirauté ne doit pas faire illusion et il faut se fier pour la localisation au général Milet- Mureau qui nomme l’île du duc d’York,  entendons la petite York ou Amakata (de amaka, rouge, nom du blanc, et taï, manger, cf. Makataï).
En réalité, le témoignage du journal de Hunter  porte sur des rasoirs vus entre les mains des indigènes de l’île Mau,  qui sont la trace d’une escale pacifique dans cette île. En revanche le baudrier d’uniformes d’officier  a  été arraché à un  officier (Blondela) massacré dans un esquif de secours près  d’ Amakata. A partir de ces escales d’Amakata  et de Mau on peut déduire que nos rescapés longent la côte ouest de la Nouvelle -Irlande.
3) Le  témoignage d’un « baleinier »,   plus exactement d’un phoquier anonyme : la découverte de médailles et de la croix de saint Louis de Blondela  en « Louisiade » et en « Nouvelle-Irlande ». 
Vers 1825, le vice-amiral Thomas Manby  transmet au Ministère de la Marine le rapport d’un baleinier anglais ou américain datant de 1820 ,  qui découvrit, sur une île « longue et basse, environnée d’écueils innombrables, entre la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle-Guinée » , des indigènes portant en guise de boucle d’oreille une croix de saint Louis, des épées arborant le mot Paris, et des médailles à l’effigie de Louis XVI , d’argent ou de bronze,  avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle, parties du port de Brest en juin 1785 . Précision sur le lieu : « entre les mains des sauvages de la Louisiade et de la Nouvelle- Calédonie » (s’agit –il d’une confusion pour la Nouvelle- Géorgie ?).
 La Louisiade en cause, ainsi nommée par Bougainville, n’est pas la Louisiade actuelle : c’est vraisemblablement un archipel  situé dans le canal Saint- George entre la Nouvelle-Bretagne et la Nouvelle-Irlande et  comprenant l’île Mau, où l’on a trouvé ces médailles.   La Nouvelle- Géorgie où la croix de saint Louis de Blondela a été repérée n’est pas la Nouvelle- Géorgie actuelle non plus, c’est,  à côté du canal Saint-Georges,  la Nouvelle-Irlande avec des îles comme Amakata.
a)      Pouvons-nous tenter de percer l’anonymat de  ce baleinier ? Les renseignements de Jacobs sur le chirurgien de Lapérouse, nous dit-il, viennent de « de plusieurs sources ». Or, son commandant,  le Capitaine Morrell, qui avait été phoquier,  était déjà passé dans ces îles et c’est peut-être lui qui, en 1823, sur la Wasp,  avait trouvé  la croix  de saint Louis et quelques  médailles : celles-ci l’avaient renseigné, sans doute possible,  sur l’origine  française des rescapés.  De plus, Jacobs peut avoir eu recours aux témoignages de Bowen, de Hobbs et de  Hunter. Mais comment a-t-il su en 1844, à New York,  que Lavo,  qu’il orthographie Laveaux,  était chirurgien ? Morrel a pu, lorsqu’il était à Londres en 1837et même  avant,  d’écrire au gouvernement français, se rendre à l’arsenal de Brest pour y consulter le rôle des équipages .Sur celui-ci, on peut déchiffrer la même orthographe que Jacobs utilise, Laveaux (la dernière boucle du v a été lue comme un e),  et, comme chez Jacobs, la simple mention « chirurgien »
b)      En 1833, le capitaine Morrell , de retour d’un voyage dans le Pacifique , informe le ministère de la Marine du fait qu’il a découvert les enfants Laveaux et le ministère propose au premier ministre de « visiter cette île (Ridger) et de voir s’il n’existerait pas quelques papiers entre les mains des enfants Laveaux. », car « si leur père est mort seulement en 1834, il a dû leur apprendre le français et leur donner des renseignements précieux sur le sort de l’expédition. » Mais le ministère ne donne pas suite. Ce texte prouve en tout cas que, bien avant la publication de Jefferson en 1844, l’existence de Lavo était connue. Toutefois on peut douter de la date de 1834 (cela donnerait à Lavo l’âge de 79 ans) figurant dans une copie des archives de la Société de Géographie de Paris.

c)       Qu’en est-il du  cordon rouge de saint Louis. ? Je pense qu’il s’agit d’un baudrier rouge comme celui que Hunter avait aperçu et qu’il faut rapprocher ce témoignage de celui de Hunter.

d)      La région est en réalité, semble-t-il, celle qui avoisine les îles  Amakata ( étoffes rouges ) et  Mau. (Médailles distribuées).

4) Un autre   témoignage concordant : celui du capitaine Bowen, de l’Albermarle , en  décembre 1791 : l‘attaque d’un canot à Amakata .Latitude  9 ° sud et 159° de longitude méridien de Londres selon Bowen.
Dans son  discours préliminaire au voyage de Lapérouse en 1797,   le général Milet -Mureau (p. XLVIII), nous apprend que Bowen a aperçu , sur la côte de la Nouvelle- Géorgie (Nouvelle-Irlande)les débris du vaisseau de M. de La Pérouse (toujours un seul vaisseau, l’embarcation de secours) et dans les  Tableaux historiques, politiques et pittoresques de l’île de France , de Ferdinand Magon de Saint- Elier (p. 234) , nous apprenons que Bowen avait déclaré devant le juge de paix  de Morlaix qu’« il a aperçu lui-même, sur la côte de la Nouvelle- Géorgie [la Nouvelle-Irlande], des débris du [notez le singulier, il s’agit bien de l’embarcation de secours] vaisseau de Lapérouse , flottant sur l’eau ; car il croit qu’ils sont provenus d’un bâtiment de construction française. Il ajoute qu’il n’a pas été à terre, mais que les naturels du pays sont venus à son bord, qu’il n’a pu comprendre leur langage, mais que par leurs signes il avait appris qu’un bâtiment (singulier à noter) avait abordé dans ces parages ; il dit que ces naturels connaissent l’usage de plusieurs ouvrages en  fer, et que leurs pirogues sont supérieurement travaillées [par des instruments en fer].  «  Bougainville , le lieutenant Shortland , Lapérouse (Lavo et ses compagnons)  et lui, Georges Bowen, étaient les seuls européens qui eussent navigué dans ces parages ; il a reconnu en la possession  des Indiens des filets de pêche dont les fils étaient de lin, et dont la maille était de fabrique européenne. Bowen ajoute qu’il a conservé un morceau de filet, par curiosité, d’après lequel il sera facile de juger que la matière et la main d’œuvre proviennent d’un vaisseau européen.»  .
5) Un autre  témoignage : celui de Hobbs en décembre 1788 sur   les trophées conservés  à  Simbo (île Amakata.)   
Extrait du journal de James Hobbs, premier officier du navire l’Union,  de Calcutta, capitaine John Nichols, destiné pour Pinang (en Malaisie), 14 avril 1811, communiqué à Dumont d’Urville à Hobart –Town (Tasmanie) le 20 décembre 1827  : « Comme nous étions en calme sur la côte de la Nouvelle- Géorgie [Nouvelle-Irlande] ou îles Salomon [de Mendana], j’allai dans le canot avec quatre lascars  et un matelot anglais, afin de  me procurer quelques fruits pour l’équipage, sur une île située  par 8°18’ lat. Sud, et 156 °30’ de long. Est [île Amakata ou Simbo], ne pensant pas qu’elle fût habitée, attendu qu’elle paraissait fort petite. Nous étions beaucoup plus loin de terre que je ne le croyais, et, avant d’y être rendus, le navire fut hors de vue. Quand nous fûmes près du rivage, l’île nous parut traversée par un chenal à marée haute ; au milieu de ce passage, je pus observer très distinctement un grand espars [poutre employée comme mât ou vergue] ou bien un mât planté droit debout, avec quelque chose qui me parut être le gréement [ensemble des cordages et poulies servant à la tenue et à la manœuvre de la voilure et de la mâture] pour le soutenir. Nous étions alors six milles environ au sud-est de l’île du nord –ouest [Mau].  Quelques naturels portaient des morceaux de fer, des barres de ce métal, et des étoffes rouges [uniforme de Blondela] dont ils semblaient faire un grand cas. Ce sont de grands voleurs ; quand ils réussissent à dérober quelque chose, ils sont enchantés et se sauvent en sautant à la mer par dessus le bord. JAMES HOBBS. »
C’est sur cette base  que Morrell songea d’abord à des survivants de Lapérouse.
On a pu douter de la véracité du livre   de Thomas Jefferson  Jacobs , paru à New York en 1844 sous le titre Scenes , incidents and adventures  in the Pacific Ocean, or The islands of the Australasian seas, during the cruise of the clipper Margaret Oakley under Capt. Benjamin Morrell,   où est confirmée  (p. 83) l’existence ( révélée en 1837 au gouvernement français) d’ un survivant du drame de Lapérouse, Simon Lavo, à l’île Riger , au nord de la Nouvelle-Irlande , à 2 250 km de Vanikoro. Mais un ami de Jean Guillou, Sir James Fairhead, a consacré en 23015 une biographie au capitaine Morrell,  sous le titre The Captain and « the Cannibal ", Yale University Press, 378 pages, Londres, 2015 : cette biographie scientifique du capitaine Morrell,confirme  la déclaration de Morrell et le texte de Jacobs concernant Simon Lavo  .Voir mon blog de 254 pages   et mon compte-rendu de lecture. 
La lettre de Morrell au gouvernement français donnant en 1837 la première mention de Lavo.
 Un élément capital pour nous du livre de Sir James Fairhead , The Captain and « the Cannibal »  , le capitaine Morrel et le sauvage Darco, est p.268, la lettre de Morrell  retrouvée au ministère de la Marine par Fairhead et traduite ci-après par mes soins :
Londres, le 20 juin 1837.
A la Société de géographie de Paris
Messieurs,
Ayant été informé qu’une expédition se prépare en ce moment pour un voyage de découverte et d‘étude  vers le pôle sud, et m’étant déjà rendu familier moi-même des mers Antarctiques, de l’Océan Indien, des Mers du Sud, etc.& etc., je vous prie de me laisser offrir mes services au peuple français et m’engager à placer le fier drapeau de la France dix degrés plus près du pôle sud qu’aucun autre drapeau n’a été planté , pourvu que je puisse obtenir le commandement d’un petit schooner de 120 à 150 tonneaux , convenablement monté et équipé. Si la Société veut bien avoir la bonté de communiquer ce qui précède au gouvernement aussi et qu’il soit assez aimable  pour me défrayer de mes frais de voyage sur Paris et de retour, je paraîtrai devant lui dès le reçu des fonds et lui donnerai mes idées et mes plans pour une expédition antarctique.
J’ai aussi à vous informer que durant mon dernier voyage de découverte de l’Océan Pacifique, voyage qui vient juste de se terminer, j’ai découvert de nombreuses îles, havres, récifs  jusqu’ici inconnus du monde civilisé. ; et sur une des îles que j’ai visitées, M. La Voo (le chirurgien des bateaux de Lapérouse) mourut en 1834. J’ai vu aussi deux de ses enfants etc.
Votre réponse sera attendue avec anxiété, car je suis au moment de mettre à la voile vers les Etats-Unis d’Amérique. Je n’ai d’autre moyen de me recommander à vous que de vous reporter aux comptes rendus publiés de mes voyages, lesquels récits furent communiqués au monde en 1832, ayant été  publiés à New York.
Je suis, Messieurs, votre etc.
[Signature] Benj .M. M. B.  Morrell Jun(ior).
17 Lucas Street, Commercial Road,  Londres.
Cette lettre de 1837 est, chronologiquement, la première apparition du nom de Lavoo sous sa forme autochtone avec 2 o notant la prononciation en [ou] et la mention chirurgien des bateaux de Lapérouse. A noter que le capitaine, qui n’était pas descendu à terre à Naraga et se fiait à ce que lui avaient raconté Jacobs et Woodworth, seuls à avoir rencontré les enfants de Lavo , et une seule fois,   confond la date de  la mort du père de Darco,un pur papou, en 1834, alors que Darco n’était pas encore de retour dans son royaume insulaire,  avec la date   de la mort de Lavo qui a dû intervenir bien plus tôt, ceci probablement parce que  Jacobs ou  Woodworth lui ont rapporté la mort de Tupi, le père de Darco,  en 1834 , et  q’il a pensé à l’événement le plus intéressant : la mort de Simon Lavo.
  Voici la réponse du ministère de la marine à la Société de géographie de Paris qui  lui avait transmis la lettre de Morrell , lettre qui est la propriété de la Société de géographie de  Paris (Département des cartes et plans) et conservé à la B. N. où il a été découvert par Jean Guillou et repris en partie dans l’intéressant ouvrage de J .-C. Galipaud et V. Jauneau, Au-delà d’un naufrage, Les survivants de l’expédition Lapérouse, p. 232,  Il a la cote MFILM SG COLIS 7 (2202) et s’intitule : « Pierre Daussy s’inquiète du sort de Laveaux et de sa famille, d’après les nouvelles qu’il a reçues d’eux par le capitaine Morrell, 24 juillet 1837 ». Daussy , Boucher et Tupinier (ordre hiérarchique croissant)sont chargés de suivre le dossier au ministère et l’un d’eux a dû contrôler en bibliothèque l’embarquement de Simon Lavo. 
Le gouvernement français a reçu des nouvelles de Lavo, le chirurgien de l’Astrolabe, en 1837.
Ministère de la Marine et des colonies 
Dépôt des cartes et plans    SG colis 7 (2202)
Paris, le 24 juillet 1837
A M. Roux de Rochelle, Président de la Commission orientale de la Société de géographie
J’ai communiqué à M.M. Boucher et Tupinier la lettre ci-jointe écrite par M. Morrell à la Société. Tous les deux  regardent la proposition qu’il fait  de lui donner le commandement d’un bâtiment comme inadmissible, mais ils pensent qu’il serait intéressant  qu’il communiquât au moins ses idées relatives à l’expédition. Ce qu’ils regardent  surtout comme le plus important, c’est la nouvelle relative à M. Lavaux,  et d’envoyer au ministre la lettre de M. Morrel et de répondre à ce dernier que la Société ne peut pas disposer de frais pour son voyage à Paris, mais qu’ils seraient très reconnaissants s’il voulait bien communiquer ses idées relatives à l’expédition au pôle antarctique et des renseignements plus précis sur les enfants de M. Lavaux et sur la position des îles où il les a rencontrés, afin que l’on puisse charger un de nos bâtiments de visiter cette île et de voir s’il n’existerait pas quelques papiers entre les mains des enfants Lavaux. Comme il paraît sensible à l’argent,   peut-être serait-il bon de lui faire pressentir que le décret de la Constituante qui a accordé une somme à celui qui donnerait des nouvelles de La Pérouse ou qui ramènerait quelqu’un ayant fait partie de l’expédition pourrait peut-être lui être appliqué s’il pouvait [faire] constater qu’il existe des enfants de l’un des chirurgiens. Si leur père est mort seulement en 1834, il a dû leur apprendre le français et leur donner des renseignements précieux sur le sort de l’expédition.
Tel est, Monsieur, le résultat de la conversation que j’ai eue avec M. Tupinier. Je pense que l’on ne peut mieux faire que de suivre ces idées. En conséquence, j’ai l’honneur de vous renvoyer la lettre de M. Morrell en vous priant d’agréer l’hommage de ma haute considération, avec laquelle j’ai l’honneur d’être votre dévoué serviteur.
Pierre Daussy   
On remarque qu’aucune allusion à l’Astrolabe n’est faite dans aucun de ces deux documents  et que l’orthographe de Lavo est devenue maintenant Lavaux. Elle deviendra Laveaux , sept ans plus tard,  en 1844, dans l’ouvrage de  Jacobs : « Riger  was first settled by a Frenchman named Laveaux, a surgeon in the exploring squadron of La Perouse », c’est –à- dire «  l’île Riger [aujourd’hui Lavongaïe, autrefois Naraga]  fut d’abord colonisée par un Français  nommé Laveaux, chirurgien de  l’expédition d’exploration de La Pérouse ». « This  island  is sometimes called  … the island of  Lavoo »,  p. 103, «   cette île est parfois appelée l’île de Lavoo », Lavongaï. Toujours aucune mention de l’Astrolabe, ni du titre complet  que lui donne l’état général des personnels embarqués : chirurgien ordinaire de la marine. Théodore Dwight  est le seul qui, dans son Vocabulary of the languages of the Uniapa islands, en  1835, fait curieusement allusion à l’Astrolabe (sans la Boussole) de Lapérouse à propos des instruments de musique de l’île, dont la flûte à trois trous lui semble importée de Polynésie ou d’Europe (par Simon Lavo ?).
 L’orthographe du gouvernement français est Lavaux comme sur l’Etat des équipages publié par Millet- Mureau en 1797, facilement consulté à Paris en bibliothèque.
 Jacobs, lui,  orthographie Laveaux, qui semble s’inspirer  du Lavaux du gouvernement français plus que du La Voo du capitaine Morrel., dérivé du nomque lesautochtones lui ont donné.

  Lavo et les siens  pouvaient espérer regagner l’Europe  en longeant la côte ouest de la Nouvelle-Irlande,pour atteindre les Philippines,  mais, à 2250 kilomètres de Vanikoro,  leur embarcation fut détruite par un tsunami, fréquent dans ces parages volcaniques, devant l’île Ridger , aujourd’hui Lavongaïe  (« The island is sometimes called the island of Lavoo », cette île est parfois appelée l’île de Lavo,  op cit .,  p. 103). Leur autre canot ayant péri avec Blondela, ils n’avaient plus qu’un esquif, ce qui leur ôtait toute espérance de regagner leur patrie. Aussi s’installent-ils définitivement sur l’île inhabitée de Lavongaïe .

Seconde partie : l’odyssée de Lavo et de ses cinq compagnons .
Ils réussirent à sauver leur vie  en  mettant à la voile loin de Vanikoro  dès le début du massacre par les insulaires de Makataï .
L’ile Garove, ndrove aujourd’hui, voisine de Lavongaïe.
Sur le Margaret Oakley , Garrygarry enseigne  lae bichlamar, la langue véhiculaire,  à Jacobs et à Selim Woodworth, les deux jeunes secrétaires de Morrell. Il leur raconte que sur son île se trouve le port de Havana Kapou (grosse bouche, grande entrée). Il y a aussi, selon les précisions rapportées par Darco au linguiste américain Dwight , une grotte communiquant avec le monde souterrain, pleine de provisions , qui, jadis , furent gardées par deux blancs qu’il avait pris pour des albinos.  Ces deux blancs me semblent renvoyer à Simon Lavo et à Roux d’Arbaud dont je  suppose  qu’ils allèrent à Garove à la recherche de provisions
1) Simon Lavo, chirurgien de l’Astrolabe, « Pepe Lavo » pour les indigènes.
 Nous connaissons, grâce à Alain Denizet (dans Naviigateurs d’Eure-et-Loir, SAEL, p 103-161), le chirurgien- major de l’Astrolabe,  Simon Lavo, qui  naquit le 17/02/1755 à  Germignonville en Eure-et-Loir, .Sa famille tenait son nom (orthographié Lavo ) du fief et de la seigneurie de Lavau (qui signifie la vallée) attesté dans les archives en 1570-1759 (E 1457) et 1776-1799 (E 1466).
 On le trouve cité dans une mélopée indigène citée par Jacobs en langue  tungak  p. 150 :
                                             E-rin go-lu-rin go-lar
                                             E-rin go pi tang ar-r
                                             Re-gare o bu, Pepe Lavo,
                                             Re-gare Darco, or go Aroo .
 On  remarque le Pépé Lavo, très affectueux, -peut-être une marque de reconnaissance pour les soins que le chirurgien  a dû prodiguer aux indigènes.

2)  Héreau, Aroo, pour les autochtones.
Le chant nous livre le nom de Joseph Héreau,  altéré sous la forme Aroo (dans go arroo, c’est-à-dire chantons Héreau, oo notant o), qui était  originaire de Tours et qui  était domestique de l’enseigne de vaisseau   Blondela sur l’Astrolabe. 
3) Joseph Richebecq, alias Ponga-racopoo pour les natifs.
Jacobs nous révèle encore, p. 85, que Darco a un demi-frère nommé Ponga-racoopo,pong(o) était le surnom de Richebecq,et où Aracoopo dissimule  le nom du père de ce métis,  un gabier de l’Astrolabe,   Joseph Richebecq, mal vu des indigènes qui finirent par le tuer :il  appartenait à une famille de marins  installée à Roscoff
4)  d’Arbaud,  rescapé de la Boussole, Darco pour les indigènes. .  
Dans l’hypothèse aujourd’hui  généralement adoptée, qui élimine totalement  « Vanou » au profit de Paiou., il ne subsiste plus rien des déclarations unanimes des Vanikoriens sur le naufrage d’un des deux bâtiments  la Boussole ,  à Vanou,  c’est-à-dire sur la petite île  Te (v) anou ,   après naufrage sur  l’îlot aujourd’hui disparu de Noungna et dans  la fausse passe de  Makalumu encore appelée passe des Esprits (Gnembe), car les blancs étaient pour les insulaires des esprits.. Il n’y eut que quatre survivants et le bâtiment disparut,  nous disent les indigènes.
 Les 4 rescapés de la Boussole sont le jardinier- botaniste Nicolas Collignon, le sous-lieutenant de vaisseau Jérôme Laprise- Mouton dit le chef Matthew par les indigènes (Mathew étant l’altération de Mouton), le matelot Alain Marin (dont le nom est mal écrit et lu comme Marzin) , au nom altéré en mara par les Vanikoriens, et le lieutenant de vaisseau   de Roux d’Arbaud.  Le nom de  d’Arbaud  est devenu  Darco dans le récit de Jacobs: n’ayant pas de b,  la langue locale a utilisé un groupement consonantique voisin , QBW avec labio-vélaire proche de b, donnant Darco.
 En 1826,  Valle, le chef  de Temua, déclare : « les hommes blancs avaient coutume de regarder le soleil au travers de certaines choses que je ne puis ni dépeindre ni montrer, parce que nous n’avons aucune de ces choses.» Qui étaient ces astronomes survivants ? Nous pensons à Law de Lauriston et à  Roux d’Arbaud. M. Gaëtan d’Aviau de Ternay a publié, dans un   numéro,du Journal de bord d’Albi  des indications intéressantes sur ce condisciple de Napoléon Bonaparte à l’Ecole militaire, notamment ces compliments de Lapérouse sur ses connaissances  astronomiques dans une lettre du 27 septembre 1787 : « M. Darbaud a aussi parfaitement secondé M. Dagelet » (l’astronome de l’expédition, qui avait été son professeur à l’Ecole militaire.).
5) Guillaume- Marie Gaudebert , contremaître ;
6) Au départ de l’embarcation,  Blondela, lieutenant de frégate 
Y avait-il d’autres passagers à bord de la chaloupe ? Le nom de l’île Amakata [qui signifie l’île où l’on a mangé (taï), du blanc (amaka )] ne doit pas nous laisser d’illusion sur la fin des  autres passagers éventuels  . La présence de Héreau, domestique de Blondela  à bord de l’embarcation, est un argument pour voir en son maître un passager supplémentaire, ainsi que les morceaux de  drap rouge ou bleu, couleurs de l’uniforme des officiers., aperçus dans la région .   
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Voici le récit de Jacobs : « Au matin du quatrième jour (après la fin d’un  tsunami), les habitants des montagnes de Nyappa (l‘île voisine de Lavongaï,  aujourd’hui Tingwon) aperçurent avec effarement un monstre nommé « Pongo », qui était à mi-chemin entre leur île et celle de Lavongaï  »  Pongo signifie ordinairement  pointu, recourbé, en forme de corne,  et fait alors allusion aux bicornes de l’équipage , mais ici  il désigne   le canon d’un   pierrier de une livre  « pointu »,  monté , non pas sur l’embarcation  de secours de 20 tonneaux naufragée au cours du tsunami,    mais  sur une dernière petite chaloupe qu’ils ont réussi à sauver . Il leur était nécessaire de  faire une razzia sur l’île la plus proche afin de se procurer de la nourriture avant de retourner sur l’île de  Lavongaï à laquelle ils étaient parvenus, alors inhabitée et donc sûre. La description de la chaloupe, de ses pierriers et espingoles,  est intéressante : « Le monstre avait de nombreuses têtes pourvues d’une longue corne (pongo) noire, braquée sur eux et protégée par le feu, ainsi que des yeux énormes animés par la colère et des bouches d’une considérable largeur qui laissaient voir des dents gigantesques… A côté de chaque bouche, partaient des flammes de feu qui tuaient les ennemis à une grande distance ».
Le temps passe . Les insulaires désirent que Lavo ait un héritier masculin qui règnerait après lui. Mais Simon Lavo n’a qu’une fille. Pour pallier cette carence, ils ont recours à la procédure du mariage coutumier pidiriLa fille de Lavo et le fils de Roux d’Arbaud  contracteront, à la  mort de Lavo,  un mariage  pidiri, qui n’a rien d’incestueux en réalité. En effet, l’inceste entre frère et soeur est odieux aux Mélanésiens.: pidiri (langue de respect) désigne un homme  adopté comme son frère par une femme qui devient ainsi sa « sœur »  dans une procédure  destinée à obtenir un chef masculin  Le nom va de pair, bien entendu, avec cette adoption et c’est pourquoi son mari devient Lavoo junior, sans avoir une goutte de sang de Simon Lavo dans les veines.  En réalité, c’est  la femme de Lavoo junior qui  est la fille  du chirurgien- major Simon Lavo et d’une princesse de Nyappa, tandis que son mari Lavoo junior est le fils aîné de Roux d’Arbaud  , caractérisé par une tignasse rousse, (dont on peut supposer qu’il a donné à son fils la couleur de cheveux qui avait valu leur nom à ses ancêtres italiens) et d’une autre princesse de Nyappa. Comme la tribu désirait avoir pour chef un héritier mâle  de Simon Lavo et qu’il n’en existait pas, elle a demandé à la fille de Simon Lavo de procéder à une adoption pidiri, de façon que leurs enfants héritent des qualités de Simon Lavo et que l’un d’eux  puisse devenir le roi de  Lavongaï. .

Le linguiste Théodore Dwight : la première mention en 1835, avant Morrel en 1837 et  Thomas Jefferson  Jacobs en 1844, de l’Astrolabe en liaison avec la mer de Bismarck et la confirmation de la présence de Simon  Lavo avec le nom du blanc dérivé de Lapérouse. 
Théodore Dwight qui avait interrogé l’insulaire amené aux Etats-Unis par Morrell , fit paraître en 1834 Things as they are, or notes of a traveller through some of the Middle and Northern states, chez Harper and brothers, p. 184 sqq. , et,  pour ce qui nousq intéresse, en  1835 un  « Vocabulary of the language of the Uniappa Islands » dans l’American Annals of Education  5 (septembre), 396-401. Ses Lettres à Gibbs, Vocabulaire et notes, sont à Washington, D. C., rangées sous le nom de Theodore F. Dwight, MS 1078, 1866, National anthropological archives, Smithsonian Institution. Malheureusement ses manuscrits ont été perdus (peut-être regroupés avec la partie du journal de Woodworth concernant la rencontre des enfants de Lavo, car Dwight  projetait d’écrire un autre  ouvrage sur Uniappa). C’est un bon linguiste qui a été frappé par le caractère archaïque de cette langue qu’il considérait comme polynésienne; ainsi, mon frère se dit  tindimi , mais ton  frère se dit  taringur,gur est l’adjectif possessif de la seconde personne. On voit que le mot signifiant frère change du tout au tout selon qu’il est employé dans une langue de respect, qui est celle de la personne à qui l’on s’adresse : la seconde personne entraîne des changements lexicaux, à cause de ce que Damourette et Pichon,-je suis adepte de leurs  théories,- appellent le plan allocutoire (interrogation, etc.). La présentation de la zone linguistique de  Uniapa ou Nyappa est celle d’un groupe de quatre autres îles que Uneapa( aujourd’hui Tingwoa): Garuby ou Garove (Ndrove), Raga ( Lavongaïe, ou Riger[Jacobs] ou Naraga [na étant une sorte d’article déterminant], qui désigne un  petit python sacré  arboricole,  Engyralis australis  ,  se lovant en entonnoir pour y recueillir l’eau de pluie et piéger les oiseaux assoiffés, puis par métaphore un îlot avec lagon central ou grande baie profonde) , Mundoapa ,  Badirry (la Nouvelle-Bretagne)...
Notons des mots qui se retrouvent en mélanésien comme vanua, terre,cf. vanua au Vanuatu, gou, chanter, cf .  Cagou, celui qui chante (le matin) ou kema maison (cf. Lifou ‘uma avec des apparentements africains).   
Dwight s’est intéressé aux noms du triangle et à cinq ou six instruments de musique,  liés au monde des morts, en particulier une flûte à trois trous appelée calu importée selon Dwight de Polynésie, que Dwight oppose à la  flûte de Pan  à sept tuyaux appelée  véi et indigène selon lui, comme la flûte nasale.  A propos de cette flûte à trois trous, Dwight cite l’Astrolabe de Lapérouse sans parler de  la Boussole, ce qui est curieux et nous fait penser à Simon Lavo, médecin de l’Astrolabe. calu serait une adaptation du français flûte.
L’île de Lavo,l Lavongaïe, est Naraga, île peuplée auparavant par les premier occupants du Pacifique (poterrie lapita, etc) qui introduisirent dans l’île des ôules et des cochons, absents dans les îles voisines.  Ayant lu ce vocabulaire de 200 mots environ  sur Google Books, j’ai relevé plusieurs  emprunts au français datant d’avant 1835 et désignant des animaux importés sur les îles voisines par les Français : poroco , du français porc; le mot désigne un  porc sans queue , différent des porcs indigènes qu’on trouve  sur les autres îles, et qui a été importé par Lavo et ses compagnons , ,comme le  poulet,  toga, du français coq. Notons encore une flûte à trois trous appelée calu, du français flûte, à  propos de laquelle  Dwight cite l’Astrolabe de Lapérouse sans parler de  la Boussole, ce qui est curieux et nous fait penser à Simon Lavo, médecin de l’Astrolabe. Citons enfin le nom de la tortue de mer , caret,emprunté par le  français à l’espagnol carey et attesté en français dès 1640  , carey dans la langue des indigènes.
Mais le plus intéressant pour nous est le mot signifiant blanc, européen, français, compris comme défunt, savoir  puroco (à prononcer purotzso) de (La) pérouse, cf.  Laborouse, le nom donné par Makataï  au bateau de secours en construction à Vanikoro.  L’igname à chair blanche se dit paroco , la blanche, parce qu’elle  est opposée à l’igname violette .
Je juge que,à eux seuls ces vestiges linguistiques : togà, la coq, poroco, le porc et surtout purotzo, Lapérouse, confirment la présence d’un rescapé de Lapérouse, Simon Lavo. Aux îles de Uneapa,on emploie aussi pango ou pongo, qui désigne la barque avec ses pierriers pointus   et même on emprunte le mot désignant les Espagnols de Quiros  à Tanako, savoir papalangui , répandu dans  la Mélanésie , altéré sous la forme mataluangi.
. Bien que Dwight ne soit pas explicite, il est tentant de supposer qu’il a dû questionner Darco sur ces blancs importateurs et identifier Lapérouse, l’Astrolabe et Lavo dont il ne parle pas .
Les indigènes ont dû imaginer les compagnons de Lavo et lui-même comme des morts. Darco  a dû avoir l’impression de visiter le monde des morts lorsqu’il a passé brutalement de son île et de la vie à l’âge de la pierre polie aux Etats6unis du XIXe siècle où Morrell l’avait amené. .















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