LA DERNIÈRE VISITE DE LAROUSSE AUX ILES TONGA.
Le retour de Lapérouse sur Tonga à partir de Botany - Bay en
Australie est surprenant, puisque, à l’aller, il venait d’y passer, si bien qu’on a pu le mettre en
doute. D’autre part, le séjour du grand navigateur dans l’archipel n’a jamais fait l’objet d’études et demeure obscur, d’autant que son journal n’est guère précis sur ce point. Lapérouse nous dit
s’être arrêté à Tongatabu devant laquelle
il ne passe qu’une journée (31 décembre 1787). Il parle aux Tongiens
montés à bord du Tuitonga (grand roi) Poulaho et de Féenou cités par
Cook : « nous avions l’air de vieilles connaissances qui se revoient
et s’entretiennent de leurs amis ». Comment s’explique ce nouveau passage ?
« A chaque instant, écrit Lapérouse, j’étais tenté de renoncer au plan que
j’avais formé en partant de Maouna et de
ne faire aucune relâche jusqu’à Botany Bay [près de Sydney en
Australie] » Maouna est une allusion à l’île de l’archipel des
Navigateurs, ou Samoa , où venait
d’avoir lieu le massacre de la baie de
Tutuila, qui avait occasionné la mort de Fleuriot de Langle entre autres et la
destruction des chaloupes capable de faire des recherches sur l’île Saint-Bernard et sur l’île de la
Belle- Nation de Quiros. Or, les Instructions
royales prescrivaient de rechercher
l’île de Saint-Bernard, découverte par Quiros le 20 août 1596, savoir Puka- Puka
aux îles Cook du Nord , et l’île de la
Belle -Nation (Rakahanga aux îles Cook ,
découverte le 2 mars 1606, par Quiros). En effet, les Instructions
lui enjoignaient de faire « route
dans le nord-ouest, pour se mettre en
latitude de l’île Saint-Bernard de Quiros, vers 11 degrés », mais sans
sortir de certaines limites géographiques.
« Il prendra alors sa route dans le sud-ouest, pour traverser, dans cette direction, la
partie de la mer située au nord de l’archipel des îles des Amis [Tonga]….Il serait à désirer qu’il pût
retrouver l’île de la Belle- Nation de Quiros …et successivement les îles des Navigateurs (Samoa) de
Bougainville, d’où il passerait aux îles des Amis (Tonga) pour s’y procurer des
rafraîchissements. » Lapérouse
n’avait pu trouver ni les îles de
Saint- Bernard, ni l’île de la Belle- Nation : aussi est-il tentant
de supposer qu’il ait désiré
essayer à nouveau les repérer.
Il reprend ainsi la route en sens inverse à partir de Botany
Bay, passant probablement à nouveau par Norfolk,
où, à la différence de Cook, il n’avait pu mouiller à l’aller, puis par les îles Cook, à l’île de Saint-Bernard au
nord (Puka- Puka) et à l’île de la Belle Nation (Rakahanga). Nous n’en avons aucun témoignage, mais cela
n’a pas été recherché auprès des insulaires. Il
fait voile ensuite vers
l’archipel des Amis (royaume de Tonga),
s’arrêtant à Anamouka.
Les Tongiens donnèrent à Dillon
les informations suivantes qui se rapportent à ce second passage aux Tonga, plus précisément
à Anamouka où Lapérouse passe
trois jours: « deux autres
grands vaisseaux étaient arrivés devant l’île d’Anamouka ou Rotterdam, mais
n’avaient pas jeté l’ancre et étaient restés en panne, ayant à terre des canots
pour trafiquer. L’officier qui dirigeait les échanges traça comme démarcation
un carré au milieu duquel il se tenait ayant de chaque côté de lui une
sentinelle armée[108, Nous savons que telle était bien la coutume de
Lapérouse :, ce qui authentifie les dires des indigènes :à Lituya ,
par exemple, « le commerce reprend (avec les « Indiens »,
mais ) comme les indigènes sont des voleurs accomplis, il fait délimiter un enclos,
gardé par des hommes armés, à l’intérieur duquel sont placées les marchandises
débarquées provisoirement des frégates ».. Cet officier portait des
lunettes, et les naturels lui donnèrent le nom de Louage [altération du nom d’un officier de l’Astrolabe, Freton de Vaujuas].
Peu de temps après que les échanges
avaient commencé, M. Laouage troqua
avec un insulaire un couteau contre un oreiller de bois ; mais après que le sauvage eut
reçu le couteau, il s’empara de son oreiller de bois et prenait la fuite, quand
M . Laouage saisit un pistolet qu’il avait à sa ceinture et étendit cet
homme mort sur la place. C’était un jeune chef nommé Coremoyanga. En le voyant
tuer de la sorte, les naturels prirent de l’épouvante et s’enfuirent dans les
bois. M. Laouage et ses gens retournèrent à bord de leurs vaisseaux .Le
lendemain, les insulaires se hasardèrent à pousser au large et les échanges
recommencèrent. Ils reçurent divers présents des européens et tout se passa
d’une manière amicale. Deux hommes de l’île voulurent partir sur les vaisseaux.
Les Français mirent à la voile le
jour suivant et depuis on n’en entendit plus parler ».
Dumont d’Urville confirme ce passage, mais la reine régnante, la tamaha, lui parlent
de dix jours :
« peu d’années avant le passage de d’Entrecasteaux qui ose écrire que « Lapérouse n’avait
relâché dans aucune de ces îles »] deux grands navires , demblables aux
siens, avec des canons et beaucoup d’Européens, avaient mouillé à Annamouka
où ils étaient restés dix jours. Leur pavillon était tout blanc, et non
pas semblable à celui des Anglais. Les étrangers étaient fort bien avec les
naturels ; on leur donna une maison à terre où se faisaient les échanges.
Un naturel, qui avait vendu, moyennant un couteau, un coussinet en bois à un officier,
fut tué par celui-ci d’un coup de fusil pour avoir voulu remporter sa
marchandise après en avoir reçu le prix. Du reste, cela ne troubla point la
paix, parce que le naturel avait tort en cette circonstance ; les
vaisseaux de Lapérouse furent désignés par les naturels sous le nom de Louadji ».(altération de Vaujuas)
Lapérouse embarqua alors, sur leur demande, deux naturels. On peut supposer
qu’ils désiraient aller à l’île voisine Tonga- Tapu et que Lapérouse avait
décidé de débarquer dans cette île
devant laquelle il était déjà passé en décembre 1787.
Lapérouse se rend alors pour la seconde fois à Tonga- Tapu, avec ses deux interprètes embarqués à Anamouka
, et y reste peut-être trois jours. Dumont d’Urville nous apprend que son
propre « interprète… lui dit que Touitonga
avait eu en sa possession deux
plaques d’étain avec des inscriptions provenant des vaisseaux de M. Laouage, mais que ces objets ayant été employés au service des dieux
avaient été considérés comme sacrés et inhumés avec Touitonga… » Touitonga
est le nom de la dynastie des grands rois de Tonga (de 900 à 1865). Cook
assista à la grande cérémonie d’investiture de Touitonga Paulaho de 1777. Lapérouse
écrit : « Un jeune insulaire
[de Tonga-Tapu] nous donna à entendre
qu’il était fils de Féenou, [le chef secondaire Finau , appelé Fianou par Cook]
et ce mensonge, ou cette vérité, lui valut plusieurs présents ; il faisait
un cri de joie en les recevant. » Le
jeune homme à qui Lapérouse remit ces médailles est l’héritier présomptif du
frère aîné de Paulaho, savoir Ma’ulupekotofa, alors le touitonga régnant. Il règnera plus tard sous le nom de
Fuanunuiava et mourut vers 1810. S’agissait-il
d’une médaille du type de celles, en argent et avec l’inscription « Les frégates du roi de France, la Boussole
et l’Astrolabe commandées par MM. de La Pérouse et de Langle,
parties du port de Brest en juin 1785 » ? Quant à la seconde médaille,
différente en principe de la première, on peut songer à une médaille en argent du type de ces
médailles en argent, sans bélière, avec
à l’avers un buste de Louis XV et au revers Sit
nomen domini benedictum et un écu
ovale couronné entre deux branches d’olivier.
Il est intéressant de
remarquer que ces deux médailles ont été enterrées avec leur propriétaire,
coutume qui explique pourquoi on n’a
jamais retrouvé de ces médailles entre les mains des autochtones.
En résumé, Lapérouse passe à nouveau (second passage) par Norfolk, les îles Cook,
les îles Anamuka et Tonga-Tapu aux
Tonga., puis par la Nouvelle-Calédonie et les îles Loyauté, enfin Vanikoro.
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