LES VERITABLES COLONNES D’HERCULE DE L’ANTIQUITE SONT SITUÉES À MINORQUE ET NON PAS AU DETROIT DE
GIBRALTAR.
L’emplacement
des colonnes
d’Hercule a toujours passionné les érudits de l ’Antiquité. Le plus souvent, ils y ont vu une métaphore
pour les montagnes qui encadraient le détroit de Gibraltar, mais il n’y avait
pas le moindre souvenir de colonnes.
Or, à Minorque, l’une des Baléares, on peut aujourd’hui
encore, admirer 26 colonnes colossales que, vu leur poids, seul Hercule aurait pu soulever et dresser
appelées taula , dont la forme est
très curieuse : une sorte de menhir
avec au sommet une dalle horizontale en équilibre . Cela ressemble
fort aux
colonnes en tau égyptien , ou en T,
de Göbekli Tepe en Turquie, qui
constitueraient le plus ancien temple de
l’humanité, si l’on en croit Klaus Schmidt et dateraient de quelque 10 000
ans.
Un stade important de
l’évolution vers les menhirs que nous connaissons : les taulas de Minorque avec pierres indépendantes taillées de façon
géométrique placées à leur sommet de
Minorque.
La preuve de
l’interprétation de cette pierre : le nom de l’île Pityussa (Minorque), qui signifie
l’île de l’orge dormante, par
allusion à la pierre qui surmonte les taulas, et des
îles Pityussae.
Le nom des Baléares est à rapprocher du grec aleiar, de waleiar, grec Baliar-ides,
les îles de la farine d’orge. Peut-être sous ce nom au singulier désignait-on
Majorque (Baléares majores). Quant à
Minorque et à Ibiza, elles font parte pour nous des Baléares (Baléares minores) mais pour les Anciens
elles font partie des îles Pityussae : on peut même
supposer que Pityussa au
singulier employé par Tite Live était le nom de l’actuelle
Minorque, tandis que Ibiza s’appelait Ebusia
ou Ebosia, Ebusos, Ebusus. L’origine des deux noms
est à chercher dans le mot orge (eta en
vieux –haut- allemand [cf. Gerte],
anglais oats, avoine et wheat,
froment, d’un radical wet. D’où dérive pity -. , de weti, devenu
bitu- cf le nom des Bituriges, les habitants du Berry, puis pit;u- .Dans le cas du nom ancien
d’Ibiza, Ebussus, eb- vient de wet,
orge, puis , par métathèse, ew –
devenu eb-.
Le second élément, aussi bien dans l’ancien féminin Ebusia que dans Pityussa
, pour nous plus intéressant encore,
est –-usia ou –ussa, participe présent au féminin du verbe signifiant dormir, grec
auô, de yauô, dormir, sanskrit va-sati.,
latin jaceo, gésir, être étendu. Le participe ya-ntya, attesté par le grec Pityunt-,
ou encore Pityoessa, Pityoussa, dorme
iussa, l’ensemble signifiant l’orge dormante et renvoyant au linteau surmontant le menhir, symbole du
sommeil ou de la mort de l’orge,
préalable à l a germination.
Le sens général des
menhirs plus récents, sans « marteau ».
Le menhir est un catalyseur magique de la percée et de la
germination végétatives.
En effet, le menhir ou toute
stèle en général a pour fonction magique d’imiter la croissance des plantes et
de la favoriser par magie imitative : plus
la pierre ou le tronc monteront haut, plus la plante montera haut. James
George Frazer, dans Le Rameau d’or,
Esprits des blés et des bois Ed. Robert Laffont, collection Bouquins,
Paris, 1984, 4 vol., vol .3, p. 26,
écrit du « Dionysos de l’arbre » que « son image
n’était souvent qu’un poteau planté en terre, sans bras », imitant
l’arbre fruitier qu’il s’agissait de faire pousser par sympathie, comme cela a
dû être le cas à l’île de Pâques pour les grands arbres nécessaires à la
navigation.
Et,
vol. 4, dans Balder le Magnifique, p. 98, Frazer écrit : « Dans
plusieurs parties de la Bavière, on pensait que la hauteur des tiges de lin dépendrait de celle des sauts des jeunes
gens. » Au Vanuatu, sur l’île Pentecôte, le spectaculaire saut du gaul
(mot signifiant plongeoir),
toujours pratiqué malgré les accidents mortels et qui consiste à sauter du point le plus haut, est censé
faire pousser les ignames d’autant plus
profondément que le saut aura été
accompli du plus haut plongeoir . En Nouvelle-Calédonie existaient de très
précieuse pierres à ignames et pierres à taros, sur lesquelles les sorciers
canaques faisaient encore, il n’y a pas si longtemps, leurs conjurations secrètes.
Le sens du linteau au sommet du menhir,
soit qu’il ait été taillé dans la masse comme à Göbek-li, soit qu’il soit
indépendant comme àMinorque.
Il faut se
rappeler la phrase du Christ raillée par
Voltaire, mais qui représentait pourtant les connaissances en botanique de
l’époque des débuts de l’agriculture : « Si le grain mis en terre ne meurt au préalable, il ne donne pas de fruit, mais s’il meurt, il
donne de nombreux fruits ». Pour
les hommes de la préhistoire et pour les primitifs, il fallait au préalable la
mort avant la germination et c’est
l’horizontalité de la dalle, linteau ou
traverse posée en équilibre au sommet de
la stèle qui symbolise la mort du germe.
Un peu de philologie .
Le nom de la capitale, Maõn,
dérive de moon désignant le sésame
(grec sèsamôn) ou le millet
(radical mel ou man) Ecoman à Viévy -le-
Rayé dans le Loir-et-Cher ou Germignonville, de ger minio villa, la ferme des grains de
millet.
Le mot « taula
» qui désigne ces mégalithes en
forme de marteau désigne le manche
d’un marteau et, par une métonymie
doublée d’une métaphore, un marteau. En grec, steleos désigne le manche
d’un marteau ou un rouleau et stèlè,correspondant
au latin stela, une colonne, une stèle.
Il faut le rapprocher du latin stolo,
stolonis, rejet, drageon,
éteule (mot désignant en français la tige des céréales
restée sur le champ après la moisson et
venant du latin stipula, de même signification.
On a retrouvé 274 « talayots » ou moulins de pierre coniques près de la trentaine de taulas qui ont survécu. Le mot talayot,
de tholadas, puis taladot,
semblable au mot corse et sarde torre,du
diminutif thula(dsa), est à rapprocher du grec thulas,
thulados, thulakos , sac à farine
, , panier rond, boisseau de farine, employé par métaphore à cause de la forme conique
de l’édifice.. Dans le monde égéen, le mot tholos
qui les désigne vient de th +l voyelle-. En Sicile, à Pantellaria, le même édifice,
appelé siso, de siro, tire son nom du silo, lié à Seia, la déesse latine qui présidait aux semailles.
On a retrouvé 274 « talayots » ou moulins de pierre coniques près de la trentaine de taulas qui ont survécu.
On trouve le nom de Torralba près d’une des plus fameuses taula
de Minorque, celle d’Alaior. (on trouve aussi en Sardaigne une
Torralba près d’un nuraghe, ce dernier mot étant à rapprocher du grec murax, moulin) : ce n’est pas la tour blanche, alba en latin, mais la torre
alph, cf. le grec alphi, farine
d’orge, c’est-à-dire le bâtiment à
faire de la farine, le moulin sacré où
l’on broie l’orge. Le nom du lieu, Alaior
, métathèse de aloiar, est à
rapprocher du dorien alôya, grange à
blé, et de l’homérique aleiar,
froment, dans l’Odysséee, XX, 108, cf le grec aleuron,
farine, aleô, moudre, arménien aram. La torre était un moulin sacré.
Voir
carte postale : Taula de Torralba à Alaior.
On est intrigué devant la tolla
de Taliti qui représente une dalle oblique appuyée contre le pied
droit d’une taula avec , au sommet de la dalle oblique, une grosse pierre ronde évoquant un épi
d’orge. L’étymologie de Taliti nous donne tal – eta, tal , de dav, lié à duo, deux , double, et à eta
signifiant orge (vieux haut allemand gersta],
soit l’orge double , les deux
plants d’orge. Certaines autres taula présentent d’ailleurs le
mégalithe intact, avec cette dalle aujourd’hui oblique encore droite et servant de 2e support
(photo sur la couverture du livre de A. Pardo, L’Espagne primitive).
Quant aux navetta (d’En Tudon, et autres) , il faut y voir la
barque renversée en signe de mort de son propriétaire, avec l’écope, le plat ,
l’écuelle, l’huile pour affronter le soleil de l’au-delà, le tout étant
caractéristique des Ibères ou Ouigours.
Le trajet des
créateurs des taulas.
Deux voies s’offrent à nous pour remonter à la source des taulas : la voie linguistique et la
voie de l’ADN de l’orge en cause.
1)On peut
les suivre à travers le nom Pityussa :
non loin de Göbekli, on trouve Pityunte, une ville de Colchide près du
Pont-Euxin, Pityussa, une ville de
Troade, puis une ville de Chio, une de Lampsaque, une de Salamine, une île Pityoussa entre l’Attique et le Péloponnèse dans le golfe
Saronique. L’ancien nom de la
Sardaigne était, selon Aristote, Ichnoussa, qu’il est tentant de
rapprocher de Ebussa ou de Pityoussa , et signifierait blé blanc dormant. Le nom ichnos
désigne la sandale. Or, le mot latin sandala selon Pline l’ancien désigne le blé blanc, Le nom Sardaigne viendrait selon Pline de sa forme de
sandale et il la qualifie de sandalôpis, qui
ressemble à une sandale…ou à du blé blanc, car sandala désigne cette
variété de céréale.
On retrouve
la trace de ces migrateurs ibères et de leur tombes au nord du Tibet, dans l’immense désert de
Taklamakan ,où des archéologues chinois ont eu l’étonnement de découvrir une nécropole, avec
des momies aux traits européens, aux cheveux châtains et au nez long, datant
d’il y a 4 000 ans et enterrés dans des bateaux retournés recouverts de peaux
de vache , avec un mât de bois situé à la proue , de 4 mètres de haut et dont
la sculpture varie selon le sexe : pour les hommes , le sommet est effilé,
tandis que , pour les femmes, le sommet serait plat et peint en noir et rouge. Le mât renversé
devient une godille (à la poupe du bâtiment) qui permet de se diriger dans les eaux de l’au-delà.
2) Grâce à l’ADN végétal, on a pu
suivre les céréales d’Europe et remonter à leur origine il y a quelques 10 000 ans. Bien avant le changement
de climat qui provoqua dans le Croissant
fertile, au nord de la Syrie, une
désertification importante, poussait à l’état sauvage une sorte d’engrain (de un grain, einkorn en allemand ; l’escourgeon
a deux grains, l’orge en a quatre) qui est présent encore aujourd’hui
sur le mont Karacadag, dans la province de Sanliurfa. C’est l’ancienne cité de
Hiérapolis , « la ville sacrée » , où est né Abraham et dont le
pseudo-Lucien a évoqué le temple dans La Déesse syrienne, Altagartis, nom
signifiant la déesse des sillons pour
l’orge(cf le vieux haut allemand gersta,
grains d’orge),ou Astarté ou Astréa, ou Rhéa (de dhéa, orge ) . Là se situe le sanctuaire de Göbekli Tepe
fouillépar Klaus Schmidt et daté de 100000 ans : ce serait , selon le
chercheur allemand, le premier temple de l’humanité. Or, l’ADN
nous révèle que cette plante
sauvage est l’ancêtre de 68 céréales
contemporaines, dont l’escourgeon à deux grains ou orge d’automne de Minorque !
Voilà qui nous permet de remonter à la
source des taula, aussi bien
pour la forme du mégalithe que pour la
céréale en cause.
Le menhir d’origine avait ainsi le
sommet plat pour qu’on puisse y poser la
dalle symbolisant le grain mort. D’autre part, pour plus de facilité, les
sculpteurs se sont parfois contenté de tailler le haut du menhir en demi-cercle
et de séparer le haut du bas par une ligne : la tête du menhir
représentait le grain mort ou dormant.
La disposition en cercle des menhirs est peut-être
inspirée des ces « ronds de sorcières » qui, en une nuit, apparaissent
soudain sur les prairies et donnent une
preuve de la fécondité de la nature ; ceux-ci sont composés de champignons souvent
comestibles, mais l’imagination populaire, stupéfaite devant la régularité
du cercle et la soudaineté de son apparition, y voit l’œuvre de forces souterraines.
Quel était
le but de cette disposition circulaire qui apparaît dès l’origine, à
Gobek-li ? il s’agissait de représenter le cycle de la mort du grain,
de sa germination et de sa mort à nouveau, sans solution de continuité.
Il est
révélateur que les statues de l’île de Pâques avec leur chapeau aient suscité
plus d’articles, voire d’ouvrages que
ces taulas à portée de nous pourtant.
L’extraordinaire
trilithon (3 dalles) de Tonga, à rapprocher de la taula de Talati à Minorque
aux Baléares.
Tel
est aussi le sens du portique de Tonga. Il s’agit de deux cocotiers qu’on
désire faire pousser magiquement, la traverse représentant les germes des cocotiers
morts, comme la taula de Taliti à
Minorque représentait deux pieds d’une
orge « dormante », entendons morte. Il y a 10 000 ans, dans la Turquie actuelle, à Gobëk-li , les menhirs dits en t ou en
tau (ou en marteau) avaient
la même signification que les taula
de Minorque … ou que le portique de
Micronésie, celui de Tonga et les moai
de l’île de Pâques. A noter qu’au fil des siècles et des distances
parcourues la dalle s’était transformée en ce qui ressemble plutôt à un
cylindre.
Il y a dix mille ans, la révolution
agraire et le sanctuaire de Göbekli Tepe en Turquie., ou l’apparition concomitante des premières céréales cultivées
et des premiers menhirs, ou menhirs en
forme de maillet ou marteau d’une seule pièce , dits encore menhirs en tau grec
à deux branches (T)
Un peu de mythologie.
Göbek-liTépé signifie sanctuaire non couvert d’un
toit en phrygien, langue indo-européenne
faisant partie du groupe tokharien,
plus exactement enclos sacré, délimité par de curieux menhirs disposés en cercle .Le mot tepé est apparenté au grec téménos, enclos sacré, comme au latin templum
, désignant à l’origine un espace délimité dans le ciel., puis le même
espace sur terre, et pour finir, le
temple monumental. .
Quant à Göbekli,-, on retrouve ce nom à Malte pour un sanctuaire
englouti à 2 kilomètres de la côte, le
sanctuaire de Gebelgol -Bahar, la jument chargée d’orge,
de gobek + suffixe de féminin –l
voyelle et bahar en tokharien signifiant froment, cf. le .latin far, grec puros. L’historien grec
du VIe siècle Hérodote (IV,
94) nous a conservé le nom de la déesse Gebeleïdzis (où l’on
reconnaît Göbekli avec un postfixe -dzis signifiant
orge , comme le grec homérique zeia, C’est une déesse dont on a la variante thrace Zamolxis, de gabokldsis , et
Hérodote attribue cette divinité aux
Gètes, peuplade Thrace installée sur le Danube, dont le nom est à
rapprocher de celui de l’orge, vieux haut allemand gersta, du nom de la déesse
latine des moissons Segesta, , de segersta, semences d’orge ,ainsi que du nom du Taygète, de gresta.
, grains d’orge.
La mythologie a mythe nous apprend que
Triptolème inventa le triple labour
ainsi que les chariots à quatre roues, bien utiles pour tirer les
énormes blocs rocheux dont sont faits les menhirs. Son nom, signifiant celui
qui laboure trois fois, vient de tri,
trois fois, et du radical qu’on retrouve
dans le latin plaustrum, de plauk-strum, chariot de labour, dans
l’anglais to plough, labourer, dans le latin plicô , faire un sillon, faire un pli, et dans le grec plekô, plier. La jachère au sens premier
consistait à préparer le sol à la fin de l’été pour les semailles
d’automne par un triple labour, de façon à en extirper les racines. C’est une
pratique des Gaulois de certaines régions de la Gaule, en Eure-et-Loir
notamment. Les Gaulois appelaient cette action
gasicharia, ce qui
donne la galichère (Châillon-en-
Dunois), de gasicaria, aussi bien que
le nom du site de Montgasteau, de gaskariata,
colline gastellée, transformée en
jachère., dans la commune de Saint- Denis-les- Ponts, ou le bois du Gast à Châteaudun.
C’est Allemand,
Klaus Schmdt qui a exécuté les fouilles de Göbek-li de
1995 à sa mort en 2014 et il a fourni
le récit de ses recherches dans Le
premier temple, CNRS Editions, Paris, 2015, 420 pages et illustrations.
Que
signifie Göbekli ? Avec un
suffixe –li (ou –ni) de féminin (c’est le sanctuaire de la Jument), il est parent du latin cavallus (de cavaklus),
qui nous a donné le français cheval,
et du grec kobalos ; il désigne
tout animal destiné à porter une charge, un onagre ou âne sauvage
originellement (l’âne a servi pour le labour et il fut le favori d’Apollon
lycien), puis un cheval de labour. ,
ou destiné à porter une charge, d’orge
notamment. Le mot a été repris par
l’arabe al-gazal, qui a donné notre gazelle. La jument est associée aux
céréales et aux menhirs , si bien qu’ on retrouve ce radical dans des noms de
lieux préhistoriques riches en menhirs comme Gavarni (de gabalni,
la déesse Jument), l’îlot
Gavrinis en Bretagne, le dolmen de Kergavat à Plouharnel dans le Morbihan , et dans Cauro(ni) en Corse. La déesse
gauloise Epona, au nom parent du
latin equa, equina, jument, dont, selon Juvénal (Satires, VIII, v. 155), on
peignait l’image dans les écuries devant des mangeoires emplies d’orge, doit
être un réaménagement de la déesse
Göbekli : le cheval portant les morts dans les cortèges, il est naturel que la déesse ait également
des rapports avec le monde souterrain des morts,
Cérès ou Dèmètèr (dont le nom signifie la mère de
l’orge, dhea signifiant orge, cf. le
mot latin hordea, grammaticalement un collectif, grains d’orge),deux déesses de l’orge et du blé, transformées en jument, et le rôle de
Mars, originellement un dieu agraire.
Le nom de
Mars, archaïque Mavors , génitif Mavortis
, vient de
ma ,nourricier,et d’une racine werkw, qui donne à la fois
un mot signifiant ligne droite,puis sillon,
orthos en grec (cf Artémis Orthia , avec digamma attesté en
lacédémonien , première partie d’Arté-mis
, et la déesse gauloise Artios) et
plusieurs autres noms du sillon , en
latin sulcus, en lituanien welku, et en grec aulax,
ou , à l’accusatif, ôlka.
Son nom est identique à celui de la déesse irlandaise de la guerre, Morriggu, de ma, nourricier, et de
urikw, sillon, le celtique Brigitta
signifiant le sillon nourricier de l’orge, de ma-vrig et eta , orge. Mars est l’ancêtre des Romains
comme celui des Marses, peuple
sabin du Latium, celui des Marrucins
et celui des Mamertins. Le mot
français malt, c’est-à-dire l’orge germée et séchée pour la fabrication
de la bière, vient de l’allemand Malze et,
comme vraisemblablement le nom de l’île de Malte
lui-même (de ma arta), vient du nom
du Mars agraire, ma arts, qui
signifie le sillon (varts) nourricier (ma)..
Selon les traditions locales, Mars poursuivit Cérès de ses importunités.
Celle-ci se métamorphosa en jument pour lui échapper, mais Mars se transforma également en cheval
de labour et il naquit de cette union
deux enfants : une fille dont il
était interdit de prononcer le nom et qu’on appelait seulement la Dame ou la Maîtresse, savoir la femme du dieu des morts Orcus, Proserpine
ou Perséphone (de Pherks -éponè, la jument d’Orcus ou Phorkus), et un cheval nommé
Aréion qui tire son nom de son père Arès, dieu de la guerre grec.
Mais l’engloutissement
du sanctuaire de la Jument, Gebel –Gol Bahar, au
large de l’île de Malte, vint modifier ces croyances. Cet engloutissement témoigne de la montée des eaux et du recul de
la côte lors du dernier maximum
glaciaire, à la fin du pleistocène, vers -8500. Il est contemporain de
l’immersion de l’île de Pantelleria Vecchia, à 60 kilomètres au
large de la Sicile, où, par 60 mètres de fond, on a trouvé un menhir de 12
mètres de haut. Le raz-de-marée fut attribué à la colère du dieu de la mer Poseidon,
et on retira à Arès la paternité d’Aréion et de Proserpine pour en faire
honneur à Poseidon, pensant l’apaiser, mais en interdisant de révéler le nom de
Perséphone. .
Les
mystères d’Eleusis furent consacrés à Déméter, la mère de l’orge, et comprenaient un concours « ancestral » dont on ne sait pratiquement rien,
sinon qu’il s’agissait d’une course de chars et qu’elle se déroulait en
octobre, avant les labours. Précisons que l’orge dont nous parlons est l’orge
d’automne, ou escourgeon, plutôt que
l’orge d’hiver. .Le mot escourgeon est
d’origine gauloise et vient de ksordeon, avec, à l’initiale, une palatale à explosion
sifflante, équivalente à l’h du latin hordeum,, grain d’orge. Le
rituel romain du Cheval d’octobre, probablement comparable au « concours
héréditaire » des Mystères, son rapport à la moisson et à Mars sont étonnants
pour nous, mais ils sont bien établis.
Le rituel du cheval d’octobre à Rome nous montre le sacrifice d’un cheval sur le Champ de Mars avant les semailles. La tête du cheval sacrifié était garnie
de pains et sa queue était coupée, et
apportée au palais royal, donnant lieu à une compétition sur des chars entre groupes de quartiers différents. Cette
queue du cheval (il s’agit sans doute d’Aréion, le fils de la déesse du blé)
incarne la dernière gerbe de blé coupée,
dans laquelle les moissonneurs voyaient à l’époque la mort provisoire de la
déesse du blé, et toutes deux, la tête et la queue, sont offertes à Mars « en
vue de la germination des futures moissons », selon Festus au IIe siècle, cité par Georges Dumézil qui a étudié ce rituel romain mystérieux dans Fêtes romaines d’été et d’automne,
Gallimard, Paris, 1975, p. 145-157. Mais
nous avons suivi ici
Mannhardt et son école, et nous nous sommes librement inspirés de James
Georges Frazer et de ses Esprits des
blés et des bois. Les Védas (-10000 av. J. –C. selon Bâl Gangâdhar Tilak)
décrivent un sacrifice du cheval (asvamedhi)
qui présente de troublantes ressemblances avec le sacrifice romain: la
tête de la jument est offerte à la reine, tandis que la queue, le ventre et les
reins sont offerts aux autres
assistants, et le prêtre offre à la jument sacrifiée les restes de l’offrande
d’orge de la nuit précédente.
Les menhirs en cercle.
Le menhir d’origine
avait ainsi le sommet plat pour qu’on
puisse y poser la dalle symbolisant le
grain mort. D’autre part, pour plus
de facilité, les sculpteurs se sont parfois contenté de tailler le haut du
menhir en demi-cercle et de séparer le haut du bas par une ligne : la tête
du menhir représentait le grain mort ou dormant.
La disposition en cercle des menhirs est peut-être
inspirée des ces « ronds de sorcières » qui, en une nuit, apparaissent
soudain sur les prairies et donnent une
preuve de la fécondité de la nature ; ceux-ci sont composés de champignons souvent
comestibles, mais l’imagination populaire, stupéfaite devant la
régularité du cercle et la soudaineté de son apparition, y voit l’œuvre
de forces souterraines.
Quel était
le but de cette disposition circulaire qui apparaît dès l’origine, à
Gobek-li ? il s’agissait de représenter le cycle de la mort du grain,
de sa germination et de sa mort à nouveau, sans solution de continuité.
Les menhirs en forme
de marteau se joignant dans des cercles ou crom-lechs .
A Göbekli Tepe, vers 9600
avant J. -C, on a déjà des enclos
circulaires de « menhirs » en tau , surmontés d’ une pierre
horizontale dépassant de chaque côté, qui symbolise par son horizontalité le
dieu du
grain mort afin de renaître, Sabazios ou Zagreus. Un cas d’évolution
sémantique surprenant nous est donné par le latin populaire tutare,
protéger,conserver, mettre (le
grain (sous terre à l’abri des rongeurs
et des oiseaux) ,enterrer (le blé), verbe
qui ,en français, a laissé
l’étonnant doublet sémantique tuteur et tueur.
.A Göbekli, Tepe, en – 10 000 il s’agit d’un « cromlech » où les menhirs en
tau sont simplement juxtaposés, prêts de
se rejoindre comme ils le feront plus tard, vers -2800,
à Stonehenge. Le second élément de Stone
-henge est, d’après
Christopher Chippindale, dans son Stonehenge
Complete , un mot signifiant potence, gibet, savoir en vieil anglais hen (c) en, plus tard rapproché à
tort dans l’esprit populaire du nom
courant du dolmen, stone hung, pierre
suspendue. Henge est parent du grec phalang-, fléau de balance : avant de désigner le gibet,c’est-à-dire
un poteau avec un une traverse, le mot henge désignait le marteau. Tel était le
nom de
ces curieux linteaux. A moins de 3 kilomètres de Stonehenge, sous le
sol, à 1 mètre de profondeur, on vient de découvrir un autre
site, celui de Durrington walls, riche de 200 menhirs en cercle et
antérieur, pense-t-on, au cercle de « pierre de sarsen » avec ses 30
linteaux et 30 monolithes, daté de
-4500.
Il est
révélateur que les statues de l’île de Pâques avec leur chapeau aient suscité
plus d’articles, voire d’ouvrages que
ces taulas à portée de nous pourtant.
Nous allons brièvement examiner deux exemples exotiques d’architecture
comparables à à celle de Minorque et de Göbek-li, àTonga et àl’île de Pâques.
L’extraordinaire
trilithon (3 dalles) de Tonga, à rapprocher de la taula de Talati à Minorque
aux Baléares.
Tel
est aussi le sens du portique de Tonga. Il s’agit là de deux cocotiers qu’on désire faire pousser
magiquement, la traverse représentant les germes des cocotiers morts, comme la taula de Taliti à Minorque représentait deux pieds d’une orge « dormante »,
entendons morte.
Le prétendu -chapeau indépendant (pesant
parfois jusqu’à douze tonnes !) des « moai »de l’île de Pâques.
Au
fil des siècles et des distances parcourues, la dalle s’est transformée ici en
ce qui ressemble plutôt à un cylindre.Le cylindre (voir mon blog sur l’île de
Pâques)
a la même
signification qu’à Minorque, sauf qu’il s’agit ici, non plus d’orge, mais d’un
de ces grands arbres nécessaires pour
construire les pirogues et qui avaient disparu
dans l’île.
La postérité de la pierre qui surmonte les menhirs de Gobek-li et
de Minorque .
Revenons un
instant au livre de Klaus Schmidt :
il y montre comment le sommet des menhirs ou plus exactement la partie de la
pierre qui était un linteau était soigneusement creusée de cupules, mais
n’explique pas pourquoi. Je pense que ces cupules étaient emplies de terre et
semées de plusieurs grains de céréales sauvages. Dans l’esprit des populations
préhistoriques,ces grains devaient
mourir,être en latence, avant de pouvoir
germer et constituer, à certaines saisons, un jardin suspendu, comparable aux Jardins d’Adonis, encore pratiqués à
Pâques dans certaines régions de Corse.
Au VII e
siècle ap. J. -C. encore, dans les mystères d’Osiris, les prêtres devaient
façonner une effigie d’Osiris, appelée « Osiris végétant », avec du limon
noir et des graines d’orge. La composition de limon et d’orge se retrouve dans
le mot sicilien dagus, dagudos, nom qui est composé de da, orge et de gus,
proche du grec gè, terre, et qui
désigne une poupée magique. Les Egyptiens arrosaient cette poupée avec l’eau sacrée du Nil jusqu’à germination,
puis l’emmaillotaient dans des bandelettes comme si c’était une momie et, -plus
étrange pour nous, -inhumaient, enterraient cette orge germée en forme
d’effigie d’Osiris.
Le cercle des menhirs visait
à imiter et à favoriser , par
magie sympathique, non pas le cours du soleil dans le ciel, mais l’indispensable mort des grains durant la saison froide,
puis leur germination , ensuite
leur mort à nouveau dans un cycle sans fin. Il existait parfois, au centre du cercle, un ou deux menhirs plus grand, les chefs
d’orchestre divins en quelque sorte qui
représentaient, non pas le soleil et la
lune, mais la déesse du blé ressuscité
et sa fille la déesse du blé mort,
Dèmèter et Perséphone :
Perséphone , représentante du blé mort et enterré, était capable de fléchir son époux Pluton et de
libérer des demeures souterraines les
grains morts comme de s’en libérer elle-même. Les hommes de la préhistoire étaient frappés par le fait que
les morts sont plus nombreux que les vivants et ils étaient persuadés que les
grains « morts » sortiraient de terre
en grand nombre, s’entraînant les uns les autres. Le grain mort est
symbolisé dans le mythe par le grain sanglant de grenade avalé par Proserpine
et qui la lie à jamais aux Enfers, à la vie souterraine.
Qu’est-ce qui nous indique aujourd’hui ,
dira-t-on, la mort du blé dans ces cromlech, à défaut du linteau
horizontal primitif ou d’un nom
comme celui du Parc ar verret, , le champ aux morts, dans la presqu’île de
Saint-Laurent ? Peut-être la fermeture du cercle y suffisait-elle. Mais on
trouve souvent des pierres éparses tout près, autrefois disposées de façon
à symboliser cette mort parce qu’elles
constituaient un prolongement .horizontal à la base des menhirs et qui les
liait entre eux. Ainsi, à Crucuny, 22 menhirs se trouvent reliés
par un mur de pierres sèches presque aussi grosses que les plus petits des 22
menhirs ; dans la presqu’île du Crozon, à Lagatjar (où l’on reconnaît le mot signifiant jument et désignant
Cérès cf. le nom du dolmen de Kergavat à Plouharnel dans le Morbihan et signifiant la maison de la
Jument), le grand côté du rectangle
qui forme une sorte de cromlech se
prolonge par de petits bras qui dépassent les angles du rectangle. Ce muret
(qu’on retrouve dans un cromlech à
Porspoder), ces dépassements qui évoquent ceux du tau d’Asie ou de Stonehedge ,
sont des indices que le symbole du grain de blé mort a pu être
transféré du sommet du menhir à sa base.
Une
preuve, en tout cas, que le « cromlech » est identique au menhir dans sa fonction de
catalyseur magique des récoltes nous est donnée par le nom de l’un d’entre eux
en Bretagne, Crucunio, nom qui, comme
celui de Courcouronne,Cucuron dans le Vaucluse, Coucouron en Ardèche, Cuguron en Haute-Garonne ,Cuqueron dans les Pyrénées –Atlantiques , ou du site préhistorique de Cucuruzzu en Corse,
dissimule le radical acur-
du latin acus (de acurs), aceris, balle du blé. Cette racine akur- signifie la (pierre-) épi, mais iI y a parfois eu confusion entre acucula, de acurcula, pointe
d’épi de blé ou d’orge avec sa balle, et cuculla,
capuchon. D’autre part, le toponyme
Crucunio a subi l’attraction sémantique du latin curculio,
curculionis, charançon ou ver du
blé,qui venait lui-même de curcul (a)+suffixe
–ellio, et il est devenu crucunio à partir de curcurio, crucurio, par dissimilation
du r. On songe, en Turquie, au site néolithique de Gurcu-tepe, le temple des pierres -épis.
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