L’opposition à Louis XIV,
ou Voltaire avait- il raison à propos de
l'Homme au Masque de Fer? Réexamen de mon blog précédent à la lumière du livre
récent de Marc Sonnino, The search for the man in
the iron mask, a historical detective story.
C'est Voltaire qui a créé le mythe du Masque
de Fer en 1751 dans Le Siècle de Louis XIV et, comme la question avait
piqué sa curiosité, il continua à s'interroger toute sa vie à ce sujet : dans
le Dictionnaire philosophique, à l'article Anecdotes, en 1764, il
discute diverses hypothèses sur son
identité ; enfin dans ses Questions
sur l'Encyclopédie, 2e édition (1771), il révèle qu'il s'agissait, non d'un
jumeau, mais d'un frère aîné de Louis XIV
qui était le fils de la reine
Anne d'Autriche (espagnole malgré son nom), l’épouse de Louis XIII, et du
duc George Villiers de Buckingham , fils légitime en quelque sorte (is est pater quem nuptiae denuntiant)
, né en 1626 , ce qui expliquait à
la fois sa ressemblance criante avec Louis XIV et le danger d'une contestation de
la légitimité de ce dernier en vertu du droit d'aînesse et en vertu du fait
qu'il était né dans les liens du mariage, -surtout si l'on pouvait de surcroît
accuser Louis XIV de ne pas être le fils de Louis XIII, mais de quelqu'un de
beaucoup plus basse extraction que le duc de Buckingham, comme le duc de
Bellegarde.. L ‘assassinat de Buckingham par Felton devrait beaucoup à
Louis XIV, a fait observer Dufet de l’Yonne, entendons qu’il a été inspiré par
lui. Seul Jean Baptiste Regnault- Warin,
dans L’homme
au masque de fer, Paris, 1804,4 vol., reprit sous forme romanesque la thèse
de Voltaire ; Dumas et les romantiques reprirent l’idée du jumeau.
De qui Voltaire,
sous le sceau du secret, tenait-il ses informations? De Madame de
Saint-Quentin, la maîtresse du marquis de Barbezieux, fils de Louvois, qui
avait succédé à son père comme Ministre de la Guerre, l'un des derniers à
connaître le secret puisqu'il gérait le sort du prisonnier. En 1782, le marquis de Luchet, dans le Journal
des Gens du monde (tome IV, n°23, page 282 et suiv.) “fit honneur à
Buckingham de la paternité en litige. Il cita en témoignage une demoiselle de
Saint-Quentin, ancienne maîtresse du ministre Barbezieux, morte à Chartres vers
le milieu du dix-huitième siècle : selon elle, Louis XIV avait condamné
son frère aîné à une détention perpétuelle, et
la parfaite ressemblance des deux frères avait nécessité
l’intervention d’un masque pour le
prisonnier” .
Selon le bibliophile
Jacob, la première œuvre, anonyme, en
1745, à parler du prisonnier, les Mémoires de Perse, serait de Voltaire
qui s’était engagé auprès de son informatrice à ne jamais parler du Masque et qui s’est ainsi donné un prétexte pour pouvoir ensuite en parler sous sa signature,
la chose étant dès lors révélée.
Soulignons qu'aujourd'hui encore ce texte de Voltaire
est censuré, par exemple dans les Oeuvres historiques de Voltaire
publiées par René Pomeau dans la Pléiade, p. 1714, on lit le mensonge par
omission :"Voltaire a noté dans ses Notebooks (p. 124) que le
mystérieux prisonnier était "soupçonné d'être un frère aîné de Louis
XIV", sans la mention de Buckingham, son père.
En 1790, Charpentier,
président d'une commission révolutionnaire destinée à inventorier les archives ,
reprend la même tradition dans La Bastille Dévoilée avant que la piste
politiquement correcte de Mattioli ne devienne la vérité officielle.
La Reine a-t-elle eu
des rapports féconds avec cet homme qu'elle aimait?Le cardinal de Retz nous répond dans ses Mémoires : Madame
de Chevreuse avait confié à son ami le Cardinal à propos de la reine "que le seul homme qu'elle avait aimé
avec passion avait été le duc de Buckingham; qu'elle lui avait donné
rendez-vous, une nuit, dans le petit jardin du Louvre ; que Mme de Chevreuse,
qui était seule avec elle, s'étant un peu éloignée, elle entendit du bruit
comme de deux personnes qui se blutaient [le texte porte se lutter par
méconnaissance du vieux mot bluter, remuer le tamis, donner la
saccade, qu'on trouve chez Rabelais au
sens de faire l'amour]; que s'étant rapprochée de la Reine, elle la trouva fort
émue, et M. de Buckingham à genoux devant elle; que la Reine, qui s'était
contentée, ce soir, de lui dire, en remontant dans son appartement, que tous
les hommes étaient brutaux et insolents, lui avait commandé, le lendemain au
matin, de demander à M. de Buckingham s’il était bien assuré qu'elle ne fût pas
en danger d'être grosse ". Au
lieu du Louvre, d’autres historiens situent la scène dans un jardin d’ Amiens, entre le 7 et le16 juin 1725. Mais Buckingham n’était
pas homme à prendre de telles
précautions. A côté de ces
indiscrétions rapportées par le Cardinal, mettons les paroles du Régent qui
déclara que c'était un fils d'Anne d'Autriche.
Mais quels sont les
textes que Voltaire a pu connaître?
D'abord, celui de
René, Auguste, Constantin de Renneville
dans L'inquisition française, ou l'histoire de la Bastille, par
Mr. C. de R., Amsterdam- Leyde, 1724, 4 vol., avec un Supplément à
l'histoire de l'inquisition française, 438 p. Il fut prisonnier à la
Bastille de 1702 à 1713, et y occupait
une pièce juste sous celle du Masque de fer avec qui il tenta de communiquer en
frappant au plafond : il apprit de lui qu'il était un "abbé
italien", mais celui-ci refusa de lui dire son nom (p. 122, édition
1715, références données par Monsignor A. S. Barnes, The man of the mask, 1908).Selon nous, il s'agit
bien du pseudo -abbé Pregiani, avatar napolitain de Jacques Stuart de La Cloche
du Bourg de Jersais : donc du Masque de
fer.
La Princesse palatine, belle- sœur de Louis XIV, nous parle
de lui dès 1711 en disant qu'il
communiait masqué, qu'il était très dévot et lisait continuellement, et elle
ajoute plus tard n'avoir rien pu apprendre à son sujet, sinon qu'il s'agissait
d’ « un milord anglais qui avait été mêlé à l'affaire du duc
de Berwick contre le roi Guillaume. ".
Le milord anglais
fait allusion aussi à l’abbé Pregiani. Quant au duc de Berwick, c’était un fils
naturel de Jacques II vivant à l'époque où la Palatine écrivit ces mots. Ce peut être une allusion au fait que l’abbé
Pregiani se soit présenté comme un fils naturel de Jacques II également. Mais
cette princesse trop curieuse a pu
confondre Berwick et Warwick.
Pour savoir quelles analogies
existaient entre le Masque de fer et Warwick , interrogeons l’ouvrage de Esprit
Joseph Chaudon (1776), Les imposteurs démasqués et les usurpateurs punis ou
histoire de plusieurs aventuriers qui, ayant pris la qualité d'Empereur, de
Roi, de prince ... ont fini leur vie dans l'obscurité. Il s'inspire pour l'Angleterre
du Père Pierre Joseph d'Orléans et de
son Histoire des révolutions d'Angleterre, 1689.
Il s'agit du faux Edouard Plantagenet, duc de Warwick (p.314 et suivantes), en réalité
Lambert Sinnel, que son tuteur, le prêtre Richard Simondi, dressa à imiter
parfaitement le maintien du vrai duc qu'il n'avait pourtant jamais vu.
Sans entrer dans le détail de la révolution qu'il suscita
pour prendre le trône vers 1486,disons que son mentor et lui-même furent finalement vaincus et que le roi
vainqueur , Henri VII (et non Guillaume III), "ne voulut point leur ôter
la vie pour les faire servir plus longtemps d'exemple; le prêtre fut confiné
dans une prison inconnue, où il passa le reste de ses jours , et le jeune homme
dans une cuisine du palais, où, par un jeu bizarre de la fortune, après avoir
assez bien fait un personnage pour lequel il n'était pas né, il s'acquitta de
celui qui était qui était conforme à sa naissance. On l'en tira quelque temps
après pour le faire fauconnier, et ce fut là que se terminèrent sa royauté et
ses honneurs. On dit qu'Henri se donna un jour le plaisir méchant de faire
servir des députés irlandais [qui avaient pris parti pour lui lors de ses
complots], dans un repas qu'il leur donnait, par ce roi imaginaire. Il punit
peut- être mieux par ce trait, dit le Père d'Orléans, la vanité de l'un et la
crédulité des autres, que par un châtiment éclatant".
On songe au Masque de
fer devenu le valet de Fouquet qui
avait certainement connu le secret de
son existence et dont Louis XIV avait redouté qu'il ne prenne son parti. La
devise de Fouquet dont le nom signifie écureuil portait en latin : Quo non ascendam ? Jusqu’où ne
monterai-je pas ? 5jusqu’à la royauté ou du moins la place de premier
Ministre]. Comme le dit M. de Chamillart
(Voltaire, Réponse à La Beaumelle), l'homme masqué "connaissait
tous les secrets de M. Fouquet", entendons le secret de sa disgrâce s'il
avait vraiment voulu soutenir ses prétentions un jour. Fouquet savait tout,
avant même son incarcération, de l'existence de cet héritier de la couronne,
grâce à son cousin Fouquet de Croissy de Marcilly qui donna au Masque, comme nous le verrons,
son nom de Marcilly. C’'est peut-être
l'une des causes, la plus profonde en tout cas, de sa condamnation dont
Louis XIV souhaitait qu'elle soit la
mort et qu'il aggrava par un acte personnel. Les papiers dont le
ministre déplorera auprès de son geôlier Saint- Mars qu'il les ait laissé
prendre à son fils après sa mort auraient pu contenir des indications sur
l'identité de notre prisonnier.
Autre indice donné à
regret par Louis XV à sa fille qui insistait, et qui écarte seulement une
fausse piste : son emprisonnement « n'a fait de tort qu'à lui-
même », c'est- à- dire que ce n'est pas Mattioli , marié et père de
famille, vivant avec sa famille et la faisant vivre, au contraire de notre
homme Masqué.
La question du valet
(servant en anglais) ou le pseudonyme de Matteo Battaglia au moment de
l'arrestation et la profession de valet (servant en anglais) de Portail,
secrétaire de Msgr Bellings.
"Comme ce n'est qu'un
valet..." a écrit Louvois à Saint-
Mars le 19 juillet 1669 à propos du Masque de fer. Cette phrase a fait
couler beaucoup d’encre, inspirant même une étude d'Andrew Lang, The Valet’s
Tragedy, où il avance l'ingénieuse hypothèse de Martin, le valet de
Roux : mais celui-ci semble bien être prudemment resté en Angleterre après
le supplice du protestant Roux de Marsilly, lequel connaissait l'identité du
futur homme masqué et entendait bien s'en servir dans sa conjuration internationale
(Suède, Suisse, Hollande, Angleterre, Espagne) pour déposer Louis XIV.
Nous exploitons des
ouvrages anglais et américain dans ce blog, en particulier celui de Monseigneur
Barnes. Et précisément, Monsignor Arthur
Stapylton Barnes nous donne une partie de la réponse nous dans son ouvrage The
Man of the Mask, a study of the by- ways of history, 1908, p.250, avec pour
références State Papers (Domestic) , 1668- 1669, p.312: le 6 mai 1669, un
passeport est émis directement par le roi d'Angleterre Jaques II, alors que les
passeports étaient normalement délivrés par le ministère des affaires
étrangères , au profit de Matteo Battaglia, , "king's servant", le
valet du roi, afin de retourner en Italie pour trois ou quatre mois et de
revenir à Londres. En somme ,c'est sous ce nom d'emprunt , Battaglia, que
s'embarque le faux abbé Pregnani (encore un pseudonyme),alias le Masque de fer,
trahi et dénoncé par le perfide Jacques II à qui il se fiait, et c'est avec cette qualité de valet qu'il est arrêté
à Calais par le capitaine de Vauroy
sur un ordre de Louis XIV du 28 juillet
1669.Or Battaglia existait bien, mais loin d'être le valet de qui que ce fût,
il était musicien ( peut -être faut-il voir là l'origine de la rumeur dont la
phrase de Voltaire est l'écho : "il jouait de la guitare") et maître
de chapelle de la reine à Saint James . Le vrai Battaglia n'alla pas en Italie
cette année- là. La question du valet, pour nous, est donc réglée.
Le pseudonyme donné au Masque après son arrestation par Louis
XIV: Eustache Dauger ou Danger.
Lorsque, le 28 juillet 1669, Louis XIV dans une lettre
à Saint- Mars, évoque "le nommé"... (en blanc )" et que dans sa
réponse du 21 août à Louvois Saint-Mars parle du "nommé Eustache
d'Anger", il faut bien admettre qu il s’agit d’une personne qui n’a jamais
existé réellement. Eustache
Dauger ou plutôt Danger (allusion
à l’origine angevine de Fouquet de Croissy et des Fouquet en général) Pourquoi
Danger, alias d’Angers ? Parce que
la famille de l’homme qui avait donné son nom à la naissance du fils d’Anne
d’Autriche et de Villiers de Buckingham était un Fouquet d’origine angevine,
seigneur de Marcilly- sur Maulne en Indre- et- Loire où l’on peut encore
voir un très beau château appartenant à la famille angevine.
La naissance du futur masque à Croissy-sur-Seine près de
Saint-Germain –en- Laye (Yvelines) le 5 ? mars 1626 et le choix
du nom de Marcilly .
Je
me suis librement inspiré des auteurs anglais ou américains : Andrew Lang The
tragedy of valet, appendice, à lire sur Google Books et The
mystery of James de la Cloche , 1903 ) , Rupppert Furneaux,The mas behind the maskj, , London,Cassel &Company,1954 ;
enfin de Paul Sonnino, The man in the
iron mask, a historical detective story, Rowman &Littlefield, Maryland, 2016.
J’ai découvert dans ce dernier, p 29, l’existence du diplomate, ami
de la Reine, du Prince de Condé et de Retz selon Retz (Pléiade, ancienne
édition, voir index et en particulier p.853, ou nouvelle édition p. 658-659)
Antoine Fouquet de Croissy de Marcilly, propriétaire de Croissy-sur-Seine
près de Saint-Germain –en- Laye (Yvelines). Là, à deux pas de la cour de
Saint-Germain-en-Laye, donc sans éveiller les soupçons, avec l’aide de la
sage-femme Madame Perronette , dont le nom nous est livré par Marcel Pagnol (Le
secret du masque de fer), la reine accoucha d’un garçon qui fut
ondoyé (il est catholique de naissance, deviendra calviniste, puis redeviendra
catholique). Il reçut le prénom de Jacques (en l’honneur des Stuart et du roi
d’Angleterre) et le nom de Marcilly. En
effet, les noms de Marchiel (registre
mortuaire de Du Junca à la Bastille) recouvre certainement celui du château de Marcilly- sur- Maulne près de Tours (Indre-et-Loire),
propriété des Fouquet et en particulier du parlementaire Antoine Fouquet de Croisset , mort en 1665 en son
château, qui portait aussi le nom de seigneur de Marcilly et avait par
dévouement pour la reine prêté son logis isolé pour abriter la naissance du
futur Masque de fer.
En effet, le noms de Marchiel (registre mortuaire de
Du Junca à la Bastille) , où l’on sent un « accentnitalien », écrit Paul
Sonnino, recouvre certainement le
château de Marcilly- sur-
Maulne près de Tours (Indre-et-loire), propriété des Fouquet et en particulier
de Fouquet de Croissy. Le cardinal Mazarin prononçait Marcilly à
l’italienne avec un l mouillé, soit Marchille ou Marchelle qui fut noté Marchiel
sur ordre de Louis XIV, la graphie ci notant
le son ch.
Quant à l’autre forme Marchialy,
non attestée directement, elle
figurait
peut-être dans un registre mortuaire aujourd’hui perdu et reproduit par Topin
en un fac-simile peu lisible, réimprimé ensuite par Funck- Brentano dans ses Légendes
de la Bastille . Tandis que le
registre du Junca et sa forme de Marchiel, eux, existent toujours , pour Marchially ( masquant la graphie
Marcally) , qui n’est pas directement
attesté, on peut penser que le i ou
le y
final peu audible chez Mazarin a été correctement restitué, le a étant l’ erreur d’un copiste . On peut rapprocher le souvenir de la
prononciation ancienne Chailly pour
Chilly, le château de Mazarin qui a pu influencer, soit le scribe, soit Mazarin
lui-même. Songeons
aussi à la conjuration du protestant Roux de Marsilly, l'année
même de l'arrestation du Masque. Le
marquis Louis Des Champs de Marcilly , interrogé au moment de l’arrestation de
Roux , indique que le nom du protestant « était seulement Roux. »
Pourquoi Roux rajouta-t-il ce nom de Marcilly à son patronyme, alors qu’il se
disait républicain ? Parce qu’il voulait que ce titre de courtoisie sonne comme une menace de
découverte de l'existence d'un fils aîné d’Anne d’Autriche appelé Marcilly et
de l’usurpation du roi, donc de l'illégitimité du monarque de droit divin.
Le prétexte nous est indiqué
par Paul Sonnino qui , grâce à de savantes recherches généalogiques , nous
apprend que son frère, p.91, avait exploité des bois près de Pithiviers, dans
la forêt de Chilleurs , à Chilleurs
-aux- Bois, et à Chilleurs- Montigny, dans le
Loiret , se référant à une ferme de Marcilly comprise dans les bois ou
bien à Marcilly-en- Villette, près d’Orléans. En trout cas, il ne semble pas
avoir jamais eu de propriété à Marcilly.
L’enfance du futur Masque.
Le
futur Masque ne pouvait rester à Croissy. Aussi le logea-t-on dans l’Indre-et-Loir
près de Tours au château de Marcilly-Fouquet. Par la suite, -nous utiliserons l‘information de Voltaire selon
laquelle Richelieu s‘est occupé de l‘enfant , - Richelieu utilisa les
châteaux de sa maîtresse, Madamen la marquise d’Effiat de Cinq-Mars, aussi bien le château de
Cinq-Mars(la- Pile en Indre-et-Loire près de Chinon) que le château de Chilly
(aujourd’hui Chilly-Mazarin près de Palaiseau dans l’Essonne). Richelieu
considérait comme sien, selon Philippe Erlanger (Le mignon du roi, p. 10),
ce château qui était plus près de Paris .
L’enfance du futur
Masque : le baron de San –Marzo au château de Cinq-Mars-la- Pile
Nous le retrouvons
peut-être dans ce mystérieux prétendu frère aîné du futur marquis de
Cinq-Mars(’amant du roi Louis XIII , le comploteur décapité) . Celui-ci qui
aurait été dépouillé de ses prérogatives d’aînesse au profit de son prétendu
frère puîné, au motif qu’il n’était pas très brillant et qu’il était porté vers
la religion, devint le baron
de Cinq-Mars , écrit correctement Saint-
Mars. Le titre de baron de San-Marzo, dont se vantera l’imposteur
napolitain, lequel a confié avoir eu en main ses papiers du Masque de fer,
titre qui a déjoué les recherches
jusqu’à maintenant, est selon moi un souvenir de Cinq-Mars,
Le complot de Cinq-Mars avait pour but de renverser Louis
XIII, soit en l’empoisonnant (ce qui a réussi après l‘échec du complot), soit
d’une autre manière, puis d’instaurer une Régence au profit d’Anne d’Autriche
en attendant la majorité du futur Masque, et de confier à Cinq-Mars –le vrai les
fonctions de Premier ministre. L’existence d’un hériter méconnu de la couronne
est le grand secret de l’opposition sous Louis XIII et sous Louis XIV, des
complots de Cinq-Mars comme du protestant Roux et du prince de Condé.
La période des études à
Nîmes
Mais la politique
l’emporta et il fut confié à des amis protestants des Cinq-Mars, leur religion
devant écarter de lui toute tentation de disputer la royauté à son frère.
Il fut alors envoyé à Effiat près de
Riom où il fut confié à des protestants,
les Portal dont il prend le nom (il
le reprendra en Angleterre). Il ne faut pas oublier que le marquis
d’Effiat est originaire de cette bourgade
d’Effiat située en Auvergne et qu’il avait confié à l’architecte
Lemercier le soin de concevoir un projet de ville gigantesque que l’homme de
l’art réalisa en fait pour Richelieu près de Chinon, dans la ville appelée
Richelieu.
Il est ensuite confié à un gentilhomme d’Auvergne,
« vieux champion des précédentes guerres civiles » (P. de Vaissière, La
conjuration de Cinq-Mars, p.43, 47 ssq, 72), Josué d’Hondredieu de
Chavanhac et à son fils François, ainsi
qu’à ses deux beaux-frères François de Calvisson
et Agnès (prénom porté par un homme) de Calvisson de Saint-Auban.
Or, Calvisson, près de Nîmes, est le lieu de naissance
du chef de la conjuration protestante
Roux, comme des Arnauld (à la ferme d’impôts desquels Roux participe) et des
Mazel, tous protestants languedociens. Ce sont eux qui trahiront à la fois Roux et le Masque : Louis XIV remerciera même
Pierre Mazel pour son aide lors de l‘arrestation de Roux : « nous avons bien voulu lui commettre, écrit
le roi, une affaire de la dernière
importance et qui regardait la sûreté de notre propre personne ».
Le futur Masque est
ainsi confié aux de Calvisson, et, protestant dès lors, il vit à Avignon,
un comté qui ne dépendait pas de Louis XIV, avec des séjours à Calvisson et à la ville
voisine de Nîmes pour des études inachevées à la faculté protestante de théologie : il lui restera des
marques importantes de cette formation.
Ses protecteurs sont
arrêtés en terre papale, à Avignon, par une
violation du droit des gens , comme d’habitude, comme
Roux le sera en Suisse.
Le fils de Chavanhac et ses deux beaux-frères Calvisson de
Saint- Auban rôdaient autour de
Tarascon, et ils étaient d’intelligence avec le beau-frère de de Thou, l’évêque
de Toulon. Après que Roux eut rencontré le futur Masque à Nîmes ou à Calvisson,
il ajouta de façon provocante Marcilly à son nom, tandis que notre Masque devint
Veiras. Le nom de Veiras,
pseudonyme qu’il reprendra en Irlande et en Angleterre, est l’anagramme de
Villiers (nom de son père Villiers de Buckingham) et de Marsilly.
Citons encore quelques
noms qui sont destinés à réapparaître dans la vie de notre héros lorsqu’il
prendra le nom de Jacques de Lacloche du Bourg de Jersays Penchons-nous d’abord sur ce nom, pour nous ridicule, de Lacloche. Il a été choisi comme
traduction de Bellings, le nom
de son maître, qui est la
traduction anglaise de l"irlandais cloca,
le signal de la messe catholique.
Dubourg est une allusion à Anne d’Autriche qui était une Habsbourg,
nom où Habs -, feint d’être pris pour la préposition latine abs
ou ab désignant la provenance, et est traduit par du.
Il faut reconnaître dans la baronnie de San Marzo le nom
du Masque, élevé avec le futur marquis
de Cinq-Mars, cher au coeur du futur
masque comme Henri de Rohan ; le marquis de Cinq-Mars sera exécuté pour complot contre la vie du roi,
après avoir été le favori et l’amant de
la reine qui l’a abandonné pour sauver la vie de son fils adultérin auprès de
Richelieu..
Le nom de Jersays
n’a rien à voir avec l’île anglo-normande de Jersey , contrairement àce qu’a
cru Msgr Barnes, ni même avec Jersey
dans l’Eure, commune d’ Illiers –l’Evêque,
mais renvoie à un ami de
Cinq-Mars, le protestant Massu de Jerzays. M. de Jersays (avec cette orthographe) était l’amant en titre
de la fille de Sully, dame de Rohan. La fille de celle-ci, dite demoiselle
de Rohan avant qu’elle n’épouse un Chabot et ne fonde la famille des Rohan-
Chabot, fut la maîtresse du meilleur ami de Cinq-Mars, protestant au demeurant,
savoir Henri Massu, marquis de
Ruvigny . C’est ce nom de Ruvigny qui se cache sous la forme de ce
mystérieux marquisat de Juvigny, legs
imaginaire à ses héritiers du pseudo -Jacques de la Cloche de Jersays de
Rohan etc. On retrouve donc tous ces noms de
Jersays, Henri de Rohan (le chef des
calvinistes français), Ruvigny, dans la vie de Jacques de La Cloche, et cela
confirme l’identité de l’aspirant catholique de La Cloche et du protestant
Veiras.
Le futur Masque eut d’autres protecteurs ;outre les Fouquet, citons Gaston d’Orléans, son demi-frère
Buckingham plus jeune que lui de
deux ans, le grand-duc de Toscane, le
grand- prévôt de Franche- Comté Borrey , Galaup de Chasteuil, «le
Très Grand auteur » de la société secrète des alchimistes et empoisonneurs, Vasconcelos, autre membre important de
cette société, qui l’introduisit auprès
de Richard Bellings et du grand aumônier lord Stuart d’Aubigny
grâce à la reine d’Angleterre qui était née de Bragance. Le futur Masque
fréquenta surtout les régions
indépendantes de Louis XIV comme le Comtat Venaissin, le Languedoc, Nice, la Franche -Comté espagnole et francophone ,
la Savoie, la Moselle actuelle,
l’Irlande, les Flandres, la Suisse, le Luxembourg, la Hollande(c’est à La Haye qu’ il rencontre le
chef des calvinistes ,Henri de Rohan), l’Irlande.
La conjuration du
protestant Roux
Il existait dans l'entourage de Roux un autre valet que ce Martin qui passionna A.
Lang, quelqu'un qui avait été valet en Angleterre (servant
en anglais) et appelé Portal ou Portail , puis Veiras (Veiras , de veirs, est
l’anagramme de Villiers [de
Buckingham] et de Marsilly).
Le livre de Sonnino nous donne la meilleure biographie de
Roux, p. 90 qq, grâce à ses savantes recherches généalogiques ; on y
apprend , par exemple, p.90, (mariage du 21 octobre 1643 de Marie
Chapuzeau , fille d’un juriste du conseil privé du roi, et de Jean Roux,
l’exploitant forestier, de Chilleurs que Henri II de Bourbon, Prince de Condé,
initialement calviniste, et son
beau-frère le duc de Longueville, sont témoins au mariage d’un parent de Roux,
-ce qui montre les implications de son complot.
Portal, puis surtout
Veiras, alias le Masque, à Londres avec la conjuration de Roux de Marcilly.
Dans une note annexée
à une lettre de Croissy, ambassadeur du roi de France, en date du 15 juin 1669,
une semaine avant l’arrestation du Masque, Croissy écrit qu'à l'annonce qui lui est faite de la
capture de Roux, Veiras (le futur Masque) répond: " que cela ne pouvait
être et qu'il en venait de recevoir une lettre qu'on croit être du 1er mai, par
laquelle il mandait qu'il était suivi, mais qu'il leur taillerait encore bien
de la besogne... » L’ambassadeur continue : « On est averti
qu'il y a depuis six ou sept mois à Londres un nommé Veiras qui est de Languedoc, et de la R. P. R. (Religion Prétendue
Réformée, calvinistes), lequel a de grandes habitudes avec le nommé Roux de
Marsilly, en sorte que l'un ne faisait rien sans la participation de l'autre et
étaient enfermés les nuits entières chiffrant conjointement ; ce Veiras se dit
envoyé de ceux de la RPR de France, il est protégé par le comte d'Orreri qui a l 'habitude de l'employer en Irlande, à cause
de la proposition que ledit Veiras lui a faite d'amener quantité de Français
audit pays .Il fréquente souvent chez le duc de Buckingham et milord Arlington et allait aussi chez
l'ambassadeur d'Espagne."
L'ambassadeur du roi
de France à Londres écrit encore:
"m'étant enquis de ce Veiras dont je vous ai écrit, j'ai su de plusieurs
endroits qu'il était le camarade (de Roux de) Marsilly, aussi méchant que lui,
employé dans les mêmes affaires, dont il a une entière connaissance et les
continue encore. Il est du même pays, était autrefois servant (valet, secrétaire, de Bellings en Irlande ) sous le nom de
Portal ) ; depuis
,s'étant intrigué dans des cabales et ayant parlé contre le roi d'Angleterre et
le gouvernement, il fut condamné à un bannissement perpétuel , nonobstant
lequel il est revenu sous le nom de Veiras, s'est associé avec Roux, a reçu des
lettres de ce scélérat pendant qu'il était en Suisse, a un chiffre avec lui, et
depuis sa détention (celle de Roux) continue ces mêmes pratiques;
il a vu souvent l'ambassadeur d'Espagne et on croit qu'il en a aussi tiré de
l'argent.
« Le même homme qui m'a donné cet avis [ l’acolyte jésuite que
le Pape avait donné à Jacques de la Cloche,
alias Veiras, pour l’accompagner
dans sa mission en Angleterre, mais dont il s’était débarrassé], que je dois vous dire , Monsieur, avoir été
ami dudit Veiras, avoir gardé ses
papiers et ne s'être brouillé que sur des dettes [argent promis s’il le
débarrassait de sa présence] et prétentions [d'être le roi légitime de
France], m ' a dit que le voulant faire arrêter, et ayant su que le comte
d'Orrery le protégeait auprès du duc de
Buckingham, il avait voulu en parler au duc, mais que l'un de ses domestiques
[de Buckingham], qui est de ses amis, lui avait dit de n'en rien faire, que
Veiras était fort bien avec ledit duc [son demi- frère] , et que lorsqu'il
ordonne à ses gens de dire à ceux qui le viennent voir qu'il n'y est pas, il en
exceptait toujours celui- là avec lequel il était quelquefois des heures
enfermé [précaution pour éviter que sa ressemblance avec le roi de France et
avec le duc ne puisse être remarquée]; ce donneur d'avis s'est même offert de faire arrêter ce Veiras
sous le prétexte de son premier bannissement et dit qu'il a un témoin qui est
le secrétaire d'un évêque qui lui soutiendra ce qu'il a dit , encore depuis peu
, de la personne du roi d'Angleterre et
de son gouvernement". De Lionne lui répond : "le roi ne veut pas non
plus que vous fassiez aucune instance au roi d’Angleterre, de quelque nature
qu'elle soit, sur le sujet de Veiras; abandonnant
cet homme à sa mauvaise conduite dont Dieu pourra fournir quelque jour les
moyens de ne pas la laisser impunie".Bel exemple de feinte clémence chez
un roi qui ne nous y a guère habitués.
Jacques de Lacloche,
lorsqu’il prendra ce pseudonyme, donnera une version édulcorée de son
bannissement par le roi en forgeant une
lettre censée
prêtée à Jacques II en date du 8 août 1668 où il évoque l’interception de
ses courriers et ses conséquences : « nous fûmes obligés […] de consentir,
aux occasions, à plusieurs choses
tournant au désavantage de plusieurs catholiques de notre royaume
d’Hybernie (l’Irlande) », savoir son bannissement.
Dans un autre
rapport, on lit :"Le papier ci- joint
qui contient un projet de requête des religionnaires (protestants) de
France au Roy de la Grande-Bretagne a
été pris audit Veiras, et est écrit, à ce qu'on assure, de sa main, que Roux de
Marsilly reconnaîtra". Il serait intéressant de pouvoir comparer l'écriture
et les idées avec celles des textes de Jacques Stuart de Lacloche. Le Ministre de Lionne écrivit aussi à son
ambassadeur : "Roux ayant fait savoir au roi qu'il désirait la grâce de lui pouvoir parler pour lui révéler des
choses qu'il ne pouvait confier qu'à sa seule personne, Sa Majesté n'a
pas voulu le voir et m'a envoyé à la Bastille" à deux reprises ;
voulait-il lui révéler l'identité et les prétentions du demi- frère du roi, le
trahissant et révélant au roi de France qu‘il avait pris l‘identité
de Veiras? Le roi d’Angleterre n’avait- il plus, dès lors, qu’à indiquer à Louis XIV la date de son
arrivée à Calais et sa fausse identité
de « Matteo Battaglia, valet du roi et musicien »? Que
signifient d'autre part les paroles « effroyables » qu'il prononce
contre le roi sur la roue et comment Louis XIV peut- il dire : "M. le
lieutenant criminel, nous voilà débarrassés d'un bien méchant
homme" ?
Les trois pseudonymes Henri
Cromwell ( nom du fils puîné du
fondateur de la république anglaise et du responsable de la décapitation du
roi) porté par le futur Masque en
Irlande, alias qui disparaît mystérieusement après 1659 ou plutôt auquel
succède , toujours en Irlande, celui de Portal: la rumeur rapportée par son
futur geôlier Saint- Mars parle , à propos du Masque de fer, d’un fils de
Cromwell , l’aîné , Richard) et Henri de Rohan annoncent la couleur car
ce dernier ,”à nous très connu et
intime”, écrit Jacques de Lacloche en
signant du roi d’Angleterre, était le chef des calvinistes. Curieux choix de pseudo pour un nouveau
converti au catholicisme.
Le pseudonyme de Borrey, grand- prévôt de la Franche-
Comté espagnole, ami de Roux et l’accompagnant en Suisse, est mal relevé et transcrit par erreur Bovere (un Bover a été le transcripteur, semble-t-il,
de là l’erreur) dans l ‘état- civil du comparse de Jacques
de Lacloche, celui qui lui a volé des papiers.
De qui ce Portal fut-il le servant, le valet,
disons plutôt le secrétaire particulier,
l'homme de confiance? Du noble Irlandais
Richard Bellings (né à Dublin 1600?
-1677), catholique, secrétaire de la Confédération irlandaise en 1642, secrétaire particulier de la reine- mère
Henriette-Marie à Somerset House (de qui
Bellings tint son secrétaire Portal) et
messager secret de Jacques II, envoyé , fin 1962, par le roi d'Angleterre à Rome avec Portal,
pour négocier l'accession au cardinalat de lord d'Aubigny ainsi que la
conversion secrète, en prime en quelque sorte, du roi au catholicisme, si le
chapeau de cardinal était accordé à son parent. C'est à Richard Bellings, pour
qui il éprouva une grande admiration, que le Masque dut sa conversion au catholicisme. Quelles
furent les deux causes de la condamnation de Portal au bannissement perpétuel?
Première cause du bannissement du futur Masque : des vues trop hardies sur
la liberté de conscience.
Notre secrétaire
rédige des lettres au pape et il les signe du nom de Jacques II : surtout, il
va trop loin dans ce qu'il fait écrire au chef de l'Eglise anglicane, même en
latin.
"(Le roi) déclare qu’il déteste le déplorable schisme et
l'enseignement hérétique introduit par Luther, Zwingli, Calvin, Menon
[fondateur des Menonites aux Pays-Bas], Socinius pour Sodinius, Brown [Robert
Brown , fondateur du Congrégationnisme], et autres maudites créatures de cette
sorte, car il sait d'amère expérience, et mieux que personne dans ses trois
royaumes de Grande-Bretagne, d'Ecosse et d'Irlande, quels puissants démons ont
été introduits par la soi-disant Réformation, qui mériterait d'être appelée la
Déformation. Car cela a jeté bas tout gouvernement établi et a introduit une
confusion digne de la tour de Babel à la fois dans l'Eglise et dans
l'Etat". « Remarquable déclaration de foi », constate
sereinement le catholique Msgr. Barnes, p.155, 1908, à comparer avec les
déclarations signées de Jacques de La Cloche (lettre du 7 septembre 1668) : « la religion
protestante, à laquelle nous faisons
semblant d‘être attaché plus que jamais, quoique devant dieu qui connaît
les cœurs nous l‘abhorrions comme très fausse et pernicieuse… » Suivent 24
notes très hardies, annonciatrices de la constitution civile du clergé sous la
Révolution française, en faveur d'une Réunion concordataire de la papauté et de
l'Angleterre, Barnes, P. 155-156,
et Laloy, Enigmes du grand siècle,
1913, p, 17 : "Les archevêques et évêques en fonction qui donneraient leur
adhésion à ce concordat devraient être confirmés par trois légats apostoliques
nommés pour cela uniquement. L'archevêque de Cantorbéry deviendrait le patriarche des trois royaumes et
le chef de l'administration ecclésiastique, sauf dans certaines matières
réservées à un légat ad hoc, qui devrait être de nationalité anglaise et
résider en Angleterre. Le reste du gouvernement de l'Eglise serait dirigé par
des synodes diocésains annuels et par un concile national se réunissant à des
dates fixes. Le roi nommerait les évêques et les biens de l'Eglise confisqués
seraient maintenus à leurs possesseurs actuels. Les prêtres mariés
conserveraient leur femme, mais ceux qui seraient ordonnés par la suite
observeraient le célibat. La messe serait célébrée en latin, mais accompagnée
de cantiques en anglais, et l'Eucharistie serait donnée sous les deux espèces à
ceux qui le souhaiteraient. La liberté de conscience serait accordée à tous, ni
Charles ni ses successeurs ne pourraient être obligés de traiter cruellement
les Protestants Quelques congrégations seraient autorisées, même les jésuites
dans l’enseignement, ainsi que d'autres pour les soins hospitaliers.".
Seconde cause du
bannissement : les menaces
contre le Pape
Bellings et le futur Masque ont rendu visite au cardinal de
Retz à Paris sur la route de Rome. Notre
Masque, sous le pseudonyme de Retz,
va à Hambourg, d’ où il menace le Pape
d'expédier une flotte de vingt navires devant Civita- Vecchia s'il n'obtempère pas à la demande de
cardinalat pour lord d’Aubigny.
Après sa condamnation
au bannissement, Portal change de pseudonyme et
devient le protestant Veiras
, anagramme de Villiers (de Buckingham) et de Marcilly, et entre dans la conjuration
de Roux pour prendre le pouvoir en France. Il joue là un jeu difficile :
en 1669, il est à la fois le catholique faux abbé Pregiani auprès du roi Louis
XIV et le protestant Veiras auprès de Roux,très républicain.
Il nous reste à étudier deux épisodes importants de sa
vie : l’épisode romain et l’épisode anglais.
I L’épisode
romain : Jacques de la Coche.
La conversion à Rome au catholicisme : le novice jésuite
répondant au pseudonyme de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de
Jersay.
Le futur masque n’avait pas de certificat de baptême et ne pouvait aucunement prouver son
identité. Il lui en fallait un s’il voulait devenir novice. Qu’à cela ne
tienne ! Il rédige en latin un faux
certificat qu’il signe de l’ex-reine
Christine de Suède, convertie au catholicisme et vivant à Hambourg :
« Jacques Stuart,
incognito sous le nom de De la Cloche du
Bourg, naquit dans l’île de Jersey (sic !) et il est le fils naturel
de Jacques II, roi d’Angleterre. Sa
Majesté britannique nous a reconnu en privé qu’il était bien tel. Il fut élevé
dans la secte calviniste, mais il l’a aujourd’hui quittée pour se joindre à la
Sainte Eglise Romaine à Hambourg le 29 juillet 1667. Nous avons trouvé bon de
confirmer et d’attester ceci de notre main, même si cela n’est pas dans nos
habitudes, afin que dans sa situation extraordinaire il puisse être capable
d’ouvrir son cœur à son directeur en confession et de chercher conseil pour le
salut de son âme.
(Cachet) Christina Alexandra »
Il se garde bien de nous indiquer ses parrain et marraine. Il
choisit aussi le nom sous lequel il
prétend s’être fait baptiser, Jacques de
Lacloche du Bourg de Jerzais, en souvenir de l‘ami protestant de Cinq-Mars . Pourtant,
rappelons-le, notre Jacques de Lacloche de Jersay n’a aucune ascendance dans
l’île anglo-normande de Jersey , il le reconnaît lui- même dans la lettre
prêtée à Jacques II du 7 septembre 1668 : « Votre Révérendissime
Paternité fera courir le bruit qu’il (Jacques de Lacloche) est allé à Jersé ou
Hanton (le port de Southampton) voir sa mère prétendue qui se
veut faire catholique, comme nous avons mis et dissimulé (cherché à faire
croire) dans cette autre lettre »[lettre du 3 août et surtout du 29
août 1668: « nous lui avons ordonné d‘aller à Jersé et à Hanton (le
port de Southampton) , …qu‘il feigne à
Votre Révérence qu‘il est fils d‘un riche prédicant, lequel étant mort depuis
quelque temps , sa mère mue de quelque envie de se faire catholique et
de lui donner le bien qui lui appartient, lui a écrit et qu‘ainsi Votre
Révérendissime paternité, désireuse du salut de cette personne et de la faire
catholique, voyant aussi qu’il peut avoir son bien, lui permettra facilement
d’aller (en Angleterre) ».]
Un problème
compliqué : les trois personnes impliquées dans le voyage sur Paris e t
les deux abbés Prégiani, le vrai et le faux. .
Le pape avait exigé la
présence d’un autre novice francophone, dont nous savons seulement qu’il était
languedocien, aux côtés de Jacques de la Cloche, ce qui ne pouvait plaire à ce
dernier. Il réussit à s’en débarrasser
en lui promettant peut-être de
l’argent ; mais celui-ci le rejoindra en Angleterre et c’est lui qui le
livrera.
Toutefois, Jacques de la Cloche à Naples
rencontra un autre français, qui avait peu de scrupules et lui vola son
identité. Cet escroc s’éprit de la fille
de sa logeuse à Naples. Malheureusement
pour lui, il mourut quelques mois après le mariage, le 7
septembre 1669 et on l’a pris pour
Jacques de la Cloche.
Il nous faut réfuter la thèse généralement adoptée
aujourd'hui qui fait mourir Jacques de
La Cloche lui-même à Naples le 7
septembre 1669 .Il s’agit manifestement , non de Jacques de la Cloche, mais de l’escroc
qui lui a volé son identité. De même l’abbé Prigiani auquel Jacques de la
Cloche empruntera son nom survivra à l’arrestation du faux Prégiani, le Masque
de fer. Primi Visconti , dans ses Mémoires, le signale à Rome où il meurt en 1779, de syphilis. Mais ce
n’est pas le Masque de fer.
Le départ de Rome pour
l’Angleterre ou exit Jacques de La Cloche
et l’apparition du faux abbé Prégiani.
Ainsi, notre ancien membre de la Religion Prétendue Réformée,
Portal, puis Veiras, s’était converti au catholicisme et il était même devenu
novice à Rome chez les jésuites, sous le
nom de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de Jersay. Il forge diverses lettres
qu'il signe de Jacques II, roi
d'Angleterre ,dont des actes de reconnaissance du roi Jacques II comme étant
son fils naturel, puis se fait rappeler à Londres par une fausse lettre de
celui-ci au général des jésuites .Une autre lettre du roi ( en réalité de notre
Jacques lui-même), d'une naïveté touchante , témoigne de l'ennui que cause au
roi pour son fils bien- aimé cette
obligation faite aux jésuites de voyager accompagné par un acolyte , règle dont
le roi demande , en vain, l'exemption au
général des jésuites . Le roi (entendons Jacques de Lacloche) interdit à son
prétendu fils de le rejoindre en Angleterre avec un jésuite italien : même
si c’est un Français, celui-ci ne devra pas l’accompagner en Angleterre. C’est
ce que le général des jésuites acceptera
en partie en donnant au futur
faux abbé Prégiani un acolyte francophone,
dont jacquyes de la Cloche se débarrasser avant d’atteindre Naples, mais qui le
rejoindra en Angleterre et le trahira. Au lieu de se rendre à Libourne pour gagner Paris et Londres, ils prennent
tous deux la direction inverse et arrivent à Naples, patrie du vrai abbé
Prigiani (un agent du grand-duc de
Toscane et affidé de la société
secrète des alchimistes). A Naples résidait un abbé de San Aniello , faisant partie des chanoines réguliers de Saint-Sauveur , et Jacques de La Cloche se fait confesser
par lui : "Jacques poursuivit avec une grande fréquence et ferveur
ses exercices de religion... Il ne donna sur lui - même à ce confesseur que des
renseignements équivoques et obscurs, disant que son père était un grand
seigneur anglais (le duc de Buckingham, protestant) et que sa mère, également de grande maison,
professait la vraie foi de l’Eglise
romaine (l'espagnole et catholique Anne d’Autriche) ; il avait lui-
même abjuré l'hérésie et s'était converti, éclairé par d'excellents religieux
(Bellings)."
Tandis qu'il se livre
à ses exercices religieux,l’ escroc qui lui avait volé son identité tombe
amoureux de la logeuse d'une l'auberge et, la mariée attendant un
héritier, il doit se marier d'urgence le
10 février 1669, sous le nom ronflant de dom
Jacobus Henricus de Boveri (Borrei, le prévôt de Franche-Comté) Roano (Henri de Rohan), anglicani (calviniste) et baron
de San Marzo . Dans son testament,
sur son lit se mort, il fait des dons fastueux, engageant un marquisat
imaginaire de Juvignis, valant 300 000 doublons et plus : selon nous, c’est
l’altération du nom du marquis de Ruvigny, le protestant qui
était l’ami de Cinq-Mars et l’amant de Mademoiselle de Rohan.
Avant la célébration
du mariage, Jacques de Lacloche
, sous le nom de Jacques Stuart, le quitte en lui laissant une partie
des doublons remis par le général des jésuites, trop heureux de se retrouver
libre et seul. On remarque que son
acolyte en parle comme d’un chevalier appartenant à l’Ordre de Malte.
Or, le «Très Grand Auteur » de la société secrète des
alchimistes, François Galaup de
Chasteuil, se faisait appeler” le chevalier” et, en
1644, il était devenu chevalier de l'ordre de Malte, car il avait rendu
à l'ordre des services signalés : le grand- maître en personne, Lascaris, avait
attaché sur sa poitrine la croix d'honneur.
Jacques de Lacloche se rend à Paris en passant justement par le château
italien appartenant à Galaup de Chasteuil, le château de Verceil, où il reçoit
argent et mission.
Il rend aussi, probablement, visite au grand-duc
de Toscane qui lui confirme sa mission
et rend visite à Henriette d’Angleterre,
puis arrive à Londres où il rencontre Jacques II.
Que prétendait faire
le frère aîné de Louis XIV en soutenant le complot de Roux de Marcilly d’une part et d’autre part en
jouant le convertisseur au catholicisme de Jacques II, lui l’ancien calviniste? Pourquoi ce plan,
fou en apparence, l’amenant à se dire le
fils naturel de Jacques II, ce qu’il savait être faux?
Il voulait , d’une
part, en ramenant le royaume d’Angleterre dans le sein de l’Eglise , faire ce
que réussit à sa place Dom John Hudletone qui donna l’extrême onction
catholique à Jacques II, le convertissant
in extremis le 5 février 1685.
Mais, pour cela, il fallait que le futur Masque puisse approcher le roi sans
donner de soupçon à la cour que « le papisme et les sabots », voire
les jésuites , rôdaient : tel est le but du stratagème du faux abbé
soi-disant théatin (donc non- jésuite) Prégiani approchant le roi sous
couleur d’astrologie et d’expériences de chimie et celui de l’invention d’un fils naturel du roi.
Ignorant des
difficultés que la papauté lui opposerait nécessairement puisqu’on ne peut être
catholique en secret ni ordonné prêtre sans attester de son identité, naïf en
somme, il écrit sous la signature de son père supposé Jacques II (lettre du 3
avril 1668) :
« il y a longtemps que nous prions Dieu de nous faire
naître l’occasion de pouvoir trouver une seule personne dans nos royaumes de
qui nous puissions nous fier touchant l’affaire de notre salut sans donner
ombrage à notre cour que nous fussions catholique. La providence de Dieu a pourvu et secondé nos
désirs, nous faisant naître ( !) à la religion catholique un fils auquel
seul nous pouvons nous fier dans une affaire si délicate. Il sera toujours
assez capable pour nous administrer en secret les sacrements de la confession et
de la communion (la conversion au catholicisme) que nous désirons recevoir au
plus tôt. »
Le faux Jacques II continue : « Si notre cher et bien
aimé fils n’est prêtre , et s’il ne peut pas l’être sans faire savoir
publiquement son véritable nom et sa naissance [autre que Jacques de La Cloche ],
ou pour autres circonstances (ce que nous disons pour ne savoir pas votre manière
d’agir en ces rencontres) . En ce cas, qu’il ne se fasse plutôt point prêtre à
Rome que de rien dire aux évêques ou prêtres qui il est, mais qu’il passe par Paris… Le roi et Henriette
d’Angleterre trouveront et auront le pouvoir de le faire prêtre, sans que l’on
sache qui il est et avec tout le secret possible, comme nous nous persuadons.
Si ce n’est que, sans tant de détours, il aime mieux venir à nous sans être
prêtre, ce qui sera peut- être le mieux, puisque nous pourrons faire la même
chose par le moyen de la reine notre honorée mère ou de la reine régente
qui pourront avoir à leur volonté évêques, missionnaires ou autres, pour faire
la fonction, sans que l’on sache et s’aperçoive de quoi que ce soit. »
A noter le lapsus
calami freudien révélateur: au lieu de la reine régnante (il s’agit
de la femme du roi d‘Angleterre, lettre du 3 août 1668), le futur masque écrit
la reine régente. Il récidive dans sa lettre du 29 août, tant l’idée de
sa propre régence lui tient à cœur.
Sur le même point (lettre du 29 août 1668) : « S’il y a
quelque chose que l’évêque ordinaire (de Londres) ne puisse pas faire sans
permission de Sa Sainteté, que (Jacques
de La Cloche) ne manque pas de pourvoir
très secrètement (à son ordination), en telle sorte qu’on ne vienne point à
savoir qui il est ; ce qu’il fera, s’il
peut, auparavant que de partir de Rome. » Le 4 août, il semble se
résigner volontiers à ne pas devenir prêtre, prétextant que ses forces et sa
constitution sont trop faibles Et puis « On peut être bon catholique sans
être religieux.» Passez muscade ! Bref, il y avait trop de difficultés
pour être ordonné, si bien que l’invention d’un abbé alchimiste et astrologue
se révèle indispensable. Exit Jacques
de La Cloche!
2 L’épisode anglais
et le faux abbé Prégiani, agent de Louis XIV ( !) destiné à convertir
secrètement le roi d’Angleterre au catholicisme.
Nous employons l'orthographe Prégiani, distinction très relative, mais commode, pour différencier le faux abbé du vrai dont nous orthographions le
patronyme Prigiani, abbé
napolitain qui a survécu à l'arrestation du Masque, et qui mourut à Naples - ce
qui a amené à tort Barnes et Laloy à revoir leur copie lorsqu'ils ont été
persuadés que l'abbé Pregiani et le Masque de fer ne pouvaient être le même
homme. C'est ce faux abbé Pregiani qui, sous le nom de Matteo Battaglia,
valet (servant) du roi,
sera arrêté par le major de Vauroy aux alentours de Dunkerque deux jours après
le départ signalé de notre abbé pour l'Italie
en passant par Paris.
Le signe qu'il s'agit
bien de notre homme nous est donné par Jacques II dans une lettre chiffrée en anglais, du 20 janvier 1669, à sa
soeur Madame Henriette d’Angleterre,
duchesse d’Orléans. Louis XIV détruira
cet échange de correspondance après la
date du 24 juin 1669, nous privant, bien entendu, de ce qui concerne le secret du Masque de fer
. Il reste la lettre de Jacques II à sa sœur Henriette : "j'en étais
arrivé ici de ma lettre, quand je reçus
la vôtre par l'Italien dont vous ne connaissez pas le nom ni la qualité ( !),
et il me la remit dans un passage où il faisait si noir que je ne reconnaîtrais
pas sa figure si je le voyais de nouveau (ceci se passe au palais de
Whitehall!) Cet homme réussira sans doute (ironie) puisque sa recommandation
(il n’en aucune puisque Henriette ne connaît, écrit-elle, ni son nom ni sa
qualité) et sa réception (dans le noir) s’harmonisent si bien. » Le roi
est aussi prudent que sa soeur : ils ne
veulent pas avoir aperçu la ressemblance criante entre le messager
italien et Louis XIV.
Le même tabou
d’évitement se retrouve dans le comportement de Louis XIV vis- vis du faux
abbé, tel que son ministre de Lionne en fait part à son ambassadeur à
Londres le 13 février 1669 :"Sa Majesté
défend (à l'abbé) de rien écrire
ici, tant qu'il sera en Angleterre, non pas même à moi, Sa Majesté ne voulant rien
connaître que par votre seul canal, comme il est juste; et que par conséquent, quelque
chose qu'on lui pût dire dont on lui demandât le secret à votre égard, il doit
vous le dire tout; et que s'il manquait à cela, et qu'il le fît passer ici sans
votre participation, Sa Majesté, quelque avantageuse que lui pût être la chose,
lui enverrait aussitôt ordre de s'en revenir".
Les trois missions secrètes
de l'abbé sont fort embrouillées :
1)La seule dont l'ambassadeur ait connaissance consiste dans
la négociation du traité secret de
Douvres par lequel la France, catholique
s'unit à la protestante Angleterre contre la protestante Hollande, avec
en plus un salaire versé secrètement au
roi d'Angleterre. Sont au courant seulement le roi de France, l'ambassadeur à
Londres, le ministre de Lionne , le roi d'Angleterre et sa soeur Henriette , puis, rapidement,
par les indiscrétions de l'ambassadeur, l'abbé et son demi-frère le
ministre protestant Buckingham.
2) Mais ce n'est là que l'aspect le plus clair de sa
mission : pour doubler l'ambassadeur dont c'est pourtant la fonction, le roi de
France a consenti à envoyer, sur la demande de Jacques II , un abbé en apparence astrologue et chimiste
sous le prétexte de la première mission, mais en réalité destiné à enseigner secrètement à Jacques II les
éléments du catholicisme pour le préparer à sa conversion. Seuls Jacques II, sa soeur Henriette et
l'abbé sont au courant de son désir secret de se convertir : c’est ce que
Charles appelle le "grand secret" dont Msgr Barnes raconte
très bien les détails. On trouvera , après la mort de Jacques II, dans sa
poche, avec des reliques liées également à quelqu'un qu'il a trahi (l’abbé), des papiers de
controverse religieuse rédigés par l'abbé en français (Barnes, op. cit, . p.262), le texte français se
trouvant dans les archives du Vatican, et une autre version existant, traduite en anglais, -tout ceci montrant que l'abbé (précédemment le
séminariste jésuite Jacques de La Cloche) s'est bien acquitté de la mission
voulue par Jacques II, mission dont Louis XIV se souciait comme d'une guigne et qu'il ne lui avait
aucunement confiée, puisqu'il ignorait le désir de Jacques II de passer au
catholicisme secrètement . Le roi
d’Angleterre préfèrera trahir l'abbé plutôt que celui qui le stipendie, le roi
de France, et lui indiquera la date où
l'abbé quitte l'Angleterre et sous quelle identité (celle du valet Battaglia).
3) Mais la mission la plus secrète et la plus
invraisemblable,c’est celle que Louis IV
confia, non sans hésitation , au faux abbé Pregiani, peut-être sur
l’imprudente demande de ce dernier auprès de
la seule intermédiaire que le roi acceptait, Henriette
d’Angleterre : cette mission consistait à donner au roi de France des informations sur l'homme qui se faisait
passer pour l'héritier légitime de la couronne de France, Veiras, l’homme qui était le fer de lance et
l'arme secrète de la conjuration de Roux de Marsilly, -cet homme qui n'était autre que lui-même !
Pourtant, Louis XIV,
méfiant, n’accepte, ni de rencontrer l’abbé, ni de
recevoir de missive de sa part. Lorsque, plus tard , le roi de France voudra s'enquérir
auprès de Fouquet si Eustache Dauger, emprisonné
avec lui et lui servant de valet, c’est-à-dire l’abbé Prigiani , avait révélé devant
l'autre valet de Fouquet, Larivière, "ce
à quoi il avait été employé (par le roi Louis XIV-le passif
impersonnel est révélateur!) avant son arrestation" , ce n'est que de la 3e mission qu"il
s'agit, celle qui révèle l'inquiétude du roi sur l’identité du prétendant. Et ceci démontre bien que Fouquet
savait tout avant son incarcération à Pignerol en 1661. De même, lorsque
Jacques II écrit à sa soeur le 7 mars 1669 : "J'ai constaté que l'abbé
Pregnani avait beaucoup d'esprit, mais vous pouvez être sûre que je n'entrerai
pas en liaison avec lui plus qu'il ne convient aux renseignements que vous m'en
avez donnés" "Your character" signifie, non pas comme
Laloy le traduit, p.74," à votre caractère", mais : à la description
de l'individu).
Richard Bellings est
l'homme -clé qui a mis en relation notre
futur Masque et Jacques II : c’est Bellings qui est intervenu à deux reprises comme
représentant personnel secret de Jacques II , une première fois vis- vis du
Saint-Siège pour négocier le chapeau de cardinal de lord d’Aubigny d'abord,
puis une seconde fois vis- vis de Henriette d’Angleterre. Malgré le
fait que le futur Masque ait été trop
loin la première fois et que, condamné
au bannissement, il ait dû changer de
pseudonyme, il est resté dans les meilleurs termes avec son maître.
La lettre du 8 août
1668 (citée par Msgr Barnes, op. cit., p.305 et 306) et fabriquée
par Jacques de Lacloche annonce le plan qu'il mettra en oeuvre sous le
pseudonyme du faux abbé Pregiani :
approcher Charles pour lui expliquer la supériorité du catholicisme sans donner
de soupçons aux protestants, sous le prétexte qu'il serait son fils naturel,
avant même que le roi n’ait songé au paravent de l'astrologie et des
expériences de chimie, dès lors qu'il aura obtenu pour le souverain le
privilège d'être catholique dans son for intérieur tout en demeurant provisoirement
le chef de l'Eglise anglicane :"Quoiqu'il y ait eu ici (à Londres) une
multitude de prêtres, tant au service de la reine dont une partie a habité dans
nos palais de Saint- James et de Sommerset
-House, que dispersés dans toute notre ville de Londres, toutefois nous
ne pouvons nous servir d'aucun, pour l'ombrage que nous pourrions donner à
notre cour par la conversation de telles gens qui, sous quelques déguisements
d'habits qu'ils puissent avoir, sont aussitôt reconnus pour ce qu'ils sont...
Comme il (Jacques de La Cloche ) n'est ici connu en aucune façon, ...nous
pouvons en toute sûreté converser avec lui et exercer en secret les mystères de
la religion catholique, sans donner ombrage à qui que ce soit de notre cour que
nous soyons catholique, ce que nous ne pouvons faire avec aucun missionneur ( anglicisme pour prêtre de
paroisse), tant aussi pour la confiance que nous avons de lui ouvrir notre
conscience avec toute liberté et sincérité, comme à une partie de nous-même
...Dieu s'en veut servir pour notre salut".
La pierre
d’achoppement, ce sera son identité sulfureuse et son soutien au protestant
Roux de Marsilly, poussant le roi d’Angleterre à dénoncer son ami à celui qui
le rémunère chaque mois : Louis XIV.
L’opposition à Louis XIV,
ou Voltaire avait- il raison à propos de
l'Homme au Masque de Fer? Réexamen de mon blog précédent à la lumière du livre
récent de Marc Sonnino, The search for the man in
the iron mask, a historical detective story.
C'est Voltaire qui a créé le mythe du Masque
de Fer en 1751 dans Le Siècle de Louis XIV et, comme la question avait
piqué sa curiosité, il continua à s'interroger toute sa vie à ce sujet : dans
le Dictionnaire philosophique, à l'article Anecdotes, en 1764, il
discute diverses hypothèses sur son
identité ; enfin dans ses Questions
sur l'Encyclopédie, 2e édition (1771), il révèle qu'il s'agissait, non d'un
jumeau, mais d'un frère aîné de Louis XIV
qui était le fils de la reine
Anne d'Autriche (espagnole malgré son nom), l’épouse de Louis XIII, et du
duc George Villiers de Buckingham , fils légitime en quelque sorte (is est pater quem nuptiae denuntiant)
, né en 1626 , ce qui expliquait à
la fois sa ressemblance criante avec Louis XIV et le danger d'une contestation de
la légitimité de ce dernier en vertu du droit d'aînesse et en vertu du fait
qu'il était né dans les liens du mariage, -surtout si l'on pouvait de surcroît
accuser Louis XIV de ne pas être le fils de Louis XIII, mais de quelqu'un de
beaucoup plus basse extraction que le duc de Buckingham, comme le duc de
Bellegarde.. L ‘assassinat de Buckingham par Felton devrait beaucoup à
Louis XIV, a fait observer Dufet de l’Yonne, entendons qu’il a été inspiré par
lui. Seul Jean Baptiste Regnault- Warin,
dans L’homme
au masque de fer, Paris, 1804,4 vol., reprit sous forme romanesque la thèse
de Voltaire ; Dumas et les romantiques reprirent l’idée du jumeau.
De qui Voltaire,
sous le sceau du secret, tenait-il ses informations? De Madame de
Saint-Quentin, la maîtresse du marquis de Barbezieux, fils de Louvois, qui
avait succédé à son père comme Ministre de la Guerre, l'un des derniers à
connaître le secret puisqu'il gérait le sort du prisonnier. En 1782, le marquis de Luchet, dans le Journal
des Gens du monde (tome IV, n°23, page 282 et suiv.) “fit honneur à
Buckingham de la paternité en litige. Il cita en témoignage une demoiselle de
Saint-Quentin, ancienne maîtresse du ministre Barbezieux, morte à Chartres vers
le milieu du dix-huitième siècle : selon elle, Louis XIV avait condamné
son frère aîné à une détention perpétuelle, et
la parfaite ressemblance des deux frères avait nécessité
l’intervention d’un masque pour le
prisonnier” .
Selon le bibliophile
Jacob, la première œuvre, anonyme, en
1745, à parler du prisonnier, les Mémoires de Perse, serait de Voltaire
qui s’était engagé auprès de son informatrice à ne jamais parler du Masque et qui s’est ainsi donné un prétexte pour pouvoir ensuite en parler sous sa signature,
la chose étant dès lors révélée.
Soulignons qu'aujourd'hui encore ce texte de Voltaire
est censuré, par exemple dans les Oeuvres historiques de Voltaire
publiées par René Pomeau dans la Pléiade, p. 1714, on lit le mensonge par
omission :"Voltaire a noté dans ses Notebooks (p. 124) que le
mystérieux prisonnier était "soupçonné d'être un frère aîné de Louis
XIV", sans la mention de Buckingham, son père.
En 1790, Charpentier,
président d'une commission révolutionnaire destinée à inventorier les archives ,
reprend la même tradition dans La Bastille Dévoilée avant que la piste
politiquement correcte de Mattioli ne devienne la vérité officielle.
La Reine a-t-elle eu
des rapports féconds avec cet homme qu'elle aimait?Le cardinal de Retz nous répond dans ses Mémoires : Madame
de Chevreuse avait confié à son ami le Cardinal à propos de la reine "que le seul homme qu'elle avait aimé
avec passion avait été le duc de Buckingham; qu'elle lui avait donné
rendez-vous, une nuit, dans le petit jardin du Louvre ; que Mme de Chevreuse,
qui était seule avec elle, s'étant un peu éloignée, elle entendit du bruit
comme de deux personnes qui se blutaient [le texte porte se lutter par
méconnaissance du vieux mot bluter, remuer le tamis, donner la
saccade, qu'on trouve chez Rabelais au
sens de faire l'amour]; que s'étant rapprochée de la Reine, elle la trouva fort
émue, et M. de Buckingham à genoux devant elle; que la Reine, qui s'était
contentée, ce soir, de lui dire, en remontant dans son appartement, que tous
les hommes étaient brutaux et insolents, lui avait commandé, le lendemain au
matin, de demander à M. de Buckingham s’il était bien assuré qu'elle ne fût pas
en danger d'être grosse ". Au
lieu du Louvre, d’autres historiens situent la scène dans un jardin d’ Amiens, entre le 7 et le16 juin 1725. Mais Buckingham n’était
pas homme à prendre de telles
précautions. A côté de ces
indiscrétions rapportées par le Cardinal, mettons les paroles du Régent qui
déclara que c'était un fils d'Anne d'Autriche.
Mais quels sont les
textes que Voltaire a pu connaître?
D'abord, celui de
René, Auguste, Constantin de Renneville
dans L'inquisition française, ou l'histoire de la Bastille, par
Mr. C. de R., Amsterdam- Leyde, 1724, 4 vol., avec un Supplément à
l'histoire de l'inquisition française, 438 p. Il fut prisonnier à la
Bastille de 1702 à 1713, et y occupait
une pièce juste sous celle du Masque de fer avec qui il tenta de communiquer en
frappant au plafond : il apprit de lui qu'il était un "abbé
italien", mais celui-ci refusa de lui dire son nom (p. 122, édition
1715, références données par Monsignor A. S. Barnes, The man of the mask, 1908).Selon nous, il s'agit
bien du pseudo -abbé Pregiani, avatar napolitain de Jacques Stuart de La Cloche
du Bourg de Jersais : donc du Masque de
fer.
La Princesse palatine, belle- sœur de Louis XIV, nous parle
de lui dès 1711 en disant qu'il
communiait masqué, qu'il était très dévot et lisait continuellement, et elle
ajoute plus tard n'avoir rien pu apprendre à son sujet, sinon qu'il s'agissait
d’ « un milord anglais qui avait été mêlé à l'affaire du duc
de Berwick contre le roi Guillaume. ".
Le milord anglais
fait allusion aussi à l’abbé Pregiani. Quant au duc de Berwick, c’était un fils
naturel de Jacques II vivant à l'époque où la Palatine écrivit ces mots. Ce peut être une allusion au fait que l’abbé
Pregiani se soit présenté comme un fils naturel de Jacques II également. Mais
cette princesse trop curieuse a pu
confondre Berwick et Warwick.
Pour savoir quelles analogies
existaient entre le Masque de fer et Warwick , interrogeons l’ouvrage de Esprit
Joseph Chaudon (1776), Les imposteurs démasqués et les usurpateurs punis ou
histoire de plusieurs aventuriers qui, ayant pris la qualité d'Empereur, de
Roi, de prince ... ont fini leur vie dans l'obscurité. Il s'inspire pour l'Angleterre
du Père Pierre Joseph d'Orléans et de
son Histoire des révolutions d'Angleterre, 1689.
Il s'agit du faux Edouard Plantagenet, duc de Warwick (p.314 et suivantes), en réalité
Lambert Sinnel, que son tuteur, le prêtre Richard Simondi, dressa à imiter
parfaitement le maintien du vrai duc qu'il n'avait pourtant jamais vu.
Sans entrer dans le détail de la révolution qu'il suscita
pour prendre le trône vers 1486,disons que son mentor et lui-même furent finalement vaincus et que le roi
vainqueur , Henri VII (et non Guillaume III), "ne voulut point leur ôter
la vie pour les faire servir plus longtemps d'exemple; le prêtre fut confiné
dans une prison inconnue, où il passa le reste de ses jours , et le jeune homme
dans une cuisine du palais, où, par un jeu bizarre de la fortune, après avoir
assez bien fait un personnage pour lequel il n'était pas né, il s'acquitta de
celui qui était qui était conforme à sa naissance. On l'en tira quelque temps
après pour le faire fauconnier, et ce fut là que se terminèrent sa royauté et
ses honneurs. On dit qu'Henri se donna un jour le plaisir méchant de faire
servir des députés irlandais [qui avaient pris parti pour lui lors de ses
complots], dans un repas qu'il leur donnait, par ce roi imaginaire. Il punit
peut- être mieux par ce trait, dit le Père d'Orléans, la vanité de l'un et la
crédulité des autres, que par un châtiment éclatant".
On songe au Masque de
fer devenu le valet de Fouquet qui
avait certainement connu le secret de
son existence et dont Louis XIV avait redouté qu'il ne prenne son parti. La
devise de Fouquet dont le nom signifie écureuil portait en latin : Quo non ascendam ? Jusqu’où ne
monterai-je pas ? 5jusqu’à la royauté ou du moins la place de premier
Ministre]. Comme le dit M. de Chamillart
(Voltaire, Réponse à La Beaumelle), l'homme masqué "connaissait
tous les secrets de M. Fouquet", entendons le secret de sa disgrâce s'il
avait vraiment voulu soutenir ses prétentions un jour. Fouquet savait tout,
avant même son incarcération, de l'existence de cet héritier de la couronne,
grâce à son cousin Fouquet de Croissy de Marcilly qui donna au Masque, comme nous le verrons,
son nom de Marcilly. C’'est peut-être
l'une des causes, la plus profonde en tout cas, de sa condamnation dont
Louis XIV souhaitait qu'elle soit la
mort et qu'il aggrava par un acte personnel. Les papiers dont le
ministre déplorera auprès de son geôlier Saint- Mars qu'il les ait laissé
prendre à son fils après sa mort auraient pu contenir des indications sur
l'identité de notre prisonnier.
Autre indice donné à
regret par Louis XV à sa fille qui insistait, et qui écarte seulement une
fausse piste : son emprisonnement « n'a fait de tort qu'à lui-
même », c'est- à- dire que ce n'est pas Mattioli , marié et père de
famille, vivant avec sa famille et la faisant vivre, au contraire de notre
homme Masqué.
La question du valet
(servant en anglais) ou le pseudonyme de Matteo Battaglia au moment de
l'arrestation et la profession de valet (servant en anglais) de Portail,
secrétaire de Msgr Bellings.
"Comme ce n'est qu'un
valet..." a écrit Louvois à Saint-
Mars le 19 juillet 1669 à propos du Masque de fer. Cette phrase a fait
couler beaucoup d’encre, inspirant même une étude d'Andrew Lang, The Valet’s
Tragedy, où il avance l'ingénieuse hypothèse de Martin, le valet de
Roux : mais celui-ci semble bien être prudemment resté en Angleterre après
le supplice du protestant Roux de Marsilly, lequel connaissait l'identité du
futur homme masqué et entendait bien s'en servir dans sa conjuration internationale
(Suède, Suisse, Hollande, Angleterre, Espagne) pour déposer Louis XIV.
Nous exploitons des
ouvrages anglais et américain dans ce blog, en particulier celui de Monseigneur
Barnes. Et précisément, Monsignor Arthur
Stapylton Barnes nous donne une partie de la réponse nous dans son ouvrage The
Man of the Mask, a study of the by- ways of history, 1908, p.250, avec pour
références State Papers (Domestic) , 1668- 1669, p.312: le 6 mai 1669, un
passeport est émis directement par le roi d'Angleterre Jaques II, alors que les
passeports étaient normalement délivrés par le ministère des affaires
étrangères , au profit de Matteo Battaglia, , "king's servant", le
valet du roi, afin de retourner en Italie pour trois ou quatre mois et de
revenir à Londres. En somme ,c'est sous ce nom d'emprunt , Battaglia, que
s'embarque le faux abbé Pregnani (encore un pseudonyme),alias le Masque de fer,
trahi et dénoncé par le perfide Jacques II à qui il se fiait, et c'est avec cette qualité de valet qu'il est arrêté
à Calais par le capitaine de Vauroy
sur un ordre de Louis XIV du 28 juillet
1669.Or Battaglia existait bien, mais loin d'être le valet de qui que ce fût,
il était musicien ( peut -être faut-il voir là l'origine de la rumeur dont la
phrase de Voltaire est l'écho : "il jouait de la guitare") et maître
de chapelle de la reine à Saint James . Le vrai Battaglia n'alla pas en Italie
cette année- là. La question du valet, pour nous, est donc réglée.
Le pseudonyme donné au Masque après son arrestation par Louis
XIV: Eustache Dauger ou Danger.
Lorsque, le 28 juillet 1669, Louis XIV dans une lettre
à Saint- Mars, évoque "le nommé"... (en blanc )" et que dans sa
réponse du 21 août à Louvois Saint-Mars parle du "nommé Eustache
d'Anger", il faut bien admettre qu il s’agit d’une personne qui n’a jamais
existé réellement. Eustache
Dauger ou plutôt Danger (allusion
à l’origine angevine de Fouquet de Croissy et des Fouquet en général) Pourquoi
Danger, alias d’Angers ? Parce que
la famille de l’homme qui avait donné son nom à la naissance du fils d’Anne
d’Autriche et de Villiers de Buckingham était un Fouquet d’origine angevine,
seigneur de Marcilly- sur Maulne en Indre- et- Loire où l’on peut encore
voir un très beau château appartenant à la famille angevine.
La naissance du futur masque à Croissy-sur-Seine près de
Saint-Germain –en- Laye (Yvelines) le 5 ? mars 1626 et le choix
du nom de Marcilly .
Je
me suis librement inspiré des auteurs anglais ou américains : Andrew Lang The
tragedy of valet, appendice, à lire sur Google Books et The
mystery of James de la Cloche , 1903 ) , Rupppert Furneaux,The mas behind the maskj, , London,Cassel &Company,1954 ;
enfin de Paul Sonnino, The man in the
iron mask, a historical detective story, Rowman &Littlefield, Maryland, 2016.
J’ai découvert dans ce dernier, p 29, l’existence du diplomate, ami
de la Reine, du Prince de Condé et de Retz selon Retz (Pléiade, ancienne
édition, voir index et en particulier p.853, ou nouvelle édition p. 658-659)
Antoine Fouquet de Croissy de Marcilly, propriétaire de Croissy-sur-Seine
près de Saint-Germain –en- Laye (Yvelines). Là, à deux pas de la cour de
Saint-Germain-en-Laye, donc sans éveiller les soupçons, avec l’aide de la
sage-femme Madame Perronette , dont le nom nous est livré par Marcel Pagnol (Le
secret du masque de fer), la reine accoucha d’un garçon qui fut
ondoyé (il est catholique de naissance, deviendra calviniste, puis redeviendra
catholique). Il reçut le prénom de Jacques (en l’honneur des Stuart et du roi
d’Angleterre) et le nom de Marcilly. En
effet, les noms de Marchiel (registre
mortuaire de Du Junca à la Bastille) recouvre certainement celui du château de Marcilly- sur- Maulne près de Tours (Indre-et-Loire),
propriété des Fouquet et en particulier du parlementaire Antoine Fouquet de Croisset , mort en 1665 en son
château, qui portait aussi le nom de seigneur de Marcilly et avait par
dévouement pour la reine prêté son logis isolé pour abriter la naissance du
futur Masque de fer.
En effet, le noms de Marchiel (registre mortuaire de
Du Junca à la Bastille) , où l’on sent un « accentnitalien », écrit Paul
Sonnino, recouvre certainement le
château de Marcilly- sur-
Maulne près de Tours (Indre-et-loire), propriété des Fouquet et en particulier
de Fouquet de Croissy. Le cardinal Mazarin prononçait Marcilly à
l’italienne avec un l mouillé, soit Marchille ou Marchelle qui fut noté Marchiel
sur ordre de Louis XIV, la graphie ci notant
le son ch.
Quant à l’autre forme Marchialy,
non attestée directement, elle
figurait
peut-être dans un registre mortuaire aujourd’hui perdu et reproduit par Topin
en un fac-simile peu lisible, réimprimé ensuite par Funck- Brentano dans ses Légendes
de la Bastille . Tandis que le
registre du Junca et sa forme de Marchiel, eux, existent toujours , pour Marchially ( masquant la graphie
Marcally) , qui n’est pas directement
attesté, on peut penser que le i ou
le y
final peu audible chez Mazarin a été correctement restitué, le a étant l’ erreur d’un copiste . On peut rapprocher le souvenir de la
prononciation ancienne Chailly pour
Chilly, le château de Mazarin qui a pu influencer, soit le scribe, soit Mazarin
lui-même. Songeons
aussi à la conjuration du protestant Roux de Marsilly, l'année
même de l'arrestation du Masque. Le
marquis Louis Des Champs de Marcilly , interrogé au moment de l’arrestation de
Roux , indique que le nom du protestant « était seulement Roux. »
Pourquoi Roux rajouta-t-il ce nom de Marcilly à son patronyme, alors qu’il se
disait républicain ? Parce qu’il voulait que ce titre de courtoisie sonne comme une menace de
découverte de l'existence d'un fils aîné d’Anne d’Autriche appelé Marcilly et
de l’usurpation du roi, donc de l'illégitimité du monarque de droit divin.
Le prétexte nous est indiqué
par Paul Sonnino qui , grâce à de savantes recherches généalogiques , nous
apprend que son frère, p.91, avait exploité des bois près de Pithiviers, dans
la forêt de Chilleurs , à Chilleurs
-aux- Bois, et à Chilleurs- Montigny, dans le
Loiret , se référant à une ferme de Marcilly comprise dans les bois ou
bien à Marcilly-en- Villette, près d’Orléans. En trout cas, il ne semble pas
avoir jamais eu de propriété à Marcilly.
L’enfance du futur Masque.
Le
futur Masque ne pouvait rester à Croissy. Aussi le logea-t-on dans l’Indre-et-Loir
près de Tours au château de Marcilly-Fouquet. Par la suite, -nous utiliserons l‘information de Voltaire selon
laquelle Richelieu s‘est occupé de l‘enfant , - Richelieu utilisa les
châteaux de sa maîtresse, Madamen la marquise d’Effiat de Cinq-Mars, aussi bien le château de
Cinq-Mars(la- Pile en Indre-et-Loire près de Chinon) que le château de Chilly
(aujourd’hui Chilly-Mazarin près de Palaiseau dans l’Essonne). Richelieu
considérait comme sien, selon Philippe Erlanger (Le mignon du roi, p. 10),
ce château qui était plus près de Paris .
L’enfance du futur
Masque : le baron de San –Marzo au château de Cinq-Mars-la- Pile
Nous le retrouvons
peut-être dans ce mystérieux prétendu frère aîné du futur marquis de
Cinq-Mars(’amant du roi Louis XIII , le comploteur décapité) . Celui-ci qui
aurait été dépouillé de ses prérogatives d’aînesse au profit de son prétendu
frère puîné, au motif qu’il n’était pas très brillant et qu’il était porté vers
la religion, devint le baron
de Cinq-Mars , écrit correctement Saint-
Mars. Le titre de baron de San-Marzo, dont se vantera l’imposteur
napolitain, lequel a confié avoir eu en main ses papiers du Masque de fer,
titre qui a déjoué les recherches
jusqu’à maintenant, est selon moi un souvenir de Cinq-Mars,
Le complot de Cinq-Mars avait pour but de renverser Louis
XIII, soit en l’empoisonnant (ce qui a réussi après l‘échec du complot), soit
d’une autre manière, puis d’instaurer une Régence au profit d’Anne d’Autriche
en attendant la majorité du futur Masque, et de confier à Cinq-Mars –le vrai les
fonctions de Premier ministre. L’existence d’un hériter méconnu de la couronne
est le grand secret de l’opposition sous Louis XIII et sous Louis XIV, des
complots de Cinq-Mars comme du protestant Roux et du prince de Condé.
La période des études à
Nîmes
Mais la politique
l’emporta et il fut confié à des amis protestants des Cinq-Mars, leur religion
devant écarter de lui toute tentation de disputer la royauté à son frère.
Il fut alors envoyé à Effiat près de
Riom où il fut confié à des protestants,
les Portal dont il prend le nom (il
le reprendra en Angleterre). Il ne faut pas oublier que le marquis
d’Effiat est originaire de cette bourgade
d’Effiat située en Auvergne et qu’il avait confié à l’architecte
Lemercier le soin de concevoir un projet de ville gigantesque que l’homme de
l’art réalisa en fait pour Richelieu près de Chinon, dans la ville appelée
Richelieu.
Il est ensuite confié à un gentilhomme d’Auvergne,
« vieux champion des précédentes guerres civiles » (P. de Vaissière, La
conjuration de Cinq-Mars, p.43, 47 ssq, 72), Josué d’Hondredieu de
Chavanhac et à son fils François, ainsi
qu’à ses deux beaux-frères François de Calvisson
et Agnès (prénom porté par un homme) de Calvisson de Saint-Auban.
Or, Calvisson, près de Nîmes, est le lieu de naissance
du chef de la conjuration protestante
Roux, comme des Arnauld (à la ferme d’impôts desquels Roux participe) et des
Mazel, tous protestants languedociens. Ce sont eux qui trahiront à la fois Roux et le Masque : Louis XIV remerciera même
Pierre Mazel pour son aide lors de l‘arrestation de Roux : « nous avons bien voulu lui commettre, écrit
le roi, une affaire de la dernière
importance et qui regardait la sûreté de notre propre personne ».
Le futur Masque est
ainsi confié aux de Calvisson, et, protestant dès lors, il vit à Avignon,
un comté qui ne dépendait pas de Louis XIV, avec des séjours à Calvisson et à la ville
voisine de Nîmes pour des études inachevées à la faculté protestante de théologie : il lui restera des
marques importantes de cette formation.
Ses protecteurs sont
arrêtés en terre papale, à Avignon, par une
violation du droit des gens , comme d’habitude, comme
Roux le sera en Suisse.
Le fils de Chavanhac et ses deux beaux-frères Calvisson de
Saint- Auban rôdaient autour de
Tarascon, et ils étaient d’intelligence avec le beau-frère de de Thou, l’évêque
de Toulon. Après que Roux eut rencontré le futur Masque à Nîmes ou à Calvisson,
il ajouta de façon provocante Marcilly à son nom, tandis que notre Masque devint
Veiras. Le nom de Veiras,
pseudonyme qu’il reprendra en Irlande et en Angleterre, est l’anagramme de
Villiers (nom de son père Villiers de Buckingham) et de Marsilly.
Citons encore quelques
noms qui sont destinés à réapparaître dans la vie de notre héros lorsqu’il
prendra le nom de Jacques de Lacloche du Bourg de Jersays Penchons-nous d’abord sur ce nom, pour nous ridicule, de Lacloche. Il a été choisi comme
traduction de Bellings, le nom
de son maître, qui est la
traduction anglaise de l"irlandais cloca,
le signal de la messe catholique.
Dubourg est une allusion à Anne d’Autriche qui était une Habsbourg,
nom où Habs -, feint d’être pris pour la préposition latine abs
ou ab désignant la provenance, et est traduit par du.
Il faut reconnaître dans la baronnie de San Marzo le nom
du Masque, élevé avec le futur marquis
de Cinq-Mars, cher au coeur du futur
masque comme Henri de Rohan ; le marquis de Cinq-Mars sera exécuté pour complot contre la vie du roi,
après avoir été le favori et l’amant de
la reine qui l’a abandonné pour sauver la vie de son fils adultérin auprès de
Richelieu..
Le nom de Jersays
n’a rien à voir avec l’île anglo-normande de Jersey , contrairement àce qu’a
cru Msgr Barnes, ni même avec Jersey
dans l’Eure, commune d’ Illiers –l’Evêque,
mais renvoie à un ami de
Cinq-Mars, le protestant Massu de Jerzays. M. de Jersays (avec cette orthographe) était l’amant en titre
de la fille de Sully, dame de Rohan. La fille de celle-ci, dite demoiselle
de Rohan avant qu’elle n’épouse un Chabot et ne fonde la famille des Rohan-
Chabot, fut la maîtresse du meilleur ami de Cinq-Mars, protestant au demeurant,
savoir Henri Massu, marquis de
Ruvigny . C’est ce nom de Ruvigny qui se cache sous la forme de ce
mystérieux marquisat de Juvigny, legs
imaginaire à ses héritiers du pseudo -Jacques de la Cloche de Jersays de
Rohan etc. On retrouve donc tous ces noms de
Jersays, Henri de Rohan (le chef des
calvinistes français), Ruvigny, dans la vie de Jacques de La Cloche, et cela
confirme l’identité de l’aspirant catholique de La Cloche et du protestant
Veiras.
Le futur Masque eut d’autres protecteurs ;outre les Fouquet, citons Gaston d’Orléans, son demi-frère
Buckingham plus jeune que lui de
deux ans, le grand-duc de Toscane, le
grand- prévôt de Franche- Comté Borrey , Galaup de Chasteuil, «le
Très Grand auteur » de la société secrète des alchimistes et empoisonneurs, Vasconcelos, autre membre important de
cette société, qui l’introduisit auprès
de Richard Bellings et du grand aumônier lord Stuart d’Aubigny
grâce à la reine d’Angleterre qui était née de Bragance. Le futur Masque
fréquenta surtout les régions
indépendantes de Louis XIV comme le Comtat Venaissin, le Languedoc, Nice, la Franche -Comté espagnole et francophone ,
la Savoie, la Moselle actuelle,
l’Irlande, les Flandres, la Suisse, le Luxembourg, la Hollande(c’est à La Haye qu’ il rencontre le
chef des calvinistes ,Henri de Rohan), l’Irlande.
La conjuration du
protestant Roux
Il existait dans l'entourage de Roux un autre valet que ce Martin qui passionna A.
Lang, quelqu'un qui avait été valet en Angleterre (servant
en anglais) et appelé Portal ou Portail , puis Veiras (Veiras , de veirs, est
l’anagramme de Villiers [de
Buckingham] et de Marsilly).
Le livre de Sonnino nous donne la meilleure biographie de
Roux, p. 90 qq, grâce à ses savantes recherches généalogiques ; on y
apprend , par exemple, p.90, (mariage du 21 octobre 1643 de Marie
Chapuzeau , fille d’un juriste du conseil privé du roi, et de Jean Roux,
l’exploitant forestier, de Chilleurs que Henri II de Bourbon, Prince de Condé,
initialement calviniste, et son
beau-frère le duc de Longueville, sont témoins au mariage d’un parent de Roux,
-ce qui montre les implications de son complot.
Portal, puis surtout
Veiras, alias le Masque, à Londres avec la conjuration de Roux de Marcilly.
Dans une note annexée
à une lettre de Croissy, ambassadeur du roi de France, en date du 15 juin 1669,
une semaine avant l’arrestation du Masque, Croissy écrit qu'à l'annonce qui lui est faite de la
capture de Roux, Veiras (le futur Masque) répond: " que cela ne pouvait
être et qu'il en venait de recevoir une lettre qu'on croit être du 1er mai, par
laquelle il mandait qu'il était suivi, mais qu'il leur taillerait encore bien
de la besogne... » L’ambassadeur continue : « On est averti
qu'il y a depuis six ou sept mois à Londres un nommé Veiras qui est de Languedoc, et de la R. P. R. (Religion Prétendue
Réformée, calvinistes), lequel a de grandes habitudes avec le nommé Roux de
Marsilly, en sorte que l'un ne faisait rien sans la participation de l'autre et
étaient enfermés les nuits entières chiffrant conjointement ; ce Veiras se dit
envoyé de ceux de la RPR de France, il est protégé par le comte d'Orreri qui a l 'habitude de l'employer en Irlande, à cause
de la proposition que ledit Veiras lui a faite d'amener quantité de Français
audit pays .Il fréquente souvent chez le duc de Buckingham et milord Arlington et allait aussi chez
l'ambassadeur d'Espagne."
L'ambassadeur du roi
de France à Londres écrit encore:
"m'étant enquis de ce Veiras dont je vous ai écrit, j'ai su de plusieurs
endroits qu'il était le camarade (de Roux de) Marsilly, aussi méchant que lui,
employé dans les mêmes affaires, dont il a une entière connaissance et les
continue encore. Il est du même pays, était autrefois servant (valet, secrétaire, de Bellings en Irlande ) sous le nom de
Portal ) ; depuis
,s'étant intrigué dans des cabales et ayant parlé contre le roi d'Angleterre et
le gouvernement, il fut condamné à un bannissement perpétuel , nonobstant
lequel il est revenu sous le nom de Veiras, s'est associé avec Roux, a reçu des
lettres de ce scélérat pendant qu'il était en Suisse, a un chiffre avec lui, et
depuis sa détention (celle de Roux) continue ces mêmes pratiques;
il a vu souvent l'ambassadeur d'Espagne et on croit qu'il en a aussi tiré de
l'argent.
« Le même homme qui m'a donné cet avis [ l’acolyte jésuite que
le Pape avait donné à Jacques de la Cloche,
alias Veiras, pour l’accompagner
dans sa mission en Angleterre, mais dont il s’était débarrassé], que je dois vous dire , Monsieur, avoir été
ami dudit Veiras, avoir gardé ses
papiers et ne s'être brouillé que sur des dettes [argent promis s’il le
débarrassait de sa présence] et prétentions [d'être le roi légitime de
France], m ' a dit que le voulant faire arrêter, et ayant su que le comte
d'Orrery le protégeait auprès du duc de
Buckingham, il avait voulu en parler au duc, mais que l'un de ses domestiques
[de Buckingham], qui est de ses amis, lui avait dit de n'en rien faire, que
Veiras était fort bien avec ledit duc [son demi- frère] , et que lorsqu'il
ordonne à ses gens de dire à ceux qui le viennent voir qu'il n'y est pas, il en
exceptait toujours celui- là avec lequel il était quelquefois des heures
enfermé [précaution pour éviter que sa ressemblance avec le roi de France et
avec le duc ne puisse être remarquée]; ce donneur d'avis s'est même offert de faire arrêter ce Veiras
sous le prétexte de son premier bannissement et dit qu'il a un témoin qui est
le secrétaire d'un évêque qui lui soutiendra ce qu'il a dit , encore depuis peu
, de la personne du roi d'Angleterre et
de son gouvernement". De Lionne lui répond : "le roi ne veut pas non
plus que vous fassiez aucune instance au roi d’Angleterre, de quelque nature
qu'elle soit, sur le sujet de Veiras; abandonnant
cet homme à sa mauvaise conduite dont Dieu pourra fournir quelque jour les
moyens de ne pas la laisser impunie".Bel exemple de feinte clémence chez
un roi qui ne nous y a guère habitués.
Jacques de Lacloche,
lorsqu’il prendra ce pseudonyme, donnera une version édulcorée de son
bannissement par le roi en forgeant une
lettre censée
prêtée à Jacques II en date du 8 août 1668 où il évoque l’interception de
ses courriers et ses conséquences : « nous fûmes obligés […] de consentir,
aux occasions, à plusieurs choses
tournant au désavantage de plusieurs catholiques de notre royaume
d’Hybernie (l’Irlande) », savoir son bannissement.
Dans un autre
rapport, on lit :"Le papier ci- joint
qui contient un projet de requête des religionnaires (protestants) de
France au Roy de la Grande-Bretagne a
été pris audit Veiras, et est écrit, à ce qu'on assure, de sa main, que Roux de
Marsilly reconnaîtra". Il serait intéressant de pouvoir comparer l'écriture
et les idées avec celles des textes de Jacques Stuart de Lacloche. Le Ministre de Lionne écrivit aussi à son
ambassadeur : "Roux ayant fait savoir au roi qu'il désirait la grâce de lui pouvoir parler pour lui révéler des
choses qu'il ne pouvait confier qu'à sa seule personne, Sa Majesté n'a
pas voulu le voir et m'a envoyé à la Bastille" à deux reprises ;
voulait-il lui révéler l'identité et les prétentions du demi- frère du roi, le
trahissant et révélant au roi de France qu‘il avait pris l‘identité
de Veiras? Le roi d’Angleterre n’avait- il plus, dès lors, qu’à indiquer à Louis XIV la date de son
arrivée à Calais et sa fausse identité
de « Matteo Battaglia, valet du roi et musicien »? Que
signifient d'autre part les paroles « effroyables » qu'il prononce
contre le roi sur la roue et comment Louis XIV peut- il dire : "M. le
lieutenant criminel, nous voilà débarrassés d'un bien méchant
homme" ?
Les trois pseudonymes Henri
Cromwell ( nom du fils puîné du
fondateur de la république anglaise et du responsable de la décapitation du
roi) porté par le futur Masque en
Irlande, alias qui disparaît mystérieusement après 1659 ou plutôt auquel
succède , toujours en Irlande, celui de Portal: la rumeur rapportée par son
futur geôlier Saint- Mars parle , à propos du Masque de fer, d’un fils de
Cromwell , l’aîné , Richard) et Henri de Rohan annoncent la couleur car
ce dernier ,”à nous très connu et
intime”, écrit Jacques de Lacloche en
signant du roi d’Angleterre, était le chef des calvinistes. Curieux choix de pseudo pour un nouveau
converti au catholicisme.
Le pseudonyme de Borrey, grand- prévôt de la Franche-
Comté espagnole, ami de Roux et l’accompagnant en Suisse, est mal relevé et transcrit par erreur Bovere (un Bover a été le transcripteur, semble-t-il,
de là l’erreur) dans l ‘état- civil du comparse de Jacques
de Lacloche, celui qui lui a volé des papiers.
De qui ce Portal fut-il le servant, le valet,
disons plutôt le secrétaire particulier,
l'homme de confiance? Du noble Irlandais
Richard Bellings (né à Dublin 1600?
-1677), catholique, secrétaire de la Confédération irlandaise en 1642, secrétaire particulier de la reine- mère
Henriette-Marie à Somerset House (de qui
Bellings tint son secrétaire Portal) et
messager secret de Jacques II, envoyé , fin 1962, par le roi d'Angleterre à Rome avec Portal,
pour négocier l'accession au cardinalat de lord d'Aubigny ainsi que la
conversion secrète, en prime en quelque sorte, du roi au catholicisme, si le
chapeau de cardinal était accordé à son parent. C'est à Richard Bellings, pour
qui il éprouva une grande admiration, que le Masque dut sa conversion au catholicisme. Quelles
furent les deux causes de la condamnation de Portal au bannissement perpétuel?
Première cause du bannissement du futur Masque : des vues trop hardies sur
la liberté de conscience.
Notre secrétaire
rédige des lettres au pape et il les signe du nom de Jacques II : surtout, il
va trop loin dans ce qu'il fait écrire au chef de l'Eglise anglicane, même en
latin.
"(Le roi) déclare qu’il déteste le déplorable schisme et
l'enseignement hérétique introduit par Luther, Zwingli, Calvin, Menon
[fondateur des Menonites aux Pays-Bas], Socinius pour Sodinius, Brown [Robert
Brown , fondateur du Congrégationnisme], et autres maudites créatures de cette
sorte, car il sait d'amère expérience, et mieux que personne dans ses trois
royaumes de Grande-Bretagne, d'Ecosse et d'Irlande, quels puissants démons ont
été introduits par la soi-disant Réformation, qui mériterait d'être appelée la
Déformation. Car cela a jeté bas tout gouvernement établi et a introduit une
confusion digne de la tour de Babel à la fois dans l'Eglise et dans
l'Etat". « Remarquable déclaration de foi », constate
sereinement le catholique Msgr. Barnes, p.155, 1908, à comparer avec les
déclarations signées de Jacques de La Cloche (lettre du 7 septembre 1668) : « la religion
protestante, à laquelle nous faisons
semblant d‘être attaché plus que jamais, quoique devant dieu qui connaît
les cœurs nous l‘abhorrions comme très fausse et pernicieuse… » Suivent 24
notes très hardies, annonciatrices de la constitution civile du clergé sous la
Révolution française, en faveur d'une Réunion concordataire de la papauté et de
l'Angleterre, Barnes, P. 155-156,
et Laloy, Enigmes du grand siècle,
1913, p, 17 : "Les archevêques et évêques en fonction qui donneraient leur
adhésion à ce concordat devraient être confirmés par trois légats apostoliques
nommés pour cela uniquement. L'archevêque de Cantorbéry deviendrait le patriarche des trois royaumes et
le chef de l'administration ecclésiastique, sauf dans certaines matières
réservées à un légat ad hoc, qui devrait être de nationalité anglaise et
résider en Angleterre. Le reste du gouvernement de l'Eglise serait dirigé par
des synodes diocésains annuels et par un concile national se réunissant à des
dates fixes. Le roi nommerait les évêques et les biens de l'Eglise confisqués
seraient maintenus à leurs possesseurs actuels. Les prêtres mariés
conserveraient leur femme, mais ceux qui seraient ordonnés par la suite
observeraient le célibat. La messe serait célébrée en latin, mais accompagnée
de cantiques en anglais, et l'Eucharistie serait donnée sous les deux espèces à
ceux qui le souhaiteraient. La liberté de conscience serait accordée à tous, ni
Charles ni ses successeurs ne pourraient être obligés de traiter cruellement
les Protestants Quelques congrégations seraient autorisées, même les jésuites
dans l’enseignement, ainsi que d'autres pour les soins hospitaliers.".
Seconde cause du
bannissement : les menaces
contre le Pape
Bellings et le futur Masque ont rendu visite au cardinal de
Retz à Paris sur la route de Rome. Notre
Masque, sous le pseudonyme de Retz,
va à Hambourg, d’ où il menace le Pape
d'expédier une flotte de vingt navires devant Civita- Vecchia s'il n'obtempère pas à la demande de
cardinalat pour lord d’Aubigny.
Après sa condamnation
au bannissement, Portal change de pseudonyme et
devient le protestant Veiras
, anagramme de Villiers (de Buckingham) et de Marcilly, et entre dans la conjuration
de Roux pour prendre le pouvoir en France. Il joue là un jeu difficile :
en 1669, il est à la fois le catholique faux abbé Pregiani auprès du roi Louis
XIV et le protestant Veiras auprès de Roux,très républicain.
Il nous reste à étudier deux épisodes importants de sa
vie : l’épisode romain et l’épisode anglais.
I L’épisode
romain : Jacques de la Coche.
La conversion à Rome au catholicisme : le novice jésuite
répondant au pseudonyme de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de
Jersay.
Le futur masque n’avait pas de certificat de baptême et ne pouvait aucunement prouver son
identité. Il lui en fallait un s’il voulait devenir novice. Qu’à cela ne
tienne ! Il rédige en latin un faux
certificat qu’il signe de l’ex-reine
Christine de Suède, convertie au catholicisme et vivant à Hambourg :
« Jacques Stuart,
incognito sous le nom de De la Cloche du
Bourg, naquit dans l’île de Jersey (sic !) et il est le fils naturel
de Jacques II, roi d’Angleterre. Sa
Majesté britannique nous a reconnu en privé qu’il était bien tel. Il fut élevé
dans la secte calviniste, mais il l’a aujourd’hui quittée pour se joindre à la
Sainte Eglise Romaine à Hambourg le 29 juillet 1667. Nous avons trouvé bon de
confirmer et d’attester ceci de notre main, même si cela n’est pas dans nos
habitudes, afin que dans sa situation extraordinaire il puisse être capable
d’ouvrir son cœur à son directeur en confession et de chercher conseil pour le
salut de son âme.
(Cachet) Christina Alexandra »
Il se garde bien de nous indiquer ses parrain et marraine. Il
choisit aussi le nom sous lequel il
prétend s’être fait baptiser, Jacques de
Lacloche du Bourg de Jerzais, en souvenir de l‘ami protestant de Cinq-Mars . Pourtant,
rappelons-le, notre Jacques de Lacloche de Jersay n’a aucune ascendance dans
l’île anglo-normande de Jersey , il le reconnaît lui- même dans la lettre
prêtée à Jacques II du 7 septembre 1668 : « Votre Révérendissime
Paternité fera courir le bruit qu’il (Jacques de Lacloche) est allé à Jersé ou
Hanton (le port de Southampton) voir sa mère prétendue qui se
veut faire catholique, comme nous avons mis et dissimulé (cherché à faire
croire) dans cette autre lettre »[lettre du 3 août et surtout du 29
août 1668: « nous lui avons ordonné d‘aller à Jersé et à Hanton (le
port de Southampton) , …qu‘il feigne à
Votre Révérence qu‘il est fils d‘un riche prédicant, lequel étant mort depuis
quelque temps , sa mère mue de quelque envie de se faire catholique et
de lui donner le bien qui lui appartient, lui a écrit et qu‘ainsi Votre
Révérendissime paternité, désireuse du salut de cette personne et de la faire
catholique, voyant aussi qu’il peut avoir son bien, lui permettra facilement
d’aller (en Angleterre) ».]
Un problème
compliqué : les trois personnes impliquées dans le voyage sur Paris e t
les deux abbés Prégiani, le vrai et le faux. .
Le pape avait exigé la
présence d’un autre novice francophone, dont nous savons seulement qu’il était
languedocien, aux côtés de Jacques de la Cloche, ce qui ne pouvait plaire à ce
dernier. Il réussit à s’en débarrasser
en lui promettant peut-être de
l’argent ; mais celui-ci le rejoindra en Angleterre et c’est lui qui le
livrera.
Toutefois, Jacques de la Cloche à Naples
rencontra un autre français, qui avait peu de scrupules et lui vola son
identité. Cet escroc s’éprit de la fille
de sa logeuse à Naples. Malheureusement
pour lui, il mourut quelques mois après le mariage, le 7
septembre 1669 et on l’a pris pour
Jacques de la Cloche.
Il nous faut réfuter la thèse généralement adoptée
aujourd'hui qui fait mourir Jacques de
La Cloche lui-même à Naples le 7
septembre 1669 .Il s’agit manifestement , non de Jacques de la Cloche, mais de l’escroc
qui lui a volé son identité. De même l’abbé Prigiani auquel Jacques de la
Cloche empruntera son nom survivra à l’arrestation du faux Prégiani, le Masque
de fer. Primi Visconti , dans ses Mémoires, le signale à Rome où il meurt en 1779, de syphilis. Mais ce
n’est pas le Masque de fer.
Le départ de Rome pour
l’Angleterre ou exit Jacques de La Cloche
et l’apparition du faux abbé Prégiani.
Ainsi, notre ancien membre de la Religion Prétendue Réformée,
Portal, puis Veiras, s’était converti au catholicisme et il était même devenu
novice à Rome chez les jésuites, sous le
nom de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de Jersay. Il forge diverses lettres
qu'il signe de Jacques II, roi
d'Angleterre ,dont des actes de reconnaissance du roi Jacques II comme étant
son fils naturel, puis se fait rappeler à Londres par une fausse lettre de
celui-ci au général des jésuites .Une autre lettre du roi ( en réalité de notre
Jacques lui-même), d'une naïveté touchante , témoigne de l'ennui que cause au
roi pour son fils bien- aimé cette
obligation faite aux jésuites de voyager accompagné par un acolyte , règle dont
le roi demande , en vain, l'exemption au
général des jésuites . Le roi (entendons Jacques de Lacloche) interdit à son
prétendu fils de le rejoindre en Angleterre avec un jésuite italien : même
si c’est un Français, celui-ci ne devra pas l’accompagner en Angleterre. C’est
ce que le général des jésuites acceptera
en partie en donnant au futur
faux abbé Prégiani un acolyte francophone,
dont jacquyes de la Cloche se débarrasser avant d’atteindre Naples, mais qui le
rejoindra en Angleterre et le trahira. Au lieu de se rendre à Libourne pour gagner Paris et Londres, ils prennent
tous deux la direction inverse et arrivent à Naples, patrie du vrai abbé
Prigiani (un agent du grand-duc de
Toscane et affidé de la société
secrète des alchimistes). A Naples résidait un abbé de San Aniello , faisant partie des chanoines réguliers de Saint-Sauveur , et Jacques de La Cloche se fait confesser
par lui : "Jacques poursuivit avec une grande fréquence et ferveur
ses exercices de religion... Il ne donna sur lui - même à ce confesseur que des
renseignements équivoques et obscurs, disant que son père était un grand
seigneur anglais (le duc de Buckingham, protestant) et que sa mère, également de grande maison,
professait la vraie foi de l’Eglise
romaine (l'espagnole et catholique Anne d’Autriche) ; il avait lui-
même abjuré l'hérésie et s'était converti, éclairé par d'excellents religieux
(Bellings)."
Tandis qu'il se livre
à ses exercices religieux,l’ escroc qui lui avait volé son identité tombe
amoureux de la logeuse d'une l'auberge et, la mariée attendant un
héritier, il doit se marier d'urgence le
10 février 1669, sous le nom ronflant de dom
Jacobus Henricus de Boveri (Borrei, le prévôt de Franche-Comté) Roano (Henri de Rohan), anglicani (calviniste) et baron
de San Marzo . Dans son testament,
sur son lit se mort, il fait des dons fastueux, engageant un marquisat
imaginaire de Juvignis, valant 300 000 doublons et plus : selon nous, c’est
l’altération du nom du marquis de Ruvigny, le protestant qui
était l’ami de Cinq-Mars et l’amant de Mademoiselle de Rohan.
Avant la célébration
du mariage, Jacques de Lacloche
, sous le nom de Jacques Stuart, le quitte en lui laissant une partie
des doublons remis par le général des jésuites, trop heureux de se retrouver
libre et seul. On remarque que son
acolyte en parle comme d’un chevalier appartenant à l’Ordre de Malte.
Or, le «Très Grand Auteur » de la société secrète des
alchimistes, François Galaup de
Chasteuil, se faisait appeler” le chevalier” et, en
1644, il était devenu chevalier de l'ordre de Malte, car il avait rendu
à l'ordre des services signalés : le grand- maître en personne, Lascaris, avait
attaché sur sa poitrine la croix d'honneur.
Jacques de Lacloche se rend à Paris en passant justement par le château
italien appartenant à Galaup de Chasteuil, le château de Verceil, où il reçoit
argent et mission.
Il rend aussi, probablement, visite au grand-duc
de Toscane qui lui confirme sa mission
et rend visite à Henriette d’Angleterre,
puis arrive à Londres où il rencontre Jacques II.
Que prétendait faire
le frère aîné de Louis XIV en soutenant le complot de Roux de Marcilly d’une part et d’autre part en
jouant le convertisseur au catholicisme de Jacques II, lui l’ancien calviniste? Pourquoi ce plan,
fou en apparence, l’amenant à se dire le
fils naturel de Jacques II, ce qu’il savait être faux?
Il voulait , d’une
part, en ramenant le royaume d’Angleterre dans le sein de l’Eglise , faire ce
que réussit à sa place Dom John Hudletone qui donna l’extrême onction
catholique à Jacques II, le convertissant
in extremis le 5 février 1685.
Mais, pour cela, il fallait que le futur Masque puisse approcher le roi sans
donner de soupçon à la cour que « le papisme et les sabots », voire
les jésuites , rôdaient : tel est le but du stratagème du faux abbé
soi-disant théatin (donc non- jésuite) Prégiani approchant le roi sous
couleur d’astrologie et d’expériences de chimie et celui de l’invention d’un fils naturel du roi.
Ignorant des
difficultés que la papauté lui opposerait nécessairement puisqu’on ne peut être
catholique en secret ni ordonné prêtre sans attester de son identité, naïf en
somme, il écrit sous la signature de son père supposé Jacques II (lettre du 3
avril 1668) :
« il y a longtemps que nous prions Dieu de nous faire
naître l’occasion de pouvoir trouver une seule personne dans nos royaumes de
qui nous puissions nous fier touchant l’affaire de notre salut sans donner
ombrage à notre cour que nous fussions catholique. La providence de Dieu a pourvu et secondé nos
désirs, nous faisant naître ( !) à la religion catholique un fils auquel
seul nous pouvons nous fier dans une affaire si délicate. Il sera toujours
assez capable pour nous administrer en secret les sacrements de la confession et
de la communion (la conversion au catholicisme) que nous désirons recevoir au
plus tôt. »
Le faux Jacques II continue : « Si notre cher et bien
aimé fils n’est prêtre , et s’il ne peut pas l’être sans faire savoir
publiquement son véritable nom et sa naissance [autre que Jacques de La Cloche ],
ou pour autres circonstances (ce que nous disons pour ne savoir pas votre manière
d’agir en ces rencontres) . En ce cas, qu’il ne se fasse plutôt point prêtre à
Rome que de rien dire aux évêques ou prêtres qui il est, mais qu’il passe par Paris… Le roi et Henriette
d’Angleterre trouveront et auront le pouvoir de le faire prêtre, sans que l’on
sache qui il est et avec tout le secret possible, comme nous nous persuadons.
Si ce n’est que, sans tant de détours, il aime mieux venir à nous sans être
prêtre, ce qui sera peut- être le mieux, puisque nous pourrons faire la même
chose par le moyen de la reine notre honorée mère ou de la reine régente
qui pourront avoir à leur volonté évêques, missionnaires ou autres, pour faire
la fonction, sans que l’on sache et s’aperçoive de quoi que ce soit. »
A noter le lapsus
calami freudien révélateur: au lieu de la reine régnante (il s’agit
de la femme du roi d‘Angleterre, lettre du 3 août 1668), le futur masque écrit
la reine régente. Il récidive dans sa lettre du 29 août, tant l’idée de
sa propre régence lui tient à cœur.
Sur le même point (lettre du 29 août 1668) : « S’il y a
quelque chose que l’évêque ordinaire (de Londres) ne puisse pas faire sans
permission de Sa Sainteté, que (Jacques
de La Cloche) ne manque pas de pourvoir
très secrètement (à son ordination), en telle sorte qu’on ne vienne point à
savoir qui il est ; ce qu’il fera, s’il
peut, auparavant que de partir de Rome. » Le 4 août, il semble se
résigner volontiers à ne pas devenir prêtre, prétextant que ses forces et sa
constitution sont trop faibles Et puis « On peut être bon catholique sans
être religieux.» Passez muscade ! Bref, il y avait trop de difficultés
pour être ordonné, si bien que l’invention d’un abbé alchimiste et astrologue
se révèle indispensable. Exit Jacques
de La Cloche!
2 L’épisode anglais
et le faux abbé Prégiani, agent de Louis XIV ( !) destiné à convertir
secrètement le roi d’Angleterre au catholicisme.
Nous employons l'orthographe Prégiani, distinction très relative, mais commode, pour différencier le faux abbé du vrai dont nous orthographions le
patronyme Prigiani, abbé
napolitain qui a survécu à l'arrestation du Masque, et qui mourut à Naples - ce
qui a amené à tort Barnes et Laloy à revoir leur copie lorsqu'ils ont été
persuadés que l'abbé Pregiani et le Masque de fer ne pouvaient être le même
homme. C'est ce faux abbé Pregiani qui, sous le nom de Matteo Battaglia,
valet (servant) du roi,
sera arrêté par le major de Vauroy aux alentours de Dunkerque deux jours après
le départ signalé de notre abbé pour l'Italie
en passant par Paris.
Le signe qu'il s'agit
bien de notre homme nous est donné par Jacques II dans une lettre chiffrée en anglais, du 20 janvier 1669, à sa
soeur Madame Henriette d’Angleterre,
duchesse d’Orléans. Louis XIV détruira
cet échange de correspondance après la
date du 24 juin 1669, nous privant, bien entendu, de ce qui concerne le secret du Masque de fer
. Il reste la lettre de Jacques II à sa sœur Henriette : "j'en étais
arrivé ici de ma lettre, quand je reçus
la vôtre par l'Italien dont vous ne connaissez pas le nom ni la qualité ( !),
et il me la remit dans un passage où il faisait si noir que je ne reconnaîtrais
pas sa figure si je le voyais de nouveau (ceci se passe au palais de
Whitehall!) Cet homme réussira sans doute (ironie) puisque sa recommandation
(il n’en aucune puisque Henriette ne connaît, écrit-elle, ni son nom ni sa
qualité) et sa réception (dans le noir) s’harmonisent si bien. » Le roi
est aussi prudent que sa soeur : ils ne
veulent pas avoir aperçu la ressemblance criante entre le messager
italien et Louis XIV.
Le même tabou
d’évitement se retrouve dans le comportement de Louis XIV vis- vis du faux
abbé, tel que son ministre de Lionne en fait part à son ambassadeur à
Londres le 13 février 1669 :"Sa Majesté
défend (à l'abbé) de rien écrire
ici, tant qu'il sera en Angleterre, non pas même à moi, Sa Majesté ne voulant rien
connaître que par votre seul canal, comme il est juste; et que par conséquent, quelque
chose qu'on lui pût dire dont on lui demandât le secret à votre égard, il doit
vous le dire tout; et que s'il manquait à cela, et qu'il le fît passer ici sans
votre participation, Sa Majesté, quelque avantageuse que lui pût être la chose,
lui enverrait aussitôt ordre de s'en revenir".
Les trois missions secrètes
de l'abbé sont fort embrouillées :
1)La seule dont l'ambassadeur ait connaissance consiste dans
la négociation du traité secret de
Douvres par lequel la France, catholique
s'unit à la protestante Angleterre contre la protestante Hollande, avec
en plus un salaire versé secrètement au
roi d'Angleterre. Sont au courant seulement le roi de France, l'ambassadeur à
Londres, le ministre de Lionne , le roi d'Angleterre et sa soeur Henriette , puis, rapidement,
par les indiscrétions de l'ambassadeur, l'abbé et son demi-frère le
ministre protestant Buckingham.
2) Mais ce n'est là que l'aspect le plus clair de sa
mission : pour doubler l'ambassadeur dont c'est pourtant la fonction, le roi de
France a consenti à envoyer, sur la demande de Jacques II , un abbé en apparence astrologue et chimiste
sous le prétexte de la première mission, mais en réalité destiné à enseigner secrètement à Jacques II les
éléments du catholicisme pour le préparer à sa conversion. Seuls Jacques II, sa soeur Henriette et
l'abbé sont au courant de son désir secret de se convertir : c’est ce que
Charles appelle le "grand secret" dont Msgr Barnes raconte
très bien les détails. On trouvera , après la mort de Jacques II, dans sa
poche, avec des reliques liées également à quelqu'un qu'il a trahi (l’abbé), des papiers de
controverse religieuse rédigés par l'abbé en français (Barnes, op. cit, . p.262), le texte français se
trouvant dans les archives du Vatican, et une autre version existant, traduite en anglais, -tout ceci montrant que l'abbé (précédemment le
séminariste jésuite Jacques de La Cloche) s'est bien acquitté de la mission
voulue par Jacques II, mission dont Louis XIV se souciait comme d'une guigne et qu'il ne lui avait
aucunement confiée, puisqu'il ignorait le désir de Jacques II de passer au
catholicisme secrètement . Le roi
d’Angleterre préfèrera trahir l'abbé plutôt que celui qui le stipendie, le roi
de France, et lui indiquera la date où
l'abbé quitte l'Angleterre et sous quelle identité (celle du valet Battaglia).
3) Mais la mission la plus secrète et la plus
invraisemblable,c’est celle que Louis IV
confia, non sans hésitation , au faux abbé Pregiani, peut-être sur
l’imprudente demande de ce dernier auprès de
la seule intermédiaire que le roi acceptait, Henriette
d’Angleterre : cette mission consistait à donner au roi de France des informations sur l'homme qui se faisait
passer pour l'héritier légitime de la couronne de France, Veiras, l’homme qui était le fer de lance et
l'arme secrète de la conjuration de Roux de Marsilly, -cet homme qui n'était autre que lui-même !
Pourtant, Louis XIV,
méfiant, n’accepte, ni de rencontrer l’abbé, ni de
recevoir de missive de sa part. Lorsque, plus tard , le roi de France voudra s'enquérir
auprès de Fouquet si Eustache Dauger, emprisonné
avec lui et lui servant de valet, c’est-à-dire l’abbé Prigiani , avait révélé devant
l'autre valet de Fouquet, Larivière, "ce
à quoi il avait été employé (par le roi Louis XIV-le passif
impersonnel est révélateur!) avant son arrestation" , ce n'est que de la 3e mission qu"il
s'agit, celle qui révèle l'inquiétude du roi sur l’identité du prétendant. Et ceci démontre bien que Fouquet
savait tout avant son incarcération à Pignerol en 1661. De même, lorsque
Jacques II écrit à sa soeur le 7 mars 1669 : "J'ai constaté que l'abbé
Pregnani avait beaucoup d'esprit, mais vous pouvez être sûre que je n'entrerai
pas en liaison avec lui plus qu'il ne convient aux renseignements que vous m'en
avez donnés" "Your character" signifie, non pas comme
Laloy le traduit, p.74," à votre caractère", mais : à la description
de l'individu).
Richard Bellings est
l'homme -clé qui a mis en relation notre
futur Masque et Jacques II : c’est Bellings qui est intervenu à deux reprises comme
représentant personnel secret de Jacques II , une première fois vis- vis du
Saint-Siège pour négocier le chapeau de cardinal de lord d’Aubigny d'abord,
puis une seconde fois vis- vis de Henriette d’Angleterre. Malgré le
fait que le futur Masque ait été trop
loin la première fois et que, condamné
au bannissement, il ait dû changer de
pseudonyme, il est resté dans les meilleurs termes avec son maître.
La lettre du 8 août
1668 (citée par Msgr Barnes, op. cit., p.305 et 306) et fabriquée
par Jacques de Lacloche annonce le plan qu'il mettra en oeuvre sous le
pseudonyme du faux abbé Pregiani :
approcher Charles pour lui expliquer la supériorité du catholicisme sans donner
de soupçons aux protestants, sous le prétexte qu'il serait son fils naturel,
avant même que le roi n’ait songé au paravent de l'astrologie et des
expériences de chimie, dès lors qu'il aura obtenu pour le souverain le
privilège d'être catholique dans son for intérieur tout en demeurant provisoirement
le chef de l'Eglise anglicane :"Quoiqu'il y ait eu ici (à Londres) une
multitude de prêtres, tant au service de la reine dont une partie a habité dans
nos palais de Saint- James et de Sommerset
-House, que dispersés dans toute notre ville de Londres, toutefois nous
ne pouvons nous servir d'aucun, pour l'ombrage que nous pourrions donner à
notre cour par la conversation de telles gens qui, sous quelques déguisements
d'habits qu'ils puissent avoir, sont aussitôt reconnus pour ce qu'ils sont...
Comme il (Jacques de La Cloche ) n'est ici connu en aucune façon, ...nous
pouvons en toute sûreté converser avec lui et exercer en secret les mystères de
la religion catholique, sans donner ombrage à qui que ce soit de notre cour que
nous soyons catholique, ce que nous ne pouvons faire avec aucun missionneur ( anglicisme pour prêtre de
paroisse), tant aussi pour la confiance que nous avons de lui ouvrir notre
conscience avec toute liberté et sincérité, comme à une partie de nous-même
...Dieu s'en veut servir pour notre salut".
La pierre
d’achoppement, ce sera son identité sulfureuse et son soutien au protestant
Roux de Marsilly, poussant le roi d’Angleterre à dénoncer son ami à celui qui
le rémunère chaque mois : Louis XIV.
L’opposition à Louis XIV,
ou Voltaire avait- il raison à propos de
l'Homme au Masque de Fer? Réexamen de mon blog précédent à la lumière du livre
récent de Marc Sonnino, The search for the man in
the iron mask, a historical detective story.
C'est Voltaire qui a créé le mythe du Masque
de Fer en 1751 dans Le Siècle de Louis XIV et, comme la question avait
piqué sa curiosité, il continua à s'interroger toute sa vie à ce sujet : dans
le Dictionnaire philosophique, à l'article Anecdotes, en 1764, il
discute diverses hypothèses sur son
identité ; enfin dans ses Questions
sur l'Encyclopédie, 2e édition (1771), il révèle qu'il s'agissait, non d'un
jumeau, mais d'un frère aîné de Louis XIV
qui était le fils de la reine
Anne d'Autriche (espagnole malgré son nom), l’épouse de Louis XIII, et du
duc George Villiers de Buckingham , fils légitime en quelque sorte (is est pater quem nuptiae denuntiant)
, né en 1626 , ce qui expliquait à
la fois sa ressemblance criante avec Louis XIV et le danger d'une contestation de
la légitimité de ce dernier en vertu du droit d'aînesse et en vertu du fait
qu'il était né dans les liens du mariage, -surtout si l'on pouvait de surcroît
accuser Louis XIV de ne pas être le fils de Louis XIII, mais de quelqu'un de
beaucoup plus basse extraction que le duc de Buckingham, comme le duc de
Bellegarde.. L ‘assassinat de Buckingham par Felton devrait beaucoup à
Louis XIV, a fait observer Dufet de l’Yonne, entendons qu’il a été inspiré par
lui. Seul Jean Baptiste Regnault- Warin,
dans L’homme
au masque de fer, Paris, 1804,4 vol., reprit sous forme romanesque la thèse
de Voltaire ; Dumas et les romantiques reprirent l’idée du jumeau.
De qui Voltaire,
sous le sceau du secret, tenait-il ses informations? De Madame de
Saint-Quentin, la maîtresse du marquis de Barbezieux, fils de Louvois, qui
avait succédé à son père comme Ministre de la Guerre, l'un des derniers à
connaître le secret puisqu'il gérait le sort du prisonnier. En 1782, le marquis de Luchet, dans le Journal
des Gens du monde (tome IV, n°23, page 282 et suiv.) “fit honneur à
Buckingham de la paternité en litige. Il cita en témoignage une demoiselle de
Saint-Quentin, ancienne maîtresse du ministre Barbezieux, morte à Chartres vers
le milieu du dix-huitième siècle : selon elle, Louis XIV avait condamné
son frère aîné à une détention perpétuelle, et
la parfaite ressemblance des deux frères avait nécessité
l’intervention d’un masque pour le
prisonnier” .
Selon le bibliophile
Jacob, la première œuvre, anonyme, en
1745, à parler du prisonnier, les Mémoires de Perse, serait de Voltaire
qui s’était engagé auprès de son informatrice à ne jamais parler du Masque et qui s’est ainsi donné un prétexte pour pouvoir ensuite en parler sous sa signature,
la chose étant dès lors révélée.
Soulignons qu'aujourd'hui encore ce texte de Voltaire
est censuré, par exemple dans les Oeuvres historiques de Voltaire
publiées par René Pomeau dans la Pléiade, p. 1714, on lit le mensonge par
omission :"Voltaire a noté dans ses Notebooks (p. 124) que le
mystérieux prisonnier était "soupçonné d'être un frère aîné de Louis
XIV", sans la mention de Buckingham, son père.
En 1790, Charpentier,
président d'une commission révolutionnaire destinée à inventorier les archives ,
reprend la même tradition dans La Bastille Dévoilée avant que la piste
politiquement correcte de Mattioli ne devienne la vérité officielle.
La Reine a-t-elle eu
des rapports féconds avec cet homme qu'elle aimait?Le cardinal de Retz nous répond dans ses Mémoires : Madame
de Chevreuse avait confié à son ami le Cardinal à propos de la reine "que le seul homme qu'elle avait aimé
avec passion avait été le duc de Buckingham; qu'elle lui avait donné
rendez-vous, une nuit, dans le petit jardin du Louvre ; que Mme de Chevreuse,
qui était seule avec elle, s'étant un peu éloignée, elle entendit du bruit
comme de deux personnes qui se blutaient [le texte porte se lutter par
méconnaissance du vieux mot bluter, remuer le tamis, donner la
saccade, qu'on trouve chez Rabelais au
sens de faire l'amour]; que s'étant rapprochée de la Reine, elle la trouva fort
émue, et M. de Buckingham à genoux devant elle; que la Reine, qui s'était
contentée, ce soir, de lui dire, en remontant dans son appartement, que tous
les hommes étaient brutaux et insolents, lui avait commandé, le lendemain au
matin, de demander à M. de Buckingham s’il était bien assuré qu'elle ne fût pas
en danger d'être grosse ". Au
lieu du Louvre, d’autres historiens situent la scène dans un jardin d’ Amiens, entre le 7 et le16 juin 1725. Mais Buckingham n’était
pas homme à prendre de telles
précautions. A côté de ces
indiscrétions rapportées par le Cardinal, mettons les paroles du Régent qui
déclara que c'était un fils d'Anne d'Autriche.
Mais quels sont les
textes que Voltaire a pu connaître?
D'abord, celui de
René, Auguste, Constantin de Renneville
dans L'inquisition française, ou l'histoire de la Bastille, par
Mr. C. de R., Amsterdam- Leyde, 1724, 4 vol., avec un Supplément à
l'histoire de l'inquisition française, 438 p. Il fut prisonnier à la
Bastille de 1702 à 1713, et y occupait
une pièce juste sous celle du Masque de fer avec qui il tenta de communiquer en
frappant au plafond : il apprit de lui qu'il était un "abbé
italien", mais celui-ci refusa de lui dire son nom (p. 122, édition
1715, références données par Monsignor A. S. Barnes, The man of the mask, 1908).Selon nous, il s'agit
bien du pseudo -abbé Pregiani, avatar napolitain de Jacques Stuart de La Cloche
du Bourg de Jersais : donc du Masque de
fer.
La Princesse palatine, belle- sœur de Louis XIV, nous parle
de lui dès 1711 en disant qu'il
communiait masqué, qu'il était très dévot et lisait continuellement, et elle
ajoute plus tard n'avoir rien pu apprendre à son sujet, sinon qu'il s'agissait
d’ « un milord anglais qui avait été mêlé à l'affaire du duc
de Berwick contre le roi Guillaume. ".
Le milord anglais
fait allusion aussi à l’abbé Pregiani. Quant au duc de Berwick, c’était un fils
naturel de Jacques II vivant à l'époque où la Palatine écrivit ces mots. Ce peut être une allusion au fait que l’abbé
Pregiani se soit présenté comme un fils naturel de Jacques II également. Mais
cette princesse trop curieuse a pu
confondre Berwick et Warwick.
Pour savoir quelles analogies
existaient entre le Masque de fer et Warwick , interrogeons l’ouvrage de Esprit
Joseph Chaudon (1776), Les imposteurs démasqués et les usurpateurs punis ou
histoire de plusieurs aventuriers qui, ayant pris la qualité d'Empereur, de
Roi, de prince ... ont fini leur vie dans l'obscurité. Il s'inspire pour l'Angleterre
du Père Pierre Joseph d'Orléans et de
son Histoire des révolutions d'Angleterre, 1689.
Il s'agit du faux Edouard Plantagenet, duc de Warwick (p.314 et suivantes), en réalité
Lambert Sinnel, que son tuteur, le prêtre Richard Simondi, dressa à imiter
parfaitement le maintien du vrai duc qu'il n'avait pourtant jamais vu.
Sans entrer dans le détail de la révolution qu'il suscita
pour prendre le trône vers 1486,disons que son mentor et lui-même furent finalement vaincus et que le roi
vainqueur , Henri VII (et non Guillaume III), "ne voulut point leur ôter
la vie pour les faire servir plus longtemps d'exemple; le prêtre fut confiné
dans une prison inconnue, où il passa le reste de ses jours , et le jeune homme
dans une cuisine du palais, où, par un jeu bizarre de la fortune, après avoir
assez bien fait un personnage pour lequel il n'était pas né, il s'acquitta de
celui qui était qui était conforme à sa naissance. On l'en tira quelque temps
après pour le faire fauconnier, et ce fut là que se terminèrent sa royauté et
ses honneurs. On dit qu'Henri se donna un jour le plaisir méchant de faire
servir des députés irlandais [qui avaient pris parti pour lui lors de ses
complots], dans un repas qu'il leur donnait, par ce roi imaginaire. Il punit
peut- être mieux par ce trait, dit le Père d'Orléans, la vanité de l'un et la
crédulité des autres, que par un châtiment éclatant".
On songe au Masque de
fer devenu le valet de Fouquet qui
avait certainement connu le secret de
son existence et dont Louis XIV avait redouté qu'il ne prenne son parti. La
devise de Fouquet dont le nom signifie écureuil portait en latin : Quo non ascendam ? Jusqu’où ne
monterai-je pas ? 5jusqu’à la royauté ou du moins la place de premier
Ministre]. Comme le dit M. de Chamillart
(Voltaire, Réponse à La Beaumelle), l'homme masqué "connaissait
tous les secrets de M. Fouquet", entendons le secret de sa disgrâce s'il
avait vraiment voulu soutenir ses prétentions un jour. Fouquet savait tout,
avant même son incarcération, de l'existence de cet héritier de la couronne,
grâce à son cousin Fouquet de Croissy de Marcilly qui donna au Masque, comme nous le verrons,
son nom de Marcilly. C’'est peut-être
l'une des causes, la plus profonde en tout cas, de sa condamnation dont
Louis XIV souhaitait qu'elle soit la
mort et qu'il aggrava par un acte personnel. Les papiers dont le
ministre déplorera auprès de son geôlier Saint- Mars qu'il les ait laissé
prendre à son fils après sa mort auraient pu contenir des indications sur
l'identité de notre prisonnier.
Autre indice donné à
regret par Louis XV à sa fille qui insistait, et qui écarte seulement une
fausse piste : son emprisonnement « n'a fait de tort qu'à lui-
même », c'est- à- dire que ce n'est pas Mattioli , marié et père de
famille, vivant avec sa famille et la faisant vivre, au contraire de notre
homme Masqué.
La question du valet
(servant en anglais) ou le pseudonyme de Matteo Battaglia au moment de
l'arrestation et la profession de valet (servant en anglais) de Portail,
secrétaire de Msgr Bellings.
"Comme ce n'est qu'un
valet..." a écrit Louvois à Saint-
Mars le 19 juillet 1669 à propos du Masque de fer. Cette phrase a fait
couler beaucoup d’encre, inspirant même une étude d'Andrew Lang, The Valet’s
Tragedy, où il avance l'ingénieuse hypothèse de Martin, le valet de
Roux : mais celui-ci semble bien être prudemment resté en Angleterre après
le supplice du protestant Roux de Marsilly, lequel connaissait l'identité du
futur homme masqué et entendait bien s'en servir dans sa conjuration internationale
(Suède, Suisse, Hollande, Angleterre, Espagne) pour déposer Louis XIV.
Nous exploitons des
ouvrages anglais et américain dans ce blog, en particulier celui de Monseigneur
Barnes. Et précisément, Monsignor Arthur
Stapylton Barnes nous donne une partie de la réponse nous dans son ouvrage The
Man of the Mask, a study of the by- ways of history, 1908, p.250, avec pour
références State Papers (Domestic) , 1668- 1669, p.312: le 6 mai 1669, un
passeport est émis directement par le roi d'Angleterre Jaques II, alors que les
passeports étaient normalement délivrés par le ministère des affaires
étrangères , au profit de Matteo Battaglia, , "king's servant", le
valet du roi, afin de retourner en Italie pour trois ou quatre mois et de
revenir à Londres. En somme ,c'est sous ce nom d'emprunt , Battaglia, que
s'embarque le faux abbé Pregnani (encore un pseudonyme),alias le Masque de fer,
trahi et dénoncé par le perfide Jacques II à qui il se fiait, et c'est avec cette qualité de valet qu'il est arrêté
à Calais par le capitaine de Vauroy
sur un ordre de Louis XIV du 28 juillet
1669.Or Battaglia existait bien, mais loin d'être le valet de qui que ce fût,
il était musicien ( peut -être faut-il voir là l'origine de la rumeur dont la
phrase de Voltaire est l'écho : "il jouait de la guitare") et maître
de chapelle de la reine à Saint James . Le vrai Battaglia n'alla pas en Italie
cette année- là. La question du valet, pour nous, est donc réglée.
Le pseudonyme donné au Masque après son arrestation par Louis
XIV: Eustache Dauger ou Danger.
Lorsque, le 28 juillet 1669, Louis XIV dans une lettre
à Saint- Mars, évoque "le nommé"... (en blanc )" et que dans sa
réponse du 21 août à Louvois Saint-Mars parle du "nommé Eustache
d'Anger", il faut bien admettre qu il s’agit d’une personne qui n’a jamais
existé réellement. Eustache
Dauger ou plutôt Danger (allusion
à l’origine angevine de Fouquet de Croissy et des Fouquet en général) Pourquoi
Danger, alias d’Angers ? Parce que
la famille de l’homme qui avait donné son nom à la naissance du fils d’Anne
d’Autriche et de Villiers de Buckingham était un Fouquet d’origine angevine,
seigneur de Marcilly- sur Maulne en Indre- et- Loire où l’on peut encore
voir un très beau château appartenant à la famille angevine.
La naissance du futur masque à Croissy-sur-Seine près de
Saint-Germain –en- Laye (Yvelines) le 5 ? mars 1626 et le choix
du nom de Marcilly .
Je
me suis librement inspiré des auteurs anglais ou américains : Andrew Lang The
tragedy of valet, appendice, à lire sur Google Books et The
mystery of James de la Cloche , 1903 ) , Rupppert Furneaux,The mas behind the maskj, , London,Cassel &Company,1954 ;
enfin de Paul Sonnino, The man in the
iron mask, a historical detective story, Rowman &Littlefield, Maryland, 2016.
J’ai découvert dans ce dernier, p 29, l’existence du diplomate, ami
de la Reine, du Prince de Condé et de Retz selon Retz (Pléiade, ancienne
édition, voir index et en particulier p.853, ou nouvelle édition p. 658-659)
Antoine Fouquet de Croissy de Marcilly, propriétaire de Croissy-sur-Seine
près de Saint-Germain –en- Laye (Yvelines). Là, à deux pas de la cour de
Saint-Germain-en-Laye, donc sans éveiller les soupçons, avec l’aide de la
sage-femme Madame Perronette , dont le nom nous est livré par Marcel Pagnol (Le
secret du masque de fer), la reine accoucha d’un garçon qui fut
ondoyé (il est catholique de naissance, deviendra calviniste, puis redeviendra
catholique). Il reçut le prénom de Jacques (en l’honneur des Stuart et du roi
d’Angleterre) et le nom de Marcilly. En
effet, les noms de Marchiel (registre
mortuaire de Du Junca à la Bastille) recouvre certainement celui du château de Marcilly- sur- Maulne près de Tours (Indre-et-Loire),
propriété des Fouquet et en particulier du parlementaire Antoine Fouquet de Croisset , mort en 1665 en son
château, qui portait aussi le nom de seigneur de Marcilly et avait par
dévouement pour la reine prêté son logis isolé pour abriter la naissance du
futur Masque de fer.
En effet, le noms de Marchiel (registre mortuaire de
Du Junca à la Bastille) , où l’on sent un « accentnitalien », écrit Paul
Sonnino, recouvre certainement le
château de Marcilly- sur-
Maulne près de Tours (Indre-et-loire), propriété des Fouquet et en particulier
de Fouquet de Croissy. Le cardinal Mazarin prononçait Marcilly à
l’italienne avec un l mouillé, soit Marchille ou Marchelle qui fut noté Marchiel
sur ordre de Louis XIV, la graphie ci notant
le son ch.
Quant à l’autre forme Marchialy,
non attestée directement, elle
figurait
peut-être dans un registre mortuaire aujourd’hui perdu et reproduit par Topin
en un fac-simile peu lisible, réimprimé ensuite par Funck- Brentano dans ses Légendes
de la Bastille . Tandis que le
registre du Junca et sa forme de Marchiel, eux, existent toujours , pour Marchially ( masquant la graphie
Marcally) , qui n’est pas directement
attesté, on peut penser que le i ou
le y
final peu audible chez Mazarin a été correctement restitué, le a étant l’ erreur d’un copiste . On peut rapprocher le souvenir de la
prononciation ancienne Chailly pour
Chilly, le château de Mazarin qui a pu influencer, soit le scribe, soit Mazarin
lui-même. Songeons
aussi à la conjuration du protestant Roux de Marsilly, l'année
même de l'arrestation du Masque. Le
marquis Louis Des Champs de Marcilly , interrogé au moment de l’arrestation de
Roux , indique que le nom du protestant « était seulement Roux. »
Pourquoi Roux rajouta-t-il ce nom de Marcilly à son patronyme, alors qu’il se
disait républicain ? Parce qu’il voulait que ce titre de courtoisie sonne comme une menace de
découverte de l'existence d'un fils aîné d’Anne d’Autriche appelé Marcilly et
de l’usurpation du roi, donc de l'illégitimité du monarque de droit divin.
Le prétexte nous est indiqué
par Paul Sonnino qui , grâce à de savantes recherches généalogiques , nous
apprend que son frère, p.91, avait exploité des bois près de Pithiviers, dans
la forêt de Chilleurs , à Chilleurs
-aux- Bois, et à Chilleurs- Montigny, dans le
Loiret , se référant à une ferme de Marcilly comprise dans les bois ou
bien à Marcilly-en- Villette, près d’Orléans. En trout cas, il ne semble pas
avoir jamais eu de propriété à Marcilly.
L’enfance du futur Masque.
Le
futur Masque ne pouvait rester à Croissy. Aussi le logea-t-on dans l’Indre-et-Loir
près de Tours au château de Marcilly-Fouquet. Par la suite, -nous utiliserons l‘information de Voltaire selon
laquelle Richelieu s‘est occupé de l‘enfant , - Richelieu utilisa les
châteaux de sa maîtresse, Madamen la marquise d’Effiat de Cinq-Mars, aussi bien le château de
Cinq-Mars(la- Pile en Indre-et-Loire près de Chinon) que le château de Chilly
(aujourd’hui Chilly-Mazarin près de Palaiseau dans l’Essonne). Richelieu
considérait comme sien, selon Philippe Erlanger (Le mignon du roi, p. 10),
ce château qui était plus près de Paris .
L’enfance du futur
Masque : le baron de San –Marzo au château de Cinq-Mars-la- Pile
Nous le retrouvons
peut-être dans ce mystérieux prétendu frère aîné du futur marquis de
Cinq-Mars(’amant du roi Louis XIII , le comploteur décapité) . Celui-ci qui
aurait été dépouillé de ses prérogatives d’aînesse au profit de son prétendu
frère puîné, au motif qu’il n’était pas très brillant et qu’il était porté vers
la religion, devint le baron
de Cinq-Mars , écrit correctement Saint-
Mars. Le titre de baron de San-Marzo, dont se vantera l’imposteur
napolitain, lequel a confié avoir eu en main ses papiers du Masque de fer,
titre qui a déjoué les recherches
jusqu’à maintenant, est selon moi un souvenir de Cinq-Mars,
Le complot de Cinq-Mars avait pour but de renverser Louis
XIII, soit en l’empoisonnant (ce qui a réussi après l‘échec du complot), soit
d’une autre manière, puis d’instaurer une Régence au profit d’Anne d’Autriche
en attendant la majorité du futur Masque, et de confier à Cinq-Mars –le vrai les
fonctions de Premier ministre. L’existence d’un hériter méconnu de la couronne
est le grand secret de l’opposition sous Louis XIII et sous Louis XIV, des
complots de Cinq-Mars comme du protestant Roux et du prince de Condé.
La période des études à
Nîmes
Mais la politique
l’emporta et il fut confié à des amis protestants des Cinq-Mars, leur religion
devant écarter de lui toute tentation de disputer la royauté à son frère.
Il fut alors envoyé à Effiat près de
Riom où il fut confié à des protestants,
les Portal dont il prend le nom (il
le reprendra en Angleterre). Il ne faut pas oublier que le marquis
d’Effiat est originaire de cette bourgade
d’Effiat située en Auvergne et qu’il avait confié à l’architecte
Lemercier le soin de concevoir un projet de ville gigantesque que l’homme de
l’art réalisa en fait pour Richelieu près de Chinon, dans la ville appelée
Richelieu.
Il est ensuite confié à un gentilhomme d’Auvergne,
« vieux champion des précédentes guerres civiles » (P. de Vaissière, La
conjuration de Cinq-Mars, p.43, 47 ssq, 72), Josué d’Hondredieu de
Chavanhac et à son fils François, ainsi
qu’à ses deux beaux-frères François de Calvisson
et Agnès (prénom porté par un homme) de Calvisson de Saint-Auban.
Or, Calvisson, près de Nîmes, est le lieu de naissance
du chef de la conjuration protestante
Roux, comme des Arnauld (à la ferme d’impôts desquels Roux participe) et des
Mazel, tous protestants languedociens. Ce sont eux qui trahiront à la fois Roux et le Masque : Louis XIV remerciera même
Pierre Mazel pour son aide lors de l‘arrestation de Roux : « nous avons bien voulu lui commettre, écrit
le roi, une affaire de la dernière
importance et qui regardait la sûreté de notre propre personne ».
Le futur Masque est
ainsi confié aux de Calvisson, et, protestant dès lors, il vit à Avignon,
un comté qui ne dépendait pas de Louis XIV, avec des séjours à Calvisson et à la ville
voisine de Nîmes pour des études inachevées à la faculté protestante de théologie : il lui restera des
marques importantes de cette formation.
Ses protecteurs sont
arrêtés en terre papale, à Avignon, par une
violation du droit des gens , comme d’habitude, comme
Roux le sera en Suisse.
Le fils de Chavanhac et ses deux beaux-frères Calvisson de
Saint- Auban rôdaient autour de
Tarascon, et ils étaient d’intelligence avec le beau-frère de de Thou, l’évêque
de Toulon. Après que Roux eut rencontré le futur Masque à Nîmes ou à Calvisson,
il ajouta de façon provocante Marcilly à son nom, tandis que notre Masque devint
Veiras. Le nom de Veiras,
pseudonyme qu’il reprendra en Irlande et en Angleterre, est l’anagramme de
Villiers (nom de son père Villiers de Buckingham) et de Marsilly.
Citons encore quelques
noms qui sont destinés à réapparaître dans la vie de notre héros lorsqu’il
prendra le nom de Jacques de Lacloche du Bourg de Jersays Penchons-nous d’abord sur ce nom, pour nous ridicule, de Lacloche. Il a été choisi comme
traduction de Bellings, le nom
de son maître, qui est la
traduction anglaise de l"irlandais cloca,
le signal de la messe catholique.
Dubourg est une allusion à Anne d’Autriche qui était une Habsbourg,
nom où Habs -, feint d’être pris pour la préposition latine abs
ou ab désignant la provenance, et est traduit par du.
Il faut reconnaître dans la baronnie de San Marzo le nom
du Masque, élevé avec le futur marquis
de Cinq-Mars, cher au coeur du futur
masque comme Henri de Rohan ; le marquis de Cinq-Mars sera exécuté pour complot contre la vie du roi,
après avoir été le favori et l’amant de
la reine qui l’a abandonné pour sauver la vie de son fils adultérin auprès de
Richelieu..
Le nom de Jersays
n’a rien à voir avec l’île anglo-normande de Jersey , contrairement àce qu’a
cru Msgr Barnes, ni même avec Jersey
dans l’Eure, commune d’ Illiers –l’Evêque,
mais renvoie à un ami de
Cinq-Mars, le protestant Massu de Jerzays. M. de Jersays (avec cette orthographe) était l’amant en titre
de la fille de Sully, dame de Rohan. La fille de celle-ci, dite demoiselle
de Rohan avant qu’elle n’épouse un Chabot et ne fonde la famille des Rohan-
Chabot, fut la maîtresse du meilleur ami de Cinq-Mars, protestant au demeurant,
savoir Henri Massu, marquis de
Ruvigny . C’est ce nom de Ruvigny qui se cache sous la forme de ce
mystérieux marquisat de Juvigny, legs
imaginaire à ses héritiers du pseudo -Jacques de la Cloche de Jersays de
Rohan etc. On retrouve donc tous ces noms de
Jersays, Henri de Rohan (le chef des
calvinistes français), Ruvigny, dans la vie de Jacques de La Cloche, et cela
confirme l’identité de l’aspirant catholique de La Cloche et du protestant
Veiras.
Le futur Masque eut d’autres protecteurs ;outre les Fouquet, citons Gaston d’Orléans, son demi-frère
Buckingham plus jeune que lui de
deux ans, le grand-duc de Toscane, le
grand- prévôt de Franche- Comté Borrey , Galaup de Chasteuil, «le
Très Grand auteur » de la société secrète des alchimistes et empoisonneurs, Vasconcelos, autre membre important de
cette société, qui l’introduisit auprès
de Richard Bellings et du grand aumônier lord Stuart d’Aubigny
grâce à la reine d’Angleterre qui était née de Bragance. Le futur Masque
fréquenta surtout les régions
indépendantes de Louis XIV comme le Comtat Venaissin, le Languedoc, Nice, la Franche -Comté espagnole et francophone ,
la Savoie, la Moselle actuelle,
l’Irlande, les Flandres, la Suisse, le Luxembourg, la Hollande(c’est à La Haye qu’ il rencontre le
chef des calvinistes ,Henri de Rohan), l’Irlande.
La conjuration du
protestant Roux
Il existait dans l'entourage de Roux un autre valet que ce Martin qui passionna A.
Lang, quelqu'un qui avait été valet en Angleterre (servant
en anglais) et appelé Portal ou Portail , puis Veiras (Veiras , de veirs, est
l’anagramme de Villiers [de
Buckingham] et de Marsilly).
Le livre de Sonnino nous donne la meilleure biographie de
Roux, p. 90 qq, grâce à ses savantes recherches généalogiques ; on y
apprend , par exemple, p.90, (mariage du 21 octobre 1643 de Marie
Chapuzeau , fille d’un juriste du conseil privé du roi, et de Jean Roux,
l’exploitant forestier, de Chilleurs que Henri II de Bourbon, Prince de Condé,
initialement calviniste, et son
beau-frère le duc de Longueville, sont témoins au mariage d’un parent de Roux,
-ce qui montre les implications de son complot.
Portal, puis surtout
Veiras, alias le Masque, à Londres avec la conjuration de Roux de Marcilly.
Dans une note annexée
à une lettre de Croissy, ambassadeur du roi de France, en date du 15 juin 1669,
une semaine avant l’arrestation du Masque, Croissy écrit qu'à l'annonce qui lui est faite de la
capture de Roux, Veiras (le futur Masque) répond: " que cela ne pouvait
être et qu'il en venait de recevoir une lettre qu'on croit être du 1er mai, par
laquelle il mandait qu'il était suivi, mais qu'il leur taillerait encore bien
de la besogne... » L’ambassadeur continue : « On est averti
qu'il y a depuis six ou sept mois à Londres un nommé Veiras qui est de Languedoc, et de la R. P. R. (Religion Prétendue
Réformée, calvinistes), lequel a de grandes habitudes avec le nommé Roux de
Marsilly, en sorte que l'un ne faisait rien sans la participation de l'autre et
étaient enfermés les nuits entières chiffrant conjointement ; ce Veiras se dit
envoyé de ceux de la RPR de France, il est protégé par le comte d'Orreri qui a l 'habitude de l'employer en Irlande, à cause
de la proposition que ledit Veiras lui a faite d'amener quantité de Français
audit pays .Il fréquente souvent chez le duc de Buckingham et milord Arlington et allait aussi chez
l'ambassadeur d'Espagne."
L'ambassadeur du roi
de France à Londres écrit encore:
"m'étant enquis de ce Veiras dont je vous ai écrit, j'ai su de plusieurs
endroits qu'il était le camarade (de Roux de) Marsilly, aussi méchant que lui,
employé dans les mêmes affaires, dont il a une entière connaissance et les
continue encore. Il est du même pays, était autrefois servant (valet, secrétaire, de Bellings en Irlande ) sous le nom de
Portal ) ; depuis
,s'étant intrigué dans des cabales et ayant parlé contre le roi d'Angleterre et
le gouvernement, il fut condamné à un bannissement perpétuel , nonobstant
lequel il est revenu sous le nom de Veiras, s'est associé avec Roux, a reçu des
lettres de ce scélérat pendant qu'il était en Suisse, a un chiffre avec lui, et
depuis sa détention (celle de Roux) continue ces mêmes pratiques;
il a vu souvent l'ambassadeur d'Espagne et on croit qu'il en a aussi tiré de
l'argent.
« Le même homme qui m'a donné cet avis [ l’acolyte jésuite que
le Pape avait donné à Jacques de la Cloche,
alias Veiras, pour l’accompagner
dans sa mission en Angleterre, mais dont il s’était débarrassé], que je dois vous dire , Monsieur, avoir été
ami dudit Veiras, avoir gardé ses
papiers et ne s'être brouillé que sur des dettes [argent promis s’il le
débarrassait de sa présence] et prétentions [d'être le roi légitime de
France], m ' a dit que le voulant faire arrêter, et ayant su que le comte
d'Orrery le protégeait auprès du duc de
Buckingham, il avait voulu en parler au duc, mais que l'un de ses domestiques
[de Buckingham], qui est de ses amis, lui avait dit de n'en rien faire, que
Veiras était fort bien avec ledit duc [son demi- frère] , et que lorsqu'il
ordonne à ses gens de dire à ceux qui le viennent voir qu'il n'y est pas, il en
exceptait toujours celui- là avec lequel il était quelquefois des heures
enfermé [précaution pour éviter que sa ressemblance avec le roi de France et
avec le duc ne puisse être remarquée]; ce donneur d'avis s'est même offert de faire arrêter ce Veiras
sous le prétexte de son premier bannissement et dit qu'il a un témoin qui est
le secrétaire d'un évêque qui lui soutiendra ce qu'il a dit , encore depuis peu
, de la personne du roi d'Angleterre et
de son gouvernement". De Lionne lui répond : "le roi ne veut pas non
plus que vous fassiez aucune instance au roi d’Angleterre, de quelque nature
qu'elle soit, sur le sujet de Veiras; abandonnant
cet homme à sa mauvaise conduite dont Dieu pourra fournir quelque jour les
moyens de ne pas la laisser impunie".Bel exemple de feinte clémence chez
un roi qui ne nous y a guère habitués.
Jacques de Lacloche,
lorsqu’il prendra ce pseudonyme, donnera une version édulcorée de son
bannissement par le roi en forgeant une
lettre censée
prêtée à Jacques II en date du 8 août 1668 où il évoque l’interception de
ses courriers et ses conséquences : « nous fûmes obligés […] de consentir,
aux occasions, à plusieurs choses
tournant au désavantage de plusieurs catholiques de notre royaume
d’Hybernie (l’Irlande) », savoir son bannissement.
Dans un autre
rapport, on lit :"Le papier ci- joint
qui contient un projet de requête des religionnaires (protestants) de
France au Roy de la Grande-Bretagne a
été pris audit Veiras, et est écrit, à ce qu'on assure, de sa main, que Roux de
Marsilly reconnaîtra". Il serait intéressant de pouvoir comparer l'écriture
et les idées avec celles des textes de Jacques Stuart de Lacloche. Le Ministre de Lionne écrivit aussi à son
ambassadeur : "Roux ayant fait savoir au roi qu'il désirait la grâce de lui pouvoir parler pour lui révéler des
choses qu'il ne pouvait confier qu'à sa seule personne, Sa Majesté n'a
pas voulu le voir et m'a envoyé à la Bastille" à deux reprises ;
voulait-il lui révéler l'identité et les prétentions du demi- frère du roi, le
trahissant et révélant au roi de France qu‘il avait pris l‘identité
de Veiras? Le roi d’Angleterre n’avait- il plus, dès lors, qu’à indiquer à Louis XIV la date de son
arrivée à Calais et sa fausse identité
de « Matteo Battaglia, valet du roi et musicien »? Que
signifient d'autre part les paroles « effroyables » qu'il prononce
contre le roi sur la roue et comment Louis XIV peut- il dire : "M. le
lieutenant criminel, nous voilà débarrassés d'un bien méchant
homme" ?
Les trois pseudonymes Henri
Cromwell ( nom du fils puîné du
fondateur de la république anglaise et du responsable de la décapitation du
roi) porté par le futur Masque en
Irlande, alias qui disparaît mystérieusement après 1659 ou plutôt auquel
succède , toujours en Irlande, celui de Portal: la rumeur rapportée par son
futur geôlier Saint- Mars parle , à propos du Masque de fer, d’un fils de
Cromwell , l’aîné , Richard) et Henri de Rohan annoncent la couleur car
ce dernier ,”à nous très connu et
intime”, écrit Jacques de Lacloche en
signant du roi d’Angleterre, était le chef des calvinistes. Curieux choix de pseudo pour un nouveau
converti au catholicisme.
Le pseudonyme de Borrey, grand- prévôt de la Franche-
Comté espagnole, ami de Roux et l’accompagnant en Suisse, est mal relevé et transcrit par erreur Bovere (un Bover a été le transcripteur, semble-t-il,
de là l’erreur) dans l ‘état- civil du comparse de Jacques
de Lacloche, celui qui lui a volé des papiers.
De qui ce Portal fut-il le servant, le valet,
disons plutôt le secrétaire particulier,
l'homme de confiance? Du noble Irlandais
Richard Bellings (né à Dublin 1600?
-1677), catholique, secrétaire de la Confédération irlandaise en 1642, secrétaire particulier de la reine- mère
Henriette-Marie à Somerset House (de qui
Bellings tint son secrétaire Portal) et
messager secret de Jacques II, envoyé , fin 1962, par le roi d'Angleterre à Rome avec Portal,
pour négocier l'accession au cardinalat de lord d'Aubigny ainsi que la
conversion secrète, en prime en quelque sorte, du roi au catholicisme, si le
chapeau de cardinal était accordé à son parent. C'est à Richard Bellings, pour
qui il éprouva une grande admiration, que le Masque dut sa conversion au catholicisme. Quelles
furent les deux causes de la condamnation de Portal au bannissement perpétuel?
Première cause du bannissement du futur Masque : des vues trop hardies sur
la liberté de conscience.
Notre secrétaire
rédige des lettres au pape et il les signe du nom de Jacques II : surtout, il
va trop loin dans ce qu'il fait écrire au chef de l'Eglise anglicane, même en
latin.
"(Le roi) déclare qu’il déteste le déplorable schisme et
l'enseignement hérétique introduit par Luther, Zwingli, Calvin, Menon
[fondateur des Menonites aux Pays-Bas], Socinius pour Sodinius, Brown [Robert
Brown , fondateur du Congrégationnisme], et autres maudites créatures de cette
sorte, car il sait d'amère expérience, et mieux que personne dans ses trois
royaumes de Grande-Bretagne, d'Ecosse et d'Irlande, quels puissants démons ont
été introduits par la soi-disant Réformation, qui mériterait d'être appelée la
Déformation. Car cela a jeté bas tout gouvernement établi et a introduit une
confusion digne de la tour de Babel à la fois dans l'Eglise et dans
l'Etat". « Remarquable déclaration de foi », constate
sereinement le catholique Msgr. Barnes, p.155, 1908, à comparer avec les
déclarations signées de Jacques de La Cloche (lettre du 7 septembre 1668) : « la religion
protestante, à laquelle nous faisons
semblant d‘être attaché plus que jamais, quoique devant dieu qui connaît
les cœurs nous l‘abhorrions comme très fausse et pernicieuse… » Suivent 24
notes très hardies, annonciatrices de la constitution civile du clergé sous la
Révolution française, en faveur d'une Réunion concordataire de la papauté et de
l'Angleterre, Barnes, P. 155-156,
et Laloy, Enigmes du grand siècle,
1913, p, 17 : "Les archevêques et évêques en fonction qui donneraient leur
adhésion à ce concordat devraient être confirmés par trois légats apostoliques
nommés pour cela uniquement. L'archevêque de Cantorbéry deviendrait le patriarche des trois royaumes et
le chef de l'administration ecclésiastique, sauf dans certaines matières
réservées à un légat ad hoc, qui devrait être de nationalité anglaise et
résider en Angleterre. Le reste du gouvernement de l'Eglise serait dirigé par
des synodes diocésains annuels et par un concile national se réunissant à des
dates fixes. Le roi nommerait les évêques et les biens de l'Eglise confisqués
seraient maintenus à leurs possesseurs actuels. Les prêtres mariés
conserveraient leur femme, mais ceux qui seraient ordonnés par la suite
observeraient le célibat. La messe serait célébrée en latin, mais accompagnée
de cantiques en anglais, et l'Eucharistie serait donnée sous les deux espèces à
ceux qui le souhaiteraient. La liberté de conscience serait accordée à tous, ni
Charles ni ses successeurs ne pourraient être obligés de traiter cruellement
les Protestants Quelques congrégations seraient autorisées, même les jésuites
dans l’enseignement, ainsi que d'autres pour les soins hospitaliers.".
Seconde cause du
bannissement : les menaces
contre le Pape
Bellings et le futur Masque ont rendu visite au cardinal de
Retz à Paris sur la route de Rome. Notre
Masque, sous le pseudonyme de Retz,
va à Hambourg, d’ où il menace le Pape
d'expédier une flotte de vingt navires devant Civita- Vecchia s'il n'obtempère pas à la demande de
cardinalat pour lord d’Aubigny.
Après sa condamnation
au bannissement, Portal change de pseudonyme et
devient le protestant Veiras
, anagramme de Villiers (de Buckingham) et de Marcilly, et entre dans la conjuration
de Roux pour prendre le pouvoir en France. Il joue là un jeu difficile :
en 1669, il est à la fois le catholique faux abbé Pregiani auprès du roi Louis
XIV et le protestant Veiras auprès de Roux,très républicain.
Il nous reste à étudier deux épisodes importants de sa
vie : l’épisode romain et l’épisode anglais.
I L’épisode
romain : Jacques de la Coche.
La conversion à Rome au catholicisme : le novice jésuite
répondant au pseudonyme de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de
Jersay.
Le futur masque n’avait pas de certificat de baptême et ne pouvait aucunement prouver son
identité. Il lui en fallait un s’il voulait devenir novice. Qu’à cela ne
tienne ! Il rédige en latin un faux
certificat qu’il signe de l’ex-reine
Christine de Suède, convertie au catholicisme et vivant à Hambourg :
« Jacques Stuart,
incognito sous le nom de De la Cloche du
Bourg, naquit dans l’île de Jersey (sic !) et il est le fils naturel
de Jacques II, roi d’Angleterre. Sa
Majesté britannique nous a reconnu en privé qu’il était bien tel. Il fut élevé
dans la secte calviniste, mais il l’a aujourd’hui quittée pour se joindre à la
Sainte Eglise Romaine à Hambourg le 29 juillet 1667. Nous avons trouvé bon de
confirmer et d’attester ceci de notre main, même si cela n’est pas dans nos
habitudes, afin que dans sa situation extraordinaire il puisse être capable
d’ouvrir son cœur à son directeur en confession et de chercher conseil pour le
salut de son âme.
(Cachet) Christina Alexandra »
Il se garde bien de nous indiquer ses parrain et marraine. Il
choisit aussi le nom sous lequel il
prétend s’être fait baptiser, Jacques de
Lacloche du Bourg de Jerzais, en souvenir de l‘ami protestant de Cinq-Mars . Pourtant,
rappelons-le, notre Jacques de Lacloche de Jersay n’a aucune ascendance dans
l’île anglo-normande de Jersey , il le reconnaît lui- même dans la lettre
prêtée à Jacques II du 7 septembre 1668 : « Votre Révérendissime
Paternité fera courir le bruit qu’il (Jacques de Lacloche) est allé à Jersé ou
Hanton (le port de Southampton) voir sa mère prétendue qui se
veut faire catholique, comme nous avons mis et dissimulé (cherché à faire
croire) dans cette autre lettre »[lettre du 3 août et surtout du 29
août 1668: « nous lui avons ordonné d‘aller à Jersé et à Hanton (le
port de Southampton) , …qu‘il feigne à
Votre Révérence qu‘il est fils d‘un riche prédicant, lequel étant mort depuis
quelque temps , sa mère mue de quelque envie de se faire catholique et
de lui donner le bien qui lui appartient, lui a écrit et qu‘ainsi Votre
Révérendissime paternité, désireuse du salut de cette personne et de la faire
catholique, voyant aussi qu’il peut avoir son bien, lui permettra facilement
d’aller (en Angleterre) ».]
Un problème
compliqué : les trois personnes impliquées dans le voyage sur Paris e t
les deux abbés Prégiani, le vrai et le faux. .
Le pape avait exigé la
présence d’un autre novice francophone, dont nous savons seulement qu’il était
languedocien, aux côtés de Jacques de la Cloche, ce qui ne pouvait plaire à ce
dernier. Il réussit à s’en débarrasser
en lui promettant peut-être de
l’argent ; mais celui-ci le rejoindra en Angleterre et c’est lui qui le
livrera.
Toutefois, Jacques de la Cloche à Naples
rencontra un autre français, qui avait peu de scrupules et lui vola son
identité. Cet escroc s’éprit de la fille
de sa logeuse à Naples. Malheureusement
pour lui, il mourut quelques mois après le mariage, le 7
septembre 1669 et on l’a pris pour
Jacques de la Cloche.
Il nous faut réfuter la thèse généralement adoptée
aujourd'hui qui fait mourir Jacques de
La Cloche lui-même à Naples le 7
septembre 1669 .Il s’agit manifestement , non de Jacques de la Cloche, mais de l’escroc
qui lui a volé son identité. De même l’abbé Prigiani auquel Jacques de la
Cloche empruntera son nom survivra à l’arrestation du faux Prégiani, le Masque
de fer. Primi Visconti , dans ses Mémoires, le signale à Rome où il meurt en 1779, de syphilis. Mais ce
n’est pas le Masque de fer.
Le départ de Rome pour
l’Angleterre ou exit Jacques de La Cloche
et l’apparition du faux abbé Prégiani.
Ainsi, notre ancien membre de la Religion Prétendue Réformée,
Portal, puis Veiras, s’était converti au catholicisme et il était même devenu
novice à Rome chez les jésuites, sous le
nom de Jacques Stuart de Lacloche du Bourg de Jersay. Il forge diverses lettres
qu'il signe de Jacques II, roi
d'Angleterre ,dont des actes de reconnaissance du roi Jacques II comme étant
son fils naturel, puis se fait rappeler à Londres par une fausse lettre de
celui-ci au général des jésuites .Une autre lettre du roi ( en réalité de notre
Jacques lui-même), d'une naïveté touchante , témoigne de l'ennui que cause au
roi pour son fils bien- aimé cette
obligation faite aux jésuites de voyager accompagné par un acolyte , règle dont
le roi demande , en vain, l'exemption au
général des jésuites . Le roi (entendons Jacques de Lacloche) interdit à son
prétendu fils de le rejoindre en Angleterre avec un jésuite italien : même
si c’est un Français, celui-ci ne devra pas l’accompagner en Angleterre. C’est
ce que le général des jésuites acceptera
en partie en donnant au futur
faux abbé Prégiani un acolyte francophone,
dont jacquyes de la Cloche se débarrasser avant d’atteindre Naples, mais qui le
rejoindra en Angleterre et le trahira. Au lieu de se rendre à Libourne pour gagner Paris et Londres, ils prennent
tous deux la direction inverse et arrivent à Naples, patrie du vrai abbé
Prigiani (un agent du grand-duc de
Toscane et affidé de la société
secrète des alchimistes). A Naples résidait un abbé de San Aniello , faisant partie des chanoines réguliers de Saint-Sauveur , et Jacques de La Cloche se fait confesser
par lui : "Jacques poursuivit avec une grande fréquence et ferveur
ses exercices de religion... Il ne donna sur lui - même à ce confesseur que des
renseignements équivoques et obscurs, disant que son père était un grand
seigneur anglais (le duc de Buckingham, protestant) et que sa mère, également de grande maison,
professait la vraie foi de l’Eglise
romaine (l'espagnole et catholique Anne d’Autriche) ; il avait lui-
même abjuré l'hérésie et s'était converti, éclairé par d'excellents religieux
(Bellings)."
Tandis qu'il se livre
à ses exercices religieux,l’ escroc qui lui avait volé son identité tombe
amoureux de la logeuse d'une l'auberge et, la mariée attendant un
héritier, il doit se marier d'urgence le
10 février 1669, sous le nom ronflant de dom
Jacobus Henricus de Boveri (Borrei, le prévôt de Franche-Comté) Roano (Henri de Rohan), anglicani (calviniste) et baron
de San Marzo . Dans son testament,
sur son lit se mort, il fait des dons fastueux, engageant un marquisat
imaginaire de Juvignis, valant 300 000 doublons et plus : selon nous, c’est
l’altération du nom du marquis de Ruvigny, le protestant qui
était l’ami de Cinq-Mars et l’amant de Mademoiselle de Rohan.
Avant la célébration
du mariage, Jacques de Lacloche
, sous le nom de Jacques Stuart, le quitte en lui laissant une partie
des doublons remis par le général des jésuites, trop heureux de se retrouver
libre et seul. On remarque que son
acolyte en parle comme d’un chevalier appartenant à l’Ordre de Malte.
Or, le «Très Grand Auteur » de la société secrète des
alchimistes, François Galaup de
Chasteuil, se faisait appeler” le chevalier” et, en
1644, il était devenu chevalier de l'ordre de Malte, car il avait rendu
à l'ordre des services signalés : le grand- maître en personne, Lascaris, avait
attaché sur sa poitrine la croix d'honneur.
Jacques de Lacloche se rend à Paris en passant justement par le château
italien appartenant à Galaup de Chasteuil, le château de Verceil, où il reçoit
argent et mission.
Il rend aussi, probablement, visite au grand-duc
de Toscane qui lui confirme sa mission
et rend visite à Henriette d’Angleterre,
puis arrive à Londres où il rencontre Jacques II.
Que prétendait faire
le frère aîné de Louis XIV en soutenant le complot de Roux de Marcilly d’une part et d’autre part en
jouant le convertisseur au catholicisme de Jacques II, lui l’ancien calviniste? Pourquoi ce plan,
fou en apparence, l’amenant à se dire le
fils naturel de Jacques II, ce qu’il savait être faux?
Il voulait , d’une
part, en ramenant le royaume d’Angleterre dans le sein de l’Eglise , faire ce
que réussit à sa place Dom John Hudletone qui donna l’extrême onction
catholique à Jacques II, le convertissant
in extremis le 5 février 1685.
Mais, pour cela, il fallait que le futur Masque puisse approcher le roi sans
donner de soupçon à la cour que « le papisme et les sabots », voire
les jésuites , rôdaient : tel est le but du stratagème du faux abbé
soi-disant théatin (donc non- jésuite) Prégiani approchant le roi sous
couleur d’astrologie et d’expériences de chimie et celui de l’invention d’un fils naturel du roi.
Ignorant des
difficultés que la papauté lui opposerait nécessairement puisqu’on ne peut être
catholique en secret ni ordonné prêtre sans attester de son identité, naïf en
somme, il écrit sous la signature de son père supposé Jacques II (lettre du 3
avril 1668) :
« il y a longtemps que nous prions Dieu de nous faire
naître l’occasion de pouvoir trouver une seule personne dans nos royaumes de
qui nous puissions nous fier touchant l’affaire de notre salut sans donner
ombrage à notre cour que nous fussions catholique. La providence de Dieu a pourvu et secondé nos
désirs, nous faisant naître ( !) à la religion catholique un fils auquel
seul nous pouvons nous fier dans une affaire si délicate. Il sera toujours
assez capable pour nous administrer en secret les sacrements de la confession et
de la communion (la conversion au catholicisme) que nous désirons recevoir au
plus tôt. »
Le faux Jacques II continue : « Si notre cher et bien
aimé fils n’est prêtre , et s’il ne peut pas l’être sans faire savoir
publiquement son véritable nom et sa naissance [autre que Jacques de La Cloche ],
ou pour autres circonstances (ce que nous disons pour ne savoir pas votre manière
d’agir en ces rencontres) . En ce cas, qu’il ne se fasse plutôt point prêtre à
Rome que de rien dire aux évêques ou prêtres qui il est, mais qu’il passe par Paris… Le roi et Henriette
d’Angleterre trouveront et auront le pouvoir de le faire prêtre, sans que l’on
sache qui il est et avec tout le secret possible, comme nous nous persuadons.
Si ce n’est que, sans tant de détours, il aime mieux venir à nous sans être
prêtre, ce qui sera peut- être le mieux, puisque nous pourrons faire la même
chose par le moyen de la reine notre honorée mère ou de la reine régente
qui pourront avoir à leur volonté évêques, missionnaires ou autres, pour faire
la fonction, sans que l’on sache et s’aperçoive de quoi que ce soit. »
A noter le lapsus
calami freudien révélateur: au lieu de la reine régnante (il s’agit
de la femme du roi d‘Angleterre, lettre du 3 août 1668), le futur masque écrit
la reine régente. Il récidive dans sa lettre du 29 août, tant l’idée de
sa propre régence lui tient à cœur.
Sur le même point (lettre du 29 août 1668) : « S’il y a
quelque chose que l’évêque ordinaire (de Londres) ne puisse pas faire sans
permission de Sa Sainteté, que (Jacques
de La Cloche) ne manque pas de pourvoir
très secrètement (à son ordination), en telle sorte qu’on ne vienne point à
savoir qui il est ; ce qu’il fera, s’il
peut, auparavant que de partir de Rome. » Le 4 août, il semble se
résigner volontiers à ne pas devenir prêtre, prétextant que ses forces et sa
constitution sont trop faibles Et puis « On peut être bon catholique sans
être religieux.» Passez muscade ! Bref, il y avait trop de difficultés
pour être ordonné, si bien que l’invention d’un abbé alchimiste et astrologue
se révèle indispensable. Exit Jacques
de La Cloche!
2 L’épisode anglais
et le faux abbé Prégiani, agent de Louis XIV ( !) destiné à convertir
secrètement le roi d’Angleterre au catholicisme.
Nous employons l'orthographe Prégiani, distinction très relative, mais commode, pour différencier le faux abbé du vrai dont nous orthographions le
patronyme Prigiani, abbé
napolitain qui a survécu à l'arrestation du Masque, et qui mourut à Naples - ce
qui a amené à tort Barnes et Laloy à revoir leur copie lorsqu'ils ont été
persuadés que l'abbé Pregiani et le Masque de fer ne pouvaient être le même
homme. C'est ce faux abbé Pregiani qui, sous le nom de Matteo Battaglia,
valet (servant) du roi,
sera arrêté par le major de Vauroy aux alentours de Dunkerque deux jours après
le départ signalé de notre abbé pour l'Italie
en passant par Paris.
Le signe qu'il s'agit
bien de notre homme nous est donné par Jacques II dans une lettre chiffrée en anglais, du 20 janvier 1669, à sa
soeur Madame Henriette d’Angleterre,
duchesse d’Orléans. Louis XIV détruira
cet échange de correspondance après la
date du 24 juin 1669, nous privant, bien entendu, de ce qui concerne le secret du Masque de fer
. Il reste la lettre de Jacques II à sa sœur Henriette : "j'en étais
arrivé ici de ma lettre, quand je reçus
la vôtre par l'Italien dont vous ne connaissez pas le nom ni la qualité ( !),
et il me la remit dans un passage où il faisait si noir que je ne reconnaîtrais
pas sa figure si je le voyais de nouveau (ceci se passe au palais de
Whitehall!) Cet homme réussira sans doute (ironie) puisque sa recommandation
(il n’en aucune puisque Henriette ne connaît, écrit-elle, ni son nom ni sa
qualité) et sa réception (dans le noir) s’harmonisent si bien. » Le roi
est aussi prudent que sa soeur : ils ne
veulent pas avoir aperçu la ressemblance criante entre le messager
italien et Louis XIV.
Le même tabou
d’évitement se retrouve dans le comportement de Louis XIV vis- vis du faux
abbé, tel que son ministre de Lionne en fait part à son ambassadeur à
Londres le 13 février 1669 :"Sa Majesté
défend (à l'abbé) de rien écrire
ici, tant qu'il sera en Angleterre, non pas même à moi, Sa Majesté ne voulant rien
connaître que par votre seul canal, comme il est juste; et que par conséquent, quelque
chose qu'on lui pût dire dont on lui demandât le secret à votre égard, il doit
vous le dire tout; et que s'il manquait à cela, et qu'il le fît passer ici sans
votre participation, Sa Majesté, quelque avantageuse que lui pût être la chose,
lui enverrait aussitôt ordre de s'en revenir".
Les trois missions secrètes
de l'abbé sont fort embrouillées :
1)La seule dont l'ambassadeur ait connaissance consiste dans
la négociation du traité secret de
Douvres par lequel la France, catholique
s'unit à la protestante Angleterre contre la protestante Hollande, avec
en plus un salaire versé secrètement au
roi d'Angleterre. Sont au courant seulement le roi de France, l'ambassadeur à
Londres, le ministre de Lionne , le roi d'Angleterre et sa soeur Henriette , puis, rapidement,
par les indiscrétions de l'ambassadeur, l'abbé et son demi-frère le
ministre protestant Buckingham.
2) Mais ce n'est là que l'aspect le plus clair de sa
mission : pour doubler l'ambassadeur dont c'est pourtant la fonction, le roi de
France a consenti à envoyer, sur la demande de Jacques II , un abbé en apparence astrologue et chimiste
sous le prétexte de la première mission, mais en réalité destiné à enseigner secrètement à Jacques II les
éléments du catholicisme pour le préparer à sa conversion. Seuls Jacques II, sa soeur Henriette et
l'abbé sont au courant de son désir secret de se convertir : c’est ce que
Charles appelle le "grand secret" dont Msgr Barnes raconte
très bien les détails. On trouvera , après la mort de Jacques II, dans sa
poche, avec des reliques liées également à quelqu'un qu'il a trahi (l’abbé), des papiers de
controverse religieuse rédigés par l'abbé en français (Barnes, op. cit, . p.262), le texte français se
trouvant dans les archives du Vatican, et une autre version existant, traduite en anglais, -tout ceci montrant que l'abbé (précédemment le
séminariste jésuite Jacques de La Cloche) s'est bien acquitté de la mission
voulue par Jacques II, mission dont Louis XIV se souciait comme d'une guigne et qu'il ne lui avait
aucunement confiée, puisqu'il ignorait le désir de Jacques II de passer au
catholicisme secrètement . Le roi
d’Angleterre préfèrera trahir l'abbé plutôt que celui qui le stipendie, le roi
de France, et lui indiquera la date où
l'abbé quitte l'Angleterre et sous quelle identité (celle du valet Battaglia).
3) Mais la mission la plus secrète et la plus
invraisemblable,c’est celle que Louis IV
confia, non sans hésitation , au faux abbé Pregiani, peut-être sur
l’imprudente demande de ce dernier auprès de
la seule intermédiaire que le roi acceptait, Henriette
d’Angleterre : cette mission consistait à donner au roi de France des informations sur l'homme qui se faisait
passer pour l'héritier légitime de la couronne de France, Veiras, l’homme qui était le fer de lance et
l'arme secrète de la conjuration de Roux de Marsilly, -cet homme qui n'était autre que lui-même !
Pourtant, Louis XIV,
méfiant, n’accepte, ni de rencontrer l’abbé, ni de
recevoir de missive de sa part. Lorsque, plus tard , le roi de France voudra s'enquérir
auprès de Fouquet si Eustache Dauger, emprisonné
avec lui et lui servant de valet, c’est-à-dire l’abbé Prigiani , avait révélé devant
l'autre valet de Fouquet, Larivière, "ce
à quoi il avait été employé (par le roi Louis XIV-le passif
impersonnel est révélateur!) avant son arrestation" , ce n'est que de la 3e mission qu"il
s'agit, celle qui révèle l'inquiétude du roi sur l’identité du prétendant. Et ceci démontre bien que Fouquet
savait tout avant son incarcération à Pignerol en 1661. De même, lorsque
Jacques II écrit à sa soeur le 7 mars 1669 : "J'ai constaté que l'abbé
Pregnani avait beaucoup d'esprit, mais vous pouvez être sûre que je n'entrerai
pas en liaison avec lui plus qu'il ne convient aux renseignements que vous m'en
avez donnés" "Your character" signifie, non pas comme
Laloy le traduit, p.74," à votre caractère", mais : à la description
de l'individu).
Richard Bellings est
l'homme -clé qui a mis en relation notre
futur Masque et Jacques II : c’est Bellings qui est intervenu à deux reprises comme
représentant personnel secret de Jacques II , une première fois vis- vis du
Saint-Siège pour négocier le chapeau de cardinal de lord d’Aubigny d'abord,
puis une seconde fois vis- vis de Henriette d’Angleterre. Malgré le
fait que le futur Masque ait été trop
loin la première fois et que, condamné
au bannissement, il ait dû changer de
pseudonyme, il est resté dans les meilleurs termes avec son maître.
La lettre du 8 août
1668 (citée par Msgr Barnes, op. cit., p.305 et 306) et fabriquée
par Jacques de Lacloche annonce le plan qu'il mettra en oeuvre sous le
pseudonyme du faux abbé Pregiani :
approcher Charles pour lui expliquer la supériorité du catholicisme sans donner
de soupçons aux protestants, sous le prétexte qu'il serait son fils naturel,
avant même que le roi n’ait songé au paravent de l'astrologie et des
expériences de chimie, dès lors qu'il aura obtenu pour le souverain le
privilège d'être catholique dans son for intérieur tout en demeurant provisoirement
le chef de l'Eglise anglicane :"Quoiqu'il y ait eu ici (à Londres) une
multitude de prêtres, tant au service de la reine dont une partie a habité dans
nos palais de Saint- James et de Sommerset
-House, que dispersés dans toute notre ville de Londres, toutefois nous
ne pouvons nous servir d'aucun, pour l'ombrage que nous pourrions donner à
notre cour par la conversation de telles gens qui, sous quelques déguisements
d'habits qu'ils puissent avoir, sont aussitôt reconnus pour ce qu'ils sont...
Comme il (Jacques de La Cloche ) n'est ici connu en aucune façon, ...nous
pouvons en toute sûreté converser avec lui et exercer en secret les mystères de
la religion catholique, sans donner ombrage à qui que ce soit de notre cour que
nous soyons catholique, ce que nous ne pouvons faire avec aucun missionneur ( anglicisme pour prêtre de
paroisse), tant aussi pour la confiance que nous avons de lui ouvrir notre
conscience avec toute liberté et sincérité, comme à une partie de nous-même
...Dieu s'en veut servir pour notre salut".
La pierre
d’achoppement, ce sera son identité sulfureuse et son soutien au protestant
Roux de Marsilly, poussant le roi d’Angleterre à dénoncer son ami à celui qui
le rémunère chaque mois : Louis XIV.
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