LES MENHIRS ET LA
NAISSANCE DE L’AGRICULTURE
La fonction du menhir : un catalyseur
magique de la percée végétative.
James
George Frazer, dans Le Rameau d’or, Balder le Magnifique, Ed. Robert Laffont,
collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .4, p. 98,
écrit : « Dans plusieurs parties de la Bavière, on
pensait que la hauteur des tiges de lin
dépendrait de celle des sauts des jeunes gens. » Au Vanuatu, sur l’île Pentecôte,
le spectaculaire saut du gaul (mot
signifiant plongeoir), toujours pratiqué
malgré les accidents mortels et consistant
à sauter du point le plus haut, est censé faire pousser les ignames d’autant plus profondément que le saut aura été accompli du plus haut
plongeoir . En Nouvelle-Calédonie existaient de très précieuse pierres à
ignames et pierres à taros, sur lesquelles les sorciers canaques faisaient
encore, il n’y a pas si longtemps, leurs
conjurations secrètes. Ces pierres à ignames ou à taros étaient les
équivalents en miniature des pierres
pour l’orge, le sésame ou le blé
qu’étaient les menhirs. Dans le nord de
la Nouvelle-Calédonie, à Arama, il existe même une quarantaine de
petites pierres levées : elles sont censées favoriser magiquement la pousse des
cocotiers et, anciennement, chaque clan
avait la sienne, comme au Vanuatu chaque clan avait l’un des 56 plongeoirs de
l’île Pentecôte. .
On
retrouve en France des restes
analogues de superstition, par exemple dans l’Orne, avec le menhir de Passais qui,
au printemps, lorsqu’on entend le coucou
chanter pour la première fois, est encore une invite pour le passant
agriculteur, s’il désire avoir une
récolte de blé abondante, à toucher le
menhir de la main et à tâter en même temps le « blé» » présent dans
son porte- monnaie. Nos épis de
faîtage au nom symbolique reposaient sur la même croyance que, grâce à ces
talismans, les récoltes croîtraient
aussi haut que ces ornements. L’érection
d’un menhir avait ainsi pour but de
mimer analogiquement la croissance de l’orge ou d’une autre céréale, de la stimuler et de la favoriser par magie
imitative. Frazer (op. cit, vol. III, Esprits
des blés et des bois, p. 26) écrit du « Dionysos de l’arbre » que
« son image n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras
», imitant l’arbre fruitier qu’il s’agissait de faire pousser par sympathie.
.
Dans le domaine égyptien, le djed, originellement dédié au blé, avec
la représentation des pailles
successives de l’épi, est l’équivalent oriental du menhir ; de même, obéliscos, obélisque, est un mot renvoyant au blé germant (bel, blé, +-iskos, commençant).. Il en va de
même pour la pyramide, mot
d’origine grecque , dont il faut
rapprocher le grec pyros, froment, et
ses dérivés : pyramis, pyramidos, pyramide, qui a le sens second de gâteau rituel de farine de sésame qu’on donnait à celui qui restait éveillé
toute une nuit et pyramous, pyramountos, gâteau rituel d’orge
qu’on donnait aussi comme prix d’une danse, celle de la grue , consacrée
à Dèmèter et qui annonçait l’époque des semailles.. Il faut rapprocher le génitif grec puramountos du latin frumentum, froment, et le grec pyros, blé, du latin
far, épeautre, le f latin
correspondant à un p en grec. . Le pharaon qui dort dans la base de la pyramide est comme le
grain, provisoirement mort pour renaître. On peut leur appliquer ce que Charles Péguy, disait de la cathédrale de
Chartres :
« C’est l’épi le plus dur qui soit jamais
monté
« Vers un ciel de clémence et de
sérénité… »
Le
groupement des quelque 3000 menhirs de
Carnac appelle quelques explications. Il y a trois alignements séparés,
appartenant peut-être chacun jadis à une tribu : celui du Ménec, celui de
Kermario et celui de Kerlescan.
L’alignement
du Ménec compte 1100 menhirs, rangés par
ordre de taille croissante pour
représenter les différents stades
de croissance de la céréale, depuis 60
cm de hauteur vers le littoral jusqu’à 4
mètres pour le plus grand. .
L’alignement de Kermario compte 1030 menhirs alignés sur dix rangées (peut-être
une rangée par clan), des plus courts
sur les collines aux plus hauts.
L’alignement
de Kerlescan compte 555 menhirs partant de la rivière Crach et disposés aussi des moins élevés aux plus
hauts .
Dans ces
trois ensembles existe ce qui nous paraît, au premier regard du moins, une
anomalie : à côté du menhir le moins élevé, haut de 0,60 ou 0,70 cm, on trouve un menhir de 3 mètres. Ce dernier sert
sans doute de repère et de modèle pour
la taille que doivent atteindre les céréales. Ces menhirs « aberrants »
présentent de curieuses ondulations gravées qui, même si elles ont pu
être prises pour celles d’un serpent,
représentent en réalité les ondulations
de la moisson arrivée à maturité.
Le nom des menhirs, révélateur de
leur destination agraire.
Les menhirs peuvent certes s’appeler simplement pierres
droites, pierres levées, pierres
longues (en breton menhir, de men, pierre, et de hir, longue), longperriers en Seine-et-Marne, pierriers, poiriers. Toutefois, l’es appellations qui font allusion à des
céréales est fréquente. Dans la région
d’Illiers, on a une Pierre à Gland, du
latin granum, grain (cf. anglais corn, blé, gaulois Carnac),
et on en avait une autre à Morvilliers
où le château du Gland perpétue son
souvenir. Le nom de l’épi, qu’il soit ibère ou indo-européen, a donné beaucoup de dénominations, s incomprises et très altérée,
de nos jours .
Le nom donné aux menhirs par les
« Ibères », habitants antérieurs aux Indo-européens (Gaulois, puis Romains) et bâtisseurs
présumés des mégalithes.
Grâce à
l’auteur latin d’un Traité d’agriculture, Res rusticae (I,
48,3). Varron, au Ier siècle avant J.- C, nous avons conservé le nom ibère,
indéclinable, de la pointe de l’épi, frit.
La Pierre Frite, pour les Ibères,
était la pierre -épi et elle a
donné en Eure-et-Loir la Pierre
–Xi--Frite (de axis, pieu , et de
frit , en forme d’épi), nom de menhir passé à un dolmen du Boulay-
Thierry près de Nogent-le-Roi , ainsi que
Saint -Jean- Pierre- Fixte près de Nogent-le-Rotrou, ou bien la Pierre
Fiche à Alluyes ; ailleurs , on
a la Pierre -Fixte, la Pierre Fite, Peyrefitte. On trouve aussi ce nom en Alsace dans le nom
du menhir de Breitstein, de frit -stone,
la pierre -épi, ou en Moselle, à
Marty, dans le nom de Frescaty,
de frist-sk, ask signifiant
commencement de pointe , -aty
provenant du suffixe de
ressemblance ibère –eida ou –eita, , comme à
Toulouse, à l’hôtel Assézat, avec le
menhir de Frescaty qui y a été déplacé depuis Lacaune. Songeons aussi au nom de
l’Afrique (dont latin Africa
désigne la Tunisie actuelle, riche précisément en mégalithes),nom christianisé
au masculin à Saint- Affrique près de Millau et Saint-Affrique du- Causse à Gabriac dans l’Aveyron, et ,
dans le Tarn, à Saint-Affrique –les- Montagnes. Pour la
Corse, il n’est que d’invoquer le site préhistorique de Filitosa (de fritosa , lieu riche en menhirs , qui
donne aussi Frileuse en Eure-et-Loir, dans la commune de Péronville ou dans la commune
d’Orgères-en-Beauce), la Petra Frisgada (de fric-ada) dans la commune de Cambia, ; pour la Sardaigne,, Filigosoa et dans l’Antiquité le nom de
la Phrygie=.
Pour les aux Pays-Bas, la Frise
ou Frisia
(de frit-sk-ia, en a gardé le souvenir..
Les noms de menhir d’origine indo-européenne.
a)Le nom
indo-européen de l’épi, spica en
latin.
Spica donne, soit la Pierre -By (entre Charray et
Moisy), soit la Pierre Pique, réinterprétée
dans ce dernier cas comme la Pierre Lance.
Spicada, la pierre qui ressemble à un
épi, a donné phonétiquement la Pierre Piquée, visible derrière une
grille à Montjouvin (Illiers). Mais le mot épi
était paronyme en ancien français du mot épieu,
qui vient du francique speut,
ce dernier ayant donné le nom d’une céréale, l’épeautre, de spelta, germanique spiess. Le diminutif espiet, épillet, épi naissant, s’est confondu avec espiet, petit épieu, orthographié en Eure-et-Loir Epiais ou Epieds
–en -Beauce et signifiant
pareillement la Pierre- épi naissant à
l’origine.
b) L’épi sans sa balle.
Une
racine religieuse désignait la tige sans la balle et elle se retrouve dans le
latin culticula, nom , dans la langue
augurale , d’une baguette de bois sacrée
, sans son écorce, employée dans les sacrifices à Rome. De là le mot couteau dans la Pierre- couteau, c’est-à-dire la pierre épi, et dans le nom de Coltainville,
la ferme (villa) de la pierre- épi (coltain); mais par confusion avec le
latin cultellus, qui donne couteau au sens d’instrument de cuisine
tranchant, nous avons aujourd’hui, au pluriel,
la Pierre aux Couteaux.
c) L’épi avec sa balle.
Un
radical ak- désignait la pointe de
l’épi lorsqu’elle était encore
enveloppée de sa balle de paille. En latin, il donne acus, de akuks-,
collectif acuculus qui nous a laissé
en Corse Cucuruzzu, nom d’un autre site préhistorique fameux, venant de cucur-
osus, riche en pierres- épis, Cocurès
en Lozère.. De acucula, on a le
mot français aiguille qui, au début,
garde son sens premier (aiguille de pin)
avant de prendre le sens moderne d’instrument métallique utilisé pour piquer et
pour coudre, avec ses connotations de
magie noire et de maléfices. Ainsi le
nom de menhir pierre aiguille renvoie-t-il d’abord à l’épi de blé ; mais le mot
n’est plus compris et on a au pluriel la pierre
aux aiguilles avec sa connotation d’envoûtement.
De acu- et du
gaulois blato, désignant toute
céréale, le blé en particulier, on a Ecublé,
qui désigne un menhir, aujourd’hui
encastré sous le mur du cimetière
(commune de Tremblay -les- Villages) ou avec man désignant le
sésame (grec sèsamôn) ou le millet
(radical mel ou man) Ecoman à Viévy -le-
Rayé dans le Loir-et-Cher.
II y a parfois eu confusion entre acucula, pointe d’épi de blé ou d’orge avec sa balle, et cuculla, capuchon, si bien que l’on
a : pierre coquelée ou coquelet,
pierre aux coqs, chantecoq (Ymeray), pierre cochée à Droué (Loir-et-Cher), nom
passé à un polissoir (pour les polissoirs , voir mon blog http://coldcase28.blogspot.fr/) et
compris aujourd’hui comme marqué de coches, cocherelle (nom transféré au polissoir de
Sorel- Moussel), ,pierre coverte (à Varize et à
Ver- lès- Chartres), pierre
coverclée (Moriers), couvre- clair (nom
transféré au polissoir de Neuvy –en- Dunois accompagné d’un dolmen ).
Chantecoq et Pissecoq…
.
Explicitons chantecoq à Ymeray, nom
composé dans lequel coq vient de acucula, pointe d’épi, et chante d’un nom du grain d’ orge
(apparenté au nom maltais ancien de l’orge, carl, l’ensemble signifiant pointe
d’épi
d’orge. De même, dans le nom de Chantemesle
(Logron), désignant à l’origine un
mégalithe aujourd’hui disparu, chante signifie orge et mel, de mar, signifie pierre.
Piscop dans le Val d’Oise vient d’un
Pissecoq (du latin spica, épi,) au XIIe et au XIII e siècle,
de épi et de coq au sens de pointe d’épi, désignait originellement un menhir.
Enfin acucula,
pointe d’épi de blé, réduit à acula, s’est
confondu avec asciola (diminutif du
latin axis, hache, au sens de
hache), qui donne en français la série aisseau,
aissette au même sens de hache. Précédé du
radical mar ou mal, qui signifie pierre, on a une pierre- épi de blé qui devient une
pierre- hachette. On trouve, à Désertines
dans la Mayenne, en 1158, un nom de menhir Maloseiol,
Malaisé aujourd’hui et, ailleurs,
Maleissie, qui, n’étant plus
compris, donne de nombreux toponymes : la Malassise près de
Châteaudun, avec les légendes de la pierre
qui bouge (la pierre mal assise)
et qui s’ouvre à minuit le soir de Noël, se fendant en deux et laissant s’échapper des démons ou bien
révélant un trésor infernal.
d) Les menhirs
portant un nom de mesure de capacité du grain.
Les noms
des mesure de capacité du grain de semence, précédés ou non de grand,
ont aussi été donnés aux menhirs pour la récolte qu’on en
escomptait : le grand Muid, de modius, boisseau ( 10 litres), à Villiers- Saint -Orien, le grand et le petit Bussard (au sens
de tonneau, -deux menhirs disparus à
Saint-Denis- les- Ponts), bure, au
sens d’aiguière à col allongé, nom transféré à un dolmen de Corancez
; bot au sens de grande
bouteille transformé par incompréhension, soit en pierre debout comme à Colombiers –sur -Seulles, dans le Calvados,
soit, à cause de l’homonymie avec bot au sens de crapaud, en pierre aux bouts (au sens de crapauds),
puis en pierre aux grenouilles à
Alluyes et ensuite en la Grenouillère
La première révolution agraire (il
y a quelque dix mille ans) et le sanctuaire
de Göbekli Tepe en Turquie, ou
l’apparition simultanées des premières céréales cultivées et des ancêtres du menhirs, ou menhirs en forme de
maillet ou marteau à deux branches ou marteau,
dits encore menhirs en tau grec à deux branches (T) .
Grâce à
l’ADN végétal, on a pu suivre les céréales d’Europe et remonter à leur origine
il y a quelque
10 000
ans. Bien avant le changement de climat qui provoqua dans le Croissant fertile, au nord de la Syrie, une désertification importante, poussait à
l’état sauvage une sorte d’engrain (de un grain :, ta ndis que l’escourgeon a deux grains et l’orge quatre) qui est
présent encore aujourd’hui sur le mont Karacadag, dans la province de Sanliurfa
. C’est la région de l’ancienne cité de Hiérapolis , « la ville
sacrée » , où est né Abraham et
dont le pseudo- Lucien a évoqué le
temple dans La Déesse syrienne Là se situe le sanctuaire de Göbekli Tepe, le
plus ancien sanctuaire du monde
oriental.. Or, l’ADN nous révèle
que la plante sauvage, la sorte d’engrain qu’on y trouve, est l’ancêtre de 68 céréales
contemporaines !
Tépé désigne un sanctuaire non couvert d’un toit en phrygien, langue indo-européenne faisant
partie du groupe tokharien, plus
exactement un enclos sacré, délimité par de curieux menhirs disposés en cercle .Le mot tepé est apparenté au grec téménos, enclos sacré, comme au latin templum,
désignant à l’origine un espace délimité par les augures dans le ciel. puis le
même espace sur terre, et pour finir, un
temple monumental. .
Quant à Göbekli,-, on retrouve ce nom à Malte pour un sanctuaire
englouti à 2 kilomètres de la côte, le
sanctuaire de Gebelg-ol -Bahar, de gobelk, cheval,, +suffixe de
féminin noté –ol et bahar signifiant froment en tokharien comme .le .latin far, grec puros : le nom signifie la jument chargée
d’orge, L’historien grec du VIe siècle Hérodote (IV, 94) nous a conservé le nom de la déesse Gebeleïdzis (où
l’on reconnaît Göbekli avec un postfixe -dzis
, parent du grec homérique zeia et signifiant orge, C’est une déesse dont on a la variante thrace Zamolxis
L’Allemand
Klaus Schmdt a exécuté les fouilles de Göbek-li de 1995 à sa mort en 2014 et a fourni le récit de ses recherches dans Le premier temple, CNRS Editions, Paris,
2015, 420 pages et illustrations.
Voir
photo p.243 de l’enceinte D
Göbekli signifie le sanctuaire de la Jument, et göbekl est
parent du grec kobalos, en latin cavallus , qui nous a donné le français cheval, .La jument ou plutôt sa déesse est associée aux céréales
et aux menhirs , si bien qu’ on retrouve ce radical dans des noms de lieux préhistoriques
riches en mégalithes comme Gavarni ou l’îlot
Gavrinis en Bretagne. La déesse
gauloise Epona, au nom correspondant au du latin equina, jument, dont, selon Juvénal
(Satires, VIII, v. 155), on peignait l’image dans les écuries devant
des mangeoires emplies d’orge, est un avatar de la déesse Göbekli . Ajoutons que le cheval portant le
mort dans les cortèges, il n’est pas étonnant
que la déesse ait également des rapports avec le monde souterrain des
morts,
Selon les traditions locales, Mars poursuivit Cérès de ses importunités.
Celle-ci se métamorphosa en jument pour lui échapper, mais Mars se transforma également en cheval
de labour et il naquit de cette union
deux enfants : une fille dont il
était interdit de prononcer le nom et qu’on appelait seulement la Dame ou la Maîtresse, savoir la femme du dieu des morts Orcus, Perséphone
(de Pherkus -éponè, la jument d’Orcus ou Phorkus), et un cheval nommé
Aréion qui tire son nom de son père Arès, dieu de la guerre grec. Toutefois, l’’engloutissement du sanctuaire de la Jument, Gebelg-:
ol Bahar, au large de l’île de Malte,,
ayant été interprété comme la
manifestation du mécontentement
de Poseidon, vint modifier ces croyances le
raz-de-marée fut attribué à la colère du dieu de la mer et on retira à Arès la
paternité d’Aréion et de Perséphone pour
en faire honneur à Poseidon, dans l’espoir de l’’apaiser,, en interdisant de révéler le nom de
Perséphone.
Cet engloutissement témoigne de la montée des eaux et du recul de
la côte lors du dernier maximum
glaciaire, à la fin du pleistocène, vers -8500. Il est contemporain de
l’immersion de l’île de Pantelleria Vecchia, à 60 kilomètres au
large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un menhir de 12
mètres de haut, le lus ancien qu’on ait pu dater, puisqu’il est antérieur à -8500..
.
L’évolution
des menhirs depuis Gobek-li et
Pantellaria Vecchia jusqu’à la trentaine
de « taulas » à
Minorque aux Baléares et à l’Eure-et-Loir et la Grande-Bretagne :
les menhirs en forme de marteaux dont
les deux extrémités se joignent en
constituant un cercle .
Un cas d’évolution sémantique surprenant nous est donné
par le latin populaire tutaree, protéger, conserver, mettre (le grain (sous terre à l’abri des rongeurs et des oiseaux)
,enterrer (le blé), verbe qui ,en
français, a donné tuer au sens de faire mourir et a laissé l’étonnant doublet tuteur
et tueur.. Et Voltaire avait beau
railler ce qu’il appelait l’ignorance botanique du Christ lorsque celui-ci
déclare dans Jean 12, 24: « si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais
s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». , le Christ se faisait l’écho
d’une croyance populaire universelle : le grain ne pouvait germer que s’il
mourait d’abord.
Il faut donc que la mort du grain soit symbolisée d’une
façon ou d’une autre dans le menhir qui représente la germination du grain.
Or, à Göbekli Tepe, vers 9600 avant J. -C,
les enclos circulaires de « menhirs » en tau sont surmontés d’une pierre horizontale qui dépasse de chaque côté. C’est elle qui symbolise par son
horizontalité le dieu du grain mort afin de renaître. ..A
Göbekli, Tepe, il s’agit d’un « cromlech » où les menhirs en
tau, juxtaposés, sont prêts de se rejoindre comme ils le feront plus tard, vers -2800,
à Stonehenge. Le second élément de Stone
-henge est, d’après celui qui
fait autorité en la matière, Christopher
Chippindale dans son Stonehenge
Complete , un mot signifiant savoir en vieil anglais potence, gibet, savoir
hen
(c) en, plus tard rapproché à tort
dans l’a mentalité populaire du
nom courant du dolmen, stone hung, pierre suspendue. Henge est apparenté
à phalang-, qui signifie,
-nous l’avons vu, - fléau de la balance, puis marteau, linteau. .
En tout cas, tel ’était le nom de ces curieux linteaux comparables à ceux de Göbekli Tepe analogues
au tau égyptien, symbole de mort surmontée, de résurrection et de vie, qu’on retrouve aussi à en -5000 à Malte ou
à Minorque aux Baléares dans la civilisation des Talayots.
Un stade important
de l’évolution vers les menhirs que nous connaissons : les taulas
avec pierres indépendantes taillées de façon géométrique placées à leur sommet de Minorque.
Minorque et les
Taulas.
La preuve de
l’interprétation de cette pierre : le nom de l’île Pityussa (Minorque), qui signifie
l’île de l’orge dormante, par
allusion à la pierre qui surmonte les taulas, et des
îles Pityoussae (voir mon blog à paraître : les véritables colonnes d’Hercule).
Le nom des Baléares est à rapprocher du grec aleiar, de waleiar, grec Baliar-ides,
les îles de la farine d’orge. Peut-être sous ce nom au singulier désignait-on Majorque
(Baléares majores). Quant à Minorque et
à Ibiza, elles font parte pour nous des Baléares (Baléares minores) mais pour les Anciens elles font partie des îles Pityussae :
on peut même supposer que Pityussa au
singulier employé par Tite Live était le nom de l’actuelle
Minorque, tandis que Ibiza s’appelait Ebusia
ou Ebosia, Ebusos, Ebusus. L’origine des deux noms
est à chercher dans le mot orge (eta en
vieux –haut- allemand [cf. Gerte], anglais
oats, avoine et wheat,
froment, d’un radical wet. D’où dérive pity -. , de weti, devenu
bitu- cf le nom des Bituriges, les habitants du Berry, puis pit;u- .Dans le cas du nom ancien
d’Ibiza, Ebussus, ;eb- vient de wet,
orge, puis , par métathèse, ew –
devenu eb.-.
Le second élément, pour nous plus intéressant encore, est
–-usia ou -ussia, participe présent au féminin du verbe signifiant dormir,
grec auô, de yauô, dormir, sanskrit va-sati.,
latin jaceo, gésir, être étendu. Le participe ya-ntya, , attesté par le grec Pityunt-,
ou encore Pityoessa, Pityoussa, dorme
iussa, l’ensemble signifie l’orge
dormante et renvoie au linteau surmontant le menhir.
Le nom de la capitale, Maõn, dérive de moon désignant
le sésame (grec sèsamôn) ou le millet
(radical mel ou man) Ecoman à Viévy -le-
Rayé dans le Loir-et-Cher ou Germignonville, . de ger minio villa.
On trouve le nom de Torralba
près d’une des plus fameuses taula de Minorque (on trouve aussi en Sardaigne une Torralba
près d’un nuraghe, mot à rapprocher du grec murax, moulin) : ce n’est pas la tour blanche, alba en latin, mais la torre
alph, cf. le grec alphi, farine
d’orge, c’est-à-dire lebâtiment à
faire de la farine, le moulin sacré où
l’on broie l’orge. Le nom du lieu, Alaior
, métathèse de aloiar, est à
rapprocher du dorien alôya, grange à blé,
et de l’homérique aleiar, froment, dans l’Odysséee,
20, 108, cf grec aleuron,
farine, aleô, moudre, arménien aram. La torre était-elle un moulin sacré ? Voir carte postale : Taula de Torralba à Alaior.
On est intrigué devant la tolla
de Taliti (de tal – eta, , tal , de
dav, étant peut-être lié à duo, deux et à eta signifiant orge (vieux
haut allemand gersta], soit l’orge
double qui représente une dalle
oblique appuyée contre le pied d’une tolla et au sommet de la dalle oblique une
grosse pierre ronde évoquant un épi d’orge.
On a retrouvé 274 « talayots » ou moulins
de pierre coniques près des la trentaine de taulas
qui ont survécu. Le mot talayot , de tholadas, puis taladot, semblable
au mot corse et sarde torre,du
diminutif thula(dsa), est à rapprocher du grec thulas,
thulados, thulakos , sac à farine
, , panier rond, boisseau de farine, employé par métaphore à cause de la forme
de l’édifice.. Dans le monde égéen, le mot tholos
qui les désigne vient de th +l voyelle-..
En Sicile, à Pantellaria, le même édifice, appelé siso, de siro, tire son
nom du silo,.
Le mot « taula » est à rapprocher du latin stolo, stolonis, rejet, drageon, drageon, éteule (mot
désignant en français la tige des céréales restée sur le champ après la
moisson et venant du latin stipula,
de même signification). .En grec,steleos désigne
le manche d’un marteau ou un rouleau et stèlè,
latin stela, une colonne, une stèle.
Le trajet des
créateurs des taulas.
On peut les
suivre à travers le nom Pityussa :
non loin de Göbekli, , on trouve Pityunte,
une ville de Colchide près du Pont-Euxin, Pityussa,
une ville de Troade, puis une ville de Chio, une de Lampsaque ,une de Salamine, une île Pityoussa entre l’Attique et le Péloponnèse dans le golfe
Saronique,. L’ancien nom de la
Sardaigne était, selon Aristote, Ichnoussa, qu’il est tentant de
rapprocher de Ebussa ou de Pityoussa. et signifierait blé blanc
dormant. Le nom ichnos désigne la sandale. Or, Le mot latin sandala
selon Pline l’ancien désigne le blé blanc, Le nom Sardaigne viendrait selon
Pline de sa forme de sandale et il la dit sandalôpis.
On peut se demander si les taulas ne
seraient pas les célèbres: la seule
terre où on les trouve est d’ailleurs située
non loin de Gibraltar où les situe
la tradition. Il est révélateur que les statues de l’île de Pâques avec
leur chapeau aient suscité plus d’articles, voire d’ouvrages que ces taulas à portée de nous pourtant.
Quant aux navetta (d’En Tudon, et autres) , il faut y voir la
barque renversée en signe de mort de son propriétaire, avec l’écope, le plat ,
l’écuelle, l’huile pour affronter le soleil de l’au-delà. . On retrouve la trace de ces migrateurs ibères et de
leur tombes au nord du Tibet, dans
l’immense désert de Taklamakan ,où des
archéologues chinois ont eu l’étonnement de découvrir une nécropole, avec des
momies aux traits européens, aux cheveux châtains et au nez long, datant d’il y
a 4 000 ans et enterrés dans des bateaux retournés recouverts de peaux de vache
, avec un mât de bois situé à la proue , de 4 mètres de haut et dont la
sculpture varie selon le sexe : pour les hommes , le sommet est effilé,
tandis que , pour les femmes, le sommet serait plat et peint en noir et rouge. Le mât renversé
devient une godille (à la poupe du bâtiment) qui permet de se diriger dans les eaux de l’au-delà.
Le menhir d’origine avait ainsi le
sommet plat pour qu’on puisse y poser la
dalle symbolisant le grain mort. D’autre part, pour plus de facilité, les
sculpteurs se sont parfois contenté de tailler le haut du menhir en demi-cercle
et de séparer le haut du bas par une ligne : la tête du menhir
représentait le grain mort ou dormant.
La disposition en
cercle des menhirs est peut-être inspirée
des ces « ronds de sorcières »
qui, en une nuit, apparaissent soudain sur les prairies et donnent une preuve de la fécondité de la nature ;
ceux-ci sont composés de champignons
souvent comestibles, mais l’imagination populaire, stupéfaite devant la
régularité du cercle et la soudaineté de son apparition, y voit l’œuvre
de forces souterraines.
Quel
était le but de cette disposition circulaire qui apparaît dès l’origine, à
Gobek-li ? Il s’agissait de représenter
le cycle de la vie et de la mort du grain,
de sa germination et de sa mort provisoire en vue de sa renaissance.
Les pictogrammes des menhirs de
Gobek-li Tépé et les noms les plus anciens des menhirs, évoquant la pierre en
forme de maillet: scorpions, pierres plantées, pierres blanches, etc.
Il y a
des pictogrammes sur les menhirs en forme de maillet de Gobek-li Tépé. L’un
d’eux est un scorpion. En effet, le
scorpion était le nom des menhirs en
forme de maillet, la queue du scorpion étant comparée aux deux extrémités du
marteau antique. Ce nom nous renvoie au nom du maillet, en grec, sphura,
Le grec sphura, marteau, est
apparenté à scorpio , qui s’analyse en skorkw- .En italo- celtique, on a le latin malleus : le premier élément mar- veut dire pierre ; le second désigne le marteau .
Le nom gaulois du sanctuaire, mallos
ou malleus lieu entouré de pierres en marteau, dérive de ce premier nom des menhirs. Le mot
gallois lech, dans crom -lech, désigne ainsi à l’origine un
menhir en forme de marteau, disposé en cercle (crom signifiant courbe). Comme la pierre qui dominait le fût du
menhir était soigneusement creusée de nombreux trous, le mot a donné le nom du
liège, en corse leccia.
Les pictogrammes nous fournissent un autre
nom pour ces menhirs en T. Il vient du nom du fléau de la balance qui a servi de métaphore pour désigner le linteau horizontal
surmontant les menhirs, savoir phalanx, génitif
phalangos en grec. De là en Corse Palaggio, ensemble de menhirs, et paladini, les menhirs, ou bien à
Alzon, dans le Gard, le nom du menhir Peyre plantade, qui remonte
à p
(ha)lang-ada, , la pierre qui porte
un linteau..
Les Pierres Planktes de l’Odsyssée (XII, 59—67), Petrai
planktai en grec, -un singulier ibère en –ai pris pour un duel - permettent de confirmer la localisation de ce passage de l’Odyssée, puisqu’on a retrouvé
sous 60 mètres d’’eau le menhir en cause, au large de la Sicile (lieu appelé Pantellaria Vecchia aujourd’hui, (.de planktai herria , herria signifiant pays), l’ancien
pays de la pierre en linteau. Cela amène à penser que les souvenirs
rapportés à Homère dataient d’in temps
où l’élévation du niveau de la mer avait
laissé dépasser le menhir qui était encore debout .Lorsqu’il disparut de
la surface, son nom fut réinterprété en pierre errante.
Les Pierres
Plantées sont devenues chez
nous par incompréhension, les Pierres Blanches, par exemple à Pléneuf
dans les Côtes-du-Nord, ou à Pietrobianchata à Antisanti en Corse,
alors qu’il n’y a pas la moindre pierre de couleur blanche en ce lieu. C’est un
ancien Petroplancado, une pierre qui porte un linteau.
En Eure- et- Loir,sur le territoire d’Arrou,
on a un lieu-dit Araigne, désignant
un
menhir à linteau qui remonte au latin aranea, araignée venimeuse, équivalent de phalanx en grec, ,.Klauss
Schmidt s’ étonne de voir des
araignées venimeuses représentées sur les piliers à tête en T de Gobekli, mais il s’agit d’un idéogramme
qui joue sur l ’homonymie araignée, arachna
en grec , et menhir à linteau, pharanx.
Le mot palanx, n’étant plus compris, a
également été rattaché au mot planta qui, en latin, désigne la plante
des pieds et aussi, comme on se servait du talon pour planter les boutures, la
bouture elle-même et donné, par
étymologie populaire, la pierre qui
ressemble à une bouture (qu’on plantait en foulant le sol de la plante du pied et du talon).
La pierre qui
surmonte les menhirs de Gobek-li et sa signification : la mort de la
céréale, orge ou autre, et sa renaissance.
Revenons
un instant au livre de Klaus Schmidt :
il y montre comment le sommet des menhirs ou plus exactement la partie de la
pierre qui était, en leur sommet, formait un linteau était soigneusement
creusée de cupules, mais il n’explique pas pourquoi. Je pense que ces cupules
étaient emplies de terre et semées de plusieurs grains de céréales. Dans l’esprit
des populations préhistoriques, ces plantes devaient mourir avant de pouvoir germer et de constituer,
à certaines saisons, un jardin suspendu, comparable aux Jardins d’Adonis.
Au VII e
siècle ap. J. -C. encore, dans les mystères d’Osiris, les prêtres devaient
façonner une effigie d’Osiris, appelée « Osiris végétant », avec du limon
noir et des graines d’orge. Les Egyptiens arrosaient cette poupée avec l’eau sacrée du Nil jusqu’à germination,
puis l’emmaillotaient dans des bandelettes comme si c’était un cadavre momifié et, -chose plus étrange pour nous,
-inhumaient, enterraient cette orge germée en forme d’effigie d’Osiris.
Le cercle des menhirs visait
à imiter et à favoriser , par
magie sympathique, non pas le cours du soleil dans le ciel, mais l’indispensable mort des grains durant la saison froide,
puis leur germination , ensuite
leur mort à nouveau dans un cycle sans fin. .Il existait parfois, au centre du cercle, un ou deux menhirs plus grands, les chefs
d’orchestre divins qui représentaient, non pas le soleil et la lune, mais la déesse du blé ressuscité et sa fille la déesse du
blé mort, respectivement Dèmèter et Perséphone : Perséphone , représentante
du grain de blé mort et enterré,
était capable de fléchir son époux Hadès et de libérer des demeures souterraines les grains morts comme de se libérer elle-même desv régions infernales au
printemps.
Qu’est-ce qui nous indique aujourd’hui ,
dira-t-on, la mort du blé dans ces cromlech, à défaut du linteau
horizontal primitif ou d’un nom
comme celui du Parc ar verret, , le champ aux morts, dans la presqu’île de
Saint-Laurent ? La fermeture du cercle pouvait y suppléer.
Mais il y a une autre
possibilité, car on trouve souvent à proximité des pierres éparses, disposées
de façon à symboliser cette mort parce
qu’elles constituaient un prolongement .horizontal au pied des menhirs et qui les liait entre eux. Ainsi, en Bretagne, à Crucuny, 22 menhirs se trouvent reliés par un mur constitué de pierres sèches presque aussi grosses que
les plus petits de ces 22 menhirs.
Dans la
presqu’île du Crozon, à Lagatjar, le grand côté du rectangle qui forme une
sorte de cromlech se prolonge par de petits bras qui dépassent les angles du
rectangle. Ces murets , ces dépassements qui évoquent ceux du tau d’Asie , sont des indices que le symbole du grain de blé mort a pu être
transféré du sommet du menhir à sa base.
Une
preuve, en tout cas, que le « cromlech » est identique au menhir dans sa fonction de
catalyseur magique des récoltes nous est donnée par le nom de l’un d’entre eux
en Bretagne, Crucunio, nom qui, comme
celui de Courcouronne, , ou celui du
site préhistorique de Cucuruzzu
en Corse, dissimule le radical
(a)cucula, qui signifie la
pierre- épi. ,On songe, en Turquie, au site néolithique de Gurcu-tepe, le temple des pierres -épis.
Les menhirs percés.
La mort
du blé comme condition préalable de sa
germination était une croyance fondamentale à l’époque préhistorique et, à défaut du linteau placé au sommet , voire au pied du mégalithe , et représentant le grain de blé mort avant de ressusciter, d’autres
possibilités existaient encore : ce pouvait être des trous et l’on connaît
des menhirs littéralement percés en leur milieu, le trou symbolisant le mortier où l’on écrase le grain de blé, où on le
« tue » et représentant par conséquent la mort provisoire du blé. Mais le trou pouvait aussi être percé au
sommet du mégalithe afin de symboliser
cette mort du blé. Ainsi, à Brèches, en
Indre-et-Loire, on trouve un menhir appelé la Pierre de saint Martin (christianisation de mar, pierre). « A son sommet, écrit Louis Bousrez,
existe un creux … Dans ce trou, où l’on peut mettre la main comme dans un
bénitier, on trouve, de temps à autre, des pièces de monnaie et certains comestibles,
pain, fruits, fromages, etc., offerts
par des gens qui attribuent à la pierre des propriétés merveilleuses. Ces
objets sont déposés en offrande, sans
aucun but charitable, car l’on sait bien que personne ne peut les apercevoir de
la route et que les comestibles sinon l’argent sont perdus. » De même,
dans le Calvados, à Colombiers -sur -
Seulles, on trouve une cupule au sommet d’un
menhir appelé la Pierre debout (pour
la pierre bot, c’est-à-dire en forme
de bouteille). L’eau recueillie dans
cette cupule était considérée comme susceptible de chasser le mauvais sort à et de guérir de nombreux maux. C’est là une
tradition fort ancienne, car à Gobek-li,
le linteau horizontal était parfois artificiellement creusé de cratères
nombreux.
La datation des menhirs et des dolmens.
On
date le site de Göbekli Tepe en Asie
mineure entre 9600 avant notre ère et 8200 ans, comme le site englouti de Pantelleria Vecchi à 60
kilomètres de la Sicile, tandis que les sites de Malte dateraient de -5000
ans. On peut supposer que les auteurs de
ces mégalithes tant asiatiques que maltais
ont passé par l’Europe
continentale avant d’atteindre Stonehenge vers 2800 av. J. –C. ou plutôt, selon
les dernières découvertes de Durrington Walls,
en -4500. Nous pouvons donc retenir pour Carnac, antérieur en principe, la date de 5000 environ avant notre ère et pour l’Eure- et
–Loir une date antérieure : -5500 avant
notre ère, soit presque trois
millénaires avant les premières
pyramides d’Egypte qui datent de -2700.
La fertilité divine des pierres
durant la préhistoire.
Jared Diamond, dans Effondrement ou Comment les sociétés décident de leur disparition ou de
leur survie, Gallimard, Paris, 2005, p.
132, décrit de surprenantes méthodes préhistoriques de culture : « les
zones d’agriculture extensive étaient partiellement recouvertes de pierres
placées en surface à proximité les unes des autres , afin que les cultures
puissent pousser entre les pierres ; d’autres vastes zones furent
modifiées par ce qu’on appelle des « mulchs
lithiques », c’est-à-dire que l’on ajoutait au sol des pierres sur une
profondeur d’environ trente centimètres qui étaient, soit prélevées sur des
affleurements rocheux environnants , soit obtenues en creusant jusqu’au
substratum rocheux pour briser les roches qui le composaient. …Dans les
fermes du nord-est des Etats-Unis, […] les agriculteurs se donnaient beaucoup
de mal pour évacuer les pierres de leurs champs et ils auraient été horrifiés à
l’idée d’y apporter délibérément des pierres .On retrouve […]
l’agriculture de mulchs lithiques
dans de nombreuses parties du globe, comme dans le désert du Néguev en Israël,
dans les régions sèches du Pérou, de la Chine, de l’Italie romaine et en
Nouvelle-Zélande maorie. Les pierres rendent le sol humide en le recouvrant,
réduisent l’évaporation d’eau due au soleil et au vent et empêchent la
formation à la surface du sol d’une croûte dure qui favorise le ruissellement des eaux de pluie. Les
pierres réduisent les fluctuations diurnes dans la température du sol en
absorbant la chaleur du soleil au cours de la journée et en l’évacuant pendant
la nuit ; elles protègent le sol
contre l’érosion car les gouttes de pluie viennent s’écraser à leur
surface ; des pierres sombres sur un
sol plus clair réchauffent le sol en absorbant une plus grande quantité de
chaleur solaire ; et elles peuvent également servir de pilules
fertilisantes à diffusion lente […], car
elles contiennent des minéraux indispensables qui pénètrent progressivement
dans le sol ».
Toutes ces réalisations demandaient un travail gigantesque et nécessitaient le
déplacement de millions de tonnes de pierres. On comprend dès lors pourquoi la pierre était sacrée pour les
bâtisseurs de Göbekli Tepe, comme pour
les Euréliens, puisqu’elle représentait
pour eux un gage d’abondance et de
fertilité.
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