Jules César et le lieu où se réunissaient les druides chez les
Carnutes : deux contresens sur la langue gauloise.
Une phrase de César (La Guerre des Gaules, VI,
13) a fait couler beaucoup d’encre : « Les druides, à une époque
déterminée de l’année, se réunissent sur le territoire (fines) des Carnutes, région qui est considérée comme le centre (latin medium) de toute la Gaule
, dans un lieu consacré (locus
consecratus) ».
Nombreux sont ceux qui ont tenté
de trouver ce lieu, où tous les druides de toute la Gaule, c’est-à-dire les prêtres lettrés
(littéralement ceux qui savent, uid,
à rapprocher du grec [w]oida, je
sais, et du latin video,de voideo, + adverbe gaulois dru , beaucoup) étaient censés affluer à date fixe chez les
Carnutes. La question fut à la mode entre 1817-1836, ainsi que le montrent les
nombreuses brochures des Mémoires sur les antiquités nationales.
En 1959 A .Ferdière , dans
« Le lieu consacré des druides chez les Carnutes : mythes et
réalités »,Actes du colloque AFEAF
de Châteaudun, p.145-159, a établi une bibliographie quasi –exhaustive de la
question et, en 1997 B. Robreau
l’ a actualisée dans Les Carnutes et le centre de la Gaule , SAEL,84 pages, et conclu en faveur de Micy , près d’Orléans, de medio-ceton, le bois du milieu, ceton
ou ceiton
signifiant bois ,forêt, en gaulois, comme coat en breton et coed ou
coit en gallois. Il y critique entre autres:
1)Madame F. Leroux, dont « Le Celticum d’Ambigatus et l’Omphalos
gaulois », Ogam, 13, 1981,
p.158-184, est en faveur d’Orléans plutôt que de Chartres , étant précisé
que Ambigatus est le fondateur du mediolanum
qui donne son nom à Milan et que l’omphalos serait l’équivalent en grec du
mot gaulois mediolanum ;
2) A. Ferdière , op. cit, favorable à la localisation à Saint-Benoît-sur-Loire ou à
celle de Chartres ;
3) Madame A. Lombard- Jourdan, Montjoie
et saint Denis : le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis,
1989, Editions du CNRS. ;
4) Y. Vadé,
« Le système des mediolanum en
Gaule », Archéocivilisation,
11-13, 1972-74, p. 87-109, où l’auteur dresse la carte de 48 noms dérivés de mediolanum, signifiant, selon les auteurs, « plaine [lanum, cf planum en latin] du milieu » ou , car il n’y a pas toujours de
plaine en ces lieux, « centre de perfection », qui seraient reliés
entre eux par des rapports géométriques d’équidistance, comme l’avait fait dans Historia , pour les nombreuses Alésia, tel autre celtisant.
Max Gilbert dans Pierres
mégalithiques (menhirs et dolmens) en Normandie, Guernsey Press,
Guernesey, 1956, p.116 , après avoir
cité le mediolanum du Vieil
Evreux et l’opinion de Lejeune situant
le lieu recherché dans la Garenne des Clapiers à Alluyes, penche finalement pour Chartres. Il pense à juste titre que chaque tribu gauloise avait son mediolanum et que Milan (de medianum) était le mediolanum des Gaulois
cisalpins. Le plus fameux celtisant du XIX è siècle, Camille Julian, invoque
Saint-Benoît-sur-Loire dans le Loiret,
près d’Orléans, tandis que son école songe à Fleury- sur -Loire dans la Nièvre
près de Nevers, en tirant argument du fait que ces villes sont situées sur le
méridien de Paris, donc au centre (medium) géographique de la France.
A quoi Gilbert rétorque, op. cit. , p. 117, que la France actuelle n’est pas la
Gaule de César et que Sens était alors plus important que Paris et son futur
méridien. Pour Gilbert, Chartres, la ville des Carnutes,
de Carnutarum urbs, est dès lors
plus intéressante qu’Orléans, et
il affirme que Chartes est plus proche de l’Angleterre où
les druides allaient étudier à l’île d’Anglesey qui s’appelait en gallois Mona
(CESAR, La Guerre des Gaules 5, 13,3 ; Tacite, Annales, XIV, 30) et d’où vinrent des renforts aux Gaulois assiégés
à Alésia. .
Mais Gilbert, op. cit. ,
p. 127 , a eu l’intuition que le lieu recherché se trouvait au Bois de
Moléans , dans la commune de Saint- Maur- sur- le -Loir , Moléans qui ne semble pas
cité par Y. Vadé parmi ses 48 noms:
«Le Loir s’enfonce en formant un ravin très profond, dessinant une courbe vers
l’Est, puis descend vers le Sud en suivant les pentes nord et ouest d’une
forte colline (avec pentes fort escarpées) dite le Bois de Moléans ;
ce bois est donc entouré au nord et à l’ouest par une boucle du Loir, au sud
par le gros ruisseau dit la Conie, et, à
l’est, par un ravin (sans ruisseau) guère moins profond. Personnellement,
si j’avais été un druide cherchant un « bois sacré » où
installer un centre religieux tranquille et isolé, je me serais installé sur
cette colline très boisée et entourée de deux côtés (nord et ouest) par un
profond ravin creusé par le Loir, et du côté sud par un ravin moins profond creusé
par la Conie, le côté est étant délimité par un ravin assez profond quoique sec
[…]Au pied du coteau nord de la colline du Bois de Moléans, il y a un château de Mémillon, et, au- dessus du château, dans les bois, il y a […] un
monticule conique entouré de fossés pleins d’eau et appelé le Fort de la Motte
[….].Un peulven [ ou peulvan, du gaulois peul,
pieu, cf. latin palus, et du gaulois banos, latin panisc , sorte de millet, d’où pierre à blé , menhir] renversé , 2
dolmens et un bloc regardé comme un
autel des sacrifices [le groupe du Baignon dont 4 monuments sont encore
visibles] se trouvent à gauche de la route de Saint-Maur à Flacey, entre la
route et la rivière du Loir, dominant le ravin formé par la boucle de la
rivière ; de la route, on voit des pierres paraissant hautes au-dessus du
sol, mais peu longues ;[…] on m’a dit à Saint-Maur qu’il y avait 2 dolmens
et 1 dolmen démoli. Ce sont probablement les mêmes pierres dont Lejeune a parlé
en disant qu’à un quart de lieue de
Saint-Maur il y avait une Grosse Pierre
de 16 pieds de haut [n’est-ce pas plutôt un menhir, vu sa taille de 5 mètres ?] le long
du chemin menant vers le moulin [disparu aujourd’hui, le moulin du Tartre], et
2 dolmens brisés entourés de 15 pierres ».
Les pierres dites druidiques, différentes des dolmens, des menhirs et
des polissoirs.
On s’arrête le plus souvent à la
forme gallo-romaine du culte gaulois et
on parle de « fanum », mot
latin qui a donné Faing, Fain, Fains, quelle que soit l’orthographe, et
désigne un lieu consacré, sans bâtiment. Mais il y avait aussi les « mallus », lieu entouré de menhirs
ayant la forme de marteaux (latin malleus).
Doublet de Boisthibault, dans l’Eure-et-Loir,
Verdière, Paris, 1836, réédition des Editions de la Tour Gile, 1992, Dreux, p. 59,
nous en indique deux: « Le monument qui paraît le mieux conservé est
un mallus, c’est-à-dire un sanctuaire ou lieu préféré par la
Divinité, qui se trouve dans la commune de Vers -lès- Chartres, près du bois des
Rigoles[ du nom du dieu gaulois de la guerre Rudiobus avec métathèse : Rubiodus, Ribuolus, qui a subi
l’attraction du latin regula , ligne droite, donnant regol, puis rigole , sillon, fossé
d’écoulement) au-dessus de la vallée
de la Houdouane, près de l’ancien étang de Vers. On voit encore un mallus à peu de distance du premier, le
long des ruisseaux des vallées, entre Morancez et Corancez, en remontant vers
Berchères –les- Pierres. »
Ceux qu’au dix-neuvième siècle on appelait des « antiquaires »
distinguaient les pierres druidiques des autres mégalithes, les menhirs et les
dolmens , plus anciens et qui étaient , non l’œuvre des Gaulois, mais celle de
leurs prédécesseurs.
Les pierres
dites druidiques se présentent généralement en groupement et ont des formes
qui semblent étranges. Les Gaulois les appelaient « mar » , pierre en gaulois, et les druides s’en servaient pour
leurs sacrifices. Citons à Saint- Sauveur- Marville la Grosse pierre du champtier qui a donné son nom à Marville (la ferme de la Pierre, mar), ou bien le Cheval-–de-bronze, traduction facétieuse de mar qui signifie en gaulois à la fois cheval et pierre. Albert Sidoisne, dans sa brochure Bonneval sur le Loir, Editions du
syndicat d’initiatives, Bonneval, 1965, 64 pages, p. 59, situe ainsi cette
dernière : « A un kilomètre 400, Nottonville […] ; gagner
le chemin de Vallières ; à 400 mètres, descendre à gauche jusqu’à un
sentier qui longe la Conie à droite ; à 50 mètres, on rencontrera de
volumineux « perrons », que domine un énorme conglomérat de roches
dit le Cheval -de- bronze et qui demeure assez énigmatique ».Cette
brochure de Albert Sidoisne est le
meilleur recensement des pseudo- « polissoirs » de la région de Bonneval,
qui n’intéressent guère les archéologues le plus souvent ;or, l’utilisation
de ces pierres druidiques par les druides est liée à ces « polissoirs »,
donc au dieu agraire Mars ou Rudianus et à l’invention de l’agriculture
céréalière, de la culture de l’orge notamment (voir mon article sur Les menhirs et les
pseudo-« polissoirs ») en Beauce et la naissance de l’agriculture
céréalière ». Les auteurs des
« polissoirs » pourraient d’ailleurs très bien être les Gaulois : leur absence
en Corse, où il n’y avait pas de
Gaulois, et où il y a des menhirs et des
dolmens, en est un indice. Ainsi, les « polissoirs » sont postérieurs
aux menhirs et aux dolmens et contemporains de l’usage des pierres druidiques,
avec lesquels ils sont souvent groupés,
comme dans le Loir-et-Cher à Droué (de drouet,
petite rivière, l’Egvonne, comme dans
Droué- sur - Drouette, où drouette est l’altération de Arrouette, petite
rivière, du radical adusa, rivière) pour
le polissoir de la Pierre cochée.
Le double malentendu de César
D’abord, César n’a pas compris le
terme gaulois meduos, (sanskrit medhu, sacrifice) adjectivisé en « meduano », utilisé par son interprète gaulois, et l’a rattaché au latin medium , le traduisant par « centre »: Son interprète Divitiacus
parlait seulement de la réunion des druides carnutes dans un « medhuano », le lieu du sacrifice, un endroit où sacrifiaient les Carnutes.
Le second contresens porte sur « toute la Gaule », alors que
l’interprète de César voulait indiquer, on le verra, que les druides carnutes se rendaient au cours de leur rituel dans des
régions peuplées par des voisins qui n’étaient pas eux-mêmes des Carnutes ; la phrase en gaulois
voulait dire en réalité : les druides carnutes , à date fixe, se
réunissent en pays carnute à Medhuanum
, Moléans , [de Medhuanum toponyme gaulois signifiant le lieu du
sacrifice, du gaulois
medhu, sacrifice, cf latin immolare,de immodhuare) après être
passés pendant une demie année ou même une année entière à travers toutes sortes de peuples voisins
n’appartenant pas à l’ethnie carnute.
Il nous faut prendre en même temps un autre passage de César (La Guerre des Gaules, VII,
2) où il invoque le secret absolu que les chefs carnutes demandent d’observer aux autres conjurés, réunis dans le Bois de Moléans
. Les deux chefs carnutes « leur demandent que, puisque pour le
moment il leur est impossible, par des échanges d’otages entre eux, d’éviter la divulgation de leurs actes,
ils s’engagent du moins, par des
serments solennels autour des étendards rassemblés , ce qui dans leurs coutumes constitue la cérémonie la plus solennelle (quo
more eorum gravissima caerimonia continetur), à ne pas les abandonner, quand ils auraient
commencé la guerre. » La seconde partie de la phrase prêtée par l’interprète de César à
Conconnetodumnos et à Cotuetos surprend,
car on attendrait plutôt : les deux chefs Carnutes demandent à leurs alliés de s’engager à ne pas révéler
leurs projets de guerre aux Romains en
participant au sacrifice humain, « ce qui dans leurs coutumes constitue la cérémonie la plus
solennelle »,- gravissima caerimonia,-destinée
à consacrer l’autorité sur les conjurés de
Conconnetodumnos comme roi ou dictateur pendant l’insurrection . César qualifie, sans donner de justification, de
« déments » (op. cit, VII, 3) les deux chefs carnutes Conconnetodumnus
et Cotuatus , parce qu’ils ont voulu
et accompli ce sacrifice d’êtres humains accompagné
d’anthropophagie rituelle. Certes,
les sacrifices humains ne faisaient pas peur, en principe, à César. On le voit
bien lorsqu’en -46, pour calmer une
mutinerie, il fait sacrifier sur le Champ
de Mars par le flamine de Mars
deux victimes dont les têtes sont transportées, conformément à la coutume, au Palais
Royal. de Rome. Il faisait appel alors à
un rituel héréditaire tombé en désuétude, qui ne faisait que reproduire, mais
« avec une double majoration, -deux victimes au lieu d’une, des victimes
humaines et non plus animales, -le sacrifice du cheval. »
Trois
divinités des Carnutes, Mars, Apollon et Artémis et
leurs épiclèses.
Le Mars gaulois : Andrastos, Atepomaros, Rudiobos,
Loucetios Teutatès, , Moritasgetès, Tasgétès.
Jan de Vries, dans La religion des celtes, Payot, Paris,
1977, p.145, cite un passage de Dion
Cassius Histoire romaine,
LXII, 6, 7 sur la reine Boudica, de bhurica, latin far, grec puros, épeautre,
blé, la reine des Iceni, dans ce qui est aujourd’hui le Kent en Angleterre.
« Elle aurait offert en sacrifice des femmes romaines. Elle libérait
un lièvre, et si la course de l’animal lui paraissait être de bon augure, elle
offrait ses actions de grâce à Andraste (ou
Andate). On peut sans doute
identifier cette déesse à l’Andarte dont le culte est attesté pour les
Vocontii. » On retrouve en grec ce nom Adrastos dans la mythologie. Andrastos
est à comparer avec le nom du sacrifice
humain suprême, naramedhu en sanskrit. Le nom se décompose en
andra, être humain, cf grec andros, homme, sanskrit
nara, et en astos, huit,huitième
mois, octobre ; c’est une abréviation par euphémisme ; le lièvre a-t-il parfois remplacé l’homme et le cheval
dans le sacrifice ?
Atepomaros est une épithète de Mars, qui signifie la pierre (maros) où est sacrifié le cheval (epo) d’octobre (gaulois ato ou arto, , huit, brittonique astos, sanskrit asta, vieux
haut allemand ahto , anglais eight, , huitième mois d’une année
qui commençait à l’équinoxe de Mars).
Bernard Robreau, dans « Les dieux des Carnutes : Mars,
Jupiter, Apollon » in Mmoire
XXXIV-2, numéro 90, octobre
novembre, décembre 1990, p.
3-49, p. 68, écrit: « Il est possible que les Carnutes aient
également désigné Apollon [Mars selon moi] par un surnom
attesté par l’inscription de Mauvières dans l’Indre » [de medhuaria, le lieu du sacrifice, cf.
Meuvaines , de medhuania , Meuves et Mesves -sur- Loire ] .Il
ajoute : « Un indice en est fourni par une inscription orléanaise (CRL,
XII, 3067) qui comporte un anthroponyme
restitué comme (Ate) pomari »
Rudiobos est, étymologiquement, le dieu des sillons pour l’orge, de rud, cf. lut, sillon, et iobos, indo-européen yaw- ou wyaw- , sanskrit yavah,
grec zéia, orge, devenu Rudionos, Rudianos, dans certains dialectes gaulois, carnutes
notamment. Ce dieu Rudianos a laissé dans
le Loir-et-Cher le nom de Ruan.et ailleurs le nom des Ruthènes
et de Royan, ainsi que le nom de Louans en Indre -et- Loire, Louhans en Saône-et-Loire. Peut-être Nottonville, la ferme (villa)
de Nutionos pour Rudionos, Nodens ou Nodons ,
irlandais Nuadha
correspondant à l’irlandais Ruadh,
nous offre-t-il une autre forme du nom de la divinité Rudianos . Son correspondant latin est Libera de Rudera,
qui est identifiée à Cérès.
A Neuvy-en- Sullias, près d’Orléans, indique B. Robreau, op. cit. , donc chez les
Carnutes, on a découvert un grand
cheval de bronze avec sur le socle une inscription, qui cite également Cassiciate, cassic signifiant jument en gaulois. Il
pourrait s’agir de Rudianos sous la forme d’une jument et on
reconnaît la déesse Epona, qui figure sur les pièces de monnaie.
La déesse de
la guerre irlandaise a pour nom Moriggu et son nom est l’équivalent féminin de Mars, archaïque Mavors , ou du grec Arès., de warew- .Le nom de Mars,
Martis, archaïque Mavortis , vient de ma,
nourricier, et d’une racine werkw,
qui donne à la fois un mot signifiant ligne droite,puis sillon, orthos en
grec, et plusieurs autres noms du sillon
, en latin sulcus, en lituanien welku, et en grec , aulax.
Le nom de
Mars, Teutatès,
s’analyse comme une forme de Loucetios
ou Tasgetes et
vient de Teu (de tva, dva, divinisé) et de tatès, grains d’orge, de ta(ges)tès., à rapprocher du grec Taygète, où
tay (tau) remonte à dva, signifiant divinisé et où gète est à rapprocher
du vieux haut allemand gersta, grains d’orge, ger venant d’un mot proche du latin granum, et –sta de dhsa, orge.
La
déesse Loucetios est attesté avec sa parèdre (consubstancielle) Nemetona, celle du bois sacré (gaulois nemeton , peut-être métathèse religieuse
de temenos, enclos sacré, latin nemus),
-un euphémisme . Loucetios (on a, pour la ville, une forme
archaïque Lukotekia), de luk, sillon et de o, voyelle de liaison, et
de kesta, grains d’orge, sillons pour
l’orge, à comparer avec le vieux haut
allemand gersta, grains
d’orge, a donné le nom ancien de Paris, Lucetia Parisiorum, la Lutèce des Parisii, encore que l’on ignore
son emplacement exact. César nous
indique seulement qu’elle est située sur une île de la Seine, pas
forcément l’île de la Cité. Les archéologues penchent pour une île en face de
Nanterre. La parèdre de Loucetia est
précisément attestée comme Nemetona .,
que l’on retrouve dans Nanterre. Marianne Mulon,
dans Noms de lieux d’Île- de- France, Editions Bonneton, Paris, 1997, p.40,
écrit : « Nanterre était-elle un site fortifié ? Un sanctuaire,
en tout cas. La plus ancienne mention,nemptodoro,
du VIe siècle, indique une formation comportant un premier élément nemeto (que nous retrouverons à propos
du nom de Nemours) : d’abord « enclos sacré des cérémonies
religieuses », puis « temple ». Bourg sacré sur une route
antique à la limite des tribus gauloises Carnutes et Parisii., Nanterre a pu
avoir aussi un rôle défensif.», qui expliquerait l’adjonction du gaulois doro,
site fortifié . » De Nemetona
, on a nemetora, nantore.
Loucetios ou Lukotekia , Teutatès
, Tasgetès sont des formes qui remontent au même archétype et dérivent, non de teuto, tribu, mais de ta gestès de Tasgétès
( Moritasgetes chez les
Senons, de medhu, sacrifice qui,
phonétiquement, donne nori ou mori, et de Tagestès) : Moritasgetès est un dieu honoré à Sens, à Montargis et à
Tréguères ainsi qu’à Alise-Sainte-Reine.
Tasgetès .de Tagestès, à comparer pour
la première syllabe ta- avec le grec Taygète (cf. la population des
Gètes), où tay (tau) remonte à dva , divinisé et pour le deuxième
élément avec le latin Segesta, déesse des moissons, seges,segetis, champ d’orge,moisson et
avec le vieux haut allemand gersta, grains d’orge, d’un mot gaulois
proche du latin granum,grain , et de dhsa,
orge, l’ensemble signifiant l’orge divinisé .
Emile Benveniste avait écrit un article sur
la racine indo-européenne présente dans le mot signifiant jeunesse, juventas et dans les mots signifiant la durée,
aevum,aeternus, grec aei,
toujours, etc. . Il dégageait une racine laryngale + yod +wau, hyw, qui désigne l’élan vital, la force
de croissance. On est tenté de la voir dans le nom indo-européen de l’orge, wyew-. sanskrit yavah.
A Vienne -en- Val, B.
Robreau, op. cit. , p. 39,
cite le nom du père, Toutorix, d’un dénommé Maternus , qui dédie un monument.
Vendryès , cité par de Vries, op .cit, p.81, fait remarquer, dans Religion, p . 273,
que Toutorix, interprété comme l’appellation roi de la tribu, Toutorix, si on l’applique à
un dieu, convient mal à la nature
d’Apollon. En effet, le roi de la tribu est Mars et non pas Apollon, car il est
normal que le dieu qui sacre les rois soit le père de la tribu, unie contre les
ennemis.
. Le nom Toutorix devait, à l’origine, s’interpréter comme celui qui est fait roi par le sacrifice
de l’orge divinisé (ta gesta +voyelle de liaison o),
cf. les patronymes gaulois Eporedorix , celui qui est reconnu roi
par une course de chars tirés par des
chevaux , ou Epomeduos, celui qui est
reconnu roi par le sacrifice du cheval), puis,dans la suite, celui qui est
reconnu comme roi de la tribu (touto
en gaulois, cf latin totus,
tout, et allemand Deutsch).
L’ « Apollon »
carnute : Belenos et génitif thessalien Apellonos, Belena, Lennos, Grannos, Borvo, Bormo,
Bormana,Sirona, Damona
Belenos , divinité
de la croissance comme Cérès (correspondant étymologiquement à Bellona, déesse de la guerre) :est
l’Apollon gaulois ; son nom dérive de la racine indo-européenne gwela, gwola, gwla, grain de blé , germe
de croissance, correspondant au grec balanos,
, à l’arménien kalins , au latin,
glans, glandis, granum , aux mots anglais corn,blé
et bran, son de blé. Brennus
est une forme gauloise dialectale de Belenos. Grannos
, comme (B)Lenos , est aussi une forme dialectale de Belenos, de gwranos pareillement. Le thessalien a Apellôn pour Apollon, la labio-vélaire gw ayant donné p en grec et
b en gaulois, ce qui montre que Apollon est la forme grecque de Belenos.
Il était adoré en Lydie sous le nom de Plodans, avec un l voyelle et une
dentale (cf le génitif latin glandis) de gwld, à rapprocher du nom du dieu souterrain Pluton.
On retrouve la même racine dans le gaulois blatso, blé,
Sachant que les Carnutes accentuaient l’avant-dernière
syllabe et faisaient disparaître la dernière, la toponymie nous donne en
Eure-et-Loir Valainville, de Belena
, et Vallière , de Baleria , dans
la commune de Saint-Maur.
Les noms de
déesses ou de dieux doivent beaucoup aux céréales : le nom de Latone, la mère d’Apollon, vient de Blaton,
proche du gaulois blatso, blé, comme dans les noms de peuples :
les Latins, les Lettons, les Baltes.,
par exemple. La sœur d’Apollon, Hécatè, de sekw , semer, latin Seia,
déesse des semailles, anglais to sow,
semer, signifie celle qui sème l’orge (-ate) tandis qu’Apollon lui-même est Hécatos,
le semeur d’orge, et leur nom doit être rapproché du nom du dieu égyptien de la
résurrection ( du grain), Héket.
Il existe toute
une série au consonantisme plus archaïque que blatso, indiquée par l’
étrusque , et qui nous donne , en
lien avec le sanglier ( porkos en grec, porcus en latin) un nom
étrusque du dieu du monde souterrain , Phorkeus
, ou Orcus,de kwserkws , ainsi que le nom
du héros Persée, Perseus. Le P grec ou
le B de certains dialectes helléniques
et du celtique, ainsi que le F
latin correspondent au kws étrusque. Citons
le tokharien bahr, le breton bara,
pain, le latin far,
frumentum, le grec puros
, blé, le vieux- slave pyro, le
lituanien purai , l’italique panisc ,
le gaulois bagn-. Le mot
désignant en grec le seigle , briza (aujourd’hui vriza en Thrace et en Macédoine, cf.
grec et iranien oruza , riz) est à
comparer avec le grec kritha, grain
d’orge. Le blé sarrasin, ainsi appelé à
cause de la couleur noire des Sarrasins,
était, dans l’Antiquité, appelé en raison de sa couleur (rajah, noirceur en sanskrit, Erébossen grec) orobos en grec ou, dans certains dialectes, erebinthos, cf. le latin,
ervum, ainsi que dans telle épithète homérique de l’Apollon
lycien, hékatèbolos, celui qui
sème le blé noir, ébolos, métathèse de erobos.
Borvo vient de werg , sillon.
Bormo renvoie à
l’avoine et Bormana est la déesse
correspondante, équivalent de Junon,
de la racine indo-européenne yaw-, orge,
gaulois Avenio, orge, puis avoine.
Sirona, attestée
dans une inscription orléanaise, est
une déesse des silos souterrains dont le
nom, siros, est anciennement attesté
par Varron., 1, 57, sous la forme seiros. Le mot est d’origine ibère, silo en Espagne , d’où il nous est
revenu..
Le nom de Damona
, comme celui de Dèmètèr , la mère de l’orge, s’analyse en da, orge, et mon , de medhu, sacrifice, soit
la déesse du sacrifice du blé.
Mogounos doit
s’analyser comme moriggunos, de Moriggu, nom de la déesse irlandaise de
la guerre, de ma, nourricier, et de uriggu, sillon, appartenant à la racine
du laconien worthia et du génitif
archaïque de Mars, Mavortis, plus un élargissement en –nos.
Artémis
Orthia est adorée.à Lacédémone et en Arcadie ; le laconien wortheia a gardé la trace du digamma initial, sanskrit urdhvah, latin rectus, de wrekhw, la déesse du sillon. En effet, orthos et orthios
signifient couramment en grec
droit, ligne qui n’est pas courbe, mais au sens premier ce mot désignait un trait droit, un sillon, que nous
retrouvons dans Mavortis, génitif
archaïque de Mars en latin.
Le nom d’Orthia est à rapprocher de celui de la déesse gauloise Artio,
adorée par les Helvètes, en Suisse, où l’on
a trouvé un bronze, à Muri (le nom est à rapprocher de Mars et du nom de la
déesse irlandaise de la guerre Moriggu ),représentant une déesse qui tenait dans la main gauche des
fleurs et des fruits, avec un ours qui s’avance. L’ours, comme dans les
pictogrammes de Gobek-li (voir mon article sur Les menhirs et les polissoirs en Beauce,) ou l’origine de l’agriculture ) n’est qu’une allusion redondante au
nom de la déesse Artio, car l’ours
se disait en gaulois art-io,
irlandais art, du radical
indo-européen rkso comprenant un r
voyelle et une occlusive à appendice sifflant,qu’on retrouve dans le grec arktos ou arkos, l’.arménien arj, le
latin ursus, de orksos, , le sanskrit
rksah,, l’avestique aresa. .
Apollon
Smintheus (cf anglais mouse, latin mus, etc.) est l’Apollon qui protège les
rats et souris, grands dévoreurs de céréales ; par la suite, le rat a été remplacé par un oiseau
granivore, comme la colombe, mis en
syrien (cf . Sémiramis, élevée par
des colombes) , le corbeau ou plutôt la corneille, dont le nom, cornicula en latin, celle qui dévore les
grains, est révélateur, et a donné le nom d’Artémis, la colombe du
sillon. A Vienne- en- Val, près d’Orléans, un dieu associé à Minerve et à Hercule a un
oiseau à ses pieds, « peut-être un corbeau » (B. Robreau, op. cit. p. 67). De plus, à Naveil, près de Vendôme, on a trouvé la
partie inférieure d’une statue de marbre blanc avec un oiseau à ses pieds.
Les deux
types de sacrifices suprêmes des
indo-européens : le sacrifice du cheval ou ashvamedhu en sanskrit et le sacrifice humain suprême, ou naramedhu en sanskrit (ou
purushamedhu).
Il faut en rapprocher le gaulois Epomeduos , celui qui
est reconnu roi grâce au sacrifice de chevaux, Eporedorix, celui qui est reconnu roi
grâce à une course de chariots tirés par des chevaux et Atepomaros
, épithète de Mars, qui signifie la pierre (maros) où est sacrifié le cheval (epo) d’octobre (gaulois ato, huit, sanskrit asta, vieux haut allemand ahto , anglais eight, , huitième mois d’une année qui commençait
à l’équinoxe de Mars).
Georges Dumézil,
dans Fêtes d’été et d’automne, Un sacrifice
humain,
Gallimard, Paris, 1975, p. 167, écrit : « Immédiatement au-dessus
du « sacrifice du cheval » vient un sacrifice d’être humain » (purushamedhu). Il est présenté sous deux
formes , dont l’une, celle que développe par exemple le Satapatha Brahmana (13, 6, 1-2), est un
grandiose massacre qui a peu de chances d’avoir été jamais pratiqué, mais
dont l’autre ne mérite pas d’être, comme on l’a fait parfois, sommairement
récusée. Or, cette variante […] a ceci de remarquable qu’elle se fait dans la
forme du sacrifice du cheval […] Comme celui du cheval, ce sacrifice est une
cérémonie destinée à accroître la
puissance d’un roi. »
Quoi qu’en ait dit
G. Dumézil, B. Robreau , op . cit. , p. 46, à
propos du culte gaulois des têtes coupées,
a évoqué les fouilles du sanctuaire de Ribémont- sur- Ancre, dans la Somme. [On trouve plusieurs formes pour désigner Ribemont- sur-
Ancre dans les textes ancien : en 1224, Robotdi- mons . métathèse de Rudiobus, Robotmons, Ribaumont,
Ribumont, Riboumont . Ribemont vient de Rudiobus
et mons de medhu, sacrifice.] []On y a
trouvé des ossuaires constitués surtout
d’os longs ou iliaques provenant de plusieurs
centaines d’hommes (609 ?), en majorité jeunes et robustes, avec
également quelques os longs de chevaux intercalés, mais où les crânes humains sont toujours absents. » Peut-être la Fosse des chefs sur la commune voisine
de Moléans, Saint -Christophe , est-elle
l’endroit où les 609 têtes coupées étaient jetées ; le culte des têtes
coupées concerne aussi la Provence à Entremont et à Roque pertuse , où le
dieu Rudianus est attesté par une stèle
ornée d’un cavalier surmontant des têtes coupées, ainsi qu’à Rennes , de Rudianus, la ville des Redones, de Rudianes, où l’on a trouvé une inscription à Mars Mulio (de medhu), Mars qui préside aux sacrifices.
Toujours selon G. Dumézil, le scénario du sacrifice du
cheval est le suivant : « le cheval destiné au sacrifice doit errer
librement, pendant une année entière [période qui peut être réduite à six mois],
non seulement sur des terres appartenant au roi sacrifiant, mais à travers les royaumes voisins ou plus
lointains, partout où l’entraîne son humeur, et il faut qu’il revienne ou
soit récupéré intact au bout d’un an. Alors seulement il peut être étouffé [par
immersion de la tête dans un chaudron] , en conclusion d’un rituel très
riche. Pendant cette année de liberté, sa protection est assurée par une
escorte » de cent jeunes gens à
qui seront dévolues des parties bien précises du cheval.
Quant au sacrifice qui nous intéresse, le sacrifice humain (de même que purusha signifie
le laboureur , 3e fonction dumézilienne, cf. to plough en anglais, puis par extension tout être humain, naru signifie guerrier (2e
fonction) , à rapprocher de l’accusatif grec anera,
ou du grec drôps et anthropos , et
du surnom latin Nero, Néronis, guerrier, être
viril), il consiste à faire
errer vers le soleil levant 609
personnes de toute condition sociale : laboureurs, guerriers et prêtres, à
les asperger d’eau sacrée, et à les
attacher sur un bûcher pour les
offrir aux dieux afin de « sacrer »
le roi. On voit l’énormité de ce sacrifice, surtout lorsqu’on y ajoute la
décapitation et une anthropophagie rituelle.
Le medhuanum où se réunissaient les druides
carnutes : le Bois (nemeton) de Moléans , dans la commune de
Saint- Maur- sur -le -Loir.
Moléans, comme Mauléon, Médan,
Meudon, Melun, ou Milan, dérive , non d’un mot, medhiolanum,
signifiant plaine du centre ou centre de
perfection, , mais du composé gaulois medhuanos, de medhu (sanskrit medhu), sacrifice, avec un suffixe adjectivant -anos,
signifiant (le lieu) sacrificiel, du sacrifice.
Dans Saint-Maur,
maur vient du gaulois mar, la pierre sur laquelle est sacrifié le cheval dans le sacrifice du cheval, en sanskrit ashvamedhu. Le nom mar a été secondairement christianisé. Quelle pouvait
donc être cette pierre qui donne son nom à la commune ? Gilbert, on l’a vu, parle d’ « un bloc regardé comme un autel des sacrifices », d’une pierre druidique au sens propre dans le
groupe mégalithique du Baignon,[du gaulois bagnon qui n’a rien à voir avec baignade, même si
l’endroit est humide et inondable,mais blé et menhir ou pierre druidique]. Elle « se trouve
à gauche de la route de Saint-Maur à Flacey, entre la route et la rivière du Loir, dominant
le ravin formé par la boucle de la rivière ; de la route, on voit des
pierres paraissant hautes au-dessus du sol, mais peu longues.»
Le caractère sacré de l’obscur village de Saint-Maur et de son
l’église dédiée à saint Maur a survécu
dans la ferveur populaire grâce à des pèlerinages très anciens -ferveur curieusement disproportionnée pour ce
saint inconnu qui, en tout état de cause, n’a rien à voir avec le disciple
de saint Benoît, lequel n’est jamais venu en France. Il y a 14 autres
saints du même nom, dont 5 martyrs. Le pèlerinage a lieu le 15 janvier, date de la
fête du saint Maur qui était l’élève de
saint Benoît, mais reprend peut-être , plus ou moins la date solsticiale , du vieux rassemblement annuel des druides
carnutes.
Mémillon, du
gaulois Memillon, est à rapprocher du
latin Mamilia qui intervient aussi avec la Tour Mamilia dans le rituel du Cheval
d’octobre. Selon Faustus, cité par G. Dumézil, op. cit ,
p. 146 , une course sérieuse (à bord de raeda ou chariot à quatre roues pour
les Gaulois , raeda étant un mot
gaulois selon Quintilien , I, 5,
57 et 68 , à bord de char pour les Indiens et pour les Romains) , avec pour enjeu la tête du cheval immolé , « s’engage
entre les gens de Suburre et ceux de la Sacra Via, pour accrocher cette tête , les gens de la Via Sacra au mur de la Regia [le
palais où siégeaient les rois étrusques de Rome], les gens de Suburre à la Tour Mamilia. La queue du même cheval
est portée à la Regia avec tant de célérité qu’il doit encore en tomber des
gouttes de sang sur le foyer de l’autel, pour faire participer la royauté au sacrifice. »
Chez les Carnutes, la compétition
devait avoir lieu entre Mémilllon, équivalent gaulois de
Mamilia, et Meuves, où l’on peut
supposer que se trouvait le Palais royal de Conconnetodumnos, et où la
queue du cheval était apportée encore faiblement saignante
au bout d’un trajet à cheval de 3 à 4 minutes. Il est tentant d’analyser
le gaulois memilion en sacrifice d’êtres humains, gaulois medhu, sacrifice, et gaulois
nar, homme, sous la forme du génitif
pluriel naron, donc à partir de medhunaron,
devenu medhuron, puis Mémillon, par conséquent comme renvoyant anciennement à un sacrifice
humain à Mars, sacrifice dans lequel au fil du temps le cheval a été substitué à l’homme. Jacques
Guillemin, dans « Saint-Maur
–sur-le- Loir, mottes féodales et châteaux « in Bulletin de la société archéologique d’Eure- et- Loir, n°52, 1er
tr. 1997, p.3, évoque la situation d’une tour en bois au sommet d’une motte féodale, la Tour Mémillon, qui, pour nous, fait
écho à la Tour Mamilia à Rome. Memillon
est bien un mot gaulois, comme l’attestent les mots mirmillonium,
qui désigne en latin l’armement du sacrificateur et mirmillones,
les gladiateurs armés du mirmillonium pour un combat rituel. Tel
devait être l’armement des hommes, -les mirmillones,
ou en grec myrmidones, - qui s’affrontaient après le sacrifice des
chevaux, combat qui était l’équivalent atténué du sacrifice humain nécessaire plus anciennement pour
« sacrer « le roi. On le retrouve dans myrmidones, le nom des guerriers d’Achille, avec même dans l’Iliade un souvenir de l’anthropophagie
rituelle qui l’accompagnait, lorsqu’ Achille dit à Hector agonisant :
« Ah ! Que ne puis –je dévorer ton cœur tout cru !» Ceux qui, pour réfuter l’étymologie
indo-européenne de Mémillon , voudraient tirer argument du nom de Guillelmus de
Mémillon , Mansio Melinis (la maison
de Milon ou Ménélas), Mesium Milonis en
1232, Mansium Menelaüm vers 865, lequel est attesté en 1194 comme
premier seigneur de Mémillon (J. Guillemin,
op.cit. , p.10), ne doivent pas oublier qu’il s’agit là d’une
étymologie de scribe destinée à ennoblir
le noble en question et que, en 1200-1201, on appelle simplement
celui-ci Mesmillo., ou de Mesmillon.
, puis en 1215 Mémillon.Ce type
d’endroit et de nom n’était pas le seul
en Gaule : il suffit de songer à Montmédy
dans la Meuse, de medhuaron et de
Rueil –Malmaison dans les Hauts- de-
Seine :Rueil vient de Lutekia +suffixe
indiquant un champ, l’équivalent du champ de Mars à Rome, savoir ialensin abrégé en ogilo. , (r)u(tek)ogilo, donnant
Rueil et medhunaron, mermillon, melmansion, malmaison.
A Rome, les annalistes ont pareillement essayé de
donner une existence à un Octavius (
le huitième mos, octobre) Mamilius ,
né à Tusculum, qui est l’allié de Tarquin le Superbe et fait tout pour que
celui-ci , à la tête (imperator) des
latins insurgés, reprenne le pouvoir sur les Romains.
Le toponyme de Meuves,
du gaulois medhuos, dans la même
commune de Saint-Maur –sur –le -Loir, vient du gaulois medhu et correspond au sanskrit medhu, de maidhu, sacrifice, lié au radical indo-européen qu’on
retrouve dans le latin madeo, être
humide de sang, dans le grec machaira, de maidhara, couteau sacrificiel, dans le perse mârt , mort et ce toponyme renvoie au sacrifice des chevaux.
Le nom de
la Conie et le souvenir de deux chefs
carnutes cités par César dans la région : Conconnetodumnos
et Cotuetos.
Les patronymes des chefs gaulois sont souvent
empruntés au sacrifice de l’orge où se faisaient les rois et les chefs portaient souvent des
noms de céréales, comme Brennus, de brannos, blé, à rapprocher de l’anglais
bran. Ainsi,
le nom de Vercingetorix
est-il à analyser en urk,
sillon, geto , orge, et rix , roi, celui qui est fait roi dans le sacrifice des sillons de l’orge,
comme celui d’Orgétorix, un Gaulois
helvète, de orgeto , sillon pour orge, et de
rix, roi., ou des Caturiges, catu de geto, grains d’orge, et de urig , sillon .
Il faut en
rapprocher un nom du Mars carnute, Mogetes,
de ma, grand, de urk,
sillon, et de geta, grains d’orge, cf
latin seges, de segets ,
moisson , champ d’orge, Seia, déesse
des semailles, Segesta, déesse des
moissons ainsi que vieux haut allemand gersta, grains d’orge.
Conconnetodumnos, chef d’un important pagus (subdivision de la civitas ou nation des Carnutes), a laissé la première partie de son nom à la
Conie, la rivière de son royaume. Le mot latin cuniculum qui veut dire
lapereau, connil en ancien français,
ne peut s’appliquer ici, le lapin ayant été introduit d’Espagne en Gaule beaucoup
plus tard. D’autre part, il existe un lieu-dit le Conni près d’Illiers, mais ce nom ne renvoie, ni aux lapins, ni à une propriété du chef
gaulois, étant préceltique et remontant à la tribu ibère des Kunésiens. .
Le patronyme gaulois Conconnetodumnos est apparenté au grec kenchros, millet à grappes ou millet des oiseaux (panicum italicum), orge, et
aussi à konkos ou kokkos, grain (d’orge), qui donne le gaulois concon- + –etos (de uetos,
cf anglais wheat, froment, ou oats, avoine, allemand weizen,
et gaulois uet dans Cotuetos ou uit dans uituriges ou Bituriges), et
au gaulois dumnos, fourré, buisson, champ. Mais peut-être dumnos est-il ici une
altération volontaire, pour des raisons de secret religieux, de methuos, c’est-à-dire l’homme qui fait
le sacrifice, et peut-être son nom véritable était-il Conconnetomedhuos, celui qui fait le sacrifice de l’orge, donc
celui qui fait le sacrifice d’êtres humains. Le siège du royaume était
peut-être près du Bois de Moléans, dans le hameau de Conie, à Conie- Molitard, union de
deux communes, Molitard étant l’altération du gaulois molitor, meunier d’un moulin à eau, car il y avait deux de ces moulins au bord de la Conie.
Saint-Christophe, Saint-Maur et surtout le bois de Moléans se trouvaient
dans son royaume.
A la tête
d’un autre pagus voisin , Cotuetos (du patronyme gaulois
répandu Cottus auquel les Alpes Cottiennes
doivent leur nom), dont le nom était
apparenté au grec kachrus, grain d’orge grillée,devenu cotu- et à edha, , de dhéa, orge,
devenu en gaulois – et (à rapprocher
du grec homérique zéia,, épeautre pour les chevaux, du sanskrit yavah, orge,et de la racine indo-européenne
yew-, orge ), a laissé son nom à Thuy (de
[co] tuet) sur la commune de Logron.
Il y avait à Thuy de nombreux mégalithes, qui, vers 1950, furent étudiés et photographiés en hélicoptère,
mais l’exploitant agricole les a démolis et a même fait disparaître le dernier sous un dépôt
d’ordures ! Le royaume de Cotuetos devait s’étendre jusqu’au château de
Chantemesle (dont le nom signifie la pierre, mar, à orge) : là se
trouvait le « polissoir » qui assurait la fécondité des moissons du
royaume de Cotuetos et il s’étendait jusqu’à Douy , de (co) thouy, nom
qui vient aussi de Cotuetos, nom que
portait aussi le père du rebelle. .
.
.
Conclusions
de cet essai.
Le lieu où se réunissaient les druides carnutes (et
eux seuls) était bien, comme Gilbert
en a eu l’intuition, sur la commune de Saint-Maur, le Bois de Moléans, peut-être
non loin de la Fosse aux chefs sur la
commune de Saint- Christophe, près du Loir.
Le mot chef, dans ce toponyme de Fosse
aux chefs signifie peut-être tête et
on connaît le culte des têtes coupées lié au dieu de la guerre et à ce
sacrifice. Il devait y avoir 606 têtes ! Pour ceux qui trouveraient le
nombre trop fort, rappelons qu’on a trouvé 606 squelettes à Ribemont.
Le nom de Moléans vient de meduanum, et le l de Moléans vient,
non pas de la reconstitution lanum de
méduolanum, mais du d
de meduanum. Il est à rapprocher
des noms de Meung-sur-Loire et Neung —sur-
Beuvron, où m et n alternent, et il ,a été mal compris par César qui l’a
rattaché au latin medium, signifiant
le centre, le milieu. Les chefs d’origine druide Conconnetodumnus et Cotuetos voulurent profiter
de la réunion traditionnelle des druides carnutes à Moléans pour se faire reconnaître respectivement comme
chef suprême et roi des Carnutes, avec l’espoir,
comme Vercingétorix et son père, de
devenir les souverain et roi des
Carnutes, puis de toute la Gaule. Pour
cela, ils n’hésitèrent pas à remettre en honneur l’horrible sacrifice humain et
équin le plus archaïque qui fût,
remontant à leurs ancêtres indo-européens, avec de plus la pratique
rituelle des têtes coupées et de l’anthropophagie.
Au lieu du
mode d’exécution indien par le feu, il se peut que les Carnutes aient choisi,
comme les Romains, un autre mode d’exécution : les étouffer rituellement
dans un chaudron, comme ils le faisaient des chevaux. Leurs têtes ont ensuite été
coupées avant de finir dans la Fosse aux chefs.
C’est à
Mémillon ou à Meuves, selon l’issue de ce
concours « ancestral » ou « héréditaire » évoqué
par les Mystères d’Eleusis , que les
têtes des chevaux , peut-être au nombre de quinze,qui avaient été étouffés sur la pierre
druidique de Saint-Maur , ont pu être
coupées comme celles des 606 hommes et ensuite
enterrées ; quant aux queues des chevaux , représentant la dernière
gerbe d’orge coupée et par conséquent la divinité, elles ont été enterrées vers
Meuves ( de medhu, sacrifice), sur les pierres « dont Lejeune a parlé en
disant qu’à un quart de lieue de
Saint-Maur il y avait une Grosse Pierre
de 16 pieds de haut, le long du chemin menant vers le moulin [du Tartre, porté
moulin ruiné sur la carte IGN] , et 2
dolmens brisés entourés de 15 pierres » (Gilbert, op . cit.), chaque pierre étant particulière à un cheval..
Plus loin , à Edeville (la ferme d’Ede, de [Epom]eduos
, celui qui est reconnu roi grâce au sacrifie
des chevaux, avec attraction du nom du propriétaire de la villa gallo-romaine
fouillée en 1924, Aegidius), il est possible que d’autres parties des
chevaux ,comme la colonne vertébrale ou le quartier médian du cheval, aient été
enterrés, car on a retrouvé des squelettes équins lors des fouilles de 1924 qui
ont mis au jour également une villa gallo-romaine (ferme de M. Levacher).
En Italie du nord, les palio comme celui de Sienne,
ont pris la succession de ce vieux rite indo-européen.
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