jeudi 19 janvier 2017

Jules César et le " centre" où se réunissaient les druides chez les Carnutes, ou deux contresens sur la langue gauloise

 Jules César et le lieu  où se réunissaient les druides chez les Carnutes : deux contresens sur la langue gauloise.
  Une phrase de César (La Guerre des Gaules, VI, 13) a fait couler beaucoup d’encre : « Les druides, à une époque déterminée de l’année, se réunissent sur le territoire (fines) des Carnutes, région qui est considérée comme le  centre (latin medium) de toute la Gaule , dans un lieu consacré (locus consecratus) ».
Nombreux sont ceux qui ont tenté de trouver ce lieu, où tous les druides de toute la  Gaule, c’est-à-dire les prêtres lettrés (littéralement ceux qui savent, uid, à rapprocher du grec [w]oida, je sais, et du latin video,de voideo, + adverbe  gaulois dru  ,  beaucoup)  étaient censés affluer à date fixe chez les Carnutes. La question fut à la mode entre 1817-1836, ainsi que le montrent les nombreuses  brochures des Mémoires sur les antiquités nationales. En 1959 A  .Ferdière , dans « Le lieu consacré des druides chez les Carnutes : mythes et réalités »,Actes du colloque AFEAF de Châteaudun, p.145-159, a établi  une bibliographie quasi –exhaustive de la question et,  en 1997  B. Robreau l a actualisée dans Les Carnutes et le centre de la Gaule , SAEL,84 pages, et conclu  en faveur de Micy  , près d’Orléans, de medio-ceton, le bois du milieu, ceton  ou ceiton signifiant bois ,forêt,  en gaulois, comme coat en breton et coed ou coit en gallois. Il  y  critique  entre autres:
1)Madame  F. Leroux, dont « Le Celticum d’Ambigatus et l’Omphalos gaulois », Ogam, 13, 1981, p.158-184, est en faveur d’Orléans plutôt que de Chartres , étant précisé que Ambigatus est le fondateur du mediolanum qui donne son nom à  Milan et que l’omphalos serait l’équivalent en grec du mot gaulois mediolanum ;
2) A. Ferdière , op. cit, favorable à la localisation à Saint-Benoît-sur-Loire ou à celle de Chartres ;
3) Madame A. Lombard- Jourdan,  Montjoie et saint Denis : le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis, 1989, Editions du CNRS. ;
4) Y.  Vadé, « Le système des mediolanum en Gaule », Archéocivilisation, 11-13, 1972-74, p. 87-109, où l’auteur dresse la carte de 48 noms dérivés de mediolanum, signifiant,  selon les auteurs, «  plaine [lanum, cf planum en latin] du milieu » ou , car il n’y a pas toujours de plaine en ces lieux, « centre de perfection », qui seraient reliés entre eux par des rapports géométriques d’équidistance, comme l’avait fait dans Historia , pour les nombreuses Alésia,  tel autre celtisant.
 Max Gilbert  dans Pierres mégalithiques (menhirs et dolmens) en Normandie, Guernsey Press, Guernesey,  1956, p.116 , après avoir cité le mediolanum du Vieil Evreux  et l’opinion de Lejeune situant le lieu recherché dans la Garenne des Clapiers à Alluyes,  penche  finalement  pour Chartres. Il pense à juste titre que chaque tribu gauloise avait son mediolanum et que Milan (de medianum) était le mediolanum  des Gaulois cisalpins. Le plus fameux celtisant du XIX è siècle, Camille Julian, invoque Saint-Benoît-sur-Loire  dans le Loiret, près d’Orléans, tandis que son école songe à Fleury- sur -Loire dans la Nièvre près de Nevers, en tirant argument du fait que ces villes sont situées sur le méridien de Paris, donc au  centre (medium)  géographique de la France. A quoi Gilbert rétorque, op. cit. ,  p. 117, que la France actuelle n’est pas la Gaule de César et que Sens était alors plus important que Paris et son futur méridien. Pour Gilbert,   Chartres, la ville  des Carnutes,  de Carnutarum urbs,  est dès lors  plus intéressante qu’Orléans,   et il  affirme  que Chartes est plus proche de l’Angleterre où les druides allaient étudier à l’île d’Anglesey qui s’appelait  en gallois Mona  (CESAR, La Guerre des Gaules 5, 13,3 ; Tacite, Annales, XIV, 30) et d’où vinrent des renforts aux Gaulois assiégés à Alésia. .
Mais Gilbert, op. cit. , p.  127 , a eu l’intuition que le lieu recherché se trouvait au  Bois de Moléans , dans la commune de Saint- Maur- sur- le -Loir , Moléans qui ne semble pas  cité par Y. Vadé parmi ses 48 noms: «Le Loir s’enfonce en formant un ravin très profond, dessinant une courbe vers l’Est, puis descend vers le Sud en suivant les pentes nord  et ouest d’une forte colline (avec pentes fort escarpées) dite le Bois de Moléans ; ce bois est donc entouré au nord et à l’ouest par une boucle du Loir, au sud par le gros ruisseau dit  la Conie, et, à l’est, par un ravin (sans ruisseau) guère moins profond. Personnellement, si j’avais été un druide cherchant un « bois sacré » où installer un centre religieux tranquille et isolé, je me serais installé sur cette colline très boisée et entourée de deux côtés (nord et ouest) par un profond ravin creusé par le Loir, et du côté sud par un ravin moins profond creusé par la Conie, le côté est étant délimité par un ravin assez profond quoique sec […]Au pied du coteau nord de la colline du Bois de Moléans, il y  a un château de Mémillon, et, au- dessus du château, dans les bois, il y a […] un monticule conique entouré de fossés pleins d’eau et appelé le Fort de la Motte [….].Un peulven [ ou peulvan, du gaulois peul, pieu, cf. latin palus, et du gaulois banos, latin panisc , sorte de millet, d’où pierre à blé , menhir] renversé , 2 dolmens et un bloc regardé comme un autel des sacrifices [le groupe du Baignon dont 4 monuments sont encore visibles] se trouvent à gauche de la route de Saint-Maur à Flacey, entre la route et la rivière du Loir, dominant le ravin formé par la boucle de la rivière ; de la route, on voit des pierres paraissant hautes au-dessus du sol, mais peu longues ;[…] on m’a dit à Saint-Maur qu’il y avait 2 dolmens et 1 dolmen démoli. Ce sont probablement les mêmes pierres dont Lejeune a parlé en disant qu’à un quart  de lieue de Saint-Maur il y avait une Grosse Pierre de 16 pieds de haut [n’est-ce pas plutôt  un menhir, vu sa taille de 5 mètres ?] le long du chemin menant vers le moulin [disparu aujourd’hui, le moulin du Tartre], et 2 dolmens brisés entourés de 15 pierres ».


Les pierres dites druidiques, différentes des dolmens, des menhirs et des  polissoirs.
On s’arrête le plus souvent à la forme gallo-romaine du culte gaulois  et on parle de « fanum », mot latin  qui a donné Faing, Fain, Fains, quelle que soit l’orthographe, et désigne un lieu consacré, sans bâtiment. Mais il y avait aussi les «  mallus », lieu entouré de menhirs ayant la forme de  marteaux  (latin malleus).  Doublet de Boisthibault, dans l’Eure-et-Loir, Verdière, Paris, 1836, réédition des Editions de la Tour Gile, 1992, Dreux, p. 59, nous en indique deux: « Le monument qui paraît le mieux conservé est un mallus, c’est-à-dire un sanctuaire ou lieu préféré par la Divinité, qui se trouve dans la commune de Vers -lès- Chartres, près du bois des Rigoles[ du nom du dieu gaulois de la guerre Rudiobus  avec métathèse : Rubiodus, Ribuolus, qui a subi l’attraction du latin regula , ligne droite,  donnant regol, puis rigole , sillon, fossé d’écoulement) au-dessus de la vallée de la Houdouane, près de l’ancien étang de Vers. On voit encore un mallus à peu de distance du premier, le long des ruisseaux des vallées, entre Morancez et Corancez, en remontant vers Berchères –les- Pierres. »
  Ceux qu’au dix-neuvième siècle on appelait des « antiquaires »  distinguaient les pierres druidiques des autres mégalithes, les menhirs et les dolmens , plus anciens et qui étaient , non l’œuvre des Gaulois, mais celle de leurs prédécesseurs.    
 Les pierres dites druidiques se présentent généralement en groupement et ont des formes qui semblent étranges. Les Gaulois les appelaient « mar » , pierre en gaulois, et les druides s’en servaient pour leurs sacrifices. Citons à Saint- Sauveur- Marville la Grosse pierre du champtier qui a donné son nom à Marville (la ferme de la Pierre, mar), ou bien le Cheval-–de-bronze, traduction facétieuse de mar qui signifie en gaulois à la fois cheval et pierre. Albert Sidoisne, dans sa brochure Bonneval sur le Loir, Editions du syndicat d’initiatives, Bonneval, 1965, 64 pages, p. 59, situe ainsi cette dernière : « A un kilomètre 400, Nottonville […] ; gagner le chemin de Vallières ; à 400 mètres, descendre à gauche jusqu’à un sentier qui longe la Conie à droite ; à 50 mètres, on rencontrera de volumineux « perrons », que domine un énorme conglomérat de roches dit le Cheval -de- bronze et qui demeure assez énigmatique ».Cette brochure de Albert Sidoisne est le meilleur recensement des pseudo- « polissoirs » de la région de Bonneval, qui n’intéressent guère les archéologues le plus souvent ;or, l’utilisation de ces pierres druidiques par les druides est liée à ces « polissoirs », donc au dieu agraire Mars ou Rudianus et à l’invention de l’agriculture céréalière, de la culture de l’orge notamment (voir mon article sur Les menhirs et les pseudo-« polissoirs ») en Beauce et la naissance de l’agriculture céréalière ».  Les auteurs des « polissoirs » pourraient d’ailleurs  très bien être les Gaulois : leur absence en Corse, où il n’y avait  pas de Gaulois, et  où il y a des menhirs et des dolmens, en est un indice. Ainsi, les « polissoirs » sont postérieurs aux menhirs et aux dolmens et contemporains de l’usage des pierres druidiques, avec  lesquels ils sont souvent groupés, comme dans le Loir-et-Cher à Droué (de drouet, petite rivière, l’Egvonne, comme dans  Droué- sur - Drouette, où drouette est l’altération de Arrouette, petite rivière, du radical adusa, rivière) pour le polissoir de la Pierre cochée.
Le double malentendu de César
D’abord, César n’a pas compris le terme gaulois meduos, (sanskrit medhu, sacrifice) adjectivisé en « meduano »,  utilisé par son interprète gaulois,  et l’a rattaché au latin medium , le traduisant par « centre »: Son interprète Divitiacus parlait seulement de la réunion des druides carnutes dans un « medhuano », le  lieu du sacrifice,  un endroit où sacrifiaient les  Carnutes.
Le second contresens porte sur « toute la Gaule », alors que l’interprète de César voulait indiquer, on le verra, que les druides carnutes se rendaient au cours de leur rituel dans des régions peuplées par des voisins qui n’étaient pas eux-mêmes  des Carnutes ; la phrase en gaulois voulait dire  en réalité : les druides carnutes , à date fixe, se réunissent en  pays carnute  à Medhuanum  , Moléans , [de Medhuanum  toponyme gaulois signifiant le lieu du sacrifice,   du gaulois  medhu, sacrifice, cf latin immolare,de immodhuare) après être passés pendant une demie année ou même une année entière  à travers toutes sortes de peuples voisins n’appartenant pas à l’ethnie carnute.
Il nous faut prendre en même temps un autre passage de César (La Guerre des Gaules,  VII, 2) où il invoque le secret absolu que les chefs carnutes demandent d’observer aux  autres conjurés, réunis dans le Bois de Moléans . Les deux  chefs carnutes  « leur demandent que, puisque pour le moment il leur est impossible, par des échanges d’otages  entre eux, d’éviter la divulgation de leurs actes, ils  s’engagent du moins, par des serments solennels autour des étendards rassemblés , ce qui dans leurs coutumes constitue la cérémonie la plus solennelle  (quo more eorum gravissima caerimonia continetur),  à ne pas les abandonner, quand ils auraient commencé la guerre. » La seconde partie  de la phrase prêtée par l’interprète de César à Conconnetodumnos et à Cotuetos  surprend, car on attendrait plutôt : les deux chefs Carnutes demandent à  leurs alliés de s’engager à ne pas révéler leurs projets de guerre aux Romains en participant au sacrifice humain, « ce qui dans leurs coutumes  constitue la cérémonie la plus solennelle »,- gravissima caerimonia,-destinée à  consacrer l’autorité sur les conjurés de Conconnetodumnos comme roi ou dictateur pendant l’insurrection . César  qualifie, sans donner de justification, de « déments » (op. cit,   VII, 3) les deux chefs carnutes Conconnetodumnus et Cotuatus , parce qu’ils ont voulu et  accompli ce  sacrifice d’êtres humains accompagné d’anthropophagie rituelle.  Certes, les sacrifices humains ne faisaient pas peur, en principe, à César. On le voit bien  lorsqu’en -46, pour calmer une mutinerie, il fait sacrifier sur le Champ de Mars par le flamine de Mars deux victimes dont les têtes sont transportées, conformément à la coutume, au Palais Royal. de Rome.  Il faisait appel alors à un rituel héréditaire tombé en désuétude, qui ne faisait que reproduire, mais « avec une double majoration, -deux victimes au lieu d’une, des victimes humaines et non plus animales, -le sacrifice du cheval. »
Trois divinités  des Carnutes, Mars, Apollon et Artémis et leurs épiclèses. 
Le Mars  gaulois : Andrastos, Atepomaros, Rudiobos, Loucetios Teutatès, , Moritasgetès, Tasgétès.
   Jan de Vries, dans La religion des celtes, Payot, Paris, 1977, p.145, cite un passage de Dion Cassius Histoire romaine, LXII, 6, 7  sur la reine Boudica, de bhurica, latin far, grec puros, épeautre, blé, la reine des Iceni, dans ce qui est aujourd’hui le Kent en Angleterre.  « Elle aurait offert en sacrifice des femmes romaines. Elle libérait un lièvre, et si la course de l’animal lui paraissait être de bon augure, elle offrait ses actions de grâce à Andraste (ou Andate). On peut sans doute identifier cette déesse à l’Andarte  dont le culte est attesté pour les Vocontii. » On retrouve en grec ce nom Adrastos dans la mythologie. Andrastos est à comparer avec le nom du sacrifice humain suprême,  naramedhu en sanskrit. Le nom se décompose en  andra, être humain, cf grec andros, homme,  sanskrit nara, et en astos, huit,huitième mois,  octobre ; c’est une abréviation par euphémisme ; le lièvre  a-t-il parfois remplacé l’homme et le cheval dans le sacrifice ?
  Atepomaros est une épithète de Mars, qui signifie la pierre (maros) où est sacrifié le  cheval (epo) d’octobre (gaulois ato ou arto, , huit, brittonique astos, sanskrit asta, vieux haut allemand ahto , anglais eight,  , huitième mois d’une année qui commençait à l’équinoxe de Mars).   Bernard Robreau, dans « Les dieux des Carnutes : Mars, Jupiter, Apollon » in Mmoire XXXIV-2, numéro 90, octobre novembre, décembre 1990,  p.  3-49, p. 68, écrit: « Il est possible que les Carnutes aient également désigné Apollon [Mars selon moi] par un  surnom  attesté par l’inscription de Mauvières dans l’Indre »  [de medhuaria, le lieu du sacrifice, cf.   Meuvaines ,  de medhuania ,  Meuves et Mesves -sur- Loire ] .Il ajoute : « Un indice en est fourni par une inscription orléanaise (CRL, XII, 3067) qui comporte  un anthroponyme restitué comme (Ate) pomari »  
Rudiobos est, étymologiquement, le dieu des sillons pour l’orge, de rud, cf. lut, sillon, et  iobos, indo-européen yaw- ou wyaw- , sanskrit yavah, grec zéia, orge, devenu Rudionos, Rudianos, dans certains dialectes gaulois, carnutes notamment.  Ce dieu Rudianos a laissé dans le  Loir-et-Cher le nom de Ruan.et ailleurs le  nom des Ruthènes et de Royan, ainsi que le nom de Louans en Indre -et- Loire, Louhans en Saône-et-Loire. Peut-être Nottonville, la ferme (villa) de Nutionos pour Rudionos,  Nodens ou Nodons , irlandais Nuadha correspondant  à l’irlandais Ruadh, nous offre-t-il une autre forme du nom  de la divinité Rudianos . Son correspondant latin est  Libera  de Rudera, qui est identifiée à Cérès.
A Neuvy-en- Sullias, près d’Orléans, indique B. Robreau, op. cit.  , donc chez les Carnutes,   on a découvert un grand cheval de bronze avec sur le socle une inscription, qui cite également  Cassiciate, cassic signifiant jument en gaulois. Il pourrait s’agir de Rudianos  sous la forme d’une jument et on reconnaît la déesse Epona, qui figure sur les pièces de monnaie.
  La déesse de la guerre irlandaise a pour nom Moriggu  et son nom est  l’équivalent féminin de Mars, archaïque Mavors , ou du grec Arès., de warew- .Le   nom de Mars, Martis, archaïque Mavortis ,  vient de ma, nourricier,  et d’une racine werkw,  qui donne à la fois un mot signifiant ligne droite,puis sillon,  orthos en grec, et plusieurs autres  noms du sillon , en latin sulcus, en lituanien welku, et en  grec , aulax.
    Le nom de Mars, Teutatès, s’analyse  comme une forme de  Loucetios ou Tasgetes   et vient de Teu (de tva, dva,  divinisé) et de tatès, grains d’orge, de ta(ges)tès., à rapprocher du  grec Taygète, tay (tau) remonte à dva,   signifiant divinisé et où gète est à  rapprocher du  vieux haut allemand gersta, grains d’orge, ger venant d’un mot  proche du latin  granum, et –sta de dhsa, orge.
  La déesse Loucetios est attesté avec sa parèdre (consubstancielle) Nemetona, celle du bois sacré (gaulois nemeton , peut-être métathèse religieuse de temenos, enclos sacré,  latin nemus),  -un euphémisme  .  Loucetios (on a, pour la ville, une forme archaïque Lukotekia), de luk, sillon et de o, voyelle de liaison, et de kesta, grains d’orge, sillons pour l’orge, à comparer avec le vieux haut allemand gersta, grains d’orge, a donné le nom ancien  de Paris, Lucetia Parisiorum, la Lutèce des Parisii, encore que l’on ignore son emplacement exact.  César nous indique seulement qu’elle est située sur une île de la Seine, pas forcément l’île de la Cité. Les archéologues penchent pour une île en face de Nanterre. La parèdre de Loucetia  est précisément attestée comme Nemetona ., que l’on retrouve dans Nanterre. Marianne Mulon, dans Noms de lieux d’Île- de-  France, Editions Bonneton, Paris, 1997, p.40, écrit : « Nanterre était-elle un site fortifié  ? Un sanctuaire, en tout cas. La plus ancienne mention,nemptodoro, du VIe siècle, indique une formation comportant un premier élément nemeto (que nous retrouverons à propos du nom de Nemours) : d’abord «  enclos sacré des cérémonies religieuses », puis «  temple ». Bourg sacré sur une route antique à la limite des tribus gauloises Carnutes et Parisii., Nanterre a pu avoir aussi un rôle défensif.», qui expliquerait l’adjonction du gaulois  doro, site fortifié . » De Nemetona , on a nemetora, nantore.
Loucetios ou Lukotekia ,  Teutatès , Tasgetès sont des formes qui remontent au même archétype et  dérivent, non de teuto, tribu,  mais de ta gestès  de Tasgétès ( Moritasgetes chez les Senons,  de medhu, sacrifice  qui, phonétiquement, donne nori ou mori, et de Tagestès) : Moritasgetès  est un dieu honoré à Sens, à Montargis et à Tréguères  ainsi qu’à Alise-Sainte-Reine.
 Tasgetès .de Tagestès à comparer pour la première syllabe ta- avec le grec Taygète (cf. la population des Gètes), tay (tau) remonte à dva , divinisé et pour le deuxième élément  avec le latin Segesta, déesse des moissons, seges,segetis, champ d’orge,moisson et avec  le vieux haut allemand gersta, grains d’orge, d’un mot gaulois proche du latin  granum,grain ,  et de dhsa, orge, l’ensemble signifiant l’orge divinisé .
  Emile Benveniste avait écrit un article sur la racine indo-européenne présente dans le mot signifiant jeunesse, juventas et dans les mots signifiant la durée, aevum,aeternus,  grec aei, toujours, etc. . Il dégageait une racine laryngale + yod +wau, hyw, qui désigne l’élan vital, la force de croissance. On est tenté de la voir dans le nom indo-européen de l’orge, wyew-. sanskrit yavah.
A Vienne -en- Val, B. Robreau, op. cit. , p. 39, cite le nom du père, Toutorix,  d’un dénommé Maternus , qui dédie un monument.  Vendryès , cité par de Vries, op .cit, p.81, fait remarquer, dans Religion, p . 273,  que  Toutorix,  interprété comme l’appellation  roi  de la tribu, Toutorix,  si on l’applique à un dieu,  convient mal à la nature d’Apollon. En effet, le roi de la tribu est Mars et non pas Apollon, car il est normal que le dieu qui sacre les rois soit le père de la tribu, unie contre les ennemis. 
. Le nom Toutorix  devait, à l’origine, s’interpréter  comme celui qui est fait roi par le sacrifice de l’orge divinisé  (ta gesta +voyelle de liaison o), cf. les patronymes  gaulois Eporedorix , celui qui est reconnu roi par une course de  chars tirés par des chevaux , ou Epomeduos, celui qui est reconnu roi par le sacrifice du cheval), puis,dans la suite,  celui qui est  reconnu comme roi de la tribu (touto en gaulois, cf  latin totus, tout, et allemand Deutsch).

L’ « Apollon » carnute : Belenos et génitif thessalien Apellonos, Belena,  Lennos, Grannos, Borvo, Bormo, Bormana,Sirona,  Damona
Belenos , divinité de la croissance comme Cérès (correspondant étymologiquement à  Bellona, déesse de la guerre) :est l’Apollon gaulois ;  son nom  dérive de la racine indo-européenne gwela, gwola, gwla, grain de blé , germe de croissance, correspondant au grec balanos, ,   à l’arménien kalins , au  latin, glans, glandis,  granum , aux mots anglais  corn,blé et bran, son de blé.    Brennus est une forme gauloise dialectale de Belenos.   Grannos , comme (B)Lenos , est aussi une forme dialectale de Belenos, de gwranos pareillement.  Le thessalien a Apellôn pour Apollon, la labio-vélaire gw ayant donné p en grec et b en gaulois,  ce qui montre que Apollon est la forme grecque de Belenos. Il était  adoré en Lydie sous le nom de Plodans, avec un l voyelle et une dentale (cf  le génitif  latin glandis) de gwld, à rapprocher du nom du dieu souterrain  Pluton. On  retrouve la même racine  dans le gaulois blatso, blé,
Sachant que les Carnutes accentuaient l’avant-dernière syllabe et faisaient disparaître la dernière, la toponymie nous donne en Eure-et-Loir Valainville, de Belena  , et Vallière , de Baleria , dans la commune de Saint-Maur.
 Les noms de déesses ou de dieux doivent beaucoup aux céréales : le nom de Latone, la mère d’Apollon,  vient de Blaton, proche du gaulois blatso, blé, comme dans les noms de peuples : les Latins, les Lettons,  les  Baltes., par exemple. La sœur d’Apollon, Hécatè, de sekw , semer, latin Seia, déesse des semailles, anglais to sow, semer, signifie celle qui sème  l’orge (-ate) tandis qu’Apollon lui-même  est Hécatos, le semeur d’orge, et leur nom doit être rapproché du nom du dieu égyptien de la résurrection ( du grain), Héket.  
 Il existe toute une série au consonantisme plus archaïque que blatso, indiquée par  l’ étrusque  , et qui nous donne , en lien  avec le sanglier ( porkos en grec, porcus en latin) un  nom étrusque du dieu du monde souterrain , Phorkeus , ou Orcus,de  kwserkws , ainsi que le nom du héros Persée, Perseus. Le P grec ou le B de certains  dialectes helléniques et du celtique, ainsi que le F  latin  correspondent au kws étrusque.  Citons   le tokharien bahr, le breton  bara, pain,  le latin far, frumentum,  le grec  puros , blé, le vieux- slave pyro, le lituanien purai ,  l’italique panisc , le gaulois bagn-. Le mot désignant en grec  le seigle , briza (aujourd’hui vriza en Thrace et en Macédoine, cf. grec et iranien oruza , riz) est à comparer avec le grec kritha, grain d’orge. Le blé  sarrasin, ainsi appelé à cause de la couleur noire des Sarrasins,   était, dans l’Antiquité, appelé en raison de sa couleur (rajah, noirceur en sanskrit, Erébossen grec) orobos en grec ou, dans certains dialectes,  erebinthos, cf.  le  latin,   ervum, ainsi que  dans telle épithète homérique de l’Apollon lycien, hékatèbolos, celui qui sème  le blé noir, ébolos, métathèse de erobos. 
Borvo vient de werg , sillon.
Bormo renvoie à l’avoine et Bormana est la déesse correspondante, équivalent de Junon, de la racine indo-européenne yaw-, orge, gaulois Avenio, orge, puis avoine.
Sirona, attestée dans une inscription orléanaise, est une  déesse des silos souterrains dont le nom, siros, est anciennement attesté par Varron., 1, 57, sous la forme seiros. Le mot est d’origine ibère, silo en Espagne , d’où il nous est revenu..
Le nom de Damona , comme celui de  Dèmètèr , la mère de l’orge,   s’analyse en da, orge, et mon , de medhu, sacrifice, soit la déesse du sacrifice du blé.
Mogounos doit s’analyser comme moriggunos, de Moriggu, nom de la déesse irlandaise de la guerre, de ma, nourricier, et de uriggu, sillon, appartenant à la racine du laconien worthia et du génitif archaïque de Mars,  Mavortis, plus un élargissement en –nos.

Artémis Orthia est adorée.à Lacédémone et en Arcadie ; le laconien wortheia a gardé la trace du digamma initial, sanskrit urdhvah, latin rectus, de wrekhw,  la déesse du sillon. En effet, orthos et orthios  signifient  couramment en grec droit, ligne qui n’est pas  courbe,  mais au sens premier ce mot  désignait un trait droit, un sillon, que nous retrouvons dans Mavortis, génitif archaïque de Mars en latin.  
Le  nom d’Orthia  est à rapprocher de celui de  la déesse gauloise  Artio, adorée par les Helvètes, en Suisse,  où l’on a trouvé un bronze, à Muri (le nom est à rapprocher de Mars et du nom de la déesse irlandaise  de la guerre Moriggu ),représentant  une déesse qui tenait dans la main gauche des fleurs et des fruits, avec un ours qui s’avance. L’ours, comme dans les pictogrammes de Gobek-li (voir mon article sur Les menhirs et les polissoirs en Beauce,) ou l’origine de l’agriculture ) n’est qu’une allusion redondante au nom de la déesse Artio, car l’ours se disait en gaulois art-io, irlandais art, du radical indo-européen rkso comprenant un r voyelle et une occlusive à appendice sifflant,qu’on retrouve dans le grec arktos ou arkos, l’.arménien arj, le  latin ursus, de orksos, , le sanskrit rksah,, l’avestique aresa. .
 Apollon Smintheus (cf anglais mouse, latin mus, etc.) est l’Apollon qui protège les rats et souris, grands dévoreurs de céréales ; par la suite, le rat a été remplacé par un oiseau granivore, comme la colombe, mis en syrien (cf .  Sémiramis, élevée par des colombes) ,  le corbeau ou plutôt  la corneille, dont le nom, cornicula en latin, celle qui dévore les grains, est révélateur,   et a donné le nom d’Artémis, la colombe du sillon. A Vienne- en- Val, près d’Orléans,  un dieu associé à Minerve et à Hercule a un oiseau à ses pieds, « peut-être un corbeau » (B. Robreau, op. cit. p. 67). De plus, à Naveil, près de Vendôme, on a trouvé la partie inférieure d’une statue de marbre blanc avec un oiseau à ses pieds.
Les deux types de sacrifices suprêmes  des indo-européens : le sacrifice du cheval ou ashvamedhu en sanskrit et le sacrifice humain suprême, ou naramedhu en sanskrit (ou purushamedhu). 
 Il faut en  rapprocher le gaulois Epomeduos , celui qui est reconnu roi grâce au sacrifice de chevaux,  Eporedorix, celui qui est reconnu roi grâce à une course de chariots tirés par des chevaux  et Atepomaros ,  épithète de Mars, qui signifie la pierre (maros) où est sacrifié le  cheval (epo) d’octobre (gaulois ato, huit, sanskrit asta, vieux haut allemand ahto , anglais eight,  , huitième mois d’une année qui commençait à l’équinoxe de Mars).  
Georges Dumézil, dans Fêtes d’été et d’automne, Un sacrifice humain, Gallimard, Paris, 1975,   p. 167, écrit : « Immédiatement au-dessus du « sacrifice du cheval » vient un sacrifice d’être humain  » (purushamedhu). Il est présenté sous deux formes , dont l’une, celle que développe par exemple le Satapatha Brahmana (13, 6, 1-2),  est un grandiose massacre qui a peu de chances d’avoir été jamais pratiqué, mais dont l’autre ne mérite pas d’être, comme on l’a fait parfois, sommairement récusée. Or, cette variante […] a ceci de remarquable qu’elle se fait dans la forme du sacrifice du cheval […]  Comme celui du cheval, ce sacrifice est une cérémonie destinée à accroître la puissance d’un roi. »
Quoi qu’en ait dit G. Dumézil,  B. Robreau , op .  cit. , p. 46, à propos du  culte gaulois des têtes coupées, a évoqué les fouilles du sanctuaire de Ribémont- sur- Ancre, dans la Somme. [On trouve plusieurs formes pour désigner Ribemont- sur- Ancre dans les textes ancien : en 1224, Robotdi- mons . métathèse de Rudiobus, Robotmons, Ribaumont, Ribumont, Riboumont . Ribemont vient de Rudiobus et mons de medhu, sacrifice.] []On y a trouvé des ossuaires constitués surtout d’os longs ou iliaques provenant de plusieurs centaines d’hommes (609 ?), en majorité jeunes et robustes, avec également quelques os longs de chevaux intercalés, mais où les crânes humains sont toujours absents. » Peut-être la Fosse des chefs sur la commune voisine de Moléans,  Saint -Christophe , est-elle l’endroit où les 609 têtes coupées étaient jetées ; le culte des têtes coupées concerne aussi la Provence à Entremont et à Roque pertuse , où le dieu  Rudianus est attesté par une stèle ornée d’un cavalier surmontant des têtes coupées, ainsi qu’à Rennes , de Rudianus, la ville des Redones, de Rudianes, où l’on a trouvé une inscription à Mars Mulio (de medhu), Mars qui préside aux sacrifices.
  Toujours selon G. Dumézil, le scénario du sacrifice du cheval est le suivant : « le cheval destiné au sacrifice doit errer librement, pendant une année entière [période qui peut être réduite à six mois], non seulement sur des terres appartenant au roi sacrifiant, mais à travers les royaumes voisins ou plus lointains, partout où l’entraîne son humeur, et il faut qu’il revienne ou soit récupéré intact au bout d’un an. Alors seulement il peut être étouffé [par immersion de la tête dans un chaudron] , en conclusion d’un rituel très riche. Pendant cette année de liberté, sa protection est assurée par une escorte » de cent jeunes gens à qui seront dévolues des parties bien précises du cheval.
Quant au sacrifice qui nous intéresse, le sacrifice humain (de même que purusha signifie le laboureur , 3e fonction dumézilienne, cf. to plough en anglais, puis par extension tout être humain, naru signifie guerrier (2e fonction) , à rapprocher de  l’accusatif  grec anera, ou du  grec drôps et anthropos , et du  surnom latin Nero, Néronis, guerrier, être  viril), il consiste à faire errer vers le soleil  levant  609 personnes de toute condition sociale : laboureurs, guerriers et prêtres, à les asperger d’eau sacrée, et à les  attacher sur un bûcher pour  les offrir aux dieux afin de «  sacrer » le roi. On voit l’énormité de ce  sacrifice, surtout lorsqu’on y ajoute la décapitation et une anthropophagie rituelle.
Le medhuanum où se réunissaient les druides carnutes : le Bois (nemeton) de Moléans , dans la commune de Saint- Maur- sur -le -Loir.
 Moléans, comme Mauléon, Médan, Meudon,   Melun, ou Milan, dérive , non d’un mot,  medhiolanum, signifiant  plaine du centre ou centre de perfection, , mais du composé  gaulois medhuanos, de  medhu (sanskrit medhu), sacrifice, avec un suffixe adjectivant -anos,  signifiant (le lieu) sacrificiel,  du sacrifice.
Dans Saint-Maur, maur vient du gaulois mar, la pierre sur laquelle  est sacrifié le cheval dans le sacrifice du cheval, en sanskrit ashvamedhu. Le nom mar  a été secondairement christianisé. Quelle pouvait donc être cette pierre qui donne son nom à la commune ? Gilbert, on l’a vu,  parle d’ « un bloc regardé comme un autel des sacrifices », d’une pierre druidique au sens propre dans le groupe mégalithique du Baignon,[du gaulois bagnon  qui n’a rien à voir avec baignade, même si l’endroit est humide et inondable,mais blé et menhir ou  pierre druidique].  Elle «  se trouve à gauche de la route de Saint-Maur à Flacey,  entre la route et la rivière du Loir, dominant le ravin formé par la boucle de la rivière ; de la route, on voit des pierres paraissant hautes au-dessus du sol, mais peu longues.» 
  Le caractère sacré de l’obscur  village de Saint-Maur  et de son  l’église dédiée à saint Maur a  survécu dans la ferveur populaire grâce à des  pèlerinages très anciens  -ferveur curieusement disproportionnée pour ce saint inconnu qui, en tout état de cause, n’a rien à voir avec le disciple de  saint Benoît, lequel  n’est jamais venu en France. Il y a 14 autres saints du même nom, dont  5 martyrs.  Le pèlerinage a lieu le 15 janvier, date de la fête du saint Maur  qui était l’élève de saint Benoît, mais  reprend peut-être  , plus ou moins la date solsticiale ,  du  vieux rassemblement annuel des druides carnutes.
Mémillon, du gaulois Memillon, est à rapprocher du latin Mamilia  qui intervient aussi avec la Tour Mamilia dans le rituel du Cheval d’octobre. Selon Faustus,  cité par G. Dumézil, op. cit , p. 146 ,  une course sérieuse (à bord de raeda ou chariot à quatre roues pour les Gaulois , raeda étant un mot gaulois selon Quintilien , I, 5, 57 et 68  , à  bord  de char pour les Indiens et pour  les Romains) , avec pour enjeu  la tête du cheval immolé , «  s’engage entre les gens de Suburre et ceux de la Sacra Via, pour accrocher cette tête  , les gens de la Via Sacra au mur de la Regia [le palais où siégeaient les rois étrusques de Rome], les gens de Suburre à la Tour Mamilia. La queue du même cheval est portée à la Regia avec tant de célérité qu’il doit encore en tomber des gouttes de sang sur le foyer de l’autel, pour  faire participer la royauté au sacrifice. »  Chez les Carnutes,  la compétition devait avoir lieu entre Mémilllon, équivalent gaulois de Mamilia, et Meuves, où l’on peut supposer que se trouvait le Palais royal de Conconnetodumnos, et où la queue du cheval était apportée encore faiblement  saignante  au bout d’un trajet à cheval de 3 à 4 minutes. Il est  tentant    d’analyser  le gaulois memilion en  sacrifice d’êtres humains, gaulois medhu, sacrifice, et  gaulois nar, homme, sous la forme du   génitif pluriel naron,  donc à partir  de medhunaron, devenu medhuron, puis Mémillon, par conséquent  comme renvoyant anciennement à un sacrifice humain à Mars, sacrifice dans lequel au fil du temps  le cheval a été substitué à l’homme.   Jacques Guillemin, dans «  Saint-Maur –sur-le- Loir, mottes féodales et châteaux «  in Bulletin de la société archéologique d’Eure- et- Loir, n°52, 1er tr. 1997, p.3, évoque la situation d’une tour en bois  au sommet d’une motte féodale, la Tour Mémillon, qui, pour nous, fait écho à la Tour Mamilia à Rome.  Memillon est bien un mot gaulois, comme l’attestent les mots  mirmillonium, qui désigne en latin l’armement du sacrificateur  et mirmillones, les  gladiateurs armés du mirmillonium pour un combat rituel. Tel devait être l’armement des hommes, -les mirmillones, ou en grec myrmidones,  - qui s’affrontaient après le sacrifice des chevaux, combat qui était l’équivalent atténué du sacrifice humain  nécessaire plus anciennement pour « sacrer « le roi. On le retrouve dans myrmidones, le nom des guerriers d’Achille, avec même dans l’Iliade un souvenir de l’anthropophagie rituelle qui l’accompagnait, lorsqu’ Achille dit à Hector agonisant : « Ah ! Que ne puis –je dévorer ton cœur tout cru !»  Ceux qui, pour réfuter l’étymologie indo-européenne de Mémillon , voudraient tirer argument du nom de Guillelmus de Mémillon , Mansio Melinis (la maison de Milon ou Ménélas), Mesium Milonis en 1232, Mansium Menelaüm vers 865, lequel est  attesté en 1194 comme premier seigneur de Mémillon (J. Guillemin, op.cit. , p.10),  ne doivent pas oublier qu’il s’agit là d’une étymologie de scribe destinée à  ennoblir le noble  en question   et que, en 1200-1201, on appelle simplement celui-ci  Mesmillo., ou de Mesmillon. , puis en 1215 Mémillon.Ce type d’endroit et de nom  n’était pas le seul en Gaule : il suffit de songer à Montmédy dans la Meuse, de medhuaron et de Rueil –Malmaison  dans les Hauts- de- Seine :Rueil vient de Lutekia +suffixe indiquant un champ, l’équivalent du champ de Mars à Rome, savoir ialensin abrégé en ogilo. , (r)u(tek)ogilo, donnant Rueil et medhunaron, mermillon, melmansion, malmaison.
A Rome, les annalistes ont pareillement essayé de donner une existence à un Octavius ( le huitième mos, octobre) Mamilius , né à Tusculum, qui est l’allié de Tarquin le Superbe et fait tout pour que celui-ci , à la tête (imperator) des latins insurgés, reprenne le pouvoir sur les Romains.
 Le toponyme de Meuves, du gaulois medhuos, dans la même commune de Saint-Maur –sur –le -Loir, vient du gaulois medhu et correspond au  sanskrit medhu, de maidhu, sacrifice, lié au radical indo-européen qu’on retrouve dans le latin madeo, être humide de sang, dans  le grec machaira, de maidhara, couteau sacrificiel, dans le perse mârt , mort et  ce toponyme  renvoie au sacrifice des chevaux. 
Le nom de la  Conie et le souvenir de deux chefs carnutes cités par César dans la région : Conconnetodumnos et Cotuetos.
Les patronymes des chefs gaulois sont souvent empruntés au sacrifice de l’orge où se faisaient les rois et les chefs portaient souvent des noms de céréales, comme Brennus, de brannos, blé, à rapprocher de l’anglais bran.  Ainsi,  le nom de Vercingetorix est-il  à analyser en  urk, sillon,  geto , orge, et rix , roi, celui qui est fait  roi dans le sacrifice des sillons de l’orge, comme celui d’Orgétorix, un Gaulois helvète, de orgeto , sillon pour orge, et de rix, roi., ou des  Caturiges, catu de geto, grains d’orge,  et de urig , sillon .
 Il faut en rapprocher un nom du Mars carnute, Mogetes, de ma, grand,  de urk, sillon,  et de geta,  grains d’orge, cf    latin seges, de segets , moisson , champ d’orge, Seia, déesse des semailles, Segesta, déesse des moissons ainsi que  vieux haut allemand gersta, grains d’orge.
   Conconnetodumnos, chef d’un important  pagus (subdivision de la civitas ou nation des Carnutes),   a laissé la première partie de son nom à la Conie, la rivière de son  royaume.  Le mot latin  cuniculum qui veut dire lapereau, connil en ancien français, ne peut s’appliquer ici, le lapin ayant été introduit d’Espagne en Gaule beaucoup plus tard. D’autre part, il existe un lieu-dit le Conni près d’Illiers,  mais ce nom ne renvoie,  ni aux lapins, ni à une propriété du chef gaulois, étant préceltique et remontant à la tribu ibère des Kunésiens. .
 Le patronyme gaulois Conconnetodumnos   est apparenté au grec kenchros, millet à grappes ou millet des oiseaux (panicum italicum), orge,  et  aussi à konkos ou kokkos, grain (d’orge),   qui donne le gaulois concon- +etos (de uetos,   cf anglais wheat, froment, ou oats, avoine, allemand weizen,  et gaulois  uet dans Cotuetos ou uit dans uituriges ou Bituriges),   et au gaulois   dumnos, fourré, buisson, champ. Mais peut-être dumnos est-il ici  une altération volontaire, pour des raisons de secret religieux, de methuos, c’est-à-dire l’homme qui fait le sacrifice, et peut-être son nom véritable était-il Conconnetomedhuos, celui qui fait le sacrifice de l’orge, donc celui qui fait le sacrifice d’êtres humains. Le siège du royaume était peut-être près du Bois de Moléans, dans le hameau de Conie, à Conie- Molitard, union de deux communes, Molitard étant l’altération   du gaulois molitor, meunier d’un moulin à eau, car il y  avait deux de ces moulins au bord de la Conie.  Saint-Christophe, Saint-Maur  et surtout le bois de Moléans se trouvaient dans son royaume.
   A la tête d’un autre pagus voisin , Cotuetos (du patronyme gaulois répandu  Cottus auquel les  Alpes Cottiennes doivent leur nom),  dont le nom était apparenté au grec  kachrus, grain d’orge grillée,devenu cotu- et à edha, , de dhéa, orge, devenu en gaulois – et (à rapprocher du grec homérique  zéia,, épeautre pour les chevaux, du sanskrit yavah, orge,et  de la racine indo-européenne yew-, orge ), a laissé son nom à Thuy (de [co] tuet) sur la commune de Logron. Il y avait à Thuy de nombreux mégalithes, qui, vers 1950,  furent étudiés et photographiés en hélicoptère, mais l’exploitant agricole les a démolis et a même  fait disparaître le dernier sous un dépôt d’ordures ! Le royaume de Cotuetos devait s’étendre jusqu’au château de Chantemesle (dont le nom signifie la pierre, mar,  à orge) : là se trouvait le « polissoir » qui assurait la fécondité des moissons du royaume de Cotuetos et il s’étendait jusqu’à Douy , de (co) thouy, nom qui vient aussi de Cotuetos,  nom que portait aussi le  père du rebelle. .
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Conclusions de cet essai.
Le lieu où se réunissaient les druides carnutes (et eux seuls) était bien, comme Gilbert en a eu l’intuition, sur la commune de Saint-Maur,  le Bois de Moléans, peut-être non loin de la Fosse aux chefs sur la commune de Saint- Christophe, près du Loir. Le mot chef, dans ce toponyme de Fosse aux chefs  signifie peut-être tête et on connaît le culte des têtes coupées lié au dieu de la guerre et à ce sacrifice. Il devait y avoir 606 têtes ! Pour ceux qui trouveraient le nombre trop fort, rappelons qu’on a trouvé  606 squelettes à Ribemont.
   Le nom  de Moléans vient de meduanum, et le l de Moléans vient, non pas de la reconstitution lanum de méduolanum,  mais  du d de meduanum. Il est à rapprocher des noms de  Meung-sur-Loire et Neung —sur- Beuvron, où m et n alternent, et il ,a été mal compris par César qui l’a rattaché au latin medium, signifiant le centre, le milieu. Les chefs d’origine druide  Conconnetodumnus et Cotuetos voulurent profiter de la réunion traditionnelle des druides carnutes à Moléans  pour se faire reconnaître respectivement comme chef suprême  et roi des Carnutes, avec l’espoir, comme Vercingétorix et son père, de devenir les  souverain et roi des Carnutes, puis  de toute la Gaule. Pour cela, ils n’hésitèrent pas à remettre en honneur l’horrible sacrifice humain et équin le plus archaïque qui fût,  remontant à leurs ancêtres indo-européens, avec de plus la pratique rituelle des têtes coupées et de  l’anthropophagie.
  Au lieu du mode d’exécution indien par le feu, il se peut que les Carnutes aient choisi, comme les Romains, un autre mode d’exécution : les étouffer rituellement dans un chaudron, comme ils le faisaient des chevaux. Leurs têtes ont ensuite été coupées  avant de finir dans la Fosse aux chefs.
  C’est à Mémillon ou à Meuves, selon l’issue de ce  concours «  ancestral » ou « héréditaire » évoqué par les Mystères d’Eleusis , que les  têtes des chevaux , peut-être au nombre de quinze,qui  avaient été étouffés  sur la pierre druidique de  Saint-Maur ,  ont pu être coupées comme celles des 606 hommes et  ensuite  enterrées ;  quant aux  queues des chevaux , représentant la dernière gerbe d’orge coupée et par conséquent la divinité, elles ont été enterrées vers Meuves ( de medhu, sacrifice), sur les pierres « dont Lejeune a parlé en disant qu’à un quart  de lieue de Saint-Maur il y avait une Grosse Pierre de 16 pieds de haut, le long du chemin menant vers le moulin [du Tartre, porté moulin ruiné sur la carte IGN] , et 2 dolmens brisés entourés de 15 pierres » (Gilbert, op . cit.), chaque pierre étant particulière à un cheval..
   Plus loin , à Edeville  (la ferme d’Ede,  de [Epom]eduos , celui qui  est reconnu roi grâce au sacrifie des chevaux, avec attraction du nom du propriétaire de la villa gallo-romaine fouillée en 1924, Aegidius),   il est possible que d’autres parties des chevaux ,comme  la colonne vertébrale ou   le quartier médian du cheval, aient été enterrés, car on a retrouvé des squelettes équins lors des fouilles de 1924 qui ont mis au jour également une villa gallo-romaine (ferme de M. Levacher).

En Italie du nord, les palio  comme celui de Sienne, ont pris la succession de ce vieux rite indo-européen.

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