L’ORIGINE DU PEUPLEMENT DE DEUX ILES LOYAUTE PRES DE LA NOUVELLE-CALEDONIE,MARE
ET LIFOU , ET LE DEBUT DE LEUR HISTOIRE
EUROPEENNE .
Maré, colonie de Tanna au Vanuatu
et, auparavant, de Ndéni (Santa –Cruz) aux Salomon, et
le nengoené,
langue de Maré .
Résumé des migrations :
1 Les Eteoke, ou marengo ou menehune, d’origine mélanésienne. Le mot étéoké
se retrouve en aïnou avec le sens de terre
et se présente, en toponymie
japonaise, sous la forme Sir etoke, à
Hokaido, qui signifie la fin de la terre.
Ils laissent à Maré des fortifications à Hnakudotit et à Waninetit.
2 Les Si-ningone, ou na-dene,
de Tanna, des proto-polynésiens apparentés à ceux qui s'installent en Amérique du sud (voir mon blog sur la formation des races en Amérique du sud) et à ceux qui existent aux Salomon sur l'île N'Deni , anciennement Santa Cruz, que les Maréens revendiquent pour ancêtres.
De Malekula (Mallicolo),au Vanuatu, une importante migration allait s’arrêter un temps à Tanna,
puis passer à Maré. Les noms de noengoené, la langue de Maré, ou nëninë-fe
(fe signifiant langage), une langue de Tanna, sont à rapprocher de Si-ningoné. Ils se sont arrêtés d’abord sur la
côte est de la Calédonie, , à Kokingone,
nom où l’on reconnaît bau (bau est un souvenir de leur origine
austro-asiatique et signifie originaire de la Birmanie au sens géographique du mot) ningone.
3 Les Kwamera ou Kuamere, des descendants
d’aborigènes australiens venant d’un village du même nom, Kwamera, au sud de Tanna.
Le nom du
Nengoené , la langue de Maré, est
à rapprocher du nom d’une langue pré
–polynésienne d’Amérique, le na-dene, qu’on retrouve dans le nom de
l’île de Santa Cruz, N’deni, et , à Vanikoro
aux Salomon, du nom des villages de Danema ou Tanema, d’où eut lieu l’émigration vers Tanna : Tanema est un mot polynésien qui a
donné le nom de la langue téama , l’une des quatre autres langues de Tanna.
On retrouve
le nom des Etéoke , qui se
retrouve dans le nom menéhune ou
marengo, désignant les proto-
mélanésiens dans le nom des hoka ,
groupe linguistique d’Amérique du sud d’origine
mélanésienne.
Le nom mystérieux de Maré donné à l’île
par les européens.
Maré est une graphie anglaise
pour maree et se prononçait mari. Le nom véritable de Tanna, qui signifiait la terre, était et est toujours Iparé et vient de I (sorte d’actualisant) mparé, qui donne Maré, nom de Tanna, donné à
Maré parce que Maré était une colonie de
Ipara ou Tanna.
Le nëninë-fë (fë, signifiant
langage ) est le nom d’une des cinq langues de Tanna ; c’est de ce nom que
vient le nom de la langue de Maré, le nengoené. La
langue dite le nëninë-fë est appelé la langue de Kwaméra, du nom d’un village de Tanna. A l’île des Pins, le nom de Kanuméra (de pwa mong li) révèle leur
passage dans le sud. Les Kwamera,
d’origine australienne, vinrent du sud de Tanna et introduisirent à
Maré le boomerang.
Les Maréens actuels
revendiquent comme ancêtres les Si-ningone.
En effet, de Malekula (Mallicolo) au Vanuatu, une importante migration allait
s’arrêter un temps à Tanna,
puis passer à Maré. Les noms de Noengoené ou nëninë-fë
sont à rapprocher de Si-ningoné. Les Si-ningone se sont arrêtés d’abord sur la côte est de la
Calédonie, à Kokingone, nom où l’on reconnaît bau (d’origine birmane ) -ningone.
Quand les Papouas Haveke
(aujourd’hui les gens de Pouébo)
toucheront Manikula au Vanuatu et s’installeront sur un îlot voisin appelé Avokh,
ils y rencontreront les Nwhal de
Tanna. Ceux-ci les renseigneront sur
Ouvéa. Beaucoup plus tard, au XIX é siècle, il y aura un essai de conquête de Maré de la
part des Havekés de Pouébo : selon
G. Païta, ce descendant de la grande chefferie des Kambas- Meidu, c’est leur chef Kaba (cf. Kamba) qui introduisit le niaouli et les joncs à
Wabao et à Medu, village maréen
qui tire son nom de la chefferie de
Kamba Meidu, Meidu
signifiant mong noir, de mein du.
Les Européens.
La découverte de Maré, par
Lapérouse en 1788, cinq ans avant le britannique Raven en 1793.
C’est Lapérouse
qui a découvert Maré. En 1887, le
Maréen Louis Saiwene déclare que,
peu avant le passage en 1793 d’un
bâtiment britannique,Lapérouse (et , plus
probablement, son botaniste, Collignon)
« laissèrent dans l’île une hache (fao dans leur langage, emprunt au français fer), des graines d’orangers et de mandariniers, ainsi que quelques
grains de maïs qu’il apprit aux indigènes à mettre en terre», ceci vers Tadine. Le mot signifiant maïs en langue
de Maré, kelaï, vient probablement du nom de Collignon, botaniste à
bord de la Boussole. Les gens de Maré
font remonter au don de Lapérouse et de collignon l’introduction de cette plante si précieuse
pour eux. Lapérouse a aussi offert aux Maréens une poule plus grosse que
ces poules indigènes qui venaient de
l’île voisine de Tanna.
Du passage du Britannia du capitaine Raven en
1793, après celui de Lapérouse , les Maréens tirèrent le mot bêtischo, altération du mot anglais British,
qui pour les Maréens, signifie bâtiment et qu’ils ont récemment donné à un
bâtiment moderne destiné à une liaison
interîles.
Pour une étude historique du
maréen, il faut utiliser le dictionnaire de la langue de Tanna paru en 1886 à
Canberra, par L .Lindstrom : Kuamera
dictionary ou Nikukua Sai nagiariien Ninnife.,ainsi que le récit qu’Eugène
Caillot fit paraître sous le titre Mythes , légendes et traditions des Polynésiens,
textes recueillis, publiés , traduits en
français et
commentés, 1914, réédition en 2010.
Tiga, la
petite.
On trouve dans les îles Banks
du nord du Vanuatu une île Vanua Lava, à
rapprocher aux Fidji ( Viti) de Vanu Levu ou de Viti
Levu, Levu étant phonétiquement identique à Lifu, la terre (Vanua) lava ou lafa, grande, qui s’opposent à d’autres îles dites petites, tiga. Le nom de Tiga est à rapprocher du
nom d’une île Torrès du nord du Vanuatu, Tegua,
proche lui-même du nom d’une île
voisine, Toga. Le nom de Lifou ,
donné à l’île par les Européens, étonne aujourd’hui les Mélanésiens. C’est le nom donné par les gens de Tiga à la grande île, levu, ou lefou.
Le Dréhu,
de Lifou, langue apparentée au munda, langue du sud de l’Inde.
A). Le nom de certaines
îles d’un archipel des Tonga va nous interpeller : celui de Lifouka (de ka, île, et lifou,
grande) ; il y a donc deux Lifou dans le Pacifique , cf mon blog déjà
ancien sur les migrations préhistoriques
en Nouvelle-Calédonie.
B) Le mot dréhu, qui désigne le pays et la langue
de Lifou, et qui signifie aussi grand, est à rapprocher du nom
de l’île fidjienne Dravuni, où dr note également une cacuminale, et c’est le même mot que le
nom de langage Ladhusi ou Libo dans les langues myao d’Indochine.
L’accentuation sur la pénultième a fait disparaître la syllabe finale –ni ou –si, qui signifie peut-être île dans dréhu -ni, la grande île. Dréhu ou Lifou ont même origine.
Le nom de Dokhin à Lifou , peut-être toujours
signifiant grand, est à rapprocher de Lekhine à Ouvéa , du nom
d’un dialecte d’Araukhanie en
Birmanie, le rakhin, et du nom du
serpent géant ou du calmar géant.
Le mot dréhu se retrouve dans dahua, nom d’une langue faisant partie de la famille myao. Quelle était sa signification ? Ce pourrait
être une forme ancienne du mot grand.
C) Une
migration vers Lifou -
Dréhu ,nom venant phonologiquement de drevu, à partir des îles Dravuni et Galwa aux
Fidji, vers -1000.
Une éruption volcanique datée
de -1000, celle du volcan Nabukulevu sur l’île de Kadavu, non
loin de l’île Dravuni , aux Fidji, a amené le chef d’Ono à émigrer vers Lifou cf. P. Nunn, juin 2001, » On the
convergence of myth and reality : examples of Pacific Islands », The Geographical Journal, Vol 167, n°2,
p .125-138 et 2003 « Fished Up or Thrown Down : The
Geography of Pacific Island Origin Myths », Annals of the association of American Geographers, 93(2), p.
350-351 . Voici le récit mythique de cette importante migration :
«Il y a très longtemps (vers l’an 1000), le
chef de Ono, Tanovo, avait l’habitude de
se promener sur la plage à la fin de l’après-midi afin d’admirer le
coucher du soleil. Un jour, alors qu’il marchait sur la plage, il eut la
surprise de voir une montagne qui lui masquait le soleil et qui n’existait pas
la veille. Contrarié, Tanovo partit, la nuit, en emportant de très grands
paniers en fibre de cocotiers pour enlever la terre de cette montagne qui
l’empêchait de voir le soleil.Le chef de l’île sur laquelle avait poussé la
montagne (l’île de Kadavu)
prit Tanovo sur le fait et le chassa tout en projetant des cendres sur les îles
voisines de Dravuni et de Galwa. » En réalité les projections
de cendres et l’éruption du volcan Nabukukevu ont chassé les gens de Dravuni et Galva.
Le petit python vert sacré, vivant aujourd’hui encore
à Lifou, et importé (Engyralis australis
ou Morellia viridis) .
A
Lifou on trouve encore aujourd’hui un
petit python arboricole qui a la curieuse habitude de se lover en entonnoir pour recueillir l’eau de
pluie, peut-être parce qu’il n’y a pas de rivière sur cette île, afin d’y
attirer les oiseaux assoiffés dont il se nourrit après la pluie. Il n’appartient
pas à la faune locale et a suivi les futurs Lifous sur
leurs pirogues comme un protecteur sacré, à partir de Talepakamale aux îles Mussau (Nouvelle-Bretagne) d’où il semble
originaire, en passant par
le Vanuatu, puis les Tonga et enfin Lifou. .
C’est
un substitut de la « roue »
du calmar géant avec ses 8 bras toujours en mouvement et c’est le symbole de la force magique du
volcan de l’ île fidjienne, Nabukulevu..
Quel est le monstre symbolisé par ce python ? Pline l’Ancien (livre
IX, 3, 1) parle d’un céphalopode
monstrueux appelé rota, la
roue : « [Parmi les géants des mers], il y a aussi les « roues » qui tirent leur nom de leur ressemblance avec la roue d’Ixion
et qui se distinguent par deux séries de
quatre rayons [en haut et en bas de la
« roue »] , deux yeux barrant le moyeu de la
« roue » de chaque
côté». B Heuvelmans, p. 153, tome I, Dans le sillage des monstres marins, commente en ces termes :
« la description s’applique à un animal doté de 4 bras de chaque côté de la tête, où les yeux
frappent sans doute par leur grandeur .On n’a pas de peine à reconnaître
dans cette description un céphalopode aux
huit bras toujours en mouvement.».Heuvelmans n’a pas voulu préciser
s’agissait d’un poulpe (3 bras +1 tentacule x 2) ou d’un calmar (4+1 x 2), mais
pour nous ce sera un calmar avec cinq « bras » de chaque côté. Li-guro que j’ai traduit comme serpent enroulé renvoyait primitivement à cette roue, un monstrueux calmar, Architeuthis
dux.ou bien
à Octopus giganteus Verrill dans le
cas du poulpe à 3 bras.
La découverte de Lifou par Lapérouse en
1788 avant les Britanniques.
On
peut supposer que Lapérouse, mis en garde par de graves incidents survenus à l’île des Pins, décida
de n’approcher qu’une frégate à la fois, la seconde restant au large pendant ce
temps , prête à venir en aide à la première, ou faisant le tour de l’île. Une
chaloupe de la Boussole avait
été endommagée par les naturels de l’île des Pins et il fallait un espar pour la réparer. C’est
la Boussole, commandée par
Lapérouse, qui mouilla à Chépénéhé, avec à bord Collignon, le botaniste de la Boussole, dont nous retrouvons
encore le nom, à peine altéré, dans celui du village de Kedegne qui fut fondé à cette époque et nommé ainsi en son honneur. Dès le départ de l’expédition à Brest,
les frégates avaient été chargées de graines
à semer, ainsi que d’une soixantaine d’arbres en pots à planter dans les terres lointaines. Sur
l’île Sainte- Catherine, Lapérouse avait embarqué quelques orangers,
citronniers et mandariniers en pots ainsi que des graines et des pépins. L’Astrolabe en avait planté à l’île de
Pâques. Collignon laissa à Lifou des orangers et des mandariniers qui
prospérèrent, mais il n’y a pas trace de maïs, semble-t-il, si bien qu’on peut
imaginer que les grains de maïs ne levèrent pas.
A Lifou existent des traditions sur le premier
navire aperçu, traditions que le professeur australien D. Shineberg
a rapportées à Lapérouse, sur la base du rapport du santalier Simpson. Ce santalier,
en 1844, fit escale à, Lifou et y recueillit le souvenir du premier navire
européen.
Selon
les gens de Lifou, le navire fut aperçu à Chépénéhé (toponyme signifiant
le lieu du mouillage); il était très grand ; il avait deux gaillards
d’avant et d’arrière, de grands canots et beaucoup d’hommes, portant des
chapeaux à cornes, avec des vestes
rouges et bleues (la langue lifoue n’a pas de terme propre pour désigner le bleu). Ce ne peut pas être la gabarre britannique, la Fancy,
qui passa devant Lifou en 1796, sans
s’y arrêter. Les hommes avaient des boucles à leurs souliers et portaient des
gants. Le navire resta à l’ancre pendant deux jours à environ un mille à
l’intérieur de la pointe sud. L’équipage coupa un cocotier avec un instrument en
fer appelé fao,
du français fer,encore utilisé pour désigner la hache), et les gens de
Chépénéhé montraient en 1844 la base coupée de ce cocotier qu’ils regardaient
comme étant le souvenir des premiers blancs qu’ils aient jamais vus.
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