Les prétendus « polissoirs » et
leurs sillons magiques
Ceux qu’au dix-neuvième siècle on
appelait des « antiquaires »
distinguaient les pierres
druidiques des autres mégalithes,
les dolmens, les menhirs et les « polissoirs ». Les pierres
druidiques se présentent généralement en groupements pierres druidiques,
comme autour du
pseudo « polissoir » de la Pierre
cochée à Droué dans le Loir-et-Cher et elles ont des formes qui semblent
étranges. Quelquefois elles ont seulement des trous, comme à Droué
précisément Les Gaulois les appelaient « mar » et les druides s’en servaient
pour leurs sacrifices. Citons , à Saint- Sauveur- Marville , la Grosse pierre
du champtier qui a donné son nom à Marville
(la ferme de la pierre sacrée , mar),
ou encore le Cheval
-de- bronze, traduction facétieuse de
mar qui signifie en gaulois à la fois cheval et pierre. Albert Sidoisne, dans sa brochure Bonneval sur le Loir, Editions du
syndicat d’initiatives, Bonneval, 1965, 64 pages, p. 59, situe le Cheval- de- bronze en ces
termes : « A un kilomètre 400, Nottonville […] ; gagner le
chemin de Vallières ; à 400 mètres, descendre à gauche jusqu’à un sentier
qui longe la Conie à droite ; à 50 mètres, on rencontrera de volumineux
« perrons », que domine un énorme conglomérat de roches dit le Cheval -de- bronze et qui demeure assez
énigmatique ».Cette brochure de Albert Sidoisne
est le meilleur recensement des pseudo- « polissoirs » de la
région de Bonneval, qui n’intéressent guère les archéologues le plus
souvent ; or, l’utilisation de ces pierres « druidiques » par
les druides est liée à ces pseudo- « polissoirs », donc à la déesse
Cérès et à l’agriculture céréalière.
Les
pseudo-« polissoirs » et leurs cupules, -en réalité des pierres commémoratives de la mort des grains
de blé ou d’orge plantés dans les sillons.
Ces mégalithes,
qu’on appelle à tort des « polissoirs », ne peuvent être, comme on le dit parfois, le
résultat accidentel de la taille d’outils ou d’armes, comme les vrais polissoirs
portatifs auxquels, à regarder de près, ils ne ressemblent pas vraiment. D’ailleurs, alors que l’humanité tout entière
a passé par un âge de la pierre d’abord taillée , puis polie, il n’y a pas de
« polissoirs » ailleurs que
dans certaines régions d’Europe continentale très peu nombreuses. Le grand
nombre des menhirs ou des dolmens en Europe, comparé au petit nombre des pseudo-« polissoirs », est
d’ailleurs révélateur. Surtout, leur absence complète en Corse, où il n’y a pas
eu de Gaulois, mais des Ibères et où l’on trouve seulement des menhirs et
quelques dolmens, en est une
confirmation.
Les pseudo- « polissoirs » ne sont pourtant
pas une innovation de l’Europe car on les retrouve, datés entre-5000 et -3000 , à Malte et dans l’île voisine de
Gozo : ainsi, dans le
sanctuaire de Tarxos, du féminin karksos,
où l’on reconnaît le nom , en ancien
maltais (langue appartenant au rameau tokharien , -une langue indo-européenne)
de la déesse des céréales Cérès, littéralement celle qui fait croître, nom
apparenté au latin cresco, croître, germer, du radical ker , croître, +suffixe –sk signifiant commencer, on peut voir , sur la partie basse de
statues mi-féminines mi-animales de la déesse
du blé représentée sous la forme d’une jument (les statues ayant été
mutilées, on ne voit que le bas : des pieds humains, mais avec les jarrets d’une jument ! ) des sillons auxquels on n’a
guère fait attention et qu’on a pris pour les plis de sa robe. En tout
cas, sur la carte postale ci-jointe, on
aperçoit, à droite à l’arrière-plan d’une
statue de Cérès en jument, les traces d’un second pseudo-« polissoir.
.De même
qu’à Göbekli Tepe (voir mon article) se trouve une figurine représentant un
sanglier avec, gravés sur le flanc,
quatre sillons, de même on peut voir à
Malte un bas-relief du sanctuaire de
Cérès représentant aussi un sanglier qui présente des sillons sous le ventre, pris par les
profanes et les touristes pour des
mamelles (voir la carte postale ci-jointe) :
le sanglier avec les sillons est en bas
à gauche). Que ce soit à Gobe-li ou à Malte, le pictogramme du sanglier évoque
la mort de l’orge, car le nom du sanglier, porcus, évoque le nom du dieu des morts, Orcus ou Phorkus.
Les
polissoirs dits fixes ne sont pas des polissoirs et ceci explique la gêne des
archéologues qui préfèrent ne pas parler
de ces mégalithes gravés. Alors que le
menhir est un catalyseur magique de la tige du blé vert, dont témoignent les
noms de Verdes (la quasi-homophonie
du mot gaulois signifiant sillon, werth ,
et du nom de couleur werdh-, a joué son rôle), de Vert- en- Drouais, de Vers-
lès- Chartres, la pierre appelée « polissoir » représente les
sillons issus du labourage d’abord par un cheval , puis par un bœuf . .
Le mot sillon dans les langues indo-européennes
provient du radical *swe/olk, gonfler, et désigne, non pas la tranchée proprement
dite, mais ses bords formés de la terre écartée. Le grain passe pour y mourir avant de pouvoir pousser, ce qui avait excité
les railleries de Voltaire quant à l’ignorance botanique du Christ. Celui-ci
dit en effet (Evangile de Jean, 12,
24) : « Si le grain de
blé qui est tombé à terre ne meurt, il
reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.», ou,
autrement traduit, le grain de blé doit être mis en terre et y mourir pour
rapporter. L’invention de l’agriculture liée aux semailles procède du fait de
mettre en terre, à une certaine
profondeur, des grains de blé ou d’orge, comme les cadavres. Le mégalithe aux
sillons est une autre forme qu’a prise au fil du temps la barre transversale au
sommet des menhirs de Göbekli Tepe et,
comme cette barre, il représente, la mort du blé divin, la mort
de Perséphone ou Proserpine, épouse de
Orcus, qui se retire sous terre
pendant la saison froide. .
Le pseudo- « polissoir » est un mégalithe qui, après les menhirs en
marteau portant des cupules, porte des trous,
artificiels ou naturels. Il est probable qu’il était l’héritier des
piliers en forme de marteau de Gobeël-li avec des cupules et qu’on y
mettait une ou plusieurs graines avec de
la terre. Au printemps, lorsque le blé avait germé, les croyants ornaient le
pseudo-« polissoir »,
pour la levée du deuil,
d’autres végétations diverses.
Les noms des « polissoirs ».
La pierre
Coupe ou Coupée à Alluyes est un nom de polissoir qui renvoie aux sillons
qui y sont gravés, de, kolp- ,
pli,sillon, radical qu’on retrouve dans le
grec (k)olkos, de kwolkw-, avec traitement de la seconde labio-vélaire en p
dans un second mot grec , kolpos,
pli., qui a donné gouffre en français.
Nous retrouvons ce mot dans la section G1 du cadastre de Lanneray dite du Gouffre, mot désignant le polissoir qui était dans le bois défriché de la Butte.
Le radical ibère lup-,
lut-, rut-, sillon.
La
Pierre Césée, à Soucelles dans le Maine -et- Loire, doit peut-être son nom, par apocope, à (leu)k-etia , sillon pour orge, de
leukw, sillon ,+ -et -signifiant
orge. (cf. . Decize sur la Loire, en latin Decetia de Leuketia).
Le
radical lup- signifiant sillon se
retrouve dans le nom du polissoir de la Louveterie
de Bonneval, de lup, sillon, et de –ete,
orge +suffixe en- ria, dans le nom d’une peuplade anatolienne
préhistorique, les Louvites , dans les
noms christianisés de ces mégalithes, par exemple à (La Bourdinière-) Saint- Loup. Lut-,
étant parent du latin ulcus, sillon, se retrouve avec rhotacisme dans le nom
maltais du géoglyphe (carl) rut,
sillon (pour orge, carl en maltais
ancien). Il faut en rapprocher la série eurélienne Louville, Louvilliers,
La Loupe, Lutz -en- Dunois, Lucé …
Les nombreux et énigmatiques toponymes
de Chanteloup, par exemple
dans le Loir-et-Cher (commune de Renay, près de Vendôme) donnent le nom complet
du mégalithe : « sillons pour
les grains d’orge », de kltha, grains d’orge, où le
l voyelle se nasalise, donnant en français chant
et où le th se transforme en t.
On
reconnaît ce radical lukw ou lukws signifiant sillon dans les toponymes Lycia et Lydia, ainsi
que dans Loxô, le nom de l’hyperboréenne qui introduisit le blé à Délos
ainsi que dans une épithète du dieu
Apollon, Loxias.
Les dieux agraires des Gaulois.
Le nom de Latone,
la mère d’Apollon, vient de Blatson, le sillon (gwolgws-).
En lydien, on a un
nom d’Apollon, Pldans, de blatso, le sillon, à rapprocher du nom latin de Pluton.
Quant à Apollon, il est appelé Hécatos dans l’ lIliade et l’appellation est de sens obscur, probablement le semeur
d’orge, comme le nom de sa soeur jumelle, Hécata, la semeuse d’orge. Le nom de Hécata évoque celui de la déesse égyptienne Héket. . En lydien, on a un nom d’Apollon, Pldans, de blatso,
le germe du blé, à rapprocher du nom latin
de Pluton.
Les
cordes de la lyre d’Apollon sont un symbole des sillons. Les épithètes homériques,
obscures, du dieu et de sa soeur, Hécatèbolos
et Hékaergos, s’analysent en
liaison avec le nom des céréales : bolos
le blé, et wergo, le blé noir.
.Le géoglyphe maltais des carl rut, qui signifie sillon pour grains d’orge,
s’analyse en :
carl
, grain d’orge , de kardha, en
grec kritha , en latin hordeum , en gaulois ksordheon(
donnant en français escourgeon, orge d’automne), allemand Gerstenkorn,
du vieux haut allemand gersta , de kwr, grain, et de dhea, orge, , grec
homérique dzeeai, épeautre , à
rapprocher du sanskrit yavah, orge, ;
et rut,
de luk , sillon, parent de la racine we/olk , gonfler, qui donne en latin ulcus, sillon. Les carl rut
maltais sont à Malte des sillons
parallèles de plusieurs kilomètres. A noter qu’on trouve aussi ces profonds sillons dans l’îlot englouti au
large de la Sicile, la Pantellaria vecchia .
En
Bretagne, les noms de Mané Rutual ou
de Mané Lud contiennent ce mot sillon
sous la forme lut ou rut--ual et il y a quatre rangées
de bâtons coudés dans lesquels on a vu à juste titre des épis ou
germes de sésame (et non des crosses
d’évêque !), accompagnés d’une tête de jument, c’est- à- dire de la déesse
Cérès.(voir mon article sur les menhirs) Mané est parent du latin milium, millet et de de sesamon, sésame.
En
Eure-et-Loir, le « polissoir » disparu
de Germignonville lui avait donné son nom : la ferme (villa) de la pierre aux grains de millet, du gaulois Germilion, de ger, grain, et de milion,
millet (latin milium, grec mélinè).
Les deux
pseudo-« polissoirs » de Civry., voir photo ci-contre.
Taillés
dans un poudingue gréseux datant de l’éocène, ces polissoirs de Civry (voir
photo ci-contre) ont été déplacés dans la rue du Polissoir, l’un devant la mairie, l’autre
sur la Place de l’Eglise. Le mégalithe
de la Place l’Eglise est appelé Puits saint Martin, de puits (altération de buxum, peigne , à cause des dents, et de
Martin (christianisation
de mar, pierre). La pinte
de saint Martin est le nom d’un autre pseudo- « polissoir » à
Corancez, appelé pareillement le Puits de
saint Martin : pinte
est l’altération de (s)spicata,
pierre en forme d’épi, désignant à l’origine un menhir, confondu avec pincta, peinte, la pierre étant réputée peinte de sillons, pourvue
de marques de mesure,comme l’était la pinte .
Dans les
deux mégalithes, les malades buvaient une eau salutaire qu’ils puisaient
dans les cupules (comparées à des pintes) et, leur santé revenue, ils déposaient en offrande des tiges de blé, des
fleurs et des rameaux verts, souvenir de l’ancienne levée de deuil.
Les
pseudo-« polissoirs et leurs noms
Les
cannelures imitant les sillons du pseudo- « polissoir » ont inspiré ses divers noms. Citons d’abord le nom,
pour une fois transparent, de Pierre
complissée, du latin complicata, pierre avec des plis, nom transféré d’un polissoir à
un dolmen de Berchères-les- Pierres. Mais les noms des
« polissoirs « sont souvent des métaphores qui jouent sur
l’analogie :
A) grille ou gril (de craticula, et de son diminutif cratella, gril , dérivé du latin
cribrum, criblum ,désignant
un van en osier, servant à
séparer la paille du grain, puis gril à cause des stries du polissoir ) comme à
Courtalain (Eure-et-Loir), les Grils du Diable, altérés en Griffes du Diable .
B) soufflet de forge, à cause des rayures
du soufflet ; du nom latin
du soufflet, follis, , on a les
nombreuses et aujourd’hui incompréhensibles Folies : La
Folie de Maintenon, le polissoirs de la Folie- Montchaussée dans le
bois de la Roche- Bernard à Saint- Denis- les- Ponts, déposés en 1990 au musée
de Châteaudun, avec de belles cupules , les nombreuses Folie comme celle , peut-^$etredisqparue, de Fains,-la -Folie, le nom d’un polissoir , la Pierre à folie , transféré à un menhir ,
à Berchères- sur- Vesgres, au lieu dit le bois de la Butte..
Du nom grec des soufflets de forge physaria,
on a Figueiras en Espagne, Figari en Corse (ce dernier toponyme étant attesté par Ptolémée au II è siècle après J –C sous la forme
Phisèra). Citons aussi Santa- -Maria- Siché en Corse où Marie est la christianisation de mar, la pierre, et où siché
renvoie au grec psychè, éventail de
liège (à cause des plis ou des trous ),
apparenté au groupe grec psuch-,
souffler de l’air frais et au grec psugma, éventail.
Les mots latins buxum
et buxidion, peigne en buis, à cause des dents du peigne
rappelant les stries du polissoir,
ont donné puits ou, en particulier en
Eure-et-Loir, buisson, ou (avec
changement de suffixe) boissier.
Le mot scala, échelle, est responsable d’un
nom étonnant, celui du pseudo- « polissoir » d’Ymeray, la Mère aux Cailles, de marscala, , l’échelle de pierre, altération
de mar, pierre, et de scala, échelle, à cause des barreaux
transversaux de celle-ci. La superstition disant qu’il ne faut pas passer
derrière une échelle, rationalisée en disant qu’il ne faut pas passer sous une
échelle, parce que cela porterait
malheur et entraînerait la mort, vient de ce mégalithe consacré à la
mort du blé. Le nom de lieu-dit
l’Echarbot, (Lanneray ) dérivé du latin scabellum,, escabeau, .
Dans le
même ordre d’idées, les latin
gradus,
, degré, marche d’escalier, et gradualeem , escalier, donnent en ancien français les
mots graduel, graël,
et graal. . Les deux derniers ont subi
l’attraction sémantique des cratalem, vase, du latin populaire cratalem,
, de cratera., ,ainsi que du dérivé
du latin classique craticula, ,savoir cratalem,
gril. et des dérivés de grediller, friser (une chemise), une
collerette, une guimpe, une fraise au fer chaud, lui faire des plis.
Un mot
d’origine francique, comme kroes, friser au fer chaud (cf. krusil(, groseille, kruselbere en allemand désignant
baie côtelée) a donné les nombreuses grosses pierre, où grosse , (de kroes ,plissé) pierre fait allusion aux plis du « polissoir ». De même, les Pierres grises, altération de pierres greselies, du même radical
francique croesel. .
Dans Wolfram von Eschenbach il faut quatre dames très musclées et surtout pourvues d’une force
magique pour porter un « graal »
qui est un polissoir (« un »
graal, dit aussi Chrétien). De deux choses l’une : ou il s’agit d’un
vase (du grec cratèr latinisé en cratera, et de son diminutif populaire cratalem) :
en ce cas, une seule personne peut le porter sans effort ; ou il
s’agit d’un polissoir pesant plus d’une tonne et que seule « la merveille »
peut mouvoir. En tout cas le mot graal
désigne chez Wolfram
une pierre, comme l’a fait
remarquer mon condisciple et médiéviste Joël GRISWARD, précisons un polissoir, que les
quatre porteuses du Parzifal ont du
mal à soutenir. Le polissoir y est
représenté par un tailloir et par un abaque , un ABC par jeu de mots à cause des stries,du boulier ou bien encore de
pierre « turquaise », car on prêtait la création des « polissoirs »aux
Sarrasins et autres infidèles (voir
mon article Peut-on déchiffrer les six énigmes du Parzifal de Wolfram d’Eschenbach
concernant le Graal ? sur
mon blog http://coldcase28.blogspot.fr/).
L’extension de sens du polissoir au dolmen est secondaire, mais remarquons que
le dolmen, n’ayant pas de dallage ou de sol, ne peut être porté et qu’il s’agit
bien ici d’un polissoir.
Le bénitier du Diable, entre Varize et
Corrmainville (ce dernier nom venant du gaulois
curminis, boisson d’orge),
attesté au Ve siècle par Marcus Empiricus,
cf . anglais corn), au Bal des dames de Bainville,
« vaste terrain semé de roches aux formes bizarres « »parmi
lesquelles se trouvent plusieurs autres polissoirs, est un polissoir ainsi nommé
à cause des stries du coquillage appelé bénitier, coquillage qui ressemble à la
coquille Saint-Jacques. Les Dames de Bainville
sont les fées de Valainville (la
ferme de Balsena, la déesse du blé, à rapprocher de la déesse de la guerre Bellone et de Belena, ainsi que du nom gaulois du blé blato, du nom de la Beauce, Beltsa(ma) et de celui de Bellême) à Saint-Maur, si
redoutables que l’on a altéré le nom de leur sanctuaire.
La coquille saint Jacques est l’emblème
des pèlerins qui se sont rendus une fois dans leur vie sur le tombeau
du Seigneur à Jérusalem ou, pour le moins, sur le tombeau de saint Jacques le Mineur. Il s’agit, à
cause des stries que porte la coquille,
d’une allusion au
« polissoir » qui avait donné son nom à Compostelle
et dont les stries rappelaient la mort provisoire du blé. Compostelle se décompose en stela, stèle funéraire, tombeau, en korn, blé (anglais corn) et en por, froment
(grec puros, latin far, épeautre) c’est-à-dire kornpor-stèla,
le tombeau du blé, qui a donné Compostelle. D’autre part, dans
le nom
de coquille saint Jacques, Jacques
est l’altération de basque.
La mort du blé en vue de sa renaissance a été aisément assimilée par
le christianisme primitif , en Gaule
notamment, à travers la religion d’Isis,
vers le IIe siècle ap. J. -C : les lampes funéraires isiaques (voir
la photo d’une pièce de ma collection) , retrouvées à côté d’une aiguière et
d’une assiette dans les sépultures en Eure-et-Loir et ailleurs, portent d’abord
l’image complète de la coquille Saint
-Jacques en mémoire de la mort d’Osiris.,
puis cette image se réduit de façon à ne plus figurer que sur le pourtour de la
lampe et à n’être guère identifiable pour des profanes. Les treize sillons de
la lampe, héritiers des sillons du pseudo-« polissoir », sont pour
les adeptes d’Isis Sochir ou Sochet (Sochir signifie aujourd’hui
encore champ d’orge en copte) le gage de la vie future après la mort, comme ils
avaient été le gage de la renaissance de l’orge après ce que Frazer appelle la « mort.» du dieu. En effet, selon Frazer (Jdans Le Rameau d’or, Esprits des blés
et des bois, Ed. Robert Laffont,
collection Bouquins, Paris, 1984, 4 vol., vol .3, p. 143) « Isis et son compagnon Osiris
(sont] deux personnifications du blé [ou de l’orge]…. Isis serait l’ancien
esprit du blé [ou de l’orge], Osiris le nouveau. » Les Grecs identifiaient Isis à Dèmèter et les
Romains à Cérès. Frazer, dans Le Rameau d’or, Atys et Osiris, Ed. Robert Laffont,
collection Bouquins Paris, 1984, 4 vol., vol .2, p. 471, cite Diodore de Sicile (I, 14, I) qui,
résumant les travaux aujourd’hui perdus de l’historien égyptien Manéthon, attribue à Isis la découverte
du blé et de l’orge. « On portait en procession à ses fêtes des tiges de
ces céréales pour commémorer le don qu’elle avait fait aux hommes. Les
Egyptiens, quand ils coupaient les premières tiges, les posaient sur le sol et
se frappaient la poitrine en se lamentant et en invoquant Isis. .On a déjà
expliqué cet usage, continue Frazer, comme une lamentation en l’honneur de
l’esprit [ancien] du blé, tombé sous la faucille. » On retrouve le nom de
cette « Maîtresse de
l’abondance » dans le nom eurélien de Luplanté, les sillons d’abondance, de lup, sillon, et de l’ancien français plenté, abondance, resté en anglais (plenty), latin plenitastem,
plénitude, abondance.
Le casse-tête de la datation des « polissoirs ».
On
date le site de Göbekli Tepe en Asie
mineure qui contient déjà des « polissoirs » en mêmev temps
que des menhirs en tau de 9600 avant
notre ère et 8200 le site
englouti de Pantelleria Vecchi à 60 kilomètres de la Sicile, 8200 tandis
que les sites de Malte dateraient de -5000 ans.
On peut supposer que les auteurs de ces mégalithes tant asiatiques que
maltais ont passé par l’Europe continentale avant
d’atteindre Stonehenge vers 2800 av. J. –C. ou plutôt, selon les dernières
découvertes de Durrington Walls, en -4500.
Nous pouvons donc retenir pour
Carnac, antérieur en principe, la date
de 5000 environ avant notre ère et pour
l’Eure- et –Loir une date antérieure : -5500 avant notre ère pour les menhirs et les polissoirs, soit
presque trois millénaires
avant les premières pyramides d’Egypte qui datent de -2700. Les
dolmens sont un peu plus tardifs, semble-t-il.
Les énigmatiques sillons à orge, ou la fertilité
divine des pierres.
Jared Diamond, dans Effondrement ou Comment les sociétés décident de leur disparition ou de
leur survie, Gallimard, Paris, 2005, p.
132, décrit de surprenantes méthodes préhistoriques de culture : «
les zones d’agriculture extensive étaient partiellement recouvertes de pierres
placées en surface à proximité les unes des autres , afin que les cultures
puissent pousser entre les pierres ; d’autres vastes zones furent
modifiées par ce qu’on appelle des « mulchs
lithiques », c’est-à-dire que l’on ajoutait au sol des pierres sur une
profondeur d’environ trente centimètres qui étaient, soit prélevées sur des
affleurements rocheux environnants , soit obtenues en creusant jusqu’au substratum rocheux pour briser les roches qui le
composaient. » Tels sont les
sillons à orge de Malte.
Qu’appelle-t-on
mulch en anglais? C’est un paillis, une couche protectrice faite
d’éteules et de déchets de moisson
laissés à la surface du sol pour le protéger avant et pendant la mise en culture.
«
Dans les fermes du nord-est des Etats-Unis, […] les agriculteurs se donnaient
beaucoup de mal pour évacuer les pierres de leurs champs et ils auraient été
horrifiés à l’idée d’y apporter délibérément des pierres .On retrouve […]
l’agriculture de mulchs lithiques
dans de nombreuses parties du globe, comme dans le désert du Néguev en Israël,
dans les régions sèches du Pérou, de la Chine, de l’Italie romaine et en
Nouvelle-Zélande maorie. Les pierres rendent le sol humide en le recouvrant,
réduisent l’évaporation d’eau due au soleil et au vent et empêchent la
formation à la surface du sol d’une croûte dure qui favorise le ruissellement des eaux de pluie. Les
pierres réduisent les fluctuations diurnes dans la température du sol en
absorbant la chaleur du soleil au cours de la journée et en l’évacuant pendant
la nuit ; elles protègent le sol
contre l’érosion car les gouttes de pluie viennent s’écraser à leur
surface ; des pierres sombres sur un
sol plus clair réchauffent le sol en absorbant une plus grande quantité de
chaleur solaire ; et elles peuvent également servir de pilules
fertilisantes à diffusion lente […], car
elles contiennent des minéraux indispensables qui pénètrent progressivement
dans le sol ».On voit d’ailleurs
sur les images du net des taches blanches (marne, calcaire ? ) près
des sillons pour orge plus sombres, tant à Malte que sous l’eau pour la
Pantellaria Vecchia. Des chercheurs américains comme Christopher Stevenson ont expérimenté ce système
agricole dans le sud-ouest américain et prouvé que la quantité d’humidité était
ainsi doublée et les températures
maximales des sols au cours de la journée abaissées, tandis que les températures minimales durant la nuit étaient augmentées ; le
rendement était de quatre à cinquante fois supérieur selon les espèces.
Toutes ces réalisations demandaient un énorme
travail et nécessitaient le déplacement de millions de tonnes de pierres. On
comprend dès lors pourquoi les premiers Maltais et leurs ancêtres de Göbekli Tepe, puis leurs descendants, les Euréliens, représentèrent des sillons sur
de grosses pierres et pourquoi la pierre leur était sacrée, puisqu’elle
représentait pour eux un gage de fécondité et de fertilité.
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